LE TRAITÉ DE CATEAU-CAMBRÉSIS

 

CHAPITRE TROISIÈME. — Exécution du traité de Cateau-Cambrésis avec l'Angleterre.

 

 

Portrait d'Élisabeth, reine d'Angleterre. — Ses prétendants et ses favoris. — Le duc de Nemours et Leicester. — William Cecil. — Regrets du peuple anglais de la perte de Calais. — Situation difficile des otages français à Londres. — Alliance de la reine d'Angleterre avec les réformés de France. — Le roi de Navarre. — La conjuration d'Amboise. — Première guerre civile en France (1er avril 1562-19 mars 1563). — Traité de Hamptoncourt (20 septembre 1562). — Les Anglais prennent possession du Havre. — Siège et prise du Havre par le connétable de Montmorency (28 juillet 1563). — Négociation de Catherine de Médicis avec la reine d'Angleterre. — Traité de Troyes (11 avril 1564).

 

De tous les signataires du traité de Cateau-Cambrésis, le plus mécontent fut la reine d'Angleterre. L'héritière de Marie Tudor, Élisabeth, fille de Henri VIII et d'Anne de Boleyn, était alors âgée de vingt-cinq ans. Compromise pendant le règne de Marie Tudor par des ambitieux qui abusaient de son nom, elle avait été plusieurs fois emprisonnée. Les instances de Philippe II lui avaient ménagé une retraite tranquille au château de Woodstock. Sa vie s'y était écoulée dans l'étude. Voici le portrait que trace d'elle Jean Michieli, ambassadeur vénitien : La princesse est aussi belle d'esprit que de corps, quoique sa figure soit moins belle qu'agréable par son expression. Elle est grande. et bien faite ; elle a le teint clair et olivâtre, de beaux yeux et des mains petites et délicates, dont elle est fière. Elle a un esprit excellent, beaucoup d'adresse et d'empire sur elle-même. Elle l'a prouvé à satiété dans les rudes épreuves qu'elle a traversées durant la première partie de sa vie. Elle a un caractère impérieux et hautain, dont elle a hérité de son père Henri VIII, qui, dit-on, à cause de sa ressemblance avec lui, avait pour elle une tendresse particulière[1].

La nouvelle reine d'Angleterre présentait un mélange singulier de sentiments élevés et d'instincts grossiers, de génie et de faiblesse, qu'elle tenait à la fois de son père et de son éducation première. Pour tracer un portrait ressemblant de cette princesse, il faut la peindre sous deux faces : la reine et la femme. La reine se montre avec sa politique rusée, appropriée aux faibles ressources de son royaume, avec son administration rigide, sa connaissance innée des hommes, ses vues profondes et sa merveilleuse perspicacité des destinées futures de l'Angleterre ; la femme, avec sa beauté sans grâce, ses passions incultes, sa rudesse native, ses basses jalousies, ses emportements désordonnés, et plus tard avec sa coquetterie sénile, qui devint la honte de l'Angleterre en même temps qu'elle fut la risée de l'Europe. Nous allons parler de la femme avant de raconter la perfidie de la reine dans l'exécution du traité de Cateau-Cambrésis.

Dès le lendemain de son avènement, la femme se révèle tout entière dans son attitude vis-à-vis de ses prétendants. Élisabeth avait été portée sur le trône d'Angleterre par un sentiment de réaction contre la politique religieuse de Marie Tudor plus encore que par ses droits. Elle y représentait le protestantisme, la lutte de Henri VIII contre le Saint-Siège, la substitution du culte anglican à la religion romaine. Le peuple et sa nouvelle souveraine avaient scellé leur union sur ce pacte. Mais qu'attendre d'une jeune fille de vingt-cinq ans? Elle paraissait destinée à prendre un époux et la date de son mariage était généralement redoutée comme la date d'un nouvel asservissement pour l'Angleterre. Si elle épousait un catholique, c'était un second Philippe II qu'on devait attendre. Si elle épousait un protestant, la nation pouvait être entraînée dans les querelles des calvinistes et des luthériens. Élisabeth tira son peuple d'inquiétude. Elle débuta par signifier à une députation du parlement, chargée de l'interroger, qu'elle entendait garder la liberté de sa personne (10 février 1559) et presque en même temps repoussa par un silence dédaigneux la main du puissant roi d'Espagne. Ces refus ne convainquirent d'abord personne. Elle avait beau jurer qu'on écrirait sur son tombeau : Ci-gît Élisabeth d'Angleterre, la reine vierge ; personne ne prenait au sérieux des serments plus aisés à formuler qu'à tenir sous la charge du gouvernement.

Le premier candidat à sa main dont s'occupèrent les ambassadeurs étrangers fut James Hamilton, comte d'Arran[2]. Il était le chef d'une grande maison écossaise qui, vingt ans auparavant, avait été jugée digne par le parlement d'occuper, à défaut des Stuarts, le trône d'Écosse. Élisabeth affectait de ne pas le repousser, sans doute parce que ce mariage était un premier pas vers l'union de l'Écosse et de l'Angleterre[3]. Philippe II, exclu personnellement du concours par la volonté arrêtée de la princesse, mit en avant l'archiduc Charles d'Autriche[4]. Le roi de France, craignant le succès de ce prince, qui aurait été le lieutenant de Philippe II à Londres, proposa Erick XIV, roi de Suède. Erick avait pris au sérieux sa candidature et annonçait qu'il apporterait en dot à la reine, en échange de sa main, d'immenses trésors qu'il évaluait à six millions d'or[5].

Bientôt surgit, du sein de la cour de France, un prétendant accoutumé à ne point rencontrer de cruelles. Dans les derniers jours du règne de Henri II, des personnes de bon renom, recommandèrent à Nicolas Throckmorton, ambassadeur d'Angleterre, Jacques de Savoie, duc de Nemours, comme le seul prince de l'Europe digne de sa souveraine[6]. Nemours était renommé pour son élégance, sa galanterie raffinée, le charme de sa personne et ses aventures. Élisabeth fut bientôt informée de ses prétentions. Son cœur, débordant de passion, s'enflamma d'une ardeur romanesque. Six mois après, Charles de la Rochefoucault, seigneur de Randan, traversa Londres pour se rendre en Écosse. Élisabeth, dit Brantôme, ne pouvait se rassasier de luy parler des belles vertus et vaillances du brillant chevalier. Randan, qui s'entendoit en amours aussi bien que en armes.... luy en conta bien au long et congneut en elle et son visage quelque étincelle d'amour ou d'affection, et puis en ses paroles une grande envie de le voir. De retour à la cour, il raconta au roi les dispositions de la reine et persuada facilement à Nemours d'y entendre. Les fers se mirent au feu. Le duc expédia à Londres Philibert Le Voyer, s. de Ligneroles, guidon de sa compagnie, qui y trouva un accueil très digne de s'en contenter et de presser et avancer son voyage[7].

Le roi prêta au duc de Nemours les moyens de paraître en Angleterre avec éclat en le nommant ambassadeur extraordinaire[8]. Introduit officiellement au sein de la place, le duc comptait sur ses attraits irrésistibles pour triompher des minauderies de la reine. Le duc de Guise, dont Nemours courtisait la femme, heureux d'éloigner un rival, laissait dire que le roi de France, en faveur de ce mariage, restituerait Calais aux Anglais[9]. Jacques de Savoie était attendu à Londres dès le mois de juillet 1560[10]. Le 3 septembre, Throckmorton annonce son arrivée prochaine ; le 8, il recommande à lord Cecil de le recevoir en prince du sang[11]. Le 15, le duc de Nemours, dans une rencontre familière avec un des secrétaires de l'ambassade, se pose modestement en simple visiteur. Depuis sa nomination à l'ambassade d'Angleterre, dit-il, le bruit avait couru que son voyage avait un autre but, en quoi on lui faisait plus d'honneur qu'il ne s'en serait jamais cru digne. Et comme ce bruit pouvait revenir aux oreilles de Throckmorton, il jugeait à propos de lui dire que son voyage en Angleterre n'avait d'autre but que celui de voir et de saluer la reine de la part de son maitre. Le secrétaire lui demanda la date de son départ et le duc l'ajourna après l'assemblée de Fontainebleau, dans quinze jours au moins[12].

A la cour, dit Brantôme, on tenait le mariage quasi pour fait. Le duc de Nemours se préparait à passer la Manche avec une suite digne de rehaussera ses perfections et valeurs[13]. Emporté par ses illusions, il emprunta quinze ou seize mille écus à son beau-frère, le comte de Vaudemont, qui mit ses terres en gage pour trouver une aussi forte somme[14]. Le duc se parait déjà de la couronne d'Angleterre. On croyait qu'Élisabeth n'attendait plus qu'une demande officielle. Au mois de novembre, un ambassadeur du duc Philibert-Emmanuel, chef de la maison de Savoie, fut chargé de la présenter à la reine[15]. La princesse la reçut, mais ne répondit pas. Les jours se passèrent, puis les mois. Enfin la négociation s'éteignit faute d'entretien. Telle fut la conduite d'Élisabeth vis-à-vis de ses nombreux prétendants. Jamais elle n'en repoussa aucun. Tous, pendant sa longue carrière, les uns après les autres et quelquefois simultanément, furent encouragés par les paroles les plus flatteuses. Tous furent écartés au moment de la conclusion.

La prétention de la reine d'Angleterre d'emporter sa virginité avec elle dans son tombeau de Westminster s'accordait mal avec les égarements de sa vie privée. Plusieurs seigneurs anglais, le comte d'Arundel, sir William Pickering, Christophe Hatton, le comte d'Oxford, le jeune Tremaine, le comte d'Essex, pour obtenir sa main, briguèrent et reçurent ses faveurs. Ces fantaisies passagères ne laissèrent aucune trace et ne ternirent même pas, dans l'opinion des casuistes puritains, le voile immaculé de la chaste Élisabeth. Mais elle eut des caprices plus retentissants et plus durables. Dès les premiers jours de son règne, elle avait remarqué Leicester. Robert Dudley, comte de Leicester, de l'illustre maison de Northumberland, avait été emprisonné à la tour de Londres comme complice de la conjuration qui porta Jane Grey sur le trône. Élevé à la cour de Henri VIII auprès d'Élisabeth, il fut un des premiers lords du parlement qui saluèrent l'avènement de la nouvelle reine. Grand, bien fait, d'une beauté sculpturale, toujours vêtu avec magnificence, il était plus distingué par sa figure que par son esprit. Élisabeth, insensible aux charmes d'un sentiment élevé, montra, en lui donnant la préférence, les inclinations vulgaires de la fille de Henri VIII. Leicester devint l'arbitre de ses plaisirs. Les fêtes, les chasses, les bals, les voyages d'agrément étaient son œuvre. Un an après, le crédit de Dudley ne faisait que s'accroître. Les honneurs, les dignités, les richesses s'accumulaient sur sa tête. Il crut toucher au trône. C'est alors que lady Dudley, Anne de Robesart, fut assassinée au château de Cumnor. On répandit le bruit qu'elle était tombée fortuitement du haut d'un escalier, mais personne ne fut trompé. Seule, Élisabeth feignit de traiter de calomnies les accusations portées contre son favori. Peut-être trouvait-elle qu'il n'avait pas acheté trop cher le bonheur de lui appartenir tout entier. Tel était son crédit que le s. de Vulcob, plus tard ambassadeur auprès de l'empereur, envoyé à Londres, en 1566, pour négocier le mariage de Charles IX, reçut de Leicester la confidence que, si jamais la reine se décidait à se marier, elle ne prendrait pas d'autre époux que lui[16]. Le scandale de sa faveur était public. Élisabeth ne prétendait même pas au mystère. La royauté in partibus de Leicester était admise par Cecil, qui s'adressait gravement à lui pour obtenir de la reine des audiences ou des signatures[17]. Sébastien de l'Aubespine, évêque de Limoges, ambassadeur de France auprès de Philippe II, écrit au connétable, le 9 juillet 1559, que les conseillers du roi disent beaucoup de mal de la reine d'Angleterre, la taxant, oultre la religion, de se gouverner avec bien grande liberté[18]. Un an après, les récits de sa vie galante sont plus circonstanciés. Il s'est ici publié de nouveau, écrit Chantonnay à Marguerite de Parme, qu'elle (la reine Élisabeth) soit enceinte et que les privautés d'elle et dud. écuyer soient plus grandes que oncques, voire qu'elle va souvent en la chambre de luy, qui loge en cour, et, quand il n'y est, elle luy fait des finesses par dedans le lit avec des joncs, afin qu'il se picque en se couchant[19]. La faveur de Dudley, malgré de nombreuses éclipses, dura presque autant que sa vie et ne fut interrompue ni par ses crimes ni par ses trahisons, tandis que la prude Angleterre continuait à chanter les éloges de la reine vierge.

