ANTIQUITÉS GRECQUES

DEUXIÈME PARTIE. — LA GRÈCE HISTORIQUE — QUATRIÈME SECTION. — RELATIONS INTERNATIONALES.

CHAPITRE HUITIÈME. — SYMMACHIE ATHÉNIENNE.

 

 

La confédération instituée sous l’hégémonie d’Athènes prit en quelques années une extension considérable ; à quelques exceptions près, toutes les îles et les villes riveraines de la mer Égée y accédèrent, les unes de leur propre mouvement, les autres par contrainte. Quelques États du continent, Mégare, Trézène, l’Achaïe et, dans la mer Ionienne, les îles de Corcyre, de Céphallénie et de Zacynthos se rapprochèrent aussi d’Athènes, mais ces alliances passagères créèrent des relations essentiellement différentes de celles que produisait la symmachie. Placée à la tête d’une ligue aussi importante. Athènes dut se regarder sans vanité comme le premier état de la Grèce et se croire appelée, plus encore que Sparte, à prendre dans les occasions graves la direction des affaires helléniques. La conscience de cette vocation se révèle dans le plan arrêté par Périclès : lorsque Périclès, dit Plutarque[1], vit la jalousie que les progrès de la puissance athénienne faisaient naître chez les Spartiates, il crut devoir placer sous les yeux de ses concitoyens la tâche qu’ils avaient à remplir, et la place qu’ils devaient tenir dans la Grèce. A cet effet, il résolut d’inviter tous les États grecs, grands et petits, européens et asiatiques, à envoyer des députés pour délibérer à Athènes sur la reconstruction des temples brûlés par les barbares, sur les sacrifices promis aux dieux durant la guerre pour le salut de la patrie, enfin sur les mesures à prendre afin d’assurer la mer Égée contre les entreprises des pirates. Les invitations furent envoyées en effet, non seulement aux états confédérés, mais à tolites les cités grecques ; cependant la conférence ne se réunit pas. L’obstacle vint surtout du refus que Sparte et ses alliés du Péloponnèse firent d’y prendre part et des efforts qu’ils tentèrent pour en détourner les autres États. On peut regretter la mauvaise réussite d’un projet qui avait chance de rattacher entre eux les membres épars de la nationalité grecque ; il n’y a pas lieu d’en être surpris. Bien que Plutarque n’indique pas à quel moment fut conçu le plan de Périclès, tout fait supposer qu’il suivit de près la glorieuse victoire remportée par les Grecs sur l’ennemi héréditaire aux bords de l’Eurymédon et les négociations qui ont donné prétexte à la tradition plus que douteuse de la pair conclue par Cimon, lorsqu’était récent encore le souvenir de cette action commune de la Grèce unie pour combattre et pour traiter. Périclès, jeune et ouvert à l’espérance, put se flatter de mener à bien une entreprise dont l’impossibilité l’eut frappé lui-même plus tard[2]. Les Athéniens firent promptement l’expérience que tels de leurs alliés dont l’intérêt devait garantir la fidélité ne demandaient, le péril une fois passé, qu’à s’affranchir de leurs obligations fédérales. C’est ce que tenta de faire Naxos dès l’an 166 ; d’autres populations suivirent cet exemple, et la violence fut nécessaire pour les retenir. Ainsi ce qui d’abord était une libre association de confédérés égaux en droit, sous l’hégémonie d’une puissance dirigeante, devint avec le temps une sujétion imposée par la force. Au début, en effet, tous les associés jouissaient de leur autonomie ; les intérêts généraux étaient discutés dans des conférences auxquelles chaque nation envoyait des délégués, et qui se réunissaient suivant le besoin, sur la convocation de la Présidence, car il n’y avait pas de conseil permanent[3]. Le rendez-vous était à Délos, où était conservée aussi la caisse fédérale. Les contingents en hommes et en vaisseaux, ainsi que les subsides que chaque état devait verser dans la caisse