LE TRAITÉ DE CATEAU-CAMBRÉSIS

 

CHAPITRE II. — Exécution du traité de Cateau-Cambrésis en Italie.

 

 

Piémont. — Restitution du Piémont au duc de Savoie, à l'exception des places de Turin, de Chieri, de Pignerol, de Chivasso et de Villeneuve d'Asti. — Le maréchal de Brissac fait démanteler les autres places. — Indiscipline de l'armée. — Retour du duc de Savoie en Piémont (déc. 1559). — Ordonnances de ce prince. —Brissac est remplacé par Bordillon. — Échange des cinq villes contre Savigliano, Pignerol et Pérouse (2 nov. 1560).

Toscane. — Ambition de Cosme de Médicis. — Conquête du Siennois.

Ferrare. — Hercule d'Este, fidèle allié de la France. — Alphonse, son successeur, s'allie à l'Espagne.

Montferrat. — La ville de Casal est rendue au marquis de Montferrat.

Corse. — Le capitaine Sampiero Corso. — La Corse est restituée aux Génois par le traité de Cateau-Cambrésis. — Sampiero à Constantinople. — Meurtre de la dame Vanina d'Ornano. — Soulèvement des Corses (1564). — Assassinat de Sampiero (17 janvier 1567). —Alphonse d'Ornano évacue la Corse (1er avril 1569).

États romains. — Paul IV. — Sa mort (18 août 1559). — Le duc de Paliano et le cardinal Carafe. — Meurtre de la duchesse de Paliano (28 août). — Ouverture du conclave (5 sept.). — Élection de Pie IV (25 décembre). — Procès et supplice du duc de Paliano et du cardinal Carafa (1560-61).

 

Le maréchal Charles de Cossé-Brissac, gouverneur du Piémont, apprit par une lettre du roi et de Diane de Poitiers, du 1er avril 1559, que, en vertu du traité de Cateau-Cambrésis, son gouvernement échappait à la France[1]. Quand cette nouvelle lui arriva, ce bon seigneur ne se peut tenir de dire en exclamant : Ô misérable France ! à quelle perte et à quelle ruyne t'es-tu laissée ainsy réduire, toy qui triumphois par sus toutes les nations de l'Europe ! Et à la vérité ceste paix luy estoit si à contrecœur que durant deux mois tous ses propos n'estoient autres que plaintes et regrets[2]. Le texte du traité lui fut transmis par une lettre du roi le 7 avril 1559 et publié le 11 en Piémont. Le roi renonçait à toutes ses possessions italiennes, excepté Turin, Chiai, Pignerol, Chivasso et Villeneuve d'Asti ; il livrait toutes ses villes fortes, même celles qu'il avait créées, et ne conservait que le droit de les démanteler. Les clauses devaient être exécutées deux mois après la signature du traité. C'était l'abandon de toutes les conquêtes de la France en Italie depuis le règne de Charles VIII.

L'armée du Piémont fut aussi douloureusement surprise que son chef. En 1559, victorieuse dans presque toutes les rencontres, elle comptait dix à douze mille hommes. Parmi les capitaines, plusieurs guerroyaient en Italie depuis le règne de François Ier. Le Piémont était devenu pour eux une seconde patrie. Les soldats, dit Brantôme, s'en prenaient à la princesse Marguerite et l'accusaient d'avoir porté en dot à son mari les plus belles conquêtes des Valois. Quand aux soldats et compagnons de guerre, qui estoient jà si longtemps accoustumez aux garnisons, douceurs et belles nourritures de ce pays, ne faut point demander ce qu'ilz en disoient, commant ilz en crioyent, s'en désespéroient et ce qu'ilz en débagouloient. Les uns, tant Gascons qu'autres, disoient : Hé ! cap de Diou ! faut-il que.... Et ici Brantôme leur prête un discours qui, même dans la bouche d'un soudard gascon du XVIe siècle, dépasse la mesure de ce qu'un historien peut faire lire à un lecteur de nos jours[3].

L'annonce de la paix surexcita les Italiens. Les villes s'agitèrent au cri de Vive Savoie ! Sur plus d'un point les partisans du roi furent menacés. Les négociateurs avaient oublié de stipuler une amnistie générale en faveur des habitants dévoués à la France et compromis pour elle. Les maisons de Birague, de Beyne, de Sanfré, de Moretto, la Chiusa et d'autres, le Parlement et la Cour des comptes de Turin étaient livrés au ressentiment du duc de Savoie. D'autres difficultés n'avaient pas été prévues dans le traité de paix : le terme de deux mois était insuffisant pour démolir les places fortes que le roi devait rendre ; les pionniers italiens refusaient de travailler contre les intérêts du duc de Savoie. Brissac conseilla au roi, si le terme de deux mois ne pouvait être prolongé, de livrer au duc les places fortes sans les démolir, afin de se faire honneur de sa générosité.

Le maréchal de Brissac envoya au roi, le 22 avril, Me Coiffier, général des finances, pour lui présenter ces objections et lui demander de l'argent. L'armée mécontente réclamait le paiement de sa solde ou menaçait de se débander. Le connétable réunit dans son château d'Écouen les députés savoyards et entama de nouvelles conférences. La discussion porta principalement sur le démantèlement des places. Marguerite de France, future duchesse de Savoie, n'y restait pas étrangère. Entre autres avantages, elle obtint que les fortifications de Santhia seraient conservées[4]. Le duc d'Albe pressait l'exécution du traité dans toute sa rigueur. Montmorency excusait les lenteurs du maréchal en arguant de la pauvreté du trésor royal[5]. Malgré les tiraillements, les relations restaient fort amicales entre Philibert. Emmanuel et Henri II[6]. Enfin le connétable obtint que, outre les cinq places fortes, le marquisat de Saluces resterait au roi de France.

Brissac, ne pouvant trouver des pionniers en Italie, en demanda à la France, et le roi lui envoya 400 paysans du Dauphiné. Avec ce secours, malgré le manque d'argent, il entreprit la démolition des places fortes. Les plus importantes, Vigliano, Moncalieri et Savigliano, furent tellement rasées que toute restauration des murs devenait impossible[7]. Ce zèle impatienta le duc de Savoie, qui envoya des représentations au roi. Une lettre de la dame Anne de Cossé, sœur de Brissac, lui révèle la mauvaise humeur du prince et lui conseille d'adresser sa justification à Madame Marguerite[8]. Mais déjà le blâme porté par le Maréchal contre le traité de Cateau-Cambrésis n'était plus un secret à la cour. Les négociateurs du traité et tous ceux qui l'avaient approuvé, le roi le premier, supportaient avec peine les reproches du gouverneur du Piémont. Les messagers et les dépêches se succédaient de Turin à la cour et de la cour à Turin, chargés de récriminations réciproques. On accusait Brissac de s'être rendu impopulaire, d'avoir abattu des châteaux par esprit de vengeance, levé injustement des impôts, établi des prohibitions à son profit[9], etc. Le maréchal, irrité des ordres qu'il recevait, ne craignait pas de les supprimer dans l'intérêt de son maitre. Ainsi le roi avait prescrit de vendre aux enchères les munitions de guerre conservées dans les villes fortes qui devaient revenir au duc de Savoie ; sans nul doute ce prince s'en fût rendu acquéreur ; Brissac les répartit dans les arsenaux des cinq villes.

Le duc d'Albe se plaignait aussi du maréchal. Valence, ville du duché de Milan, devait être rendue au roi d'Espagne. Le maréchal inventait des prétextes pour retarder la restitution. Une première fois, disait-il, les Espagnols n'avaient pas envoyé d'otages, comme ils y étaient obligés ; une seconde fois, les lieutenants n'avaient pu s'accorder sur les termes de la capitulation. A de nouveaux ordres, Brissac répondit que le duc de Sessa ne lui avait pas réclamé la place et que ce n'était pas à lui de l'offrir. Enfin le duc d'Albe obtint un double des instructions du roi et l'envoya au duc de Sessa[10].

Le mariage du duc de Savoie avec Marguerite de France donna une force nouvelle aux réclamations de ce prince. Le duc restait à la cour, retenu par des convenances qui lui défendaient de paraître en Piémont avant que les officiers du roi eussent terminé leur œuvre, mais chaque jour il était informé du zèle de Brissac contre ses places fortes. Deux jours après la mort de Henri II, le 12 juillet, dans le trouble où l'établissement du nouveau gouvernement et les compétitions des courtisans jetaient le duc de Guise, il obtint l'ordre de cesser les travaux. Le maréchal para le coup en demandant des explications et traîna en longueur pour achever les démolitions commencées[11]. Le duc le traitait ouvertement d'ennemi de sa maison. La sœur du maréchal, Anne de Cossé, lui écrit le 18 juillet : Encore hier Z... me dict que l'on avoit dict à Madame que vous aviez dict et escript que vous rongneriés les oncles de sy près à M. de Savoie que vous le gerderiés bien de faire le mauves, qui les esgrit fort[12]. La nouvelle duchesse de Savoie, élevée à priser haut la valeur de ce capitaine, n'osait plus le défendre auprès de son mari. Pendant que les seigneurs de la cour se faisaient les courtisans du prince, ses affidés lui écrivaient de Turin que Brissac consommait la ruine de son duché. Aussitôt il se plaignait au roi que le lieutenant en Piémont excédait les clauses du traité ; la reine mère prenait peur de voir le nouvel allié de la France passer dans le camp ennemi ; et le malheureux Brissac était blâmé encore une fois. Cependant les bons serviteurs du roi ne pouvaient se garder d'un sentiment d'admiration pour lui. Le duc de Guise montrait à ses familiers l'anvie de lui faire plaisir[13]. Le prince de Condé, qui cherchait à se créer des partisans sérieux, s'efforçait aussi de le rattacher à sa cause en le soutenant au conseil[14]. Malgré ses protecteurs, Brissac, outre les désaveux, ne recevait de la cour que des injustices. L'ordonnance qui réduisait certaines compagnies d'hommes d'armes lui avait été appliquée dans toute sa sévérité, tandis que les compagnies des autres maréchaux de France, moins anciens que lui, avaient conservé leur contingent. Lassé de ces rigueurs, il sollicita son rappel du Piémont et demanda à résigner toutes ses charges. Déjà il s'était mis en négociation pour acquérir la terre de Maurepas[15]. François II eut la sagesse de refuser sa démission, du moins avant l'achèvement de son œuvre en Piémont[16].

Le plus grand embarras du gouverneur était le maintien de la discipline dans l'armée[17]. La solde manquait. Pendant les négociations, le maréchal avait fait prendre patience aux troupes en leur promettant des combats. A la réception du traité, les soldats, démoralisés, réclamèrent avec plus ou moins de violence l'arriéré de leur solde. Les Suisses surtout se montraient turbulents. Ils étaient commandés par un colonel que Boyvin du Villars nomme Apro[18], petit de corps et gros de cœur, aussi exigeant pour sa compagnie que peut l'être un soldat mercenaire. Apro protestait que là où on luy manqueroit de parole, qu'il scauroit si bien brouiller les cartes que sa nation rabattroit beaucoup de l'affection qu'elle portoit à la France. Le maréchal n'avait pas d'argent ; le roi ne lui envoyait que des promesses. Le trésor de l'armée était vide. Les juridictions royales, livrées au duc de Savoie, ne payaient plus d'impôt. Cependant les réclamations des Suisses ne comportaient pas d'ajournement. A force de prières, au mois de novembre, Brissac obtint du roi une délégation de 25.000 livres. La somme suffisait à peine aux besoins les plus urgents. Encore se fit-elle attendre. Au mois de décembre enfin, le cardinal de Lorraine annonça au maréchal qu'un marchand de Lyon, nommé Aubrech, apporterait la somme. Brissac, qui connaissait le mandataire, n'eut pas le temps de prévenir le conseil du roi. Aubrech faisait profession de falsifier les monnaies. Il apporta l'argent promis en écus d'or, mais chaque écu était trop léger de dix à douze grains[19].

Depuis plus d'une année, le maréchal et ses lieutenants n'avaient pas touché de gages. Les capitaines de gens de pied, la plupart soldats de fortune ou petits cadets de province, tombèrent peu à peu dans la misère. Brissac représente ceux qui obtenaient leur congé comme obligés de mendier le long du chemin pour rentrer en France. Reçus en ennemis par les habitants, ils ne trouvaient aucun secours sur leur route. L'un d'eux, nommé Bazordan, gentilhomme gascon, après de nombreux actes d'indiscipline qui laissoient mauvaise odeur de luy, déserta et fut arrêté par les ordres de son chef. Heureusement pour lui, le maréchal Paule de Thermes intercéda en sa faveur[20]. Le s. d'Ossun, capitaine de la Bigorre, suivit l'exemple de Bazordan[21]. Ils trouvèrent un si grand nombre d'imitateurs que Brissac renonça à les poursuivre. Quant aux Italiens, la plupart songeaient à se mettre au service du duc de Savoie.

Un passe-droit blessa les capitaines. Les fonctions de mestre de camp étaient exercées par François de Bricquemaut, vieux capitaine qui servait en Piémont depuis le règne de François Ier. Bricquemaut fut rappelé et, au lieu de chercher son remplaçant parmi les gens de guerre sans emploi de l'armée, le roi accorda la charge à Roger de Bellegarde, neveu du maréchal de Thermes, courtisan des Guises. Les capitaines, évincés par le nouveau favori, dressèrent une protestation que signèrent Fontenilles, Palasot, Lefort, Blanquefort et d'autres qui avaient fait en Italie toutes leurs armes[22].

Les sommes apportées par Aubrech avaient été rapidement dépensées. Les compagnies vivaient dans l'indiscipline et pillaient le bonhomme comme en temps de guerre. A Turin, malgré son ascendant personnel, le maréchal ne put contenir les gens de pied. Un jour, vers le mois de février, il apprit qu'un soulèvement militaire se préparait. Il fit entrer secrètement dans la ville la compagnie des Suisses, commandée par le capitaine Apro, et l'établit dans le château même. Au jour marqué, les conspirateurs se portent en tumulte au pied de la herse. Ils sont accueillis par une forte décharge d'arquebusades et ripostent à leur tour. Avant de continuer le feu, Brissac envoie en parlementaires le président Birague, les capitaines de Monfort et de Richelieu. Les séditieux refusent de déposer les armes. Force fut au maréchal de capituler ou de continuer, sous les yeux du duc de Savoie, une guerre civile inégale. Il s'adressa aux juifs, aux banquiers, aux commerçants de la ville et emprunta à des taux élevés 80.000 livres. Le capitaine Apro et les hommes de sa compagnie prêtèrent 12.000 livres.

Pendant la négociation de cet emprunt, un matin, au lever du jour, les Suisses de la garde du château aperçurent deux enseignes en embuscade à cent pas des portes. Le maréchal les fit régaler d'arquebuzades. Ils cogneurent que le pot aux roses estoit descouvert et par ainsi s'en retournarent. Le maréchal distribua les 80.000 livres, mais il ne pardonna pas aux révoltés. Les compagnies les plus coupables étaient celles de Villambis et de Tilladet. Brissac leur ordonna de se rendre à Carmagnoles. Montfort et ses gens d'armes les attendaient sur la route. Au moment où elles passaient sans défiance, les cavaliers les chargèrent l'épée à la main. et tuèrent une cinquantaine d'hommes. Le reste prit la fuite et se réfugia dans les villes voisines. Averties par ce terrible exemple, les autres garnisons rentrèrent dans l'obéissance.

Après une longue attente, le duc de Savoie, jugeant son crédit solidement établi auprès de François II, quitta la cour vers le mois d'octobre avec la princesse Marguerite[23]. Il emportait de France un vif ressentiment contre le maréchal et se flattait d'avoir raison de son zèle. Il arriva en Italie au commencement de décembre. Brissac, d'un côté, les représentants du prince en Piémont, de l'autre, bataillaient avec aigreur sur une contestation que le maréchal avait vainement essayé de prévenir quelques mois auparavant. Le traité de Cateau-Cambrésis stipulait que la France garderait les places de Turin, Chiesi, Villeneuve d'Asti, Chivasso et Pignerol, mais le traité ne réservait à chaque ville qu'une enceinte de demi-lieue de large, insuffisante pour nourrir les habitants et la garnison. Les dangers de cette délimitation se firent bientôt sentir. A peine les frontières étaient-elles tracées que le duc établit des douanes et des péages qui doublaient le prix des denrées. La conséquence prochaine de ces mesures était le dépeuplement des terres qui demeuraient à la France. La récolte en 1559 avait été mauvaise dans le nord de l'Italie et les habitants des provinces, découragés par les restrictions fiscales du duc, n'apportaient aucune denrée sur les marchés des cinq villes. En attendant le règlement du litige, Brissac obtint dix mille sacs de blé de Provence ou de Lyonnais, provision dérisoire qui fut consommée en peu de semaines.