Telle était la princesse que le fanatisme anti-romain du peuple anglais avait chargée du gouvernement. Si elle restait indifférente à tout blâme sur sa vie privée, en revanche elle était animée du plus pur patriotisme. Son premier acte fut d'accorder sa confiance à William Cecil, ancien secrétaire d'État sous le duc de Somerset, jurisconsulte qui n'avait encore exercé que des fonctions secondaires, mais qui avait donné la mesure de sa sagesse. Bien conseillée par ce ministre, soumise à ses avis, la reine, pendant la durée de son règne, lui resta fidèle et ne cessa de le soutenir contre ses rivaux, même contre Leicester. Cecil, esprit étroit mais solide, travailleur opiniâtre et passionné pour les devoirs de sa charge, conseiller sans scrupule, Cecil fut le premier de ces ministres anglais, qui, jusqu'à nos jours, ont si résolument pratiqué les maximes de la foi punique, et, pendant près de quarante ans, d'accord avec sa maîtresse, fit prospérer, au prix d'injustices et même de forfaits, les destinées de l'Angleterre[20].

La reine Élisabeth avait subi plutôt qu'accepté le traité de Cateau-Cambrésis. Marie Tudor avait perdu Calais. L'affectation d'Élisabeth à le regretter cachait un reproche à l'adresse de cette sœur détestée, qui n'avait pas su préserver la plus précieuse des possessions anglaises.

A la réception du traité, une violente opposition se manifesta à Londres contre les négociateurs. Il y eut des troubles. La reine, encore mal assurée sur son trône, menacée par les catholiques, discréditée par les dires de bâtardise[21] qui couraient sourdement dans le peuple[22], craignit que ses ennemis ralliassent les mécontents. On lui conseilla de poursuivre un procès, intenté du vivant de Marie Tudor aux capitaines anglais qui n'avaient pas su résister au duc de Guise. Le 22 avril, lord Wentworth, ancien gouverneur de Calais, les s. de Chamberlaine et de Hurlestone, capitaines du château et des côtes, avaient été accusés de trahison. Le procès donna lieu à des débats retentissants. Le 20 décembre, lord Wentworth fut acquitté par la chambre des lords, mais ses lieutenants condamnés à diverses peines. L'honneur public était sauf ; il était avéré que l'Angleterre n'avait perdu Calais que par la faute de ses officiers. Le temps passa ; l'affaire fut oubliée et l'arrêt ne fut pas exécuté.

L'irritation du peuple anglais contre le traité était si générale à Londres que les otages français furent regardés comme des ennemis. Il avait été stipulé que le roi enverrait quatre seigneurs du plus haut rang. Il désigna Frédéric de Foix, comte de Caudale, Louis de Sainte-Maure, marquis de Nesle et comte de Laval, Gaston de Foix, marquis de Trans, Antoine du Prat, seigneur de Nantouillet, ancien prévôt de Paris et président au parlement, petit-fils du chancelier du Prat[23]. Bien traités à la cour, les otages reçurent un mauvais accueil de la part des bourgeois et du peuple. La ville de Londres ne jouissait pas alors de ce calme apparent qui permet au moindre constable de discipliner la foule. Une populace immense, mal dégrossie de son ancienne barbarie, chaque soir grisée de gin, régnait en maîtresse par les rues. La ville était divisée en quartiers, pourvus chacun de barrières et de privilèges exorbitants. Ici l'autorité de la reine, là celle du lord-maire n'étaient pas reconnues. Ces divisions étaient favorables aux séditions populaires. L'un de ces mouvements fut dirigé contre les otages. Un jour[24], pendant le règne de François II[25], devant l'hôtel occupé par le marquis de Nesle, un jeune tondeur se précipita sans provocation sur un des officiers du marquis, l'accabla de coups de vergette et le foula aux pieds. L'officier mit l'épée à la main, mais il fut désarmé par son adversaire, frappé à la tête, et n'eut que la force de se réfugier couvert de sang derrière la porte de l'hôtel de son maure. Le tondeur, arrêté au milieu du tumulte par un constable de passage, fut relâché le soir même. Il revint dans sa boutique et ameuta ses voisins. Dès ce jour, les gens du marquis de Nesle furent victimes de la populace de Londres. Bafoués par les plus modérés, attaqués par les violents, ils ne pouvaient aller et venir dans la rue sans courir des dangers.

Le dimanche 6 août, les rixes prirent de plus graves proportions. Les pages, provoqués par les habitants du quartier, ripostèrent aux insultes. La querelle s'échauffa et des coups furent échangés. Le maitre d'hôtel du marquis fut obligé de tirer l'épée pour sa sûreté et blessa involontairement le valet d'un s. Watson. Le tumulte augmenta à la faveur de la nuit. Le marquis de Nesle revenait de souper à l'ambassade de France. La foule l'insulta comme un simple page. Un homme, vêtu d'une robe fourrée, dit le chroniqueur, donna un signal à la porte de la maison de Watson et lança contre le cortège du marquis des hommes armés, dont quatre hallebardiers. Plusieurs gentilshommes furent grièvement blessés. Le reste se retira dans l'hôtel et barricada les portes. Pendant toute la nuit, l'hôtel de Nesles fut assiégé par une foule de plus de 2.000 personnes. Au lever du jour, le 7 août, la foule s'accrût. Les uns étaient armés de pertuisanes, les autres de bâtons ; d'autres enfin, plus redoutables, traînaient des soliveaux en forme de bélier pour enfoncer les portes. Le marquis de Nesle parut à une fenêtre et essaya de parlementer. Les constables demandèrent la livraison des coupables. Le marquis répondit qu'il n'y avait point de coupables dans sa maison, que ses gens avaient été l'objet d'une agression injuste et s'étaient bornés à des actes de défense. Il offrit aux gens de justice une caution de dix mille écus et demanda une enquête régulière.

Le lendemain 8 août, les troubles continuèrent. Des inconnus, déguisés sous un costume particulier, peut-être des gens de guerre, explorèrent les environs de l'hôtel comme s'ils allaient l'assiéger. Une troupe de gens armés prit position à quelque distance des portes. La foule était aussi menaçante, mais plus silencieuse que la veille, et semblait attendre un signal. Le marquis de Nesle se résigna alors à une démarche par laquelle il aurait dû inaugurer sa défense : il demanda à la reine des juges pour ses gens et pour lui. Trois semaines se passèrent. Pendant ce temps, le lord-maire recueillit des témoignages, et les Français, fortifiés dans l'hôtel du marquis, veillèrent jour et nuit sous les armes. Enfin, le dimanche 27 août, le comte de Bedford et le grand trésorier d'Angleterre, accompagnés de l'ambassadeur de France et du comte de Caudale, visitèrent le marquis. Ils interrogèrent tous ses serviteurs et les confrontèrent avec le s. Watson. Là s'arrêta l'enquête. Le 30, le s. de Nesle demanda que l'instruction judiciaire fût poursuivie. Les officiers de la reine lui répondirent par une fin de non-recevoir. Quelques jours après, au moment d'expédier des objets précieux en France, Nesle obtint mainlevée des plaintes déposées contre lui. Ainsi se termina une affaire qui pendant plusieurs semaines avait mis en péril la vie d'un des otages français et la paix des deux nations. Les otages continuèrent à vivre à Londres, toujours mal vus du peuple, mais bien traités à la cour. Plus tard, le marquis de Nesle, le comte de Caudale et le marquis de Trans obtinrent l'autorisation de rentrer en France et furent remplacés par Artus de Vaudrey, s. de Mouy, par le s. de Palaiseau, de la maison de Harville, et par le s. de la Ferté-Fresnay[26].

Le traité de Cateau-Cambrésis stipulait qu'au bout de huit ans la ville de Calais serait restituée à l'Angleterre, à moins que les agressions du gouvernement anglais contre l'Écosse ou les côtes de France ne déliassent le roi de ses engagements. Les députés de Henri II avaient eu l'habileté d'imposer cette clause, dont le roi était seul juge. La question étant ainsi posée, Calais semblait irrévocablement perdu pour l'Angleterre et le souverain le plus chimérique ne pouvait espérer de le recouvrer jamais, si ce n'est par la force des armes. Assiéger Calais, le reprendre de haute lutte, Élisabeth ne pouvait le tenter ; elle n'avait encore ni marine ni armée. Mais elle pouvait attendre les occasions, fomenter des troubles, créer des ennemis à la France et, suivant les circonstances, intervenir dans les guerres futures ou vendre son appui. Stevenson, dans la préface des Calendars of state papers, formule ainsi cette politique : Un État agité intérieurement n'est pas disposé à tenir tête à ses voisins. Ce principe a été la règle d'Élisabeth, et, légué par elle à ses successeurs comme le secret de la grandeur de l'Angleterre, a inspiré jusqu'à nos jours les divers gouvernements qui se sont succédé au Foreign office.

Les progrès de la réforme en France donnaient à Élisabeth l'occasion d'appliquer la maxime. Depuis la mort de Henri II, les deux partis religieux étaient en présence, dans cette attitude de défi qui présage les grands combats. Les catholiques, dirigés par le duc de Guise, étaient les plus nombreux. Les réformés, nominalement menés par le roi de Navarre et effectivement par l'amiral de Coligny, rachetaient l'infériorité du nombre par l'énergie et l'audace. Aussitôt que la lutte devint imminente, Élisabeth tâcha de renforcer la faction des séditieux. Sans doute, si la cour eût embrassé la réforme, la politique anglaise eût trouvé des subterfuges pour secourir les catholiques opprimés.

Le 18 juillet 1559, William Cecil conseille à Élisabeth d'entrer en accords avec le roi de Navarre[27], que Throckmorton recommande comme le rival du duc de Guise[28]. Le lendemain la reine d'Angleterre écrit au prince une lettre où, sous la phraséologie officielle, perce une proposition d'alliance inspirée par la similitude des croyances religieuses[29]. Le messager arriva vers le 27 juillet. Antoine de Bourbon n'était pas encore à la cour. L'ambassadeur d'Angleterre, qui connaissait sa vanité, expédia aussitôt le secrétaire Killegrew au-devant de lui pour lui faire croire que le message lui était exclusivement destiné[30]. Killegrew rencontra le prince à Vendôme le 8 août et fut reçu avec la reconnaissance qu'un ambitieux éprouve à la vue d'un secours inattendu[31].

L'accord entre Élisabeth et Antoine naissait de leur situation respective : l'une, tapie dans son ile comme un fauve dans une tanière inexpugnable, à l'affût de l'occasion pour faire une rentrée victorieuse sur le continent ; l'autre, disgracié par le roi, refoulé par les Guises malgré sa dignité de premier prince du sang, attendant de la fortune l'heure de s'imposer à la cour. Le plus difficile était de cacher les pourparlers aux Guises. A Paris, à Saint-Germain, Antoine était entouré de courtisans empressés de rapporter aux Guises les moindres de ses paroles, d'espions à gages chargés de surveiller ses pas. Il usa d'artifice ; il partit pour Saint-Denis, sous prétexte de rendre ses derniers devoirs au roi défunt, renvoya tous ses gens à Paris et se retira dans un logis obscur hors du monastère. A. onze heures du soir, un page dévoué introduisit en secret le représentant de la reine d'Angleterre, Nicolas Throckmorton. L'entrevue fut particulièrement cordiale et Antoine s'y posa en défenseur de la vraie religion. Les deux parties arrêtèrent les bases d'un traité d'alliance que Throckmorton résume ainsi : Puisque rien ne tend plus à maintenir une bonne entente entre les princes que leur union pour la préservation de la religion, la reine, sa maîtresse, se joindra volontiers au roi de Navarre dans un concert qui aurait cette cause pour objet[32]. Antoine pressa l'ambassadeur de passer le reste de la nuit à Saint-Denis ou de prendre ses équipages pour rentrer à Paris, mais Throckmorton refusa, de crainte d'attirer l'attention des Guises. Le lendemain, le prince lui fit demander une seconde conférence au cloître des Augustins, à huit heures. L'ambassadeur arriva déguisé avec deux serviteurs. Antoine lui parla du futur mariage de la reine d'Angleterre et lui conseilla de repousser les archiducs de la maison d'Autriche, papistes endurcis, soumis à l'ascendant de Philippe II. Il promit de désigner à la reine un candidat digne d'elle. Sans doute il visait un des palatins, qui appartenaient à la secte luthérienne. Il fut décidé que les deux alliés ne s'écriraient jamais que de leur propre main et que l'envoi de leurs messages resterait un secret d'État. Comme gage de son alliance, Antoine promit d'appuyer ouvertement la réforme et d'entrer en guerre à la cour contre Marie Stuart et les Guises, contre Philippe II et les chefs du parti catholique. Antoine et Throckmorton se séparèrent en se jurant un mutuel appui[33]. Pendant la nuit, le faible prince perdit courage. Le lendemain 2 août, au point du jour, il quitta Paris à l'improviste pour ne pas se compromettre avec le synode du lendemain[34]. Le 25, il écrivit, de Villers-Cotterets, à la reine Élisabeth une lettre d'amitié. Il y confirmait ses déclarations précédentes, sans remarquer que sa faiblesse leur imposait un démenti[35].

