HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848

PREMIÈRE PARTIE

 

CHAPITRE V. — DISCUSSION DE L’ADRESSE À LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

 

 

La Chambre des députés était présidée, depuis 1839, par M. Sauzet, avocat de Lyon, qui avait acquis, en 1830, par la défense de M. de Chantelauze, quelque célébrité. Parvenu aux honneurs, M. Sauzet ne s’était pas montré à la hauteur de l’opinion qu’on avait conçue de lui. Il n’avait su prendre sur la Chambre aucune autorité. Il la présidait avec mollesse bien qu’avec une partialité marquée pour le parti conservateur. L’indolence de son esprit et de son caractère se trahissait dans toute sa personne et le rendait très-impropre, surtout dans les moments de crise, à l’importante fonction qui lui était confiée.

Sur les bancs de la gauche, où siégeaient l’opposition dynastique et quelques républicains, on distinguait MM. Odilon Barrot, Arago, Garnier-Pagès, Dupont (de l’Eure), Carnot, de Courtais, Bethmont, Crémieux, Ledru-Rollin. Malgré l’idée qu’on s’était faite au Château, aucun de ces hommes, si l’on excepte M. Ledru-Rollin, n’était dévoré de passions ennemies, ni même animé de l’esprit révolutionnaire. Les uns étaient des hommes réfléchis, trompés une fois déjà par la révolution de 1830, et qui ne croyaient plus guère aux programmes de l’Hôtel de Ville. Les autres siégeaient là par tradition de famille, par respect humain, par honneur, pour ne pas mentir à un passé trop engagé, pour ne pas abandonner une cause qui paraissait vaincue. Les vieux souhaitaient de finir en paix une carrière agitée ; les jeunes hésitaient à compromettre irréparablement un long avenir. Tous auraient voulu épargner au pays les malheurs d’une guerre intestine.

C’est de l’autre côté de la Chambre que siègent, bien que moins suspects au pouvoir, les ennemis véritables de la dynastie d’Orléans. C’est là qu’on voit l’abbé de Genoude, sophiste audacieux, d’une persévérance que rien ne détourne ni ne lasse ; M. de Falloux, ambitieux circonspect, attentif à l’événement, tout prêt à jeter ses idées royalistes dans la forme républicaine et à accommoder ses convictions catholiques aux exigences universitaires ; près de lui, l’héritier d’un nom chevaleresque, la Rochejacquelein, qui, sous l’apparence d’une bonhomie rustique, cache des finesses de courtisan et des habiletés de diplomate ; Benoît, Larcy, Béchard ; et, les effaçant tous de l’éclat de sa renommée, le grand virtuose de la légitimité, l’orateur aux larges poumons, à la parole sonore, au geste éloquent : Berryer.

À leurs côtés, mais non avec eux, Lamartine, calme et froid, reconnaît avec une indifférence apparente les dispositions du champ de bataille, préparé dans son for intérieur à jeter, au moment décisif, sa voix et sa vie dans la mêlée. Non loin de lui, mais seul aussi, dédaigneux, impassible, siège un homme dont le silence semble une menace et l’attitude un reproche : M. de Girardin.

Entre les deux extrémités de la Chambre, se groupent, autour de la masse des conservateurs, les fractions dissidentes : M. Duvergier de Hauranne, M. de Rémusat, le plus nonchalant, le plus sceptique, mais le plus bel esprit de France ; MM. Janvier, de Malleville, Billault, Dufaure, le seul orateur de la Chambre, peut-être, chez qui la solidité de l’argumentation, la précision des faits et la sobriété des développements soient parvenues à une perfection si rare qu’elle égale les dons les plus brillants de l’éloquence ; MM. de Tocqueville, Beaumont, Vivien ; M. Dupin, le rude et souple frondeur d’une dynastie qu’il aime. Nouveau venu dans une assemblée politique, on ne sait pas encore quelle position va prendre le général Lamoricière ; son œil brille d’une ardeur impatiente ; le soleil africain a-t-il mûri dans ce cerveau des idées politiques ou des talents parlementaires ? On n’en sait rien encore : ce que l’on sait du jeune chef d’armée, c’est sa bravoure ; ce que l’on devine, c’est son ambition ; ce que l’on soupçonne, c’est la mobilité de son caractère.

Au haut de ce que l’on appelle le centre droit, dominant toutes ces physionomies agitées et ce mouvement confus de voix et de gestes, la forte stature et la tête énergique du maréchal Bugeaud arrêtent le regard. Le commandement respire dans toute sa personne. Haï de la population parisienne depuis l’insurrection des 5 et 6 juin, le massacreur de la rue Transnonain[1], comme elle l’appelle, est également odieux au parti légitimiste qui se souvient de Blaye. Le roi redoute son caractère intraitable et lui sait peu de gré de son dévouement à la dynastie ; le ministère se plaint de ses façons despotiques, de son mépris des usages parlementaires[2] ; et cependant le duc d’Isly, aimé du paysan dont il a le bon sens rustique, chéri du soldat qu’il entoure d’une constante sollicitude, grandit chaque jour en importance et en autorité.

