L'ÉPOPÉE BYZANTINE À LA FIN DU DIXIÈME SIÈCLE

Deuxième partie

CHAPITRE XI

 

 

Nous ne savons malheureusement presque rien des deux dernières années de la vie de notre grand basileus depuis son retour de l'expédition de Géorgie en 1023, rien en vérité, sauf ce que j'ai raconté des choses d'Italie. En Egypte la disparition du terrible Hakem, le Khalife insensé du Caire, avait amené de telles complications intérieures que la paix s'était forcément maintenue entre chrétiens et Arabes sur la mouvante frontière de Haute Syrie entre les deux empires. De même le Khalifat de Bagdad, de plus en plus affaibli par une longue anarchie, ne causait plus guère d'inquiétudes aux « stratigoi » des thèmes byzantins frontières pas plus qu'aux gouverneurs militaires des territoires d'Arménie ou de Géorgie récemment incorporés à l'empire à la suite de l'expédition de l'an 1022.[1]

Lorsque le Khalife Hakem, âgé de trente et un ans, après un règne plein d'affreuses cruautés, avait disparu le 13 février 1021,[2] tué probablement par ordre de sa sœur, il avait eu pour successeur son fils, Al-Zahir, âgé de seize ans. Celui-ci avait été proclamé sous la tutelle de sa tante qui avait dû se défaire à ce moment du véritable héritier du trône. Voici comment Yahia rapporte cette circonstance: « Dès que la sœur de Hakem, dit-il, désespéra de la vie de son frère et fut assurée qu'il allait mourir, elle envoya en hâte Ali Ibn Dawoud, un des émirs khétamiens, à Damas avec des cadeaux pour les émirs, chefs et généraux de cette ville, ordonnant de saisir l'héritier légitime du trône Abd Al-Rakym Ibn Aïaz, arrière-petit-fils du Khalife fatimide Al-Mahdi, qui avait été proclamé héritier du trône en septembre 1013. Depuis (à une date que ne précise pas Yahia) ce prince avait été nommé gouverneur de Damas. » A la suite de démêlés dont le récit n'importe point ici,[3] il avait fini par s'attirer la haine de tous les partis dans cette ville, surtout celle de la garnison égyptienne. On s'empressa donc d'exécuter les ordres de la régente et on expédia, le malheureux enchaîné avec sa famille et ses parents, d'abord à Damiette où il fut emprisonné pour quelque temps, puis au Caire où on le sépara de ses frères. On l'écroua d'abord avec honneur et respect au Palais et on lui ôta ses fers, mais bientôt Zahir lui envoya un fruit empoisonné dont il mourut. On annonça au peuple qu'il s'était suicidé. Lorsqu'on l'avait saisi à Damas, son fils aîné Abd Al Azis et son neveu Ahmed Ibn Al-Tagib Ibn Aïaz avaient réussi à se réfugier sous la tente de Saleh Ibn Mirdâs. Après qu'ils furent restés dix mois auprès de ce dernier, malgré les bonnes paroles du Khalife Zahir qui s'efforçait de les décider au retour pour les faire périr, ils s’enfuirent plus loin encore jusqu'au pays des Grecs chez le basileus Basile qui leur fit bon accueil. Ce fait de mince importance montre cependant avec quelle persistance la politique byzantine n'hésitait jamais à donner asile à tous les prétendants, à tous les réfugiés du monde arabe dont il espérait bien un jour se faire un instrument de trouble et d'affaiblissement pour les puissances sarrasines.

Au Caire le nouveau gouvernement de la régente avait apporté quelque adoucissement aux maux subis sous le règne précédent. Les chrétiens qu'on avait aussitôt cessé de persécuter, commençaient à revenir, même à reprendre quelque influence à la cour. La persécution de Druzes avait par contre repris de plus belle. On rentrait dans l'ordre de choses qui avait précédé les mesures insensées prises par Hakem. A Alep aussi des événements importants s'étaient passés. El-Malek Azis Eddaulèh, descendant des Hamdanides,[4] au dire de Kémal ed-din, brouillé après l'an 408 de l'Hégire avec le Khalife Hakem, s'était, on se le rappelle, déclaré indépendant dans cette ville. Il avait frappé monnaie à son nom et exercé les autres actes de souveraineté. Menacé dans le courant de l'année 411[5] d'une attaque des troupes égyptiennes, il avait désespérément appelé à son secours le basileus Basile, mais on se rappelle aussi que presque aussitôt après, rassuré par la nouvelle de la disparition du Khalife, il avait expédié au basileus arrivé déjà à Merdj Al-Dibâdja des lettres pour retirer ses récents engagements. Au cas où Basile persisterait à s'avancer dans la direction d'Alep, l'impudent principicule le menaçait follement de l'attaquer avec toutes ses forces unies aux contingents kilâbiens. Le basileus, à cette nouvelle, aurait brusquement pris la route de l'est dans la direction de Manaskerd. Nous savons par Yahia que ce ne fut pas par peur des soldats d'Azis Eddaulèh et des bandes de Saleh Ibn-Mirdâs que Basile alla en Arménie et en Géorgie au lieu de continuer sa route sur Alep. Il ne faut voir dans ces paroles de l'historien musulman qu'une explication habile d'Azis Eddaulèh.

Voici le récit de Yahia: « Aussitôt après la mort de Hakem, Azis Eddaulèh s'était réconcilié avec le gouvernement des Fatimides, mais lui-même avait péri au mois de rebia de l'an 413 de l'Hégire,[6] assassiné par un esclave, probablement par ordre de Bedr, commandant de la citadelle d'Alep. Celui-ci avait cherché à s'emparer à son profit du gouvernement de la principauté, mais, encore dans le cours de cette même année, une armée égyptienne, commandée par Ali Ibn Ahmed Al Daïf, était venue occuper Alep. Bedr avait été arrêté. Des chefs égyptiens et khétamiens avaient été nommés au commandement de la ville et de la forteresse.[7] Ainsi, Alep était retombée sous le gouvernement du nouveau Khalife qui avait choisi pour vizir Nadjib Eddaulèh. »

Dans la Syrie méridionale, il y avait eu, dans le courant de l'an 415 de l'Hégire,[8] lutte violente entre les chefs des troupes égyptiennes d'occupation et Hassan, le fils d'Al-Mouffaridj, mort plus de dix ans auparavant.[9]

Cette même année 1015 des hostilités avaient aussi éclaté dans Alep entre les troupes égyptiennes et Soleïman, fils de Taouk, allié au Mirdâside Saleh. Elles se prolongèrent toute l'année suivante sans que le gouvernement du basileus parut s'en inquiéter.

Le conflit entre les Égyptiens et le fils d'Al-Mouffaridj, Hassan Ibn Al-Djarrah, intéresse d'un peu plus près l'histoire de l'empire grec. Yahia nous fournit quelques détails sur ce personnage. Brouillé avec le gouvernement de la régente au Caire, pour des motifs que notre chroniqueur a longuement racontés,[10] il avait fait alliance avec Sinân Ibn Ilàn, son gendre, et Saleh Ibn-Mirdâs, le fameux chef des Beni-Kilâb, pour se partager la Syrie après l'avoir enlevée aux Fatimites détestés. La Palestine devait être le lot de Hassan, Damas et son territoire celui de Sinân, Alep et son territoire celui de Saleh.[11] Les chefs bédouins battirent une première fois les troupes égyptiennes qui s'enfuirent à Ascalon. Puis Hassan s'empara de Ramlèh en septembre de l'an 1024.[12] En même temps, Soleïman Ibn Taouk, un des lieutenants de Saleh, dans la Syrie septentrionale, enlevait aux Égyptiens Maaret Masrîn, près d'Alep, et s'avançait jusqu'aux portes de cette capitale. Les chefs de la garnison égyptienne dans la ville étaient alors le gouverneur Souban Ibn Mohammed, Khétamien, et le commandant de la citadelle Mausouf Al-Saklabi. Il y eut des engagements sans résultat, mais le dix-septième jour du mois de ramadan de l'an 415 de l'Hégire, c'est-à-dire le 22 novembre de l'an 1024, Saleh Ibn Mirdâs en personne arriva de Palestine et la lutte en devint plus acharnée. Le parti national demeuré très puissant dans Alep, guidé par d'anciens mamelouks de Seïf Eddaulèh, finit par l'emporter sur les troupes d'Egypte qui s'étaient fait haïr de tous et ouvrit les portes de la ville à Saleh qui y fit son entrée le treizième jour du mois de dzoul-kaddah, c'est-à-dire le 17 janvier 1025. Les chefs égyptiens, retranchés dans la citadelle et dans l'ancien palais d'Azis Eddaulèh Fatik, continuèrent à se défendre avec l'énergie du désespoir. Sur ces entrefaites, le turc Anouchtikin Al-Douzbéri, natif de Hotan, le Tousber ou Tousper des chroniqueurs byzantins, chef des troupes de Syrie battues jadis sous les murs d'Ascalon, avait à nouveau assemblé ses contingents et bien qu'il eût été une seconde fois complètement défait par Hassan Ibn Al-Djarrah, celui-ci n'en jugea pas moins nécessaire d'appeler Saleh à son secours.

Saleh, ainsi contraint d'aller rejoindre le chef des rebelles, s'adressa, raconte Yahia, au « catépano » ou duc d'Antioche qui était alors Constantin Dalassénos. Celui-là était un autre fils de l'infortuné duc Damien tué jadis au combat d'Apamée. Plus tard, nous le verrons, il faillit devenir basileus et joua, au moment de la malheureuse campagne en Asie de Romain Argyros, un rôle peu honorable.[13] Saleh, poursuit notre chroniqueur, pria le duc d'Antioche de lui envoyer des tireurs d'arc de choix pour l'aider à triompher plus vite des défenseurs de la citadelle d'Alep. Dalassénos lui en expédia trois cents qui vinrent camper sous les murs de cette ville. Mais le duc d'Antioche ayant averti le basileus de ce qu'il avait cru devoir faire, le basileus le blâma hautement et lui commanda de rappeler aussitôt ses hommes. Saleh eut ordre de les faire repartir sur l'heure. Evidemment, Basile trouvait son intérêt à ce que la lutte se prolongeât entre les deux partis qui se disputaient le pouvoir à Alep.