commune, étaient arrêtés après un complet accord suivant le tableau dressé par Aristide. Il est vraisemblable aussi qu’un tribunal fédéral avait été institué pour juger les différends entre un état et un autre, et entre les citoyens des divers États[4]. Mais ces relations se modifièrent bientôt, lorsque quelques-uns des alliés furent asservis pour avoir voulu se détacher de la ligue, et que d’autres s’exonérèrent du contingent qu’ils devaient fournir à la flotte par le payement d’une somme d’argent[5]. C’était se désarmer eux-mêmes, et les Athéniens en devinrent plus puissants. Ils ne perdirent pas de temps pour transporter de Délos dans Athènes la caisse commune, dont les gardiens d’ailleurs paraissent avoir toujours été désignés par eux[6], et dès lors ils disposèrent des fonds comme ils l’entendirent, sans consulter leurs alliés. A quel moment précis se produisirent ces changements, on ne peut le dire[7] ; mais il est certain que les contributions et les contingents à la charge du plus grand nombre des alliés, sinon de tous, étaient fixés par les seuls Athéniens. La preuve en est qu’à certains d’entre eux sont appliquées, dans des inscriptions datant des années 432-419[8], par conséquent de la guerre du Péloponnèse, les expressions αύτοί ταξάμενοι, d’où il ressort clairement que les Athéniens leur laissaient par exception le droit de se taxer eux-mêmes, sous la réserve naturellement de surveiller l’exercice de ce privilège et d’intervenir s’il y avait lieu. D’autres sont qualifiés άτακτοι, c’est-à-dire qu’ils n’étaient soumis à aucun tribut volontaire ou imposé ; et qu’ils payaient chaque fois ce qui était reconnu équitable[9]. Le budget des tributs à prélever était ordinairement établi pour quatre ans[10]. Les alliés devaient s’acquitter au printemps. S’ils différaient, ou si les Athéniens jugeaient nécessaire de devancer l’échéance, des percepteurs (άργυρολόγοι ou έκλογεΐς) appuyés quelquefois par la force armée, allaient hâter les versements. Il arriva aussi que des contributions supplémentaires furent exigées[11]. La somme totale qui d’abord n’était, d’après l’état dressé par Aristide, que de quatre cent soixante talents, s’éleva, en partie à la suite d’accessions nouvelles, en partie par l’accroissement des redevances, à six cents, douze cents, et jusqu’à treize cents talents[12]. En 413 (Olymp. XCI, 4), les Athéniens substituèrent aux contributions en usage jusque-là un impôt du vingtième sur les importations et les exportations par mer, qu’ils espéraient devoir être plus productif ; mais cette mesure ne fut pas longtemps en vigueur[13]. De tous les états composant la symmachie athénienne, Chios et Lesbos, auxquels se joignit Méthymne, après la chute de Mytilène, furent les seuls qui persistèrent à s’acquitter en hommes et en navires et conservèrent au moins en apparence l’ancienne égalité des droits[14]. Les autres, qui n’étaient plus, à vrai dire, que des états tributaires, sont partagés en cinq classes, clans les documents qui nous restent : la première comprenait les villes d’Ionie, parmi lesquelles doivent être comptées aussi les villes éoliennes qui bordaient le rivage, et les îles d’Icare et de Léros ; la seconde, les bords de l’Hellespont ; la troisième, les villes de Thrace ; la quatrième, les côtes de la Carie, en y joignant les îles de Cos, de Rhodes et quelques autres ; la cinquième enfin le reste des îles[15]. Si l’on en croyait les exagérations d’Aristophane, le nombre de ces diverses cités n’aurait pas été inférieur à mille[16]. Les listes incomplètes qui sont parvenues jusqu’à nous contiennent trois cent cinquante noms. On sait qu’Ægine payait soixante talents, ainsi que Thasos, que Byzance en payait de seize à trente, Abdère de vingt à trente, Milet de dix à vingt[17].

