HISTOIRE DE L’ASIE

 

 

 

ASSYRIENS

Les premiers temps des peuples de l’Asie sont enveloppés d’épaisses ténèbres, aucun savant n’a  pu les percer et on y cherche en vain la vérité. On nous parle, dans les livres anciens, des Babyloniens et des Assyriens, comme de deux peuples différents, dont les capitales, Ninive et Babylone, étaient sept fois plus grandes que Paris. On nous représente ces nations si rapprochées, et occupant le petit territoire qui se trouve entre le Tigre et l’Euphrate, comme des États assez puissants pour inonder et conquérir l’Asie avec des armées de deux millions d’hommes. Aucun lecteur sensé ne peut croire de pareils contes l’invraisemblance de ces récits et les contradictions de leurs auteurs prouvent assez qu’on ne saurait acquérir aucune connaissance certaine de cette partie de l’histoire du monde.

Il est évident que Ctésias de Cnide, médecin du jeune Cyrus, n’a écrit que des fables répétées depuis par Diodore. Plusieurs autres historiens l’ont copié ; et, pour savoir le peu de foi qu’il mérite, il suffit de rappeler qu’Aristote le jugeait indigne de croyance, et que cet auteur a rempli son Histoire des Indes de fictions qu’il donnait pour des faits certains et dont il disait avoir été le témoin oculaire.

Nous allons cependant rapporter brièvement ce que les anciens ont dit de l’empire d’Assyrie ; et, tout en avertissant nos lecteurs qu’ils vont entendre des fables, nous pensons qu’il serait peu convenable de les leur laisser ignorer, puisque la science de l’histoire consiste non seulement à savoir des vérités, mais à connaître tout ce qu’on a dit de remarquable des peuples célèbres qui ont brillé sur la terre.

La Mésopotamie est située entre le Tigre et l’Euphrate ; c’est une terre fertile, dans un des plus beaux climats du monde ; on appelait ce pays la Chaldée. Les prêtres de Babylone gardèrent le nom de Chaldéens : ils passaient pour avoir fait les premières observations astronomiques ; et leur pays disputait à l’Égypte l’avantage d’avoir été le berceau des arts et des sciences.

On cherche en effet, avec plus de raison, la source de la civilisation dans une vaste plaine comme celle de Babylone, que dans un pays inondé comme l’Égypte.

Les Chaldéens, astronomes, prirent bientôt les astres pour des dieux, et on les regarde comme les inventeurs de l’astrologie, science par laquelle on prétendait connaître l’avenir.

Ils avaient découvert le mouvement des planètes d’occident en orient. Ils divisaient le zodiaque en trente degrés, et chaque degré en trente minutes. Leurs années étaient de trois cent soixante-cinq jours auxquels on ajoutait cinq heures et quelques minutes. Ils regardaient les comètes comme des planètes excentriques à la terre ; on leur attribuait l’invention des cadrans solaires. Une haute tour au centre du temple de Bel leur servait d’observatoire. Leurs prêtres disaient que leur dieu Bélus, après avoir créé le monde et les animaux, s’était fait couper la tête, et que du sang de sa blessure les autres dieux détrempèrent la terre qui produisit des hommes doués d’une portion de l’intelligence divine.

Bérose regardait les fables des Chaldéens comme une allégorie mystérieuse du chaos et de la création. On trouve aussi, dans l’Ézourvedham, l’histoire d’un dieu dont les membres coupés donnèrent naissance aux différentes castes indiennes ; celle des Brames, la première de toutes, venait de la tête du Dieu.

Tout l’Orient semblait reconnaître un Dieu suprême qui avait chargé un ou plusieurs autres dieux d’établir et de maintenir l’ordre dans l’univers ; mais ce qu’on ne pourra jamais connaître, c’est la source de cette doctrine : les uns pensent qu’elle est sortie de l’Inde, les autres, que les Égyptiens et les Chaldéens l’ont répandue sur la terre, d’autres enfin l’attribuent aux Chinois.

De temps immémorial les arts florissaient à Babylone, et l’on y vit aussi régner de tout temps le luxe et la débauche. La superstition favorisait le vice. On regardait la Vénus des Babyloniens, nommée Mélitta, comme une divinité malfaisante qu’on devait apaiser par le sacrifice de la vertu. On prétend que chaque femme était obligée, une fois dans sa vie, de se livrer dans le temple à un étranger. Justin et Ælien disent que la même loi existait en Chypre et en Lydie.

Ce qui est remarquable c’est que, dans presque toute l’Asie, les femmes se dérobaient aux regards des hommes, et que les Babyloniennes seules vivaient et communiquaient librement avec eux.

Pour favoriser la population on vendait les plus belles femmes à l’enchère et les laides au rabais, de sorte que la partie pauvre du peuple trouvait toujours à se marier. On punissait sévèrement l’adultère ; mais le lien conjugal était rompu facilement en rendant la dot que les femmes avaient reçue de leurs maris.

Le peuple babylonien adorait beaucoup de dieux et divinisait les héros il montrait une vénération particulière pour un monstre sorti de la mer, moitié homme, moitié poisson ; qu’ils nommaient Oanés ; ils prétendaient que ce dieu avait enseigné toutes les sciences.

Les historiens anciens nous représentent l’Assyrie comme l’un des plus puissants empires du monde. Justin lui donne treize cents ans de durée ; d’autres cinq cent vingt ; cette dernière opinion est celle d’Hérodote. L’Ecriture sainte nous apprend que la ville de Babylone fut bâtie par Nembrod, le plus ancien des conquérants. Callisthène écrivait à Aristote que les Babyloniens comptaient au moins mille neuf cent trois ans d’antiquité, lorsque Alexandre entra triomphant à Babylone ; ce qui ferait remonter son origine à l’an du monde 1771, c’est-à-dire, cent quinze ans après le déluge.

ROIS D’ASSYRIE

NEMBROD

(An du monde 1800. — Avant Jésus-Christ 2204.)

Nembrod avait aussi le nom de Bélus qui signifie maître ; on l’adora sous ce titre. Il était petit-fils de Cham et arrière-petit-fils de Noé. La Genèse en parle comme d’un fort chasseur devant le Seigneur. En exerçant la jeunesse à la chasse, il la préparait à la guerre et la formait au courage ; à la fatigue et à l’obéissance. On croit que ce fut lui qui le premier entoura de murailles la tour de Bel. Cette tour, construite en briques et plus haute que les pyramides, servait d’observatoire aux Chaldéens. (Il paraît que c’était elle que l’Écriture nommait la tour de Babel). Réunissant dans cette enceinte ses amis et ses confédérés, Nembrod se vit bientôt assez fort pour soumettre tous les environs ; il passa ensuite dans l’Assyrie où il commença la fondation d’une grande ville qu’il nomma Ninive, du nom de son fils Ninus.