Saleh n'en fut pas moins forcé de se mettre en marche pour la Palestine. Il quitta Damas le mardi 4 mai 1025,[14] laissant pour continuer le siège de la citadelle une portion de ses contingents sous le commandement d'Abou’l Merdja Salem Ibn Moustefed, qu'il nomma gouverneur d'Alep, et de son secrétaire Abou Mansour Ibn Taouk. Le vendredi 18 juin, les assiégés offrirent de se rendre à ces deux chefs, mais ceux-ci leur présentèrent des conditions qui leur parurent inacceptables. Le soir du mardi 22 juin, les habitants d'Alep les virent avec stupeur exposer sur la crête des murs de la citadelle des croix chrétiennes. En même temps, il poussaient de grand cris en l'honneur du basileus de Roum: « Longue vie au basileus Basile le Victorieux. » Les malheureux comptaient qu'en se déclarant par cet acte inouï, les sujets du puissant empereur de Constantinople, ils obtiendraient de leurs vainqueurs des conditions moins dures, pour le moins la vie sauve.

Peut-être bien les frondeurs grecs n'étaient-ils pas encore repartis et leur présence était-elle cause de ces espérances éveillées au coeur des assiégés.

La suite du récit de Yahia montre à quel point les infortunés avaient perdu la tête. On les vit d'abord, retirer les croix qu'ils avaient placées sur les murailles, tout en continuant, d'ailleurs à acclamer le basileus jusqu'au mercredi matin. A ce moment, ils rassortirent une fois de plus les emblèmes chrétiens, bénissant à haute voix le nom du basileus Basile, couvrant de malédictions et d'imprécations celui du Khalife Al-Zahir. Les croix demeurèrent ainsi exposées au plus haut des murs trois jours durant jusqu'au vendredi. Chaque jour les assiégés en ajoutaient de nouvelles en grand nombre. Certainement ils espéraient que cette manifestation extraordinaire serait aperçue du dehors et que la nouvelle en parviendrait rapidement, sinon aux oreilles du basileus, du moins jusqu'à celles de son lieutenant, le duc Constantin Dalassénos, à Antioche.

Les gouvernants d'Alep estimèrent qu'il était temps d'en finir. Après la prière du soir, tout ce qui pouvait porter les armes dans la grande ville, se rua une fois de plus à l'assaut des remparts de la citadelle contre les Egyptiens détestés. Trois jours, durant, la lutte se prolongea, terrible, sanglante, sans répit. Les assiégeants, en guise de protestation contre les manifestations impies des défenseurs de la forteresse, exposaient à leur tour les plus vénérés manuscrits du Coran à la pointe de leurs lances. Dans tous les marchés, dans tous les carrefours, on proclamait la guerre sainte, le nafir, pour bien persuader aux assiégés qu'ils n'avaient aucun secours à espérer des Grecs et que le prestige du grand empereur Basile était impuissant à les protéger. Enfin les défections commencèrent. On vit de nombreux guerriers maugrebins s'évader le long des pentes de la forteresse pour se rendre. Aussitôt on les promena en triomphe par la ville, revêtus de riches costumes d'apparat. On entassait en même temps aux yeux de ceux qui s'acharnaient à prolonger la résistance les plus beaux vêtements, les étoffes précieuses de brocart et de soie, les turbans éclatants, les schalls somptueux, les sacs d'argent monnayé. On offrait de loin ces trésors à la cupidité de ceux qui se rendraient.

Après de longs pourparlers, une convention fut enfin signée et les serments échangés. Ce même jour, le jeudi 24 juin 1025, un aérolithe tomba dans la ville avec un bruit prodigieux, frappant chacun de terreur. Que se passa-t-il après? Je ne sais. Toujours est-il que la convention n'ayant pas été définitivement ratifiée ou bien les conditions convenues n'ayant pas été exactement remplies, les Alépitains prirent d'assaut de nuit la forteresse au moyen d'échelles, grâce à la trahison d'un chef noir[15] du nom d'Abou Djouma,[16] de la tribu berbère des Masmoudiens. Yahia raconte que ce traître étant sorti comme pour aller au bain, Mausouf put jeter les clés de sa chambre aux assaillants. La citadelle fut aussitôt, prise. C'était le mercredi 30 juin. Les demeures des Égyptiens furent pillées par la populace. Leurs chefs furent saisis et emprisonnés. Saleh, de retour de Palestine, fit dans Alep une entrée triomphale le samedi 4 octobre. Deux jours après il se fit amener secrètement un soir l'eunuque Mausouf et eut avec lui un entretien à la suite duquel il le renvoya dans sa prison et le fit tuer en même temps que le cadi Abou Ousâma. Quant aux autres chefs égyptiens, il les fit mettre en liberté. Il devait se maintenir dans Alep jusqu'en l'an 420 de l'Hégire.

Sinân, le troisième allié, assiégea sans succès Hisn Ibn Akkara, château des environs de Tripoli. Il tenait déjà Rabbah, Membedge, Bâli et Rakkah. Il envoya son secrétaire, Abou, Mansour Soleïman Ibn Taouk, auprès du Khalife Al-Zahir qui le reçut à merveille et lui donna pour son maître des vêtements précieux et des colliers d'or pour lui et ses fils.

Je ne connais aucun autre fait pouvant intéresser l'histoire byzantine en Syrie durant les dernières années du règne du basileus Basile.

Dans le courant de cette année 1024, l'avant-dernière du règne de notre grand empereur, les rives du Bosphore avaient été le théâtre d'un étrange événement dont Skylitzès et Cédrénus nous ont conservé le souvenir.[17] La capitale de l'empire, à ce moment où les glorieuses victoires du vieux basileus, avaient rétabli partout la tranquillité, où les frontières de Roum avaient été reportées par lui jusqu'à l'Adriatique, jusqu'au Danube, au Caucase et aux rives du Kour, avait été insultée, presque violée par une véritable expédition de pirates.

Les Russes n'avaient guère fait parler d'eux, semble-t-il, à Byzance, depuis la mort de saint Vladimir, celui qu'on a appelé le Clovis de la Russie, depuis celle de sa femme, la Porphyrogénète Anne, et l'avènement de leur fils Iaroslav, celui qu'on a surnommé le Charlemagne de cette nation. Le règne de ce prince avait débuté par une lutte horriblement sanglante contre son cousin, l'usurpateur Sviatopolk, meurtrier des deux fameux saints Boris et Gleb. Le roi de Pologne, Boleslav le Brave, qui était intervenu dans cette guerre fratricide, s'était emparé, le 14 août 1018, de Kiev, d'où le chroniqueur Thietmar[18] dit qu'il fit rechercher par ses ambassadeurs l'amitié du basileus Basile, le menaçant insolemment, au cas où il n'accepterait pas ses avances, de le combattre impitoyablement. Iaroslav avait fini par triompher de l'usurpation de son cousin. Il était rentré dans Kiev, « où il avait essuyé sa sueur avec sa droujina après avoir gagné la victoire à force de fatigues ». En 1021 encore, il avait eu à se défendre contre le prince Briatcheslav de Polotsk. Il se battait maintenant[19] contre son frère Mstislav, le vaillant prince de Tmoutorakan,[20] le fils de saint Vladimir et de Rogniéda, qui s'était acquis dans tout le sud de la Russie une grande renommée par ses guerres contre les Khazars, dont il anéantit les restes grâce à l'alliance de Basile II, et contre les Tcherkesses, dont il avait tué en combat singulier, en 1022, le Goliath nommé Rédédia.[21]

A l'issue de tant de luttes Iaroslav allait demeurer seul maître de toute la Russie. Il régna longuement et glorieusement sur elle jusqu'à sa mort qui ne survint qu'en 1054. Ce grand prince rappelle de loin Charlemagne par quelques guerres heureuses, surtout par ses publications législatives, par son goût pour les bâtiments et son amour des lettres en un siècle barbare. Son règne doit encore une partie de son éclat au contraste avec l'anarchie qui suivit sa mort. Celle-ci fit amèrement regretter son gouvernement qui marqua l'apogée de la grandeur kiévienne.

Son cercueil de pierre est encore actuellement un des plus précieux ornements de l'antique temple de Sainte-Sophie de Kiev, si merveilleusement restauré dans ces dernières années.

