FRANÇOIS DE MONTMORENCY

 

I. — FRANÇOIS DE MONTMORENCY ET JEANNE DE PIENNES.

 

 

François de Montmorency, né le 17 juillet 1530, était le fils aîné du connétable Anne de Montmorency et de Madeleine de Savoie. Son éducation première fut très négligée, mais il sut réparer plus tard les oublis de ses maîtres. Les portraits qui restent de lui en assez grand nombre représentent un jeune homme de haute taille, d'une physionomie douce et un peu indifférente. Son caractère ressemblait à sa figure. Hostile aux grands partis, sage, mesuré, imprégné d'une sorte de mollesse, Montmorency tranche par sa modération avec l'ardeur brouillonne et la violence de la plupart de ses contemporains. Le roi Henri II le choisit comme époux de Diane de France, sa fille naturelle. Diane était fille d'une demoiselle piémontaise de bonne maison, nommée Filippe Duc et habitant Coni. Le dauphin, plus tard Henri II, pendant sa première campagne en Italie, en 1537, était devenu amoureux de Filippe. Il ne put séduire la belle Italienne, mais ses pages se chargèrent d'abréger la distance qui le séparait d'elle. Une nuit, ils mettent le feu à la maison de Filippe, et, tandis que la maison brûle, ils forcent les portes, enlèvent la jeune fille en criant Salva la donna et la conduisent au prince[1]. Il en eut une fille qui fut appelée Diane, peut-être en souvenir de Diane de Poitiers, et qui fut présentée à la cour dans les dernières années du règne de François Ier. Diane devint une princesse accomplie. Voici dans quels termes un de ses panégyristes , Mathieu de Mourgues, trace son portrait :

..... Elle a en ensemble et en degré plus éminent toutes les belles qualités que les princesses et dames, desquelles l'antiquité a faict estat, ont eu en particulier, la bonne grâce de Poppée, la beauté de Faustine, la chasteté de Lucrèce, la prudence de Livia, la science de Cornélia, l'accortise de Julia, la force de Timoclia, le courage de Tomiris, la conduite de Sémiramis, la sagesse de Tanaquil, la foy de Tècla, l'espérance de Monique, la charité de Marcella, la piété de Paula, les sciences de Proba, la débonnaireté de Démétrias, la dévotion de Fausta et le saint zèle d'Eudoxia. Son corps estoit d'assez petite taille, son port grave, sa face riante, son nez un peu aquilin mais bien tiré, le front ouvert, l'œil gai et vif, la bouche vermeille, le teint fort blanc[2].

A l'avènement de Henri II, François de Montmorency n'avait pas encore dix-sept ans ; Diane avait neuf ans. Le 3 mai 1547, à Villers-Cotterets, en présence du roi, fut passé le contrat de mariage. Cet acte constituait un commencement d'engagement entre les deux jeunes gens. Le roi promettait à sa fille une dot de 50.000 écus d'or[3]. Depuis ce jour, les faveurs du roi s'accumulèrent sur la tète de François de Montmorency. Il fut pourvu de la compagnie de cent hommes d'armes du sire de la Rochepot, son oncle, et du gouvernement, en qualité de lieutenant de roi, de Paris et de l'Île-de-France ; mais il ne prit pas possession de la lieutenance à cause de son jeune âge et la céda momentanément à Gaspard de Châtillon, seigneur de Coligny, son cousin germain[4].

Deux ans après, à l'âge de vingt-un ans, François de Montmorency partit avec sa compagnie pour le Piémont, ainsi que Jean de Bourbon, prince d'Enghien, Louis de Bourbon, prince de Condé, Claude de Lorraine, duc d'Aumale, Jacques de Savoie, duc de Nemours, et plusieurs autres seigneurs de la cour[5]. Ces jeunes capitaines brillaient de marquer leur passage par de brillants exploits. Charles de Cossé, comte de Brissac, maréchal de France, lieutenant du roi en Italie, le Fabius cunctator de son siècle, ne voulait rien compromettre. Cependant il se décida à mettre le siège sous les murs de Lanzo, petite ville sur la Sture, au nord-ouest de Turin. Blaise de Monluc et Boyvin du Villars[6] ont raconté ce fait d'armes. Monluc avait fait transporter l'artillerie au sommet d'un rocher d'où elle pouvait foudroyer la ville. Brissac, redoutant d'être surpris au milieu de ces préparatifs par le lieutenant impérial, don Fernand de Gonzague, voulait battre en retraite. Des paroles assez vives furent échangées au conseil entre Brissac et Monluc, le premier exagérant peut-être sa prudence, le second son audace. Voici le récit de Monluc :

Alors monsieur de Montmorency parla et dist : Monsieur, monsieur de Monluc est vieux cappitaine ; il me semble que vous devés adjouster foy à ce qu'il vous remonstre. A quoy monsieur le mareschal respondist : Vous ne le cognoissés pas comme moy, car il ne trouve rien difficille, et ung jour nous fera tous perdre. Lors je luy respondiz que, quant je voyés la chose difficille, que je craignois autant ma peau qu'ung aultre ; mais qu'en cecy je n'y trouvois aulcung inconvénient. Alors monsieur de Nemours dict : Monsieur, laissés-le fere, et esprouvés son dire. Messieurs le prince de Condé et d'Anguien en dirent autant ; monsieur d'Aumalle, le semblable ; monsieur de Gonort, qui est maintenant mareschal de France, monsieur de La Rochefocaut, le comte de Charny, les seigneurs de La Fayette, de Tarride, survirent tous leur oppinion. Et alors monsieur le mareschal dict : O bien, je veoy que tous vous autres avés envye que nous faisions le fou ; or faisons-le donc, car je vous ferai cognoistre que je le suis autant que pas ung de vous[7].

L'abbé d'Auvigny raconte que les seigneurs, venus en Italie pour y apprendre le métier des armes, apportèrent le trouble es l'indiscipline dans l'armée de Brissac. Le maréchal avait été obligé de renvoyer de Chieri trois compagnies de gens de pied pour loger la noblesse venue de France[8]. Les tournois, les fêtes aux dames remplissaient la vie de ces jeunes gens. Ils auraient voulu marcher en avant, combattre sans cesse. Plusieurs s'étonnaient des temporisations de Brissac. Les gens d'armes, les gens de pied, à l'exemple de leurs capitaines, se laissaient aller à l'habitude de censurer le lieutenant du roi. L'ardeur inconsidérée des chefs et des soldats gênait les combinaisons militaires de l'habile maréchal[9]. Quoi en soit, les princes et les seigneurs de la cour, voyant que la guerre se traînait en Italie sans batailles ni grands sièges, revinrent bientôt en France.

