HISTOIRE NARRATIVE ET DESCRIPTIVE DU PEUPLE ROMAIN

 

CHAPITRE XXVI. — CONSTANTIN ET LE CHRISTIANISME.

 

 

Le culte de Mithra. — Pendant le IIIe siècle, les religions avaient achevé de se confondre. On adorait à la fois les anciens dieux grecs et romains, les dieux de l'Égypte, Isis et Osiris, la grande déesse de Phrygie, les Baals de Syrie. qu'on confondait avec Jupiter, et surtout le dieu perse Mithra, le soleil invincible.

On adorait Mithra, non dans des temples, mais dans de petites chapelles souterraines ; les monuments en son honneur le représentent vêtu à la mode perse et terrassant un taureau, avec cette inscription : Au Soleil invincible, au dieu Mithra. C'était le dieu de la vie, de la mort, de la résurrection. On le célébrait par des cérémonies secrètes, un baptême, des repas sacrés, des pénitences compliquées. Avant d'y être admis, il fallait passer par plusieurs degrés d'initiation et subir des épreuves pénibles, par la soif, la faim, le froid, le feu ; quelquefois, dit-on, on en mourait.

Le dieu Soleil fut au IIIe siècle le principal dieu des soldats. L'empereur Aurélien en fit le dieu de tout l'Empire, il lui bâtit à Rome un temple magnifique.

Lutte des Empereurs contre les chrétiens. — Pendant le IIIe siècle, les chrétiens devinrent de plus en plus nombreux, surtout en Orient ; il y en avait maintenant non plus seulement parmi les pauvres, mais dans toutes les conditions.

Déjà au IIe siècle les empereurs avaient essayé d'écraser la nouvelle religion. La persécution fut beaucoup plus violente au IIIe siècle.

Decius, par un édit de 250, ordonna aux gouverneurs de faire venir tous les chrétiens pour les obliger à célébrer les cérémonies romaines, c'est-à-dire à offrir de l'encens sur l'autel d'un dieu en l'honneur de l'Empereur ; ceux qui ne viendraient pas devaient être mis en prison et contraints par la faim et la soif ; les chefs des églises devaient être exécutés. Plusieurs évêques souffrirent le martyre. Il y eut des fidèles qui obéirent à l'Empereur et renièrent leur foi ; d'autres se dispensèrent de sacrifier en donnant de l'argent aux employés pour se procurer des certificats attestant qu'ils avaient sacrifié.

La persécution, arrêtée par la mort de Decius (251), recommença sous Valérien : un édit de 258 ordonna de décapiter les évêques, les prêtres et les diacres, d'exiler les dames chrétiennes et d'envoyer les chrétiens enchaînés aux travaux forcés dans les domaines de l'Empereur. Le pape saint Sixte, à Rome, fut pris dans les catacombes et y fut exécuté ; son diacre saint Laurent fut brûlé à petit feu.

Les chrétiens ne furent plus guère inquiétés pendant près de quarante ans. Aurélien pensa à les persécuter, mais il mourut avant d'en avoir eu le temps. Sous Dioclétien, il y avait des soldats, des employés de la cour et des gouverneurs chrétiens qui célébraient leur culte sans se cacher.

Quelques chrétiens, surtout en Afrique, regardaient comme un péché de servir dans l'armée païenne. Un officier, le centurion Marcellus, jeta ses armes, son ceinturon et son bâton de commandement en disant : Je ne veux pas servir vos empereurs, je méprise leurs dieux de bois et de pierre. Il fut mis à mort.

Dioclétien ordonna à tous les soldats de faire les sacrifices aux dieux. Beaucoup de soldats chrétiens quittèrent l'armée.

Dioclétien commença à devenir l'ennemi des chrétiens et finit par se décider à publier plusieurs édits ordonnant de détruire les églises, les cimetières et les livres chrétiens, de destituer les employés chrétiens, puis d'arrêter les prêtres chrétiens et de les forcer à sacrifier aux dieux. Le premier édit fut déchiré par un chrétien, puis le feu prit deux fois de suite au palais ; on accusa les chrétiens de l'y avoir mis ; Dioclétien irrité fit décapiter l'évêque de Nicomédie.