C'est probablement dans le courant de l'an 1024 durant les guerres de Iaroslav contre Mstislav qu'eut lieu l'expédition du chef russe Chrysochir.[22] Voici le très court récit de Skylitzès: « Après la mort d'Anne, Vladimir étant déjà défunt,[23] un certain Chrysochir— ce qui signifie l'Homme à la main d'or — parent de Vladimir, ayant réuni huit cents hommes sur vingt bateaux, partit pour Constantinople comme pour aller y prendre du service à la solde de l'empire. Le basileus lui ayant intimé l'ordre, dès son arrivée, de livrer avant tout ses armes conformément aux traités et de ne présenter qu'après cela sa demande, il s'y refusa nettement. Poursuivant impunément sa route, il força insolemment le passage devant Constantinople, traversa la mer de Marmara et força encore l'entrée des Dardanelles. Dans le détroit devant Abydos il battit facilement le « stratigos du Littoral », fonctionnaire militaire préposé à la garde du passage, qui cherchait à lui barrer la route. Précipitant plus loin encore sa course furieuse il cingla à travers l'Archipel jusqu'à l'île de Lemnos. Là ces terribles aventuriers, trompés par de fallacieuses promesses, attaqués ensuite par la flotte du thème des Cibyrrhéotes sous le commandement de David d'Achrida, stratigos du thème de Samos, certainement un officier d'origine bulgare, et de Nicéphore Kabasilas, duc de Salonique, furent enfin battus. On les massacra jusqu'au dernier. »

On estime aujourd'hui que sous ce nom grécisé de Chrysochir il est possible de retrouver un certain chef northmann dont le nom Gullhland ou Gullmund, présente une signification identique.[24] En tous cas, ce chef hardi de cette folle expédition d'une audace inouïe, était certainement un Russe de lignée princière, proche parent de saint Vladimir. Son passage à travers les détroits sous les murs de la Ville Reine, à la tête de cette bande d'aventuriers, fut un incident tout à fait extraordinaire, Durant presque tout le long règne de Basile II, les Russes, en dehors des nombreux mercenaires qu'ils fournissaient à l'empire, n'avaient pas fait parler d'eux à Constantinople. Le vieux basileus les tenait en bride par la crainte salutaire que sa puissance leur inspirait. Un passage très frappant de l'historien Psellos se rapporte à eux. Racontant l'expédition de Vladimir Iaroslavitch et de ses Varègues contre la Ville gardée de Dieu en l'an 1047, l'historien byzantin s'écrie: « Cette nation barbare nourrissait une haine furieuse et enragée contre l'hégémonie romaine. Ils inventaient à toute occasion les accusations les plus extraordinaires et en tiraient prétexte pour nous faire la guerre. Quand mourut le basileus Basile qui leur faisait peur, quand son frère Constantin eut accompli les temps qui lui étaient assignés par le destin et que son gendre eut pris le pouvoir à sa place, ils renouvelèrent aussitôt contre nous leur ancienne hostilité. » Les Russes n'étaient pas seuls à trembler devant le grand vieillard couronné. Le poète historien Manassès,[25] faisant l'éloge de Basile, s'écrie: « Bardas s'inclina sous son sceptre. Les Géorgiens tremblaient; les Tauroscythes le craignaient. » Ici encore, on le voit, les Russes sont nominativement désignés.

Au fur et à mesure que je racontais l'histoire de ce règne si long, j'ai dit les relations du basileus Basile avec les souverains ses voisins d'Occident et d'Orient, grands et petits: l'empereur d'Allemagne, le doge de Venise, le pape, les princes longobards de l'Italie centrale, l'émir de Sicile, le tsar de Bulgarie, le roi de Croatie, les magistrats des villes dalmates, les chefs des nations des Petchenègues et des Khazars, le grand prince des Russes, les nombreux petits souverains de Géorgie et d'Arménie, le Khalife de Bagdad et son maire du Palais, le Bouiide, l'émir d'Alep, les émirs voisins de la frontière méridionale de l'empire, le Khalife du Caire, bien d'autres encore. Des relations de la cour byzantine avec les cours les plus éloignées d'Europe ou d'Asie durant ce règne d'un demi-siècle nous ne savons rien, tant nos indications sur cette longue série d'années sont, je l'ai dit tant de fois, désespérément clairsemées. Nous ne savons rien entre autres des relations de Basile et de son frère avec la cour de France, en dehors de deux uniques faits. J'ai déjà parlé du premier: l'arrivée au Palais Sacré de ce prince franc dont nous ne savons que ceci qu'il s'appelait Pierre et qu'il entra au service du basileus en qualité de fonctionnaire provincial en Grèce.[26] Le second fait, plus curieux, surtout plus important, serait la preuve qu'il y eut à un moment sous ce règne un très sérieux projet de mariage entre les maisons de France et de Constantinople. Nous en pouvons conclure encore ce dont nous nous doutions bien, que les relations entre les deux monarchies furent bien plus intimes, la connaissance réciproque qu'elles avaient l'une de l'autre bien plus parfaite que ne le laisserait supposer l'absence si complète de documents.

La curieuse mention de ce projet de mariage se trouve rapportée dans une lettre du fameux Gerbert dont l'original est aujourd'hui encore existant. C'est plutôt un projet de lettre, un brouillon, qu'une missive véritable adressée par cet illustre personnage au nom du roi Hugues de France aux très pieux empereurs Basile et Constantin pour leur demander pour son fils et héritier présomptif Robert la main d'une princesse de sang impérial. Voici le texte de ce précieux document tel qu'il a été établi dans une publication récente[27] par le regretté Julien Havet:

« A Basile et Constantin, empereurs orthodoxes, Hugues par la grâce de Dieu roi des Francs.

« L'illustration de votre race, la gloire de vos grandes actions nous excitent à vous aimer. Vous êtes de ceux dont l'amitié est le plus précieux des dons. Nous demandons votre très sainte amitié et votre très précieuse alliance, non pas que nous en voulions à vos royaumes, à vos richesses. Mais l'union que nous vous proposons, aurait cet avantage de nous créer des intérêts absolument communs. Cette alliance entre nous, si vous l'acceptez, nous sera des plus avantageuses et produira les plus précieux fruits. En effet, si nous nous y opposons, il n'y aura ni Gaulois ni Germain qui osera attaquer les frontières de votre empire romain.[28] En conséquence, pour que cette excellente alliance demeure perpétuelle comme nous avons un fils unique déjà roi[29] et ne pouvons lui trouver un royaume convenable dans les royaumes voisins à cause des liens de parenté, nous vous demandons avec instance une fille de votre saint empire[30] (quaerimus filiam sancti imperii). Si cette proposition est bien accueillie par vos sérénissimes oreilles, faites-nous le savoir par lettres revêtues de votre signature sacrée ou par de fidèles envoyés, afin que par l'intermédiaire de vos ambassades fidèles, dignes de vos majestés, ce qui a été formulé par lettres soit accompli en fait. »

« Cette lettre, dit M. Havet, manque dans le manuscrit de Leyde; elle était donc de celles dont Gerbert avait voulu tenir la minute secrète. S'il l'avait composée par ordre de Hugues Capet, pourquoi cette précaution? Peut-être avait-il formé ce projet de son chef, pour le jeune roi son élève, et, dans l'espoir de le faire goûter au roi Hugues, avait-il composé d'avance le texte de la lettre qu'il lui proposerait, le cas échéant, d'envoyer en son nom. Il est donc douteux que cette lettre ait jamais été expédiée à Constantinople. Il n'est même pas certain que Hugues en ait eu connaissance. Ce n'en est pas moins un document du plus haut intérêt. »

Je rappelle que l'empereur Othon d'Allemagne, en 1001, avait envoyé en hâte à Constantinople l'archevêque Arnolfe de Milan avec un superbe cortège, de chevaliers et de prélats pour demander la main de cette même princesse pour son fils. Le mariage était arrêté et la fiancée déjà arrivée en Italie lorsque la mort inattendue d'Othon vint brusquement tout modifier. La malheureuse Porphyrogénète retourna tristement à Constantinople. « Quant à sa sœur aînée, dit Lebeau, les tristes impressions de la petite vérole l'avaient défigurée à tel point qu'elle s'était dès longtemps renfermée dans un cloître où elle passa le reste de  ses jours.[31] » Elle y mourut avant 1042 au dire de Psellos.[32]

« Alors, disent en substance et Skylitzès et les chroniques italiennes,[33] Basile, vainqueur des Musulmans, des Russes et des Bulgares en Orient, songea, à l'âge de soixante-huit ans, à aller en personne porter la guerre en Sicile. Il commença par envoyer devant lui le protospathaire et kitonite eunuque Oreste, un de ses plus fidèles et aimés chambellans et lieutenants, qui débarqua à Bari avec beaucoup de troupes provinciales et de nombreux auxiliaires turcs, macédoniens, valaques, bulgares, russes, lesquels avaient tous depuis longtemps coutume de combattre sous les enseignes impériales.[34] » Anonyme de Bari ajoute au nombre de ces mercenaires des Guandali (Vandales? ou Vendes?), probablement des Varangiens russes, peut-être bien plutôt des Alains, les mêmes que les énigmatiques Gualanes, Goulanes ou Guaranes de Léon d'Ostie.

« Ceux-ci donc, poursuivent ces chroniqueurs, chassèrent les Arabes de Sicile de tous les points à nouveau occupés par eux sur les rivages de Calabre. » Reggio aussi à ce moment fut relevée par le « catépano » Bojoannès et servit de quartier d'hiver à cette première armée qui, pour franchir le détroit, attendait d'autres forces avec la flotte impériale sous le commandement direct du basileus. Celui-ci comptait rejoindre incessamment Oreste.[35] Ibn el Athir dit qu'on construisit dans cette ville de grands baraquements pour les troupes. L'entreprise, commencée par l'occupation de Messine, échoua, je l'ai dit, par la mort de Basile survenue presque subitement. A la nouvelle de cette catastrophe cette armée d'avant-garde, composée des meilleures troupes mercenaires de l'empire, rentra dans ses cantonnements sans avoir rien fait.

Basile, pris d'un mal subit sur lequel nous n'avons aucun détail, mourut, au dire des chroniqueurs byzantins,[36] le 15 décembre de l'an 1025.[37] Il était âgé de soixante-huit ans.[38] Il en avait régné seul, « autocratiquement », suivant l'expression de Yahia, presque cinquante, exactement quarante-neuf ans et onze mois, depuis l'âge de dix-huit ans qu'il était demeuré sur le trône avec son frère, à la mort de Jean Tzimiscès le 12 janvier 976. En réalité il avait régné presque toute sa vie, depuis le jour lointain où, frêle enfant au berceau, il avait été couronné basileus du vivant de son père. Il avait régné d'abord aux côtés de celui-ci, puis sous les tutelles successives de sa mère la basilissa Théophano, de Nicéphore Phocas, de Jean Tzimiscès, puis conjointement avec son frère le basileus Constantin. Son règne devait demeurer le plus long de tout l'empire d'Orient, un des plus longs de l'histoire.