Aussitôt après l'arrivée de Philibert Emmanuel en Italie, le 10 décembre, Brissac lui envoya à Nice le s. de Montbazin pour le saluer et lui demander la suppression des douanes. Le duc accueillit le messager avec bienveillance et, sans entrer dans le détail des faits, promit de satisfaire le lieutenant du roi. Mais le lendemain, informé par ses officiers du succès de son administration intérieure, il retira toutes ses promesses[24] et envoya au roi de nouvelles plaintes contre le maréchal. La Savoie était représentée à la cour par deux personnages importants, Jérôme de la Rovere, évêque de Toulon, qui avait eu l'honneur de prononcer l'oraison funèbre de Henri II, et les de Coconas, dont le fils devait jouer un grand rôle dans les annales galantes de la cour. Tous deux soutinrent les récriminations de leur maître et les présentèrent en forme de menaces. Aussitôt le roi adressa de nouveaux reproches à son lieutenant. La lettre allait être expédiée par courrier quand arriva une dépêche du maréchal qui faisait valoir les promesses du duc de Savoie. Le secrétaire du Thier arrêta la lettre du roi ; mais l'évêque insista tellement et trouva tant de crédit au conseil que les reproches furent envoyés à leur adresse[25]. A cette nouvelle injustice, Brissac, exaspéré par la faiblesse et la partialité du roi, demanda pour la seconde fois sa retraite immédiate. Les secrétaires d'état conseillaient de rappeler un gouverneur que le duc de Savoie visait comme son ennemi personnel. Lui-même se disposait à partir, quand une lettre du duc de Guise le détermina à rester en Piémont jusqu'à l'arrivée de son successeur[26].

Enfin, au mois d'avril 1560, Brissac obtint son remplacement et reprit le chemin de la cour. Il était accompagné des juifs et des marchands qui lui avaient prêté les 80.000 livres. En arrivant à Montlhéry, il reçut du roi l'ordre de le rejoindre à Dampierre, chez le cardinal de Lorraine, mais de laisser son cortège en route. Il refusa d'abandonner ses créanciers et les conduisit tous au roi. A la première demande de remboursement, le conseil objecta la pauvreté du trésor royal. Brissac ne put obtenir qu'une assignation sur de futures coupes de bois. Indigné, il fit honneur lui-même à sa signature. Il commanda à la maréchale d'apporter à Fontainebleau les 20.000 écus qu'il avait économisés pour marier sa fille aînée, emprunta le reste aux usuriers de Paris et distribua la somme entière. Cet acte de générosité, inattendu à la cour, excita l'admiration générale. Le roi, à défaut de récompense, lui envoya ses félicitations. La fille du maréchal, Diane de Cossé-Brissac, dépouillée de sa dot, n'y perdit rien ; elle épousa le comte de Mansfeld[27]. La reine nomma Brissac gouverneur de la Picardie[28]. Telle était la faveur du roi pour son ancien lieutenant en Piémont qu'il paraissait disposé, d'après Boyvin du Villars, à lui confier le maniement de l'estat[29].

Le successeur du maréchal de Brissac, Imbert de la Platière, seigneur de Bordillon, plus tard maréchal de France, entra en fonction vers le 1er mai 1560. Le duc de Savoie entama immédiatement avec lui une lutte de tarifs, de requêtes, de plaintes, de représentations, qui prouve toute la fertilité d'esprit de ce prince italien, décidé à expulser par tous les moyens pacifiques le roi de France de la péninsule. Il avait inventé d'interdire à tout propriétaire de terres situées dans ses propres domaines de séjourner dans les villes du roi sous peine de confiscation de biens. C'était la dépopulation à bref délai de ces villes qu'il décrétait par des moyens détournés. Bordillon eut beaucoup de peine à obtenir le retrait de cette ordonnance. Il avait reçu de la reine mère l'instruction de maintenir la paix à tout prix et de soumettre les cas difficiles à Marguerite de France, que la double situation de fille de France et de duchesse de Savoie vouait au rôle d'arbitre[30]. Malheureusement, aussitôt après son arrivée en Piémont, la princesse tomba gravement malade. Catherine de Médicis envoya en poste à Turin un de ses médecins, le s. de Castellan.

Pour vous sire scavoir, écrit le duc de Savoie à Cathe- rine de Médicis, des nouvelles de madame ma femme, encores que ceste malladye soit longue et que cella me donne le plus grand regret et desplaisir que je puisse avoir en ce monde pour l'affection que j'ay à une personne que j'ayme tant, si est-ce que peu à peu elle va toujours en amendant ; et me promettent les médecins, mesmement le s. de Castellan, une si bonne espérance que cela me fait porter cet ennuy plus patiemment. Il ne reste plus qu'à donner ordre à une grand maigreur et débilitation qui luy est demourée de sa malladye, à quoy je m'attends bien que led. s. de Castellan ternediera, veu le bon debvoir qu'il y fait et aussi qu'il sera creu de tout ce qu'il ordonnera pour la santé de mad. femme[31].

Le duc de Savoie avait mis le temps à profit. Il avait inventé des restrictions nouvelles et les appliquait rigoureusement. Ses officiers de finance le servaient avec tant de dévouement que Bordillon, même à prix d'or, ne put se procurer copie de ses ordonnances fiscales. Le ravitaillement des cinq villes exigea autant de négociations que le traité de Cateau-Cambrésis. Blâmé une première fois sur la question des tarifs par le conseil du roi, dont il feignait de respecter les arrêts en sa qualité d'époux d'une fille de France, le duc transforma ses ordonnances ; il interdit le transport des marchandises entre les cinq villes et les isola comme en pays ennemi. La délimitation de la terre neutralisée fut aussi l'objet de querelles où sa mauvaise foi se donna libre carrière. La vente du blé et le transport du sel furent écrasés d'impôts, les péages multipliés, les sauvegardes abolies, les droits personnels des habitants, fidèles à leur ancienne résidence, entourés de formalités inextricables. Jamais souverain, esclave de la lettre d'un traité, n'en offensa plus audacieusement l'esprit[32].

Après avoir longtemps lutté sans importuner le conseil de ses plaintes, Bordillon s'adressa à la reine mère et lui écrivit que le duc de Savoie se conduisait en Piémont comme le pire ennemi du roi[33]. Marguerite de France s'efforça d'atténuer la valeur de ces reproches. Nous ne voulons, écrivit-elle au cardinal de Lorraine, que remédier aux abus, réprimer les fraudes. Le duc a tant de charges pour satisfaire au fournissement des vivres qu'il doit aux cinq villes ! Puis, faisant allusion aux difficultés qu'elle trouvait dans sa nouvelle cour : Mon cousin, dit-elle, pource que vous estes celluy à qui je me plains privement de ce que l'on nous faict, je vous prie vouloir pourvoir à ceste alaire et avoir esgard qu'au sortir de ma maladie et pensant me remettre du tout, fus en Piémont, où, je voys, je y auray bien peu de contentement et de plaisir, si vous ne faites que je y puisse vivre en paix et faire cesser toutes ces cryeries[34]. En même temps l'habile princesse recherchait l'alliance de Philippe II pour le cas où le roi de France prêterait l'oreille aux plaintes de Bordillon[35].

Marguerite adressait des justifications aux ministres du roi, mais le duc de Savoie n'en poursuivait pas moins ses errements ordinaires. Bordillon, découragé, avait déjà demandé à revenir en France[36], quand les difficultés reçurent une solution inattendue. La guerre civile avait commencé en 1562. Catherine de Médicis, débordée par les ennemis de l'intérieur, résolut de sacrifier les villes piémontaises, qui n'étaient d'aucun rapport et dont la possession allait devenir un ferment de discorde avec le duc de Savoie, et d'acheter ainsi un allié fidèle sur les frontières du Dauphiné et de la Provence. Les négociations furent conduites par Charles de Birague[37] et par Florimond de Robertet, s. d'Alluye[38]. En vain Bordillon protesta contre cet acte de faiblesse[39]. Il envoya au roi mission sur mission et ne put se faire écouter[40]. Après de longs pourparlers, conduits par le duc de Savoie avec autant d'âpreté que la cour de France y mettait d'indolence, le cardinal de Lorraine, avant de se rendre au concile de Trente[41], signa à Fossano au nom du roi, le 2 novembre 1562[42], un nouveau traité aux termes duquel les villes de Turin[43], de Chieri, de Villeneuve d'Asti[44], de Chivasso et de Pignerol retournaient au duc de Savoie en échange des places de Savigliano[45] et de Pérouse[46]. Le marquisat de Saluces fut détaché du Dauphiné et réuni au nouveau gouvernement du Piémont[47]. Les villes remises au roi étaient moins importantes que les anciennes, mais elles occupaient un territoire mieux délimité. On croyait encore au XVIe siècle que l'intérêt du roi de France était de conserver quelques possessions en Italie, afin de pouvoir y rentrer un jour en maître. Les trois places ne restèrent pas longtemps entre les mains du roi. Henri III, à son passage en Piémont en 1574, les restitua sans motif au duc de Savoie. Le marquisat de Saluces fut conquis par Charles-Emmanuel en 1588, repris par Henri IV et définitivement abandonné à la Savoie en 1601 en échange de la Bresse et des cantons du Bugey, situés à l'occident du Rhône.

La restitution des places du Piémont consomma la séparation de la France et de l'Italie septentrionale. Malgré quelques retours de la France au delà des monts, justifiés par la rivalité de la France et de l'Autriche plutôt que par la passion des conquêtes, l'Italie commença dès lors à vivre de sa vie propre. La perte de notre puissance au sud était sans doute regrettable, mais elle était amplement compensée par les progrès de la France au nord, progrès qui devaient s'étendre, dès la fin du XVIe siècle, sous la courageuse et sage dynastie des Bourbons.

Toscane. — Le départ des Français rendait les Italiens à eux-mêmes et les livrait aux petits despotes de leur race. Toutes les municipalités, tous les seigneurs rêvaient leur propre indépendance. Chacun n'ayant rien de plus odieux que la supériorité de son voisin, aucune agrégation un peu considérable ne paraissait possible, si ce n'est au prix de la violence. Telle fut l'œuvre du souverain le plus hardi et le plus ambitieux de l'Italie centrale, de Cosme de Médicis, grand-duc de Toscane[48]. Cosme s'était élevé par degrés au premier rang à Florence. Toujours en guerre avec les Strozzi, ses rivaux, avec les républiques de Piombino, de Lucques, de Montalcino et de Sienne, il avait acquis une grande puissance en Italie. Les conspirations, les trahisons et l'assassinat étaient ses armes favorites ; mais les mœurs de l'Italie ne condamnaient pas ces moyens. Les plus grands princes, les rois de France et d'Espagne, l'empereur et le pape, suivant les nécessités de leur politique, briguaient son alliance. Il les trompait tous trois à son profit.

La grande œuvre de sa vie fut la conquête de Sienne. Une haine ardente, tout italienne, divisait les villes de Sienne et de Florence. Cosme n'épargna aucun de ses moyens ordinaires pour réduire la célèbre république. Aidé des Espagnols, qui poursuivaient la politique de la France dans toutes ses entreprises en Italie, il envoya, au commencement de 1554, le marquis de Marignan avec une forte armée dans la Marenne[49]. Pierre Strozzi, le héros de l'indépendance siennoise, avait presque autant de troupes, mais elles se composaient de mercenaires peu solides devant l'ennemi. Il fut battu deux fois, le 20 juillet, à Marciano, et, le 3 août, à Lucignano. Après cette double déroute, la ville, défendue par Blaise de Monluc, l'auteur des Commentaires, fut assiégée et resserrée par un blocus impitoyable. Le marquis de Marignan fut le premier de ces lieutenants impériaux dont la férocité semblait être le caractère principal. Vingt ana plus tard, il servit de modèle au duc d'Albe. La ville manquait de vivres. Les femmes, les enfants, les vieillards, inutiles à la défense, que Blaise de Monluc était obligé d'expulser de la ville à mesure que les vivres se faisaient rares, furent tous livrés aux soldats ou égorgés[50]. Les paysans du voisinage, qui s'efforçaient de ravitailler la ville, étaient pendus sans jugement. Menacé dans ses approvisionnements par les Italiens de la Marenne, Marignan prit la résolution de la dépeupler. Les villages de la province entière furent brûlés, les habitants égorgés, les récoltes détruites. Pendant qu'une moitié de l'armée hispano-florentine livrait à Monluc de glorieux combats sous les murs de la ville, l'autre moitié, le fer et la torche à la main, transformait la province en un vaste désert. Encore aujourd'hui, dit Sismondi, l'État de Sienne porte la trace de la barbarie florentine. Les terres de la plaine, laissées longtemps incultes, sont devenues des marais pestilentiels qui éloignent les immigrants[51].

Après une lutte acharnée, les assiégés, réduits à leur dernier morceau de pain, furent obligés de capituler. Le 21 avril 1555, les troupes françaises de Blaise de Monluc et la plupart des habitants sortirent de la ville. Les Siennois s'établirent à Montalcino, petite ville forte sur la route de Rome, et y fondèrent une république libre qui dura jusqu'au traité de Cateau-Cambrésis. Sienne et l'État siennois restèrent deux ans entre les mains de Philippe II. La ville, conquise au prix de tant de sang par l'or et l'armée de Cosme Ier, faillit lui échapper. Le roi d'Espagne voulait la donner aux frères Carafa, neveux de Paul IV, puis à Antoine de Bourbon, en échange de la Navarre espagnole[52]. Enfin, il la remit au duc de Toscane. Le 19 juillet 1557, Cosme Ier en prit possession. Philippe II se réserva seulement les ports d'Orbitello, de Porto-Ercole, de Telamone, de Monte-Argentaro et de Porto-San-Stefano. Ces remaniements furent ratifiés par le traité de Cateau-Cambrésis[53]. Les cinq villes formèrent un petit État qui a longtemps gardé son indépendance sous la domination nominale de l'Espagne. Cette séparation, aggravée par des entraves commerciales et par des tarifs judaïques, priva le Siennois de ses communications avec la mer et contribua, dit Sismondi, à entretenir l'état effrayant de désolations de la Marenne[54].

Depuis le jour de la conquête de Sienne, la grandeur de Cosme de Médicis demeura sans rivale en Italie. Il s'appliqua à guérir les maux que sa politique sanguinaire avait causés. Une administration sage, des fondations commerciales, une économie rigide, la création de canaux, des ports de Livourne et de Porto-Ferrajo, rendirent la prospérité à la Toscane. Cosme reçut le surnom de Grand ; il avait fondé l'État le plus puissant de l'Italie centrale.

Ferrare. — Hercule d'Este, duc de Ferrare, prince éclairé, ami des arts et des lettres, avait épousé Renée de France, fille de Louis XII. Sa politique, après avoir longtemps oscillé entre l'Espagne et la France, s'était résolument fixée en faveur de Henri II. Beau-père du duc de Guise, il devint le représentant le plus autorisé du roi au centre de l'Italie. Après sa mort (3 octobre 1559[55]), Renée de France quitta Ferrare[56] et s'établit à Montargis. La retraite de cette princesse, protectrice de Marot, imbue des principes de la Réforme, mais également éloignée des violences des deux partis, restée française au milieu des splendeurs de la renaissance italienne, était un échec pour le roi. Le nouveau duc de Ferrare, Alphonse d'Este, bien qu'il eût été élevé à la cour de France[57], ne suivit pas les leçons de sa mère. Il se mit au service de la politique espagnole et ne se distingua que par son faste. Il s'est rendu tristement célèbre en persécutant le Tasse. Après sa mort, ses états retournèrent au Saint-Siège.

Montferrat. — L'article 19 du traité de Cateau-Cambrésis stipulait que le marquisat de Montferrat serait restitué au duc de Mantoue. Le Montferrat appartenait à Frédéric II de Gonzague, mais avait été séquestré par ordre de Charles-Quint. Rentré en possession de ses terres, le 3 novembre 1536, le marquis se mit au service de l'Espagne. Ses états furent plusieurs fois occupés, pillés, évacués et repris par les armées françaises. Le traité de Cateau-Cambrésis les assura définitivement à ses fils et y adjoignit la ville de Cazal, que le hasard de la guerre avait laissée entre les mains du roi[58]. C'était un succès pour la maison d'Autriche, dont les Gonzague étaient les lieutenants.

Corse. — La Corse était unie à la France depuis 1553. La domination du roi, que rien n'appelait dans l'île, ni les souvenirs ni les intérêts, y avait été introduite par l'énergie indomptable d'un capitaine de fortune, Petro de Bastelica, dit Sampiero Corso, et acceptée avec empressement en haine des Génois. Sampiero, né vers 1498, avait fait ses premières armes en Italie dans les bandes noires de Jean de Médicis. Nommé colonel général de l'infanterie corse vers 1527[59], Sampiero fit la guerre aux Impériaux jusqu'à la fin du règne de François r avec une bravoure qui illustra son nom. En 1535, pendant le séjour de Charles-Quint à Rome, il proposa au cardinal du Bellay de terminer la guerre en assassinant l'empereur. Ainsi qu'il passeroit sur le pont Saint-Ange, dit Brantôme, Sampiero viendroit à luy, luy donneroit un grand coup de dague, estant tout à cheval, et aussitôt se précipiteroit à cheval du haut du pont dans le Tibre, où estant dedans, luy, qui scavoit nager comme un poisson, nageroit si bien entre deux eaux qu'on ne le verroit point. Le cardinal du Bellay n'osa prendre sur lui d'autoriser un si grand crime ; il voulut en référer au roi. Dans l'intervalle, l'empereur quitta Rome et le coup fut failly[60].