Cependant les exigences de la guerre, la nécessité de se faire des partisans en Italie, dans un siècle où les alliances royales constituaient la moitié de la grande politique, obligèrent Henri II à renoncer au mariage- de Diane de France avec François de Montmorency. La petite princesse, âgée de quinze ans, épousa, le 1.3 février 1553, Horace Farnèse, duc de Castro, fils naturel de Pierre-Louis Farnèse, premier duc de Parme et de Plaisance et petit-fils du pape Paul III. François de Montmorency aimait déjà Jeanne de Piennes, fille d'honneur de la reine Catherine de Médicis, et était payé de retour. Jeanne de Piennes était le cinquième enfant d'Antoine de Halwin, seigneur de Piennes et de Maignelay, chevalier de l'ordre de Saint-Michel, capitaine de cinquante hommes d'armes et grand louvetier de France, et de Louise de Crèvecœur, veuve en premières noces de Guillaume Gouffier, seigneur de Bonnivet, amiral de France. Par sa naissance, Jeanne était digne de tous les seigneurs de la cour. Sa beauté était égale à sa naissance. Brantôme, qui l'avait connue, dit qu'elle était aussi belle, aussi honneste et aussi accomplie qu'il y en eust en France et d'aussi bonne maison ; plus loin, il la qualifie des belles et honnestes (de France) et qui avoit refuzé en son temps de si hauts et grandz partis ; plus loin enfin, de belle et honneste fille[10].

Le duc de Castro ne jouit pas longtemps des honneurs et de la fortune que lui promettait son mariage. Il fut un des défenseurs d'Hesdin, ville forte du comté d'Artois, sur les confins de la Picardie, et combattit vaillamment sous les ordres du duc de Bouillon. La ville demanda à capituler après avoir affronté les dernières extrémités. Pendant les pourparlers, suivant de Thou, un prêtre mit le feu aux mines. Chacun cria à la trahison. Le combat recommença sur les ruines fumantes de la ville, et Horace Farnèse fut tué d'un coup d'arquebuse le 18 juillet 1553[11].

Pendant que le duc de Castro remplissait noblement ses devoirs de prince français, François de Montmorency rivalisait avec lui d'honneur et de bravoure. Quelques semaines avant le siège d'Hesdin, au mois d'avril, un des plus habiles lieutenants de l'empereur, Ponthus de Lalain de Bugnicourt, avait entamé le siège de Thérouanne, dans le comté d'Artois, à quelques lieues de Saint-Omer. La cour était tout entière aux fêtes du mariage du duc de Castro et de Diane de France, aux bals, aux festins. aux tournois. Le roi envoya à Thérouanne André de Montalembert, seigneur d'Essé, et François de Montmorency, qu'on croyait peut-être attristé par le spectacle des fêtes dont un autre était le héros. Montmorency avait le commandement en chef, mais, par une modestie rare en tout temps et surtout au XVIe siècle, il le laissa au vieux d'Essé[12], un des quatre gentilshommes de Guyenne que François Ier citait en modèle[13]. Parmi les capitaines qui suivaient ces deux illustres chefs se trouvaient Antoine de Halwin, seigneur de Piennes, et Charles de Halwin, son fils.

La ville fut attaquée avec un acharnement et défendue avec une bravoure admirables. Vers le commencement de juin, la brèche avait soixante pas de largeur. Des batteries, braquées sur les collines qui dominaient la place, foudroyaient ses défenseurs derrière les murs. Les assiégeants en un seul jour donnèrent trois assauts. La lutte dura dix heures. Les Impériaux furent enfin repoussés, mais d'Essé et le seigneur de Piennes restèrent morts sur la brèche. François de Montmorency prit alors le commandement ; la ville résista encore quelques jours avec des soldats épuisés, presque sans vivres et sans munitions. Le 20 juin, Montmorency, acculé à ses dernières ressources, fit battre la chamade. Pendant que les plénipotentiaires des deux armées discutaient les articles de la capitulation, les Allemands, âpres au pillage, coururent en foule à l'assaut. En vain les capitaines espagnols cherchèrent à les arrêter. Les assiégés, pris à l'improviste, étaient hors d'état de résister. En quelques instants, les Allemands se rendirent maîtres de la ville ; ils tuèrent tout ce qui tomba sous leurs mains : capitaines, gens d'armes, gens de pied, habitants, hommes et femmes, tous furent passés au fil de l'épée. Il n'y eut de sauvés que les prisonniers des Espagnols[14].

Quand la nouvelle de ce désastre arriva à la cour, on ignorait encore le sort des défenseurs de Thérouanne. Voici quelques passages d'une lettre héroïque où le connétable de Montmorency rend compte au roi de Navarre, Henri d'Albret, de cette funeste journée. Après lui avoir annoncé la perte de la ville, à laquelle led. s. (le roi) n'a point tant de regrets qu'à la mort des gens de bien qui estoient dedans, lesquels ont faict tel debvoir qu'il n'en fut oncques veu de plus grand, il ajoute : L'on dit que les Espaignols, usant de courtoysie, ont saulvé la vye à aucuns gentilshommes, du nombre desquels est mon fils, qui me scroit, si ainsi estoit, tel plaisir que pouvez penser. Mais, quand aultremens sera advenu, si suis-je délibéré de le porter patiemment, comme je doibs, n'aiant jamais dédyé la vye de mond. fils sinon pour n'estre espargné au service dud. seigneur et mcsmement en lieu si honorable que celluy où il estoit[15]....