Les historiens attestent que les, comptes d’Aristide, d’après lesquels le produit total ne dépassait pas quatre cent soixante talents, avaient obtenu l’approbation de toutes les parties intéressées[18]. Cette contribution en effet n’était pas trop lourde, et ne le devint même pas lorsqu’elle atteignit sis cents talents, car cette augmentation était moins due à l’aggravation de l’impôt qu’au payement en espèces des navires qui d’abord devaient être fournis en nature, et au nombre croissant des confédérés. La somme fut portée à mille deux cents et à mille trois cents talents, durant la guerre du Péloponnèse, qui naturellement exigeait des sacrifices considérables ; mais jusque-là les alliés n’avaient pas eu de raisons de se plaindre : les Athéniens remplissant l’obligation qu’ils avaient assumée de protéger la ligue contre l’envahissement des Perses, de purger la mer Égée des pirates, d’assurer la liberté du commerce et d’augmenter le bien-être général. Lorsqu’on reprochait à Périclès d’employer une partie de l’argent à orner la Ville ou à récompenser ses concitoyens des services rendus à la ligue dont elle était la tête dirigeante, il pouvait avec raison répondre que les alliés n’avaient pas le droit de demander des comptes, puisque Athènes combattait pour eux et soutenait seule les efforts des barbares, sans qu’ils eussent fourni un navire, un cheval ou un soldat[19]. La confédération leur offrait encore cet avantage que, livrés entre eux à d’éternelles dissensions, ils pouvaient du moins par son entremise échapper à une rupture ouverte et dénouer leurs querelles pacifiquement et légalement. Bien qu’on ne puisse dire en effet combien de temps dura la juridiction fédérale signalée plus haut, ni même si elle a sûrement existé, il est incontestable qu’Athènes en pareil cas intervenait comme arbitre, et que les alliés furent bien rarement dans la nécessité de recourir aux armes[20]. Si donc quelques-uns de ces états se plaignirent d’Athènes, longtemps même avant la guerre du Péloponnèse, il n’est pas du tout avère qu’ils eussent des raisons de le, faire. Leurs récriminations prouvent seulement que leur part de contributions et les atteintes portées à leur indépendance par l’hégémonie d’Athènes ne leur paraissaient pas en rapport avec les avantages qu’ils en retiraient. Athènes était en droit de considérer leur défection comme une trahison envers les intérêts généraux de la Grèce, de les ramener dans le devoir par la force et de lés réduire à une condition plus dépendante, ce qui ne pouvait se faire sans entreprendre sur leur constitution intérieure et sans s’immiscer dans, leur gouvernement. Chez les populations soumises au régime oligarchique ou aristocratique, ce furent naturellement les privilégiés qui souffrirent le plus de ces changements et qui, les premiers, s’éloignèrent des Athéniens pour se rapprocher d’autant des Spartiates. Par cela même, il était dans la force des choses qu’Athènes s’appliquât à renforcer l’élément démocratique. Les limites imposées aux juridictions locales qui ne pouvaient connaître que des affaires secondaires, tandis que les affaires d’importance étaient déférées aux tribunaux athéniens, furent une application de la même politique[21]. Athènes se proposait un seul but : couper court aux manifestations de l’esprit de parti auxquelles les procès fournissaient prétexte ; les mécontents l’accusèrent de vouloir grossir ses revenus, en faisant main basse sur les frais de justice.

