VIE DE  NAPOLÉON

— FRAGMENTS —

 

XIX.

 

 

Fermentation révolutionnaire dans les États de terre-ferme de la république de Venise. — Bataille de Rivoli. — Bataille de la Favorite.

 

Après les rudes pertes que l'armée avait éprouvées à Calliano sur la Brenta et à Arcole, Napoléon avait fait les plus vives instances auprès du Directoire, afin d'obtenir les forces indispensables pour qu'il pût garder ses positions. Le Directoire lui envoya six mille hommes et en employa vingt-cinq mille à tenter une descente en Irlande. Il eût été plus simple d'envoyer ces vingt-cinq mille hommes en Italie, de battre l'Autriche, de faire la paix avec elle, et ensuite de tenter une descente en Irlande ; mais le Directoire ne savait guère gouverner et, d'ailleurs, il était jaloux de Napoléon.

La victoire d'Arcole avait retenti en France ; on commençait à comprendre à quoi avait tenu le sort de l'Italie. Forcé par le cri public, le Directoire annonça au général en chef, qu'il allait lui envoyer les belles divisions Bernadotte et Delmas, tirées des armées du Rhin. En attendant l'arrivée de ces troupes qui, malgré l'hiver, devaient traverser les Alpes, Napoléon employa le mois de décembre à se mettre en garde contre Venise. Cette vieille aristocratie, si formidable au moyen âge, avait toujours beaucoup d'esprit ; mais elle avait perdu toute énergie. De plus en plus indisposée par les charges de la guerre qui se faisait dans ses États, cette République augmentait ses armements.

Si elle eût voulu suivre les conseils du général français, probablement elle existerait encore aujourd'hui, mais il était difficile que.des vieillards faibles, étiolés par la vanité, les richesses et un siècle d'inaction, vissent ce qu'il y avait de bon dans les conseils d'un jeune général dont les mouvements rapides étaient faits pour les choquer. Leur manque de tact alla jusqu'à voir en lui un républicain fougueux et un homme dont tous les projets étaient, ne pouvant espérer de faire des alliés, de chercher à leur susciter des embarras. Des sociétés patriotiques établies à Brescia, à Bergame, à Crema, semèrent les germes de la démocratie dans les États de Venise. De son côté, Venise armait à force et répandait de l'argent parmi les paysans fanatiques des montagnes du Bergamasque ; Ottolini, podestat de Bergame en soudoyait trente mille.

Bonaparte avait résolu de ne rien voir et différa toute explication, jusqu'après la reddition de Mantoue. Toutefois, il fit occuper la citadelle de Bergame, qui avait garnison vénitienne, et donna pour raison qu'il ne la croyait pas assez bien gardée pour résister à un coup de main de la pari des Autrichiens. Dans la Lombardie et la Cispadane, il continua à favoriser l'esprit de liberté, réprimant le parti autrichien ainsi que les prêtres, et modérant le parti démocratique. Il maintint les apparences de l'amitié avec le roi de Sardaigne et le duc de Parme. Il alla à Bologne, pour terminer une négociation avec le duc de Toscane et imposer à la cour de Rome. A une certaine époque le grand duc de Toscane avait intenté quatre cents procès aux Jacobins de ses États oui, ce me semble, il n'y en eut jamais. Mais bientôt ce prince philosophe prit le sage parti de tolérer la révolution française et ses effets.

Comme nous l'avons vu, les troupes de la République occupaient Livourne. De vives discussions s'étaient élevées entre l'administration financière de l'armée et le commerce de cette ville. Il s'agissait des marchandises envoyées à Livourne en commission (déposées pour être vendues), par des négociants anglais et sur lesquelles, comme H est d'usage, les négociants toscans avaient fait des avances. Ces marchandises qu'on arrachait avec peine aux négociants de Livourne, étaient ensuite fort mal vendues et par une compagnie qui, suivant le général en chef, venait de voler cinq à six millions à l'armée.

Napoléon fit un abonnement avec le grand duc ; il fut convenu que, moyennant deux millions, payés comptant, les Français évacueraient Livourne. Il trouvait dans cet arrangement l'avantage de rendre disponible la petite garnison qu'il avait placée dans cette ville.