Quelques jours avant lui avait expiré également, après cinq ans et huit mois de sacerdoce, le patriarche Eustathios.[39] Le vieux basileus déjà très malade l'avait aussitôt remplacé par le moine Alexis, le vénérable cathigoumène du grand et fameux monastère de Stoudion qui était venu le visiter peu auparavant, lui apportant, en guise de consolation et d'édification dernière, peut-être bien aussi dans l'espoir de le guérir encore, le très saint chef du Précurseur qu'on conservait pieusement dans l'église de Saint Jean Baptiste de l'Hebdomon. C'est certainement la même précieuse relique qui, transportée, à Amiens après la Croisade de 1204, demeura jusqu'à la Révolution la gloire de la cathédrale de cette ville. Basile moribond manda à nouveau à son chevet le saint vieillard subitement élevé si haut de par sa volonté. Voulant encore le voir dans ses fonctions de patriarche, il le fit introniser sur le champ par le protonotaire impérial Jean, « par l'entremise duquel, dit Skylitzès, il gouvernait ». C'est presque l'unique mention que nous possédions de l'existence de ce dernier ministre du grand basileus.[40]

Ce même jour Basile qui mourait, très probablement sans alliance, du moins sans postérité, désigna, pour son successeur son frère et collègue Constantin qui avait si longtemps régné à ses côtés dans un complet effacement. Il ne lui avait laissé que les honneurs de la couronne, et cependant ce frère avait partagé avec lui toutes les vicissitudes de ces cinquante années d'agitations et de guerres et porté à ses cotés le diadème des basileis depuis que lui aussi encore tout enfant avait été couronné le 7 avril 961 par le patriarche Polyeucte. Constantin était alors déjà aussi un vieillard. Son frère mourant le fit venir du palais suburbain où, paraît-il, il demeurait.[41] Il plaça, de ses mains tremblantes, la couronne sur sa tête, puis lui rendit hommage en l'adorant[42] suivant la coutume byzantine et lui donna ses instructions dernières. Dans une intention d'humilité, pour se ménager une bonne mort, il lui ordonna de lui faire des funérailles d'une grande simplicité. Il défendit que son cadavre fût habillé des vêtements impériaux comme c'était la coutume et voulut, dit Yahia, que le suaire qui l'envelopperait ne coûtât pas plus de vingt, et quelques pièces d'or conformément à ses instructions déjà anciennes.

Depuis longtemps, le vieil empereur s'était fait préparer dans l'église des Saints Apôtres, ce Saint-Denis des basileis, à côté des tombeaux de ses prédécesseurs un monument splendide, admirablement dessiné, construit en marbres de nuances diverses. Poussé par le même sentiment d'humilité il modifia ses intentions à la dernière heure et ordonna à son frère de le faire enterrer non avec les anciens basileis aux Saints Apôtres mais dans la petite église de l'humble monastère de Saint-Jean Théologue ou l'Evangéliste, hors les murs, non loin de l'Hebdomon[43] « où il reposerait avec les pèlerins.[44] »

Il en fut fait ainsi que le désirait Basile. Le beau monument des Saints Apôtres demeura vide trois années encore jusqu'à ce que le basileus Constantin étant venu lui aussi à mourir fût allé y prendre sa place solitaire à côté de celle demeurée vide de son aîné, et ce fut dans la pauvre église du Théologue que fut ensevelie la dépouille du grand basileus qui un demi-siècle durant avait fait trembler les Arabes et les Bulgares, tous les peuples de l'Orient.

Le jour même où il avait reçu les visites du nouveau patriarche et de son frère, le 15 décembre, vers le soir, au dire de Skylitzès, le vieux basileus expira.[45] Sa famille l'entourait vraisemblablement, son frère qui avait passé toute sa longue vie à ses côtés et qui allait lui succéder, l'impératrice Hélène, cette femme si effacée qui n'est mentionnée qu'une seule fois dans les sources,[46] ses trois nièces enfin dont deux devaient bientôt lui succéder sur le trône impérial.

Près de deux siècles et demi plus tard, en l'an 1260, aux derniers temps lamentables de l'empire latin de Constantinople, on découvrit par un hasard étrange le tombeau du grand empereur dont il semble qu'on eût perdu jusqu'au souvenir. C'est Pachymère[47] qui nous rapporte ce fait dramatique. C'était au temps des grandes angoisses pour les Francs d'Orient, Michel Paléologue de victoire en victoire avait fini par mettre le siège devant Constantinople. Son armée campait sur les hauteurs de Galata enserrant la Ville Reine. Plusieurs petits corps détachés parcouraient la banlieue de l'immense cité. L'un de ceux-ci visita les ruines de l'Hebdomon. En entrant dans la petite église de Saint Jean l'Evangéliste sise au pied du rempart, derrière le palais des Blachernes, pour lors convertie en étable, les soldats du Paléologue, officiers de Démétrius Iatropoulos, logothète du corps des domestiques, désolés de voir leurs antiques édifices ainsi profanés par les Latins odieux, découvrirent dans un coin misérable, placé debout, un squelette humain dans un étonnant état de conservation auquel, ô ironie de la destinée, quelque pâtre facétieux avait placé par dérision une flûte de berger dans la bouche! L'inscription du sarcophage récemment violé et brisé, démontra à ces touristes étranges du xiiie siècle que c'était là le cadavre du grand Bulgaroctone! Le basileus Michel, aussitôt informé de cette étrange découverte, en fut vivement ému. Comme il se voyait forcé de battre momentanément en retraite, il fit enlever le lendemain en pompe ces illustres ossements. Après les avoir fait envelopper dans des étoffes tissées d'or et de soie, il les fit placer dans un riche cercueil, à Galata d'abord, puis à Sélymbria où ils furent ensevelis à nouveau aux chants des hymnes solennels dans l'église du monastère du Sauveur de cette villa. Ce fut le sébastocrator frère de Michel qui fut chargé de ce soin pieux[48]!

Les monnaies frappées au nom du Bulgaroctone et de son frère Constantin durant leur règne de plus de cinquante années ont été certainement émises en quantité très considérable, car elles se retrouvent encore très communément dans toutes les contrées de l'Orient. Il fallut des émissions extrêmement nombreuses et fréquentes pour suffire aux dépenses colossales de ces guerres incessantes durant un demi-siècle et plus. La monnaie d'or paraît surtout avoir été très abondante. Jusqu'à ce long règne les sous d'or des basileis avaient d'ordinaire été frappés sur des flans d'un modèle uniforme, du diamètre d'environ vingt millimètres. Ce module s'agrandit sous le règne de Basile II et de son frère où nous trouvons pour la première fois des sous d'or à flan mince dont le diamètre s'étend jusqu'à vingt-sept millimètres. Au revers de ces belles monnaies, figure le buste superbe du Christ Pantocrator au vaste nimbe crucigère, aux cheveux longs, à la barbe courte, avec la vieille devise latine: Jhesus Christus rex regnantium. Sur l'autre face sont représentées les effigies des deux autocrators ceints du diadème à pendeloques, vêtus de la robe à grands carreaux. Basile, placé à la gauche du spectateur, porte la barbe. Constantin est imberbe. Les basileis tiennent entre eux chacun d'une main la croix à double traverse portant dans une cavité ad hoc le fragment vénéré de la Vraie Croix. La légende grecque de ce côté est courte: Basile et Constantin augustes. Il existe de ces sous d'or de nombreuses variétés presque toutes très communément répandues. On ne connaît pas de division du sou d'or pour ce règne.

Les monnaies d'argent, grandes, minces, très plates, infiniment moins répandues, sont d'une belle apparence. La représentation du droit est à peu près identique à celle des sous d'or avec la légende célèbre: En touto Nika. Au revers par contre une longue légende en cinq lignes occupant tout le champ de la pièce est ainsi conçue: Basile et Constantin Porphyrogénètes et basileis fidèles des Romains.

La monnaie de cuivre très abondante était anonyme et complètement identique à celle des règnes précédents avec l'image du Christ et la légende pieuse du revers en langue latine signifiant: Jésus-Christ, roi des rois. Par une exception curieuse commune au règne de Jean Tzimiscès on connaît de Basile et de Constantin de très petites et grossières monnaies de cuivre frappées spécialement pour le thème criméen de Cherson, certainement dans l'atelier monétaire de ce grand comptoir byzantin de la rive septentrionale de la Mer Noire. D'un côté le nom du seul Basile, de l'autre le titre de « despotes » y figurent sous la forme de monogrammes.[49]

Je traiterai rapidement à la fin du volume suivant de la littérature, de l'art et aussi de l'industrie à Byzance sous Basile II et les derniers souverains de la dynastie macédonienne ses successeurs. Je rappellerai seulement ici très succinctement certains faits qui concernent plus spécialement le règne de Basile II. Ce basileus dirigea la grande entreprise du Menologion ou Recueil de la vie des saints.[50] Le fameux exemplaire qui lui fut dédié, connu sous le nom de Menologium Graecorum, merveille d'art, compte aujourd'hui encore parmi les plus beaux ornements de la Bibliothèque Vaticane.[51] Les mosaïques de l'arc occidental qui supporte la coupole de Sainte-Sophie furent également restaurées par ce prince entre les années 989 et 995 à la suite de la reconstruction partielle qu'il fit de cette église, de ses coupoles surtout, après les terribles tremblements de terre du mois d'octobre 989.[52] On admire encore aujourd'hui la sveltesse des personnages qui y sont représentés. On connaît cependant peu de monuments qu'on puisse attribuer avec certitude à ce règne.