François de Montmorency et Charles d'Halwin, seigneur de Piennes, avaient été sauvés par les Espagnols, plus avides de rançons que de meurtres, et conduits en Belgique. Montmorency tomba de droit entre les mains du duc de Piémont, qui le traita fort bien, à cause qu'il avoit cet honneur de lui appartenir, cause de bastardise[16]. Mais la générosité du lieutenant de l'empereur n'alla pas jusqu'à rendre la liberté au prisonnier ; il le retint jusqu'à la fin de la guerre à Tournai[17]. Montmorency ne perdit temps (à quelque chose sert malheur) ; car ne sçachant que faire, et par faute d'autre passe-temps et occupation, il se mit à estudier et lire les livres, que luy, qui auparavant, ainsi que je luy ay ouy dire, avoit desdaigné bien fort la lecture, à mode des seigneurs et nobles du temps passé, s'y pleust tant ceste fois-là, qu'il n'avoit autre affection que celle-là, si bien qu'il y fit fort son proffict ; car, outre qu'il eut de soy l'esprit et u entendement très-bon et très-solide, il le façonna encore mieux par ceste lecture, dont toute sa vie il s'en est ressenty, et l'a-on tenu pour une aussi bonne teste que de seigneur de France[18]. François de Montmorency avait d'autres distractions ; il écrivait à mademoiselle de Piennes des lettres inspirées de cet amour dont elle lui avait donné des gages[19].

Pendant ce temps-là le connétable s'occupait de l'établissement de son fils. Il songeait à lui faire épouser une des filles du duc de Nevers[20], au grand désespoir d'Antoine de Bourbon, rival du connétable, qui voyait croitre par ce mariage l'ascendant de la maison de Montmorency[21] La captivité des défenseurs de Thérouanne dura jusqu'à la trêve de Vaucelles (5 février 1556). Le roi paya 50.000 écus la rançon du fils aîné de son compère[22] ; le sire de Piennes acheta sa liberté de son argent ; et les deux jeunes gens reparurent à la cour au mois d'août 1556[23] avec cette auréole qui s'attache à une glorieuse infortune. Montmorency reçut le collier de l'ordre de Saint-Michel et prit possession de la charge de gouverneur de Paris et de l'Île-de-France[24].

Cependant, l'ambition du connétable croissant avec son crédit, il renonça à mademoiselle de Nevers et demanda au roi la main de Diane de France, veuve au lendemain de ses noces, Le roi l'accorda comme récompense des exploits du jeune défenseur de Thérouanne. En faveur de ce mariage, Henri II promit à François de Montmorency la charge de grand-maître d'hôtel de sa maison[25], les villes de Mantes et de Meulan pour les deniers qu'il debvoit au feu duc Horatio et 100.000 francs de dot à la jeune épouse[26]. Ces accords restèrent secrets. Le connétable se proposait de les publier dans les premiers jours d'octobre, à l'issue d'un grand festin que le roi avait promis d'honorer de sa présence au château d'Écouen. Tout allait bien pour le favori, qui se flattait de confondre ses envieux par un coup d'éclat sans exemple à la cour, quand un obstacle inattendu s'éleva devant ses ambitieux projets de père de famille. La veille de la fête, la veille même du mariage, disent quelques contemporains[27], l'amiral de Coligny, cousin germain du jeune Montmorency, demanda une audience au roi et lui révéla secrètement que le futur époux estait jà marié à la seur de Piennes. Le lendemain, en arrivant à Écouen, le roi prit le connétable à l'écart et luy dit qu'il ne debvroit publier ledict mariaige avant de parler à son fils. Cette ouverture, sans explication, rendit le maitre de la maison perplès et mélancolique tout le long du souper.

Le lendemain matin, 4 octobre, suivant le président La Place[28], le cardinal Odet de Coligny et l'amiral de Coligny, au nom de François de Montmorency, présentèrent au père la requête qui ne le veule presser de se marier d'un an. Ils lui avouèrent que le motif de ce délai estoit pour ce qu'il avoit promis mariaige à ladicte Piennes. Le connétable, pensant que n'y eust que promesse verbale et que encoires elle serait par motz de présent, [dont] le pape en baillerait dispense, fit appeler son fils. Le jeune homme confessa que, avec les paroles, il y avoir eu approche charnelle et consummation[29]. Qui fut estonné ? Ce fut le bonhomme de père qui eut plus de recours à ses larmes et à une tristesse grande de cœur qu'à une aspre colère contre le fils, non toutesfois sans une remonstrance bonne et juste[30]. La scène fut très vive. Après les larmes vinrent les prières, après les prières les menaces. Le connétable, courtisan endurci, acharné à tout ce qui pouvait avancer sa fortune, déclara à son fils qu'il le déshériterait et le chassa de sa présence[31].

Accablé par ce coup imprévu, le connétable demeura treize jours en mélancolies et regrets dans son hôtel de la rue de Montmorency, entre la rue Saint-Martin et la rue du Temple, sans aller au Louvre. Les courtisans le raillaient de cette aventure. Et est la moquerie telle de ses envieulx et partiaulx qu'elle se estend envers le commung. Le roi l'envoya consoler par le malin cardinal Charles de Lorraine, celui peut-être de ses ennemis qui jouissait le plus de sa déconvenue. Il y alla lui-même, en coche, avec les seigneurs de Brissac[32] et François de Larochefoucault. N'est créable, écrit Simon Renard, la démonstration de sentement qu'il (le connétable) en a faicte et continue, non seullement par pleurs et gémissemens, par déconfort, par propos accusatoires de sa fortune, mais aussy par actions[33].

Le lendemain de la confession de François de Montmorency, le 5 octobre, les deux amants furent interrogés au Louvre par le cardinal Charles de Lorraine, assisté de Mathieu de Longuejouc, évêque de Soissons, de Charles de Marillac, archevêque de Vienne, de Jean de Morvillier, évêque d'Orléans, d'André Guillard, s. du Mortier, et de Pierre Séguier, un des présidents du Parlement. Voici les procès-verbaux des deux interrogatoires. Jeanne de Piennes fut appelée la première. On peut se figurer l'émoi d'une jeune fille, citée devant des juges aussi graves, poussée jusque dans ses derniers aveux par le ton railleur et la parole incisive du cardinal. Pourtant, des deux coupables, de la jeune fille et du lieutenant de roi, ce fut la jeune fille qui montra le plus de fermeté.

Interrogatoire de mademoiselle de Piennes.

Du cinquième jour d'octobre 1556.

Monseigneur le cardinal de Lorraine, accompagné de messieurs les évesque de Soissons, archevesque de Vienne, l'évesque d'Orléans, le s. du Mortier, conseiller au conseil privé du roy, et maistre Pierre Séguier, conseiller dudit seigneur et président en la cour de parlement à Paris, s'est, par commandement dud. seigneur et de la royne, transporté au château du Louvre, où il a fait venir devers luy damoiselle Jehanne de Halsvuin, l'une des demoiselles de la royne, laquelle, après serment par elle faict de dire vérité, a dict qu'elle est âgée de 19 à 20 ans.