Parmi les idées qui se présentaient en foule à cette tête ardente et à la fois raisonnable, nous noterons la suivante : II s'agissait de former une barrière entre le Pape et le siège de Mantoue. Les Anglais ne pouvaient-ils pas débarquer quatre mille hommes à Ancône ou à Civita-Vecchia ? Bonaparte voulait prendre les deux légions formées à Bologne et à Ferrare (la République cispadane), les réunir à la garnison de Livourne, y ajouter trois mille hommes et lancer ce petit corps sur la Romagne et la marche d'Ancône. On s'emparait de deux provinces de l'État romain, on y arrêtait les impôts, on se payait ainsi de la contribution qui n'avait pas été acquittée et surtout on rendait impossible le projet de jonction de Wurmser avec l'armée papale.

A la paix, on pouvait rendre la Lombardie à l'Autriche, et former une République puissante, en ajoutant au Modénois, au Bolonais et au Ferrerais, la Romagne, la marche d'Ancône et le duché de Parme. Dans ce cas, on aurait donné Rome au duc de Parme, ce qui aurait fait grand plaisir au roi d'Espagne ; le Pape n'étant soutenu ni par l'Autriche ni par l'Espagne, pouvait être placé dans une île, la Sardaigne, par exemple.

Bonaparte avait commencé à exécuter son projet ; il s'était porté à Bologne avec trois mille hommes et menaçait le Saint-Siège ; mais Rome n'eut point peur. Le nonce Albani lui écrivait de Vienne les miracles que l'administration faisait sous ses yeux pour former une cinquième armée. Rome rassembla des troupes, espéra communiquer par le bas Pô avec Wurmser, et témoigna le désir de voir le général français s'avancer encore davantage dans ses provinces.

Le cardinal secrétaire d'État expliquait ses plans de campagne :

— S'il le faut, disait-il, le Saint-Père quittera Rome et ira passer quelques jours à Terracine, sur l'extrême frontière du royaume de Naples : plus Bonaparte s'avancera et s'éloignera de l'Adige, plus il s'exposera aux dangers d'une retraite désastreuse, et plus les chances deviendront favorables à la cause sainte.

Rien n'était plus sage que ce raisonnement. Mais Napoléon n'avait garde de trop s'éloigner de Mantoue. Il avait l'œil sur l'Adige et s'attendait à chaque instant à une nouvelle attaque.

Le 8 janvier 1797, il apprit que ses avant-postes avaient été attaqués sur toute la ligne ; il repassa le Pô, en grande hâte, avec ses deux mille hommes et courut de sa personne à Vérone. Alvinzi s'avançait pour débloquer Mantoue avec quarante et quelques mille hommes ; Mantoue en renfermait vingt mille, dont douze mille, au moins, sous les arme s.

C'était la quatrième fois que l'armée d'Italie devait combattre pour la possession de Mantoue. Les divisions Bernadotte et Delmas, qu'on attendait de l'armée du Rhin, n'étaient pas arrivées et pourtant Alvinzi avait repris l'offensive.

L'armée occupait ses positions ordinaires : la division Serrurier devant Mantoue ; Augereau sur l'Adige, depuis Vérone jusqu'au delà de Legnago ; Masséna à Vérone ; Joubert avec une quatrième division à la Corona et à Rivoli, dont le nom devra son immortalité à la dernière des grandes batailles gagnées par Bonaparte en Italie.

Chacune de ces quatre divisions était forte d'à peu près dix mille hommes. Le général Rey se trouvait à Desenzano avec une réserve de quatre mille hommes.

L'ennemi avançait à la fois par Roveredo, par Vicence et par Padoue, c'est-à-dire qu'il attaquait en même temps le centre et les deux ailes de l'armée française. Napoléon se détermina à garder ses positions jusqu'à ce qu'il eût deviné laquelle de ces trois attaques était la véritable.

Le 12 janvier 1797, la colonne qui s'avançait par Vicence, s'approcha de Vérone et fit plier les avant-postes de Masséna ; le reste de la division vint à leur secours, déboucha sur Saint-Michel, et l'ennemi fut repoussé avec perte ; le général en chef acquit la certitude qu'il n'était pas en force sur ce point.