Basile II fit faire certaines réparations à la muraille de Constantinople, ainsi qu'en témoignent diverses inscriptions encore en place aujourd'hui, célébrant son nom et celui de son frère Constantin. Une première, placée au-dessus d'une porte, est ainsi conçue: cette tour fut élevée par Basile et Constantin, les porphyrogénètes, philochrists, sébastes, despotes, en l’an du monde 6521, qui correspond à l'an 1013 de notre Ere.[53] Une seconde, placée sur la lourde la grande muraille la plus rapprochée de la Propontide,[54] tour qui termine de ce côté le mur anthémien, dit que: C'est ici la tour de Basile et Constantin, autocrators fidèles en Christ, très pieux rois des Romains. La date a malheureusement disparu.[55] Une troisième enfin, gravée en relief sur la tour la plus septentrionale de la porte de la Grande Muraille connue sous le nom de Porte de Selymbria ou encore Porte de Pigi, est ainsi conçue: Porte de Basile et Constantin, autocrators en Christ.

Citons encore[56] une inscription d'une des tours de la muraille maritime non loin du vieux Sérail,[57] inscription en vers rappelant en termes poétiques que cette tour renversée par le long effort des vagues furieuses fut entièrement reconstruite par le pieux basileus Basile en l’an 1024.

Basile II passe encore pour avoir fait démolir et reconstruire luxueusement à nouveau le célèbre Bain des Blachernes où il prodigua les ornements d'or et d'argent.[58]

La grande fabrique d'étoffes de soie établie sur la Corne d'Or par le basileus Justinien paraît avoir été très prospère, infiniment active, sous le règne commun de Basile et de son frère Constantin. On y conservait avec un soin jaloux le secret de diverses teintures, de la pourpre en particulier. Une étoffe de soie d'une grande finesse provenant du trésor d'une cathédrale d'Allemagne, aujourd'hui conservée au Musée industriel de Düsseldorf, est datée du règne de ces princes qui y sont désignés sous la belle épithète de « philochrists[59] ». C’est là un des très rares exemples d'une étoile de soie byzantine datée et elle est pour cela infiniment précieuse. De beaux grands lions affrontés d'un style superbe, de soie feinte d'un blanc jaunâtre sur un fond violet purpurin, y figurent par lignes étagées, disposition si fréquente sur toutes ces étoffes orientales. Certainement la beauté de ce tissu est une preuve qu'il sort des ateliers impériaux et cette teinte pourpre était celle qui portait le nom de pourpre impériale ou double pourpre, purpura dibaphon. Cette étoffe nous représente un exemple précieux de la manière dont vers l'an 1000 les figures d'animaux étaient disposées pour être tissées sur ces magnifiques tentures. Les étoffes d'Autun et d'Anne de Cologne,[60] bien qu'un peu plus anciennes, portent aussi des séries étagées de lions avec des inscriptions qui servent à les dater.

Les belles étoffes byzantines arrivaient en Italie, à Rome surtout, par Amalfi. A Rome elles étaient achetées par les évêques et les prélats. Ceux d'Allemagne venus au tombeau de saint Pierre les rapportaient dans les trésors des églises de Germanie où on en retrouve encore quelques vestiges. Quant aux grandes pièces plus somptueuses ornées d'inscriptions, elles étaient destinées probablement à être données par les empereurs aux églises de la capitale et des principales villes de province. La manufacture impériale de Thèbes de Béotie en fabriquait aussi des quantités innombrables probablement pour l'usage exclusif du Palais.

« Ce trafic, dit M. Heyd,[61] enrichissait Amalfi, et ses trafiquants entassaient dans leurs magasins les marchandises les plus rares et les plus précieuses. La soie y abondait plus particulièrement. Un jour, Desiderius, abbé du Mont Cassin, attendant la visite du roi des Romains Henri IV, acheta à Amalfi, pour en faire hommage à ce prince, vingt de ces pièces de soie dites triblattia[62] (pourpre tricolore): ce nom grec indiquait déjà le pays où elles avaient été fabriquées. Ce détail nous donne à penser que le monastère du Mont Cassin tirait habituellement d'Amalfi les articles du Levant dont il avait besoin, et il est permis de supposer que ce furent des marchands amalfitains qui fournirent l'étoffe des nappes d'autel en soie de Byzance et d'Afrique et les cierges du Caire (Babylonia) qu'un autre abbé plus ancien du Mont Cassin, Théobald, précisément le successeur de l'infortuné Aténulfe, donna dans les premières années du xie siècle[63] au monastère de San Liberatore, près Chieti, succursale de la grande abbaye des monts des Marses.

Dans une des poésies les plus remarquables de Jean Géomètre que j'ai citée plus haut, celle qui est intitulée Les Bulgares, figure une allusion sarcastique à ce fait que les Bulgares ayant refusé de travailler au diadème et aux étoffes de pourpre, et ayant au contraire voulu s'en parer, ont été battus, fouettés, enchaînés, mis sous le joug. Cela signifie certainement que les captifs de guerre de cette nation étaient employés dans ces fameuses fabriques impériales de tissus pour l'usage des empereurs. Dans la biographie du patriarche saint Antoine mort en 801, se trouve mentionné le fonctionnaire qui dirige les tissages impériaux tant pour la soie que pour la laine.[64]

J'ai publié dans ma Sigillographie byzantine le sceau commun à deux fonctionnaires impériaux qui s'intitulent commerciaires impériaux et archontes du Blattopolion ou Bazar des étoffes de soie !

J'ai, au cours de ces deux volumes, mentionné toutes les Novelles de Basile II venues jusqu'à nous. Je rappelle que Skylitzès et Cédrénus[65] en citent une sans en donner ni le texte ni la date qui était également destinée à mettre des bornes au développement exagéré de la grande propriété;[66] Freher[67] en a publié une autre relative aux meurtriers,[68] prescrivant de les punir quel que fût leur rang.

Parmi les plus célèbres jurisconsultes de ce long règne nous ne pouvons guère nommer que l'illustre Eustathios Romaios,[69] Syméon magistros et logothète[70] et G. Phorbenos.[71]

Les grands dépôts d'Archives de l'Italie méridionale possèdent encore de nombreux documents, datés des diverses années du long règne de Basile II, délivrés au nom de ce prince et de son frère, documents très précieux et très intéressants ayant presque tous rapport à des questions d'intérêts privés, donations surtout à des églises et des couvents. J'en ai déjà cité plusieurs dans ces deux volumes de l’Épopée byzantine.[72]

La littérature ne fleurit guère sous ce règne essentiellement guerrier. Psellos, le grand polygraphe du onzième siècle, né en 1018, n'avait que sept ans à la mort de Basile. Saint Christodule, le célèbre réformateur de la règle basilienne, né vers 1020, n'en avait que cinq. Michel Attaliote aussi, un des plus estimés chroniqueurs de l'époque, n'avait vu le jour que tout à la fin de ce règne.

Basile mourant laissait l'empire dans un état de puissance, de force et de prospérité qui n'avait peut-être jamais été atteint depuis Constantin. Cette date fatale de l'an 1025 est bien celle du point culminant de la grandeur byzantine. Partout les frontières les plus lointaines avaient été reculées et renforcées. Tous les adversaires, les plus puissants comme les plus audacieux et les plus tenaces, avaient été vaincus et subjugués, Même en Italie la situation s'était depuis peu notablement améliorée et le valeureux « catépano » Bojoannès était le véritable maître dans le midi de la Péninsule. Vraiment, sous ce long règne, les aigles byzantines avaient volé incessamment de victoire en victoire des rives du Danube à celles de l'Euphrate et des sauvages montagnes d'Arménie aux riants rivages d'Italie. L'Etat s'était également enrichi. Au moment de sa mort, Basile, ce prince d'une si sage, d’une si admirable prévoyance, laissait les coffres publics, regorgeant d'immenses trésors,[73] « plus de six mille kintars en métal argent » dit Yahia,[74] alors qu'il n'en avait trouvé que quatre à son avènement. Et cependant à ce moment même les populations devaient, on l'a vu, deux années d'impôt que le basileus avait défendu de percevoir à cause de la dureté des temps.[75]

« L'indomptable valeur de Basile, a dit Finlay, ses cruautés effrayantes,[76] sa totale indifférence pour l'art et la littérature, sa religion étroite et superstitieuse, tout conspire pour faire de lui le type vraiment caractéristique de son empire et de son époque. Le but principal, pour ainsi dire exclusif, de sa politique fut, de consolider l'unité administrative de l'empire en Europe par la complète soumission des Bulgares et, des autres races slaves que la similitude du langage avait presque confondus en une seule nation et unis dans une commune hostilité contre le gouvernement impérial.[77] »

« Durant tout son long règne, s'écrie Yahia, Basile ne cessa de vivre avec la plus extrême sobriété, n'usant que du strict nécessaire. Constamment, durant toute sa vie, il se distingua par son zèle pour la religion. Constamment il dirigea lui-même toutes les affaires de l'Etat, les grandes comme les petites. »

