HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

NOTES, ÉCLAIRCISSEMENTS ET PIÈCES INÉDITES

 

XIII. — ÉTAT MATÉRIEL DES REGISTRES DES SECTIONS PARISIENNES PENDANT LES PREMIÈRES JOURNÉES DE SEPTEMBRE 1792.

 

 

Des quarante-huit sections, il y en a douze dont la préfecture de police ne possède pas les registres correspondant au mois de septembre 1792 et sur les délibérations desquelles nous n'avons pu recueillir aucun renseignement, à savoir :

2.

Champs-Élysées[1].

30.

Enfants-Rouges.

4.

Palais-Royal.

36.

Notre-Dame.

10.

Halle-au-Blé.

40.

Quatre-Nations.

11.

Postes.

41.

Théâtre-Français.

14.

Bonne-Nouvelle.

44.

Thermes-de-Julien.

20.

Faubourg-Montmartre.

45.

Sainte-Geneviève.

Les procès-verbaux de sept sections ne constatent aucune séance, pendant les journées des massacres, sans qu'il y ait sur le registre ni blanc, ni feuillets coupés, à savoir :

12.

Place Louis XIV.

37.

Henri IV.

18.

Lombards.

38.

Invalides.

23.

Temple.

39.

Fontaine-de-Grenelle.

27.

Gravilliers.

Pour vingt sections, les registres constatent qu'il y eut séance le 2 et le 3 septembre, mais ne contiennent rien de relatif aux massacres, à savoir :

1.

Tuileries.

26.

Quinze-Vingts.

3.

Roule.

31.

Roi-de-Sicile.

5.

Place Vendôme.

32.

Hôtel-de-Ville.

6.

Feydeau ou Bibliothèque.

33.

Place Royale.

9.

Oratoire.

34.

Arsenal.

15.

Ponceau.

35.

Ile-Saint-Louis.

16.

Mauconseil.

42.

Croix-Rouge.

17.

Marché-des-Innocents.

46.

Observatoire.

22.

Bondy.

47.

Jardin-des-Plantes.

24.

Popincourt.

48.

Gobelins.

Enfin, neuf sections seulement prirent des délibérations relatives aux événements ; pour plusieurs de ces neuf sections, c'est à l'aide de documents autres que leurs registres que nous avons pu constater le fait.

N° 7. — La section Grange-Batelière ou Mirabeau, qui avait à se faire pardonner le modérantisme dont elle avait donné tant de preuves jusqu'au 10 août, prit la délibération suivante, que nous avons trouvée consignée sur son registre :

2 septembre. Sur la motion d'un membre de faire marcher, avec les volontaires parisiens, les ci-devant comtes, marquis, ducs, barons, ci-devant nobles et financiers, de plus, les citoyens qui ont signé des pétitions inconstitutionnelles et qui ont assisté aux clubs monarchiques des Feuillants, de la Sainte-Chapelle ; qu'ils soient placés entre des patriotes pour les surveiller. Cette motion, mise aux voix a été arrêtée à l'unanimité ; il a été arrêté que le présent serait envoyé sur-le-champ aux quarante-sept autres sections pour y adhérer, et au conseil général de la commune.

 

N° 8. — Le registre de la section du Louvre contient cette mention :

2 septembre 1792. — Une députation de la section Poissonnière a été introduite et a fait part d'un arrêté par elle pris, portant que les conspirateurs seraient livrés à la mort, les prêtres réfractaires et enfants d'émigrés seraient placés aux endroits les plus périlleux de l'armée. L'Assemblée, après en avoir délibéré, a adhéré à cet arrêté, et M. le président a invité les membres de la députation aux honneurs de la séance.

 

N° 13. — La section de la Fontaine-Montmorency, qui, en 1792, s'appelait la section de Molière et La Fontaine, et devait bientôt s'appeler la section Brutus, a consigné sur son registre la mention suivante :

Séance du 2 septembre. — Une députation de la section Poissonnière a lu l'arrêté suivant de cette section :

Tous les conspirateurs de l'État, actuellement renfermés dans les prisons d'Orléans et de Paris, seront mis à mort avant le départ des citoyens qui volent à la frontière.

Les prêtres réfractaires, les femmes et les enfants des émigrés seront placés, sans armes, aux premiers rangs de l'armée qui se rend sur la frontière, pour que leurs corps servent de rempart aux bons citoyens qui vont exterminer les tyrans et leurs esclaves.

L'Assemblée, par l'organe de son président, a remercié MM. les députés de la communication de cet arrêté.

 

N° 19. — La section des Arcis a inscrit sur son registre une mention fort ambiguë, où le mot de massacres n'est pas prononcé ; la voici :

2 septembre. — Un membre ayant fait la motion de s'assurer des prisons dites du Châtelet, de la Conciergerie et de la Force, l'Assemblée, consultée par son président, a arrêté que l'on s'assurerait desdites prisons.