Au banc des ministres, M. Guizot, pâle, les traits contractés, paraît souffrir avec une égale irritation le concours inintelligent de ses amis et les attaques malhabiles de ses ennemis politiques. M. Duchâtel, soucieux, las, ennuyé, vient s’asseoir auprès de M. de Salvandy, dont la confiance superbe et le zèle retentissant ne semblent pas soupçonner un danger, même lointain. Près d’eux siègent M. Hébert, la menace à la bouche, le plus détesté des hommes de répression ; M. Trézel, que sa probité inattaquable a fait choisir malgré sa capacité médiocre, afin qu’il y ait du moins dans le ministère une administration à l’abri de l’injure ; M. de Montebello, disciple de la philosophie éclectique, assez surpris de se voir subitement appelé, d’une ambassade où il a paru inexpérimenté, à un ministère auquel il ne saurait prêter aucune force ; M. Cunin-Gridaine, habile industriel, orateur des plus nuls ; M. Dumon, homme appliqué aux affaires, d’une parole lucide, d’un jugement sain, mais sans initiative ; M. Jayr, ignoré du public. Telle est la représentation du pouvoir au sein de l’Assemblée. Il n’y a là que deux talents, deux volontés qui absorbent les autres, et qui elles-mêmes sont absorbées par la volonté royale. Louis-Philippe, trop jaloux de son autorité, trop confiant dans son propre génie, reste à découvert derrière cet appareil mensonger d’un gouvernement dont la France ne respecte plus ni le caractère moral, ni les actes politiques, et dont, tout à l’heure, elle va secouer avec indignation le poids inerte.

Presque chaque jour, pendant les débats de l’adresse, quelqu’un des membres de la famille royale assiste aux séances. Le plus souvent la duchesse d’Orléans, tristement attentive, regarde, écoute, contenant avec effort, sous un sourire bienveillant, son inquiétude secrète. Dans une tribune voisine, on voit deux belles jeunes filles dont le visage se colore de l’émotion du triomphe quand la voix de cet homme puissant, qui est leur père, affronte et réduit au silence les colères de ses ennemis : ce sont les demoiselles Guizot aujourd’hui environnées de tant d’hommages, demain réduites à se cacher, à fuir.

Dans la tribune diplomatique, lord Normanby, ce représentant d’une aristocratie bien assise et versée depuis des siècles dans le maniement des grandes affaires, suit d’un œil observateur, et non sans quelque ironie, les hésitations, les inconséquences, les fautes sans nombre d’une démocratie encore inexpérimentée. Vis-à-vis, et comme pour faire contraste avec l’attitude réservée du corps diplomatique, les journalistes font retentir leur tribune de disputes bruyantes, de querelles, de défis. Là, se rencontrent MM. Chambolle, Pérée, Pascal Duprat, Eugène Pelletan. Là, M. Flocon, caractère probe, courageux, homme d’écorce rude, de langage peu choisi, observe d’un œil méfiant M. Marrast, l’aristocrate du National, que l’on devait bientôt appeler le marquis de la République. Jadis compagnon de captivité de Godefroy Cavaignac, intrépide champion de la cause républicaine, M. Marrast, raillant ses illusions de jeunesse, a visiblement renoncé à l’ambition du martyre. Sa verve épigrammatique semble obéir à je ne sais quelle secrète prudence. Tout en attaquant M. Thiers, on dirait qu’il l’envie. Il exprime parfois pour le ministre du 1er mars une admiration que son parti lui impute à crime.

Hélas ! de tous les côtés, dans tous les rangs, en haut et en bas, à droite et à gauche, dans cette Chambre souveraine, que de scepticisme, d’hypocrisie ! quelle confusion morale ! Triste spectacle qu’une telle réunion d’hommes chargés des destinées d’une telle nation ! Pour quelques caractères dont rien n’a pu altérer la vertu, combien sont devenus indifférents au bien et au mal, au juste et à l’injuste, n’ont souci que de leur fortune et n’estiment en toutes choses que le succès !

Deux faits honteux, signalés par l’opposition dynastique, ouvrent de la manière la plus déplorable cette session si courte et qui devait être la dernière. Des fonds provenant d’une souscription de bienfaisance ont été détournés de leur destination et distribués arbitrairement par un préfet, dans l’intérêt d’un candidat ministériel[3]. C’est là un vol positif, sur lequel le débat qui s’engage avec assez de vivacité jette une lumière accablante. Mais la majorité, pressée de montrer au ministère qu’elle lui demeure invariablement fidèle, refuse d’ouvrir les yeux à l’évidence, et vote avec un accord affligeant cette élection plus que suspecte.