Le jugement porté par Psellos sur Basile est marqué au coin de la précision particulière à ce grand historien du xie siècle. « Lorsque ce prince, dit-il, eut achevé de détruire ou de réduire à l'obéissance les divers voisins barbares de l'empire, il ne distribua pas les honneurs et les dignités suivant les errements accoutumés, car il prit pour familiers, pour conseillers et pour collaborateurs des hommes qui ne se distinguaient ni par leur culture, ni par leur noble extraction, ni par leur connaissance des lettres. Ses secrétaires étaient des hommes obscurs, de mince éducation, mais sa correspondance fut toujours des plus brèves, si simple et tout à fait sans apprêt qu'elle n'exigeait pas de grandes capacités. Toujours il se refusa à parler et à écrire avec recherche ou à user d'un style fleuri. Il dictait lui-même toutes, ses lettres, s'abstenant de tout mot superflu, ne disant pas un mot de plus qu'il n'était nécessaire. Lorsqu'il eut arraché le pouvoir à la fortune contraire et à la jalousie de ses concurrents, non seulement il rétablit le calme dans l'empire, mais, supprimant toute dépense inutile, il ne songea qu'à augmenter la richesse nationale. Ne dépensant rien de trop, économisant de toutes parts, il finit par constituer un trésor de deux cent mille talents. Qui pourra exprimer par des paroles ce qu'il parvint à réaliser dans ce sens! Toutes les richesses arrachées à tant de peuples conquis depuis les Géorgiens jusqu'aux Arabes, jusqu'aux barbares habitants de la terre de Scythie, tous ces trésors, dépouilles opimes de tant de peuples soulevés, allaient s'accumuler dans les coffres impériaux. Et non content d'édifier des édifices ad hoc, il organisait encore pour ces immenses réserves de vastes demeures souterraines à l'instar des chambres sépulcrales d'Egypte. Au lieu de se parer des perles, des pierres précieuses qu'il avait amassées, de les porter en bracelets ou colliers, il les conservait de même par monceaux dans ses caves. Son vêtement de pourpre était non point éclatant, mais de couleur sombre, à peine orné de quelques gemmes. C'est sous ce costume qu'il se montrait en public et donnait audience. Tout son temps à peu près était consacré à la guerre, à la défense des frontières contre l'incessant effort des barbares, et pourtant, loin de dépenser tant de trésors accumulés, il ne fit jusqu'à la fin qu'en augmenter la masse. »

Voici enfin le jugement de Zonaras:[78] « Basile, enflé d'orgueil par ses victoires, se montrait plein de mépris pour tous. Préférant être craint de ses sujets qu'aimé par eux, il entendait traiter citoyens et soldats non d'après les lois consacrées, mais suivant sa volonté et son libre arbitre à lui. Aussi ne se souciait-il nullement de rechercher des secrétaires distingués par leur origine ou leur culture et préférait-il dicter ses dépêches à des hommes du commun qui reproduisaient exactement son style rude et dépourvu de toute forme. Il s'attacha surtout à remplir les coffres de l'empire. On dit qu'il y accumula jusqu'à deux cent mille talents d'or pour lesquels il fit creuser des labyrinthes secrets où s'accumulaient également dans une foule de vases des pierres précieuses et des perles en quantités innombrables. Il dédaignait d'user de ces dernières pour orner ses costumes d'apparat toujours simples et presque dépourvus d'ornement. A la guerre son esprit se révélait contre l'ennemi plein de ressources aussi variées que nombreuses. En temps de paix il était constamment violent. Il savait dissimuler sa colère mais, l'occasion venue, il savait de même lui donner libre cours et se venger de ceux qui l'avaient offensé. Comme il était fort entêté, il ne modifiait que bien difficilement ce qu'il avait résolu de faire. De même lorsqu'on avait excité son ressentiment, il ne pardonnait guère. »

 

 

 



[1] L'émir al-oméra Cheref Eddaulèh, mort en septembre 989, avait eu pour successeur à Bagdad au milieu des luttes sanglantes d'une croissante anarchie son frère Abou. Nasser Behâ Eddaulèh. Les dissensions incessantes avaient continué entre tous ces Bouiides, avec Samsam surtout qui avait recouvré sa liberté. Diarbekir était tombée aux mains de Bad (Weil, . op. cit., III, p. 36) et Mossoul dans celles des Beni-Okeil après la fin lamentable de la dynastie hamdanide locale. En chaban de l'an 382 de l'Hégire, c'est-à-dire en octobre 992 (ibid., p.44), Behâ Eddaulèh avait déposé le Khalife Altaï après que celui-ci eut régné dix-sept ans et neuf mois et lui avait donné pour successeur son fils Abou’l Abbas Ahmend proclamé Khalife sous le nom d'Al-Kadir. Ce prince n'avait dû son règne prolongé qu'à sa parfaite impuissance, à sa complète soumission aux émirs al oméra qui se succédaient à Bagdad. Ceux-ci même perdaient rapidement de leur puissance de jadis. Des seigneuries indépendantes s'établissaient aux portes de Bagdad (ibid., p. 46, a). Behâ Eddaulèh, demeuré émir al-oméra sous le nouveau Khalife, avait eu à lutter encore contre Samsara Eddaulèh, lequel, sur le point de triompher, avait été tué en l'an 998 (388 de l'Hégire). Puis il y avait eu d'autres guerres contre l'émir de Mossoul et une foule d'autres princes. La fin du règne de Behâ avait été cependant plus tranquille. Ce prince était mort en décembre 1012 et avait eu pour successeur son fils Abou Chadja Sultan Eddaulèh mort lui-même en 418 de l'Hégire (mars 1024-mars 1025), très peu de temps par conséquent avant le basileus Basile. Quant à Al-Kadir, il ne devait mourir que le 29 novembre 1031 (12 dou'l-hiddja 422), âgé de près de 87 ans, après un règne obscur de plus de quarante et un ans dont la faiblesse même ne contribua pas peu à fortifier la position des Byzantins en Asie. C'est à peine si, depuis l'époque déjà lointaine de la révolte de Bardas Skléros, Basile II avait eu à se préoccuper de ce qui se passait à Bagdad, tant l'impuissance de ces ombres de Khalifes était totale dans l'immense anarchie de leur mourant empire.

[2] Vers l'extrême fin du xe siècle un moine athénien, Jean, passant par l'Egypte au retour d'un voyage à Jérusalem, vint au fameux couvent du Sinaï et s'y fixa. Il en devint l'higoumène en 999 et périt le 12 février 1019, martyrisé pour la foi dans une des persécutions ordonnées par Hakem. Il fut mis au nombre des saints. Sous son higouménat une sainte Icône de la Vierge d'Athènes fut apportée de cette ville au Nouveau Caire. Cette Icône existe encore dans l'oratoire des Quarante Martyrs annexé au couvent de Saint-Georges du Vieux Caire. Elle porte l'inscription suivante: La Mère de Dieu l’Athénienne, la Gorgoépikoos. Voyez la description de ce précieux monument à la p. 68 de l'ouvrage de M. Neroutsos intitulé: Christianikai Athinai.

[3] Voyez Rosen, op. cit., note 368.

[4] Rosen, op. cit., note 356.

[5] 27 avril 1020-16 avril 1021.

[6] 5 avril 1022-25 mars 1023. L'Histoire des Khalifes Fatimides, p. 221, dit que ce personnage qu'elle désigne sous le nom d'Abou Chou'gâ fut assassiné à l'instigation de Sitt el Mulk, la régente, par un des esclaves de cette princesse, un Indou nommé Bêrouz.

[7] Rosen, op. cit., note 6 de la note 384. Weil, op. cit., III, p. 70, note 4.

[8] 15 mars 1024-3 mars 1025.

[9] En 404 de l'Hégire (13 juillet 1013-1er juillet 1014).

[10] Rosen, op. cit., note 384.

[11] L'Histoire des Khalifes Fatimides. éd. Wüstenfeld, p. 221, raconte ces faits un peu différemment.

[12] Mois de redjeb de l'an 415 de l'Hégire.

[13] Cédrénus, II, pp. 484 et 492.

[14] 3 rebia I de l'an 416 de l'Hégire.

[15] Voyez Rosen, op. cit., note 390.

[16] Ou « Djourna ».

[17] Cédrénus, II, 475.

[18] viii, 16.

[19] 1024 à 1026.

[20] La Tamatarque des Byzantins.

[21] Rambaud, op. cit., p. 61.

[22] C'est du moins la date indiquée par Muralt, uniquement d'ailleurs parce que Skylitzès fait figurer le récit de cette expédition étrange immédiatement entre celui des événements de l'an 1023 et celui de la mort de Basile.

[23] « Cependant, remarque M. Wassiliewsky (La droujina vaeringo-russe, etc., p. 42), la Chronique primitive russe indique la mort d'Anne à l'année 1011 avant la mort de Vladimir. » Cela n'empêche que l'écrivain russe semble pencher aussi pour fixer l'expédition de Chrysochir à cette date de 1024 ou à une date très voisine.

[24] Voyez Wassiliewsky, La droujina vaeringo-russe, p. 43. Peut-être cependant s'agit-il simplement d’un surnom purement grec et nullement normand. Ou bien même ce nom grec de Chrysochir n'est-il que la transformation par à peu près d'un nom russe tout à fait déformé?

[25] Compend. Chron., éd. Bonn, p. 253, v. 5967.

[26] Voyez Épopée, t. I.

[27] J. Havet, Lettres de Gerbert (983-997), Paris, 1889, p. 101, n° 111. La lettre doit avoir été écrite entre Noël 987, date où Robert fut couronné roi à Orléans par son père, et 996, date de la mort de Hugues Capet.

[28] « Romanum imperium », dit M. Havet, c'est l'empire byzantin, auquel aucun autre « empire » ne pouvait à ce moment disputer ce nom, puisque Othon III n'était encore que roi. Gallus, Germanus, probablement les sujets d'Othon III, roi de Germanie et de Lorraine. Othon était aussi roi d'Italie, et par ce dernier royaume, ses États confinaient aux possessions byzantines de la Vénétie et de l'Italie méridionale.