On commença alors à obliger tous les chrétiens à sacrifier aux dieux. Ceux qui refusaient, on les torturait pour les forcer à offrir l'encens ou à verser la libation. Plusieurs moururent, beaucoup cédèrent.

Enfin, en 304, un édit ordonna à tous les chrétiens de venir sacrifier ; ceux qui refusaient pouvaient être condamnés à mort. Alors commença la persécution appelée ère des martyrs (304-311).

En Occident, le césar Constance, ami des chrétiens, évita d'appliquer les édits. Mais en Orient, Galère, d'abord césar, puis auguste, fut le plus grand persécuteur de l'Église. Rien qu'en Palestine 9 évêques furent mis à mort et 80 chrétiens furent exécutés. Beaucoup de martyrs allèrent eux-mêmes réclamer le supplice. On ne les faisait pas tous mourir ; on les envoyait aux travaux forcés dans les mines, souvent après leur avoir crevé un œil et brêlé un nerf du pied.

Enfin Galère, se sentant près de mourir, renonça à la lutte. En 311 il publia un édit de tolérance. Pour le bien commun de nos sujets et la conservation de l'Empire, nous avions résolu, dit-il, de rétablir la discipline de nos ancêtres. Nous voulions ramener à de meilleurs sentiments les chrétiens qui avaient eu la témérité de s'opposer aux pratiques établies. Mais, puisqu'ils persistaient dans leur folie, il leur permettait de célébrer leur culte et de tenir leurs assemblées ; et il leur demandait en échange de prier leur Dieu pour le bien des empereurs.

Ainsi finit la dernière grande persécution.

Constantin. — Dioclétien, en abdiquant, avait laissé le pouvoir à deux augustes, Galère en Orient, Constance en Occident, aidés de deux césars, Sévère en Italie, Maximin Daza en Orient ; tous quatre Illyriens, anciens officiers. Mais ce régime, organisé par Dioclétien, ne dura pas.

Constance (surnommé Chlore, le Pâle, à cause de son teint) se sentit bientôt atteint d'une maladie mortelle. Son fils Constantin était à Nicomédie, près de Galère qui le faisait surveiller. C'était un homme de 31 ans, robuste, adroit et brave. Il demanda la permission d'aller retrouver son père malade. Galère n'osa pas la refuser. Constantin partit pour la Gaule avec la poste réservée aux agents du gouvernement.

On raconta qu'après avoir donné la permission, Galère eut des regrets et ordonna à Constantin d'attendre jusqu'au lendemain ; mais Constantin était parti le soir même, et à chacun des relais où il passait il avait emmené avec lui tous les chevaux : les gens que Galère envoya pour le faire revenir, ne trouvant plus de chevaux, ne purent le rattraper.

Constantin rejoignit son père à Boulogne et le suivit à l'armée de Bretagne. Constance mourut à Eboracum (York), 306. Ses soldats proclamèrent Constantin auguste, malgré le règlement établi par Dioclétien. Galère, plutôt que de faire la guerre, se résigna à reconnaître Constantin empereur, mais avec le titre de césar. Le césar Sévère devint auguste.

A Rome, le peuple, le Sénat, les prétoriens, tout le monde était mécontent de n'avoir plus l'Empereur. Quand Galère envoya l'ordre de faire le recensement des terres pour l'impôt, la foule se révolta, et massacra le préfet de la ville. Les prétoriens proclamèrent un nouvel empereur, Maxence, fils de Maximien et gendre de Galère, favorable aux païens. Maxence rappela son père Maximien, l'ancien auguste collègue de Dioclétien, qui sortit de sa retraite et redevint empereur (306).

Alors recommencèrent les guerres entre les Empereurs. Il y en eut cinq en seize ans.

1° Sévère vint en Italie attaquer Maxence et Maximien ; son armée l'abandonna ; il se rendit, fut emmené à Rome et mis à mort.

Galère nomma à sa place un Illyrien, fils de paysan, Licinius, avec le titre d'auguste. Les autres empereurs alors ne voulurent plus se contenter du titre de césar ; tous se firent appeler augustes. Il y eut 6 Augustes : Galère, Licinius, Constantin, Maximin Daza, Maxence et Maximien (307).