Ce vote était de bon augure pour M. Guizot ; par malheur on ne lui laisse pas le temps de s’en réjouir. Dès le lendemain, M. Barrot monte à la tribune et l’interpelle au sujet de la scandaleuse histoire, qui, sous le nom d’affaire Petit, préoccupe et indispose tous les esprits. Les faits sont trop avérés, les dates trop précises, les contrats trop authentiques ; le système des dénégations hautaines n’est plus applicable. Aussi M. Guizot donne-t-il un autre tour à la défense. Dans une confession renouvelée de Tartuffe, il s’accuse, et avec lui toutes les administrations qui l’ont précédé depuis trente ans, d’avoir laissé un point de jurisprudence douteux, d’avoir toléré une pratique regrettable, mais qui s’explique par d’anciennes traditions et par l’empire d’une partie des lois actuelles. Mais ne croyez pas, ajoute le ministre, pris dans ce qu’il appelle un petit dédale d’accusations et d’insinuations, que j’entende me prévaloir de ce que je rappelle ici pour soutenir et justifier le fait en lui-même. Je ne me paye pas de subtilités, et je ne me plaindrai jamais de voir se développer les susceptibilités et les exigences morales de la Chambre et du pays. Que la conscience publique devienne chaque jour plus difficile et plus sévère, répète M. Guizot avec une merveilleuse assurance, je m’en féliciterai, bien loin de m’en plaindre. Puis il certifie que, depuis deux ans, les faits de cette nature ont cessé de se produire, et annonce qu’un projet de loi, présenté par le garde des sceaux et incessamment soumis à la délibération des Chambres, va mettre un terme définitif à cette sorte d’abus.

Une pompeuse apologie de lui-même, de ses amis, de leur moralité politique, suivie de la menace habituelle de démission si le vote qui va suivre témoignait du moindre affaiblissement dans la confiance de la majorité, accompagne ce nouveau défi jeté à l’honnêteté publique. Mais le défi est relevé aussitôt par MM, Thiers et Dufaure qui repoussent avec indignation, comme l’avaient déjà fait MM. Molé, Passy et d’Argout, la solidarité de ces actes que le président du conseil appelle de petits faits, mais que M. Dupin qualifie de stellionat et de simonie politique. Il y a longtemps, s’écrie M. Barrot dans cette discussion toute brûlante de personnalité, il y a longtemps que je savais que nous ne nous comprenions plus en politique mais je croyais que sur les choses de l’honnêteté nous nous comprenions encore. Mais le parti pris de la majorité conservatrice est inébranlable. Elle rejette obstinément deux ordres du jour proposés par MM. Lherbette et Darblay afin de constater le mécontentement de la Chambre. Par l’adoption de l’ordre du jour de M. de Peyramont, elle renouvelle le pacte honteux qui l’asservit aux volontés de M. Guizot ; puis on passe la discussion de l’adresse[4].

Le premier débat s’engage par un exposé complet de notre situation financière, dont M. Thiers signale les périls avec une clarté et une précision implacables[5]. Le chiffre de la dette flottante dépasse de plus de deux cents millions celui que les plus alarmistes avaient osé supposer, et M. Thiers démontre qu’il est absolument impossible d’enrayer sur cette pente fatale. Il résume en ces termes la situation : Un budget ordinaire en déficit soldé tous les ans avec les réserves de l’amortissement qui devaient suffire au budget extraordinaire ; un budget extraordinaire soldé avec des réserves futures et en attendant avec la dette flottante ; enfin la dette flottante que vous diminuez de temps en temps par un emprunt resté au-dessus des limites raisonnables, au-dessus des limites de la prudence.

La Chambre, qui prête toujours une attention scrupuleuse aux paroles de M. Thiers, paraît frappée de ce tableau. L’inquiétude sur l’état des finances est la seule émotion dont la majorité soit encore susceptible. Elle se rencontre un instant sur ce point avec la minorité dans un sentiment de défiance pour le cabinet ; elle écoute avec incrédulité MM. Dumon et Duchâtel. Ceux-ci d’ailleurs, aux accusations de M. Thiers, ne peuvent opposer qu’un vague tableau des prospérités du pays, et ne persuadent personne. Les coups de M. Thiers ont porté juste. Les attaques d’un homme qui connaît les affaires pour les avoir longtemps pratiquées jettent l’alarme dans tous les partis et blessent par le côté le plus vulnérable le cabinet conservateur. À quelques jours de là, on peut s’apercevoir aussi que le vote de la majorité n’est plus suffisant pour absoudre le ministère et que la pression de l’opinion publique s’exerce avec plus de force, car elle oblige les députés à revenir encore sur cette honteuse affaire Petit, que M. Guizot et ses adhérents voudraient à tout prix étouffer. À propos du quatrième paragraphe de l’adresse, qui promet au roi le concours des Chambres pour adoucir le sort de ceux dont le travail est l’unique ressource, M. de Tocqueville, après un long tableau de la dégradation des mœurs publiques et privées, accuse de cette dégradation le gouvernement, et en particulier M. Guizot, qui a perdu, dit-il, depuis la révélation des trafics auxquels on se livre sous ses auspices, son prestige d’austère probité. Comme si les paroles de M. de Tocqueville n’eussent pas été assez explicites, M. Billault, reprenant le même thème, formule un acte d’accusation en règle et somme le ministre de confesser la part qu’il a dans cette affaire, ou bien de destituer son chef de cabinet, M. Génie.