Ce qui paraît certain, c’est que Nembrod est le fameux Bélus des Babyloniens, et que son fils, plein de vénération pour sa mémoire, lui érigea des temples et le fit adorer par ses sujets. On ignore la durée, de son règne et celle de sa vie.

NINUS

(An du monde 1842. — Avant Jésus-Christ 2162.)

Ninus, suivant l’exemple de son père, augmenta et disciplina son armée. Soutenu par les Arabes, il conquit, pendant l’espace de quinze ans, presque tous les pays qui se trouvaient entre l’Inde et l’Égypte. Il acheva Ninive que son père avait commencé de bâtir ; il lui donna huit lieues de diamètre et  vingt-quatre lieues de circuit, si l’on en croit Jonas qui disait qu’il fallait marcher trois jours pour faire le tour de cette ville. Ses murs, hauts de cent pieds et fortifiés de quinze cents tours élevées de deux cents pieds, étaient assez épais pour qu’on pût y conduire de front trois chars. Ctésias, qui rapporte ces fables, prétend que l’armée de Ninus se composait de dix-sept cent mille hommes de pied, de deux cent mille chevaux et de seize mille chariots armés de faux.

Malgré ses forces, Ninus assiégeait en vain depuis longtemps Bactres, capitale de la Bactriane et il aurait peut-être été forcé de se retirer sans les conseils et le courage de Sémiramis, femme d’un de ses premiers officiers. Elle découvrit le moyen de s’introduire dans la citadelle et de s’en emparer ; elle exécuta elle-même avec audace le plan qu’elle avait conçu, et rendit Ninus maître de la ville où il trouva d’immenses trésors.

La reconnaissance du roi, se changea en amour. Le mari de Sémiramis, effrayé par les menaces du monarque, se donna la mort. Sa veuve devint reine et eut un fils qu’elle nomma Ninias. Plusieurs auteurs ont cru que Sémiramis, ayant obtenu du roi la puissance souveraine pour cinq jours, en avait profité pour le tuer. Rollin et d’autres historiens le nient et disent que Ninus mourut paisiblement, en laissant à sa femme le gouvernement de ses états et la tutelle de son fils. On voyait, longtemps après la ruine de Ninive, un superbe tombeau, que cette reine célèbre fit bâtir pour son époux.

SÉMIRAMIS

(An du monde 2732. — Avant Jésus-Christ 1272.)

Sémiramis était née à Ascalon en Syrie. Diodore raconte qu’étant abandonnée après sa naissance, elle avait été nourrie d’une façon miraculeuse par des colombes. Son nom, qui voulait dire colombe, a peut-être donné lieu à cette fable.

Sémiramis s’occupa toujours à couvrir la bassesse de sa naissance par la grandeur de ses entreprises. Voulant surpasser en magnificence ses prédécesseurs, elle employa vingt et un millions d’hommes, tirés de toutes les parties de son vaste empire, à bâtir la célèbre Babylone dont les anciens ont décrit avec tant d’éloges et d’exagération les murs élevés, les jardins suspendes, le lac superbe, les palais magnifiques, le pont hardi, et les vastes temples que dominait celui de Bel. Ce dernier subsistait encore du temps de Xerxès qui le pilla et le démolit entièrement.

Alexandre, à son retour des Indes, voulut le rebâtir ; et dix mille hommes travaillaient à en déblayer les décombres, lorsque la mort de ce grand roi interrompit cette entreprise.

Sémiramis parcourut toutes les parties de son empire ; elle agrandit et embellit les villes ; elle construisit des aqueducs pour conduire les eaux, perça des montagnes, et combla des vallées, afin d’ouvrir partout de grandes routes et des communications faciles.

La vénération qu’elle inspirait était telle, que sa vue seule apaisait une sédition. On vint l’avertir à sa toilette que le peuple se soulevait. Elle partit aussitôt, la tête à demi coiffée ; sa présence calma les esprits. On lui érigea une statue qui rappelait à la fois le négligé de sa parure et la force de son autorité.

Ses armes conquirent une grande partie de l’Éthiopie. Elle visita le temple de Jupiter Ammon, dont l’oracle lui apprit que sa vie finirait lorsque son fils Ninias conspirerait contre elle, et qu’après sa mort les peuples de l’Asie lui rendraient les honneurs divins.

La dernière de ses expéditions fut la guerre de sanglante l’Inde. Ses troupes se réunirent à Bactres. Apprenant que les Indiens avaient plus d’éléphants qu’elle, la reine fit arranger des chameaux, de manière à leur donner la forme et l’apparence d’éléphants. Cet artifice puéril et grossier n’eut aucun succès. Le roi des Indes lui envoya demander son nom et les motifs de son agression : Dites à votre maître, répondit-elle, que dans peu je lui ferai connaître qui je suis.

Elle s’avança ensuite près du fleuve Indus, dont elle força le passage après un sanglant combat où elle fit cent mille prisonniers et détruisit mille barques ennemies. Laissant soixante mille hommes sur les bords du fleuve, elle pénétra rapidement dans l’intérieur du pays. Mais le roi des Indes lui livra une nouvelle bataille : les Indiens remportèrent la victoire, les éléphants épouvantèrent les chameaux et mirent l’armée assyrienne en déroute. Sémiramis, dans la mêlée, fut blessée deux fois par le roi, et ne dut son salut qu’à la vitesse de son cheval. Elle perdit une grande partie de ses troupes en repassant l’Indus. Heureusement pour elle, le roi des Indes retenu par un oracle, ne la poursuivit pas au-delà de ce fleuve. La reine conclut la paix avec lui, et revint à Babylone, ramenant à peine le tiers de son armée. Alexandre est le seul conquérant après elle qui ait porté la guerre au-delà de l’Indus.

Sémiramis, rentrée à Babylone, découvrit une conspiration tramée par son fils contre elle. Se rappelant alors la prédiction de Jupiter Ammon, elle ne punit aucun des coupables, céda sans murmure l’empire à son fils Ninias, et se déroba à la vue des hommes, dans l’espoir de jouir bientôt des honneurs divins que l’oracle lui avait promis. On dit qu’en effet les Égyptiens lui érigèrent des temples, et l’adorèrent sous la forme d’une colombe. Sa vie dura soixante-deux ans, et son règne quarante-deux.

NINIAS

Ninias, assis sur le trône, jouit de la gloire de ses prédécesseurs, sacs les imiter. Il s’occupait uniquement de ses plaisirs, et se tenait presque toujours renfermé dans son palais. Les princes de l’Asie adoptèrent presque tous cet usage, croyant se rapprocher des dieux en se rendant invisibles aux mortels, et s’attirer d’autant plus de vénération qu’ils étaient moins connus.