Au commencement du règne de Henri II, Sampiero Corso, malgré l'obscurité de sa naissance, épousa une des plus nobles filles de son pays natal, Vanina d'Ornano. Il devint le plus important seigneur de la Corse et rêva de donner son pays à la France en chassant les Génois. La reprise de la guerre en 1552 lui offrit l'occasion. Aidé par Paule de Thermes, lieutenant de roi en Italie, il obtint les compagnies italiennes de Jourdain des Ursins, de Jean de San-Séverin, duc de Somme, et quelques autres, enrôla tous les Corses réfugiés sur le territoire de la péninsule et fit transporter son armée, dont il était l'âme, sous les murs de Bastia par les galères françaises du baron de la Garde et par la flotte du corsaire Dragut. A la fin d'août 1553, il s'empara de Bastia, et bientôt après de Saint-Florent, de Corte et d'Ajaccio. L'occupation de Bonifacio, ville riche, que Sampiero refusa de livrer au pillage des Turcs, le brouilla avec Dragut. Bientôt André Doria, amiral au service de la république de Gènes, débarqua dans l'île. La guerre prit alors le caractère féroce des guerres civiles. La population presque entière courait sur les pas de Sampiero Corso pour échapper aux Génois. Les coups de main, les embuscades ensanglantèrent les moindres villages. Les qualités de Sampiero trouvaient leur emploi dans cette lutte. Les Génois, repoussés à chaque rencontre, se renfermèrent dans les villes qu'ils possédaient encore, ravitaillés par la mer, dans l'attente d'un siège, tandis que leur ennemi promenait victorieusement dans la campagne l'enseigne fleurdelisée.

Ainsi s'écoula le règne de Henri II. Dès les premières négociations de Cercamp, le 21 octobre 1558, les représentants de Philippe II demandèrent la restitution de l'île à la république de Gênes. Les députés français refusèrent. La revendication fut renouvelée le 23 octobre, le 9 et le 13 novembre, et soutenue par le duc d'Albe à force d'arguments juridiques et historiques[61]. Le connétable et le cardinal de Lorraine, désunis sur tant de points, s'accordaient à garder la Corse. Français et Espagnols sentaient que la possession de file assurait la prépondérance de leur maitre sur la Méditerranée. La question était encore en suspens quand la mort de Marie Tudor interrompit les délibérations des plénipotentiaires. A Cateau-Cambrésis la discussion fut reprise. Pendant de longues semaines, le sort de la Corse fut débattu avec autant d'acharnement que la propriété de Calais. Les officiers du roi en Italie et surtout Sampiero Corso aiguillonnaient le zèle des ambassadeurs français. Mais la Corse fut enfin sacrifiée et l'article promit la restitution de l'île aux Génois.

Le roy très Chrestien recevra les Génois en sa bonne grâce et amitié, oubliant toutes causes de ressentiment qu'il pourroit avoir à l'encontre d'eux, et en ceste considération leur restituera toutes les places que présentement ils tiennent en l'hile de Corsique, à la charge aussi que les dits Génois ne pourront directement ni indirectement user de quelque ressentiment à l'encontre de leurs dits sujets, soit de la dite isle de Corsique ou autres, à l'occasion des services que, comme qu'il soit, ils peuvent avoir fait audit seigneur très Chrestien ou à ceux de son côté dans ceste guerre.

A cette nouvelle, les principaux chefs de bande, qui combattaient sous les ordres de Sampiero Corso depuis le commencement de la guerre de l'Indépendance, se réunirent à Ajaccio en présence de Jourdain des Ursins, lieutenant du roi, et protestèrent contre l'injuste abandon de la France : Sire, écrit Jourdain des Ursins, ce seroit chose trop longue d'escripre à Vostre Majesté, par le meneu, toutes les choses qu'ils me dirent, car, pendant une grosse heure, ce ne feust que pleurs et lamentations, vous disant en substance, Sire, que c'estoit la plus grand pitié du monde de les voir[62]. Les capitaines chargèrent Sampiero et deux d'entre eux d'apporter leurs plaintes au roi.

La cour était en fête quand les députés corses arrivèrent à Paris. On attendait l'ambassadeur d'Espagne. Le mariage de la princesse Élisabeth était proche. Les députés ne furent même pas écoutés. Ils reçurent de Henri II l'assurance que ses sujets de ladite isle de Corseque ne seroient plus aucunement inquiétez par les Génevois et qu'ils jouiroient en sûreté de tous et chascuns leurs biens[63]. François II ne leur accorda pas davantage. Il les renvoya avec une lettre aux habitants qui équivalait à une fin de non-recevoir : Par quoy, en vous acomodant au temps et à l'occasion qui s'offre, il fault que vous espériez de vivre doresnavant en repos et tranquillité, vous pouvant asseurer de nostre amitié et qu'en tous lieux et endroits où nous aurons moyen et pouvoir de faire pour vous et les vostres, nous nous y employerons d'aussi bon cueur que le meilleur et le plus parfait ami que vous ayez[64].

Livrés à eux-mêmes, sans alliés, sans secours, les chefs du parti français prirent la résolution héroïque de poursuivre à eux seuls la guerre de l'Indépendance. Pendant que Jourdain des Ursins passait la mer pour demander au roi les sommes nécessaires à la solde des gens de pied, Sampiero Corso appelait aux armes les durs montagnards du Rotondo, les proscrits, les victimes des Génois, les hommes qui s'étaient compromis en faveur de la France, les capitaines de profession que la paix jetait sur le pavé. Les premiers Génois qui débarquèrent furent reçus à coups d'arquebuse. Déjà les soldats des places fortes de l'île s'étaient joints aux rebelles. Le duc d'Albe, retenu encore à la cour de France par le mariage d'Élisabeth de Valois, pressentit la gravité de la sédition. Aussi perspicace que son maitre, il reconnut dans le mouvement l'intervention déguisée de la cour de France. Il s'inquiéta surtout des agissements de Jourdain des Ursins, qui allait et venait de Marseille à Ajaccio et d'Ajaccio à Marseille, et demanda des explications au cardinal de Lorraine. L'habile ministre sentait le prix de la Corse et voulait attendre les effets de la révolte. Il répondit au duc d'Albe que Jourdain des Ursins n'avait charge que de restituer la Corse à ses possesseurs légitimes, mais que le licenciement des troupes était onéreux pour le trésor du roi et le transport de l'artillerie long et difficile[65]. Le roi confirma cette déclaration et commanda à Jourdain des Ursins de rejoindre à Marseille Boistaillé et le chevalier de Seure, chargés de l'exécution du traité[66]. Des Ursins ne rêvait que de rendre un grand service au roi, même à son insu et malgré ses ordres, en gardant la Corse. Il partit pour Lyon et entama un marché secret avec les banquiers de la ville au profit de la sédition. Malheureusement, il ne réussit pas. Découragé par l'insuccès et par le mauvais vouloir du roi, il rejoignit les deux négociateurs à Marseille et passa la Méditerranée[67]. L'insurrection n'avait pu tenir la campagne, malgré la bravoure de Sampiero. Ses troupes étaient dispersées et lui-même en fuite dans la montagne. Des Ursins fut obligé de livrer les places fortes aux Génois, ramassa ses compagnies à Ajaccio et s'embarqua avec elles le 7 novembre 1559.

Pendant trois ans, l'île subit un joug détesté. Soumis à des entraves commerciales qui les empêchaient de vendre leurs produits à d'autres acheteurs qu'à des Génois, rançonnés par un vainqueur sans pitié, victimes de vengeances implacables, les Corses ne cessèrent de conspirer contre leurs maîtres. L'ardent Sampiero était l'âme de la résistance. Réfugié à Marseille avec sa femme et ses enfants, chaque jour menacé d'assassinat, il vivait misérablement d'une pension que lui avait accordée le roi de France sur l'imposition foraine de Villeneuve-lès-Avignon[68]. Il implora en faveur de sa patrie le secours du duc de Florence, dont la fortune frappait les imaginations italiennes. L'ambitieux Cosme Ier aurait désiré, mais n'osa pas s'engager, sans l'autorisation de Philippe II, dans une aventure aussi périlleuse[69]. Le 25 juin 1561, Sampiero écrivit à la reine mère : Les gentilshommes et les peuples de mon pays sont décidés à vivre et à mourir sujets fidèles du Roy. Que la Royne consente à me donner les moyens de lever une compaignie de mille hommes et je me charge de conquérir à nouveau la Corse pour le compte de la couronne. En désespoir de cause, j'iray jusqu'à solliciter l'appui du Turc, afin d'ayder ma patrie à s'arracher des mains des tyrans, qui, sans crainte de Dieu ni d'aucun monarque et sans respect pour les lois, l'oppriment et la torturent[70].

La reine mère craignit de violer, pour satisfaire aux passions de la Corse, la clause la plus discutée du traité de Cateau-Cambrésis. Cependant elle proposa à Sampiero d'aller à Constantinople et lui donna des pouvoirs auprès de Soliman. En même temps, le roi envoya le baron Cochart, son valet de chambre, au Grand Seigneur pour négocier un emprunt de deux millions d'or[71]. L'argent et les armes, les flottes et l'armée du Turc, si le Turc se décidait à les envoyer en Corse, devaient, en cas de victoire, profiter à la cour de France, et la négociation, en cas d'insuccès, pouvait être désavouée. Sampiero entama les pourparlers à Alger et ne put rien obtenir des successeurs de Barberousse qui ne rêvaient que le pillage. Aussitôt arrivé à Constantinople, au lieu de tenir sa charge secrète, il s'annonça comme un ambassadeur extraordinaire, supérieur en grade aux représentants du roi. Dans les villes de son passage, il exigeait fanfares et entrées, et prétendait à la préséance comme un prince du sang. Les Génois furent avisés de la mission par Cosme de Médicis : Nous sommes informés, par lettre de notre gouverneur du Levant, écrit Cosme de Médicis à l'abbé de Negro, son plénipotentiaire à Gênes, que le colonel Sampiero Corso y était arrivé avec douze capitaines de son île, et, comme nous pouvons penser que les intentions de cet homme ne tendent qu'à quelque funeste projet, il nous a paru convenable de vous le faire savoir, afin que vous en donniez connaissance de notre part à l'illustrissime Seigneurie[72]. Le secret d'une mission annoncée avec tant de fracas fut bientôt pénétré par les Génois. Sous prétexte de demander au Grand Seigneur des privilèges commerciaux analogues à ceux des Vénitiens, ils envoyèrent à la Porte une ambassade, chargée d'or et de présents, qui acheta facilement les ministres du Sultan[73]. Six mois après, le sieur de Pietremol, ambassadeur de France, racontait malicieusement l'échec du hardi capitaine : Le colonel Sanpetre, Corse, depuis huit jours, a baisé la main du Grand Seigneur pour prendre congé et a eu bonnes et douces paroles.... ; mais de prêter argent, on n'en parle point Ledit colonel n'attend que les lettres du Grand Seigneur, en responce de celles du Roy, et la commodité de son voyage de s'en retourner, pour passer avec quelque galliotte en Tripoli ou en Alger et de là à Marseille[74].

Peu de jours après avoir quitté Constantinople, Sampiero Corso reçut des nouvelles qui le frappèrent dans ses affections de famille. Les Génois avaient tout mis en œuvre pour prendre en otages la dame Vanina d'Ornano et les enfants de Sampiero. Ils achetèrent son intendant, Augustin-Bazzica Lupo, que les affaires du maitre obligeaient à de fréquents voyages à Gênes, et un prêtre, M' Michel, gouverneur de ses deux fils. Ces deux conseillers persuadèrent à Vanina qu'en se rendant à Gènes elle obtiendrait de la République le rappel des arrêts de proscription et de saisie qui frappaient son mari et ses biens. Peut-être, dit de Thou, cédait-elle à la tentation de s'éloigner d'un homme plus âgé qu'elle, d'un caractère sombre et vindicatif, toujours prêt à hasarder le repos de sa famille dans des conjurations aventureuses. Le dessein arrêté, Vanina envoya à Gènes ses meubles, ses joyaux, tout l'or dont elle put disposer. Surprise au moment du départ par un réfugié corse, Florio de Corte, ami de son mari, elle le fit étrangler par des esclaves turcs. Puis elle s'embarqua avec le plus jeune de ses fils et le prêtre Michel, qui s'était chargé de la conduire. Sa fuite fut bientôt connue. Un compagnon d'armes de Sampiero, Antonio de San Fiorenzo, monté sur un brigantin, la rattrapa en mer et la conduisit à Antibes, où elle fut remise à la garde du Parlement de Provence, à Aix.

Sampiero faisait escale aux côtes d'Afrique quand il apprit à la fois la fuite de sa femme et l'enlèvement de l'un de ses fils. Le coup l'atteignit profondément. Pendant qu'il se plaignait à ses amis, l'un d'eux, Pierre-Jean de Calvese, dans l'espoir de le calmer, lui avoua maladroitement qu'il connaissait depuis longtemps le secret de sa femme. A cet aveu, Sampiero se jeta sur lui et le tua de ses propres mains pour le punir de sa discrétion. D se rendit à Marseille, puis à Aix, et le même soir demanda la prisonnière. Le parlement refusa de le laisser pénétrer auprès d'elle avant de connaître ses résolutions. Ici commence le drame qui eut tant de retentissement à la cour de France. Vanina, reprise des sentiments héroïques de son mari, voulut le suivre à Marseille. La maison était dépouillée des meubles, que la malheureuse avait envoyés à Gènes. La vue des murs dénudés ralluma la colère de Sampiero. Il se mit aux genoux de sa femme et lui dit avec beaucoup d'honneur, que la trahison commise méritait la mort et qu'elle allait être étranglée par les esclaves. Elle ne tenta pas de se justifier, dit d'Aubigné, et se contenta de lui dire : Il y a vingt ans que votre vertu m'a amenée à vous faire mon mari. Depuis ce temps, je n'ay souffert le toucher d'homme vivant que de vous. Je vous supplie que ma mort ne soit point souillée par ces vilaines mains, mais que les vôtres, honorables par leur valeur, me conduisent elles-mêmes au repos. Après ces paroles, qui ne l'émurent pas, Sampiero lui arracha ses jarretières et l'étrangla[75].

Le lendemain, Sampiero prit la poste et se rendit à la cour. La nouvelle du crime était arrivée avant lui..Plusieurs seigneurs, dit d'Aubigné, l'accueillirent par les marques d'horreur les plus vives. Le Corse leur montra les cicatrices des blessures qu'il avait reçues au service du roi. D'autres, plus avisés, feignirent d'admettre sans protester qu'en France on n'avoit pas à se mêler des affaires de famille. La reine refusa de le recevoir, mais elle s'adoucit bientôt. Séduite ou dominée par la passion implacable de ce condottieri, elle l'encouragea à poursuivre ses desseins contre les Génois et lui promit des secours.

Un rapport adressé au roi vers cette époque présente le tableau de cette administration génoise qui établissait sa souveraineté par les exactions et la terreur. Les impôts avaient été doublés, les droits d'héritage supprimés, la justice enlevée aux nationaux, les plus simples opérations commerciales frappées de telles entraves que les habitants des villes, qui ne cultivaient pas les terres de leurs propres mains, ne pouvaient vivre. Les vainqueurs s'étaient emparés des capitaines corses et avaient fait mourir, avecques grandz et insupportables tormentz, tous ceux qui avaient servi dans les armées du roi de France. Les habitants n'étaient guère mieux traités. Les bourgeois Rossel, de Brandi, Marque, Pollidiro, Dacosta, Togante, les neveux de Termo Gratiano, les parents de Sampiero Corso, une foule d'autres, lesquelz l'on ne nommera icy pour n'estre prolixe, avaient été suppliciés de mort cruelle, pendus par les pieds, brûlés vifs, mis à la chaîne, déportés après confiscation des biens. Des villages entiers, connus par leur attachement à la France, avaient été dépeuplés et les habitants, au nombre de huit ou neuf mille, vendus aux corsaires de Barbarie[76].