A mesure que la puissance croissante d’Athènes inspirait plus de jalousie à Sparte et à la symmachie spartiate, en particulier à Corinthe, et que, de part et d’autre, les rapports se tendaient de plus en plus, les occasions de dissensions intestines devinrent aussi plus fréquentes dans la symmachie athénienne. Un grand nombre des alliés d’Athènes se rattachaient à ses adversaires par une commune origine, et leur étaient attachés au fond du cœur. Quelques-uns même étaient, vis-à-vis de la, ligué opposée, dans les relations de colonie à métropole, et partout, on l’a vu déjà, les partisans du régime aristocratique inclinaient vers les Spartiates. Lorsque la guerre finit par ‘éclater entre les deus puissances rivales, tous les motifs de division doublèrent d’intensité. Les hostilités d’ailleurs forçaient d’imposer aux confédérés de nouveaux sacrifices, d’autant plus mal venus que la plupart de ceux dont on les exigeait étaient médiocrement disposés pour la cause qu’ils devaient soutenir, ou la considéraient du moins comme leur étant étrangère. Les Athéniens furent donc forcés d’exercer une surveillance plus sévère pour prévenir les défections : de là des rigueurs qui provoquèrent un redoublement de plaintes. La plus impopulaire fut l’inquisition que les Athéniens établirent à l’aide d’agents de police (φύλκες, έπίσκοποι) et même par des espions secrets (κρυπτοί)[22]. Quand le désastre de Sicile eut porté à la puissance d’Athènes un coup irréparable, les anciens alliés de cette ville se trouvèrent donc tous préparés à écouter la vois des Spartiates qui s’annonçaient à eux comme des libérateurs. Athènes dès lors ne dut plus compter que sur la fidélité de ceux qu’elle pouvait maintenir par la force dans sa dépendance. La bataille d’Ægospotamoi termina cette longue lutte, à laquelle on eut pu, dans l’intérêt de la Grèce, souhaiter un autre dénouement. Athènes fut contrainte d’accéder à la symmachie spartiate, mais on reconnut bientôt quo les confédérés avaient plus perdu que gagné à ce changement d’hégémonie. Ils avaient compté sur la suppression ou du moins sur l’allègement des contributions, et ils durent payer aux Spartiates tout autant qu’aux Athéniens[23]. Ils avaient rêvé l’indépendance et l’autonomie, et Lysandre remplaça partout les constitutions libres par une oligarchie d’autant ; plus oppressive que l’autorité était dévolue, non aux hommes les plus considérables par leur naissance ou leur mérite, mais aux partisans les plus zélés du vainqueur[24]. Généralement un collège de dix membres ou décadarchie était placé à la tête de l’État, sous la protection d’une garnison spartiate, commandée par un Harmoste, et se livrait à d’intolérables violences. Tant que les confédérés avaient été soumis au protectorat ou, si l’on veut, à la domination d’Athènes, ils avaient échappé du moins à celles des Barbares[25] ; mais les Spartiates n’avaient pas eu honte, avant leur victoire, d’acheter l’appui du Grand-Roi, en lui livrant les Grecs de l’Asie[26]. Plus tard, à la chute des maîtres imposés par Lysandre, les confédérés furent traités d’une manière plus libérale ; des efforts même furent tentés pour garantir les villes de l’Asie contre les entreprises des Perses, si bien que les récents alliés devinrent ennemis, et cependant on ne tarda pas à connaître combien en réalité l’indépendance de ces villes tenait peu au cœur des Spartiates. Vaincus à la hauteur de Cnide par Conon qui, bien qu’Athénien, était alors au service (les Perses, et convaincus qu’ils ne pouvaient maintenir leur supériorité sur mer, ils cédèrent aux exigences d’Artaxerxés, pour ne pas aider au relèvement d’Athènes qui commençait à réparer ses pertes et rattachait à elle un certain nombre de ses alliés. Le traité conclu par Antalcidas, en 387, portait que les villes d’Asie, ainsi que les îles de Clazomène[27] et de Chypre resteraient soumises au Roi, et que les autres cités grecques, grandes ou petites, conserveraient leur autonomie, à l’exception de Lemnos, de Scyros et d’Imbros, dont la possession fut laissée aux Athéniens. Les signataires de la paix, c’est-à-dire le roi de Perse et Sparte, redevenue son alliée, devaient combattre ceux qui la rejetteraient, sur terre et sur mer, avec l’argent et avec les armes[28]. Les Athéniens adhérèrent à cet accord, parce qu’ils ne se sentaient pas en mesure de le rompre ; ils réussirent toutefois à empêcher de nouveaux empiètements de la part des Perses et assurèrent la liberté des îles et celle de la mer. Peu de temps en effet leur avait suffi pour réunir autour d’eux une nouvelle confédération, organisée sur le modèle de la première, telle qu’elle était au début, et qui bientôt embrassa une partie des villes riveraines de l’Asie. Les alliés conservèrent leur indépendance ; on institua nu conseil fédéral, dont le siège était à Athènes ; les mêmes droits étaient dévolus à tous les états qui envoyaient des députés (συνέδρους)[29], abstraction faite de leur importance ; les redevances à verser dans la caisse fédérale et qui n’étaient plus désignées par le nom odieux de tributs (φοροί), mais par celui de cotisations (συντάξεις) furent réparties équitablement, et pour rassurer les alliés contre la crainte de revoir les mauvais procédés d’autrefois, les Athéniens promirent qu’il ne serait plus fondé de nouvelles Clérouquies, et qu’aucun d’eux ne pourrait acquérir de propriété foncière sur le territoire de la fédération, en dehors de l’Attique[30] ; il faut croire toutefois que Lemnos, Scyros et Imbros étaient exceptées de cette interdiction. Les anciennes Hellénotamies ne furent pas rétablies ; il est vrai que les cotisations des alliés furent administrées par des Stratèges athéniens[31]. Il n’y a plus trace d’un tribunal fédéral, de même que plus tard fut abolie l’obligation imposée aux alliés de faire juger leurs différends à Athènes[32] ; mais rien de tout cela n’empêcha pas que l’indépendance se changeât vite en subordination. Faut-il en accuser uniquement l’esprit de domination des Athéniens, ou la cause n’en est-elle pas au moins pour moitié dans l’impossibilité d’établir un lien solide entre les parties contractantes autrement que par la contrainte ? Quoi qu’il en soit, les mécontentements furent aigris encore par les violences et les exactions que commirent envers les confédérés les chefs qui commandaient alors l’armée athénienne. L’armée en effet était surtout composée de mercenaires, et les généraux empêchés par le mauvais état des finances de nourrir et de solder leurs soldats, étaient souvent réduits à pressurer les alliés. — Le pacte nouveau avait à peine vingt ans d’existence[33], lorsque, en 358, les îles de Chios, de Cos et de Rhodes s’en détachèrent, ainsi que la ville de Byzance, et après trois années d’une guerre entretenue par les secours des Perses, Athènes fut forcée de conclure la paix et de reconnaître l’indépendance des belligérants, auxquels s’étaient joints plusieurs autres populations. Le nombre des confédérés se trouva par là considérablement réduit. Il est difficile de désigner d’une manière précise ceux qui demeurèrent fidèles, d’autant plus que les circonstances amenèrent dans les relations de nombreuses vicissitudes. Peu de temps d’ailleurs après la guerre sociale, les Athéniens se trouvèrent en face d’un adversaire autrement dangereux que ne l’avaient été les Perses, de Philippe, qui mettant à profit avec autant d’énergie que d’habileté les faveurs de la fortune, les sentiments particularistes des petits états[34] et les fautes de ses ennemis, leur infligea à Chéronée (338) une défaite qui anéantit décidément leur domination sur mer.