La promptitude du roi de Navarre à se dérober aux plus formelles promesses ne découragea pas la reine d'Angleterre. Élisabeth et William Cecil ne s'embarrassaient pas de la défection de leurs alliés. Throckmorton était un des inspirateurs du mouvement formidable qui échoua sous les murs d'Amboise au mois de mars 1560. Deux mois avant l'explosion du complot, il partit pour Londres et reçut les félicitations de la reine. Il repassa la Manche vers le 15 février et vint présider à l'exécution de ses plans[36]. Aussitôt après son retour, il envoya un de ses secrétaires au roi pour lui notifier la reprise de ses fonctions. L'on a fait bien froid visage à son homme, écrit Chantonnay ; et davantage tous ceux qui avoient accoustumé faire chose à ses gens et leur parler, se sont entièrement sequestrés de sa vue, de sorte que, combien qu'il les saluast, ils ne l'ont osé saluer, à tant loin de luy parler[37]. Cet accueil malveillant dont les Guises donnaient l'exemple était attribué aux nouvelles d'Écosse[38]. Mais, peu de jours après, le cardinal de Lorraine révéla à Chantonnay que la reine Élisabeth avait favorisé et soutenu des conspirations contre la personne du roi et de ses ministres[39], allusion transparente aux premières manifestations qui faisaient trembler la cour. Le 19 mars, un avis venu d'Angleterre avertit les ministres du roi de ramasser leurs forces. Ils ont grande peur, écrit Chantonnay, que les Anglois débarquent troupes en Bretagne ou Normandie, où ils seroient bien reçus des habitants[40]. Heureux de trouver le représentant d'une princesse hérétique en flagrant délit international, Chantonnay adressa à Throckmorton, de la manière qui m'a paru convenable, dit-il, d'amères remontrances sur la mauvaise conséquence et exemple que c'estoit pour tous sujets des princes et potentats, et qu'il ne touchoit seulement au roy de France d'y remédier, mais à tous les princes et potentats du monde d'y assister, voire courir sus à ceux qui en seroient promoteurs ou fauteurs de telles émotions[41]. Throckmorton répondit en coupable ; il nia. L'ambassadeur m'a assuré le contraire, dit Chantonnay ; il dit que la reine en sera très fâchée pour le mauvais exemple. Cependant il confesse que le différend et discorde qu'ils ont avec les Français l'empêche de regretter complètement les troubles[42]. Les négations intéressées ne pouvaient prévaloir contre l'évidence. On ne conne pas bien la part directe de l'ambassadeur d'Angleterre au complot. Les contemporains l'accusent d'avoir aidé les conjurés, au moins de ses conseils et des trésors de son gouvernement. Les ambassadeurs étrangers prédisaient que la guerre sortirait de ces manœuvres déloyales[43].

Pendant que Throckmorton repoussait les accusations portées contre sa maîtresse, William Cecil les glorifiait dans un acte destiné à un grand retentissement[44]. Le 21 mars, la reine d'Angleterre lança un manifeste contre les ministres de François II. Elle reproche au roi de convoiter l'Angleterre et rend les Guises responsables de cette politique, vu la minorité réelle de François U et de la reine d'Écosse. Elle accuse les Lorrains de s'imposer à la France en l'engageant dans les aventures et de chercher à accroître les biens de leur nièce, etc. Malgré les provocations, dit-elle, l'Angleterre est résignée à ne pas faire la guerre, pourvu que l'armée française évacue l'Écosse[45]. Le manifeste avait été préparé pour servir la cause des rebelles, mais il arriva trop tard. A la date du 21 mars, la conjuration était en pleine déroute, les chefs pendus aux créneaux du château, les soldats noyés par masse au fond de la Loire ou dispersés à travers la forêt d'Amboise. Cependant Throckmorton en fit grand état dans l'espoir de ranimer le complot. Il adressa officiellement, le 15 avril, la proclamation au roi de Navarre en le faisant juge de la vérité de la cause et de l'exigence du cas[46]. Les Guises relevèrent aigrement l'accord patent. de leur rival et de la plus redoutable ennemie du roi. Pour la première fois, le prince donnait prise à ses adversaires. François II lui écrivit une lettre menaçante : Vous devez bien vivement, dit-il, faire entendre à lad. dame par son ambassadeur, qui est près de moy, qu'elle vous a fait un très grand tort et ausd. princes du sang de parler d'eux de la façon[47].... Un Bourbon énergique et fier aurait riposté à cette leçon amère que, en sa qualité de souverain du Béarn, il lui était permis d'entretenir des communications avec les monarques étrangers sans compromettre les liens qui l'unissaient à la couronne de France. Telle ne fut pas la réponse d'Antoine. Il prétendit que la lettre de Throckmorton lui avait été remise par un homme inconnu, et que, après plusieurs jours de silence, il y avoit respondu pour luy faire entendre qu'il n'estoit ne serf ne biche de sa maistresse, et que ce n'estoit point à luy à qui elle se debvoit adresser pour vendre ses coquilles[48]. Trois jours après, il adressa au duc de Guise et au cardinal de Lorraine une lettre de même style, mais encore moins digne, dans laquelle il feignait de s'étonner de la communication de Throckmorton[49]. Il écrivit aussi à l'ambassadeur et lui signifia d'un ton courroucé que la qualité de premier prince du sang devait le mettre à l'abri de confidences offensantes et qu'il n'avait jamais d'autre volonté que celle du roy, son seigneur[50].

La répression de la conjuration d'Amboise laissa quelques mois de répit au parti des Guises. Nicolas Throckmorton continuait à encourager les séditieux, et, avec la grossièreté native de sa race, marquait son dédain au parti catholique. Le 29 septembre 1560, le jour de l'assemblée générale de l'ordre de Saint-Michel, à Poissy, il fut obligé, en qualité d'ambassadeur, d'assister à une messe solennelle auprès du roi. Pendant la première partie du service, il fit bonne mine, mais, à l'élévation, il s'assit au milieu des seigneurs agenouillés et affecta de retourner la tête d'un air d'indifférence. Son voisin, l'ambassadeur de Ferrare, lui adressa des remontrances à voix basse et, le soir, les deux diplomates entrèrent en dispute. L'incident fit du bruit. Le nonce protesta auprès du cardinal de Lorraine et un ordre du roi défendit à Throckmorton d'assister à la messe des morts du lendemain[51].

La mort de François II (5 décembre 1560) bouleversa de fond en comble le gouvernement du royaume. Le duc de Guise et le cardinal de Lorraine, tout-puissants sous le feu roi, furent disgraciés et peu après renvoyés de la cour. Le roi de Navarre, traité la veille en accusé, devint lieutenant général du royaume. Le parti réformé exaltait la justice divine : Deposuit potentes de sede et exaltavit humiles. L'heure du triomphe d'Élisabeth semblait se rapprocher. Vers le 15 décembre, Throckmorton rendit visite au prince et fut invité à souper pour le $3, avec le cardinal de Bourbon, les ducs de Nevers et de Bouillon, le comte d'Eu et l'amiral de Coligny. A l'issue du repas, Antoine prit l'ambassadeur en particulier et lui annonça son projet de repousser au nom du roi le concile de Trente. Il se portait garant de l'approbation de Catherine de Médicis, qui avait commencé, dit-il, à prendre goût à la vraie religion. Throckmorton, loua la nouvelle politique, mais il insinua au prince que sa maîtresse lui demanderait de plus grands services. La réserve aurait eu besoin d'explications. Élisabeth, aussitôt informée de ces dispositions, adressa une lettre de félicitations à son ancien allié, puis à Jeanne d'Albret, qui était restée en Béarn, et accrédita auprès du roi de Navarre un gentilhomme anglais, Nicolas Fremyn, comme l'intermédiaire de Throckmorton[52].

L'étiquette obligeait la reine d'Angleterre à envoyer ses condoléances au nouveau roi par un personnage de grande marque. Elle choisit le comte de Bedford et le chargea surtout de recevoir les engagements officiels du lieutenant général. Bedford attendit à Londres le départ de don Juan Manrique de Lara[53], ambassadeur de Philippe II, afin d'être plus libre à la cour de France[54]. Il arriva enfin le 15 février 1561 à Paris et fut reçu avec des honneurs extraordinaires. Antoine le fit loger dans l'hôtel de la Rochepot, qui n'avait encore été prêté qu'au duc d'Albe en l'honneur du mariage par procuration d'Élisabeth de Valois[55]. Le 16, Bedford se rendit à la cour et fut reçu à souper par le roi de Navarre. La première entrevue se passa en compliments réciproques. Le 18, Bedford et Throckmorton engagèrent les affaires sérieuses. L'ambassadeur avait mission de pousser la cour de France du côté de la réforme. Il recommanda le prince de Condé, Coligny, et conseilla la liberté religieuse. Ce n'était qu'un prélude. Antoine accordait tout. Bedford aborda enfin un sujet qui le touchait davantage. Il parla du penchant de la reine d'Angleterre pour le roi de Navarre, de l'utilité de son alliance, de l'appui qu'elle était prête à lui prodiguer contre les ambitieux qui lui disputaient son rang et lui demanda, en récompense de ses bons offices, l'abandon de la dernière conquête du duc de Guise, la restitution de Calais. A ce mot, Antoine garda le silence. Throckmorton prit alors la parole et fit appel à l'intérêt personnel du prince ; il lui rappela que son pouvoir était menacé par le roi d'Espagne et les Lorrains et lui prédit qu'il succomberait sans honneur sous les coups de la coalition catholique. Le retour des Guises à la cour était le cauchemar du lieutenant général, mais il ne se laissa pas ébranler. Sa protection aux réformés, sa faveur aux Chastillons, la liberté des prêches, il promit tout, tout excepté Calais. Les deux Anglais se retirèrent convaincus que les événements l'obligeraient à capituler un jour[56].

L'ambassadeur d'Angleterre passa l'année 1561 à préparer la guerre civile. Le froid accueil du roi de Navarre à la revendication de Calais avait suspendu les négociations. Élisabeth n'en prenoit cure, car elle voyait venir le jour où elle serait en mesure non plus d'offrir mais d'imposer ses conditions. La formation du triumvirat, union factice des trois principaux athlètes du parti catholique[57], le colloque de Poissy[58], le massacre de Vassy[59], qui donna le signal de la guerre, furent considérés par elle comme des étapes qui la rapprochaient de son but. Le 31 mars 1562, Élisabeth fixe les grandes lignes de sa politique dans une lettre à Nicolas Throckmorton. Nous avons prié l'ambassadeur de France ici de faire connaître à la reine mère et au prince de Condé quelle estime nous faisons de leur constance, et combien nous croyons qu'il est dangereux pour le roi de Navarre de se séparer d'eux et de s'unir avec ceux qui ont cherché sa ruine et ne peuvent trouver de profit que dans son abaissement.... Nous l'avons aussi prié, en notre nom, d'affermir et d'encourager la reine mère, la reine de Navarre et le prince de Condé à montrer leur sagesse et leur constance et à ne pas donner à leurs adversaires puissance ou courage par leur faiblesse. Et à cette fin nous voulons les assurer, ainsi que l'amiral, de notre intention de les soutenir constamment affin de les affermir dans leurs bonnes intentions[60]....