Après avoir reçu les promesses de la reine, Sampiero repartit pour Marseille et y réunit quelques aventuriers. Catherine avait donné 10.000 écus au fils Mué du colonel, Alphonse d'Ornano, avec des drapeaux ornés de la devise Pugna pro patria. Le 12 juin 1564[77], Sampiero, à la tête d'une poignée d'hommes, débarqua sur la plage de Valinco, à quelques lieues d'Ajaccio, s'empara des châteaux d'Istria et de Corti[78] et s'y fortifia. Bientôt, de tous les points de l'île, les ennemis des Génois accoururent sous ses armes. L'ambassadeur d'Espagne en France, don Francès de Alava, porta plainte à la reine mère. Catherine s'était munie d'une lettre de Sampiero rédigée en termes convenus et dont le texte dégageait la cour de France de toute complicité. Elle la montra au ministre de Philippe II et l'envoya à Jean d'Ébrard, s. de Saint-Suplice, ambassadeur du roi à Madrid, avec ses protestations de neutralité[79]. Dans son indignation simulée contre Sampiero, elle donna l'ordre de resserrer les enfants dudit colonel plus estroictement qu'ilz n'estoient, afin que cela le retienne[80].

L'ordre fut exécuté avec un certain apparat par un officier du roi, le s. de Pierrebon, lieutenant à Marseille. Je suys allé, écrit-il au roi, trouver les deux enffans du collonnel Sanpietro Corso en leur logis, et, le plus doulcement que j'ay peu, je les ay accompagnez au myen, où, après leur avoir fait entendre le commandement de V. M., je me suys asseuré de leurs personnes, ayant advisé les envoyer en la forteresse de la Garde[81].

La nouvelle de l'arrestation fut communiquée à l'ambassadeur d'Espagne. Si nous y pouvions faire davantage, écrit la reine mère à Saint-Suplice, nous le ferions comme j'ay dict à l'ambassadeur, requérant de faire davantage ; il (Sampiero) est en lieu là où nous n'avons nulle puissance de luy mal faire[82]. Philippe II ne fut pas dupe. L'intervention française était évidente, mais que servait de protester ? La duplicité de Catherine, les fausses déclarations de ses ministres, les mensonges de l'ambassadeur, la perfidie politique (dont il avait lui-même donné tant d'exemples et dont il devait faire l'arme de son gouvernement durant le cours de sa longue carrière) le touchaient dans ses plus chers intérêts en Corse, mais il préféra les subir en silence. En 1564, il n'était pas prêt à recourir aux armes. Ses conseillers les plus prudents s'offensèrent plus que lui et l'un des plus écoutés l'engagea à déchirer le traité de Cateau-Cambrésis. S'ils passent plus avant, écrit le cardinal Granvelle, le 8 août 1564, et que l'on y voit aller secours de Marseille, je tiens que le Roy, nostre maistre, pour faire ce qu'il convient, sera contrainct de se déclarer de guerre avec les François, et à la vérité, en ce cas, on aura par trop grande cause[83]. Bientôt Gènes, à bout de force, implora les secours de Philippe II. Un corps d'armée de 4.000 Espagnols débarqua à Ajaccio et se fondit en moins d'une année dans les défilés de la montagne[84].

Un mémoire inséré dans la correspondance des officiers du roi de France en Provence présente d'émouvants récits de la guerre de Corse. A Vescovato, sur neuf enseignes de gens de pied, les Génois perdirent 1.800 hommes ; à Gaule, près de la Bastie, 3.000 hommes ; à Campilore, le jour du débarquement d'Étienne Doria, 2,500 hommes. A la prise de Certaine, à la reprise d'Istrie, de Porteneese, de Leryo, les Génois qui avaient défendu ces villes furent tous passés au fil de l'épée. Ces désastres inspirèrent à Étienne Doria l'idée d'affamer le centre de l'île. Il ramassa en Italie 3.000 pionniers, les arma de faux, et les lâcha, sous la protection de quelques détachements génois, sur les blés mars et les récoltes des vallées. Sampiero laissa engager le dégast, fondit sur les soldats épars et les mit en pièces, saisit tous les pionniers et, par un raffinement barbare, les fit décapiter avec les faux mêmes dont ils avoient travaillé au dégast[85].

Pendant plus de deux ans, Sampiero Corso tint tête aux troupes coalisées de ses ennemis. Vainqueur dans une rencontre, il resserrait les villes, pillait les comptoirs, faisait pendre ou égorgeait de sa propre main les capitaines génois que le sort de la guerre lui avait livrés. A Vescovato, il les fit brûler vifs dans une maison fermée. Vaincu, il disparaissait dans la montagne et reparaissait bientôt avec de nouveaux compagnons fanatisés par son exemple. La république mit sa tête à prix ; elle offrait 3.000 écus d'or à celui qui le livrerait vivant, 2.000 à celui qui l'assassinerait. La guerre prit le caractère barbare des guerres civiles. Les deux partis ne faisaient quartier ni aux soldats, ni aux familles qui s'engageaient contre eux. Le capitaine Altobello de Gentili, blessé à mort de deux coups d'arquebuse, se fit amener tous les prisonniers génois et les poignarda lui-même avant de rendre le dernier soupir. Un autre capitaine, Antoine de Saint-Florent, livrait ses captifs à des chiens dressés à les mettre en pièces. Les Génois n'étaient pas moins féroces. Un capitaine corse de grand renom, Paris de Saint-Florent, retenu sur parole, fut pendu aux vergues d'une frégate et servit de cible aux arquebusiers. Les femmes se distinguaient par leurs cruautés ; elles égorgeaient les prisonniers, achevaient les blessés avec des raffinements barbares au cri de Liberia ! Carne ! Carne ![86]

On conserve à la Bibliothèque nationale la copie d'une curieuse lettre du terrible Sampiero à son fils. Il s'y peint tout entier : vainqueur impitoyable, il passe au fil de l'épée tous les vaincus ; ennemi des Génois, il parle de se donner au diable avec ses compatriotes plutôt que de subir une domination abhorrée ; capitaine inflexible, il demande la tête d'un lieutenant qui a mal défendu une place forte, et, ne pouvant l'atteindre, il égorge le fils de ce malheureux ; père de famille et père tendre quand ses passions politiques ne sont pas en jeu, il ouvre son cœur à son fils acné et lui dévoile tous les trésors de son affection paternelle[87].

La trahison apporta aux Génois un secours plus utile que celui du roi d'Espagne. Le 17 janvier 1567, Sampiero, conduit par un de ses écuyers, nommé Vittolo, sortit de Vico avec sa compagnie et s'engagea dans les défilés du Cauro. En route, il envoya Vittolo en reconnaissance devant lui. Tout à coup il se trouve en face des trois frères de la maison d'Ornano, qui avaient juré de venger le meurtre de Vanina. Attaqués à l'improviste, Sampiero et les siens se défendent en héros. L'issue du combat restait douteuse, quand un détachement de mousquetaires génois, commandé par Raphaël Justiniano, surgit d'une embuscade. Vittolo passe derrière son maitre et lui tire un coup de pistolet à bout portant. Sampiero tombe de cheval et est achevé par les soldats. Les assassins portèrent sa tête au capitaine François Fornari, gouverneur d'Ajaccio. Le gouverneur ordonna une grande fête et pendant trois jours fit tirer le canon et sonner les cloches. La somme promise en échange de la vie du colonel français fut régulièrement soldée, mais la répartition suscita des querelles entre les frères d'Ornano, qui avaient soutenu le combat, et les soldats génois qui avaient égorgé le blessé. Vittolo fut exclu du partage et chassé. Il laissa une mémoire abhorrée. Son nom est resté dans la langue du pays comme synonyme de traître[88]. L'assassinat de Sampiero mit en froideur la cour de France et la république de Gènes. La Seigneurie de Gènes, dit l'ambassadeur vénitien, Jean Corraro, n'est guère dans les bonnes grâces de cette couronne. Quand on apprit la mort de Sampietro Corso, chacun en montra du mécontentement, et on regrettait que la perte d'un tel homme dût mettre fin aux troubles de Corse[89].

La guerre se poursuivit encore pendant deux années, entretenue par les subsides de la cour de France et par le courage d'Alphonse d'Ornano, fils aîné de Sampiero. Mais les secours devenant de jour en jour plus rares, surtout pendant la guerre civile de 1567 et de 1568, d'Ornano ne put tenir la campagne. En vain il fit de nouveaux appels au duc de Florence[90]. Deux ans après la mort de son père, il signa, avec Georges Doria et Jérôme-Léon Anconitano, évêque de Sagone, une capitulation pour lui et pour les siens. Il s'embarqua le 1er avril 1569 et quitta la Corse pour n'y jamais rentrer. Il prit du service dans les armées du roi, resta fidèle à Henri III et à Henri IV, fut nommé maréchal de France et mourut en 1610. Son tombeau est au musée des antiquités de Bordeaux.

Deux siècles s'écoulèrent encore, marqués par une longue suite d'insurrections, de massacres et d'assassinats, avant que la France prit définitivement possession de la Corse.

Le nom de Sampiero est toujours resté populaire parmi les habitants. Au moment où nous écrivons, une souscription nationale élève une statue au premier libérateur de l'île, au héros de son indépendance, au premier Corse français.

États Romains. — En 1559, la tiare appartenait au pape Paul IV. Chef de la maison Carafa, de tout temps suspecte à Charles-Quint et dévouée à la France, Paul IV avait l'ambition de rendre l'indépendance à l'Italie. Il maudissait les rivalités qui avaient ouvert les portes de la péninsule à l'ambition des rois de France et d'Espagne ; mais il était surtout l'ennemi de Cosme de Médicis et des princes attachés à Philippe II. Son administration ne valait pas sa politique. Il avait livré la direction de sa puissance temporelle à ses deux neveux, le duc de Paliano et le cardinal Charles Carafa. Le duc n'avait fait la guerre que dans les troupes romaines. Le cardinal, ancien capitaine de gens de pied, avait servi avec honneur dans les compagnies du roi de France, notamment sous les ordres de Blaise de Monluc. Tous deux, à l'ombre de l'autorité de Paul IV, pillaient, rançonnaient, dépouillaient ses sujets et exerçaient à Rome un despotisme qui rappelle les tyrannies de l'antiquité. Le pape, circonvenu par les créatures de ses neveux, ignorait leurs crimes. Il les apprit enfin et se contenta d'exiler les coupables[91].

Paul IV avait accueilli avec peu de faveur la demande d'un concile universel contenue dans le prologue du traité de Cateau-Cambrésis. Il niait la nécessité de réformer l'Église et jugeait que les anciens canons suffisaient à la réglementation des difficultés nouvelles[92] ; il croyait dangereux de rouvrir de grandes discussions où l'autorité souveraine du Saint-Siège pouvait sombrer et où la cause du libre examen serait soutenue par des évêques d'opinions incertaines. Sa violence lui faisait perdre toute mesure. Un jour, il fit appeler Odet de Selve et Louis de Saint-Gelais-Lansac, représentants de France à Rome, et les interrogea sur les alliances du roi avec les princes protestants. Peu à peu, il s'anima contre les souverains catholiques qui désertaient la cause de l'Église, et qualifia leurs ministres de ministres du diable. Puis il dit aux deux ambassadeurs terrifiés : Cheminez droit l'un et l'autre, car je vous jure le Dieu éternel que, si je puis entendre que vous vous mesliez de telles menées, je vous feray voler les testes de dessus les espaule[93].

La mort de Henri II mettait en question la réunion du concile œcuménique. La fatale nouvelle resta quelques jours douteuse à Rome. Le 10 juillet, le nonce avait envoyé un courrier qui arriva dans la nuit du 17 au 18 juillet. Paul IV chargea l'évêque de Bergame de communiquer la dépêche à Philibert Babou de la Bourdaisière, évêque d'Angoulême, ambassadeur de France. Mais en même temps on reçut des lettres contradictoires et plusieurs jours se passèrent dans l'incertitude. Je commençay à doubter que led. nonce se feust un peu hasté d'escripre, écrit l'ambassadeur au roi, comme je luy ay veu faire despuis que je suis par deçà et en chose d'importance, où il n'a pas toujours esté heureux à rencontrer vérité. Le 31 juillet seulement, un messager de Lyon apporta la confirmation des lettres du nonce[94]. Il était parti le 12 juillet. On s'étonne de sa lenteur quand on voit la nouvelle des derniers moments du pape, un mois après, arriver à Philippe II, de Florence à Gand, en sept jours et demi[95].

Paul IV était hydropique. Les ambassadeurs des deux rois suivaient d'un œil attentif les progrès de son mal, surtout les représentants de Philippe II, roi d'Espagne, l'ennemi de ce vieillard. Sébastien de l'Aubespine, évêque de Limoges, écrit de Gand, le 15 juillet 1559 : Par les dernières que nous avons de Rome, Sa Majesté est asseurée de bon lieu que l'enfleure de Sa Sainteté monte fort et qu'elle commence à approcher l'estomach.... Je sais qu'il est veneu à ceste fin courrier exprès, non pas qui apportast l'extrémité, mais l'assurance de la voir bientôt[96]. Le 11 août, Paul IV se coucha pour ne plus se relever[97]. Il a un flux de ventre qui est petit, écrit Babou de la Bourdaisière, mais le desgonflement et la faiblesse sont telles que les médecins en font mauvaise estime. Quoi qu'il en soit, là où il eschappera ceste boarasque, ils ne luy donnent pas plus long terme que le mois de septembre prochain. Seul, le pape se faisait illusion. Il racontait que son père avait été atteint d'hydropisie comme lui à l'âge de quatre-vingt-trois ans, et qu'il avait vécu dix-sept ans avec cette infirmité[98]. Le 14 août, sentant ses forces décroître, Paul IV rassembla les cardinaux dans sa chambre et leur adressa une allocution sur les troubles religieux qui menaçaient la chrétienté et principalement la France. Il leur recommanda le très saint tribunal de l'Inquisition comme la meilleure arme du Saint-Siège. Le cardinal de la Cueva l'assista à ses derniers moments. Avant de rendre le dernier soupir, il renouvela ses prévisions sinistres sur le sort de l'Église et parla des espérances que lui inspirait la ferveur catholique du roi d'Espagne. Il expira le vendredi, 18 août, à la vingt et unième heure suivant l'usage de compter des Italiens[99].

Le secret de l'extrémité du pape avait été si bien gardé par les serviteurs du Vatican que l'ambassadeur de France, le 17 août, ne prévoyait pas une catastrophe aussi prochaine[100]. La nouvelle s'échappa du palais dans la nuit qui précéda le décès. Le 18 au matin, tandis que le Saint-Père rendait le dernier soupir, une insurrection éclata dans Rome. La populace se porta au Capitole et ouvrit une sorte de conseil à l'imitation des assemblées de l'ancienne Rome, sous la direction de magistrats improvisés, appelés Capporiens, qui jouaient le rôle de tribuns du peuple. Les séditieux se ruèrent sur le monastère de Ripetto, où demeuraient les frères inquisiteurs. Les prisons du Saint-Office furent forcées, les détenus délivrés, les registres et les dossiers brûlés, le monastère saccagé de fond en comble. Le palais de la Minerve, qui appartenait au grand inquisiteur, le cardinal Alessandrini, fut pris d'assaut et pillé. Le cardinal était en fuite. Le commissaire de l'ordre de Saint-Dominique fut blessé, les juges chargés de coups, un vicaire et trois frères de l'ordre égorgés. Pendant le pillage, on força les portes de la cave et 25 ou 30 bottes de vin grec, Lachryma, de Malvoisie, feurent tous gastez, versez, emportez.

Le lendemain de cet exploit, les factieux abattirent une statue de marbre, élevée à Paul IV sur le Campo d'Oglio, à l'occasion de la suppression des gabelles. Un homme tailla la barbe à coups de hache, brisa le nez et la main, et fit rouler la tête jusques au pied du mont Capitolin. Les coquins[101], dicts chanoines de Fiez, l'enveloppèrent de paille, le jetèrent sur un bûcher, et, après de nouveaux outrages, le couronnèrent d'un bonnet de Juif.

Pendant ces désordres, la ville de Rome était la proie de la plus vile multitude. Les princes et les cardinaux étaient gardés dans leurs palais par de nombreuses escouades de serviteurs armés ; mais les bourgeois, les marchands étaient rançonnés sans merci. Une troupe de Bravi, la dague à la main, parcourait isolément ou en compagnie les rues de la ville et prélevait sur les habitants et jusque sur les passants des impôts forcés sans cesse renouvelés. Les assassinats se comptèrent par centaines. Malheur aux faibles qui pouvaient avoir des ennemis ou seulement des envieux. Des spadassins à gages offraient leurs services aux maris jaloux, aux amoureux pressés, aux vieillards vindicatifs, aux héritiers lassés d'attendre. Les Bravi se faisaient concurrence et la vie d'un bourgeois romain avait baissé jusqu'à quatre écus[102].

Le 20, un crieur publia dans Rome, par ordonnance du peuple romain obedientissime et fidelissime, l'ordre d'effacer les armoiries des Carafa à l'extérieur ou à l'intérieur des maisons, sur peine d'estre tenu traistre de ce peuple et infâme. Le duc de Paliano et son frère avaient pris la fuite. Le cardinal rentra à Rome secrètement la veille de la mort du pape et se cacha chez le cardinal Carpi. Si l'un des deux Carafa se fût montré au milieu de l'exaspération populaire, il eût payé de la vie ses anciens crimes. Le corps de Paul IV fut porté sans pompe dans une chapelle de l'église Saint-Pierre par des serviteurs dévoués. Sept ans après, Pie V lui fit élever par Pyrrho Ligori, sculpteur napolitain, un mausolée de marbre dans l'église de la Minerve[103].