[29] Robert, élève de l’école de Gerbert à Reims, couronné roi le 25 décembre 987 à Sainte-Croix d'Orléans, et sacré à Reims le dimanche suivant le 1er janvier 988. Les sœurs d'Othon III aussi bien que les filles de Conrad, le Pacifique, roi de Bourgogne, étaient cousines de Robert, suivant la manière de compter admise en droit canonique. Il ne peut donc ici être question elles.

[30] Probablement Zoé, seconde fille de Constantin VIII. — « Voir si on trouve ailleurs que le Roy Hugues ait voulu marier Robert avec une Grecque » (Baluze, ms. 129, folio 166); Gerbert seul nous fait connaître ce fait (Olleris). Mais ce « fait » même n'est pas certain.

[31] Zonaras, éd. Dindorf, XVII, x. Voyez cependant Mystakidis, op. cit., p. 70.

[32] IV, 95, 19.

[33] Cédrénus, II, 479. Zonaras, lib. XVII, chap. ix, fait également allusion à cette intention de Basile d'aller en Sicile, intention qui fut arrêtée par la mort.

[34] Voyez Wassiliewsky, La droujina vaeringo-russe, etc., art. I, pp. 131 sqq.

[35] Ibn el Athir dit que la flotte était sous le commandement d'un parent du basileus « fils de sa sœur ». Certainement l'auteur arabe fait confusion avec le patrice Etienne envoyé avec la flotte en 1038, ou avec quelque fils de Jean Orseolo devenu commandant de la flotte de Venise. Voyez Amari, op. cit., II, p. 366, note 1.

[36] Cédrénus, II, 479-480.

[37] Le dimanche 12 décembre, dit Yahia. Voyez Rosen, op. cit., p. 69; 12 kanoun, I, 1337, c'est-à-dire le 18 du mois de chewal de l'an 410 de l'Hégire, à la neuvième heure du Jour.

[38] Skylitzès dit soixante-dix. Zonaras et Psellos disent soixante-douze. Voyez Rosen, op. cit., note 403.

[39] Il avait été intronisé le 12 avril de l'an 1020. Voyez Rosen, op. cit., note 305. Le patriarche Gédéon dit qu'il régna 6 ans et 6 mois. Voyez Zonaras, éd. Bonn, II, note 13 de la page 308. — M. C. de Boor (Nachträge zu den Notitiae Episcopatuum dans la Zeitschr. für Kirchengesch. 1890, pp. 303-326), parle d'une copie d'une liste (notitia) des métropoles et des diocèses autocéphales de l'Église d'Orient, copie contenue dans un manuscrit grec de la Bibliothèque de Munich (ms. gr. 380), qui lui fait croire que la liste originale a été rédigée non entre 1022 et 1035, par conséquent vers cette époque de la fin du règne dit patriarche Eustathios, comme le voudrait M. Gelzer, mais bien dans les dernières années du xe siècle. Voyez pp. 313, 321, 322 les raisons que M. de Boor donne de cette opinion. L'archevêché de Pompeiopolis a dû être élevé au rang de métropole aux environs de l'an 1000, avec ceux de Keltzène, de Colonia, de Thèbes et de Serrae.

[40] Il est bien probable que la présentation du saint chef du Précurseur au malade ne fut que le prétexte de la visite du cathigoumène Alexis. Le vrai motif était la nomination de ce prêtre à la tête de l’Eglise. La preuve en est l’intronisation si rapide du nouveau patriarche, peut-être pour prévenir quelque résistance ou dénouer quelque intrigue. En tous cas, cette nomination d'un patriarche à la fin suprême du règne du vieil empereur semble s'être faite sans la moindre participation du clergé, directement par la volonté du souverain.

Une variante d'un manuscrit de Cédrénus (t. II, p. 479, notes) raconte, par la plume d'un continuateur anonyme, l'anecdote suivante: « Eustathios étant fort âgé et fort infirme ne pouvait plus prendre de part active à l'exercice du culte. La tradition rapporte que, dans une des grandes fêtes de l'Eglise, il se passa ce qui suit: le diacre en fonction chanta plus lentement que de coutume l'Introitus. Le patriarche ayant peine à demeurer debout demanda qu'on lui apportât son trône, s'assit et s'endormit. Alors, le saint homme eut une terrible vision qui semblait une réalité. Devant l'autel s'assemblèrent des figures monstrueuses en grand costume ecclésiastique, ayant l'apparence d'êtres humains, sauf que chacun avait une tête de bête sauvage. Comme le diacre entonnait la suite du chant, le patriarche se réveilla et le tança vivement sous prétexte qu'en le réveillant il l'avait empêché de voir la fin de ce rêve. Il avait compté jusqu'à onze hauts dignitaires ainsi affublés, mais avait remarqué que d'autres encore se dirigeaient vers l'autel. Les animaux, dont les têtes ornaient ainsi les figurants de cette étrange procession étaient l'âne sauvage, le lion, la hyène, le chat, le loup, l'ours et d'autres du même genre. » Voyez l'explication de ce rêve imaginée par Gfroerer (op. cit., III, pp. 573-586).

Il existe une vie manuscrite du patriarche Eustathios. Voyez Eustachi patriarchae constantinopolitani Vita per Fabianum Cretensem e gr. in lat. traducta, in Flaminii Cornelii Eccles. Venet. antiqua monumenta. De cod. XI, part. 2, pp 154 sqq., Venet., 1749, 4, Harles. — Je ne crois pas que cette Vie ait été publiée.

[41] Nous tenons de Yahia ce détail comme aussi la plupart des suivants. Voyez Rosen, op. cit., p. 69.

[42] Mathieu d'Édesse, éd. Dulaurier, p. 43.

[43] Voyez sur la situation de cette église: Rosen, op. cit., note 407.

[44] Mathieu d'Edesse fait un curieux et fantastique récit de ces derniers jours de l'existence du vieux basileus: « Son frère Constantin, dit-il, se trouvait à cette époque (1025) dans le thème de l'Opsikion dont la capitale est Nicée. Basile malade ordonna d'envoyer des courriers pour l'inviter à se rendre en hâte auprès de lui. Les ministres le promirent, mais ils gardèrent par devers eux la lettre du basileus, parce qu'ils ne voulaient pas que Constantin régnât sur eux. Après avoir, à plusieurs reprises, renouvelé ses ordres, Basile, s'apercevant de leur fourberie, commanda à ses serviteurs de lui amener un cheval. Il se leva de son lit, monta à cheval, et sortit de son palais dans la ville, où il se montra à tous les regards. Nombre de ceux qui le virent, s'allèrent, par peur, cacher jusque dans les points les plus obscurs de leurs demeures. Les courriers partirent alors et ramenèrent sur-le-champ Constantin dans la capitale. Aussitôt qu'il fut arrivé, Basile lui posa sur la tête la couronne impériale, le déclara empereur, et lui recommanda, comme autrefois David à Salomon, de mettre à mort tous perturbateurs ou rebelles. Puis, ayant repris le lit, il perdit peu à peu ses forces et mourut deux jours après. Il avait régné cinquante ans. Le jour de sa mort un phénomène merveilleux parut dans le ciel. Le soir, vers l'heure à laquelle il rendit le dernier soupir, un éclair étincelant, fendant tout à coup la voûte éthérée, se précipita sur la terre. Tous ceux qui furent témoins du prodige déclarèrent qu'il annonçait la mort de l'empereur. »

Un autre historien byzantin (Voyez Chahanzarian, Esquisse de l'Histoire d'Arménie, Paris, 1856) raconte encore un incident des derniers moments du vieux basileus: « Basile, dit-il, à son lit de mort, tourmenté par les remords, remit au prêtre arménien Cyriaque une lettre dans laquelle il retournait au roi Jean Sempad celle par laquelle ce prince lui avait fait cession de ses Etats à sa mort. L'infâme Cyriaque garda la missive impériale et la remit, après la mort de Basile, au nouveau basileus Constantin. »

[45] Je rappelle que Yahia fixe sa mort à la neuvième heure du jour trois jours auparavant. — Les historiens arméniens disent qu'il recommanda par son testament à son frère de traiter paternellement l'Arménie et appela sa sollicitude sur les fils de l'ex-roi du Vaspouraçan Sénékhérim mort cette même année, ainsi que sur tous les grands d'Arménie en général. Il lui prescrivit également, disent-ils, de témoigner la plus grande bienveillance aux fidèles du Christ. — Voyez entre autres Mathieu d'Edesse, éd. Dulaurier, p. 43, qui termine par ces mots son récit: « Basile, après avoir passé sa vie dans la sainteté et la virginité, s'endormit en Jésus-Christ. Il fut enterré à côté des saints monarques ses prédécesseurs avec les regrets dus au souvenir de ses vertus. »

[46] Nous possédons cependant une pièce de sept vers composée sur la mort de cette princesse par Jean Géomètre. Le poète y célèbre la Résurrection. Voyez Cramer, op. cit., p. 321; Migne, op. cit., n° 131.

[47] Éd. Bonn, I, 125, 1.

[48] Un manuscrit de la bibliothèque de Turin (Cod. Taur. B, N, 4, S. catal. S. 314) contient fol. 291-301) une histoire inédite du règne de Basile que je n'ai pu consulter.

[49] Fait étrange: on ne connaît pas de monnaie des tsars bulgares contemporains de Basile II Il semble que la Bulgarie se soit contentée durant ce long espace de temps de se servir des espèces impériales portant cependant des effigies détestées.