 

N° 21. — La section Poissonnière donna évidemment le signal des massacres ; on trouve la preuve du passage de ses délégués dans les sections du Louvre, de la Fontaine-Molière, du Faubourg-Saint Denis et du Luxembourg. L'arrêté qu'elle prit le 2 septembre fut probablement consigné sur le registre de ses délibérations ; mais à une époque qu'il est possible de déterminer exactement, un feuillet, le quarante-septième, a été enlevé. La lacune existe entre la séance du 28 août et la fin de celle du 2 septembre. L'auteur de cette suppression croyait avoir anéanti la preuve matérielle et unique de l'arrêté Poissonnière, il ne pouvait se douter qu'il se trouvait inscrit sur les registres de trois autres sections. Ce fait providentiel doit prouver une fois de plus combien il est difficile de faire disparaître toutes les traces d'un crime commis administrativement.

N° 25. — La section de la rue de Montreuil n'a sur son registre rien ayant trait aux massacres et aux idées qui fermentaient au même moment dans le sein de la capitale ; mais nous avons découvert la copie authentique d'une délibération qui porte la date du 2 septembre et qui émane de cette section, preuve nouvelle que toutes les délibérations prises ou censées prises par une section n'étaient pas toujours consignées sur les registres. Elle est ainsi conçue :

Du 2 septembre 1792. — La section de Montreuil arrête que tous les signataires de la pétition contre l'affaire du 20 juin et les membres de la Sainte-Chapelle seront tenus de marcher à l'ennemi, mêlés parmi les patriotes, pour y être punis de leurs mains au cas qu'ils ne marcheraient pas avec franchise ; que les membres composant le juré d'accusation et de jugement soient autorisés à nommer entre eux le directeur du juré, pour écarter de leur sein les ennemis de la chose publique qui, jusqu'à ce moment, ont sauvé de dessous le glaive de la loi tous les conspirateurs ; qu'il soit fait une adresse à l'Assemblée nationale pour demander une loi qui oblige tous les rentiers, qui ne pourraient pas payer de leurs bras pour défendre la liberté, de payer de leur fortune pour soutenir les femmes et les enfants dont les pères seront à combattre l'ennemi.

 

Du 3 septembre. — La section demande la cassation du comité des Vingt-et-Un à l'Assemblée nationale, soupçonné d'aristocratie contre-révolutionnaire ; demande qu'il soit formé une compagnie de tyrannicides pour détruire les tyrans ennemis de la patrie et de la liberté, et notamment Brunswick et autres de l'armée antirévolutionnaire, qu'ils soient payés par la nation d'après leurs exploits.

Pour extrait conforme,

METTOT.

 

N° 28. — Le registre de la section du Faubourg-Saint-Denis contient les deux mentions suivantes :

1er septembre 1792. — Un membre est venu annoncer que la commune avait fait demander à l'Assemblée nationale quatre commissaires pour se transporter aux prisons, se saisir des registres et mettre sous la sauvegarde de la loi les prisonniers pour dettes et mois de nourrice, et livrer à la vengeance du peuple le reste des arrêtés au sujet de la journée du 10 août.

 

Du 2 septembre. — Il a été fait lecture d'un arrêté de la section Poissonnière, qui expose les dangers de la patrie et qui appelle tous les citoyens à sa défense, qu'il importe de purger la capitale de tous les monstres qui ont conjuré sa perte et celle du royaume ; arrête que tous les conspirateurs enfermés dans les prisons de Paris et d'Orléans seront mis à mort avant le départ des citoyens qui volent au salut de la patrie.

L'assemblée, étant très-peu nombreuse, a remis à demain son adhésion et s'est séparée.

 

N° 29. — Le registre de la section Beaubourg ou de la Réunion a un feuillet coupé, mais le passage supprimé a trait à la fin de la séance du 5 septembre et à la presque totalité di. celle du 6. Nous n'avons pu découvrir quel était l'incident qui avait pu porter quelques-uns des membres de cette section à opérer cette mutilation.

N° 43. — La section du Luxembourg fut une des plus actives pour pousser au massacre. Ses procès-verbaux de cette époque n'existent pas dans la collection de la préfecture de police. Mais, parmi les pièces de la procédure dirigée en l'an ut contre les septembriseurs, nous avons retrouvé la copie des délibérations prises le 2 septembre et jours suivants par cette section. Nous les donnons in extenso, elles sont trop importantes pour être analysées :

Du 2 septembre. — Sur la motion d'un membre de purger les prisons en faisant couler le sang de tous les détenus avant de partir de Paris, les voix prises, elle a été adoptée ; trois commissaires ont été nommés, MM. Lohier, Lemoine, Richard, pour aller à la ville communiquer ce vœu, afin de pouvoir agir d'une manière uniforme.