Enquise par ledit seigneur depuis quel temps elle a cognoissance de messire François de Montmorency, filz aîné de monseigneur le duc de Montmorency, connestable de France, dict que ce feust tost après le commencement du règne du roy, qu'elle le veoyoit souvent chez la royne et ailleurs, et parloit à elle et à ses compaignies.

Quelz propoz elle a euz à ce commancement avecques led. s. de Montmorency, dict plusieurs, dont elle n'est recordz.

Enquise si elle a euz propoz de mariage avecques luy, depuis quel temps et quclz lesd. propos et en qualz lieux ils ont esté tenuz, dict que les premiers propos luy en furent tenuz par led s. de Montmorency, il y a environ cinq ou six ans, et que ce fut au palais de ceste ville de Paris ou à Saint-Germain-en-Laye, et autrement ne sçauroit dire où premièrement il commença à luy an parler.

Lesd. propoz furent qu'il la prenoit à femme et elle respondit qu'elle le prenait à mary. Rien dit que auparavant il luy en avoit plusieurs fois parlé, mais qu'elle ne le voulait accepter, parce qu'elle le voyait bien fort jeune et aussi qu'elle craignait que mond, s. le connestable le trouvast mauvais ; à quoy il luy respondoit qu'il atendroit si longuement et qu'il luy seroit si obéissant qu'il le luy ferait trouver bon, et qu'elle ne l'eust poinct déclaré si led. s. de Montmorency n'en eust parlé à cause du mariage de madame de Castres.

Enquise si il y avoit personne présent à tous les propoz qu'ils ont euz dud. affaire, dit que non.

Enquise s'il luy a jamais riens donné ne faict aucun présent en nom de mariage, dit que non.

Enquise s'il y a riens eu de faict aud. mariage et autre chose que parole entre eux et si ausd. promesses est intervenu quelque homme d'église, dict qu'il n'y a riens eu de faict, mais de parolle seulement, et qu'il ne l'en a pas requise et que aussi bien ne y eust-elle jamais consenty[34].

Enquise si elle en a jamais riens descouvert à parent, frère, seur ni autre, dit que non.

Enquise si elle en a riens escript, dit que non. Bien confesse que, pendant la prison dud. s. de Montmorency[35], elle en a receu de luy quelques lettres quelle a bruslées parce qu'elles ne contenoient riens desd. affaires ; et interroguée par qui elle les a receu, lcsd. lettres, dit qu'elle ne sçait et qu'elles luy ont esté baillées ouvertes.

Enquise quels propos il luy a tenus depuis son retour de prison et s'il luy a continué lesd. propos de mariage, dit que ouy et mesmement en l'abbaye de Vauluisant dernièrement qu'il y estoit.

Enquise quels furent lesd. propos, dit qu'ils furent semblables aux premiers, comme est qu'il la prenoit encore à femme, et que, s'il tardoit à le faire, qu'il le feroit, et qu'elle respondit qu'elle le prenoit aussi à mary, comme le jour d'hier, au logis de mond. sieur le connétable, il luy répéta encore lesd. propos et la pria ne se fascher point.

Enquise si elle sçayt pas bien que ledit mariage par elle prétendu seroit mariage clandestin, qui est défendu par l'Église, dit qu'elle ne scayt.

Enquise si elle sçayt pas bien que ledit. s. de Montmorency est fils de famille, ayant père et mère, dit qu'elle scayt bien qu'il a père et mère, mais qu'elle pense qu'il peut bien se marier, comme le mariage est de Dieu et la cérémonie est de l'église.

Enquise si elle sçavoit pas bien qu'elle offencoyt Dieu, le roy et la royne, dit qu'elle ne pense point avoir offencé Dieu en test endroit, mais bien le roy et la royne.

Enquise si elle se veult rapporter de ce faict and. s. de Montmorency et si les choses sont ainsi que dessus, dit qu'elle l'en croit et s'en rapporte à ce qu'il en dira.

Lesd. interrogatoires et responses luy ont esté leues, après la lecture desquels elle a persisté en ses responses et les a signées.

JANNE DE HALLUIN[36].

Interrogatoire de François de Montmorency.

Le 5e jour d'octobre 1556.

Après serment faict par messire François de Montmorency, chevalier de l'ordre du roy, de dire vérité, a dit qu'il est âgé de 26 ans.

Enquis par mondit sieur le cardinal depuis quel temps il a cognaissance de damoiselle Jehanne de Halluyn, l'une des damoiselles de la rovne, dict qu'il est dès le commancement de ce règne pour l'avoir veue et parlé à elle plusieurs fois.

Enquis quels propos il a eus avecques elle à ce commancement, dit qu'il a eus plusieurs propos dont il n'a mémoire.

Enquis s'il y a eu propos de mariage entre eulx, depuis quel temps et quels sont lesdits propos et en quel lieu ils ont esté tenus, dit que le roy estant en ceste ville de Paris, avant son voyage d'Allemaigne, il oust parolles avec lad, damoiselle de l'espouser et luy dict qu'il la prenoit à femme et elle luy dict qu'elle le prenoit à mary.

Enquis s'il y avoit personne présent à tous les propos, dit qu'il n'y avoit personne.

Enquis s'il n'y a eu nul présent et don entre eulx en nom de mariage, dit que non.

Enquis s'il y a rien cu de faict ou autre chose que de parolle aud. mariage, dit que non.

Enquis s'il s'est jamais descouvert et conseillé à personne dud. affaire, dit que non.

Enquis s'il y eut rien par escript et s'il a point cscript et receu lettres d'elle touchant led. mariage, dit qu'il n'en a esté rien cscript ne aussi reccu aucunes lettres d'elle.

Enquis quels propos il a tenus à lad. damoiselle depuis son retour de prison, dit qu'il a depuis continué lesd. propos à lad. damoiselle en tous les lieux où ils se sont peu retrouver, s'asseurant qu'il ne luy fauterait jamais à ce qu'il luy avait promis.

Enquis s'il eut hier aucun propos avec elle au logis de mond, sieur le connestable et quels furent lesd. propos, dit que ouy, continuant lesd. propos et la peine en quoy il estait.