[50] On penche maintenant d'après les nouveaux documents publiés en 1880 et 1881 par M. Wassiliewsky dans le Journal du Ministère de l’Instruction publique russe sous le titre: De la vie et des travaux de Syméon Métaphrastes, à placer bien plus tard qu'on ne le faisait, c'est-à-dire vers la fin du xe siècle, ce fameux hagiographe si connu par sa collection des légendes ou actes des saints et à en faire un même personnage avec le chroniqueur Syméon. Peu d'ouvrages comptent un nombre aussi extraordinaire de copies manuscrites. Cependant le Père Delehaye (Saint Paul de Latron, note de la page 119) estime que la question est loin d'être résolue. (Voyez sur ce point si important: Krumbacher, Gesch. der byzant. Litteratur, 2e éd., pp. 200 sqq., et Byzant. Zeitschrift, t. VI, 198 et t. VII, 473.)

Dans la Vie de saint Sampson (Migne, Patrol. Gr., CXV), le chapitre second intitulé: Miracula post mortem, devra être sérieusement étudié, m'écrit le Père Delehaye, lorsqu'on fera l'histoire définitive des entreprises hagiographiques de la seconde moitié du xe siècle. (Voyez, au sujet d'une erreur de l'éditeur: H. Delehaye, Les Ménologes grecs, p. 12, note 2.)

[51] Voyez entre autres le chapitre vin (pp. 102-108) du tome II de l’Hist. de l'art byzantin consid. principalement dans les miniatures de N. Kondakov. Voyez surtout Labarte, op. cit., t. I, p. 5, et t. II, pp. 180 sqq. (pi. XXVIII et XXIX). — Une moindre portion de ce magnifique manuscrit, joyau de l'art byzantin, est conservée à Grottaferrata.

[52] Voyez K. W. Unger, Quellen der byzant. Kunstgeschichte, pp. 97 et 98, qui donne, par erreur la date de 986 et surtout le présent volume, pp. 35 sqq. — Sur les dégâts du tremblement de terre de l'an 1010, Voyez Unger, ibid., pp. 98 et 223.

[53] Corpus inscr. graecar., t. IV, n° 8700: « Supra portam in muris Regiae mare versus. »

[54] Ibid., n° 8701, « Ad septem turres in extrema valli urbani turre.» Voyez encore Byz. Zeitschr., VII, 334 et Unger, op. cit., p. 217, n° 552. —Voyez aussi Corpus inscr. graecar., t. IV, l'inscription n° 8699 qui serait de l'an 1006.

[55] Sur la porte de l'église de Burgara entre Selymbria et Andrinople on lit cette inscription: Cette tour fut élevée sous le règne de Basile et Constantin despotes philochrists (C. i. gr., t. IV, n° 8702, p. 484). Sur la porte extérieure du kastron en ruines d'Halicarnasse une inscription incomplète datée de l'an du monde 6513 (1005 de l'ère chr.), indique que celui qui pénétrera dans cet édifice dans des intentions hostiles encourra une punition sévère (Ibid., n° 8698). On connaît un certain nombre d'autres inscriptions datées des années de ce règne, mais elles sont sans grand intérêt. Voyez une inscr. de 1006 dans le tome XI, p. 454 du Bulletin de Corresp. hellénique, une autre de l'an 981 (dédicace dans une église à Aezanis de Phrygie) dans le Corpus inscr. gr., n° 8697, de très nombreuses inscriptions funéraires enfin à Athènes, inscriptions d'évêques et autres (Ibid., p. 464).

[56] Hammer, op. cit., II, VIII, n° 17. — Voyez aussi A. V. Millingen, Byzantine Constantinople, p. 186.

[57] Première tour à l'ouest d'Ahour Kapoussi (Kontoskalion).

[58] Unger, op. cit., p. 273, n° 765.

[59] Le lion est l’emblème du Christ, le lion la race de Juda. C’est pour cela qu'il figure si souvent comme l'emblème religieux.

[60] Voyez mon Nicéphore Phocas.

[61] Op. cit., I, p. 107.

[62] Leo Ostiens, loc. cit., p. 711. Pour l'explication du mot triblattia, voyez Petr. Damian., Epist, IV, 7: « triblathon pallium vocutur, quod trium cernitur esse colorum. »

[63] Voyez l'état établi par lui en 1019, dans Muratori, Antiq. it., IV, pp. 707 sqq.

[64] Acta SS., Bolland., février, t. II, 621 (chap. 26).

[65] T. II, p. 448.

[66] Voyez au sujet de cette Novelle une note précédente.— Voyez Bonnefoi, op. cit., p. 33; Mortreuil, op. cit., Il, p. 359, n° III. — Psellos mentionne aussi cette Novelle dans ses vers 1377 à 1383.

[67] T. II, p. 179.

[68] Cette Novelle qui avait échappé à Bonnefoi est également rapportée par Psellos dans ses vers 1397 à 1402. Mortreuil la mentionne: t. II, p. 339, n° IV.

Enfin Psellos, dans ses vers 1393-1396 et une scholie des Basiliques font mention d'une Novelle aujourd'hui perdue de notre grand basileus par laquelle les droits du fisc étaient déclarés imprescriptibles. Voyez Mortreuil, op. cit., II, p. 360, n° 6.

Un document de Basile II de l'an 976 (Ind. 4) est citée par Zachariae v. Lingenthal au tome IV (Acta) du Jus graeco-romanum, Leipzig, 1865, p. 307. Une nouvelle édition de l’Epanogoge sous ce titre: Epanogoge aucta, datant de cette époque, est imprimée dans la même collection (pars IV, pp. 56-84). Voyez encore un extrait des Basiliques datant de cette époque, Zachariae v. L. Gesch. des gr.-rom. Rechts, p. 34, n° LIV.

Le ton des Novelles de Basile II se distingue par une forme étrangement violente, personnelle, autocratique. Voyez Neumann, op. cit., pp. 57-58.

Un des derniers fascicules parus de la Revue byzantine russe (nos 3-4 du tome VI) contient un article de M. Al. K. Lauriotis où sont publiés, entre autres documents inédits du Mont Athos, trois actes portant les dates des années 991, 993 et 999. — Voyez encore dans la Byzant. Zeitschrift, t. VIII, p. 242, un autre document daté de la Sainte Montagne de l'an 985.

[69] Ou Romanos. Sur ce personnage et ses œuvres Voyez Krumbacher, Gesch. der byz. Litteratur, 2e éd., p. 609, n° 7.

[70] Vers l'an 1000? Ibid., p. 607.

[71] Sur ces divers personnages, Voyez Mortreuil, op. cit., II, pp. S03 sqq. et Zachariae von Lingenthal, Gesch. des gr.-rom. Rechts, 3e éd., 1892, p. 27. Syméon est cité comme l'auteur d'une édition nouvelle de la vieille Epitome canonum.

On trouve dans l'ouvrage de M. F. Brandileone intitulé Il diritto bizantino nell Italia meridionale une foule de renseignements sur l'histoire du droit byzantin dans les thèmes italiens à l'époque de Basile II. Voyez encore sur ce droit byzantin italien au xe siècle, Byz. Zeitschr., t. VI, p. 212, une étude du même auteur et de M. V. Puntoni sur le Prochiron legum pubblicato secondo il codice vaticano greco 845, Rome, 1893.

[72] On trouvera beaucoup de ces documents publiés clans le Codex diplomaticus cavensis, Naples, 1877-1888 et dans le Chartularium del monastero di S. Benedetto di Conversano de D. Morea, Mont Cassin, t. I, 1892, etc., etc.

[73] Zonaras, XVIII, 8. Cet auteur attribue à Basile ce que Skylitzès (Cédrénus, II, 480) dit de son frère Constantin « qu'il n'employait point de personnages de la noblesse, mais bien seulement des parvenus, et ceux-ci uniquement comme ministres (c'est-à-dire comme exécuteurs de ses volontés), non plus comme conseillers, et qu'il avait accumulé dans ses coffres vingt mille talents d'or, nonobstant sa magnificence envers les étrangers et les dépenses énormes occasionnées par ses guerres incessantes. »

[74] Ce qui ferait, dit le baron V. de Rosen, op. cit., note 409, la somme, immense, certainement très exagérée, de quarante-trois millions deux cent mille besants hyperpères.

[75] « Cette mesure seule, a dit Finlay, témoignerait de la complète fausseté des accusations de rapacité portées contre Basile. Elle serait plutôt une preuve que la politique de protection envers les pauvres, si visible dans toutes les Novelles de cet empereur, le guidait de même dans l'administration des finances de l'empire. Très certainement il se montra pour les riches et les puissants d'une sévérité parfois extrême, mais il semble bien qu'il se soit montré beaucoup plus doux pour les pauvres. »

[76] « Constantin, dit Mathieu d'Édesse (éd. Dulaurier, p. 44), en montant sur le trône, ordonna de brûler la prison des condamnés que Basile avait fait construire, et qu'il avait remplie des grands de l'empire. Car Basile, craignant pour son trône, avait fait étrangler les personnages les plus considérables, et leurs corps étaient pendus là, recouverts de leurs vêtements et attachés par la  gorge à des crochets en fer. Ce spectacle arracha des larmes des yeux de Constantin et il donna l'ordre de les ensevelir, en même temps qu'il fit détruire cette prison. Accusant la cruauté de son frère: « Eh quoi, s'écriait-il, la fin de l'homme est toujours imminente; pourquoi donc cette mort cruelle, dans le but de préserver une vie corporelle et passagère?» — Voyez encore, sur les cruautés peut-être faussement attribuées à Basile, Maedler, op. cit., pp. 17 et 18. — Les chroniqueurs arabes sont plutôt bienveillants pour le caractère de cet empereur. Ibn el Athir dit expressément qu’« il fut très bienfaisant à l'égard des Musulmans et leur témoigna de la sympathie. »

[77] Sur les résultats de ce grand et long règne, Voyez encore Paparrigopoulos, op. cit., pp. 252-255; Neumann, op. cit., pp. 11 et 70.

[78] Livre XVII, chap. viii.