M. Janvier répond à cette accusation par une apologie complète, très-hasardée en pareille circonstance, du ministère. Il vante, au milieu des rires et des interruptions les plus insultantes, l’élévation du caractère de M. Guizot et déclare que les conservateurs continueront à le soutenir, parce que quelques fautes récentes ne leur feront point oublier de si longs services rendus.

Ces louanges et ces attestations de moralité sont suivies d’un discours assez ambigu de M. Dufaure, qui adopte l’amendement de M. Billault comme un avertissement conciliable avec l’estime. Mais M. Duchâtel repousse même cet avertissement adouci, et la majorité rejette l’amendement. Les questions de probité ainsi écartées, on passe aux questions politiques.

Les affaires d’Italie sont portées à la tribune par M. de Lamartine. La plus grande fermentation continuait à régner d’une extrémité à l’autre de l’Italie. L’Autriche redoublait de rigueur en Lombardie ; les prisons se remplissaient ; des rixes continuelles entre les étudiants et la force armée ensanglantaient Milan et Pavie ; les soldats se portaient aux plus graves excès et les proclamations brutales du maréchal Radetzki semblaient les y encourager. Ne pouvant encore se venger par une voie plus directe, la population milanaise essayait de tarir une des sources du revenu de l’Autriche en renonçant subitement à l’usage du tabac. Étrange conjuration, sérieuse sous une apparence frivole, qui montrait une unanimité redoutable dans la haine de l’étranger et faisait présager un soulèvement prochain. À Gênes, une émeute contre les jésuites inquiétait le gouvernement de Charles-Albert. Des manifestations du même genre avaient lieu à Rome et fournissaient à la faction des cardinaux des arguments contre la liberté dont l’esprit indécis et le caractère faible de Pie IX paraissaient très-troublés. Enfin Palerme s’était insurgée, et, après un bombardement de quarante-huit heures, le comte d’Aquila, renonçant à la réduire par la force, retournait auprès de son frère, le roi de Naples, et le décidait à faire des concessions.

C’est sous de tels auspices que s’ouvrait à la Chambre la discussion du paragraphe sur l’Italie. Les sympathies publiques étaient acquises à la cause italienne. M. de Lamartine leur prêta sa voix éloquente. Il accusa le gouvernement de s’être allié à tous les gouvernements absolus depuis sa rupture insensée avec l’Angleterre. La France, entre vos mains, dit-il, en se tournant vers M. Guizot, devient gibeline à Rome et à Milan, sacerdotale à Berne, autrichienne en Piémont, et russe à Cracovie. Puis il développa, avec un grand bonheur d’expressions, cette opinion, qui était au fond l’opinion de la France. La réponse de M. Guizot ne fut point habile. En insistant sur la religieuse observation des traités de 1815, en risquant l’éloge du prince de Metternich, il ranima un moment les susceptibilités nationales de la Chambre, et provoqua sur les bancs de l’opposition de violents murmures. Mais, suivant sa coutume, il attendit avec un tranquille dédain que la rumeur fût calmée et prononça alors ces paroles mémorables : Il ne s’agit pas du tout, à l’heure qu’il est, de constitution dans les États italiens. De quoi il s’agira dans dix ans, dans vingt ans, je l’ignore. Je ne suis pas obligé de traiter à cette tribune les questions que mes successeurs y traiteront.

Le même jour, on apprenait à Paris que l’insurrection de Palerme repoussait toutes les concessions du roi de Naples ; la conséquence de ce refus était la promulgation d’une constitution, non-seulement à Naples, mais bientôt après à Florence, et l’insistance très-énergique des populations à Turin et à Rome pour en obtenir une semblable.

Toujours très-révolutionnaire en paroles et dans les choses de l’extérieur, M. Thiers ne manque pas de saisir une circonstance aussi favorable pour enlever les applaudissements de la gauche et embarrasser le ministère sans trop se compromettre. Il revendique pour la France l’honneur de protéger en Europe les progrès de la liberté. Il rappelle que la nation française a compté dans son sein les plus grands agitateurs de la pensée humaine : Descartes, Pascal, Voltaire, Montesquieu. Mais, tout en flétrissant les meurtres commis à Milan et le bombardement de Palerme, tout en lançant aux souverains coupables de ces forfaits les épithètes de tyrans et de bourreaux, l’ex-ministre reconnait, en homme qui veut pouvoir rentrer aux affaires, la validité des traites de Vienne et prononce cette sentence, très-peu digne d’un esprit sérieux : Il faut les maintenir, mais en les détestant.