La France, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, presque tout l'ancien monde, longtemps agité par la rivalité des maisons de Valois et d'Autriche, étaient intéressés à l'élection du nouveau pape. La France redoutait avant tout un pape espagnol ; l'Espagne un français ; les Italiens un pape qui rappellerait l'étranger ; l'Allemagne un second Paul IV, capable de sacrifier la paix générale à l'anéantissement de la réforme. A Rome, le sacré collège n'était pas moins troublé. Les candidatures sérieuses s'étaient révélées avant l'ouverture du conclave. La France repoussait le cardinal Pie de Carpi à cause de ses tendances espagnoles[104]. Carpi, comblé des dons de François Ier, avait rempli les fonctions de légat en 1551 auprès de Charles-Quint et avait rapporté de la cour impériale un grand dévouement à la maison d'Autriche. A Rome, il était le rival de Hippolyte d'Este, cardinal de Ferrare, chef avoué du parti français. Il avait même réussi à l'expulser de la cour romaine pendant le pontificat de Paul IV[105]. Aussitôt après la mort de Henri II, l'ardent prélat, qui aspirait à la tiare, publia que son exclusion provenait de la haine personnelle du roi défunt et que le nouveau roi ne la ratifierait pas[106] ; mais François II confirma les instructions de son père[107] et l'ambassadeur de France les communiqua aux cardinaux de Ferrare, du Bellay, Robert de Lenoncourt et Reoman[108].

La France disposait d'un assez grand nombre de voix au conclave. L'ambition du roi était de faire décerner la tiare à Hippolyte d'Este, cardinal de Ferrare, ou au cardinal François de Tournon[109]. Hippolyte d'Este, né en 1509, archevêque de Lyon et d'Arles, cardinal en 1538, avait été chargé de diverses missions diplomatiques en Italie sous le règne de François Ier. En 1552, il était devenu lieutenant général du roi dans le duché de Parme et dans le Siennois, et, en 1554, protecteur de France à Rome. Il avait donné des gages de son dévouement au roi en convertissant au parti français son frère le duc de Ferrare. Le cardinal de Tournon, né en 1489, en Vivarais, archevêque d'Embrun en 1517, signataire du traité de Madrid, négociateur des mariages de François Ier et de Henri II, archevêque d'Auch et de Lyon, avait été le ministre favori de François Ier à la fin de son règne. Personne ne connaissait mieux que lui la politique de la France. Ses nombreuses missions à Rome l'avaient rendu familier avec les traditions du Saint-Siège. Ses vertus, la dignité de sa vie et de son caractère l'élevaient au premier rang des candidats à la tiare.

Au moment où le conclave allait s'ouvrir, le duc de Paliano et Charles Carafa commirent de concert un crime épouvantable, dont le récit frappa de stupeur leurs derniers amis. La dame Violante Garlonia, duchesse de Paliano, avait pour amant Marcello Capece, neveu de son mari[110], jeune seigneur de Rome, connu pour ses galanteries. L'intrigue dura longtemps à l'insu du duc et lui fut enfin révélée par une dame de la suite de la duchesse. Aussitôt Paliano fit enfermer sa femme au château de Gallese et Marcello dans un cachot. Il convoqua le seigneur Ferrante Garlonio, comte d'Aliffe, frère de la dame Violante, avec un autre de ses parents, au château de Soriano, et cita Marcello devant ce tribunal de famille. Le coupable, interrogé, commença par nier sa faute. Le duc lui mit les preuves sous les yeux, s'emporta et, dans un accès de rage, lui déchira le visage à coups de dents. Puis il le fit mettre à la torture. Vaincu par la souffrance, Marcello confessa l'adultère et écrivit de sa propre main : Oui, j'ai trahi mon seigneur ; oui, je l'ai déshonoré. Le duc prit et lut la déclaration, se jeta sur le gentilhomme et le perça de vingt-sept coups de poignard. Le soir on jeta le cadavre à l'égout.

Restait la duchesse que le duc de Paliano, au milieu de ses aventures de guerre et d'amour, avait toujours aimée. La malheureuse était enceinte de sept mois. Le duc hésita longtemps sur son sort. Il était alors en pleine disgrâce et pouvait redouter la vengeance d'une maison riche et puissante. Paul IV, à la fin de son pontificat, avait été instruit du meurtre de Marcello par le plus jeune des Carafa, cardinal de Naples, et s'était contenté de demander des nouvelles de la duchesse, parole énigmatique que les flatteurs du duc de Paliano interprétèrent comme un arrêt de mort. Beaucoup d'autres en voulaient à sa vie. La mère du duc, les femmes de sa maison s'efforcèrent de persuader au mari que l'enfant à naître était le fruit d'un amour coupable. On lui assura que, du fond de sa cellule, la duchesse avait demandé sa délivrance à Marc Antoine Colonna, le' rival détesté des Carafa, et qu'elle lui avait conseillé de faire assassiner son mari. Le cardinal Charles Carafa blâmait impérieusement l'imbécile longanimité de son frère et lui signifia qu'il ne saurait défendre auprès du nouveau pape les intérêts d'un chef de famille aussi lâche devant l'outrage, aussi indifférent à l'honneur de son nom[111]. Ces reproches l'emportèrent sur les derniers scrupules.

Le 28 août, le duc de Paliano envoya au château de Gallese le capitaine Vico de Nobili, pour les préparatifs du meurtre, qu'il se réservait à lui-même. Au moment de rejoindre son complice, il tomba malade. Hors d'état d'exécuter le crime, il requit le service de deux parents, le comte d'Aliffe, témoin du supplice de Marcello Capece, et Leonardo di Cardine, oncle des Carafa, spadassins à gages dont il pouvait répondre. La duchesse était couchée quand ils arrivèrent à Gallese. Le soir même ils lui annoncèrent qu'elle devait se préparer à mourir. Y a-t-il un ordre du duc ? demanda-t-elle. — Oui, Madame, répondit Leonardo. Et il lui montra l'ordre d'assassinat. La victime observa qu'elle était enceinte et qu'on devrait attendre sa délivrance ; mais elle n'osa protester contre les volontés de son mari. On introduisit dans sa chambre deux moines et le curé de Gallese, chargés de la confesser. Pendant qu'elle était en prières avec eux, les deux assassins discutaient le mode de supplice. Le comte d'Aliffe proposait de l'empoisonner, mais Leonardo objecta que la mort serait lente à venir et qu'il était pressé de retourner à Rome. Il voulait accomplir sa mission jusqu'au dernier soupir de la victime. Aliffe se rendit à ces raisons et alla chercher les instruments nécessaires pour l'étrangler.

La confession terminée, le curé se retira et les deux bourreaux s'avancèrent auprès du lit de la duchesse. Mon frère, mon oncle, cria-t-elle dans un moment d'angoisse, pourquoi voulez-vous me tuer ? Ils répondirent que l'honneur l'exigeait. Les deux moines lui présentaient un crucifix et l'exhortaient à bien mourir. Le comte d'Aliffe lui banda les yeux et lui jeta autour du cou une corde emmanchée sur un bâton de cornouiller. Puis il serra avec force ; mais la corde était trop longue ; il la retira. La duchesse arracha le bandeau et demanda : Que font-ils donc ? Aliffe dit qu'il allait raccourcir la corde pour ne pas la faire souffrir. Quand il eut achevé les nœuds, il remit un mouchoir sur les yeux de sa sœur et lui passa la corde au cou. La duchesse était assise en chemise au pied de son lit. Don Leonardo saisit les mains de sa victime et les retint sur ses genoux. Le comte enroula la corde autour du manche et vira rapidement. La malheureuse fit un effort suprême, retomba en poussant un soupir et rendit l'âme. Le lendemain, pendant la. nuit, elle fut ensevelie sans pompe dans l'église de Gallese[112]

Le chroniqueur qui nous a servi de guide raconte que l'événement passa inaperçu à Rome, soit que l'on s'attendit à la vengeance du duc, soit que le supplice ait paru justifié par les fautes de la duchesse ; mais il se contredit lui-même en disant que six mois après le duc de Paliano fit jeter au cachot trente habitants de Gallese coupables d'indiscrétion. D'ailleurs les correspondances des ambassadeurs français, que nous avons citées et que nous citerons plus loin, sont unanimes à signaler le retentissement du crime.

La triste fin de la belle Violante était la fable des carrefours de Rome quand s'ouvrit le conclave. On racontait tout bas la part que Charles Carafa avait prise au meurtre de sa belle-sœur, et les récits sans doute renchérissaient sur l'horrible vérité. Habitué à tout braver, l'ancien condottieri sortit du palais Carpi, sa retraite depuis que sa vie était menacée dans les rues de Rome, et prit sa place dans le sacré collège. Telle était la rudesse des mœurs de l'Italie du XVIe siècle qu'il n'eut pas de peine à y reconquérir tout son ascendant. Il disposait des voix de dix ou onze cardinaux promeuz par le feu pape Paul quart, son oncle, lesquelz, pour recognoissance du bien et de l'honneur qu'ilz avoyent receu de son dit oncle, estoient pour demeurer unis et jurez avec luy pour l'incluzion ou l'excluzion de ceux qu'ilz jugeroient leur torner à propos d'empescher ou ayder en ceste occasion du siège vacant. Carafa en outre rattacha à son parti les cardinaux Farnèse, Saint-Ange, Savelli et di Monte. Ainsi soutenu, il était l'arbitre du conclave[113]. Carafa ne poursuivait qu'un but, la grandeur de sa maison. Le duc de Paliano possédait des biens immenses ; toute son ambition était de les conserver. Les deux frères tremblaient d'être obligés de rendre compte de leurs crimes et étaient décidés à tout sacrifier à un pontife qui leur assurerait l'impunité.

Un mémoire inédit nous permet de raconter les péripéties du conclave[114]. Le document ressemble aux copies de pièces qu'il était d'usage de faire passer sous les yeux des principaux membres du conseil du roi. Il émane de l'un des prélats qui représentaient la France, peut-être le cardinal Louis de Guise, frère du duc François. Outre le soin du narrateur à faire valoir les bons offices de ce prélat, ce qui est déjà un indice, nous savons par une lettre de Jehan Bertrand, archevêque de Sens, datée de Rome, du 1er janvier 1560, que le cardinal de Guise avait écrit une relation de la création du pape, et qu'il l'avait envoyée au roi[115].

Le conclave s'ouvrit le 5 septembre[116]. Le soir même les cardinaux présents furent privés, suivant l'usage, de toute communication extérieure[117]. L'ambassadeur de France attendait le cardinal de Tournon pour le lendemain. Les cardinaux Strozzi et de Guise entrèrent le 11 au Vatican[118]. Le 25 arriva un ambassadeur espagnol, le licencié Vargas, diplomate remuant que l'on retrouve toujours dans les grandes affaires de Philippe II. Dès lors se dessina clairement la politique espagnole. Vargas avait pour mission de soutenir la candidature du cardinal Pacheco, ancien vice-roi de Naples, favori de Charles-Quint, protecteur de Cosme de Médicis, ou, à son défaut, celle du cardinal Carpi. Le nouvel ambassadeur ne faisait pas mystère de ses instructions et avait pris pour domicile le palais du cardinal Pacheco[119].

Le parti du roi de France se renforçait tous les jours. Le cardinal Jehan Bertrand, archevêque de Sens, ancien chancelier, remplacé par Ollivier, arriva à Rome le 24 octobre, et entra le même jour en cellule ; le cardinal d'Armagnac s'y rendit le 28. Pour contrebalancer le nombre toujours croissant des prélats français, le cardinal Capiusco, du parti espagnol, retenu dans son palais par ses infirmités, se fit porter au Vatican. Sa présence mettait la noble assemblée au complet. Tous les prélats décorés de la pourpre, présents en Italie, au nombre de 44, assistaient au conclave. Les intrigues se croisaient en tous sens, mais rien ne transpirait au dehors des intentions des pères. On supposait que le sacré. collège attendait les récusations de Philippe II avant d'arrêter un choix. L'ambassadeur de France attribuait les retards à l'opiniâtreté de chaque parti. Il écrit que plusieurs cardinaux faisaient disposer leur cellule pour un long séjour, mettant peine, un chacun, de bastir selon que le lieu le comporte, et de s'accommoder comme s'ils devoient habiter là encore bien longuement[120].

Le duc de Paliano, très bien informé des préférences des souverains étrangers, adressait des recommandations à son frère. Séduit par les promesses de Babou de la Bourdaisière, il avait pris parti pour les candidats du roi de France. Carafa avait des engagements avec le cardinal Carpi ; mais, fidèle aux conseils du duc de Paliano, il se mit en campagne pour les favoris du roi, Hippolyte d'Este et François de Tournon. Dès les premières ouvertures, ses amis refusèrent de le suivre. Guise et Ferrare désignèrent alors, à l'insu de Carafa, Hercule de Gonzague, cardinal de Mantoue. Le nom de ce prélat, étranger à la politique, rallia tous les partis. Le cardinal de Santa Fior, l'un des serviteurs de Philippe II, l'accepta sur la recommandation d'Hippolyte d'Este. Il fallait enlever rapidement l'élection pour empêcher Carafa et Farnèse de se concerter. Guise et d'Este ne communiquèrent leur secret qu'au doyen, le cardinal de Bellay. Mais à peine étaient-ils entrés dans sa cellule qu'ils furent épiés ou trahis. A la sortie ils s'aperçurent que le sacré collège était déjà prévenu contre eux. On accusa de l'indiscrétion un secrétaire de Santa Fior, nommé le Lutin. Au vote, Hercule de Gonzague ne réunit que 23 vœux au lieu de 30 qui lui étaient nécessaires. Plusieurs prélats espagnols avaient cédé aux suggestions des cardinaux Farnèse et Carafa. Les partisans de Gonzague ne se tinrent pas pour battus et adressèrent au roi d'Espagne de pressantes lettres pour l'inviter à ramener les déserteurs. On attendit pendant cinquante-deux jours la réponse de Philippe II.

Ce long délai fut utilisé en faveur d'un autre candidat. Le cardinal Pacheco se mit en avant ; mais il n'obtint, dans plusieurs votes successifs, que 23 suffrages, dus aux intrigues de l'ambassadeur Vargas.

Le conclave durait déjà depuis plusieurs mois et rien n'annonçait une solution prochaine. Sébastien de l'Aubespine, ambassadeur en Espagne, porta plainte contre les menées du licencié Vargas. Le duc d'Albe désavoua son représentant. Vargas, disait-il, était un ambitieux qui abusait de sa mission. Le roi catholique se désintéressait du choix du pape. Il lui importait peu qu'il fût Espagnol ou Français pourvu qu'il se montrât dévoué au service de Dieu[121]. Le désaveu, simulé ou non, n'arrêta pas les intrigues de l'Espagnol.

Cependant le duc de Paliano ne cessait de solliciter son frère en faveur des candidats du roi de France. Un secrétaire, que le cardinal avait laissé au dehors pour lui adresser des informations, lui écrivait lettres sur lettres. L'ambassadeur de France jugea que les conseils de ce secrétaire pourraient avoir de l'influence sur le maître et le fit introduire au Vatican comme conclaviste de l'archevêque de Sens. Enfin Carafa promit à François de Tournon, par l'intermédiaire de Julien de Médicis, de soutenir sa candidature. Le secret ne devait être confié qu'aux cardinaux de Guise et de Ferrare. A peu de jours de là, Carafa se plaignit que Strozzi avait déclaré, dans une conférence avec Farnèse, que quelque chose que dict Caraffe de vouloir faire en faveur de la part françoise, qu'il n'en croiroit jamais rien jusques à ce que le vist et touchast avec le doigt. Le soupçon blessa l'irascible prélat. Médicis ayant voulu excuser Strozzi ou révoquer ces paroles en doute, Carafa se sépara de lui et signifia au cardinal de Tournon qu'il lui retirait son appui. Guise et Ferrare ne savaient comment le ramener, faute d'intermédiaire. Le hasard leur en fournit l'occasion. L'un des conclavistes de Louis de Guise, le comte Théophile Calcagnini, tomba malade et fut remplacé par le capitaine Adrian Baglione, ancien chef de bande, ami de Charles Carafa. Baglione devint le commensal de son ancien compagnon, d'armes et le pressa en faveur du parti français. A la même époque, un messager de Philippe II, Pompée de Touteville, apporta au vice-roi de Naples l'ordre d'investir le prince Marc-Aurèle Colonna du duché de Paliano. Cette décision complétait la dépossession de la maison Carafa. Le cardinal résolut de se venger. Malheureusement Guise et Ferrare, repris de zèle en faveur de la candidature d'Hercule de Gonzague, refusèrent d'entamer de nouvelles démarches avant l'arrivée de la réponse de Philippe II. 'Carafa, que l'attente ne refroidissait pas, accepta cet ajournement avec patience.