Enquis s'il sçayt pas bien que ce mariage prétendu est clandestin et défendu par l'Église, dit que non.

Enquis s'il sçayt pas bien que, ayant père et mère et estant fils de famille, les droicts luy deffendent de contracter mariage sans l'auctorite et consentement de ses père et mère, dit que, quand il fust esté follyé, il ne considérait pas toutes ces choses-là et que l'aage ne le portoit pas, et que s'il avoit à le faire à ceste heure, il y penseroit davantage.

Enquis s'il sçavoit pas bien que en ce faisant il offense Dieu, le roy et la royne, dit qu'il ne le cognoissoit pas.

Enquis si de tout ce que dessus il se vouldroit rapporter à lad. damoiselle et la croire de cc qu'elle en dira, dit que oy et qu'il l'estime si femme de bien qu'elle ne dira que la vérité.

Enquis qui parla le premier dud. mariage, luy ou elle, dit que ce fut luy.

Enquis si ledit mariage se pourra dissouldre, s'il l'avoit agréable, dit que oy[37].

Luy ont esté feus lesd. articles et responses, après la lecture desquels il y a persisté et les a signés.

F. DE MONTMORENCY[38].

Aussitôt après son interrogatoire, la belle Jeanne de Piennes fut chassée de la cour et conduite au couvent des Filles-Dieu, refuge des femmes de mauvaise vie, maison sévère, où la règle était celle d'une prison[39]. Quant à François de Montmorency, le connétable prit un parti qui est resté de tradition chez les pères de famille mécontents de leurs fils ; il le fit voyager et l'envoya à Rome. Bien que le mariage parût indissoluble, il avait été consenti à l'insu des deux familles, et l'état de minorité des conjoints autorisait le connétable à en demander la dissolution au pape. Les interrogatoires turent envoyés à Rome u avec tout ce qu'on put ramasser d'autoritez de l'écriture sainte et des Pères contre les mariages faits sans le consentement des parents[40].

Alors commença auprès du Saint-Siège une négociation obscure, mêlée de politique, dont nous abrégeons les péripéties[41]. Le pape Paul IV désirait s'allier avec le roi de France pour chasser les Espagnols de l'Italie. Le connétable pouvait servir ses projets ; Paul IV était obligé de le ménager. D'autre part, il désirait marier un de ses neveux, le duc de Palliane, avec Diane de France. Les intérêts contradictoires de la cour romaine et surtout la gravité de la question canonique prolongèrent la négociation pendant tout l'hiver de 1556-1557. François de Montmorency était remis de congrégation en congrégation. Le connétable, fatigué de ces lenteurs, obtint du roi, au mois de février 1557, contre les mariages clandestins, une ordonnance dont voici les principales dispositions :

L'art. I autorise les parents à déshériter les enfants mineurs qui se seront mariés sans le consentement de leurs parents.

L'art. II les déclare incapables de recueillir les droits de succession auxquels ils auraient eu droit.

L'art. III stipule que les dispositions précédentes seront exécutées sans préjudice des peines auxquelles les enfants pourraient être soumis ainsi que ceux qui auront traicté tels mariages avec eux et donné conseil et aide pour la consommation d'iceux.

L'art. IV donne à la loi un effet rétroactif, mais excepte les mariages qui auront été consommés avant la publication de ces présentes.

L'art. V fixe la majorité des garçons à trente ans et celle des filles à vingt-cinq[42].

Pendant cette longue négociation, l'attitude de François de Montmorency ne fut pas celle d'un héros de roman. On regrette de trouver tant de faiblesse chez un capitaine de vingt-six ans. Ce « beau fils », qui jurait à mademoiselle de Piennes un amour éternel la veille même de ses aveux au connétable, part docilement pour Rome le lendemain et va demander au pape l'annulation de ses promesses. Aussitôt après son arrivée, il écrit à son père.

A monseigneur le duc de Montmorency, pair et connétable de France.

Monseigneur, encore que je congnoisse bien que l'offence que je vous ay faicte est si grande que ne me devriés jamais faire tant d'honneur que d'houyr lire ma lettre, si esse que je vous suppliray très-humblement me voulloir pardonner si j'ay prins la hardiesse vous escrire ceste-ci pour vous asseurer que, si, pour avoir ung extrême regret et desplaisir de vous avoir tant offencé, il se pouvoir faire que je ne feusse point tombé en tel inconvénient, vous ne seriés, monseigneur, à cest heure à cognoistre que jamais filz n'cust tant de repentance d'avoir désobéy à son seigneur et père comme j'ay. Vous suppliant très-humblement estre asseuré que, si j'ay esté si malheureux que de vous désobéir une fois, ce sera pour la dernière et que pour satisfaction vous ne me scauriés ordonner peine si rigoreuse que je n'estime beaucoup moindre que ma faulte et que je ne reçoive bien voulontiers. Et, si j'estois si malheureux que de ne vous pouvoir satisfaire autrement, j'espère que Dieu me fera la grâce que de me permettre bien tost mourir en quelque lieu si honorable, que vous cognoistrez, Monseigneur, que ce qui m'est avenu n'est que folie et jeunesse et non point faulte d'avoir le cueur en aussi bon lieu que ung, qui a l'honneur d'estre vostre fils, comme j'ay, doibt avoir ; comme le s. de La Couldre vous fera entendre, s'il vous plaist, Monseigneur, l'escouter. Qui sera l'endroit où, après mettre très-humblement recommandé ù rostre bonne grâce, je suppliray le Créateur vous donner en santé très longue et bonne vie, et vous, Monseigneur, voulloir avoir pitié de vostre très humble et très obéissant fils.

F. DE MONTMORENCY.

De Rome, ce XV novembre 1556[43].

Trois semaines plus tard, François de Montmorency écrit de nouveau à son père : Vous ne me sçauriez commander chose en ce monde, après m'avoir fait cest honneur que me permettre me jecter à genoux devant vous[44].... Le même jour, il adresse à sa mère, Madeleine de Savoie, une lettre non moins suppliante pour vous demander à tous deux pardon et recevoir tel commandement qu'il luy plaira (au connétable) et à vous me faire[45]... Douze jours après, il profite d'un voyage de Charles d'Angennes, s. de Rambouillet, plus tard évêque du Mans, en ce moment ambassadeur à Rome, pour renouveler à son père et à sa mère l'assurance de son repentir[46]. Il semble que tant de protestations, tant d'humilité, tant d'obéissance aient eu de la peine à fléchir la colère du connétable. L'ambitieux favori, blessé dans son orgueil, se renfermait dans un silence menaçant. Enfin il daigna répondre à François de Montmorency une lettre sévère où il lui refusait jusqu'au nom de fils[47]. Cette lettre fut le signal de nouvelles demandes de pardon.