C’était faire beau jeu au cabinet. C’était fournir à M. Guizot une occasion précieuse de mettre à découvert la mauvaise foi ou la puérilité d’une opposition qui jouait sur des mots, et d’une politique réduite à équivoquer misérablement sur les principes. M. Guizot commence sa réplique en déclarant, avec une ironie peu voilée, qu’il est heureux de se trouver aussi parfaitement d’accord avec son adversaire. Ce que M. Thiers dit, le cabinet du 29 octobre l’a fait. Le cabinet a soutenu, comme il le devait, l’indépendance des États italiens ; il a réclamé contre le fait irrégulier de l’occupation de Ferrare et de Modène par les troupes autrichiennes ; il encourage à Rome et partout les réformes sages, modérées ; enfin sa politique est au fond semblable à celle de M. Thiers ; elle n’en diffère que dans la forme, ce qui est suffisamment expliqué par la différence des situations entre un homme qui, en dehors du pouvoir peut tout dire, et celui auquel des convenances supérieures commandent le silence. M. Guizot n’épargne pas non plus à M. Thiers un persiflage bien mérité sur les qualifications peu parlementaires de bourreaux et de meurtriers appliquées à des personnes royales et sur le merveilleux axiome qui enjoint de détester des traités que l’on trouve utile de maintenir. En descendant de la tribune, il peut voir qu’il a touché juste ; les amis de M. Thiers sont visiblement mal à l’aise ; quant aux radicaux, un peu surpris d’entendre ainsi solennellement proclamer la parfaite entente des deux hommes d’État, ils sentent renaître leurs scrupules et s’accusent tout bas d’avoir été dupes.

M. Odilon Barrot tente alors, mais sans succès, d’effacer l’impression que vient de produire le président du conseil. Ses déclamations vagues et froides n’ont pas d’écho ; la majorité se retrouve tout entière pour approuver la conduite du cabinet dans les affaires d’Italie.

Le même spectacle, à peu de chose près, se reproduit dans la discussion sur les affaires de Suisse, elle recommence par une joute entre MM. Thiers et Guizot. Mais cette fois l’avantage reste au premier, parce que sentant le besoin de resserrer avec la gauche des liens qui se détendent, il fait beaucoup plus hardiment résonner la corde révolutionnaire. Nos adversaires, dit M. Thiers, ne voient dans l’affaire de Suisse que le triomphe du radicalisme, triomphe qu’ils regardent comme très-dangereux pour l’Europe. Quant à nous, ce que nous y voyons, c’est la révolution et la contre-révolution en présence. Des bravos partis de la gauche et de plusieurs tribunes accueillent cette manière franche et nette de poser la question. Le gouvernement, reprend l’orateur, a épousé la cause de la contre-révolution avec une audace qui m’a confondu. Le droit des gens, l’intérêt, la dignité de la France ont été délaissés. Et il fait suivre ce début d’un admirable résumé historique où il montre, en Suisse comme en France, depuis cinquante ans, une lutte obstinée entre l’ancien régime et le nouveau. Il compare le zèle du gouvernement français dans cette cause illibérale à la froideur qu’il montre en Italie, défend avec chaleur le parti révolutionnaire outrageusement calomnié dans l’autre Chambre par M. de Montalembert, défie le gouvernement de demander à la France un seul homme et un seul écu pour marcher sur Berne, et termine par ces paroles surprenantes qui trahissent son indestructible instinct de jeunesse persistant à travers tous les changements de l’âge mûr et tous les calculs de l’ambition : Certes, je ne suis pas radical, mais je suis du parti de la révolution en Europe. Je souhaite que la révolution soit dans la main des modérés ; mais, quand elle passerait dans la main des hommes qui ne sont pas modérés, je ne quitterais jamais pour cela la cause de la révolution.

Cette fougueuse harangue étonne, indigne, ravit. Les conservateurs restent atterrés[6]. La gauche, se sentant justifiée et voyant dans ces paroles un gage sérieux d’alliance, applaudit avec passion. Les rédacteurs du National donnent, dans la tribune des journalistes, les signes du plus vif enthousiasme. Le soir, tout Paris retentit de cette popularité reconquise. D’un bout à l’autre de l’Europe, un écho prolongé répète les promesses révolutionnaires d’un homme qui touche au pouvoir, et qui bientôt, sans aucun doute, va rendre le monde témoin de leur exécution hardie.