L'Assemblée, avertie par le commandant que nombre de citoyens se portent à la maison des Carmes, a autorisé le commandant à prendre toutes les voies que sa prudence lui indiquera avec une force suffisante pour prévenir les accidents.....

L'assemblée générale autorise le comité de recevoir et donner des reconnaissances des effets qui seront apportés des Carmes. M. le commandant du bataillon a fait rapport qu'il s'est transporté au couvent des Carmes pour prendre toutes les mesures convenables à l'effet de prévenir les accidents qu'on avait lieu de craindre, relativement aux prisonniers détenus dans ce couvent, mais que sa prudence n'a pu empêcher ces mêmes accidents. Il observe que la force serait devenue inutile dans cette occasion, que la multitude innombrable s'est portée à sacrifier à sa juste vengeance les prêtres perturbateurs qui étaient détenus dans cette maison.

L'assemblée, convaincue du patriotisme qui a toujours animé M. le commandant, applaudissant à la prudence qu'il a employée, a arrêté de faire part sur-le-champ au conseil général de la commune des événements qui viennent d'arriver et des circonstances qui les ont accompagnés.

M. Violette, un des commissaires de la section, amène dans le sein de l'Assemblée neuf particuliers détenus aux Carmes, qu'il est parvenu à soustraire à la vengeance du peuple.

L'Assemblée nomme MM. Lohier, Violette, Geoffroy-Rochet. Legendre et Lemaire, à l'effet d'interroger ces particuliers.

Est survenue une députation de la section Poissonnière, avec un arrêté de ladite section, par lequel, considérant les dangers éminents de la patrie et les manœuvres infernales des prêtres, elle arrête : 1° que tous les prêtres et personnes suspectes, enfermés dans les prisons de Paris, d'Orléans et autres, seront mis à mort ; 2° que les femmes, les enfants des émigrés et les personnes qui n'ont pas paru ni montré citoyens, seront mis sur une ligne en avant des citoyens qui partent pour les frontières, afin de garantir les braves sans-culottes des coups que pourraient porter les ennemis.

 

Du 3 septembre. — L'Assemblée a arrêté, d'après les dénonciations d'un membre, que les personnes employées à la dépouille des morts voulaient s'emparer de leurs dépouilles ; elle a nommé M. Guérin pour s'y transporter et prévenir M. Daubanel qu'il leur soit délivré à chacun un habit, que le reste ou le produit sera distribué aux pauvres.

M. Daubanel, secrétaire nommé pour procéder à l'inhumation des personnes qui ont subi hier la juste vengeance du peuple, a fait rapport de sa mission et a annoncé que cent vingt personnes avaient été enterrées ce matin dans le cimetière de Vaugirard. Il a demandé que l'assemblée prit un parti définitif à l'égard de la dépouille des morts ; il a observé que ces dépouilles, attendu l'état de délabrement où elles se trouvaient, ne pourraient être que d'un rapport très-modique. Il propose en conséquence que ces dépouilles soient données aux personnes qui ont prêté les mains pour les déshabiller. Le comité adopte cette proposition, et néanmoins, avant de faire la délivrance de ces effets, l'assemblée arrête que des commissaires, pris dans son sein, seront autorisés à se transporter au couvent des Carmes pour y faire la visite et recherche de tous les objets qui pourraient se trouver parmi les dépouilles.

Sur la pétition qui a été faite relativement à M. Duplain, qui était sorti hier des Carmes, où il était détenu comme prisonnier, il a été arrêté que MM. Lucron et Guérin seraient commissaires pour accompagner M. Duplain en l'assemblée générale de la commune, où l'assemblée de la section a arrêté qu'il serait conduit pour prononcer ce qu'il appartiendrait, d'après la sagesse de l'assemblée générale de la commune[2].

Sur le rapport qui a été fait par MM. les commissaires nommés à l'effet d'examiner la conduite de M. Pierre Camouchard, de MM. J.-B. Bechiron, Jean-Marie Berthelot, qui avaient été détenus aux Carmes et qui en étaient sortis hier, l'assemblée a arrêté qu'ils seraient mis en liberté. Sur le rapport fait par les mêmes commissaires, relativement à M. Jean-Baptiste-François Allais de l'Épine, M. Joseph Forestier, M. Alexandre Inglart-Dutillet, M. Jean-Joseph Leturc, l'assemblée a arrêté qu'ils seront mis en liberté.

 

 

 



[1] Le chiffre qui précède chaque section est le numéro d'ordre correspondant à celui de la liste officielle des sections donnée par nous dans le deuxième volume, et à laquelle nous nous référerons dans tout le cours de cet ouvrage.

[2] On a vu,  livre XII, § X, dans ce volume ce que le conseil général de la commune décida dans sa sagesse sur le sort de Duplain. Elle l'envoya à l'Abbaye, où il fut égorgé une heure après.