Maximien essaya d'enlever le pouvoir à son fils, mais l'armée prit parti contre lui. Il s'enfuit en Gaule, alla demander secours à Constantin et lui donna sa fille en mariage. Puis il essaya de prendre à son gendre son trésor déposé à Arles et son armée, en disant aux soldats que Constantin venait d'être tué en combattant les Francs ; Constantin arriva, Maximien fut pris et forcé d'abdiquer ; il périt peu de temps après.

On dit que Maximien avait proposé à sa fille Fausta de tuer son mari Constantin ; Fausta avertit Constantin : il laissa ouverte la porte de sa chambre, éloigna ses gardes et mit quelqu'un dans son lit à sa place. La nuit Maximien entra, disant qu'il venait d'avoir en songe une révélation importante et venait la communiquer ; il s'approcha du lit et poignarda l'homme qui tenait la place de l'Empereur. Constantin sortit alors de sa cachette. Maximien s'étrangla.

2° Pendant que Constantin faisait la guerre près du Rhin et repoussait les Francs de la Gaule, Maxence, à Rome, se rendait odieux au peuple et finissait par se brouiller avec Constantin. Constantin passa les Alpes avec son armée, descendit en Italie et arriva devant Rome. Maxence fit passer le Tibre à son armée sur un pont de bateaux, à côté du pont Milvius ; on se battit dans la plaine, sur la rive droite du Tibre. L'armée de Maxence se débanda. Les prétoriens seuls combattirent ; mais rompus par une charge de cavaliers gaulois, ils s'enfuirent vers le pont Milvius ; le pont se brisa, Maxence se noya (312).

Constantin entra dans Rome en vainqueur, renvoya les prétoriens, fit démolir les retranchements de leur camp et exécuter les amis de Maxence. Il promit au Sénat d'écouter ses conseils, et donna au peuple des jeux pour célébrer sa victoire. Le Sénat décida de bâtir en son honneur un arc de triomphe.

Puis Constantin alla à Milan retrouver son collègue Licinius et lui donna sa fille en mariage.

3° Licinius s'était allié avec Constantin contre Maximin Daza, l'autre empereur d'Orient, allié de Maxence. Daza soutenait les prêtres et les magiciens et persécutait les chrétiens. Il passa avec une armée en Europe et marcha contre l'armée de Licinius. Il fut vaincu à Andrinople, s'enfuit et fut tué (313). On massacra sa femme, son fils et sa fille ; puis le fils de Galère, le fils de Sévère, la femme et la fille de Dioclétien. Il ne resta plus que deux empereurs, Constantin en Occident, Licinius en Orient (313).

4° Ils se brouillèrent bientôt. Constantin passa les Alpes, vainquit deux fois Licinius et le força à lui céder toutes les provinces que Licinius avait en Europe (314).

5° Après quelques années de paix, Constantin partit de nouveau en guerre. Licinius, vaincu à Andrinople, puis en Asie (323), vint se rendre à Constantin qui promit de lui laisser la vie, le relégua à Thessalonique et le fit mourir. Constantin restait seul maitre de l'Empire (324).

L'édit de Milan. — Constantin avait une mère chrétienne, Hélène. Lui-même, comme son père Constance, sans être chrétien, tolérait volontiers le christianisme. Ses ennemis Maxence et Daza étaient soutenus par les partisans de la vieille religion romaine ; il eut pour lui les chrétiens.

Voici ce que l'historien chrétien Eusèbe disait avoir entendu raconter à Constantin vers la fin de sa vie :

La veille de la bataille du pont Milvius oh Maxence fut tué, Constantin vit dans le ciel, au-dessus du soleil couchant, une croix lumineuse avec cette inscription : Par ceci tu vaincras. Dans la nuit le Christ lui apparut, lui montra le même signe et lui ordonna de le mettre sur son étendard. Constantin vainqueur obéit au Christ qui lui avait donné la victoire ; il fit faire un étendard en forme de croix avec le monogramme du Christ.

D'après un autre écrivain chrétien, Constantin, pour obéir à un songe, fit mettre le monogramme du Christ sur les boucliers de ses soldats.