Il n’y avait plus moyen cette fois, pour M. Guizot, de se déclarer d’accord avec M. Thiers ; aussi eut-il recours à une autre tactique. Il opposa l’opinion de M. Thiers, député de l’opposition en 1848, à celle de M. Thiers, ministre des affaires étrangères en 1836, et donna lecture de deux dépêches adressées à cette époque à M. de Montebello, ambassadeur en Suisse. Le parti radical, disait l’une de ces dépêches, est insensé de croire qu’il y ait pour lui possibilité de s’établir en Suisse, lorsque partout ailleurs ses adhérents en sont réduits à n’oser lever la tête en présence de la réprobation générale et du sentiment universel de répulsion dont ils sont devenus l’objet. Et plus loin : Cette faction se montre d’autant plus entreprenante, qu’en dépit de ses excès et des complications où sa conduite pourrait entraîner la Suisse, la France se trouverait engagée à la défendre contre toute action hostile ou répressive de l’étranger ; c’est une illusion qu’il importe de détruire.

Certainement, messieurs, continuait M. Guizot, en reprenant son accent gravement persifleur, je n’ai jamais tenu aux radicaux suisses un langage plus sévère que l’honorable M. Thiers. Et les centres riaient, charmés de cette malice oratoire ; et la majorité frivole et inconsistante, sans plus s’inquiéter du fond des choses, s’empressait de voter le paragraphe sur la Suisse, comme elle avait voté le paragraphe sur l’Italie. Rien ne l’arrêtait plus dans son aveugle zèle ; rien n’était plus capable de la détourner de sa voie fatale.

Interpellé dans le débat relatif à la Pologne sur deux mesures récentes qui paraissent peu d’accord avec les assurances de sympathie renouvelées dans l’adresse : l’interdiction d’un banquet d’anniversaire chez le prince Czartoriski, et l’expulsion de M. Bakounine, au lendemain d’un discours hostile à l’empereur Nicolas, prononcé dans la réunion annuelle des Polonais, M. Guizot s’excuse sur des motifs graves qu’il ne peut sans inconvénient communiquer. Il use de la même réserve à l’endroit des affaires de la Plata, où, suivant les accusations de MM. Drouin de Lhuys, Lacrosse et Chambolle, notre gouvernement trahit, depuis sept ans que les négociations sont entamées, une faiblesse et une hésitation funestes aux intérêts français engagés à Montevideo. On passe ensuite à la discussion sur l’Algérie.

Une diatribe de M. Lherbette dénonce au pays les empiétements rapides du gouvernement personnel. L’orateur montre tous les grands commandements envahis par les princes, la faveur décidant seule de tous les avancements dans l’armée de terre et de mer ; il accuse M. Guizot de souffrir, contrairement au principe du gouvernement représentatif, la présence du roi au conseil. Cette accusation éveille chez le ministre une susceptibilité honorable. Il répond avec une animation singulière, et rectifie l’erreur où est tombé M. Lherbette en avançant que la présence du roi au conseil est contraire aux usages de l’Angleterre ; puis, repoussant dans un beau mouvement d’éloquence, l’idée honteuse, indigne de notre temps, que l’on ne saurait approcher des princes sans se soumettre à leurs caprices, il fait avec passion, avec vigueur, avec éclat, une profession de foi monarchique que la grande majorité de la Chambre et des tribunes est entraînée à applaudir. Le soir même, les ducs de Nemours et de Montpensier venaient exprimer au ministre leur gratitude. On est si sensible en France au prestige de la parole, qu’il semble, à la suite de ce beau morceau d’éloquence, que la dynastie vient d’acquérir une force nouvelle.

Après un long discours du maréchal Bugeaud sur la nécessité de conserver en Algérie des forces imposantes et sur le danger d’y développer prématurément des institutions civiles, M. Guizot est interpellé par M. de la Rochejacquelein sur la conduite qu’il compte tenir relativement à Abd-el-Kader.

Le ministère avait compté sur la nouvelle de la soumission de l’émir pour éblouir la Chambre, et déconcerter l’opposition. Mais il s’abusait encore. Cet événement, si longtemps espéré en vain, et qui, en d’autres circonstances, eût excité des transports de joie, ne détourna pas l’attention publique des scandales de l’administration ; il ne fit pas taire un murmure, et suscita même au gouvernement de graves embarras.

C’était le 1er janvier, le jour des félicitations et des vœux, que le télégraphe avait annoncé cette heureuse issue de la campagne conduite par le général Lamoricière. Cette preuve, ajoutée à tant d’autres, de l’étonnante fortune du roi, et l’éclat que ce succès faisait rejaillir sur l’un de ses fils furent salués par les courtisans comme le présage d’autres victoires, non moins souhaitables, sur les ennemis intérieurs ; mais bientôt, le rapport du duc d’Aumale et celui du général Lamoricière fournirent à la presse de l’opposition dynastique et radicale de nouvelles armes contre le gouvernement. Pour échapper aux forces marocaines, l’émir s’était, il est vrai, rendu à l’armée française, mais sous la condition qu’il serait transporté, lui et sa famille, à Saint-Jean d’Acre ou bien à Alexandrie. Arrivé à Toulon sur une de nos frégates à vapeur, il réclamait avec insistance l’exécution du traité.

