HISTOIRE LA TERREUR 1792-1794

NOTES, ÉCLAIRCISSEMENTS ET PIÈCES INÉDITES

 

XI. — LE MAIRE LÉGAL ET LA COMMUNE INSURRECTIONNELLE (30-31 AOÛT 1792).

 

 

EXTRAITS DU REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA COMMUNE.

 

Séance du 30 août 1792.

Le conseil général de la commune, considérant combien il est important de conserver en ce moment à l'administration toute l'activité qui lui est nécessaire, et sans laquelle il ne peut exister d'ordre ;

Considérant l'utilité dont peuvent être à l'administration les talents et les connaissances des anciens administrateurs ;

Désirant concilier les différends qui se sont élevés à l'occasion de l'élection des nouveaux administrateurs ;

Le procureur de la commune entendu, arrête :

1° Les anciens administrateurs continueront à remplir leurs fonctions comme par le passé.

2° Les administrateurs nouvellement nommés seront considérés comme suppléants des anciens administrateurs ; ils auront voix consultative dans les assemblées du corps et du bureau municipal.

3° Si quelque place d'administrateur vient à vaquer, le conseil général de la commune procédera à leur remplacement en choisissant les candidats parmi les suppléants.

4° Les séances du corps municipal seront publiques et se tiendront trois fois par semaine, à dix heures du matin.

5° Le présent arrêté sera imprimé, affiché et envoyé aux quarante-huit sections.

6° En conséquence des dispositions du présent arrêté, M. le maire est invité à convoquer les membres du corps municipal samedi prochain, 1er septembre, à dix heures du matin.

 

Même séance.

Le procureur de la commune demande que les nouveaux administrateurs ne soient que les adjoints des anciens ; il demande deux séances du corps municipal et trois du bureau par semaine, afin de faire marcher l'administration. Le conseil persiste dans son arrêté du matin, relatif à une adresse dont M. Robespierre est rédacteur.

 

Séance du 31 août, 10 heures du matin.

Plusieurs membres ayant observé qu'on cherchait à inculper le conseil en répandant le bruit que M. le maire ne prenait aucune part à ses délibérations, deux commissaires ont été députés vers lui pour l'inviter à venir présider l'Assemblée.

M. le maire occupe le fauteuil.

M. le substitut du procureur de la commune adresse la parole à M. le maire et lui rappelle les vérités qu'il doit présenter à l'Assemblée nationale pour justifier le conseil général des inculpations aussi fausses qu'atroces dont on ose le noircir.

La réponse de M. le maire tend à développer les motifs de sa conduite dans les circonstances difficiles où il se trouve, et à le justifier de ce qu'il n'assiste pas plus souvent aux séances du conseil général. Il se dit froissé entre l'ancienne municipalité et les patriotes qui la remplacent ; il indique les erreurs dans lesquelles on a pu tomber et s'étend sur les moyens de réparer le passé.

M. le substitut du procureur de la commune demande la parole et présente le tableau fidèle de la conduite du conseil général depuis le moment où il a été investi de la confiance du peuple.

 

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EXTRAIT DES REGISTRES DE LA SECTION DU MARCHÉ DES INNOCENTS.

 

Séance du 29 août 1792.

Sur l'observation d'un membre que l'on ne voyait que très-rarement le nom de M. Pétion au bas des arrêtés du conseil général de la commune, il a été arrêté que deux commissaires iront chez M. Pétion lui en marquer sa surprise et sa peine, et l'inviteront à continuer de porter son inspection sur toutes les parties de l'administration, suivant son droit ; ce que la section désire vivement.

MM. Porcher et Bernard ont été chargés de cette mission.

 

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LETTRE DE PÉTION AUX CITOYENS DE LA SECTION DU MARCHÉ DES INNOCENTS.

 

Citoyens, mon devoir est de satisfaire au vœu que vous m'exprimez. Vous désirez savoir pourquoi j'ai assisté rarement au conseil général ; le voici : dans le passage de l'organisation ancienne à l'organisation nouvelle, je n'ai pas aperçu distinctement les fonctions qui m'étaient réservées ; pressé entre ceux dont on occupait la place, qui ne se croyaient pas pour cela destitués, et ceux qui s'en regardaient légitimement investis, ma position était délicate. La marche ordinaire des affaires étant interrompue, la partie administrative étant sans mouvement, mon activité se trouvait par cela même enchaînée et ma présence était moins nécessaire. Je ne me suis pas dissimulé à l'instant que, quelle que fût ma conduite, elle aurait des improbateurs, je ne me suis pas dissimulé que je ne pouvais même pas prendre un parti fortement prononcé soit pour, soit contre, sans danger pour la chose publique. Balançant les services importants rendus par la commission avec ses erreurs, la nécessité de ne pas la détruire dans l'opinion, avec les inconvénients de laisser son empire s'accroître, voulant empocher un choc dangereux et impolitique entre elle et l'Assemblée nationale, je ne puis vous dire quelle a été, quelle est ma perplexité. C'est ici que j'ai vu que le temps était le grand maître, et que dans toutes choses il y avait un moment de maturité qu'il fallait savoir saisir. l'ai marché à travers ces écueils avec autant de prudence qu'il m'a été possible, ayant toujours pour guide ma conscience et le sentiment du bien.

Je n'ignore pas qu'on me calomnie, je n'ignore pas qu'on cherche à égarer l'opinion sur mon compte. On n'ose pas encore me faire des inculpations graves et directes ; on se contente de préparer les esprits à les recevoir. J'opposerai à ces manœuvres ma vie entière et quelques bonnes actions ; au besoin, je dirai à mes amis et à mes ennemis de citer un seul fait dont un homme d'honneur ait à rougir ; je continuerai à remplir mes devoirs avec zèle, avec courage, et peut-être qu'en terminant ma carrière j'obtiendrai l'estime de ceux qui chérissent leurs semblables et la liberté.

Le maire de Paris,

PÉTION.