Lorsque cette lettre arriva à son adresse, le prince de Condé avait entamé la campagne par un brillant exploit. Dans la nuit du 1er avril 1562, presque sans coup férir, un de ses lieutenants, François de Coligny, s. d'Andelot, frère de l'amiral, avait surpris la ville d'Orléans. Les chefs de l'armée protestante s'y rendirent en toute hâte. On fortifia la ville, qui devint le boulevard de la réforme. Les capitaines, les gens d'armes, les gens de pied, mécontents et sans emploi, affluèrent sous la cornette blanche. Beaucoup de villes, du nord au midi, entrèrent en révolte. La guerre prit un développement qui menaçait l'autorité royale.

Dix jours après la prise d'Orléans, Coligny envoya à la reine d'Angleterre[61] le s. de Sechelles, gentilhomme d'une grande maison de Picardie, qui a souffert persécution pour son zèle pour la religion, et dont la reine de Navarre, le prince de Condé, l'amiral et d'autres, qui favorisent la religion, font grand cas[62]. Le 17 avril, Nicolas Throckmorton conseille à lord Cecil de se hâter. Je sais assurément, dit-il, que le roi d'Espagne tient l'œil ouvert et manœuvre pour mettre le pied dans Calais. Il faut de notre côté pratiquer et flatter nos amis les protestants de ce pays. Dans le cas où le parti catholique appellerait le roi d'Espagne, il faudrait que les protestants, soit pour leur propre sûreté et défense, soit par dépit et désir de vengeance, ou par bon vouloir et affection pour S. M. la reine et sa religion, pussent être poussés et amenés à mettre S. M. la reine en possession de Calais, Dieppe ou le Havre, des trois places ensemble si on peut, ou au moins d'une des trois, n'importe laquelle, pourvu que nous l'ayons[63].

A la fin d'avril, Catherine envoya à Londres un ambassadeur extraordinaire, le comte de Bussy[64], afin de prévenir l'intervention redoutée. La mission n'eut pas de succès. Bussy fut leurré de protestations de pure forme et n'obtint aucun engagement formel. Élisabeth saisit l'occasion de répondre et envoya en France sir Henri Sidney, rival de Throckmorton et membre de son conseil. Sidney était chargé de proposer à la reine mère, dont les dispositions indécises restaient un problème à l'étranger, l'alliance de l'Angleterre contre le roi d'Espagne et les catholiques[65], ou au moins la médiation de la reine Élisabeth entre les deux partis religieux[66]. Il arriva à Paris le 3 mai et fut mal reçu à la porte Saint-Marceau. Les bourgeois de garde l'arrêtèrent et l'emprisonnèrent si étroitement que Throckmorton, dont le logis n'était pas éloigné, ne fut pas informé de sa détresse. Enfin un de ses serviteurs s'échappa. Throckmorton adressa aussitôt des remontrances à la reine contre la furieuse et maligne insolence de ce peuple, et le roi de Navarre commanda au maréchal de Montmorency de faire délivrer le prisonnier. Dans l'intervalle, l'ambassadeur de Portugal ; traversant la porte Saint-Marceau, avait été témoin des mauvais traitements infligés à Sidney et avait obtenu sa mise en liberté. Le maréchal de Montmorency les rencontra tous deux sur le chemin du logis de Throckmorton et n'eut qu'à réprimer le zèle des bourgeois[67].

Antoine de Bourbon n'était plus cet ambitieux hésitant qu'on a vu au cours de ce chapitre toujours prêt à voler à l'aide de la réforme sans oser faire un pas, et qui ne se dédommageait de sa faiblesse contre les Guises que par de sourdes intrigues aussi mal combinées que faiblement conduites. Véritable prototype de l'homme ondoyant et divers dont parle Montaigne, il avait profité de sa dignité de lieutenant général du royaume pour prendre la tête du parti catholique et était devenu le plus obéissant serviteur du roi d'Espagne après avoir été son adversaire le plus résolu. Il avait oublié ses promesses à la reine d'Angleterre et, dès la première audience qu'il donna à Sidney, il le traita en suspect. Il lui conseilla de retourner en Angleterre et le pressa d'avancer le jour de son embarquement par ailleurs que le Havre, dit-il, non par méfiance, mais par crainte que, en ce tumulte, il luy arrivât quelque inconvénient à luy ou aux siens[68]. Sidney était porteur d'une lettre d'Élisabeth au prince de Condé[69]. Il demanda un passeport pour un de ses secrétaires. Antoine le lui refusa durement, affin de n'accoustumer les ambassadeurs à se mesler de nos affaires plus que de raison et aussi que je crains et ay grandement suspecte, dit-il dans une lettre à la reine, sa négociation pour cent mille raisons[70].

Sidney repartit le I 8 mai. Éconduit par le roi de Navarre, il avait échangé ses vues avec la reine et obtenu des doléances et de vagues démonstrations, qu'il considérait comme des jalons d'attente. Après son départ, Throckmorton reprit la direction des pourparlers. Froissé par les prétentions de supériorité de son collègue, il avait fait taire ses préférences devant lui. De grandes divergences de vue séparaient les deux diplomates anglais. Ils poursuivaient le même but, la guerre aux catholiques, au parti des Guises et de Marie Stuart, mais ils préconisaient des moyens différents. Sidney traitait la reine en alliée, Throckmorton en ennemie. Le premier voulait associer l'Angleterre à la reine mère contre les catholiques, le second aux réformés contre la reine mère. Sidney se flattait d'entraîner Catherine dans les rangs du parti réformé et de l'y retenir ; Throckmorton concentrait tous ses efforts sur deux points, l'alliance des huguenots et l'abandon d'une ville du littoral aux armées anglaises comme le fruit de cette alliance. Pour réussir, il faisait sonner bien haut la première partie de ses desseins et cachait soigneusement la seconde, excepté à lord Cecil. Il savait que le parti réformé, dans toute l'effervescence de ses premières illusions, se serait révolté contre une proposition de trahison, mais il comptait sur la nécessité, sur la défaite, sur la passion de la vengeance et voulait vendre, non pas donner, l'appui de l'Angleterre. Cette question, dit-il à Cecil, ne doit être touchée ni directement ni indirectement avec aucun d'eux (les chefs de la réforme) ou de leurs ministres, quel que soit celui qui viendra traiter avec vous, parce que l'occasion s'en présentera plus naturellement et convenablement d'elle-même lorsqu'ils nous demanderont assistance, soit d'argent, soit d'appui....  Et il ajoute, à l'adresse de Catherine de Médicis, un mot sévère, par lequel il prétend stigmatiser la politique favorite de Henri Sidney : Les protestants sont des gens vrais et fidèles et les papistes des gens doubles et rusés[71].

Le jour même du départ de Sidney, le 18 mai, Throckmorton impose sa politique à lord Cecil : Maligny est au Havre. Si cette ville tombe en notre pouvoir, les Français rendront Calais pour avoir le Havre. Les réformés avaient proposé des bons de garantie à échéance de deux ans en paiement d'un secours en hommes et en argent[72]. Au lieu de bons de garantie, c'est le Havre qu'il nous faut[73]. Deux mois après, le 12 juillet, il écrit encore : Si la reine, notre maîtresse, veut secourir d'argent le prince de Condé, la meilleure garantie de la dette sera le Havre[74].

Ces conseils furent écoutés. Catherine de Médicis avait passé les mois d'avril, de mai et de juin à négocier avec les chefs du parti réformé campés à Orléans. Elle leur demandait de déposer les armes. Ceux-ci exigeaient des gages et élevaient leurs exigences en même temps que s'élevaient leurs forces. Les deux partis prétendaient défendre l'autorité royale : les catholiques, au nom du roi, présent dans les rangs de l'armée ; les réformés, au nom du roi, qu'ils disaient captif de leurs ennemis. Le 1er juillet, après de longs pourparlers, chaque jour abandonnés et renoués, Condé sort d'Orléans à la tête d'une armée, prend et pille Beaugency. Le 4, le roi de Navarre et l'armée catholique s'emparent de Blois, le 11, de Tours, et, vers le milieu d'août, marchent sur Bourges sous le commandement nominal de Charles IX.

Le parti huguenot était en pleine déroute. Il avait trop présumé de ses forces en essayant de tenir tête au roi. Formés de soldats que la discipline militaire ne maintenait pas dans le rang, il s'affaiblissait à mesure que les revers décourageaient ses partisans. C'était le moment que Throckmorton attendait depuis le commencement de la guerre. A la nouvelle des premiers désastres, il promit au nom de la reine d'Angleterre tous les secours que les vaincus lui demandèrent, moyennant un traité et des gages.

Vers le milieu d'août, Jean de Ferrières-Maligny, vidame de Chartres, Robert de la Haye, conseiller au parlement de Paris, un des anciens agents du prince de Condé, et quelques habitants de Dieppe passèrent en Angleterre et se rendirent à Greenwich auprès de la reine. Ils s'y tiennent cachés, écrit Paul de Foix, ambassadeur de France à Londres, de sorte qu'ils ne se sont jamais laissé voir en public, et vont trouver ladite dame par galleries et lieux couverts afin de n'estre recogneus ni veus de personnel[75].

Les marchés de Throckmorton avec les réformés avaient été menés avec tant de discrétion que la cour de France en ignorait le prix. Dès les premiers pourparlers, Paul de Foix écrit à Catherine qu'il doute des secours promis par Élisabeth aux rebelles d'Orléans. A la fin de juillet, Antoine conseille à la régente de France de faire patte douce à l'intervention anglaise sans soupçonner l'importance des gages que Élisabeth exige[76].

Catherine de Médicis envoya en Angleterre François de Scepeaux, seigneur de Vieilleville, maréchal de France, afin de compléter ses propres informations. Vieilleville arriva à Londres le 5 août[77] et fut reçu le lendemain dans la chambre de la reine. Élisabeth le chargea de reprocher à la reine mère l'échec de la mission pacificatrice de Sidney. Elle dit qu'on n'avoit eu aucun esgard en France à ses bonnes intentions, et qu'elle estoit restée en telle indignation et de ce refus et des cruautés et meurtres qui se commettoient en France qu'elle avoit plustost besoin de purgation, pour vuider sa colère, que de la veue du sieur de Vieilleville[78].

Le maréchal revint sans avoir pénétré les menées anglaises en Normandie[79]. Le août, Paul de Foix écrit à Paris que la reine d'Angleterre a promis au vidame de Chartres des vivres, des munitions, de l'argent, la permission de lever des volontaires, mais qu'elle refuse d'envoyer des gens de guerre en son nom pour ne pas rompre la paix avec la France[80]. Le 26 août, il n'est pas encore informé qu'elle exige une ville du littoral de la Manche et croit qu'elle se contente de l'honneur de servir Dieu[81].

Chantonnay, dont la perspicacité est rarement en défaut, estime que la reine d'Angleterre crye plus haut qu'elle n'a envie de mordre[82]. Le roi d'Espagne n'en sait pas davantage. Le 1er septembre, il assure à Sébastien de l'Aubespine que la reine Élisabeth, sans se désister de son entreprise en France, paroît s'estre fort refroidie[83].

A cette date, les bases du néfaste traité de Hamptoncourt avaient été acceptées par le vidame de Chartres. Le parti réformé livrait à l'Angleterre les villes du Havre et de Dieppe en récompense d'un secours en hommes et en argent. La nouvelle arriva à la cour, sous les murs de Bourges, au lendemain de la prise de la ville. Aussitôt le roi de Navarre réunit un conseil. Il voulait continuer la guerre par le siège d'Orléans et fit valoir l'avantage de frapper les rebelles, déjà démoralisés, au cœur de leur plus redoutable forteresse ; mais la majorité décida que l'armée devait marcher sur Rouen pour arrêter l'invasion anglaise[84]. Bientôt les conditions du traité s'ébruitèrent. A Paris, le peuple poursuivait de ses huées l'ambassadeur d'Angleterre[85]. Throckmorton s'en plaignit à la reine mère et demanda à se retirer à Londres, alléguant qu'il ne pouvait voir les grandes cruautés du peuple de Paris. Catherine lui répondit froidement que, puisqu'il sollicitait son congé, elle rappellerait l'ambassadeur de France[86]. Throckmorton renonça à l'intimider et se réfugia seulement à Orléans[87].

La question d'argent retarda jusqu'au 20 septembre la signature du traité de Hamptoncourt[88]. Le lendemain, la reine d'Angleterre, sans donner aux réformés le temps de se raviser, envoya à Adrien Poynings, capitaine de Portsmouth, l'ordre de faire passer la Manche à l'armée anglaise[89]. Le 7 octobre, Beauvoir La Nocle, lieutenant du prince de Condé au Havre, eut l'impudence d'informer la reine mère de l'arrivée de 4.000 Anglais au Havre et de 4.000 à Dieppe pour la gloire de Dieu et la délivrance de la minorité du roi[90]. La nouvelle était destinée à effrayer Catherine de Médicis. Heureusement, elle fut corrigée le lendemain par la lettre d'un capitaine de Harfleur qui assurait que l'armée anglaise comptait à peine 400 hommes[91]. Les ennemis s'accrurent bientôt en nombre[92], car, peu de jours après, au plus fort du siège de Rouen, une compagnie de gens de pied de 500 hommes, commandée par le capitaine Grey, rompit le blocus et entra dans la ville.