Le lendemain, dans l'après-midi, il apprit que le général Joubert, attaqué de front par des forces supérieures et menacé sur ses deux flancs par de fortes colonnes, avait été obligé, dans la matinée, d'évacuer la position de la Corona — située entre l'Adige et le Monte-Baldo, au delà duquel se trouve le lac de Garde —. Joubert s'était replié sur Rivoli, d'où il comptait continuer sa retraite sur Castel-Novo. Il n'y eut plus de doute ; il était clair que la colonne de Vicence et celle qui se dirigeait sur le bas Adige, étaient destinées à opérer des diversions, pour faciliter la marche du corps principal, qui descendait par la vallée de l'Adige. C'était donc à ce corps qu'il fallait opposer le gros de l'armée.

Napoléon partit de Vérone, emmenant avec lui la plus grande partie de la division Masséna ; deux mille hommes restèrent à Vérone pour contenir la colonne de Vicence ; Rey reçut l'ordre de se diriger de Salo sur Rivoli, point de réunion générale. Napoléon avait deviné que, suivant la méthode autrichienne, le maréchal Alvinzi aurait divisé en plusieurs colonnes le corps qui débouchait par la vallée de l'Adige. Il pensait qu'en occupant le plateau de Rivoli, où venaient se réunir les différents sentiers qui sillonnent cette contrée montagneuse, il aurait la faculté d'agir en masse contre des colonnes séparées entre elles par des obstacles insurmontables.

Ce calcul était fondé, mais il réussit à peine. L'armée française était trop peu nombreuse pour faire face partout à des marches d'une rapidité incroyable. Napoléon se trouva sans cesse au milieu des balles, et à aucune de ses batailles il ne fut exposé pendant aussi longtemps au feu de la mousqueterie. Cette armée si peu nombreuse eût sans doute été anéantie si elle eût perdu son général en chef. Jamais Augereau n'eût voulu obéir à Masséna ; Lannes était encore dans les grades inférieurs et, d'ailleurs, la malheureuse loi de l'ancienneté eût peut-être donné le commandement en chef à Serrurier.

Napoléon ordonna à Joubert de se maintenir, à tout prix, en avant de Rivoli, jusqu'à son arrivée.

Alvinzi, au moment où il quittait Bassano et se mettait en marche pour remonter la Brenta et se jeter dans la vallée de l'Adige, avait envoyé Provera avec huit mille hommes sur Legnago, et Bayalitsch, avec cinq mille sur Vérone. Lui-même, à la tête d'environ trente mille hommes, déboucha par Roveredo sur la Corona. Puis il eut l'idée vraiment allemande de subdiviser encore cette petite armée en six colonnes, tandis qu'il eût dû agir en masse avec trente-huit mille hommes ; cinq mille suffisaient de reste pour inquiéter l'Adige.

Pendant que trois de ces six colonnes d'Alvinzi, formant un total de douze mille hommes, pressaient Joubert de front, le général Lusignan, avec quatre mille hommes, alla passer sur l'extrême bord du lac de Garde, au couchant du Monte-Baldo : Lusignan prétendait, avec ses quatre mille hommes, tourner la gauche des Français.

Quasdanowich, avec une cinquième colonne de huit mille hommes, destinée à assaillir la droite, prit le chemin qui longe la rive droite de l'Adige. Il faut remarquer que l'artillerie et la cavalerie qui ne pouvaient suivre les autres colonnes, dans les mauvais chemins de montagne par lesquels elles devaient passer, marchaient avec cette dernière colonne, par la belle route qui côtoie l'Adige. Enfin, pour éviter tout embarras, Wukasowich, avec une sixième colonne de quatre mille hommes, descendait par la rive gauche de l'Adige.

Si le lecteur veut se rendre compte de la singularité de ce plan, il peut vérifier sur une bonne carte géographique que, par une suite d'obstacles naturels et invincibles, aucune de ces colonnes ne pouvait communiquer avec sa voisine.

En commençant par la droite de l'armée ennemie, la crête du Monte-Baldo empêchait toute communication entre la colonne de Lusignan, qui longeait le lac, et les trois colonnes du centre ; celles-ci se trouvaient séparées de celle de Quasdanowich, où étaient l'artillerie et la cavalerie, par les sommités impraticables de San-Marco, et, enfin, l'Adige se trouvait entre Quasdanowich et Wukasowich.

Ainsi, toutes les colonnes agissantes de l'ennemi, arrivaient par les montagnes et sans canons, tandis que réunie sur le plateau de Rivoli, l'armée française pouvait les recevoir successivement, même avec du canon de douze. Le génie de Bonaparte fut d'oser deviner un plan aussi singulier. Pour qu'il réussît, il fallait que toutes les colonnes autrichiennes pussent arriver au même instant et donner avec un ensemble parfait.

