HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

NOTES, ÉCLAIRCISSEMENTS ET PIÈCES INÉDITES

 

XII. — JEAN JULIEN, LE CHARRETIER DE VAUGIRARD.

 

 

JUGEMENT PRONONCÉ LE 2 SEPTEMBRE 1792, PAR LE TRIBUNAL DU 17 AOÛT, CONTRE JEAN JULIEN.

 

Vu, par la Ire section du tribunal criminel, établi par la loi du 17 août :

L'acte d'accusation dressé par le directeur du juré d'accusation, établi par ladite loi, contre Jean Julien, charretier à Vaugirard, détenu ès prisons de l'hôtel de la Force et condamné à douze années de fers par jugement du sixième tribunal criminel du département de Paris, et dont la teneur suit :

Le directeur du juré d'accusation établi par la loi du 17 août dernier, soussigné, expose que le nommé Jean Julien, charretier de Vaugirard, condamné par le tribunal du sixième arrondissement du département de Paris, à douze années de fers, étant exposé sur une estrade établie dans la place de Grève pour y rester le temps porté par son jugement, a eu la coupable audace d'insulter le public et la nation entière de la façon la plus grave ; qu'il a déboutonné sa culotte, montré son derrière et le devant au public, et a crié en même temps à voix très-haute et très-distincte vive le roy, vive la reine, vive M. de La Fayette et au f.... la nation. Comme ce fait a vivement outragé et indigné le public, il en aurait tiré vengeance sur-le-champ, si M. le procureur de la commune ne fût venu préserver ledit Julien et s'engager à s'en charger pour l'amener devant nous, ce qu'a effectivement fait mordit sieur le procureur de la commune, après avoir entendu deux témoins sur l'objet de cette dénonciation, savoir les sieurs l'Hôpital et Bertrand, lesquels nous ont assuré avoir entendu et vu ledit Julien faire et dire les choses ci-dessus énoncées, après avoir pareillement entendu ledit Julien dans son interrogatoire, lequel a rejeté les faits et propos à lui imputa sur l'état d'ivresse, dans lequel il a prétendu être lorsqu'il était sur l'estrade, place de Grève. Le directeur du jury, ne prenant cette supposition d'ivresse que pour une excuse d'autant plus insuffisante qu'il n'a pas paru ivre deux heures après, regarde les faits et injures proférés par ledit Julien comme un délit par lui méchamment commis et à dessein, et comme devant entrainer peine afflictive et infamante ; attendu surtout le risque qu'a couru ledit Julien de devenir, par les faits et propos dont il s'agit, la cause d'une émeute populaire, le directeur du juré le déclare dans le cas d'accusation ; sur quoi le directeur du juré a remis au juré tiré au sort pour statuer sur le présent acte et l'acte dont il s'agit l'interrogatoire subi par ledit Julien, et les a mis à portée de rejeter les témoins ci-dessus.

Fait à Paris, ce 1er septembre 1792, l'an IV de la liberté, etc.

Signé : LOYSEAU.

Ensuite est écrit :

La loi autorise.

Signé : PERDRIX, commissaire national.

A Paris, le ter septembre 1792.

Vu la déclaration du juré d'accusation écrite au bas dudit acte portant oui, il y a lieu.

Signé : GOOSSENS.

Paris, ce 1er septembre 1792, an IV de la liberté, I de l'égalité.

Vu l'ordonnance de prise de corps rendue par le directeur du juré ledit jour, ter septembre, contre ledit Jean Julien ;

Le procès-verbal de remise de la personne dudit Jean Julien en date dudit jour, ter septembre ;

La déclaration du juré de jugement portant qu'il a existé une conspiration, un projet de contre-révolution tendant à troubler l'État par une guerre civile, en ameutant et armant les citoyens les uns contre les autres, ce qui a amené les crimes commis le 10 août dernier ;

Qu'il a existé une émeute populaire, une sédition le ter septembre, présent mois, tendant à exciter une guerre civile par des cris de vive le roy, vive la reyne, vive monseigneur de La Fayette, au f..... la nation ; lesquelles émeute et sédition sont une dépendance naturelle de la conspiration qui a éclaté le 10 août dernier ;

Que Jean Julien est convaincu d'avoir excité l'émeute populaire et la sédition, lesquelles ont eu lieu sur la place de la maison commune le 1er septembre présent mois, tendant à exciter une guerre civile par des cris de vive le roi, vive la reine, vive monseigneur de La Fayette, au f.... la nation, lesquelles émeute et sédition sont une dépendance naturelle de la conspiration qui a éclaté le 10 août dernier ; que c'est méchamment et à dessein que Jean Julien a excité l'émeute populaire, la sédition, qui ont eu lieu dans la place de la maison commune le ter septembre présent mois ;

Le tribunal, après avoir entendu le commissaire national, condamne Jean Julien à la peine de mort, conformément à l'article 2 de la section n du titre Ier du Code pénal, dont il a été fait lecture, lequel est ainsi conçu : Toute conspiration, tout complot tendant à troubler l'État par une guerre civile en armant les citoyens les uns contre les autres ou contre l'exercice de l'autorité légitime, seront punis de mort ; et conformément au dernier paragraphe de l'article 3 de la même section, dont il a été fait également lecture, lequel est ainsi conçu : Les auteurs, chefs et instigateurs desdites révoltes, et tous ceux qui seront pris les armes à la main seront punis de mort ; ordonne qu'à la diligence du commissaire national le présent jugement sera exécuté, imprimé, publié et affiché dans l'étendue de la commune de Paris.

Fait à Paris, le dimanche 2 septembre 1792, l'an IV de la liberté, où étaient présents MM. OSSELIN, président, PÉPIN, maire, et DERVIEUX, juge du tribunal, qui ont signé.