Lorsque les articles du traité furent connus, le roi de Navarre protesta auprès de son frère. Condé, dit La Popelinière, répondit que ce n'estoit pas lui qui avoit convié les estrangers d'entrer en France, mais ses ennemis ; y ayans introduit, depuis trois mois en çà, Suisses, Allemans, Italiens et Espagnols à leur solde[93]. Un parti de rebelles, qui vend deux villes du royaume à l'étranger, mérite-t-il d'être assimilé à un pouvoir légitime qui demande secours à ses alliés ? Malgré les sophismes des ministres, les réformés se sentaient aussi coupables que le connétable de Bourbon. L'amiral de Coligny, dit un apologiste, repoussait la responsabilité de cette politique[94]. Louis de Lannoy, s. de Morviliers[95], qui représentait le prince de Condé à Rouen, résigna son commandement. Le vidame de Chartres lui-même, honteux d'avoir joué le rôle d'un traître, ne dissimule pas ses remords et signe une lettre à lord Cecil : Vostre très humble et affligé et triste usque ad mortem[96]. Le malheureux devait payer cher sa forfaiture. Condamné à mort par contumace, il échappa longtemps, grâce aux amnisties qui clôturaient chaque guerre civile, à sa triste destinée. Il fut enfin pris en 4576 et mis aux galères jusqu'à la fin de ses jours[97]. Seul, Beauvoir de la Nocle essaya de justifier ses coreligionnaires. Notre but, écrivit-il à la reine mère, ne tend qu'à deux points : le premier à la gloire de Dieu, le second à la délivrance et sûreté de la minorité du roy[98]. La reine d'Angleterre tenta une apologie d'autre sorte. Elle accusa les Guises d'avoir donné le signal de la guerre et prétendit intervenir en faveur du roi, prisonnier, et de ses pauvres sujets de Normandie opprimés[99]. L'odieuse trahison du Havre jeta de la défaveur sur la cause calviniste. Dès ce jour, le parti réformé vit ses forces décroître plutôt par le refroidissement de ses défenseurs que par les progrès des catholiques. Beaucoup de soldats désertèrent. Les reproches des bons serviteurs du roi ramenèrent plus d'un capitaine huguenot, qui n'avait pas encore perdu dans l'entraînement de la guerre civile le souvenir des glorieux combats du règne de Henri II. Les chefs eux-mêmes sentirent qu'ils avaient blessé les sentiments de la noblesse française, et, plus tard, quand la nécessité les obligea de faire appel aux secours de l'étranger, jamais ils ne lui livrèrent ni port, ni ville, ni forteresse.

La ville de Rouen, assiégée depuis le 25 septembre, fut prise le 26 octobre 1562. Le roi de Navarre, blessé d'une arquebusade le 16 octobre, mourut aux Andelys le 17 novembre. Le 19 décembre, le prince de Condé livra à l'armée royale, sous les murs de Dreux, une terrible bataille qui décida du sort de la guerre et où il fut fait prisonnier. Coligny, devenu chef du parti rebelle, conduisit en Normandie les dernières compagnies de l'armée protestante, afin de se rapprocher des garnisons anglaises et de recommencer la guerre avec l'appui de la reine Élisabeth. Le duc de Guise marcha sur Orléans. La ville allait tomber entre ses mains quand il fut assassiné sous les murs de la ville, le 18 février 1563, par Poltrot de Meré. Le 12 mars, la régente et le prince de Condé signèrent un traité qui mettait fin à la première guerre civile et qui fut promulgué par le roi le 19 sous le titre d'Édit de pacification d'Amboise.

La paix d'Amboise laissait face à face, comme deux combattants en champ clos, le roi de France et la reine d'Angleterre. Catherine de Médicis n'avait signé le traité que pour réunir toutes les forces royales en faisceau et les diriger contre l'envahisseur[100]. Avant d'engager la revendication par les voies officielles, elle lança en avant les auteurs du pacte de Hamptoncourt. Les réformés, rendus à la réflexion, se repentaient déjà de leur politique passée[101]. Le prince de Condé mêlait à ses remords des visées ambitieuses. Il aspirait à la dignité de lieutenant général que son frère, le roi de Navarre, avait occupée, et s'y croyait des droits par sa qualité de premier prince du sang[102]. En vain Élisabeth avait cherché à prévenir la défection de cet allié. Depuis qu'il avait déposé les armes, Condé n'écoutait que les conseils de la régente et s'efforçait de mériter sa faveur par un grand service. Le 1er avril, il chargea Bricquemaut de représenter à la reine Élisabeth que, puisque la tyrannie de la maison de Guise était écartée, elle n'avait plus de prétexte pour garder le Havre. Bricquemaut fut mal reçu à Londres. Élisabeth qualifia Condé de traître et de parjure, et renvoya le messager sans aucun espoir d'arrangement, à moins que Calais luy soit rendu[103].

C'est alors que la Florentine[104] prit la direction des pourparlers. Le 30 avril 1563, le roi communiqua solennellement le traité d'Amboise à la reine Élisabeth et lui annonça la réconciliation de nos peuples, dit la lettre, et pacification de nos dits subjects.... A ceste cause vous prions et requerons que.... vous veuillez faire remettre en nos mains la ville de Havre et forteresse de nostre ville françoyse de Grace. Élisabeth répondit, le 7 mai, qu'elle n'avait envoyé des troupes que pour obtenir la restitution de Calais[105]. Les Anglais, dit Brantôme, ne voulaient pas rendre le Havre C pour l'avoir très bien acheté de MM. le vidame de Maligny et de Beauvoir La Nocle[106].

La négociation continua pendant deux mois. Plaintes contre l'ingratitude des protestants, récriminations contre l'inconstance du prince de Condé, plaidoyers en faveur du droit de l'Angleterre sur la ville de Calais, mémoires, instructions, lettres à l'ambassadeur Smith, qui avait succédé à Throckmorton depuis que celui-ci s'était irrémédiablement compromis avec les rebelles d'Orléans, Élisabeth usa de toutes les subtilités que la procédure diplomatique suggérait au génie retors de son premier ministre. Catherine répondit aux réclamations aussi sérieusement que si elles avaient été fondées. Elle était résignée à la guerre et voulait trancher d'un seul coup la question du Havre et de Calais. Avant de prendre les armes, elle envoye son ultimatum à Londres par un de ses plus jeunes secrétaires, Florimond Robertet, s. d'Alluye[107].

Robertet partit de Paris le 22 mai et s'arrêta à Chantilly auprès du connétable. Il y trouva Condé, qui lui offrit avec instance l'adjonction du s. de la Haye. La demande pouvait cacher une surprise. Robertet consulta la régente. Catherine accepta avec empressement dans l'espoir qu'un refus d'Élisabeth, adressé au négociateur attitré du prince de Condé, parerait plus offensant aux réformés. Les deux ambassadeurs arrivèrent à Londres et eurent une audience de la reine le 3 juin. Ils réclamèrent la restitution du Havre. — A une condition, dit Élisabeth. — Laquelle ?Mon droit sur Calais, reprit-elle. — Robertet objecta que les huit ans stipulés par le traité de Cateau-Cambrésis n'étaient pas encore écoulés. Élisabeth proposa de réunir des commissaires à Calais et de suivre leur décision. Robertet exigea préalablement la restitution du Havre. La conférence s'aigrit. Élisabeth ne sut pas modérer ses emportements. Robertet, fier et hautain, riposta par des menaces. Les deux ambassadeurs sortirent du cabinet de la reine en se félicitant d'avoir, conformément aux instructions de Catherine, amené une rupture[108].

Catherine de Médicis se louait déjà de sa politique agressive, quand un accident refroidit le prince de Condé. Le 10 juin 1563, la cour était venue à Paris et avait assisté à la procession de la Fête-Dieu. Après la cérémonie, elle rentra à Vincennes. La porte Saint-Antoine était occupée par 600 bourgeois armés, décidés à faire un mauvais parti au prince. Ils arrêtèrent le cortège, mais, en reconnaissant le roi, ils ouvrirent leurs rangs. Le coche de la princesse de Condé était resté en arrière. Ils l'attaquèrent l'épée à la main, et la princesse ne dut son salut qu'à la vitesse de ses chevaux. En vain, les gentilshommes criaient aux assaillants que le coche renfermait les filles de la reine mère. Un capitaine, nommé Coupé, qui galopait à la portière, fut renversé de cheval et percé de coups[109]. Le soir, Condé s'épancha en imprécations contre les catholiques. Il voulait quitter la cour et, sous prétexte de réunir une garde, il envoya des émissaires à ses plus dévoués partisans. Le retour de Robertet calma sa colère. Le 16 juin, l'habile secrétaire d'État raconta à la cour le mauvais accueil d'Élisabeth, ses paroles de mépris contre le prince de Condé et assura qu'elle avait dit que ce n'estoit ni pour cause de religion, ni par respect pour aucune personne, ni pour ayder le roi qu'elle avoit pris le Havre, mais que c'estoit la revanche de Calais, et qu'elle garderoit cette place jusqu'à la fin. On fit entendre à Condé qu'une querelle soulevée par d'infimes bourgeois ne devait pas lui faire oublier son rang de premier prince du sang et sa future dignité de lieutenant général. Le maréchal de Montmorency punit les coupables, et le prince, plus ulcéré des propos de la reine d'Angleterre que de l'insolence des bourgeois, se contenta de cette réparation[110].

La guerre était décidée. Après avoir autorisé Condé et Coligny à tenter en leur propre nom de nouveaux essais de conciliation, le roi et Catherine de Médicis partirent pour Gaillon. Le roi y manda Smith et le chargea de transmettre à la reine d'Angleterre une sommation suprême. Depuis que la guerre était imminente, Élisabeth avait perdu une partie de son arrogance ; elle insinua qu'elle se contenterait de la certitude de recouvrer Calais dans le délai fixé par le traité de Cateau-Cambrésis[111]. Deux mois auparavant, la déclaration eût peut-être apaisé la querelle, mais l'heure des transactions était passée. Dans toutes les villes de la Normandie, à Paris, à la cour, se dessinait un mouvement patriotique qui entraînait à la guerre tous les gentilshommes, même les sectaires du parti réformé. Le clergé offrit une partie de son temporel et la ville de Paris prêta de grosses sommes pour chasser les Anglais[112]. Les capitaines français qui occupaient les villes voisines commencèrent d'eux-mêmes la guerre[113]. Le 6 juin, Bassompierre fut fait prisonnier[114]. En revanche, le 27, le brillant André Tremaine, rival de Leicester, que le favori du jour n'avait peut-être envoyé au Havre que dans l'espoir qu'il y trouverait son tombeau, fut tué dans une sortie[115]. Catherine de Médicis envoya bientôt sous les murs du Havre les Suisses, les bandes de Charry, les mercenaires allemands, plusieurs compagnies de gens de pied, en leur recommandant de ne pas épuiser leurs forces dans une lutte prématurée et d'attendre le gros de l'armée[116].

Le 6 juillet 4563, le roi de France déclara officiellement la guerre à la reine d'Angleterre, et la ville du Havre fut investie. Le comte de Warwick, frère cadet de Leicester, fit d'héroïques efforts pour défendre la ville, mais il n'avait ni munitions, ni vivres. Dur et soupçonneux, il avait indisposé les habitants par des corvées et des exactions sans mesure. Ses soldats, mal vêtus, mal nourris, mal armés, étaient commandés par des capitaines qui n'avaient jamais soutenu un siège. Beaucoup de femmes, écrit-il à la reine, sont venues d'Angleterre avec les passagers, qui les ont secrètement gardées, sans que le conseil ni moi nous puissions le savoir. Le pays avait été pillé dès les premiers jours de l'occupation et ne fournissait aucune ressource. Les vivres et les munitions devaient. être portés d'Angleterre. L'artillerie était insuffisante, les poudres presque toujours mouillées pendant la traversée. La ville occupait une position forte, mais elle avait besoin de boulevards et d'ouvrages défensifs que le manque de bras n'avait pas permis d'entreprendre. La peste décimait la garnison. Le 28 juin, 77 soldats moururent, et les jours suivants les décès augmentèrent. Warwick perdait 500 hommes par semaine. Le 11 juillet, il écrit au conseil : La peste redouble ses rayages. En quatre jours, elle nous a réduits à 1.500 hommes. Nous perdons 100 hommes par jour et le nombre de ceux qui tombent malades est du double[117].