Les différeras peuples, soumis aux rois d’Assyrie, envoyaient tour à tour à Ninive des troupes pour la garde du roi. Elles ne restaient qu’un an dans cette ville, et on les plaçait sous la conduite de chefs d’une fidélité éprouvée. On en usait ainsi .pour prévenir les conspirations et pour ne point laisser aux troupes le temps de se corrompre dans la capitale. Les successeurs de Ninias suivirent, pendant trente générations, cette coutume ; ils furent tous, comme lui, pacifiques et adonnés aux plaisirs.

Aucun grand événement ne nous a laissé de traces de leurs règnes : ce temps peu glorieux fut probablement heureux pour l’Assyrie. Le silence de l’histoire peut être considéré comme une preuve de la tranquillité des peuples.

L’Écriture sainte, en nous faisant connaître la vie d’Abraham, parle d’Amraphes, roi de Sennaar, pays où était située Babylone. Il paraît que ce fut sous le gouvernement de ces rois indolents et peu connus que Sésostris, roi d’Égypte, porta si loin ses conquêtes dans l’Orient ; mais il se contenta de lever des tributs et laissa subsister l’empire d’Assyrie, dont Platon dit que le royaume de Priam était une dépendance.

L’Écriture parle encore d’un roi assyrien, nommé Phul, qui vint en Judée et auquel Manahem, roi d’Israël, offrit mille talents pour en obtenir des secours. On croit que ce Phul était le même roi de Ninive qui, touché des discours de Jonas, fit pénitence avec tout son peuple. Plusieurs historiens pensent qu’il donna le jour à Sardanapale, dernier roi des Assyriens.

SARDANAPALE

Sardanapale surpassa tous ses prédécesseurs en mollesse, en luxe et en débauches. Il perdait sa vie au milieu de ses maîtresses, habillé et fardé comme ces femmes et s’occupant à filer avec elles. Il amassa de grands trésors qu’il n’employa qu’à varier ses voluptés.

Arbace, gouverneur des Mèdes, osa enfreindre la défense de pénétrer dans le palais. Révolté de voir la conduite infâme de Sardanapale qui, oubliant son rang et son sexe, outrageait les lois, la religion et la gloire du trône, il ne put supporter plus longtemps que des gens de courage restassent soumis à un prince si indigne de régner. Il sortit dans la ville et divulgua tous les secrets de ce foyer de débauches, de vices et de prostitution.

Bélésis, gouverneur de Babylone, et d’autres grands, formèrent avec lui une conspiration pour renverser du trône ce prince efféminé.

Au premier bruit de la révolte le roi se cacha dans les appartements les plus retirés de son palais. Mais enfin, se croyant au moment d’y être pris, le désespoir lui tint lieu de courage ; il sortit de la ville avec quelques amis, rassembla des troupes, combattit les rebelles et gagna sur eux trois batailles. Vaincu dans un dernier combat, il prit la fuite et s’enferma dans la ville de Ninive, espérant qu’une aussi forte cité serait pour lui un asile inexpugnable.

Un ancien oracle disait que jamais cette ville ne serait prise, à moins que le fleuve ne devînt son ennemi. Cet oracle rassurait complètement Sardanapale ; mais un jour il apprit que les eaux du Tigre, se débordant avec violence, avaient abattu vingt stades de murs et ouvert un large passage aux ennemis. Il se crut alors perdu ; et, voulant effacer par une mort courageuse la honte de sa vie, il se fit préparer un bûcher, y mit le feu et s’y brûla avec ses eunuques, ses femmes et tous ses trésors[1].

La mort de Sardanapale - Delacroix

Après sa mort on lui érigea une statue qui le représentait dans l’attitude d’un danseur. Le piédestal portait cette inscription : Mange, bois, goûte tous les plaisirs ; tout le reste n’est rien.

Le premier empire des Assyriens finit avec la vie de Sardanapale, après une durée de plus de quatorze cent cinquante ans.

Trois grands royaumes se formèrent de ses débris ; l’un fut celui des Mèdes qui durent leur liberté à Arbace, chef de la conspiration. Bélésis s’empara du trône des Assyriens de Babylone ; et un prince, nommé Ninus le jeune, devint le roi des Assyriens de Ninive.

 

 

SECOND EMPIRE DES ASSYRIENS.

Ce second empire dura 210 ans, depuis la mort de Sardanapale jusqu’à l’année où Cyrus, devenu maître de l’Orient, donna le célèbre édit qui termina la captivité des Juifs.

ROIS DE BABYLONE.

BÉLÉSIS ou NABONASSAR

(An du monde 3257. — Avant Jésus-Christ 747.)

Bélési ou Nabonassar donna son nom à époque astronomique très fameuse dans l’Orient. On prétend qu’il était prêtre et astrologue. Il régna douze ans ; son fils Mérodach Baladan lui succéda. Le roi des Juifs, Ézéchias, reçut les ambassadeurs de ce prince pour le féliciter sur sa convalescence. Les autres rois de Babylone sont restés inconnus.

ROIS DE NINIVE.

THÉGLATHPHALAZAR

Il donna des secours à Achas, roi de Juda, qui dépouilla le temple de Jérusalem pour lui payer des subsides. Le roi d’Assyrie ajouta à son empire la Syrie et la Palestine. Il battit Aza, roi des Syriens, s’empara de Damas, et cette conquête renversa le trône de Syrie. Phacée, roi d’Israël, perdit ses états, et celui de Jérusalem devint tributaire du roi de Ninive.

SALMANAZAR

Sous le règne de ce prince, Osée, roi de Samarie, s’allia avec l’Éthiopien Sabacus, maître de l’Égypte, pour secouer le joug des Assyriens. Salmanazar leur fit la guerre ; après un siège de trois ans il s’empara de Samarie, et chargea de chaînes le roi Osée qui termina ses jours dans la captivité. Il emmena dans ses états tout le peuple samaritain, et détruisit ainsi le royaume des dix tribus d’Israël. Sous son règne vécut le saint homme Tobie ; il gagna la faveur du roi et devint un de ses principaux officiers.

Salmanazar régna quatorze ans et laissa le trône à sort fils Sennachérib.

SENNACHÉRIB

Ce nouveau roi, voulant obliger Ézéchias à lui payer le tribut qu’il lui devait, entra dans la Judée, la pilla, trompa le roi des Juifs par ses négociations, épuisa son trésor, battit les Égyptiens qui venaient à son secours, et porta ses armes dans l’Égypte qu’il ravagea.

Après cette invasion il revint de nouveau faire le siège de Jérusalem ; mais l’armée de Juda lui livra une grande bataille, le mit en déroute, et lui tua cent quatre-vingt mille hommes.