A monseigneur le duc de Montmorency, pair et connétable de France.

Monseigneur, si j'eusse pensé que Derdoy oust faict si long séjour par deçà, je vous eusse escrit, incontinent qu'il feust arrivé, pour vous remercier très humblement de l'honneur qu'il vous a pieu me faire m'escrire par luy, qui m'a esté donne part le plus grand plaisir que je pouvois recevoir, congnoissant que vous ne m'avez point en mon malheur du tout oublyé, mais de l'autre part, voyant que, par vostre lettre, pour mon offence, j'ay mérité de n'estre plus appellé vostre filz, et m'a esté le plus grand regret et desplaisir que je receus jamais. Par quoy, Monseigneur, je vous supplie très humblement que, pour l'honneur de Dieu, il vous plaise me pardonner et me restituer en vostre bonne grâce. Vous asseurant, Monseigneur, que, pour satisfaction de ma faulte, je vous seray toute ma vie si subject, si humble et si obéissant que j'espère de regaigner avec l'aide de Dieu ce que j'ay perdu en vostre endroit. Et, pour mieux pouvoir obeyr à tout ce qu'il vous plaira me commander, avec vostre faveur et l'aide de vos bons serviteurs qui sont par deçà, j'espère bientost obtenir de nostre Saint-Père mon absolution et dispense, moyennant laquelle je seray quitte de la promesse que j'avois jeunement et legièrement faicte à mademoiselle de Piennes. Et tous deux serons en nostre première liberté, elle de prandre party où elle vouldra, et moy de faire ce qu'il vous plaira me commander. Et sur ce, atendant en très grand désir de vos bonnes nouvelles, je présenteray mes très humbles recommandations à vostre bonne grâce, suppliant le créateur vous donner, Monseigneur, en parfaite santé très longue vie.

De Rome, ce 31 janvier 1556.

Vostre très humble et très obéissant fils,

F. DE MONTMORENCY[48].

Cependant la chancellerie romaine soulevait des difficultés. Jeanne de Viennes n'avait pas donné son consentement à l'annulation du mariage, et dans l'instance introduite elle avait des droits égaux, au moins, à ceux de son complice. Elle était renfermée au couvent des Filles-Dieu et y était durement gardée, d'après Le Laboureur, jusqu'à craindre d'étre plus maltraictée. Au mois de janvier 1557, on n'avait encore rien obtenu d'elle. Comment arracher le désistement d'une gentilfemme fière, énergique, qu'une retraite forcée, assez semblable à une détention, n'avait pu faire fléchir ? Les gens de la basoche, les membres du conseil du connétable organisèrent autour de l'infortunée un piège dans lequel elle tomba. Le 15 janvier, le connétable ordonna à son fils de signifier à mademoiselle de Piennes que la rupture était définitive :

A monsieur de Montmorency.

Mon filz, j'ai entendu du sieur de La Couldre ce que lui avez donné charge me dire, à son retour d'Itallie ; et aussi recru du sieur de Rambouillet vostre lettre du .... jour du mois passé, qui m'a confirmé les mesmes propos et déclairé bien avant de rostre part ce dont l'avez prié. Par où j'ai congneu que Dieu vous a faict la grâce de reeognoistre la grande et lourde faulte que vous aviez premièrement envers luy, envers le roy, et après à l'endroict de rostre mère et de moy, et à vous mesme aussi ; et la délibération que vous avez prinse de retourner au bon ehemyn et à l'obéissance filiale ; dont j'av esté très ayse, estimant que ceste contrition vous conduyra au point où elle doibt tendre qui est de vous retirer du labirinthe où vous vous estes, comme vous veoyez bien à ceste heure, inconsidérément enveloppé. Au moïen de quoy, puisque vous avez ceste intention, et désirez ractaindre ma bonne grâce, faietes-le moy cognoistre par les effectz. Et, incontinent la présente reeeue, dépeschez La Porte par deçà en extresme dilligence devers la damoiselle, avecques une lettre de vous, par laquelle vous lui ferez entendre que, ayant recongneu l'erreur où vous estiez, sans y penser, tombé, vous l'avez deseouvert à nostre Sainet-Père ; et desplaisant d'avoir en cest endroict offencé Dieu, le roy, rostre père et vostre mère, luy en avez demandé pardon, qu'il vous a de sa bonté et clémence accordé et dispensé autant qu'il en peult estre besoing. De quoy vous la rouliez bien advertir, et, comme mus départez de tout ce que vous luy pouvez avoir promis pour Ic mariaige d'entre vous deux, et ainsi le quittez, à ce qu'elle ne s'y attende plus : l'admonestant et priant qu'elle face le semblable de Sa part envers vous qui estes résolu de n'avoir jamais avecques elle plus grande communication. Vous retirant cependant devers nostre Sainct-Père en l'humilité que vous devez, pour obtenir de luy les grâces et dispenses nécessaires, lesquelles je m'asseure qu'il ne vous refusera pas, vous voyeant chemyner en ceste affaire de la sincérité de cœur qu'il appartient. Si vous faistes cela, vous satisferez à Dieu et à rostre devoir et me donnerez occasion d'oublier le mal, l'ennuy et l'offence que vous m'avez faicte, et vous rendrez digne de ma bonne grâce que je ne tous desnyray poinct, quant vous me serez tel et si obéissant filz que je vous ay esté bon père[49].

Sur cette injonction, le docile capitaine écrivit à celle qu'il avait aimée. En même temps il écrivit à sa mère :

A madame la connétable duchesse de Montmorency. Madame, avant hier au soir receu le commandement qu'il a pleu à monseigneur le conestable me faire par sa lettre du xv du passé, je n'ay voulleu faillir, suyvant iccluy, despécher incontinent La Porte avec la lettre qu'il me commande escripre à mademoiselle de Pienne, vous suppliant très humblement estrc asseurée que, si en aultre chose je pouvoir luy faire cognoistre et à vous l'extrême regret que j'ay de vous avoir tous deux tant offencés, je ne fauldrois de la mettre promptement en exécution, comme j'ay prié mons. de Lanssac vous faire entendre. Qui me gardera vous ennuyer de plus longue lettre, sinon vous présenter mes très humbles recommandations à vostre bonne grâce et supplier nostre seigneur, Madame, vous donner en santé très bonne et longue vie.