On sait en effet que plus tard Constantin porta une croix sur son casque et que l'armée eut un étendard, appelé labarum, formé d'une pique droite surmontée en travers d'une barre portant un voile de pourpre avec des broderies d'or qui représentaient l'image de l'Empereur et au-dessus le monogramme du Christ entouré d'une couronne. Les soldats regardaient cet étendard comme un objet miraculeux qui préservait des blessures.

Constantin ne se borna pas à tolérer la religion chrétienne. Par l'édit de Milan (313), lui et Licinius la déclarèrent l'égale de l'ancienne religion : Que chacun embrasse la religion qui lui plaît et pratique librement ses cérémonies. Dans les choses divines nul ne doit être empêché de suivre la route qui lui convient. Les biens enlevés aux églises chrétiennes pendant la persécution leur furent rendus. Ainsi fut établie la liberté de religion.

Dans les années suivantes, Constantin prit quelques mesures en faveur des églises ; il ordonna de fermer les tribunaux le dimanche — le dimanche était célébré à la fois par les chrétiens comme le jour de la résurrection du Christ, et par les adorateurs du dieu Soleil comme le jour du soleil.

Les chrétiens ayant pris parti pour Constantin, Licinius devint leur ennemi en Orient, empêcha les évêques de se réunir, fit fermer des églises, destitua des employés chrétiens et même en fit emprisonner quelques-uns. Constantin vainqueur donna en Orient aux chrétiens les mêmes droits qu'en Occident. Le christianisme devint la religion de l'Empire.

Concile de Nicée (325). — Depuis quelques années l'Église chrétienne était troublée par des discussions sur la nature du Christ. Un prêtre d'Alexandrie, Arius, avait émis la doctrine que Dieu le Fils a été créé par la volonté de Dieu le Père et lui est inférieur : il fut déclaré hérétique par une assemblée d'évêques égyptiens et excommunié ; mais d'autres évêques, en Orient, prirent parti pour lui et les querelles devinrent très vives.

Constantin ne comprenait pas pourquoi on se disputait, mais il voulait la paix ; il écrivit au clergé d'Alexandrie : Je voulais ramener à une seule forme l'opinion que tous les peuples se font de la divinité, l'accord sur ce point aurait rendu plus facile l'administration publique. Est-il juste que pour de vaines paroles vous engagiez le combat, frères contre frères ? Cette lettre n'arrêta pas la querelle.

Constantin alors convoqua tous les évêques pour régler ensemble la doctrine chrétienne et rétablir l'ordre. Ainsi fut réuni le concile de Nicée, le premier concile œcuménique (c'est-à-dire de toute la terre).

Il y vint plus de 250 évêques, surtout des Grecs, accompagnés de prêtres, de diacres et de serviteurs ; Constantin leur avait donné le droit de se servir de la poste impériale et de se faire fournir des vivres comme les fonctionnaires.

On se réunit dans la grande salle du palais de Nicée, les évêques étaient assis sur des sièges. Constantin entra en costume de cérémonie, traversa la salle et s'assit sur un siège d'or. L'évêque assis à droite de l'Empereur se leva et lui adressa un discours. Constantin le remercia, se déclara heureux de voir réunis autour de lui les représentants de l'Église et les engagea vivement à maintenir la paix, comme il convient à des serviteurs de Dieu. Il parlait en latin, un évêque traduisit son discours en grec. Puis il se retira laissant les évêques discuter entre eux.

Le concile, à une grande majorité, condamna la doctrine d'Arius et adopta la confession de foi que proposaient l'évêque de Cordoue, ami de Constantin, et un jeune prêtre d'Alexandrie, Athanase. Ce fut le symbole de Nicée. Il y est dit que le Fils est de même essence que le Père (όμοούιος).

Constantin considéra les décisions du concile comme une loi obligatoire pour tous les chrétiens : il exila Arius et ses partisans, et fit brûler ses livres.

Organisation de l'Église. — La religion chrétienne reconnue ainsi par l'Empereur, était devenue la religion de la plupart des habitants de l'Empire, surtout en Orient. Alors les évêques achevèrent d'organiser l'Église.