Sennachérib, dans le cours de ses victoires, s’était donné le titre de roi des rois : après cet échec terrible, il revint dans ses états, dépouillé de sa gloire et couvert de la honte que lui causait la perte presque totale d’une si puissante armée. Furieux de sa disgrâce, il fit peser sur ses sujets la tyrannie la plus cruelle. Les Juifs se virent particulièrement exposés à sa colère ; il en faisait chaque jour massacrer un grand nombre, et laissait leur corps dans les champs, sans permettre qu’on leur donnât la sépulture. Son caractère était si féroce qu’il se rendit odieux à sa propre famille. Ses deux fils aînés conspirèrent contre lui et le tuèrent dans un temple consacré au dieu Nesrocb. Ces deux parricides coururent chercher un asile en Arménie ; ils laissèrent le trône de Ninive à leur frère Asarhaddon.

ASARHADDON

Le dernier des successeurs de Baladan, roi de Babylone, étant mort sans héritier, tout ce pays fut pendant huit ans plein de troubles et d’anarchie. Asarhaddon profita de ces désordres pour s’emparer de Babylone qu’il réunit à son empire. La Syrie et la Palestine reconnaissaient son autorité, il porta ses armes dans le pays d’Israël et fit captifs tous ceux que son père y avait laissés. Mais, comme il ne voulait pas que ce pays demeurât désert, il le peupla de colonies qu’il fit venir des rives de l’Euphrate. Ses troupes réprimèrent aussi la révolte des Juifs, et ramenèrent prisonnier le roi Manassé, qui resta quelque temps dans les fers à Babylone ; dans la suite on lui permit de retourner à Jérusalem. Asarhaddon avait régné trente-neuf ans à Ninive et treize à Babylone. Son règne fut heureux et glorieux. Saosduchin, son fils, appelé dans l’Écriture Nabuchodonosor, lui succéda.

NABUCHODONOSOR Ier

Ce roi défit, en bataille rangée, le roi des Mèdes, dans la plaine de Ragan ; il prit Ecbatane, la capitale de la Médie, et retourna victorieux à Ninive. Le fameux Holopherne, général des armées de Nabuchodonosor, rangea plusieurs pays sous sa domination, et se rendit par son orgueil, par ses victoires et par le nombre de ses soldats, la terreur de l’Orient. Mais comme il assiégeait en Judée la ville de Béthulie, une femme juive, nommée Judith, abattit ce colosse ; elle entra dans sa tente et le poignarda pour sauver sa religion et sa patrie.

La mort d’Holopherne ranima le courage des Juifs ; ils battirent complètement les Assyriens et les obligèrent de sortir de leur pays.

Saracus, autrement nommé Chynaladanus, hérita du trône de Nabuchodonosor.

SARACUS ou CHYNALADANUS

Saracus se fit mépriser par ses vices et par sa lâcheté. Tous les ressorts de l’état se détendirent ; les grands, n’étant plus retenus par aucun frein, répandirent le trouble et la confusion dans l’empire. L’un d’eux, nommé Nabopolassar, se rendit maître de Babylone, où il régna vingt et un ans.

Pour soutenir sa révolte il s’allia avec Cyaxare, roi des Mèdes. Leurs armées réunies assiégèrent Ninive, la prirent et la détruisirent de fond en comble ; Saracus y perdit la vie.

Depuis la ruine de Ninive, Babylone devint la seule capitale de l’empire d’Assyrie. Les Babyloniens et les Mèdes s’attirèrent par leurs victoires la jalousie des autres peuples. Néchao, roi d’Égypte, voulant réprimer leur ambition, porta ses armes dans leurs états, et remporta sur eux de grands avantages.

NABOPOLASSAR

(An du monde 3398. — Avant Jésus-Christ 626. )

Le roi d’Assyrie voyait avec peine que la Syrie et la Palestine, profitant de la protection de Néchao, s’étaient soustraites à son obéissance. Son âge et ses infirmités ne lui permettant plus de commander ses troupes, il associa à l’empire son fils Nabuchodonosor, et il l’envoya en Judée, à la tête d’une forte armée, la troisième année du règne de Joachim, roi de Juda.

Nabuchodonosor battit les Égyptiens, conquit la Syrie et la Palestine, assiégea Jérusalem, s’en rendit maître, fit mettre Joachim aux fers, emmena captifs plusieurs princes ainsi qu’un grand nombre de Juifs, et transporta en Assyrie tous les trésors du palais avec une partie des vases du temple de Salomon.

C’est à cette époque que commença la captivité des juifs qui dura soixante-dix ans ans.

NABUCHODONOSOR II.

(An du monde 3398. — Avant Jésus-Christ 666.)

Nabuchodonosor apprit en Judée la mort de son père ; il revint à Babylone et prit possession de son vaste empire qui comprenait la Chaldée, la Syrie, l’Arabie, la Palestine. Ce fut pendant son règne que Daniel prophétisa et s’acquit en Assyrie une grande renommée en interprétant les songes du roi, que les astrologues chaldéens n’avaient pu expliquer.

Nabuchodonosor venait de rétablir Joachim sur le trône de Juda. Ce prince se révolta, et le roi envoya contre lui des troupes, mais elles le trouvèrent mort. Jéchonias, son fils, était sur le trône et persistait dans la révolte.

Les Assyriens formèrent le blocus de Jérusalem. Fatigué de la longueur de ce siège, Nabuchodonosor vint lui-même prendre le commandement de son armée. Il pressa les attaques, entra dans Jérusalem, enleva ce qui restait des trésors du temple et du palais, et les fit transporter à Babylone, où il emmena captifs le roi Jéchonias, sa mère, ses femmes, les grands du royaume et ses principaux officiers. En partant il plaça sur le trône Sédécias, l’oncle du dernier roi. Ce prince ne fut pas plus soumis ni plus reconnaissant que ses prédécesseurs ; il fit alliance avec Éphrée, roi d’Égypte, et rompit le serment de fidélité qu’il avait prêté au roi de Babylone.

Les Assyriens remportèrent la victoire sur les Juifs et les Égyptiens ; après un siège d’un an Nabuchodonosor prit d’assaut la ville de Jérusalem, y fit un carnage effroyable, ordonna qu’on tranchât la tête aux deux fils de Sédécias, en présence de leur père. Les habitants de la ville les plus distingués subirent le même supplice : on creva les yeux à Sédécias qui vécut et mourut prisonnier à Babylone. La ville et le temple furent pillés, brûlés, et toutes les fortifications démolies.