Cependant, envoyer Abd-el-Kader en Égypte, d’où il pouvait si aisément, sous l’influence et avec l’appui de l’Angleterre, agir contre nous, c’eût été le comble de l’imprudence ; le ministère le sentait bien, mais que faire ? Désavouer le duc d’Aumale qui avait ratifié les conventions signées par le général Lamoricière ? cela semblait impossible ; manquer brutalement de parole à un si noble ennemi ? que dirait l’Europe ? pour se donner le temps de réfléchir, et malgré les réclamations éloquentes qu’Abd-el-Kader adressait au maréchal Bugeaud et au roi lui-même, M. Guizot, au mépris d’une parole sacrée, le fit enfermer provisoirement, disait-il, au fort Lamalgue.

La nomination d’un fils du roi au gouvernement de l’Algérie, attaquée depuis longtemps dans les journaux, le fut à cette occasion à la Chambre des pairs. M. Guizot répondit, comme de coutume, par des atermoiements. Au sujet d’Abd-el-Kader, il dit que le gouvernement n’avait pas pensé que la parole d’un chef militaire dût l’engager politiquement, et que, d’ailleurs, on espérait trouver un moyen de concilier la parole donnée avec la sécurité de la France. La même réponse fut faite aux interpellations de M. de la Rochejacquelein et trouva la même docilité dans la Chambre des députés. Les questions les plus épineuses ainsi écartées, le ministère, triomphant sur tous les points, s’apprêtait à la dernière lutte avec un redoublement de confiance dans ses forces, et s’applaudissait à l’avance d’un succès qui serait sans doute disputé, mais qui lui semblait infaillible. On touchait enfin au paragraphe qui allait soulever la question du droit de réunion et des banquets.

Un incident, dont le caractère révolutionnaire n’échappa point aux esprits attentifs, était survenu pendant la discussion des précédents paragraphes. Par une de ces inconséquences si fréquentes dans la vie des hommes politiques de ce siècle, M. Guizot, qui avait dû une grande partie de sa popularité, sous la Restauration, aux persécutions d’un ministre illibéral, usait à son tour du pouvoir pour interdire la parole à trois professeurs illustres : MM. Mickiewicz, Quinet et Michelet. Leur enseignement à tous trois n’avait pas, il est vrai, la régularité des programmes académiques ; un esprit supérieur animait leur parole et faisait sa puissance. Mickiewicz, le poète-prophète, cherchait dans les origines de la race slave ses droits à la grandeur ; il relevait les abattements de la captivité, consolait, ennoblissait l’exil. Évoquant l’ombre de Napoléon, il ravivait l’amour de la France pour la Pologne, et promettait à l’union des deux peuples les plus sympathiques du monde moderne je ne sais quel avenir religieux et guerrier. Dans un langage plein de feu, qui empruntait ses beautés au double génie des langues slave et latine, il prêchait une croisade énigmatique contre l’esprit du mal, annonçant la délivrance de l’humanité, arrachée enfin aux puissances de l’abîme. L’Italie, ce foyer des lumières et de la liberté modernes, aujourd’hui étouffé sous les cendres, inspirait à Quinet des regrets pathétiques, mêlés de malédictions et d’anathèmes. Il menait le deuil de ses grandeurs perdues il lui suscitait des libérateurs. Quant à Michelet, il interrogeait l’histoire, pour rappeler à une jeunesse amollie les traditions d’honneur, de patriotisme et de liberté.

Tous trois, il le faut avouer, étaient de grands révolutionnaires, à une époque et sous un pouvoir qui n’aspiraient qu’au repos dans le bien-être, car ils réveillaient les nobles curiosités, agitaient les consciences et remuaient les cœurs. Ils osaient enseigner à la génération nouvelle la haine de l’injustice et stimuler en elle le sentiment de l’indépendance ; ils lui parlaient de Dieu, de patrie, de vérité : apostolat dangereux et qu’il importait d’interdire, sous un gouvernement dont un matérialisme grossier faisait toute la force.