Avant de tirer le canon, le connétable de Montmorency somma les assiégés de se rendre. Warwick refusa et, suivant l'usage des Anglais, dit de Thou, envoya aux avant-postes de l'armée française des brocs d'argent pleins de vin, que les soldats des deux partis vidèrent joyeusement. Pendant ces agapes, un seigneur anglais, lord Leighton, lia conversation avec le s. de Monins, capitaine protestant, qui avait combattu près de lui à Rouen l'année précédente, et s'étonna de le voir dans les rangs de l'armée royale : Nous combattons ici, répondit Monins, pour le roy très chrestien, comme vous combattez pour votre reine. Il ne s'agit plus ici de la religion, mais de nos frontières[118].

Du 11 au 15 juillet, le connétable, à coups de canon, démonta les batteries anglaises du clocher, dirigea un feu violent contre le boulevard Sainte-Adresse et termina une tranchée transversale qui aboutissait à l'angle du boulevard. Du 15 au 49, la brèche fut élargie et la ville battue par des feux plongeants du côté du château. Le connétable démasqua une nouvelle batterie de vingt-six canons et mit hors de service les pièces d'artillerie en fer fondu envoyées de la tour de Londres. Du 19 au 24, Warwick fut obligé d'abandonner les défenses du port et reporta ses lignes en arrière au delà du boulevard Lagrange, entre cette place et le nouveau fort. Cependant, il espérait encore tenir quelques jours et attendre l'amiral Clinton, dont l'arrivée était annoncée.

Le 26 juillet, la brèche du château était si grande, écrit Warwick, si facile d'accès qu'encore que nous eussions repoussé un assaut, la brèche étant de nouveau élargie par le feu de leurs batteries, la place devait tomber en leur pouvoir. Warwick adressa une lettre à Philippe de Salm, dit le comte rhingrave, capitaine de l'armée du roi, et l'avertit qu'il avait reçu de la reine commission de traiter d'une bonne paix honorable entre les deux royaumes. La négociation s'engagea sur ces prémices, mais la lutte n'en continua pas moins. Le 27, l'armée française tenta un assaut qui coûta la vie aux plus vaillants officiers de la garnison. Le lendemain, au lever du jour, Warwick signa avec le connétable l'acte de capitulation à des conditions[119] qui lui permettaient de se retirer en Angleterre avec ses derniers compagnons d'armes[120]. Deux jours après, au moment où Warwick allait prendre le large[121], la flotte de l'amiral Clinton parut à l'horizon. La ville et les forts étaient entre les mains de l'armée française, et l'amiral n'eut d'autre tâche que de rapatrier les blessés et les rares soldats valides qui se groupaient encore autour de leur chef. Le retour de l'armée vaincue fut un désastre pour la ville de Londres. Elle y apporta la peste, et le mal prit une telle gravité que, dans les mois suivants, la mortalité s'éleva à 2.000 personnes par semaine. La perte du Havre, dit Froude, malgré les malheurs qui en résultèrent, était plus désirable pour l'Angleterre qu'un succès, car elle épargnait au peuple anglais une guerre interminable[122].

La prise du Havre causa en France une joie générale et jeta le plus grand éclat sur la régence de Catherine, qui avait préparé pendant de longs mois et enfin dirigé l'exécution de ce brillant fait d'armes. La ville de Paris ordonna un Te Deum[123]. La ville de Bordeaux se distingua par son allégresse. Prières, processions, feux de joie devant l'hôtel de ville et dans toutes les rues, adresses où le roi était comparé à Cyrus et la reine mère à Sémiramis, tout fut mis en œuvre par un peuple qui avait souffert plus qu'un autre de la guerre civile et qui saluait, dans la nouvelle victoire du roi de France, l'avènement de la paix intérieure et de l'accord de tous les partis[124]. L'enthousiasme général aurait dû servir de leçon à l'infortuné Charles IX, et lorsque, onze ans après, à la veille de la Saint-Barthélemy, l'amiral de Coligny, dans une angoisse patriotique, pressait le roi de déclarer la guerre à l'Espagne et de jeter en Flandre les combattants des deux partis, il détournait les passions religieuses et les utilisait contre l'étranger. Les forfaits de la Saint-Barthélemy n'auraient pas été commis et Charles IX, au lieu d'un souvenir néfaste, eût peut-être laissé à ses successeurs la mémoire d'un grand roi conquérant des limites du Rhin.

La question de Calais laissait encore un ferment de discorde entre la France et l'Angleterre. Catherine de Médicis avait l'avantage de l'Uti possidetis, mais le texte de Cateau-Cambrésis spécifiait que la ville serait restituée en 4567 à moins d'infractions au traité dé la part de l'Angleterre. Les menées contre la France, l'intervention d'Élisabeth en Écosse, l'occupation du Havre étaient des infractions évidentes. Quel juge devait apprécier ces actes d'hostilité? Le troisième contractant, le roi d'Espagne, qui semblait destiné au rôle d'arbitre, était opposé à la France. La négociation paraissait difficile. Catherine l'entama résolument, confiante en son bon droit et plus encore dans le mouvement patriotique qui avait réuni les catholiques et les huguenots sous ses armes.

Depuis le retour de Throckmorton à Londres, les affaires de l'Angleterre se gâtaient en France. Smith n'avait ni l'audace ni la ténacité de son prédécesseur ; aussi Élisabeth ne lui laissait aucune initiative. Pendant le siège du Havre, lord Cecil conseilla de renvoyer Throckmorton en Normandie avec la mission de réveiller les passions religieuses. Throckmorton arriva à Valmont, près d'Yvetot, au mois de juillet, et fit notifier son retour à la cour de France. Catherine refusa de le recevoir et dissimula jusqu'à la capitulation de la ville. Le lendemain, elle le fit arrêter par le s. de Carrouges, gouverneur de Rouen, et garder à vue dans son logis. Throckmorton protesta auprès de la reine mère, auprès du connétable de Montmorency et du conseil du roi. Catherine reçut froidement la réclamation. Elle répondit que Throckmorton, le promoteur du pacte de Hamptoncourt, l'instigateur des troubles de France, avait été pris en temps de guerre sans sauf-conduit et qu'elle lui rendrait la liberté quand la reine d'Angleterre délivrerait les quatre otages français. Le 19 août, il fut conduit à Saint-Germain et incarcéré dans une tour du château. Son logis se composait de deux chambres, dont l'une était occupée par les gardes. Le jour, il avait la liberté de se promener dans les galeries, sous la surveillance de deux soldats ; mais, le soir, la porte était verrouillée à l'extérieur et un capitaine, le s. de la Salle, passait la nuit sur le seuil[125].

L'arrestation de Throckmorton, aux yeux de la reine d'Angleterre, était une atteinte au droit des gens. Après avoir envoyé des remontrances à la régente de France, sans attendre la réponse, sans écouter les sages avis de ses conseillers, elle fit emprisonner les quatre otages, MM. de Mouy, de la Ferté, de Palaiseau et Duprat de Nantouillet, et les retint plusieurs mois à la tour de Londres, malgré la peste qui décimait alors ce quartier de la ville. Nouvelles représailles de la cour de France. Le 7 septembre, l'ambassadeur officiel, Smith, fut enlevé à Poissy, conduit au château de Melun et plus tard à Paris. Il fut mis au secret, gardé à vue et toutes ses correspondances saisies. Cependant Catherine, le 13 septembre, le fit ramener à Poissy et lui rendit la liberté[126].

Une négociation qui débutait par de telles violences ne paraissait pas destinée au succès. Elle réussit cependant, soit que la reine d'Angleterre ait mesuré l'esprit de décision de la reine mère à ses actes, soit que les ambassadeurs anglais aient été intimidés. Le capitaine La Salle, gardien de Throckmorton, gagna peu à peu la confiance de son prisonnier et lui conseilla de s'adresser au connétable au lieu de fatiguer la reine mère de ses plaintes. Le vieux Montmorency fut flatté de jouer le rôle d'arbitre. Il vint à Saint-Germain le 1er octobre et invita Throckmorton à souper. L'entretien porta sur la politique espagnole et sur l'Écosse, que la reine mère craignait de voir tomber entre les mains de Philippe II par le mariage de Marie Stuart avec don Carlos. Les deux négociateurs s'accordèrent facilement et convinrent que l'Angleterre et la France devaient s'unir contre le roi catholique. A la suite de cette conférence, le 13 octobre, le connétable fit appeler Smith et lui proposa de désigner des plénipotentiaires. Catherine nomma Louis de Saint-Gelais de Lansac, Claude et Sébastien de l'Aubespine. Du côté de l'Angleterre, Smith demanda à s'adjoindre Throckmorton. A ce nom Catherine de Médicis laissa éclater sa répugnance. Throckmorton, dit-elle, s'était trop gravement compromis dans la guerre pour remplir l'office d'un pacificateur. Le lendemain, cependant, le roi ratifia le choix de Smith à la condition que Throckmorton obtiendrait de nouveaux pouvoirs de la reine d'Angleterre. La clause n'était pas aisée à obtenir. Throckmorton se prévalait des instructions qu'il avait reçues au moment de son départ pour la Normandie pendant le siège du Havre. Les secrétaires du roi soutenaient que, entre belligérants, les instructions étaient irrégulières, traitaient l'ancien ambassadeur d'espion et lui refusaient toute immunité diplomatique. Ici la forme primait le fond. Catherine ne voulut pas céder pour ne pas reconnaître que l'arrestation de Throckmorton était une atteinte au droit des gens. Il fut retenu en prison d'abord à Villemare, près de Monceaux, puis à Saint-Germain[127].

La négociation languit pendant les mois de novembre et de décembre, les deux parties se cantonnant dans leur thèse. En janvier 1564, Catherine de Médicis donna successivement audience à Throckmorton et à Smith et aborda la question de Calais. Les deux Anglais demandaient la ratification des accords de Cateau-Cambrésis et prétendaient ne traiter qu'à ce prix. Catherine invoquait le même texte, ripostait que la reine d'Angleterre avait déchiré la convention par les armes et était déchue de son droit sur Calais. Pendant deux mois, les conférences se succédèrent. La régente, les secrétaires d'État, le connétable, les cardinaux de Lorraine et de Bourbon, le chancelier de L'Hospital reçurent tour à tour ou simultanément Smith et Throckmorton. A chaque entretien, les négociateurs reproduisaient les mêmes arguments, formulaient les mêmes déclarations. Chacun s'obstinait dans ses exigences et se retirait chaque jour plus irrité des répétitions de l'adversaire. Personne ne produisit une idée nouvelle, excepté la reine, qui laissa négligemment tomber ces mots : Je regrette que le roi ou le duc d'Orléans ne puisse épouser la reine Élisabeth. Un mariage clôturerait toutes les querelles. C'était le secret de Catherine, le mobile de sa politique vis-à-vis de l'Angleterre. Smith ne releva pas la proposition[128].

La conciliation paraissait impossible quand les ambassadeurs anglais abandonnèrent d'eux-mêmes la revendication de Calais. A la fin de février, dans leurs innombrables dépêches, Smith et Throckmorton ne parlent plus que de l'indemnité offerte par la régente pour la liberté des otages. Les Anglais demandaient 500.000 couronnes ; Catherine en accordait 120.000. On disputa longtemps sur ce chiffre. La reine leur offrit des gratifications personnelles qu'ils se firent honneur de refuser ; Morvilier, évêque d'Orléans, le plus beau diamant du trésor royal. Les mêmes redites, quelque fastidieuses qu'elles fussent, étaient solennellement présentées par les négociateurs comme le dernier mot des concessions[129].