Sparte, après qu’elle avait été dépossédée de son hégémonie sur les cités maritimes, était restée néanmoins à la tête de la symmachie péloponnésienne, et s’était efforcée d’étendre sa puissance sur le continent, tentative à laquelle se rattache l’occupation par surprise de la citadelle thébaine, la Cadmée[35]. Les luttes dont cet acte fut le point de départ et la défaite que les Spartiates ‘subirent à Leuctres porta à leur puissance une atteinte qui dut arrêter en eux toute pensée ambitieuse. Les efforts des Thébains pour remplir la place laissée vacante par Athènes, n’eurent pas de résultats qui méritent d’être mentionnés ici. Après la bataille de Chéronée, Philippe, au moment de passer en Perse, convoqua à Corinthe les représentants de tous les états grecs, régularisa leur situation respective et se fit nommer chef de l’armée à laquelle chacun d’eux devait fournir son contingent[36]. Mais sa mort, qui suivit de près, neutralisa ces préparatifs. Son fils reprit l’expédition à son compte et se fit conférer le titre de généralissime, d’abord parles Amphictyons réunis aux Thermopyles, puis par une assemblée générale à Corinthe[37]. Dès lors la Grèce asservie resta soumise à l’influence macédonienne, qui se fit sentir plus ou moins, suivant les alternatives par lesquelles passa la fortune des successeurs d’Alexandre. Les anciennes cités qui s’étaient disputé l’empire de la Grèce, Athènes, Sparte, Thèbes, avaient disparu de la scène. Seuls les Étoliens et bientôt après les Achéens essayèrent encore de défendre ou de reconquérir leur liberté.