Le roi, enivré d’orgueil par le succès de cette guerre, se fit faire une statue d’or, haute de soixante coudées. Il ordonna à tous ses sujets de  l’adorer, sous peine d’être livrés aux flammes. Ce fut dans cette circonstance que trois jeunes Hébreux, refusant de se prêter à ce culte idolâtre se sauvèrent miraculeusement de la fournaise ardente où ils avaient été jetés. Frappé de ce prodige, Nabuchodonosor défendit de blasphémer le Dieu des Juifs, et combla de faveurs les trois jeunes martyrs.

Quatre ans après la destruction de Jérusalem, Nabuchodonosor assiégea Tyr, une des plus riches et des plus commerçantes villes de l’Orient. Le roi des Tyriens, Stobal, se défendit avec vigueur ; et pendant ce long siége les Assyriens souffrirent des fatigues incroyables. L’Écriture sainte dit que toute tête en était devenue chauve, toute épaule pelée. Réduits à l’extrémité, les habitants de Tyr abandonnèrent leurs foyers et se retirèrent dans une île voisine qu’ils fortifièrent ; ils se bâtirent une nouvelle Tyr qui effaça l’ancienne par son éclat et par sa gloire,

Nabuchodonosor, vainqueur dans toutes les guerres qu’il avait entreprises ne s’occupa plus qu’à agrandir et à embellir la ville de Babylone ; mais, au moment où rien ne semblait devoir manquer à sa félicité, un songe effrayant vint troubler son repos. Les prêtres chaldéens ne purent l’expliquer. Daniel seul l’interpréta, et lui annonça que Dieu, irrité de son orgueil voulait le punir ; qu’il serait privé pendant sept ans de la raison et obligé de vivre avec les animaux des forêts. Les livres saints assurent qu’il fut transformé véritablement en bête.

Ces sept années de châtiment et d’exil accomplies, Nabuchodonosor remonta sur le trône, plus puissant que jamais. Il mourut après un règne de quarante-trois ans ; les Assyriens le regardèrent toujours comme le plus grand de leurs rois.     

ÉVILMÉRODACH

Le fils de Nabuchodonosor n’hérita pas des grands talents de son père. Il ne régna que deux ans et se rendit si odieux par ses débauches et par ses cruautés, que ses parents conspirèrent contre lui, et le tuèrent. Ce fut lui qui fit jeter dans la fosse aux lions le prophète Daniel. L’histoire cite cependant un trait d’humanité de ce roi ; il fit sortir Jéchonias de la prison où on le détenait depuis trente-sept ans.  

NÉRIGLISSAR

CE prince, beau-frère du dernier roi, s’était mis à la tête des conjurés qui l’avaient détrôné. Il s’empara du trône ; mais son règne ne dura que quatre ans. Il déclara la guerre aux Mèdes : ceux-ci appelèrent les Perses à leur secours. Cyaxare, qui commandait les deux armées, lui livra bataille et le tua. Son fils lui succéda. 

LABOROSOARCHOD

Ce roi vicieux se livra sans frein à tous les excès ; sa violence et ses débauches révoltèrent ses sujets qui lui ôtèrent le trône et la vie. Il ne régna que neuf mois.      

NABONIT ou BALTHASAR

(An du monde 3466. — Avant Jésus-Christ 538.)

Les Mèdes et les Perses, poursuivant le cours de leurs victoires, battirent, les années assyriennes et assiégèrent Babylone. Pendant ce siége, au milieu d’un festin, Balthasar, selon l’Écriture, se vit sur la muraille une main qui traçait des caractères mystérieux. Daniel, appelé pour les expliquer, dit au roi que Dieu avait résolu de lui ôter la vie et de donner son royaume aux Mèdes et aux de Perses. Cette même nuit Cyrus, ayant trouvé le moyen d’introduire, par un canal souterrain, ses troupes dans la ville, Babylone fut prise et Balthasar périt.

Telle fut la fin de l’empire de Babylone qui dura deux cent dix ans depuis la destruction de celui de Ninive.

FIN DE L’HISTOIRE D’ASSYRIE.

 

MÈDES

La Médie, qui fait actuellement partie de la Perse, était autrefois composée des pays qui se trouvaient entre ce royaume, la mer Caspienne, la Syrie, la Parthie et l’Arménie. C’est une contrée montagneuse et fertile. Quelques-unes de ses montagnes, qu’on appelait Portes Caspiennes, furent un sujet de discussion entre les géographes. Ptolémée les place entre la Médie et l’Arménie. La capitale de cette contrée se nommait Ecbatane : on n’en reconnaît plus la place ; on croit qu’elle n’était pas loin du lieu où l’on trouve à présent la ville de Tauris.

Plusieurs auteurs supposent que les Mèdes tiraient leur origine de Madaï, troisième fils de Japhet. Ils avaient la réputation d’être très belliqueux ; mais ils prirent ensuite la mollesse et les mœurs des Perses.

Il est difficile de concilier ce qu’on dit de leurs lois sur le mariage ; qui permettaient aux hommes d’avoir plusieurs femmes et aux femmes d’avoir plusieurs maris, avec la jalousie qu’on leur attribuait et qui les porta, dit-on, à inventer la mutilation des hommes pour en faire des eunuques. Ce qui est tout aussi contradictoire, c’est le despotisme de leurs rois, l’adoration qu’on avait pour eux, leur coutume de s’appeler rois des rois, alliés des étoiles, fières du soleil et de la lune ; et d’un autre côté, le frein imposé aux princes par l’autorité des lois qui étaient si respectées que l’Écriture sainte les nomme irrévocables.

L’histoire ne nous a rien conservé des premiers temps de cette nation, qui fut conquise par les rois d’Assyrie et resta quelques siècles sous leur domination. Lorsque la révolte d’une partie de leurs peuples affaiblit l’empire des Assyriens, les Mèdes furent les premiers qui secouèrent leur joug. La haine du despotisme, qui les avait portés à s’affranchir, les empêcha de se donner un maître nouveau, et ils conservèrent quelque temps aveu sagesse la liberté qu’ils devaient à leur valeur. Mais cette liberté finit par se changer-en licence ; et les désordres de l’anarchie leur paraissant alors pires que la servitude, ils se déterminèrent à former un gouvernement monarchique, qui rendit bientôt l’état plus florissant qu’il n’avait jamais été.

Un Mède, nommé Déjocès, fils de Phraorte, conçut le projet de cette révolution et l’exécuta. La nation des Mèdes était alors divisée en six tribus. Elle n’avait point de villes ; tous ses peuples habitaient dans des villages qui se battaient entre eux et qui ne connaissaient plus de limites pour les propriétés, ni de frein pour les passions. On y vivait dans le trouble, sans lois et sans police.