Le roi de France, suivi de toute la cour, quitta Fontainebleau le 13 mars 1565 pour un grand voyage, qui devait aboutir à l'entrevue de Bayonne. Le 23, la cour était à Troyes. Peu de jours après, les ambassadeurs anglais, accompagnés du secrétaire John Somers, l'y rejoignirent. Le temps pressait. Le roi devait partir le 6 avril et voulait conclure ou abandonner la négociation. Le 2 avril, Smith et Throckmorton réduisirent leurs prétentions à 500.000 couronnes, le lendemain à 300.000, puis à 250.000, puis à 200.000. La reine se montrait intraitable et se contentait, à toute demande, de renouveler ses offres de 120.000 couronnes. Le 5 avril, la veille du départ du roi, après de longs débats où les négociateurs avaient épuisé leurs dernières affirmations, Somers proposa à ses collègues d'appeler encore une fois le secrétaire d'État Bourdin. Je préfère rester un an en prison, dit Throckmorton, que de subir la loi du roi de France. Je ne me mêle plus de négociation. Smith et Throckmorton étaient divisés par une ardente jalousie qui remontait au siège du Havre. Rivaux déclarés, ils s'efforçaient d'accaparer chacun à son profit la direction des conférences. — Que penseront les Français, répondit Smith, de votre refus de traiter avec Bourdin ?Il ne m'importe, je ne puis m'en mêler. — En ce cas, dit Smith, il faut que Somers prenne la parole. — A ces mots, Somers exhiba un pli cacheté aux armes d'Angleterre. Après avoir montré les cachets à ses collègues, il l'ouvrit et donna lecture d'une courte instruction de la reine, qui autorisait ses plénipotentiaires à accepter in extremis l'ultimatum de la cour de France. En écoutant cette lecture, Throckmorton perdit tout son flegme. Il accabla Smith de propos outrageants. C'est vous, lui dit-il, qui avez révélé à la régente de France le secret des concessions de notre maîtresse. — Comment aurais-je révélé, répliqua Smith, un secret que j'ignorais moi-même ? Mais Throckmorton ne pouvait rien entendre. D'insulte en insulte, il mit l'épée à la main et se précipita sur son rival. Smith dégaina à son tour. Somers se jeta entre les deux, mais il ne put les retenir. Au même moment Bourdin se fit annoncer. Les deux ambassadeurs, recouvrant leur sang-froid, lui dirent que la reine Élisabeth, pour faire preuve de conciliation, acceptait les offres de la reine de France. Bourdin prit acte de la déclaration et entama immédiatement l'exposé des clauses accessoires. Cette discussion de détail donna aux deux ambassadeurs le temps de se remettre. Après un assez long entretien, les quatre plénipotentiaires se séparèrent, Bourdin glorieux de l'avoir emporté, Throckmorton irrité du désaveu qui lui avait été infligé, Smith satisfait d'avoir abaissé son rival. Le 11 avril, la paix fut signée par Morvilier et Bourdin, au nom de la France, par Smith et Throckmorton, au nom de l'Angleterre[130]. On remarqua que le traité avait été conclu dans une ville où, un siècle auparavant, un prince du sang de France, Philippe le Bon, duc de Bourgogne, livrait le royaume à Henri V d'Angleterre[131].

Le traité de Troyes[132], crié à son de trompe dans toutes les villes du royaume[133], fut accueilli avec autant de faveur que la prise du Havre. Paris et Bordeaux se livrèrent à l'enthousiasme[134]. La paix est un bien pour tous les peuples, mais les habitants des villes commerçantes y trouvent leur vie entière. Un principe, nouveau au XVIe siècle et dont les secrétaires du roi ne pressentaient pas la portée, avait été inséré dans le texte du traité, celui de la liberté du commerce. Les règlements de notre temps, inspirés par l'équité ou supposés tels, ne peuvent donner une idée des entraves fiscales qui frappaient autrefois les négoces. Imposées à l'origine par des intérêts particuliers, elles partaient de ce principe que la facilité des échanges est la ruine d'un pays et s'étaient aggravées des exigences du trésor royal. L'Angleterre donnait l'exemple des taxes les plus iniques et les plus rigoureuses. L'importation était frappée d'un droit fixe de 15 deniers pour livre et l'exportation de 12 deniers seulement. Pendant les règnes de Henri VIII et de Marie Tudor, les droits avaient été augmentés sur toutes marchandises du double, du triple ou du quadruple suivant les cas. Tout Français qui arrivait à Londres avec un navire était tenu de prendre un pilote anglais à son entrée dans la Tamise, de décharger à un quart de lieue de la ville et de confier ses transports à des bateaux du pays, de payer un impôt personnel pour lui et ses gens à l'entrée et à la sortie, de solder un droit de place arbitrairement fixé par le maire de Londres et une licence au profit de certaines seigneuries. Les mesures locales étaient de deux sortes : celles de la reine, plus étendues, étaient appliquées aux Français vendeurs ; celles de la ville, plus bornées, aux acheteurs. Le marchand français ne pouvait vendre qu'aux bourgeois de Londres, à des tarifs fixés d'avance par les officiers de la ville, et n'avait pas le droit de remporter les marchandises qui avaient touché le sol anglais. Il devait employer en acquisitions la totalité de la somme perçue. La banqueroute de l'Anglais acheteur était une véritable opération commerciale, que la coutume et la loi entouraient de mesures tutélaires. Au retour, le Français ne pouvait emporter sur son navire les marchandises acquises ni les emballer lui-même, l'exportation et l'emballage appartenant exclusivement aux nationaux. Tout navire échoué était confisqué corps et biens[135]. En France, les taxes fiscales étaient nombreuses, mais n'avaient pas ce caractère d'iniquité égoïste que les bourgeois de Paris reprochent aux règlements anglais. Malgré ces entraves, les relations étaient nombreuses entre les ports de la Normandie et la ville de Londres. A ce progrès on reconnaît l'adoucissement des mœurs du moyen âge, époque où la qualification d'étranger est le plus souvent synonyme d'ennemi.

Le traité de Troyes était destiné à accélérer le mouvement. Depuis la paix du 11 avril 1565, la France et l'Angleterre n'ont cessé de marcher côte à côte. L'intervention de la reine Élisabeth, à chaque prise d'armes du parti réformé, ne put entraver le développement commercial. Les intérêts l'emportèrent heureusement sur la politique. Les deux peuples, malgré une certaine antipathie de race qui remonte peut-être à la guerre de Cent ans, se sentaient solidaires et eurent la sagesse de rester alliés. Aujourd'hui, l'union est indissoluble et défie les querelles, les rivalités, les différences de mœurs ou de caractère, les fautes des gouvernements.

 

 

 



[1] Relation de Jean Michieli, ambassadeur vénitien en 1557, citée dans l'Histoire de Philippe II de Prescott, t. I, p. 262.

[2] Lettre de Chantonnay à Marguerite de Parme, du 5 octobre 1559 (Recueil de lettres de Chantonnay conservé aux Archives de Bruxelles).

[3] Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 29 septembre 1560 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1493, n° 94).

[4] Lettre de Chantonnay du 5 octobre citée plus haut. — Chantonnay y revient l'année suivante avec plus d'assistance (Résumé de chancellerie ; oct. et nov. 1560 ; Arch. nat., K. 1493, n° 102).

[5] Lettre de Chantonnay à Marguerite de Parme, du 22 octobre 1559 (Recueil de lettres de Chantonnay conservé aux Archives de Bruxelles).

[6] Lettre de Throckmorton à lord Cecil, en date du 21 Juin 1559 (Calendars, 1858-59, p. 324).

[7] Brantôme, édit. de la Soc. de l'hist. de France, t. IX, p. 386.

[8] Résumé de chancellerie de lettres de Chantonnay au roi d'Espagne, du 31 août au 8 septembre 1560 (Arch. nat., K. 1493, n. 77).

[9] Résumé de lettres de Chantonnay au roi d'Espagne, du 14 mai au 23 juillet 1560 (Arch. nat., K. 1496, n° 3).

[10] Lettre de lord Hunsden au comte de Sussex, du 12 juillet 1560 (Calendars, 1560, p. 188).

[11] Calendars, 1560, p. 274 et 287.

[12] Calendars, 1560, p. 298.

[13] Brantôme, t. IX, p. 387.

[14] Lettre originale de Jehanne de Savoie an duc de Nemours, du 29 septembre 1560 (F. fr., vol. 3180, f. 29).

[15] Calendars, 1560, p. 146. — Le s. de Morette, ambassadeur de Savoie, était arrivé à la cour de France au commencement de novembre pour disculper le duc de Nemours de la tentative d'enlèvement du duc d'Orléans, dont il était accusé (Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 9 novembre 1561 ; orig. espagnol, Arch. nat., K. 1497, n° 107).

[16] Lettre de Vulcob à La Forest, en date du 6 août 1566 (Copie du temps ; f. fr., vol. 15970, f. 14).

[17] Lettre de Cecil à Leicester, du 18 octobre 1568 (Copie ; coll. Moreau, vol. 718, f. 113 bis et 114). Il serait facile de multiplier ces exemples.

[18] Orig., f. fr., vol. 6614, f. 30.

[19] Lettre de Chantonnay à la duchesse de Parme, du 15 avril 1560 (Recueil de lettres de Chantonnay conservées aux Archives de Bruxelles). Chantonnay renouvelle ce récit dans une lettre à Philippe II, du 22 avril 1560 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1493, n° 55).

[20] Voyez le portrait de William Cecil par don Gueran de Espes, ambassadeur de Philippe II en 1568 (Teulet, t. V, p. 47).

[21] Élisabeth, fille de Henri VIII et d'Anne Boleyn, était née du vivant de la première femme de Henri VIII, et avait été déclarée illégitime après le supplice de sa mère.

[22] Lorsque Élisabeth monta sur le trône, elle jugea prudent de notifier son avènement au pape. Paul IV répondit qu'Élisabeth devait soumettre ses droits à l'examen du Saint-Siège. C'était les contester en mémo temps que la légitimité de la naissance d'Élisabeth (Gauthier, Histoire de Marie Stuart, t. I, p. 41).

[23] Papiers d'Estat de Grandvelle, t. V, p. 538.

[24] Relation copiée par Gaignières ou par son secrétaire (F. fr., vol. 20646, f. 180). La pièce est peut-être un rapport de l'ambassadeur adressé au roi.

[25] La pièce ne porte d'autre date que celle du mois d'août, sans indication d'année ; mais le texte prouve qu'elle appartient au règne de François Il. L'indication que nous trouvons plus loin, le dimanche 6 août, prouve que ces faits sont de 1559.

[26] Ils étaient encore à Londres pendant le siège du Havre et adressèrent une requête à la reine, le 26 août 1563, pour être autorisés à quitter le quartier de la Tour de Londres, où sévissait la peste (La Ferrière, le XVIe siècle et les Valois, p. 160).

[27] Calendars of state papers, foreign series, 1559, p. 387.

[28] Calendars, 1559, p. 386. Lettre de Nicolas Throckmorton du 18 juillet. Throckmorton, qui signale l'importance du roi de Navarre, était mal informé de ses dispositions, car il prédisait que, à son avènement au pouvoir, il livrerait le gouvernement an connétable de Montmorency.

[29] Calendars, 1559, p. 390 et 391. Le comte de la Ferrière a publié intégralement là lettre adressée à Jeanne d'Albret (le XVIe siècle et les Valois, p. 23), mais il l'indique par erreur comme adressée à Catherine de Médicis. Le texte de la lettre ne laisse aucun doute sur le nom de la destinataire.

[30] Forbes, A full wiew of the public transactions in the reign of queen Elisabeth, t. I, p. 172. Lettre de Throckmorton du 27 juillet 1559.

[31] Forbes, A full wiew of the public transactions in the reign of queen Elisabeth, t. I, p. 197. Lettre de Throckmorton du 15 août.

[32] Calendars, 1559, p. 491.

[33] Forbes, t. I, p. 212. Lettre de Throckmorton à la reine, du 25 août 1559.

[34] Les actes de ce synode sont imprimés dans l'Histoire ecclésiastique de de Bèze, t. I, p. 118.

[35] Calendars, 1559, p. 500.

[36] Lettre de Chantonay à la duchesse de Parme, du 19 février 1560 (Recueil conservé aux Archives de Bruxelles, f. 42 v°).

[37] Lettre de Chantonnay au cardinal Granvelle, du 3 mars 1560 (Recueil conservé aux Archives de Bruxelles, f. 47 v°).

[38] Lettre de Chantonnay du 19 février, citée plus haut.

[39] Lettre de Chantonnay du 3 mars, citée plus haut.

[40] Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 20 mars 1560 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1493, n° 43).

[41] Lettre de Chantonnay à la duchesse de Parme, du 26 mars 1559 (Recueil conservé aux Archives de Bruxelles).

[42] Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 20 mars, citée plus haut.

[43] Lettre de Michieli, ambassadeur vénitien, à la sérénissime république, en date du 20 mars (Mss. de la Bibl. nat., f. ital., filza 4, f. 20).