De Rome, ce Ve de février 1556.

Vostre très humble et très obéissant filz.

F. DE MONTMORENCY[50].

La lettre de François de Montmorency fut apportée à Paris par François de La Porte, seigneur d'Autreville, un des gentilshommes du connétable. La Porte était le confident du jeune capitaine et redoutait de passer aux yeux du connétable pour le complaisant des amours de son fils. Aussi se fit-il précéder d'une déclaration où il jurait qu'il n'avait rien su des amours de son jeune maître[51], et arriva-t-il à Paris disposé à servir les desseins du connétable jusqu'aux dernières extrémités. La Porte, accompagné de Jacques Benoist de Lagebaston, maitre des requêtes de l'hôtel du roi, premier président du parlement de Bordeaux, personnage estimé qu'on regrette de trouver dans cette intrigue, de Jacques Veau, secrétaire du roi et trésorier des guerres, de Germain Le Charron et d'Estienne du Nesmes, notaires au Châtelet, pénétra au couvent des Filles-Dieu en vertu d'une permission du roi et fit appeler mademoiselle de Piennes. Il lui remit la lettre du héros de Thérouanne et lui signifia qu'il avait ordre de la lui faire lire tout haut en présence des notaires qui en avaient pris copie. Voici le procès-verbal de cet acte extrajudiciaire.

Acte de la lettre présentée par le s. de La Porte de la part du s. de Montmorency à mademoiselle de Piennes.

Aujourd'hui, 18 février 1556, sur les quatre ou cinq heures du soir dud. jour, François de la Porte, escuyer, s. d'Autreville, gentilhomme de la maison de messire François de Montmorency, chevalier de l'ordre, s'est présenté par devant nous, Germain Le Charron et Estienne du Nesmes. notaires dudit sieur en son Chastelet de Paris, et à lad. heure nous a, en la maison de nous, Le Charron, assise en ceste ville de Paris, rue de l'Arbre-Secq, dict et remonstré pour et au nom dud. de Montmorency, présens et assistans à ce maistre Jacques Benoist Lagebaston, conseiller maistre des requestes dud. sieur et premier président en la court de parlement de Bourdeaux, et Jacques Veau, aussi conseiller, notaire et secrétaire dud. sieur et trésorier des guerres de S. M., demourants, assavoir, ledit Lagebaston en lad. ville de Bourdeaux et led. Veau en ladite ville de Paris, que ledit jour il avoit obtenu permission du roy d'aller au couvent des Filles-Dieu de lad. ville, présenter au nom dud. de Montmorency à damoiselle J channe de I lallevuin, dicte de Piennes, certaines lettres missives que iccluy seigneur de Montmorency escripvit de Rome à lad. de Piennes, et de dire en mesme nom à icelle de Piennes la charge qu'il avoit touchant le contenu desd. missives, ensemble de pouvoir mener avecques luy aud. couvent, pour assister à l'exécution de sad. charge, lesd. Benoist de Lagebaston et Veau, suivant la réquisition que de ce, peu auparavant, il leur en avoit faicte, et autres témoins que bon luy semblera, jusques au nombre de huict, et tels notaires qu'il verroit cotre à faire pour luy en bailler tel acte et instrument qu'il appartiendroit ; et que pareillement led. sieur luy auroit baillé une missive, signée de sa propre main et du Thicr, l'un des secrétaires de ses commandements, adressans à la prieure dud. monastère, contenons lad. permission, et afin qu'elle permit ledit de La Porte parler à lad. de Piennes es présences susdites pour l'exécution de sad. charge.

Et à ces causes led. de La Porte, au nom dud. sieur de Montmorency, nous a sommés et requis comme personnes publiques et notaires susd., et ledit Benoist Lagebaston et Veau et mis Pierre de Cercaud, secrétaire dud. sieur Lagebaston, comme tesmoings, de nous transporter promptement avecques luy jusques aud. monastère et d'assister à l'exécution de sad. charge et de luy bailler acte par nous notaires pour, et au nom dud. s. de Montmorency, de tout ce qui se feroit en nos présences et desd. tesmoings, cc que nous lui avons accordé faire.

Et en mesme instant nous sommes, en la compaignye desd. de La Porte, Lagebaston, Veau et de Cercaud, promptement transportés aud. monastère des Filles-Dieu ; et tous par ensemble et en la compaignie des frères François Rouhault, père confesseur, et Adam le Beau, religieux dud. couvent, entrés dans une grande salle basse d'iccluy couvent, appelée la communité ; et y sommes ainsi entrez par le moyen de sœur Louise Damet, sous-prieure et dépositaire dud. monastaire, pour la maladie de laquelle pour lors lad. prieure estoit détenue.

Et illec estans et après que ladite souz-prieure a eu leu lad. missive du roy adressant à icelle prieure, assistantes illec près d'icelle troys ou quatre autres religieuses dud. couvant, dictes les discrètes dames, lad. Damet, ce requerant lad. de La Porte, a mandé par sœur Marie Bourcier, aussi religieuse dud. lieu, à lad. de Piennes qu'elle eut à venir aud. lieu. Laquelle de Piennes y est tout incontinent venue suivant ledit mandement, y ayant une aultre damoiselle avec elle, et Mec à lad. heure et présans tous les dessusd., lad. de La Porte a présenté à lad. de Piennes les susd. missives dud. messire François de Montmorency, à elles adressantes de la teneur qui s'ensuit :