 

 

 



[1] Plutarque, Périclès, c. 17.

[2] Je ne puis tomber d’accord avec Grote (Histoire de la Grèce, t. VIII, p. 31), suivant lequel ce plan aurait été conçu immédiatement après la trêve de Trente ans, c’est-à-dire en 445. Aux raisons citées plus haut on peut ajouter que Plutarque en fait mention avant l’expédition de Tolmidès et autres événements qui avaient précédé la trêve, bien qu’à vrai dire il n’y ait pas de conséquence certaine à tirer de cet argument, étant donnée la méthode de Plutarque qui ne s’astreint pas à suivre un ordre chronologique rigoureux ; mais les mots άρχομένων δέ άχθεσθαι Λακεδαιμονίων τή αύξήσει τών Άθηναίων semblent indiquer des événements antérieurs, car il y avait longtemps en 445 que l’accroissement d’Athènes avait porté ombrage à Lacédémone.

[3] Thucydide, I, c. 97. Voy. Bœckh, Staatshaush. der Athen., t. II, p. 593.

[4] C’est l’opinion de Grote (t. VII, p. 274 et suiv.), à laquelle je me suis rangé dans l’écrit intitulé Verfassungs-Gesch. v. Athen ; voy. aussi Curtius, Hist. Grecque, t. II, p. 496. Mais il faut bien reconnaître que les preuves manquent, et que toutes les conjectures sont libres ; voy. U. Kœhler, zur Gesch. d. Delisch-att. Bundes, dans les Abhandl. der Berl. Akad., 1869, p. 90.

[5] Thucydide, I, c. 99 ; Plutarque, Cimon, c. 2 ; voy. aussi Meier, Opusc., t. I, p. 205, où est exprimée cette opinion fort juste que les contributions des villes fédérées n’avaient rien d’excessif.

[6] Voy. Bœckh, Staatshaush., t. I, p. 241.

[7] Cela n’arriva vraisemblablement pas du vivant d’Aristide, comme le dit Plutarque (Arist., 25), mais quand il était déjà mort, c’est-à-dire après 468, et après la défection de Naxos, la date généralement adoptée est l’année 469 (Olymp. 79, 4).

[8] Ces documents épigraphiques ont été publiés et expliqués par Bœckh, dans le second tome du livre ci-dessus.

[9] Vov. Bœckh, ibid., t. II, p. 611.

[10] Voy. Bœckh, ibid., t. I, p. 526, et t. II, p. 585.

[11] Voy. Bœckh, ibid., t. II, p. 582 et 634.

[12] Voy. Bœckh, ibid., t. I, p. 526.

[13] Voy. Bœckh, ibid., t. I, p. 440.

[14] Thucydide, III, c. 11.

[15] Tel est l’ordre adopté par Kœhler, zur Gesch. d. Delisch-att. Bundes, p. 124.

[16] Aristophane, Vespæ, v. 707.

[17] Voy. Bœckh, Staatshaush., p. 631.

[18] Diodore, XI, c. 47 ; Plutarque, Aristide, c. 24.

[19] Plutarque, Périclès, c. 12.

[20] Comme par exemple les Samiens et les Milésiens, en 440 ; voy. Thucydide, I, c. 115.

[21] Voy. Meier et Schœmann, der Att. Process, p. 777 à suiv.

[22] Voy. Harpocration, s. v. έπίσκοπος et φύλαξ ; cf. le Schol. d’Aristophane, Aves, v. 1022 ; Lexic. Seguer., p. 273.

[23] D’après Diodore (XIV, c. 1.0), plus de 1.000 talents chaque année.

[24] Plutarque, Lysandre, c. 13.

[25] Le roi de Perse considérait toujours les villes de l’Asie Mineure comme tributaires, et rendait ses Satrapes responsables des tributs, mais les Athéniens réussirent à en empêcher le recouvrement ; voy. Thucydide, VIII, c. 5, et Bœckh, Staatshaush., t. II, p. 662.

[26] Thucydide, VIII, c. 18, 37, 58.

[27] Clazomène était une île, jusqu’au moment où Alexandre la rattacha par une chaussée au continent ; voy. Strabon, I, p. 58, et Pausanias, VII, c. 3, § 5.

[28] Xénophon, Hellen., V, c. 11, § 31.

[29] Diodore, XV, c. 28 ; Isocrate, de Pace, c. 11, § 29.

[30] Cette condition n’est pas attestée seulement par Diodore, mais aussi par deux inscriptions découvertes il y a quelques années et publiées par Rangabé (Antiq. Hellen., t. II, p. 40) et par Meier (Comment. epigr.) ; voy. aussi A. Schæfer, Demosth. und seine Zeit., t. I, p. 26 et suiv.

[31] Voy. A. Schæfer, ibid., t. I, p. 29.

[32] Voy. A. Platen, de Auctore libri de republ. Athen., Vratisl., 1843, p. 22, et Bœckh, Staatshaush., t. p. 552.

[33] A partir de l’archontat de Nausinikos, en 378 (Olymp. C, 3). Voy. aussi Diodore, XV, c. 28.

[34] Le jugement qu’un écrivain aussi judicieux que Polybe a porté sur Démosthène (XVII, c. 14) prouve à quel point ce sentiment était enraciné chez les Grecs.

[35] C’est à cette période que s’applique le jugement sévère porté par Herbst sur la politique de Sparte et sur la façon dont cette cité en usa vis-à-vis des villes confédérées ; voy. Jahrb, für Philol., t. LXXVII, p. 704-725.

[36] Diodore, XVI, c. 89.

[37] Diodore, XVII, c. 4.