Déjocès conçut l’idée de profiter de ces désordres, pour parvenir à la royauté. Homme brave, prudent et réglé dans ses mœurs, la confiance qu’inspiraient sa justice et ses vertus décida les habitants de son village à le prendre pour juge de leurs différends et à soumettre leur conduite à ses conseils. Il s’acquitta de cette fonction avec tant d’habileté et de sagesse que bientôt ce petit pays et ses environs jouirent des avantages de l’ordre et des douceurs du repos.

Leur bonheur fut envié par les villages voisins, qui s’adressèrent à Déjocès et le rendirent l’arbitre de leurs différends. Le nombre de ses partisans augmenta de jour en jour comme sa renommée ; mais, loin de se hâter d’exécuter son plan, il sut cacher avec prudence ses vues pour en assurer le succès.

Tout à coup il se plaignit d’être accablé par la foule des personnes qui venaient le trouver, et par la multitude des affaires qu’on lui confiait : il ne voulut plus s’en charger et parut déterminé à vivre dans la retraite.

Dès qu’il eut abandonné la direction des affaires, la licence reprit son cours et l’anarchie s’accrut à tel point, que les Mèdes se virent obligés de se rassembler à l’effet de délibérer sur les moyens à prendre pour remédier à tant de désordres. Les émissaires de Déjocès, répandus dans l’assemblée, représentèrent au peuple que, si l’on continuait à vivre en république, le pays serait inhabitable et que le seul moyen de détruire l’anarchie était d’élire un roi qui aurait l’autorité de faire des lois et de réprimer la violence. Après plusieurs débats cet avis fut unanimement approuvé ; et tout le inonde ayant reconnu que personne dans la Médie ne méritait mieux le trône que Déjocès, il fut élu roi l’an du monde 3294, 710 ans avant Jésus-Christ.

Déjocès développa la plus grande activité ; il rétablit l’ordre et prouva à ses sujets qu’ils ne s’étaient pas trompés dans leur choix. Sa bonté naturelle ne l’empêcha pas de faire des règlements sévères pour entourer le trône de respect et inspirer une crainte salutaire. Il pourvut à sa sûreté en se formant une garde composée des hommes qui lui étaient le plus attachés.

Les Mèdes vivaient dispersés dans les villages, sans lois et sans police ; il les réunit pour les civiliser et leur commanda de bâtir une ville : il la plaça sur le penchant d’une montagne qu’il entoura de sept enceintes. Celle du centre était occupée par le palais du roi ; on y renferma ses trésors. On destina la sixième à ses officiers ; les autres furent distribuées au peuple qu’il força de s’y établir. Persuadé que l’éloignement attire le respect, il se rendit presque inaccessible et invisible à ses sujets qui ne pouvaient lui faire parvenir leurs demandes que par des placets et par l’entremise de ses ministres. Cette coutume, suivie dans tout l’Orient, paraît favorable à l’autorité et surtout à la médiocrité. Elle inspire la crainte, mais elle prive de l’amour, et l’histoire prouve assez qu’elle ne rend pas les trônes plus solides ni les révoltes plus rares. Il en résulte même que, ne connaissant pas le souverain, une, révolution qui s’opère dans le sanctuaire du palais est indifférente à la nation. Au reste, si Déjocès, qui établit un des premiers cette, forme despotique, se faisait peu voir à ses sujets, il se fit connaître de tous par la justice de ses décisions et par la sagesse de ses lois. Il rendit son peuple heureux, se fit respecter de ses voisins, et son règne glorieux et pacifique dura cinquante-trois ans.

PHRAORTE

Phaorte succéda à son père Déjocés. Son ambition ne se contenta pas du royaume dont il avait hérité ; il porta la guerre en Perse et soumit ce pays à son empire. Ses forces s’étant accrues par cette conquête, il attaqua successivement d’autres nations et devint maître de toute la Haute Asie qui comprenait les pays situés au nord du mont Taurus jusqu’au fleuve Halys.

Enflé par ses succès, il osa attaquer l’empire d’Assyrie. Nabuchodonosor demanda des secours à ses alliés qui les lui refusèrent. Borné à ses propres moyens, il rassembla ses troupes et livra bataille aux Mèdes dans la plaine de Ragan. Phraorte y fut vaincu ; sa cavalerie prit la fuite, ses chariots fuient renversés. Nabuchodonosor, profitant de sa victoire, entra dans la Médie, prit Ecbatane d’assaut et la livra au pillage.

Phraorte, qui s’était réfugié dans les montagnes, tomba, dans les mains du roi d’Assyrie : ce prince cruel le fit mourir à coups de javelot. Il avait régné vingt-deux ans.

CYAXARE

(An du monde 3369. — Avant Jésus-Christ 635.)

Ce prince plus heureux que son père, échappa au fer de ses ennemis. !l apprit bientôt que Nabuchodonosor, après s’être vengé, par de grands ravages, des peuples qui avaient refusé de le secourir, venait d’essuyer un échec en Judée ; et qu’Holopherne, son général, battu et tué près de Béthulie, y avait perdu presque toute son armée.

Le jeune roi des Mèdes profita de cette circonstance favorable pour se rétablir dans son royaume ; il rassembla une forte armée et se rendit de nouveau maître de la Haute Asie : mais il ne se borna pas à ce succès : la ruine de Ninive lui paraissait nécessaire pour venger la mort de son père.

Les Assyriens vinrent à sa rencontre avec les débris de l’armée d’Holopherne : ils furent vaincus et poursuivis jusqu’à Ninive, dont Cyaxare forma le siège. Il était pris de s’en emparer lorsqu’il apprit que Madiès, roi des Scythes, sortant des Palus-Méotides, avait chassé d’Europe les Cimmériens et les avait poursuivis jusque dans là Médie. Sur cette nouvelle il leva le siège de Ninive dans le dessein d’arrêter ce torrent qui menaçait d’inonder toute l’Asie. Mais la fortune lui fut contraire ; les barbares vainquirent les Mèdes, et r, ne trouvant plus d’obstacles à leur marche, ils parcoururent la Perse, la Syrie, la Judée, et portèrent leurs armes, jusqu’en Égypte, que le roi Psammétique rie parvint à délivrer de leur dévastation qu’à force de préseus. ils retournèrent alors sur leurs pas et occupèrent vingt-huit ans les deux Arménies, la Cappadoce, le Pont, la Colchide et l’Ibérie. Quelques-uns d’entre eux restèrent en Palestine ; et, après avoir pillé le temple de Vénus à Ascalon, s’établirent, en deçà du Jourdain, dans une ville qu’on nomma depuis Scythopolis.

Cyaxare avait été forcé de faire une paix honteuse avec les Scythes et de se rendre leur tribu, taire. Convaincu qu’il ne pouvait se défaire d’eux par la force, il résolut de s’en délivrer par trahison.