Pendant ces négociations étaient arrivés plusieurs courriers d'Espagne, porteurs de dépêches, dont on ignorait le sens. Vargas feignait de n'avoir pas reçu d'instructions. Très bien informé des intrigues qui se nouaient à l'intérieur du conclave, il savait que Carafa et les cardinaux français n'attendaient que la récusation de Philippe II pour substituer un prélat français à Hercule de Gonzague. Il cherchait à gagner du temps dans l'espoir que de nouveaux incidents détacheraient le mobile et ardent Carafa de ses alliés.

Après une attente de cinquante-deux jours, Gonzague, las de tenir le sacré collège en suspens, retira publiquement sa candidature. La réponse de Philippe II fut aussitôt remise au conclave. Elle portait que le roy catholique eût désiré et désiroit, pour infiniz respectz qu'il alléguoit, la grandeur dud. seigneur cardinal ; mais, puisqu'il ne s'estoit rien peu faire du commencement, il pensoit bien que de soymesme il se seroit conformé à la volunté de Dieu et à prendre patience pour ceste fois, ainsi que encores de sa part il l'exhortoit d'ainsi le faire.

Le désintéressement d'Hercule de Gonzague rendait la liberté aux cardinaux de Guise et de Ferrare. Ils pressèrent Carafa de tenir ses promesses ; mais, avant de se livrer au parti français, Carafa, se disant engagé par ses déclarations précédentes, voulut épuiser les chances de Pie de Carpi. Il consulta les cardinaux de Santa Fior, de Trente, Farnèse et ses autres amis : L'enquête prouva que Carpi, repoussé avec ensemble par le parti français, n'avait aucune chance. Carafa lui déclara lui-même que Dieu n'avoit voulu luy faire tant de bien qu'avec son moyen il fust pape. Rien ne l'empêchait d'agir en faveur des Français. Tous les obstacles étaient levés. Cependant Louis de Guise remarqua qu'il différoit de jour à aultre à en venir à la résolution.

Tandis que Charles Carafa hésitait à remplir ses promesses, arriva à Rome le marquis de Montobel, ambassadeur de Guidobalde de la Rovère, duc d'Urbin. Le marquis avait mission de faire triompher la candidature d'Hercule de Gonzague ; mais, apprenant que ce prélat avait été repoussé par Philippe II, il se rattacha à celle du cardinal de Ferrare. L'intervention de ce prince étranger était heureuse pour la France. Carafa, sollicité par Montobel, voulut consulter encore une fois le duc de Paliano et lui envoya l'évêque de Cesano. Vargas députa en même temps au duc Leonardo di Cardine, un des complices de l'assassinat de la duchesse ; et le cardinal de Guise, un autre gentilhomme. Les trois messagers se rencontrèrent à la porte de Rome et cheminèrent ensemble. Le duc les reçut tous les trois et ne leur fit aucune réponse formelle ; il leur dit qu'il s'en rapportait à son frère.

Le succès de la France paraissait assuré. Hippolyte d'Este et François de Tournon réunissaient la majorité des suffrages. Certains prélats préféraient le cardinal de Ferrare à cause de sa qualité de prince italien et de ses alliances avec la maison Farnèse, d'autres l'archevêque de Lyon. Les deux candidats luttaient entre eux de générosité. Deux fois le cardinal italien proposa de se retirer pour assurer le succès de son rival. Charles Carafa clôtura le débat en optant pour le premier. Le même jour l'accord fut scellé. Il fallait presser la solution pour prévenir les menées de Vargas, d'autant que, des prélats les plus dévoués, l'un, le cardinal de Saint-Georges, touchait à sa dernière heure, l'autre, le cardinal d'Imola, allait quitter le conclave. Louis de Guise ne s'était réservé que le temps de prévenir ses amis. L'élection devait avoir lieu dans la soirée. Malheureusement Carafa perdit la journée dans une commission instituée pour une réforme du règlement. Au sortir de la séance, le bruit de la candidature d'Hippolyte d'Este était public au conclave. D'Este, interrogé par ses collègues, se défendit de toute prétention. Carafa reçut de ses amis le reproche d'avoir participé à cette manœuvre sans les consulter. Reoman, du parti français, se montrait un des plus mécontents. Le soir même, à la chapelle, Carafa conseilla à Louis de Guise d'enlever le vote par un coup d'audace à l'aide des indécis. Guise refusa de prendre cette responsabilité dans l'espérance que Carafa, le lendemain, retrouverait son ascendant sur les créatures de son oncle. Le lendemain, Charles Carafa essuya de nouvelles rebuffades et ne put ramener ses amis. La candidature du cardinal de Ferrare avait échoué.

Hippolyte d'Este proposa alors François de Tournon[122]. Carafa trouva plusieurs de ses amis disposés à l'accepter ; d'autres le repoussaient comme étranger. Un de ses partisans, le cardinal Savelli, prônait ses qualités, tout en regrettant Hippolyte d'Este. Le cardinal Farnèse, du parti espagnol, auquel Savelli avait confié ses réserves, les révéla à Charles Carafa. Le susceptible neveu de Paul IV crut comprendre que les amis de Tournon ne le soutenaient que par feinte et travaillaient en réalité pour Hippolyte d'Este. Craignant d'être dupe, il abandonna avec éclat la cause du prélat français. En vain Louis de Guise et H. d'Este s'efforcèrent de lui expliquer les paroles de Savelli ; en vain le cardinal Sermonetti témoigna de ses bonnes intentions ; Carafa, piqué dans son amour-propre, refusa de se rendre. Sa défection enlevait toute chance à François de Tournon, qui retira sa candidature.

L'infatigable Louis de Guise ourdit alors une trame nouvelle ; il proposa le cardinal Reoman, un des amis de Charles Carafa. Les cardinaux du Bellay, Crispi et d'autres repoussèrent le nouveau prétendant et obligèrent Louis de Guise à l'abandonner lui-même. Le conclave paraissait plus éloigné de sa conclusion que le jour de sa réunion. Ferrare et Guise, reconnaissant qu'il était impossible de l'emporter sans l'appui des prélats créés par Paul IV, circonvenaient Charles Carafa et feignaient de prendre ses conseils. Un matin, Carafa les prévint qu'il soutiendrait, malgré l'opposition de Philippe II, le cardinal de Mantoue. Sa proposition acceptée, Carafa avertit ses amis. Le succès était assuré quand, au moment d'entrer en chapelle, il souleva lui-même des obstacles inattendus. Farnèse travaillait secrètement cet esprit mobile. Il le détermina à repousser Hercule de Gonzague comme ami de la France, parce que le cardinal de Trente avait dit que la bonne foi du neveu de Paul IV lui inspirait des doutes. Le neveu de Paul IV donnait ainsi raison au soupçon. Carafa souleva de nouveau les prétentions de Pie de Carpi. Le parti français vota avec tant d'union contre ce nouveau candidat qu'il obtint moins de vœux pour son inclusion que pour.son exclusion. Deux prélats italiens, Vitelli et Galdi, possesseurs de grands bénéfices en Espagne, montrèrent dans ce vote un dévouement sincère à la France. Malgré les menaces des agents de Philippe II, ils demeurèrent fidèles aux promesses qu'ils avaient faites à Louis de Guise. L'échec de Pie de Carpi détacha complètement Charles Carafa du parti français. Mécontent de son impuissance, incapable d'obéir à une discipline quelconque, susceptible et sans suite, il n'avait apporté au conclave que le trouble et le désordre.

La longue durée de l'interrègne pontifical favorisait l'agitation religieuse. Les Calvinistes se félicitaient des querelles de la cour romaine et prédisaient bien haut la dissolution de l'ancienne église. Les lenteurs, causées par la rivalité des deux rois catholiques, étaient attribuées à l'ambition individuelle des cardinaux, et prêtaient une apparence de raison aux réformateurs de toute secte qui voulaient modifier les lois ecclésiastiques. Cosme de Médicis profitait de la vacance du Saint-Siège pour arrondir ses états. Il s'empara, par une série de coups de main, de Pondo, château fort sur les confins de la Romagne, de Ghiaggirolo, de Gatteo, de Sainte-Sophie, de Monte-Rotondo, de Montone. Heureusement pour l'indépendance de ses voisins, une conjuration redoutable, organisée par un des magistrats de Florence, Piccio Pucci, fit diversion à ses projets de conquête.

Au commencement de décembre, Philippe II proposa au roi de France une intervention commune auprès des cardinaux[123], et envoya à Rome don Francisco de Mendoza. La France, plus menacée dans son repos que l'Espagne, avait plus de hâte qu'elle d'en finir. Le roi adressa à l'ambassadeur Babou.de la Bourdaisière des lettres recommandant aux cardinaux en général, sans nommer personnes particulières, d'élire le prélat qu'ils jugeroient estre le plus convenable à une si grande dignité, par lequel Dieu en fût servi et son église catholique bien gouvernée. Le roi se défendait de toute préférence. Il offrait même de favoriser le candidat du roi d'Espagne, c certain que celuy que éliroit Sa Majesté seroit une personne telle qu'il fault au service de Dieu, nostre seigneur, et au bien de la république chrestienne[124].

Les démarches des deux rois influèrent sur les incertitudes du sacré collège. Cependant quelques intrigues signalèrent la fin du conclave. Les meneurs de chaque parti, comprenant qu'ils n'avaient plus rien à attendre, présentèrent leurs derniers candidats et, dans un effort désespéré, tâchèrent de faire triompher leur cause. Carafa se montrait l'ennemi des Français ; il luttait contre eux avec l'ardeur qu'il avait apportée à les appuyer et se flattait de reconquérir ainsi la faveur du roi d'Espagne. Il remit en avant le nom du cardinal Pacheco. Plusieurs défections avaient réduit le parti français. Seize vœux étaient nécessaires pour l'exclusion du nouveau candidat et Louis de Guise n'était assuré que de treize. Dans la crainte d'être battu, il usa de tous ses moyens. Les cardinaux Savelli, de Pérouse, Messinetti et Galdi, quoique soumis à Philippe II par les bénéfices qu'ils possédaient en Espagne, restèrent fidèles à la France et Pacheco fut évincé. Le lendemain, le cardinal de Naples, neveu de Charles Carafa, essaya vainement de faire couronner Hercule de Gonzague. Louis de Guise et Hippolyte d'Este présentèrent successivement les cardinaux Pisani et de Césis. Pendant ces derniers scrutins, arrivèrent au cardinal de Guise des recommandations conditionnelles de François II et de la reine mère en faveur des cardinaux de Césis et de Médici[125]. Le premier était repoussé par Carafa et Farnèse. Le second était un prélat d'une origine et d'un esprit modestes, sans ambition, dont la vie s'était écoulée loin de la politique et qui avait recueilli de sa vie obscure le bénéfice de ne point avoir d'ennemis. Un de ses adversaires, le cardinal Montepulciano, l'accusait d'avoir dit qu'il autoriserait le mariage des prêtres pour désarmer l'hérésie luthérienne. Le reproche perdit de sa force quand on apprit que Montepulciano pratiquoit par effect ce qu'il blâmoit.... et tenoit une Portugaise comme sa femme propre, dont il avoit plusieurs enfans ; et en avoit eu une fille despuis qu'il estoit en conclave[126].

L'élection du cardinal de Médici fut assurée par l'empressement de Carafa à adopter sa candidature. Le bouillant cardinal calcula qu'en soutenant un prélat sans influence personnelle, il portait sur le trône pontifical une de ses créatures, dont l'appui l'aiderait un jour à faire face à l'orage qui grondait sourdement contre sa maison, et que par surcroît il satisferait à la fois la France et l'Espagne. Trois jours lui suffirent, trois jours de propagande acharnée, pour ramener la plupart des cardinaux qui avaient éparpillé leurs voix sur d'autres prétendants. Le jour de Noël, il envoie son neveu, le cardinal de Naples, annoncer à Médici son élection prochaine. Le scrutin était fixé au 26 décembre. Pendant la nuit, Carafa, redoutant les défections, parcourt les cellules, traîne les prélats en chapelle, s'écrie qu'il ne faut pas ajourner au lendemain le triomphe du sauveur de l'Église. Chacun répond à cet appel avec empressement, les partisans de Médici par conviction, ses adversaires par émulation de courtisan. Le sacré collège réuni, Carafa propose d'acclamer le nouveau pape. L'assemblée tombe à ses pieds et Médici reçoit l'adoration traditionnelle avant que les opposants aient pu se concerter. Tandis que les conclavistes, suivant l'usage, se partagent les dépouilles de l'élu, Carafa, pour regagner sa popularité à Rome, le supplie de pardonner à ses sujets les violences commises après la mort de Paul IV. Le pontife hésite et se rend enfin en stipulant qu'il n'accorde l'amnistie qu'aux instances de Charles Carafa[127]. L'habile frère du duc de Paliano pouvait se croire victorieux de ses ennemis. Il avait fait nommer un pape, imposé son ascendant au sacré collège, sauvé la fortune de sa maison, restauré son crédit auprès du. peuple de la ville éternelle[128].

Le nouveau pontife se nommait Jean-Angelo Médici et appartenait à une famille de petite noblesse qui prétendait se rattacher à la maison de Médicis. Il était frère du marquis de Marignan, le plus célèbre des capitaines italiens au service du roi d'Espagne, l'adversaire de Blaise de Monluc au siège de Sienne. Il prit le nom de Pie IV et fut couronné le jour des Rois.

Les cardinaux de Guise et de Ferrare n'avouèrent pas qu'ils avaient été battus et célébrèrent l'avènement du nouveau pape comme le triomphe de l'influence française. Dans le mémoire qui nous a servi de guide, le narrateur applaudit à l'élection dont led. Pie IV peult bien avoir d'autant plus d'obligation à Sa Majesté et à lad. rogne, sa mère, que, qui l'eust voulu empescher, l'on eust aussi bien trouvé contre luy que contre Carpi plus de vœux pour l'exclusion qu'il n'en eust pu avoir pour l'inclusion, quelque faveur qu'eussent entreprins de luy donner les dictz cardinaulx Caraffe et Farnèse avec toute la part contraire. Cinq jours après, le 1er janvier 1560, Jehan Bertrand, archevêque de Sens, écrit de Rome à la reine : Seulement je vous avertiray, Madame, que vous seule estes cause qu'il est pape, et de sa promotion, qui me faict croire que les affaires du roy et de ses subjects et vostres s'en porteront mieux[129]....

L'élection du nouveau pape satisfaisait médiocrement les deux rois de France et d'Espagne, mais ils firent bonne contenance vis-à-vis du nouvel élu. Le 28 janvier, Philippe II charge son ambassadeur en France, Chantonnay, de communiquer son contentement au roi[130].

Quelles que fussent les préférences secrètes du pontife, il était décidé à garder la neutralité entre les deux grands souverains qui soutenaient le Saint-Siège. Il fut bientôt mis en demeure de se prononcer. Le licencié Vargas, en arrivant à Rome, prétendait obtenir la préséance sur l'ambassadeur français. Il venait de Venise, où il avait essayé de prendre le pas sur François de Noailles, évêque de Dax[131]. Ses démarches avaient été repoussées par le Conseil de la sérénissime république[132], mais il se flattait d'être plus heureux auprès du Saint-Siège. Pendant l'interrègne pontifical, il n'eut point d'occasions de se manifester. La cour romaine était en deuil et aucune fête officielle ne mettait les deux ambassadeurs en présence. Le couronnement du pape, célébré le 6 janvier 1560, laissait la question indécise. L'évêque d'Angoulême, en sa qualité d'ecclésiastique, avait une place marquée dans le cortège pontifical, Vargas dans les rangs des laïques. L'Espagnol attendit les cérémonies civiles. Le pape devait donner un festin aux cardinaux et aux ambassadeurs étrangers. Quelques jours auparavant, Vargas présenta sa requête au pape. Pie IV, fort indécis, aurait voulu se réserver le temps d'étudier les droits des parties. Il chargea l'évêque de Viterbe de dire à Babou de la Bourdaisière qu'il conseillait aux deux ambassadeurs de ne point paraître au festin. Babou accueillit fort mal le déclinatoire. Sur l'avis de Louis de Guise, il refusa de s'abstenir pour ne pas acquiescer à un seul doubte sur les droits du roy. En vain, dit-il dans une autre lettre, le pape me proposa de me donner à dIner en particulier tant que je voudrois. Il me conseilla de feindre d'estre malade, mais je luy respondis que, quand je le serais à bon escient, attendu la rumeur qui avoit esté desjà de cecy, je me ferois porter au festin, duquel plus tost que m'abstenir, j'aymerois mieux jeusner tout le reste de l'année. La Bourdaisière invita le pape à consulter l'ambassadeur de Venise sur les précédents. On l'envoya chercher. Pendant que le représentant de la sérénissime république attendait son tour d'audience, l'évêque d'Angoulême s'efforça de le prévenir en sa faveur. Il aurait voulu connaître le résultat de la conférence ; l'heure tardive l'obligea à quitter le Vatican. En sortant, un secrétaire lui confia que le pape avait agité au Conseil de n'inviter aucun ambassadeur. Le jour du festin arriva. La Bourdaisière ignorait la décision du pape. Les cardinaux français avaient été avertis et étaient décidés à quitter la tablé si le pape privait l'ambassadeur de France de son rang. La cour entra dans la salle du festin. L'Espagnol était absent ; il avait quitté le cortège pontifical à la porte du Vatican[133].