Depuis six mois déjà, les cours de M. Mickiewicz et de M. Quinet étaient suspendus sous prétexte que les professeurs s’étaient écartés de leur programme. On n’avait point encore osé attaquer celui de M. Michelet, parce que, mieux sur ses gardes, l’illustre historien s’était tenu plus étroitement au sujet annoncé de ses leçons ; mais on épiait une occasion, et l’on trouva moyen de la faire naître. Le jour de l’ouverture au Collège de France, les étudiants, qui, en attendant l’arrivée du professeur, se livraient d’ordinaire à des passe-temps où la bienséance n’était pas toujours strictement observée, prirent pour thème de leurs joyeusetés le discours du roi aux Chambres ; ils en firent une lecture ironique, accompagnée de gestes moqueurs. Aussitôt des agents de police parurent dans la salle et la firent évacuer. Le lendemain, une affiche annonça que le cours d’histoire de France était suspendu. L’indignation et la colère des jeunes gens furent extrêmes. Le soir même, ils se rendirent en très-grand nombre devant la maison de leur professeur pour lui faire une ovation. Ne l’ayant pas trouvé, ils allèrent à l’Institut et en ébranlèrent les vieilles murailles aux cris frénétiques de Vive Michelet ! Le lendemain, les journaux de l’opposition donnèrent le discours qu’ils avaient voulu prononcer, et dans lequel ils protestaient avec véhémence contre les actes despotiques d’un pouvoir renégat issu des barricades. M. Michelet se plaignit, par la voie de la presse, d’une mesure qui le rendait responsable de faits arrivés en son absence ; à quelques jours de là, n’ayant point obtenu de réparation[7], il publia ses adieux à ses élèves, adieux éloquents, dernières paroles recueillies avec amour, qui exhortaient la jeunesse à se rapprocher du peuple, à imiter ses vertus, à plaindre ses maux, à se sacrifier au besoin pour lui.

Depuis ce jour, la fermentation avait été croissant dans les écoles ; le 3 janvier, elle se produisit au dehors d’une manière qui importuna singulièrement les conservateurs. Trois mille étudiants environ, ayant rédigé une pétition aux députés, se rendirent à la Chambre pour demander justice au nom de la liberté violée et de l’indépendance de l’enseignement supérieur, atteint dans les personnes de MM. Mickiewicz, Quinet et Michelet. Après avoir déposé leur pétition entre les mains de M. Crémieux, ils allèrent successivement en bon ordre, mais avec une contenance fière et résolue, aux bureaux du National, de la Réforme, de la Démocratie pacifique. Là, MM. Thomas, Flocon et Cantagrel, rédacteurs de ces différents journaux, les félicitèrent de leur ardeur à défendre la liberté de la pensée et les grandes idées de la Révolution ; ils annoncèrent l’heure prochaine d’un réveil formidable de l’opinion publique. Puis les étudiants se dispersèrent, sans avoir occasionné aucun désordre ; mais l’impression n’en était pas moins produite sur la population parisienne. Une alliance tacite était conclue au nom des droits les plus saints. L’air se chargeait d’électricité.

 

 

 



[1] Cette calomnie de l’esprit de parti ne put jamais être effacée de l’imagination populaire. Il a cependant été mille fois démontré que le maréchal Bugeaud n’était pour rien dans l’horrible événement qu’on lui impute. Les forces militaires destinées à réprimer l’insurrection avaient été divisées en trois brigades ; le général Bugeaud en commandait une, mais il n’avait aucun ordre à donner dans les deux autres. La rue Transnonain ne se trouvait pas dans la circonscription de son commandement.

[2] M. Thiers, qui tenait en haute estime cette rare capacité militaire et ce grand bon sens, n’avait cependant pas osé l’employer pendant son dernier ministère, de peur de réveiller dans l’opposition de trop fortes antipathies. M. Guizot fut plus hardi ; mais les différends survenus à l’occasion de l’expédition de Kabylie, entreprise par le maréchal malgré une défense formelle du gouvernement, le firent remplacer par le duc d’Aumale. Le duc d’Isly fut mis à même, suivant l’expression de M. Guizot, de venir jouir de sa gloire et de se reposer dans ses terres, où il s’occupait avec passion d’agriculture théorique et pratique.

[3] M. Richond des Brus, député de la Haute-Loire.

[4] La commission composée de neuf députés ministériels, ce qui ne s’était pas vu depuis le ministère de H. de Villèle, avait choisi M. Vitet pour son rapporteur.

[5] Le lendemain, 26 janvier, on lisait dans le National un commentaire effrayant du discours de M. Thiers : Quel héritage, disait-on en s’adressant au ministère, laisserez-vous au pays ? Quel est le dernier terme prochain peut-être de votre système ? Il faut dire le mot, c’est la banqueroute. Avec la durée de ce qui est, il n’y a pas d’autre issue la banqueroute par la paix, la banqueroute comme résultat presque infaillible de cette politique d’ordre.

[6] M. Molé surtout ne pouvait contenir son indignation : Ce sont d’odieux sophismes, répétait-il le soir dans son salon d’un ton irrité.

[7] Les journaux ministériels se félicitaient au contraire de ce que le Collège de France avait enfin cessé d’être une école de scandale, de sédition et d’impiété.