Ils l'organisèrent sur le modèle de l'Empire, dans la forme qu'elle a toujours conservée depuis. Dans chaque cité, il y eut un évêque qui résidait dans la ville et gouvernait les fidèles du territoire, appelé diocèse ; il était choisi pour la vie et consacré par les autres évêques de la province, en présence du clergé et du peuple de la ville, c'est-à-dire des prêtres et de l'assemblée des fidèles qui approuvaient l'élection. Autant il y avait alors de cités, autant il y a eu d'évêques. Voilà pourquoi en Orient et en Italie, ou les villes étaient alors très nombreuses, les évêques sont nombreux et les diocèses petits ; en France au contraire, où les villes étaient rares, sauf dans le Midi, il y a peu d'évêques et de grands diocèses.

Chaque province devint une province ecclésiastique ; l'évêque de la capitale de la province (la métropole) s'appela métropolitain (plus tard archevêque), et fut supérieur aux autres évêques[1].

Au-dessus de tous était l'évêque de Rome, successeur de saint Pierre, le Pape.

Les évêques se réunissaient pour régler les affaires de l'Église ; leurs assemblées (en grec synodes, en latin conciles) étaient composées des évêques d'une province ou de tout un pays. L'assemblée de tous les évêques du monde s'appelait œcuménique.

Le concile décidait ce que les chrétiens devaient pratiquer et ce qu'ils devaient croire. Lorsqu'une doctrine paraissait contraire à la foi de l'Église, le concile la condamnait, la signalait aux fidèles comme une hérésie (opinion particulière) et déclarait excommunié quiconque continuerait à la professer. La doctrine de l'Église s'appelait l'orthodoxie (c'est-à-dire la croyance vraie). Les seuls chrétiens reconnus par l'Église étaient les orthodoxes. Les hérétiques étaient rejetés hors de l'Église.

Les églises commençaient à devenir propriétaires, elles ne possédaient plus seulement leurs cimetières et leurs salles de réunion, beaucoup avaient des domaines ; Constantin permit de leur léguer de l'argent ou des terres et lui-même leur en donna. Le clergé administrait ces biens, destinés surtout à payer les frais du culte et à distribuer des aumônes aux pauvres, aux malades, aux veuves.

On s'assemblait dans les basiliques, grandes salles à colonnes. Au fond se tenaient l'évêque et les prêtres, près de la table où se donnait la communion. La foule des fidèles occupait la basilique, les femmes séparées des hommes. Les catéchumènes, non encore admis à la communion, n'assistaient qu'à une partie de la cérémonie, au sermon ; on les renvoyait avant l'eucharistie. Les pénitents qui avaient commis un péché et n'étaient pas encore pardonnés restaient à la porte. En dehors était le baptistère avec la cuve pleine d'eau où on trempait les catéchumènes pour les baptiser.

Fondation de Constantinople. — En 326 Constantin assistait à Rome à la cérémonie de la revue des chevaliers ; les chevaliers, suivant l'usage païen, montèrent au temple de Jupiter sur le Capitole ; l'Empereur ne les suivit pas. Le peuple de Rome, resté païen, murmura.

Constantin décida de remplacer Rome par une nouvelle capitale. Il choisit Byzance, dans une position exceptionnelle, sur un promontoire facile à défendre du côté de la terre, séparé de l'Asie seulement par un canal étroit, sous un beau ciel, dans un pays fertile couvert de vignobles, de moissons et d'arbres ; le port, la Corne d'or, vaste et profond, un des meilleurs du monde, capable de contenir 1.200 navires, pouvait être fermé à une flotte ennemie par une chaîne de 250 mètres. A la place de Byzance s'éleva Constantinople (ville de Constantin). On l'entoura d'un rempart de cinq lieues de tour ; on y construisit un palais, un cirque, des aqueducs, des bains, deux places entourées de portiques, des temples et l'église chrétienne des Saints-Apôtres ; on y bâtit des quartiers nouveaux.

Pour orner sa ville, Constantin y fit apporter de Grèce et de Rome des statues célèbres, une Pallas, le Zeus de Dodone, les Muses de l'Hélicon, le trépied de Delphes.

Pour la peupler il y transplanta de force les habitants des villes voisines. Il y établit, comme à Rome, des distributions de blé, de vin, d'huile, et de nombreux spectacles. Il y créa, comme à Rome, un sénat ; il distribua des domaines et des palais aux nobles qui vinrent s'y fixer et obligea les propriétaires des provinces voisines à avoir une maison à Constantinople.