Vargas ne se tint pas pour battu. L'année suivante, à l'occasion de l'anniversaire. de l'élection pontificale, il renouvela ses réclamations. La Bourdaisière et les cardinaux français montrèrent la même résistance. Vargas, pour ne pas éprouver un échec, s'absenta le jour du banquet. Cependant, quelques années plus tard, de nouvelles intrigues firent perdre à la France ses anciens droits. La correspondance de Charles IX et de Henri III avec leurs ambassadeurs à Rome est pleine des revendications du roi de France[134]. Enfin la préséance fut reconquise sous le règne de Henri IV par le marquis de Pisani.

Peu de temps après l'avènement de Pie IV s'éleva un nouveau conflit entre les deux rois. Le pape s'était hâté d'envoyer l'évêque de Terracine à Philippe II et n'accrédita que plus tard l'évêque de Viterbe auprès de François II. La cour de France l'accusa d'être plus empressé auprès du roi catholique que du roi très chrétien. Pie IV fut obligé de donner à La Bourdaisière des explications qui dissipèrent les malentendus[135].

Le cardinal Carafa paya cher ses tergiversations au conclave. L'élection de Pie IV, qui était son œuvre, lui fit perdre l'appui du roi de France sans lui assurer la protection du roi d'Espagne. Assuré de l'impunité par l'avènement de l'une de ses créatures, Charles Carafa reprit le cours de ses intrigues, commit de nouveaux excès, complota avec Vargas, livra ou vendit aux petits princes d'Italie les secrets de la politique du Saint-Siège. Les plaintes des victimes du cardinal et du duc de Paliano s'accumulaient secrètement dans le cabinet de Pie IV. Un incident de peu d'importance fit éclater sa colère. Les Carafa poursuivaient de leur haine le prince Colonna, que Philippe II avait élevé à la dignité de duc de Paliano. Au mois de mars 1560, le cardinal l'accusa de tentative d'assassinat, suborna des témoins et demanda vengeance au pape. L'affaire donna lieu à une enquête et les Carafa furent convaincus d'imposture et de calomnie. C'en était fait de leur pouvoir après cette défaite. Leurs innombrables ennemis revinrent à la charge, et, dans l'espace de quelques jours, un flot de dénonciations, la plupart justifiées par des preuves, inonda le conseil secret du Saint-Père. Le crédit des deux frères, sourdement miné par la réprobation de tout un peuple, s'écroula subitement. Le 7 juin 1560, Charles Carafa, encore confiant dans son audace et dans son énergie, assistait à un consistoire au Vatican avec son neveu, le cardinal de Naples. Lesd. cardinaux estoient avec leurs grandes chappes au consistoire, attendans le pape, quand le s. Gabrio, capitaine des gardes de Sa Sainteté, leur dit (aux deux Carafa) qu'il avoit charge de leur faire compaignie aud. Castel (château Saint-Ange), où il les convoia par le petit corridor qui y va du palais Saint-Pierre. A la même heure, le gouverneur de Rome, avec quelques chevau-légers, emprisonna le duc de Paliano et ses principaux complices[136].

Le procès fut mené avec acharnement. Un procureur fiscal, Alexandre Pallantieri, que le cardinal avait autrefois jeté au cachot, fut chargé de l'instruction. Pallantieri saisit les papiers des Carafa, compulsa leur correspondance, suscita des témoins à charge et dressa un acte d'accusation formidable, où le vrai et le faux étaient habilement confondus pour accabler les coupables[137]. Le pape chargea une commission de huit cardinaux de suivre les débats non comme juges, mais assistans seulement aux procedures, à ce (afin) qu'il ne leur soit pas fait de tort[138]. Comme les inculpés avaient été associés à toutes les négociations de Paul IV, le nouveau pape voulut que la France et l'Espagne fussent représentées, l'une par le cardinal Jehan Bertrand, l'autre par le cardinal de la Cueva, au sein de la commission[139].

Le duc de Paliano était accusé des meurtres de Marcello Capece, son neveu, et de la duchesse, crimes de notoriété publique, que le coupable avoua dès les premiers interrogatoires, et de graves excès de pouvoir, sans compter infinis torts et injustices faits à plusieurs personnes et semblablement plusieurs violences et forcemens[140]. Il se défendit mal, montra devant la torture la pusillanimité d'un criminel vulgaire et rejeta lâchement sur son frère l'instigation de ses forfaits. Résigné à toutes les faiblesses pour sauver sa vie, il implorait l'appui de la France. Deux fois son secrétaire, Sylvio, vint supplier l'ambassadeur du roi d'embrasser la défense de son maistre comme chevalier de l'ordre. Babou de la Bourdaisière accueillit froidement ces prières. A la première, il refusa de prendre l'initiative d'une démarche qui pouvait déplaire au pape ; à la seconde, il demanda des ordres au roi[141].

Le dossier du cardinal était plus chargé. Outre sa vie débauchée, il était accusé de cinq assassinats, d'hérésie, de simonie dans le choix des cardinaux, de concussions et enfin d'actes de trahison. L'enquête fut longue et conduite par Pallantieri avec une rigueur minutieuse, peut-être même, au prix de la plus simple équité. Quelquefois accablé par l'évidence, le cardinal retrouvait le plus souvent son habileté, sa présence d'esprit et son ascendant sur les témoins. Dans les affaires politiques, il se retranchait derrière l'approbation de Paul IV. Après sept mois de débats contradictoires, le résultat de l'instruction était encore incertain[142]. Mais la résolution de Pie IV était secrètement arrêtée. Le 3 mars 1561, il présida un consistoire, où le cardinal Farnèse plaida longuement en faveur des accusés. A l'issue de la séance, le Saint-Père remit au gouverneur de Rome une cédule cachetée avec défense de l'ouvrir avant le lendemain. C'était l'arrêt de condamnation à mort. Il fut signifié le 5 au duc de Paliano, au comte d'Alife et à Léonardo di Cardine, les meurtriers de la duchesse. Le duc passa la nuit en prières et fut décapité avec ses complices au lever du jour. Le cardinal fut étranglé au château Saint-Ange presque à la même heure, sans avoir pu bénéficier des privilèges attachés à la pourpre romaine[143].

Dans cette Italie où la mémoire de l'assassin est toujours populaire et devient souvent plus intéressante que celle de la victime, une ardente réaction s'établit bientôt autour du nom des frères Carafa. Sous le pontificat de Pie V, le procès fut révisé. On fit valoir les iniquités de l'instruction. De nouveaux arrêts réhabilitèrent les condamnés. Le procureur fiscal, Alexandre Pallantieri, fut condamné à mort. Son supplice était juste et fut approuvé, car il avait usé des subtilités les plus artificieuses de la procédure du Saint-Office.

Le cardinal Charles Carafa est le dernier de ces condottieri du moyen âge toujours prêts à trahir l'Italie à leur profit. Il avait été l'idole du peuple pendant sa lutte contre l'Espagnol ; il devint son ennemi quand il se vendit à la France. Un sentiment nouveau, l'amour de la patrie, la haine du forestiere, était né sur lés rives du Pô et du Tibre. Le crime de Carafa fut de l'avoir méconnu. Depuis le milieu du XVIe siècle, la péninsule cesse d'être une esclave docile ; elle repousse la domination d'un vainqueur, et, si elle subit des maîtres d'origine étrangère, elle exige qu'ils lui appartiennent en propre. Après Paul IV d'autres souverains, après Carafa d'autres ministres ont dirigé et quelquefois opprimé ses destinées, mais elle leur a toujours imposé la loi de n'être ni Espagnol, ni Français, ni Allemand.

 

 

 



[1] Lettres de Dianne de Poytiers, publiées par M. Guiffrey, p.166. — La sœur de Brissac, Anne de Cossé, écrivit en même temps à son mari une lettre circonstanciée qui est conservée à la Bibl. nat., f. fr., vol. 20527, f. 85. — Il est probable que toutes ces lettres furent apportées au maréchal par Boyvin du Villars, alors en mission à la cour.

[2] Mémoires de Boyvin du Villars, liv. X.

[3] Brantôme, édit. de la Soc. de l'hist. de France, t. VIII, p. 130.

[4] Archives nationales, K. 1492, w 39. Lettre autographe de Marguerite de France à Philippe Il, en date du 17 mai 1559. Un rôle du temps constate que Santhia n'avait pas été touchée (F. fr., vol. 3150, f. 58).

[5] Archives nationales, K. 1492, le 43. Lettre originale du duc d'Albe à Philippe II, en date du 26 juin 1559.

[6] Lettre de Philibert de Savoie au connétable, du 20 février 1560 (Orig., f. fr., vol. 3194, f. 138).

[7] Une pièce du temps nous apprend que le roi avait particulièrement recommandé la démolition de Vigliana, Moncalieri, château d'Yvrée, Savigliano, Casal, Verrue, San Damiano et Albe (F. fr., vol. 3150, f. 58).

[8] Lettre d'Anne de Cossé à Brissac, en date du 3 juillet 1559 (Antogr., f. fr., vol. 20527, f. 75).

[9] Lettre originale de Sébastien de l'Aubespine au roi, en date du 1er juin 1559 (F. fr., vol. 6619, f. 23).

[10] Lettre du duc d'Albe à Philippe II, en date du 22 juillet 1559 (Arch. nat., K. 1492, n° 60).

[11] Aussitôt après son retour en Piémont, le duc de Savoie fit venir un ingénieur, nommé Orologio, pour présider à la fortification de ses villes (Lettre du 10 février 1560 ; Épistres des princes réunies par Ruscelli, trad. par Belleforest, in-4°, 1572, p. 184 v°).

[12] Lettre autographe d'Anne de Cossé, en date du 15 Juillet 1559 (F. fr., vol. 20527, f. 71).

[13] Trois lettres autographes d'Anne de Cossé à Brissac, en date des 15 et 30 juillet et du 6 août (F. fr., vol. 20527, f. 71).

[14] Lettre de Condé à Brissac, du 10 septembre 1559 (F. fr., vol. 20527, f. 87).

[15] Lettre originale de Philippe de Brezé à Brissac, en date du 2 août 1559 (F. fr., vol. 20527, f. 21).

[16] Lettre originale de Gonnor à Brissac, en date du 18 septembre 1559 (F. fr., vol. 20527, f. 91).

[17] Une pièce du temps, datée du 18 mai, donne les noms des capitaines et des compagnies retenus en Piémont ; les deux enseignes colonelles, Maligny, Bricquemaut, Le Fort, Berthe-ville, Gordes, Richelieu, Blanefossé, La Gastine, Mauthin, les deux Tilladet, Fontrailles, Billambis, Merins, La Val en Provence, Mus, Monluc de Lioux, Birague, Gourdan (F. fr., vol. 3150, f. 57).

[18] Il est appelé Pro dans un rôle du temps et est signalé comme capitaine de 200 hommes de pied (F. fr., vol. 3150, f. 57).

[19] Mémoires de Boyvin du Villars.

[20] Lettre originale de Paule de Thermes à Brissac en date du 9 septembre 1559 (F. fr., vol. 20527, f. 29).

[21] Lettre de Brissac au duc de Guise en date du 1er octobre 1559 (Copie, f. fr., vol. 20451, f. 128).

[22] Protestation datée du 25 octobre (1559) (Ve de Colbert, vol. 27, f. 114).

[23] Lettre du poète Joachim du Bellay, en date du 5 octobre 1559, publiée dans les Nouveaux lundis de Sainte-Beuve, t. XIII, p. 352.

[24] Mémoires de Boyvin du Villars, édit. du Panthéon littéraire, p. 893.

[25] Lettre de du Thier à Brissac, déc. 1559 (F. fr., vol. 20527, f. 95).

[26] Lettres du grand écuyer Boissy, du 21 décembre 1559 (F. fr., vol. 20451, f. 131), et de Sypierre, du 10 janvier 1560 (Ibid., vol. 20528, f. 24).

[27] Ce mariage eut une issue funeste ; le comte de Mansfeld, ayant surpris sa femme en adultère avec le comte de Maure, les tua tous deux.

[28] Ce gouvernement lui avait été offert quelques mois auparavant (Lettre de Chantonnay du 2 février 1560 ; orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1493, n° 38).

[29] Mémoires de Boyvin du Villars, liv. XII.

[30] Voyez les lettres de Marguerite, publiées dans la Revue des Sociétés savantes, 5e série, tome IV, d'après les originaux conservés à la Bibliothèque du palais de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg.

[31] Lettre originale de Philibert de Savoie à la reine mère, datée de Nice et du 12 juin 1560 (F. fr., 3898, f. 63). Voyez aussi la lettre du même, du 29 juin (Ibid., f. 65).

[32] Le récit de l'administration de Bordillon en Piémont pendant l'année 1560 est présenté dans les plus grands détails, avec pièces à l'appui, par un manuscrit intitulé : Discours des disputes et négociations passées entre les ministres du Roy et ceulx de Monseigneur de Savoye, depuis l'arrivée de Monseigneur de Bordillon en Pyemont, par Jehan Girard, conseiller du roi et secrétaire de son conseil d'estai deçà les monts. Ce manuscrit, qui parait être la mise au net d'un travail destiné à être publié, occupe 224 pages petit in-folio. Il contient de nombreuses pièces officielles, lettres du roi, du duc de Savoie et de Bordillon, instructions et arrêts du conseil. Claude Malingre, dans son Histoire générale des guerres de Piémont (Paris, 1630, 2 vol. in-8°), parait en avoir en connaissance, bien qu'il ne le cite pas, mais il est loin d'avoir épuisé toutes les indications qu'il contient. Nous le signalons avec nos recommandations aux historiens qui s'occupent de l'étude de l'Italie septentrionale au ire siècle. Il est conservé à la Bibliothèque nationale sous le numéro 23622 du fonds français.

[33] Lettre de Bordillon à la duchesse de Savoie, de septembre 1560 (Copie du temps ; f. fr., vol. 15542, f. 30).

[34] Lettre du 6 septembre 1560 (Revue des Sociétés savantes, 5e série, t. IV, p. 482).

[35] Plusieurs lettres de la duchesse de Savoie au roi d'Espagne contenues dans le carton K. 1493 des Archives nationales.

[36] Bourdillon ne revint que beaucoup plus tard en France. Il mourut le 4 avril 1557 4 Fontainebleau, suffocqué d'un rheume et si tort emporté que ce a esté un estompement merveilleux à ceste cour. (Lettre de L'Aubespine à Tavannes, du 5 avril 1567 ; orig., f. fr., vol. 4641, f. 58.)

[37] Négociations de Charles de Birague avec M. de Savoie touchant la restitution...., 1562 (F. fr., vol. 3195, f. 47).

[38] Acte... sur la despéche et lectres patentes apportées par M. d'Alluye pour le fait de la restitution, du 15 septembre 1562 (Copie du temps ; f. fr., vol. 3195, f. 35).

[39] Instructions de Bordillon à divers capitaines envoyés au roi, lettres et injonctions du roi et de la reine, pièces diverses sur le même sujet (F. fr., vol. 3195, f. 7, 11, 19, 45, 65, 67, 79).

[40] Le roi envoya à Bordillon les pouvoirs et les ordres nécessaires à la restitution de Turin, le 13 août 1562 (Acte de cette date ; f. fr., vol. 3195, f. 56).

[41] Une lettre de Charles IX au cardinal de Lorraine, datée du 19 août 1562 et de Mehun-sur-Yèvre, près Bourges, lui commande de se rendre au concile de Trente et de se trouver le 25 octobre à Turin (Copie du temps communiquée à Philippe II ; Arch. nat., K. 1498, Ir 26).

[42] Articles accordés à Fossan entre M. le cardinal de Lorraine et les commissaires députés par le roi touchant la restitution des quatre places du Piémont d'une part et M. le duc de Savoie d'autre part (Copie du temps datée du 2 nov. 1572 ; f. fr., vol. 3195, f. 15).

[43] La ville de Turin fut livrée au duc de Savoie le 12 décembre 1562 (Acte officiel de cette date ; copie du temps ; f. fr., vol. 3195, f. 39).

[44] Mémoire touchant le comté d'Ast, s. d. (1562) (F. fr., vol. 3195, f. 58).

[45] Pièce sur l'acceptation de Savigliano (F. fr., vol. 3195, f. 62 et 90).

[46] Procès-verbal de la restitution des places de Turin, Chieri, Villeneuve d'Asti et Chivasso, recueil de pièces de juillet à décembre 1562 (Copie du temps ; f. fr., vol. 3195, f. 1). — Lettres patentes du roi sur ce sujet (ibid., f. 81).