Suivant la coutume des Mèdes, à une époque de l’année, chaque famille se réunissait pour un festin. Le roi invita au sien les principaux chefs des Scythes. Chacun de ses sujets en fit autant dans sa maison, et, à la fin du repas, on égorgea tous ces étrangers. Un très petit nombre échappé, an poignard l’ut réduit en servitude, et ceux qui par fortune ne s’étaient point trouvés au festin, s’enfuirent eu Lydie près du roi Alyatte qui les reçut avec, humanité. L’implacable Cyaxare exigeait que ce prince lui livrât ces infortunés sur son refus il porta la guerre en Lydie. Après plusieurs combats où l’avantage fut alternatif, et dans la sixième année de cette guerre, les deux rois se livrèrent une grande bataille ; mais, taudis qu’on se battait, il survint une éclipse de soleil que Thalès de Milet avait prédite. Les Mèdes et les Lydiens, effrayés de cet événement qu’ils regardaient comme un signe de la colère des dieux, se retirèrent chacun de leur côté, et firent ensuite la paix, sous la médiation de Syannésis, roi de Cilicie, et de Nabuchodonosor, roi de Babylone.

Pour cimenter ce traité Argénis, fille d’Alyatte, épousa Astyage, fils de Cyaxare. Les historiens anciens, en parlant de ce fait, nous font connaître une étrange cérémonie qui était d’usage alors entre ceux qui contractaient une alliance. Les deux parties se faisaient des incisions aux bras et buvaient mutuellement leur sang.

Après avoir quelque temps joui du repos, Cyaxare, ayant appris que Nabopolassar avait excité une révolte dans Babylone, se joignit à lui pour exécuter ses anciens projets contre les Assyriens. Ils assiégèrent et prirent Ninive, tuèrent Saracus qui en était roi, et ruinèrent de fond en comble cette grande ville. Les deux armées s’enrichirent de ses dépouilles ; et Cyaxare, poursuivant ses victoires, s’empara de toutes les autres villes de la Syrie, excepté de Babylone et de la Chaldée qui appartenait à Nabopolassar.

Après cette expédition Cyaxare mourut il avait régné quarante ans. Son fils Astyage hérita de son trône.

ASTYAGE

Quelques auteurs ont pensé qu’Astyage était le même qu’Assuérus, dont parle l’Écriture. Son règne, qui dura trente-cinq ans, ne fut signalé par aucun événement remarquable ; l’histoire n’en a pas conservé de traces. Il eut deux enfants, Cyaxare et Mandane. Mandane épousa Cambyse, fils d’Achémènes, roi de Perse ; de ce mariage naquit le fameux Cyrus.

CYAXARE II

Cyaxare II fut le dernier roi des Mèdes. Son neveu Cyrus réunit la Médie à la Perse.

 

LYDIENS.

Il est impossible de fixer l’étendue des différents petits royaumes de l’Asie-Mineure. Les peuples de ces contrées, tantôt agrandis par leurs victoires sur leurs voisins et tantôt resserrés dans des limites plus étroites par leurs défaites, envahis successivement par les Assyriens, les Scythes, les Mèdes, les Grecs, éprouvèrent enfin le sort de toutes les nations civilisées et devinrent des provinces de l’empire romain.

Le royaume de Lydie se trouvait entre la Mysie, la Carie et l’Ionie. Sa capitale était la ville de Sardes, située au pied du mont Tmolus, sur les rives du Pactole, fleuve, fameux dans la fable et dans l’histoire, et qui roulait de l’or dans ses sables.

La possession de cette ville semblait si importante aux Perses que, lorsque les Grecs s’en furent emparés, Xerxès ordonna que chaque jour, à son repas, on vînt lui dire : Les Grecs ont pris Sardes.

Les Lydiens croyaient descendre des Égyptiens : leur religion était celle des Grecs. Ce fut en Lydie qu’on vit briller plusieurs héros des temps fabuleux ; Hercule filait chez Omphale, reine des Lydiens.

Les Lydiens étaient laborieux ; on y punissait l’oisiveté comme en Égypte. Ils avaient adopté des Assyriens l’infâme coutume qui faisait de la prostitution un acte religieux. On leur attribuait l’invention de la monnaie, des jeux de dés, des auberges, de plusieurs instruments. Adonnés au commerce, ils acquirent de grandes richesses ; les rois de Perse en recevaient d’énormes tributs ; et un seul négociant, nommé Pythius, défraya farinée de Xerxès et fit présent à ce prince d’un platane et d’une vigne d’or massif.

Le premier de leurs rois se nommait, dit-on, Manès. Ils le choisirent parmi les esclaves, espérant que le souvenir de sa servitude l’empêcherait de les opprimer. Quinze rois lui succédèrent ; on ne connaît leurs règnes que par des fables trop grossières pour être rapportées.

CANDAULE

Candaule est le premier roi lydien dont les premier historiens de l’antiquité aient parlé avec détail, roi lydien. Épris de sa femme, il ne cessait de vanter sa beauté. Son imprudente vanité le porta à vouloir que Gygès, un de ses premiers officiers, jugeât par ses propres yeux des charmes de cette princesse. Lorsqu’il quitta l’endroit secret où le roi l’avait placé, près du bain de la reine, celle-ci l’aperçut et n’en parla pas ; mais animée par le désir de se venger, ou peut-être par une passion coupable, elle fit venir Gygès, et lui donna le choix d’expier son crime par sa mort ou par celle du roi. Celui-ci prit le dernier parti ; il tua Candaule et devint le maître de son lit et de son trône que perdit ainsi la famille des Héraclides. Cette histoire, que nous a transmise Hérodote, est rapportée autrement par Platon : il dit que Gygès portait un anneau qui le rendait invisible quand il voulait et qu’au moyen de cette bague il avait enlevé à Candaule le trône et la vie.

Candaule montrant sa femme à Gygès -  William Etty, 1849

GYGÈS

Son règne fut d’abord troublé par une sédition qu’excitait l’horreur de son crime ; mais les deux partis, au lieu de se battre, convinrent de s’en rapporter à l’oracle de Delphes. Gygès envoya au temple de magnifiques présents qui valaient près d’un million, et le dieu se déclara pour lui.

Gygès régna trente-huit ans et mourut l’an 3286, 718 ans avant Jésus-Christ.

ARDYS

Ce prince succéda à son père. Sous son règne les Cimmériens, poursuivis par les Scythes, vinrent en Asie : ces barbares y firent de grands ravages et y prirent la ville de Sardes. Il mourut après avoir régné quarante-neuf ans.

SADYATTE

Sadyatte fit la guerre aux Milésiens. Il mourut avant d’avoir terminé cette guerre et ne régna que douze ans.