Le travail commença en 326 ; moins de quatre ans après (330) on fit l'inauguration.

Fin du règne de Constantin. — Constantin régna seul pendant treize ans. Son fils aîné, Crispus, qu'il avait de sa première femme, fut accusé de conspirer, il le fit arrêter et mettre à mort ainsi que plusieurs de ses amis (326). Il fit exécuter son neveu Licinianus, jeune garçon de douze ans, fils de sa sœur et de l'empereur Licinius. Sa seconde femme Fausta et sa mère Hélène restèrent ennemies jusqu'à la mort de Fausta.

On dit même que Constantin, ayant pris parti pour sa mère, fit porter sa femme dans un bain trop chaud où elle mourut.

Constantin n'avait pas rompu entièrement avec l'ancienne religion. Il gardait le titre de Grand Pontife ; ses monnaies portaient des inscriptions païennes (Au génie de l'Empereur, Au dieu Mars). Pour la cérémonie de la fondation de Constantinople, on choisit le jour où le soleil entre dans le signe du Sagittaire (4 novembre 326) ; un astrologue regardait dans le ciel si le moment était favorable. Dans la nouvelle ville on dressa une colonne de porphyre qui portait un Apollon de bronze ; sous la colonne on avait enterré une copie du Palladium, l'idole protectrice de Rome ; dans le Sénat on mit une statue de la Fortune. La plupart des fonctionnaires et des soldats adoraient encore les anciens dieux ou le dieu Soleil ; les soldats prononçaient une prière à la Divinité pour le salut de l'Empereur et de l'Empire.

Mais Constantin inclinait de plus en plus vers la religion chrétienne. Il fit bâtir plusieurs églises chrétiennes ; il fit déblayer à Jérusalem la montagne du Calvaire où le Christ avait été crucifié ; il fit construire l'église du Saint-Sépulcre à l'endroit où le Christ avait été enseveli et l'église de Bethléem à l'endroit où il était né. Sa mère Hélène vint elle-même surveiller les travaux. Ainsi s'établit la tradition de l'Invention de la Sainte Croix.

On disait que l'impératrice Hélène était venue à Jérusalem chercher la vraie croix, sur laquelle le Christ avait été crucifié. L'évêque de Jérusalem ignorait l'emplacement. On chercha sur le Calvaire, on abattit des maisons, on creusa la terre, on finit par trouver sous un temple de Vénus une grotte et à côté trois croix, celle du Christ et celles des deux brigands crucifiés à ses côtés.

Pour distinguer celle du Christ, l'évêque fit venir une femme mortellement malade et se mit en prière avec l'impératrice, demandant à Dieu un miracle : la femme, après avoir touché la vraie croix, se leva et fut guérie.

Constantin mourut en 337 : pendant sa dernière maladie, il se fit baptiser. Il fut enterré dans l'église chrétienne de Constantinople.

Nouvelle organisation de l'Empire. — La réorganisation de l'Empire, commencée par Dioclétien, continua pendant le règne de Constantin et s'acheva sous ses successeurs.

Les anciens empereurs, vivant à Rome ou à l'armée, avaient conservé la vie simple des magistrats et des généraux romains. L'Empereur établi en Orient prit les habitudes des rois orientaux. Au lieu de la toge il se mit à porter le diadème, bandeau orné de perles, insigne de la royauté, et de magnifiques vêtements flottants faits de soie et d'or. Au lieu de se montrer il s'enferma dans le palais, ne se laissant voir qu'aux jours de cérémonies, assis sur un trône d'or, entouré d'une foule de serviteurs, de gardes armés et de courtisans. Au lieu de recevoir ses amis et de manger familièrement avec eux, il se tint à l'écart, séparé du reste des hommes comme une sorte de dieu. L'homme admis en présence de l'Empereur se prosternait la figure contre terre en signe d'adoration. On appelait l'Empereur Maître, Majesté ; il n'y avait plus de citoyens, tous s'appelaient les sujets (en grec les esclaves) de l'Empereur. L'Empereur était divin, tout ce qui lui appartenait était sacré : on disait le palais sacré, la chambre sacrée, le conseil sacré, le trésor sacré. Le palais de l'Empereur devenait semblable à la cour du roi de Perse. C'est ce régime qu'on a surnommé le Bas-Empire.