[47] Édit du roi du 23 janvier 1562 (1563) (Copie du temps ; f. fr., vol. 3195, f. 27).

[48] Voyez surtout la savante Histoire du grand-duché de Toscane de Galuzzi.

[49] Il n'entre pas dans notre sujet de raconter la guerre de Sienne et de Florence. Nous nous contenterons de renvoyer le lecteur aux admirables récits des Memories storico, critiche della cita di Siena de Pecci, 4 vol. in-4°, 1755. Cet ouvrage fut commencé pour servir à la biographie de Pandolphe Petrucci, podestat de Sienne, et continué jusqu'au traité de Cateau-Cambrésis. Il est peu connu en France et mériterait cependant une étude approfondie. Nous n'en connaissons pas qui présente un tableau plus animé, pins éloquent et pins vrai des passions de la guerre civile dans l'Italie du XVIe siècle.

[50] Commentaires de Blaise de Monluc, t. II, p. 73.

[51] Sismondi, Histoire des républiques italiennes, t. X, p. 189.

[52] Nous avons raconté ces négociations dans Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, t. III, p. 260.

[53] L'article 23 du traité de Cateau-Cambrésis stipule l'évacuation du Siennois par les troupes du roi de France et l'article 24 une amnistie aux Siennois.

[54] Sismondi, Histoire des républiques italiennes du moyen âge, t. X, p. 192.

[55] Il mourut après deux jours de maladie, dit Chantonnay, non sans soupçon de poison (Lettre à Marguerite de Parme d'octobre 1559 ; Recueil conservé aux Arch. de Bruxelles).

[56] Lettre de Renée de France à Philippe II, du 15 août 1560 (Autographe conservé au Musée des Archives).

[57] Lettre de Chantonay à Marguerite de Parme, du 13 octobre (Recueil conservé aux Arch. de Bruxelles).

[58] Forma d'instrumento quai s' havea da fare nella restitutione di Casale, 1559 (Copie du temps ; f. fr., vol. 3195, f. 71). — Instruction au s. de la Mothe-Gondrin, chargé de restituer la cité de Casal et son château à MM. les duc et duchesse de Mantoue, marquis de Montferrat (Copie du temps, s. d., ibid., f. 83). — Autre pièce sur le même sujet (Ibid., f. 85).

[59] Pinard, Chronologie historique et militaire, t. III, p. 578.

[60] Brantôme, t. VI, p. 215, édit. de la Société de l'hist. de France.

[61] Traicté de paix de Chasteau-Cambrésis, p. 4, 39, 62 et 66.

[62] Mémoires de Ribier, t. II, p. 454 ; lettre de Jourdain des Ursins au roi.

[63] Texte du traité de Cateau-Cambrésis.

[64] Mémoires de Ribier, t. II, p. 564.

[65] Lettre du duc d'Albe et de Ruy Gomez de Silva au roi d'Espagne, en date du 22 juillet 1559 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1492, n° 60).

[66] Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 16 août 1559 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1492, n° 66).

[67] Lettre de Boistaillé au cardinal de Lorraine, du 8 août 1559 (Orig., f. fr., vol. 15872, f. 143).

[68] Documents cités par M. Rombaldi (Sampiero Corso, 1887, p. 83).

[69] Ces négociations sont racontées avec détails d'après des documents nouveaux par Galant, Histoire du grand-duché de Toscane, et par Livi, la Corsica et Cosimo I de Medicis.

[70] Lettre originale citée par N. Rombaldi, p. 64, d'après le vol. 3189 du f. fr., f. 46.

[71] L'instruction donnée par le roi au baron Cochart, conservée en original parmi les autographes de Saint-Pétersbourg, est reproduite parmi les copies de la Bibliothèque nationale (Nouv. acquis. du f. fr., vol. 1236, f. 2). Le roi écrivit aussi à Sampiero (Ibid., f. 17). Ces documents sont sans date, mais nous les attribuons aux premiers mois de 1563.

[72] Lettre de Cosme Ier à l'abbé de Negro, datée de Pise, du 8 janvier 1563 (trad.) (Morati, la Corse, Cosme de Matis et Philippe II, 1886, p. 13).

[73] Charrière, Négociations dans le Levant, t. II, p. 711 et 724.

[74] Charrière, Négociations dans le Levant, t. II, p. 724.

[75] De Thou, d'Aubigné, Brantôme, La Popelinière, etc.

[76] Copie du temps, s. l. n. d. (F. fr., vol. 15881, f. 290).

[77] Sampiero Corso écrivit le même jour à Cosme et trois jours après Cosme informa Philippe II de la prise d'armes du capitaine corse. Dans l'affaire de Corse comme dans toutes les antres, la politique de Cosme est pleine de duplicité et de trahisons. Voir les documents originaux publiés par Morati, la Corse, Cosme de Médicis et Philippe II, p. 15 et suiv.

[78] Lettre de Pierrebon au roi (Orig. sans date (août 1564) ; f. fr., vol. 15881, f. 275).

[79] Cette conférence est racontée avec détails dans une lettre du roi à Saint-Suplice, du mois d'août 1564 (Copie ; f. fr., vol. 7070, f. 114 v°).

[80] Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 217.

[81] Lettre de Pierrebon au roi ; orig. sans date (F. fr., vol. 15881, f. 275).

[82] Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 217.

[83] Papiers d'état du cardinal Granvelle, t. VIII, p. 277.

[84] Sur l'intervention des Espagnols en Corse, voyez Morati, la Corse, Cosme Ier et Philippe II, p. 40 et suiv.

[85] Mémoire des affaires de Corse, copie du temps, s. d. (F. fr., vol. 15881, f. 66).

[86] Filippini, Historia di Corsica, réimpression de 1827, passim. — Morati, la Corse, Cosme de Médias et Philippe II, passim.

[87] Lettre de Sampiero Corso à son fils aîné, Alphonse d'Ornano, en date du 9 mars 1565 (Copie du temps ; f. fr., vol. 15881, f. 88). La copie est médiocre et souvent fautive.

[88] De Thou, liv. XLI. — Rombaldi.

[89] Relations des ambassadeurs vénitiens, t. II, p. 190.

[90] Voyez les documents, publiés par le conseiller Morati, la Corse, Cosme de Médicis et Philippe II, p. 67 et suiv.

[91] Voyez Bromato, Storia di Paoli IV, Ravenne, 1758, 2 vol. in-4°.

[92] Lettre de Sébastien de l'Aubespine au roi, en date du 1er juin 1559 (Orig., f. fr., vol. 6614, f. 23).

[93] Mémoires de Ribier, t. II, p. 666.

[94] Lettre de La Bourdaisière au roi, en date du 17 août 1559 (Copie ; Ve de Colbert, vol. 343, f. 339).

[95] Lettre de Sébastien de l'Aubespine, du 31 juillet 1559 (Négociations sous François II, p. 52).

[96] Négociation sous François II, p. 8.

[97] Joachim du Bellay, dont l'esprit satirique est aussi vif que l'esprit poétique, a dépeint en traits piquants le trouble de la cour romaine pendant la dernière maladie du Saint-Père. Il se trompe seulement sur le mal, mais la peinture n'en est pas moins exacte. La troisième strophe compare en termes un peu obscurs le principe électif, qui règne à Rome, avec le principe d'hérédité des monarchies. Joachim du Bellay, frère du cardinal de ce nom, avait toutes ses entrées au Vatican et avait pu faire ses observations de près.

Quand je vois ces Messieurs, desquels l'autorité

Se voit ores ici commander en son rang,

D'un front audacieux cheminer flanc à flanc,

Il me semble de voir quelque divinité ;

Male les voyant pélir lorsque sa Sainteté

Crache dans un bassin, et d'un visage blanc

Cautement épier s'il y a point de sang,

Puis d'un petit sourie feindre une sûreté :

Oh ! combien, dis-je alors, la grandeur que je voi

Est misérable an prix de la grandeur d'un roi !

Malheureux qui si cher achète tel honneur !

Vraiment le fer meurtrier et le rocher aussi

Pendent bien sur le chef de ces seigneurs ici,

Puisque d'un vieil filet dépend tout leur bonheur.

[98] Lettre de La Bourdaisière, du 17 août (Copie ; Ve de Colbert, vol. 343, f. 339).

[99] Négociations sous François II, p. 98. — L'Inventaire de la succession et du mobilier de Paul IV est imprimé dans le Bulletin archéologique du département de Tarn-et-Garonne, 1879.

[100] Lettre du 17 août 1559 citée plus haut.

[101] Coquin, gueux, mendiant.

[102] Relation de l'ambassadeur vénitien Louis Mocenigo (Relazioni Venete, série II, t. IV, p. 37-39).

[103] Négociations sous François II, p. 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105.

[104] Lettre de La Bourdaisière, du 6 septembre (Copie ; Ve de Colbert, vol. 343, f. 350).

[105] De Thou, liv. XVI, 1740, t. II, p. 351.

[106] Lettre de La Bourdaisière au roi, du 17 août (Copie ; coll. Clairembault, vol. 65 (anciens numéros), f. 5013).

[107] Lettre originale du roi aux cardinaux du Bellay, de Tournon et de Ferrare, en date du 27 août 1559 (F. fr., vol. 3921, f. 21).

[108] Lettre de La Bourdaisière au roi, du 5 septembre (Copie ; Ve de Colbert, vol. 343, f. 350).

[109] Lettre de La Bourdaisière au roi, du 6 septembre 1559 (Copie ; Ve de Colbert, vol. 343, f. 350).

[110] Lettre de La Bourdaisière au roi, du 16 juin 1560 (Copie du temps ; f. fr., vol. 3102, f. 96).

[111] Le cardinal Carafa protesta plus tard contre l'accusation d'avoir conseillé le meurtre, mais les dépositions du comte d'Aliffe, de Leonardo di Cardine, dont on va apprécier le rôle, l'accusent de complicité. Un secrétaire du cardinal, Silvino Gozzini, déclare qu'il avait écrit au duc, sur l'ordre de son maitre, pour le presser de satisfaire à l'honneur, car autrement il ne le vouloit plus pour frère (Archivio storico artistico archeol. e litterario della cita e province di Roma, t. II).

[112] Dans le récit qui précède nous avons presque littéralement traduit une relation écrite par un des moines qui assistèrent la duchesse à ses derniers moments, et publiée dans l'Archivio storico artistico archeologico e litterario della cala e provincia di Roma, t. II, 1877 et 1878. M. Georges Duruy avait déjà fait connaître et mis en œuvre ce curieux document avant nous (Le cardinal Carlo Carafa, p. 315 et suiv.).

[113] Mémoires de Ribier, t. II, p. 833 et suiv.

[114] Cette intéressante pièce, d'une bonne écriture cursive du XVIe siècle, est conservée à la Bibliothèque nationale, f. fr., vol. 8617, f. 73 et suivantes.

[115] Négociations sous François II, p. 208. — Le cardinal de Guise envoyait périodiquement des messagers au roi (Lettre de La Bourdaisière au roi, du 15 novembre 1559 ; copie ; f. fr., vol. 3102, f. 72). — Le cardinal du Bellay adressait aussi des lettres au roi (Lettres de du Bellay à la reine, du 20 novembre et du 25 décembre 1559 ; orig., f. fr., vol. 3898, f. 5 et 6).

[116] Lettre de Gonzague au duc de Ferrare, du 5 septembre (Épistres des princes réunies par Ruscelli, trad. par Belleforest, in-4°, 1572, f. 177 v°). Lettre de La Bourdaisière au roi, du 6 septembre (Copie ; Ve de Colbert, vol. 343, f. 350).

[117] Joachim du Bellay, que nous avons déjà cité, dépeint en vers agréables la cour romaine et le commerce des cardinaux entre eux. On nous permettra cette citation, ce tableau pris sur le vif par un grand poète.

Marcher d'un grave pas et d'un grave sourcil,

Et d'un grave souris à chacun faire fête,

Balancer tous ses mots, répondre de la tête,

Avec un Messer non ou bien un Masser si ;

Entremesler souvent un petit E cosi,

Et d'un Son Servitor contrefaire l'honneste,

Et, comme si l'on eut sa part en la conqueste,

Discourir sur Florence et sur Naples aussi ;

Seigneuriser chacun d'un baisement de main,

Et, suivant la façon du courtisan romain,

Cacher sa pauvreté d'une brave apparence :

Voilà de ceste cour la plus grande vertu,

Dont souvent mal monté, mal sain et mal vêtu,

Sans barbe et sans argent on s'en retourne en France.

[118] Lettre de La Bourdaisière, du 15 septembre 1559 (Copie ; Ve de Colbert, vol. 343, f. 352).

[119] Lettre de La Bourdaisière, du 28 septembre (Ve de Colbert, vol. 343, f. 355).

[120] Lettre de La Bourdaisière, du 1er novembre 1559 (Copie ; Ve de Colbert, vol. 343, f. 360).

[121] De Thon, liv. XXII, 1740, t. III, p. 723.

[122] Pendant son séjour à Rome, le cardinal de Tournon devint grand partisan des Jésuites. Voyez la lettre de recommandation en faveur de la compagnie de Jésus qu'il adressa à la reine le 13 février 1559 (1560) (Orig., f. fr., vol. 6626, f. 8).

[123] Lettre de Philippe II au roi de France (Minute ; Arch. nat., K. 1493, n° 15).

[124] Analyse de la lettre du roi de France communiquée par, Philippe II à Chantonnay (Arch. nat., K. 1493, n° 24).

[125] Mémoires d'estat de Ribier, t. II, p. 839 ; lettre du roi au cardinal de Guise.

[126] Mémoires d'estat de Ribier, t. II, p. 837 ; lettre de l'évêque d'Angoulême au cardinal de Lorraine.

[127] Bromato, Storia di Paolo IV, liv. XII, passim.

[128] Joachim du Bellay, présent à Rome au moment du conclave, présente de la noble assemblée un tableau piquant. Nous avons déjà remarqué que Joachim était le frère du cardinal du Bellay et se trouvait en situation de recueillir de justes informations.

Il fait bon voir, Pascal, un conclave serré,

Et l'une chambre à l'autre également voisine

D'antichambre servir, de salle et de cuisine,

En un petit recoin de dix pieds en carré.

Il fait bon voir autour le palais emmuré,

Et briguer là dedans cette troupe divine,

L'un par ambition, l'autre par bonne mine,

Et par dépit de l'un titre l'autre adoré.

ll fait bon, voir dehors tonte la ville en armes,

Crier Le Pape est fait, donner de faux alarmes,

Saccager un palais. Mais plus que tout cela,

Fait bon voir qui de l'un, qui de l'autre se vante,

Qui met pour cestui-ci, qui met pour cestui-là,

Et pour moins d'un écu dix cardinaux en vente.

[129] Négociations sous François II, p. 208. — Voyez aussi la lettre du cardinal d'Armagnac à la reine, du 28 décembre 1559 (Orig., f. fr., vol. 2812, f. 11), et celle de La Bourdaisière au roi, du 2 janvier 1560 (Copie, f. fr., vol. 3102, f. 73).

[130] Lettre de Philippe II à Chantonnay en date du 28 janvier 1560 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1493, ne 32).

[131] Cette affaire est racontée dans une lettre de François de Noailles, évêque de Dax, du 3 juillet 1558 (Mémoires de Ribier, t. II, p. 742).

[132] Lettre de La Bourdaisière au roi, du 25 septembre 1559 (Copie ; Ve de Colbert, vol. 343, f. 355).

[133] Lettre de La Bourdaisière au roi, du 12 janvier 1560 (Copie ; Ve de Colbert, vol. 343, f. 375).

[134] Voyez notamment la correspondance de Henri III avec Dabin de la Rocheposay (Ve de Colbert, vol. 345).

[135] Lettre de La Bourdaisière au roi, du 24 mars 1560 (Copie ; Ve de Colbert, vol. 343, f. 427).

[136] Lettre de Babou de la Bourdaisière au roi, du 16 juin 1560 (Copie du temps ; f. fr., vol 3102, f. 98).

[137] Telle est l'appréciation de M. Georges Duruy qui a consciencieusement étudié les dossiers. Voyez Carlo Carafa, p. 321. Nous devons ajouter que les lettres de Babou de la Bourdaisière sont moins favorables aux Carafa que leur historien.

[138] Lettre de Babou de la Bourdaisière au roi, du 19 juin 1560 (Copie du temps ; f. fr., vol. 3102, f. 97).

[139] Lettre de Babou de la Bourdaisière du 16 juin, citée plus haut.

[140] Lettre de Babou de la Bourdaisière du 16 juin.

[141] Lettres de Babou de la Bourdaisière au roi, du 16 juin et du 1er juillet 1560 (Copies du temps ; f. fr., vol. 3102, f. 96 et 98).

[142] Lettre de Babou de la Bourdaisière au connétable, du 11 janvier 1560 (1561) (Orig., f. fr., vol. 3158, f. 79).

[143] Bromato, Storia di Paolo IV, liv. XII, passim.