ALYATTE

Le règne d’Alyatte, fils de Sadyatte, fut glorieux et dura cinquante-sept ans. Il prit les villes de Smyrne, de Clazomène, et chassa les barbares de ses états. Son armée continuait d’attaquer la ville de Milet, dont le siège commencé par son père, durait depuis six ans : ayant envoyé au roi des Milésiens un ambassadeur pour négocier une trêve, on trouva la place publique pleine de provisions, et les habitants occupés à faire de magnifiques festins. Alyatte, qui en fut instruit, trompé par cette ruse, et désespérant de se rendre maître d’une place si bien approvisionnée, leva le siège et fit la paix.

Ce roi combattit longtemps contre Cyaxare ; cette guerre se termina par un mariage entre leurs enfants.

CRÉSUS

(An du monde 3442. — Avant Jésus-Christ 562.)

Le nom de ce roi rappelle le faste et l’opulence. Ses riches présents qu’il envoya à Delphes, et qu’on voyait encore du temps d’Hérodote, firent croire que ses richesses étaient immenses. Strabon prétend qu’elles provenaient du produit des mines qu’on exploitait près de Pergame. Le sable d’or du Pactole en fournissait, dit-on, aussi une partie. Cependant, lorsque Strabon vivait, on ne trouvait plus d’or dans cette rivière.

Crésus joignit l’éclat des conquêtes à celui des richesses. Il réunit à ses états la Phrygie, la Mysie, la Paphlagonie, la Bithynie, la Pamphilie, et tout le pays des Cariens, des Ioniens, des Doriens et des Éoliens.

Il protégeait les sciences et les lettres, et sa cour fut ornée par la présence de plusieurs des sept sages de la Grèce. Il se plut particulièrement à déployer sa magnificence devant Solon, le plus célèbre de ces philosophes ; et à lui montrer ses trésors. Ce législateur républicain n’en fut point ébloui, et lui prouva qu’il n’admirait dans un homme que ses qualités personnelles. Crésus lui demanda un jour s’il avait rencontré dans ses voyages un homme parfaitement heureux. J’en ai connu un, répondit le philosophe, c’était un citoyen d’Athènes, nommé Tellus, honnête homme, qui a passé toute sa vie dans une douce aisance et qui à toujours vu sa patrie florissante. Cet heureux mortel a laissé des enfants généralement estimés ; il a vu les enfants de ses enfants, et il est mort glorieusement en combattant pour son pays.

Crésus, surpris de lui entendre citer comme un modèle de bonheur une fortune si médiocre, lui demanda s’il n’avait pas trouvé des gens encore plus heureux que Tellus : Oui, lui répondit Solon, c’étaient deux frères ; Cléobis et Biton, d’Argos, célèbres par leur amitié fraternelle et par leur amour filial. Un jour de fête solennelle, voyant que les bœufs qui devaient conduire leur mère au temple de Junon n’arrivaient pas, ils s’attelèrent eux-mêmes au joug et traînèrent son char l’espace de plusieurs lieues. Cette prêtresse, pénétrée de joie et de reconnaissance, supplia les dieux d’accorder à ses enfants ce que les hommes pouvaient désirer de mieux ; elle fut exaucée. Après le sacrifice, ses deux fils, plongés dans un doux sommeil, terminèrent paisiblement leur vie. On leur érigea des statues dans le temple de Delphes.

Vous ne me comptez pas, dit le roi avec humeur, au nombre des heureux ?Seigneur, reprit le sage, nous professons, dans notre pays, une philosophie simple, sans faste, franche et hardie, sans ostentations et peu commune à la cour des rois. Nous connaissons l’inconstance de la fortune ; nous attachons peu de prix à une félicité plus apparente que réelle, et qui n’est souvent que trop passagère. La vie d’un homme est à peu près de trente mille jours. Aucun d’eux ne ressemble à l’autre ; tous sont exposés à mille accidents qu’on ne peut prévoir ; et comme nous ne décernons une couronne qu’après le combat, nous ne jugeons du bonheur d’un homme qu’à la fin de sa vie.

Le fameux Ésope se trouvait dans le même temps à Sardes ; et reprochant à Solon son austère franchise, il lui disait : N’approchez point des rois, ou ne leur présentez que ce qui peut leur être agréable. — Dites plutôt, répondit Solon, qu’il faut ne point approcher des rois, ou ne leur dire que ce qui doit leur être utile.

Crésus ne tarda pas à reconnaître que Solon lui avait dit la vérité : deux de ses enfants furent un sujet d’affliction pour son cœur ; l’un périt, malgré toutes les précautions prises pour éviter l’accomplissement de l’oracle qui avait annoncé sa mort ; l’autre devint muet.

La gloire de Cyrus commençait alors à s’étendre dans l’Orient. Crésus résolut de s’opposer au progrès de ses armes ; il envoya de riches présents à Delphes pour savoir quelle serait l’issue de cette guerre et la durée de son empire. Les réponses de l’oracle furent obscures et ambiguës : la première disait que, s’il partait les armes contre les Perses, un grand empire serait renversé ; et la seconde, que le royaume de Lydie durerait jusqu’au moment où un mulet occuperait le trône de Médie.

Le roi ne négligea aucun des moyens qui pouvaient rendre son succès probable : il fit alliance avec les deux peuples les plus puissants de la Grèce ; les Lacédémoniens t fameux par leur vaillance, et les Athéniens que commandait le célèbre Pisistrate.

Il aurait fait plus sagement encore s’il avait suivi le conseil d’un de ses ministres, qui lui dit : Craignez, seigneur, d’attaquer les Perses : ils sont nés dans un pays rude et montagneux, endurcis aux travaux et à la fatigue, vêtus et nourris grossièrement, privés des voluptés qui nous ont amollis ; vous avez tout à perdre avec eux, et ils ont tout à gagner avec vous. Loin de les combattre, félicitez-vous de n’être pas attaqué par eux.

Crésus persista dans son entreprise. Vaincu, détrôné, il vit son pays ravagé, ses trésors pillés, son empire détruit, et il aurait péri sur l’échafaud si, dans le moment où il allait mourir, le nom de Solon qu’il prononça n’avait fixé l’attention et excité la pitié de Cyrus. Ce prince voulut savoir la cause de cette exclamation ; et, apprenant de la bouche de l’infortuné monarque ce que le sage Grec lui avait dit, au milieu de ses prospérités, sur l’inconstance de la fortune, il craignit probablement pour lui-même ses vicissitudes, et accorda la vie à son illustre et malheureux captif. La Lydie fut ainsi réunie à l’empire des Perses.

 

 

 

 



[1] An du monde 3254. — Avant Jésus-Christ 750.