L'Empereur a auprès de lui toute une cour ; plusieurs compagnies de gardes du corps à pied et à cheval, une petite armée pour garder son palais, une troupe de chambellans pour faire son service, une troupe d'intendants pour s'occuper de ses affaires, un conseil d'État pour l'aider à gouverner, des huissiers, des messagers et un personnel nombreux de secrétaires divisé en quatre bureaux.

L'Empereur ne communique pas directement avec tous ; il donne ses ordres à des fonctionnaires supérieurs, chacun commande les gens chargés d'une espèce de fonction. Ces chefs de service, au nombre de sept, sont :

Le préposé à la chambre sacrée, chef des domestiques de l'Empereur ;

Le maître des offices, chef des employés du palais ; Le questeur, chef des employés aux écritures ;

Le comte des largesses sacrées, chef des employés des finances ;

Le comte des domaines privés de la maison divine, chef des employés des domaines ;

Le comte des gardes à cheval ;

Le comte des gardes à pied.

L'Empire est partagé en 117 provinces, chacune avec un gouverneur. Plusieurs provinces sont réunies en un diocèse, chacun avec un vicaire (par exemple la Gaule, l'Espagne, la Bretagne). Enfin plusieurs diocèses sont réunis en une préfecture du prétoire. Il y a quatre préfets du prétoire pour tout l'Empire. Tous ces fonctionnaires n'ont plus aucun pouvoir sur les soldats.

Les armées, divisées en légions plus petites que les anciennes, sont commandées par des ducs et des comtes établis dans les provinces frontières. Les deux chefs supérieurs sont le maître des cavaliers et le maître des fantassins.

Tous ces fonctionnaires et ces officiers sont divisés en plusieurs catégories de dignité ; chacun, suivant son rang, reçoit un titre de l'Empereur et le transmet à ses enfants. Il y a ainsi plusieurs degrés de noblesse. Ce sont en commençant par les plus élevés :

Les nobilissimes, les princes de la famille impériale ;

Les illustres, les chefs de service, préfets du prétoire et maîtres des soldats ;

Les spectabiles, les vicaires, comtes et ducs ;

Les clarissimes, qu'on appelle aussi sénateurs, les gouverneurs ;

Les perfectissimes ;

Les egregii, qui correspondent à peu près aux anciens chevaliers.

Tout personnage important a ainsi sa fonction, son rang et son titre.

Pour entretenir ce personnel de courtisans et d'employés, l'Empereur a besoin de plus d'argent qu'autrefois ; or, l'Empire ravagé par les guerres et les invasions, s'est appauvri, il faut donc mettre des impôts plus lourds. Les principaux sont : — l'impôt sur les terres pour lequel on fait un nouveau recensement tous les quinze ans (l'indiction), — l'impôt sur les personnes (capitation), — l'impôt sur l'industrie et le commerce (chrysargyre) qu'on paie tous les cinq ans.

Il devient de plus en plus difficile de faire rentrer les impôts. Dans chaque cité le conseil (la curie) est chargé de les lever ; les membres du conseil, les curiales, en sont responsables ; s'il y a un déficit ils doivent le payer. Aussi la fonction de curiale, qu'on recherchait autrefois comme un honneur, est-elle au ive siècle considérée comme une charge ruineuse, on ne veut plus devenir curiale. Les Empereurs ont fait des lois contre ceux qui refusent ; tout propriétaire est obligé, bon gré, mal gré, d'être membre de la curie. Beaucoup aiment mieux renoncer à leurs terres, ils s'enfuient, se font employés, soldats, prêtres. Les empereurs ordonnent de les rechercher et de les ramener de force dans leur cité. Cette lutte entre le gouvernement et les curiales dura plus d'un siècle et demi.

 

 

 



[1] Les évêques des principales villes de l'Empire, Milan, Trèves, Carthage, et surtout ceux d'Alexandrie, Antioche, Constantinople, Jérusalem (appelés plus tard patriarches) furent souvent considérés comme supérieurs aux autres métropolitains.