Au moment où Joubert reçut les ordres de son général en chef, vers une heure du matin, il était en pleine retraite. Il retourna sur-le-champ à la position de Rivoli, que fort heureusement l'ennemi n'avait point encore eu le temps d'occuper. Napoléon l'y rejoignit sur les deux heures après minuit ; il faisait un magnifique clair de lune ; les feux des bivouacs autrichiens étaient renvoyés par les cimes couvertes de neige du Monte-Baldo et Napoléon put s'assurer de l'existence de cinq camps ennemis séparés.

Le 14 janvier au matin, le gros de la division Joubert marcha vers San-Marco, par Caprino et San-Giovanni ; elle attaqua le centre des Autrichiens ; pendant ce temps une demi-brigade placée dans des retranchements, en arrière d'Osteria, couvrait sa droite. Elle était destinée à arrêter Quasdanowich qui, probablement, tenterait de monter sur le plateau de Rivoli, des bords de l'Adige, où il était placé. Masséna, qui arrivait à marches forcées, reçut l'ordre de détacher une demi-brigade sur la gauche, pour contenir Lusignan qui, probablement, par un mouvement semblable, chercherait à monter des bords du lac sur le plateau.

Joubert se battait vivement ; mais les Autrichiens le recevaient avec une extrême bravoure ; c'est une des batailles qui leur fait le plus d'honneur. La gauche des Français, débordée, plia. A la vue de ce mouvement, la droite commandée par le général Vial, rétrograda aussi ; par bonheur, le 146 de ligne se soutint admirablement au centre, et donna le temps de rétablir les affaires. Napoléon courut à la gauche de Joubert, conduisant la colonne de Masséna qui venait d'arriver ; l'ennemi fut repoussé, et la gauche se rétablit sur les hauteurs de Trombalora.

Pendant ce temps, les affaires allaient fort mai ailleurs ; la droite était vivement poursuivie par les Autrichiens, qui descendaient des hauteurs de San-Marco. Quasdanowich avait forcé les retranchements d'Osteria et sa colonne, arrivant du fond de la vallée de l'Adige, commençait à gravir la montée qui conduit au plateau de Rivoli. D'un autre côté, on voyait Lusignan qui, par Affi, se dirigeait sur les derrières de l'armée.

Ainsi, l'armée française était entourée. Napoléon ne fut point étonné ; il s'appliqua à culbuter Quasdanowich. Ce général était obligé de passer par un ravin très-profond et enfilé par nos batteries. A peine la tête de sa colonne parut-elle sur le plateau, qu'elle fut assaillie sur ses deux flancs par de l'infanterie et en front par de la cavalerie, que l'intrépide Lassalle (tué depuis à Wagram) mena à la charge. L'ennemi fut culbuté et rejeté dans le ravin. Le désordre y était déjà grand, lorsqu'un obus français vint faire sauter un caisson, dans le chemin creux qui longe l'Adige et où les Autrichiens étaient entassés : la confusion et la terreur y furent au comble ; infanterie, cavalerie, artillerie rétrogradèrent pêle-mêle par Incanale.

Napoléon, débarrassé de Quasdanowich, put songer à secourir Vial (de l'aile droite de Joubert), qui était en pleine retraite. Les Autrichiens s'étaient débandés en le poursuivant ; deux cents chevaux que Napoléon lança contre eux, les mirent dans une déroute complète qui, chose incroyable, se communiqua à tout leur centre. Alvinzi ne put rallier ces fuyards que derrière le Tasso.

Restait Lusignan. Ce général ne trouvant pas de résistance sérieuse, vint s'établir sur le mont Pipolo, pour couper entièrement la retraite à l'armée française. Mais pour cela il eût fallu, d'abord, qu'elle fût battue.

Napoléon lui opposa une partie de la division Masséna qui entretint le combat jusqu'à l'arrivée de Rey. La tête de la colonne de ce dernier, ayant enfin débouché d'Orza, sur les derrières de Lusignan, celui-ci se vit entouré à son tour. Son corps de quatre mille hommes fut détruit ; il regagna le Monte-Baldo, avec quelques centaines d'hommes seulement.

La bataille était gagnée : ce qui suit est peut-être encore plus admirable.