[44] La minute de cet acte, dit Haynes, p. 268, est de la main même de William Cecil.

[45] Cette pièce est imprimée dans les Mémoires de Condé, t. I, p. 529. Elle avait été communiquée an roi d'Espagne (Arch. nat., K. 1493, n° 40 et 44).

[46] Cette lettre a été publiée intégralement par le comte de la Ferrière dans le XVIe siècle et les Valois, p. 32.

[47] Négociations sous François II, p. 386. Lettre du roi du 18 avril.

[48] Négociations sous François II, p. 368. Lettre datée du 6 mai 1560. Le texte étrange de cette lettre pourrait faire douter de son authenticité ; mais nous en avons retrouvé l'original, qui n'avait jamais été signalé et qui est conservé dans le f. fr., vol. 8826, f. 14.

[49] Lettres d'Antoine de Bourbon et de Jehanne d'Albret, publiées par M. le marquis de Rochambeau, p. 190. Lettre datée du 9 mai 1560.

[50] Cette lettre est intégralement publiée par le comte de la Ferrière dans le XVIe siècle et les Valois, p. 33.

[51] Sommaire de chancellerie de l'ambassade d'Espagne, oct. 1560 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1493, n° 104). — Autre sommaire de chancellerie sans date (Ibid., n° 109).

[52] Calendars, 1560-61, p. 467 à 519 ; lettres de Throckmorton de décembre 1559 et de janvier 1560.

[53] L'instruction de Philippe II à don Juan Manrique de Lare, en date du 4 janvier 1581, est conservée en original aux Archives nationales (K. 1495, n° 14). Elle est accompagnée d'une lettre de Philippe II à Catherine de Médicis (Minute orig. couverte de ratures ; ibid., n° 11).

[54] Calendars, 1560, p. 500 et 514. Throckmorton avait lui-même conseillé à Bedford de retarder son arrivée en France jusqu'après le départ de l'ambassadeur d'Espagne.

[55] Calendars, 1560, p. 489, 514, 565. Lettres de Throckmorton et de John Somers.

[56] Calendars, 1581, p. 555, 585 et 620. Lettres des 20, 26 février et 12 mars 1561.

[57] 6 avril 1561. Sur le triumvirat, voyez Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, t. III, p. 73.

[58] Colloque de Poissy, sept. et oct. 1561. — Nous publions dans les Mémoires de la Société de l'histoire de Paris (ann. 1889) un mémoire et une chronique inédite sur le colloque.

[59] Massacre de Vassy, 1er mars 1582. — Voir le récit d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, t. IV, p. 109.

[60] Calendars, 1562, p. 590. Cette lettre a été traduite et publiée par le duc d'Aumale (Hist. des Condé, t. I, p. 351) et ailleurs.

[61] Gaspard de Coligny, par le comte Delaborde, t. II, p. 78. La lettre de Coligny est datée du 11 avril 1582.

[62] Calendars, 1562, p. 619. Lettre de Throckmorton à la reine Élisabeth, du 24 avril.

[63] Lettre de Throckmorton à lord Cecil, du 17 avril 1562, traduite dans l'Hist. des Condé, du duc d'Aumale, t. I, p. 354.

[64] Calendars, 1562, p. 817. Lettre de Throckmorton du 21 avril.

[65] Lettre de Chantonnay au roi d'Espagne, du 11 mai 1562 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1497, n° 30).

[66] Lettre de la reine Élisabeth à Condé, du 10 mai 1582 (Duc d'Aumale, Hist. des Condé, t. I, p. 372).

[67] Duc d'Aumale, Histoire des Condé, t. I, Pièces justificatives, lettre de Throckmorton du 8 mai. — Autres lettres de mante date de Throckmorton dans les Calendars.

[68] Lettres du roi de Navarre à la reine (F. fr., vol. 15876, t. 58 ; minute datée du mois de mai).

[69] Cette lettre est publiée par le duc d'Aumale (Histoire des Condé, t. I, p. 372).

[70] Lettre du roi de Navarre à la reine (F. fr., vol. 15876, f. 60 ; minute datée de mai 1562).

[71] Lettre de Throckmorton à lord Cecil, du 17 avril (Duc d'Aumale, Histoire des Condé, t. I, Pièces justificatives, p. 355).

[72] Lettre de Paul de Foix à la reine, en date du 26 août 1562 (Orig., f. fr., vol. 6612, f. 197).

[73] La Ferrière, la Normandie à l'étranger, p. 8 et 9. Fragments de lettres de Throckmorton.

[74] La Ferrière, le XVIe siècle et les Valois, p. 72. Citations de lettres de Throckmorton.

[75] Lettre de Paul de Foix du 28 août 1562 (Orig., f. fr., vol. 6612, f. 54).

[76] Lettres d'Antoine de Bourbon et de Jehanne d'Albret, publiées par M. le marquis de Rochambeau, p. 257.

[77] La mission de Vieilleville est racontée avec détails dans les Mémoires de Carloix, liv. VIII, chap. XXXI.

[78] Note sur la mission de Vieilleville conservée au Record Office et publiée par le comte de la Ferrière (Le XVIe siècle et les Valois, p. 73).

[79] Lettre de Chantonnay au roi de Navarre, du 27 août 1562 (Copie du temps ; Arch. nat., K. 1498, n° 28).

[80] Lettre de Paul de Foix à la reine, du 21 août 1562 (Mémoires de Condé, t. III, p. 607).

[81] Lettre de Paul de Foix à la reine, du 26 août 1562 (Orig., f. fr., vol. 6612, f. 137).

[82] Lettre de Chantonnay an roi de Navarre, du 27 août 1562 (Copie du temps ; Arch. nat., K. 1498, n° 28).

[83] Lettre originale de Sébastien de l'Aubespine, du 1er septembre, datée de Madrid (F. fr., vol. 15877, f. 5).

[84] Mémoires de Claude Haton, t. I, p. 285. — Mémoires de La Noue, chap. VII.

[85] Duc d'Aumale, Histoire des Condé, t. I, p. 376 ; lettre de Throckmorton du 23 juillet 1562.

[86] Journal de 1562 dans la Revue rétrospective, t. V, p. 188.

[87] La première lettre de Throckmorton écrite d'Orléans est datée du 9 septembre 1562 (Forbes, t. II, p. 36).

[88] Le traité de Hamptoncourt est imprimé par Dumont (Corps diplomatique, t. V, 1re partie, p. 94).

[89] Cette pièce a été publiée par le comte de la Ferrière dans la Normandie à l'étranger, p. 10.

[90] Lettre de Beauvoir à la reine, en date du 7 octobre 1562 (Orig., f. fr., vol. 15877, f. 175).

[91] Lettre datée d'Harfleur et du 8 octobre (Orig., f. fr., vol. 15877, f. 189).

[92] L'historien Pleuvry (Histoire du Havre, p. 72) raconte que 6.000 fantassins anglais et 300 chevaux occupèrent bientôt le Havre sous le commandement d'Ambroise de Warwick. Voyez aussi les Mémoires de Castelnau, liv. III, chap. XII.

[93] La Popelinière, 1581, in-fol., t. I, f. 330.

[94] Discours du voyage fait à Paris par M. l'admiral au mois de janvier dernier, 1565, p. 8. Pamphlet dirigé contre le cardinal de Lorraine et inspiré par Coligny.

[95] Voir le mémoire justificatif de ce capitaine dans les Mémoires de Condé, t. V, p. 261.

[96] Cette pièce est publiée par le comte de la Ferrière, la Normandie à l'étranger, p. 15.

[97] Vie de Jean de Ferrières-Maligny (par M. de Bastard), in-8°, 1858.

[98] M. de la Verrière a publié cette pièce (Le XVIe siècle et les Valois, p. 79).

[99] Cette pièce est imprimée dans les Mémoires de Condé, t. III, p. 693. M. le comte de la Verrière publie une autre pièce de teneur différente qui doit être un simple projet (Le XVIe siècle et les Valois, p. 76).

[100] Dès le 17 février, Catherine écrit à Artus de Cossé, seigneur de Gonnor, frère du maréchal de Brissac : Je say bien que pour chaser les aystrangers y nous fault la pays, que je désire (Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 509). Aussi, dans le texte du traité d'Amboise, fit-elle insérer une clause qui stipulait l'expulsion des étrangers.

[101] Condé et Coligny prétendaient qu'ils n'avaient jamais voulu donner le Havre à la reine d'Angleterre en gage de la restitution de Calais. Condé assurait même que lord Cecil avait introduit subrepticement cette disposition dans le texte du blanc-seing sans qu'il en sût rien (Calendars, 1564, p. 8. — Documents publiés par le comte de la Ferrière dans le XVIe siècle à les Valois, p. 128).

[102] Cette qualité de premier prince du sang appartenait réellement aux frères du roi et, après eux, à Henri de Béarn, plus tard Henri IV ; mais ils étaient tous en état de minorité.

[103] Voyez les documents publiés par le comte de la Ferrière (Le XVIe siècle et les Valois, p. 83 et suiv. ; 123 et suiv.).

[104] C'est le surnom que la reine Élisabeth donnait à Catherine de Médicis.

[105] Ces deux pièces sont publiées par le comte de la Ferrière (Le XVIe siècle et les Valois, p. 120).

[106] Brantôme, t. VI, p. 53.

[107] Les instructions de la reine Catherine à Florimond Robertet sont conservées dans le vol. 17832 du fonds français.

[108] Calendars, 1563 ; lettres de mai et de juin.

[109] Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 57.

[110] Pièces publiées par le comte de la Ferrière (Le XVIe siècle et les Valois, p. 140 et suiv.).

[111] Calendars, 1563, p. 400. — Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 72.

[112] Le compte des prêts de la ville, à l'occasion de la reprise du Havre, est conservé dans le vol. 11689 du fonds français.

[113] Calendars, 1563, p. 411.

[114] Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 53.

[115] Calendars, 1563, p. 415.

[116] Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 55 et 56.

[117] Pièces publiées par le comte de la Ferrière dans la Normandie à l'étranger et dans le XVIe siècle et les Valois, d'après les archives du Record office.

[118] De Thou, Histoire universelle, liv. XXXV.

[119] D'après une lettre originale de Warwick au connétable, en date du 17 août 1563, ces conditions furent médiocrement tenues (F. fr., vol. 3243, f. 3t).

[120] L'original de cet acte, daté du 28 juillet, est conservé dans le fonds français, vol. 3243, f. 12.

[121] Lettre autographe de Warwick au connétable en date du 30 juillet (F. fr., vol. 3243, f. 27).

[122] Froude, History of England, t. VII, anno 1563.

[123] Cérémonial de l'hôtel de ville de Paris ; f. fr., vol. 18528, f. 37.

[124] Lettre de d'Escars au roi du 11 août 1563 (F. fr., vol. 15878, pièce 52).

[125] Calendars, 1563, p. 425, 491, 502, 503, 512. Voyez aussi une lettre de Chantonnay publiée dans Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 82.

[126] Calendars, 1563, p. 503, 526.

[127] Calendars, 1563, p. 550, 560, 567, 586.

[128] Calendars, 1563, p. 626 ; — 1564, passim.

[129] Calendars, 1564, p. 33, 60 et suiv.

[130] Calendars, 1564, p. 65 et suiv., 103, 108 et suiv.

[131] L'année suivante, la reine d'Angleterre essaya de reprendre pied aux portes de Calais. Sous diverses dénominations, elle avait posé les fondations d'une sorte de forteresse près de la ville. Le roi fut obligé de provoquer une conférence diplomatique avec les députés de la reine d'Angleterre et envoya à Calais le président de Harlay, le conseiller du Drac et quelques autres (fin nov. 1565) (Pièce conservée dans le f. fr., vol. 3951, f. 80 v°).

[132] Le traité de Troyes est imprimé par Dumont, Corps diplomatique, t. V, 1re partie, p. 126. — Il a été l'objet d'une étude approfondie de la part de M. le comte de la Ferrière (Revue des Questions historiques, 1er janvier 1883, p. 36).

[133] L'original du cri public, signé de Robertet, est conservé dans le vol. 3243 du fonds français, f. 10. La pièce a été publiée par La Popelinière, 1581, t. I, f. 369 v°.

[134] Cérémonial de la ville de Paris (F. fr., vol. 18528, f. 44). — Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 175.

[135] Mémoire des artisans de Paris au roi, avec réponse du roi du 17 septembre 1564 (Copie du temps ; coll. Dupuy, vol. 569, f. 213).