Le soir même de la bataille de Rivoli, au moment où les généraux faisaient compter les prisonniers autrichiens et où chaque demi-brigade s'assurait, par l'appel nominal, des pertes énormes qu'elle avait faites, Napoléon apprit que Provera, forçant le centre de la division Augereau, laquelle était répartie en petits détachements répandus tout le long de l'Adige, avait réussi à passer ce fleuve, le 13 janvier au soir ; Provera se dirigeait sur Mantoue, il allait débloquer la place. Napoléon calcula que Joubert réuni à Rey, serait assez fort pour pousser les débris d'Alvinzi, et avec la division Masséna il repartit sur le-champ pour Roverbella, où il arriva le 15 au soir. Le 14, Augereau ayant eu le temps de réunir sa division, était tombé sur l'arrière-garde de Provera et l'avait fortement entamée.

Le 15, Provera arriva devant Mantoue ; il comptait y entrer par le faubourg de Saint-Georges ; mais il trouva ce faubourg occupé par les Français et retranché ; il ne put communiquer avec la place.

 

BATAILLE BE LA FAVORITE.

Le 16 janvier 1797, à cinq heures du matin, Provera attaqua le poste de la Favorite et Wurmser celui de Saint-Antoine ; Serrurier réussit à s'y maintenir à l'aide des renforts amenés par le général en chef. Wurmser rentra dans la place.

Provera, attaqué de front par Serrurier, sur sa gauche par la garnison de Saint-Georges, sur sa droite par Napoléon lui-même, à la tête du reste de la division Masséna, se trouvait fort mal mené, lorsque la division Augereau parut sur ses derrières. Il mit bas les armes avec les cinq mille hommes qui lui restaient.

C'était pour la seconde fois, depuis dix mois, que le général Provera avait recours à cette façon de sortir d'embarras. Quand Napoléon avait complètement deviné un général ennemi et le savait bien médiocre, il ne manquait pas de le louer dans toutes les occasions, comme un adversaire dangereux et qu'il était glorieux de combattre. Au moyen de cette ruse bien simple, on ne manquait pas de lui opposer ce général[1].

Pendant que Napoléon gagnait la bataille de la Favorite, Joubert agissait avec une activité digne de son illustre chef.

La destruction du corps de Lusignan et la retraite de Quasdanowich sur Rivalta laissaient sans espoir de secours Alvinzi et son armée du centre. Le 15 janvier, Joubert fit marcher deux colonnes avec une extrême rapidité et réussit à tourner Alvinzi par les deux flancs ; les troupes autrichiennes prévenues sur leur ligne de retraite et adossées aux précipices de la Corona, furent presque entièrement détruites avant d'avoir atteint Ferrara. Près de cinq mille hommes mirent bas les armes.

Le maréchal Alvinzi ayant perdu plus de la moitié de son armée, ramena ce qui lui restait derrière la Piave, ne laissant, pour la défense du Tyrol, qu'à peu près huit mille hommes. Les arrière-gardes autrichiennes furent partout culbutées, et, enfin, au commencement de février, l'armée française se retrouva dans les positions qu'elle avait occupées avant Arcole : Joubert sur le Lavis ; Masséna à Bassano ; Augereau à Citadella. Venise, avec toutes ses forces, restait derrière la droite de l'armée française.

Telle fut la célèbre bataille de Rivoli, dans laquelle trente mille Français, agissant contre une armée très-brave, firent vingt mille prisonniers. Jamais l'armée française n'a mieux fait ; les demi-brigades républicaines surpassèrent la rapidité si vantée des légions de César.

Les mêmes soldats que Napoléon fit sortir de Vérone et qui se battirent à Saint-Michel le 13 janvier, marchèrent toute la nuit suivante sur Rivoli, combattirent dans les montagnes le 14 jusqu'à la nuit, revinrent sur Mantoue le 15, et le 16 firent capituler Provera.

Napoléon, fort malade alors, vint se reposer de tant de fatigues à Vérone.

 

 

 



[1] Rapport du 29 nivôse an V (18 janvier 1797).

Le général en chef au Directoire.

. . . . . . . . . . La confusion et le désordre étaient dans les rangs ennemis ; cavalerie, artillerie, infanterie, tout était pêle-mêle ; la terrible 57e n'était arrêtée par rien. Dans ce moment le respectable général Provera demanda à capituler, etc., etc.