Mademoiselle de Piennes[52], ayant connu l'erreur où j'assois tombé sans y penser, et estant déplaisant d'avoir offensé Dieu, le roy, monseigneur et madame la connestahle, j'ay fait entendre à nostre Saint-Père le Pape comme les choses se sont passées entre nous deux, et demandé de cela pardon à Sa Sainteté, lequel m'a de sa bonté et clémence accordé, et en tant qu'il estoit besoin dispensé, pour me remettre en ma première liberté : dont je vous av bien voulu avertir. Et aussi pour nous osier tous deux hors des malheurs et peines où nous sommes, je me départs de toutes les paroles et promesses de mariage qui sont passées entre nous deux, desquelles par la dite dispense nous demeurons déchargez, et vous en quitte ; vous priant bien fort faire le semblable en mon endroit, et prendre tel autre parte pour vostre aise que bon vous semblera. Car je suis résolu n'avoir jamais plus grande ny plus particulière communication, ny intelligence avecques vous : non pas que je ne vous aye en estime de sage et vertueuse demoiselle, et de bonne part, mais pour satisfaire à mon devoir et éviter les malheurs et inconvéniens qui nous en pourroient avenir ; et surtout pour donner occasion à Sa Majesté et à mesdits seigneur et dame d'oublier l'offense que je leur ay faite, tant pour le réparer que essayer me rendre digne de leurs bonnes grâces, que pour satisfaire à ce que je leur dois par commandement de Dieu, auquel je supplie vous avoir, Mademoiselle de Piennes, en sa sainte et digne garde.

De Rome ce 5 février.

Celuy que trouverez prest à vous faire service,

MONTMORENCY.

Et au dessus desd. lettres estoit escript :

A mademoiselle de Piennes.

Et, en présentant par lcd. de La Porte lesd. missives à lad. de Piennes, l'a priée et requise les vouloir lire tout hault en la présence de lad. assistance ; et a dict qu'il les luy présentoit de la part et par le commandement dud. messire François de Montmorency, et que par mesure commandement il la prioit de la lire tout hault et intelligiblement à lad. assistance, ce qu'elle a accorde faire. Et, incontinent après les avoir ouvertes, les a feues entièrement et de mot à mot et tout hault, en la présence dud. Benoist de Lagebaston, Veau et Cercault, Rouhault et Le Beau, religieux susdits, et de nous, notaire, ayant entre nos mains la copie desd. missives par nous retenue led. jour, peu auparavant ladite présentation d'icelles à lad, de Piennes et par nous collationnée à son original, et lisans à par nous lad. copie, à mesure que icelle de Pienne lisoit led. original.

Mais cette lecture était un acte de dureté sans profit si les messagers du connétable n'en obtenaient pas le désistement de la jeune fille.

Et incontinent après lad. lecture de missive ainsi faite par lad. de Pionne, led. de La Porte, présents les susdits et en nos présences, luy a dict telz mots :

Mademoiselle[53], tout ce que j'ay à vous dire vient de la part de M. de Montmorency, et le vous diray, s'il vous plaist, pour ce qu'il m'a commandé et donné charge d'ainsi le faire. Vous avez veu par sa lettre, que maintenant vous avez lûë, combien il estime avoir grandement offensé Dieu, le roy, monseigneur le connestahle son père et madame la connestable sa mère, pour raison des propos de mariage qui pourroient avoir esté entre luy et vous, sans les en avertir et sans leur consentement : et que luy reconnoissant depuis la faute que en ce il avoit commise et la voulant réparer : aussi considérant que vous n'en estiez point venus tant avant ensemble, que ce fussent bien choses réparables et qui se pouvoint dissoudre par la puissance de nostre S. Père le Pape : a supplié très humblement Sa Sainteté de luy pardonner l'offense qu'il avoit commise par les propos de mariage d'entre vous, et la dispenser et luy et vous de vous pouvoir marier ailleurs, quand bon vous semblera ; ce que nostre S. Père le Pape a fait, et par ce moyen remis M. de Montmorency et vous en vos premières libertez, comme il vous escrit par sa lettre que vous ay présentement baillée. Et à cette cause, et luy estant dispensé, et par sa dispense libre et en sa première liberté de se marier ailleurs que avec vous, quand bon luy semblera, je vous déclare, par son commandement, qu'il vous quitte de tous propos et promesses de mariage, qui pourroient cy-devant en façon quelconque avoir esté entre vous deux ; et vous prie et requiers de sa part que vous ayez pareillement à me déclarer si vous ne l'en quittez pas aussi de la vostre.

La jeune fille, fondant en larmes, fit une belle réponse. Nous reproduisons le texte du procès-verbal :

A quoy, par lad. de Piennes, ayant les larmes aux yeux et en pleurant, a esté respondu en telles paroles :

M. de La Porte, j'aime beaucoup mieux que la rompture des promesses de M. de Montmorency et de moy vienne de sa part que de la mienne. Il montre bien par les propos, que me tenez maintenant de sa part, qu'il a le cœur moindre qu'une femme, et n'est pas ce qu'il m'avoit tant de fois dit qu'il perdroit plutost la vie que changer de volonté. Il m'a bien abusée ; je voy bien qu'il aime mieux estre riche que homme de bien.

Cette réponse couvrait de honte l'absent auquel elle était adressée, mais elle ne contenait aucune déclaration dont un habile procureur, même en torturant les textes, pût tirer parti.

Et par ledit La Porte ont esté sur ce dit tels mots : Mademoiselle, M. de Montmorency vous estime vertueuse et de bonne part, comme il vous escrit ; il est aussi de son costé de bonne et ancienne maison, bien nourry, et ayant son honneur en recommandation, et n'offense en rien son honneur en vous quittant ; d'autant que en ce faisant il répare une grande offense, qu'il avoit faite par les promesses de mariage entre vous : et d'autant qu'il fait cette réparation de faute par l'autorité et dispense de N. S. Père le Pape, comme aussi M. de Montmorency vous escrit par sa lettre que je vous ay maintenant baillée, ce vous sera et à l'un et à l'autre plus d'avantage d'estre remis en vos premières libertcz par cette dispense, et en la bonne grâce de vos parents, que autrement : et à cette cause regardez, Mademoiselle, s'il vous plaist, de me faire réponse.

Le complaisant La Porte mentait impudemment. L'autorité et dispense du pape n'avait pas encore permis à François de Montmorency de briser son serment par un parjure. C'était même parce que la congrégation romaine se refusait à cette injustice que La Porte et ses acolytes pressaient la jeune fille.

A quoy par ladite damoiselle, en pleurant comme dessus, ont esté dits tels mots : Hé ! M. de La Porte, quelle réponse voulez-vous que je fasse ? M. de Montmorency a-t-il bien eu le cœur de m'escrire une telle lettre ?

Et par lad. La Porte luy a esté dit et respondu tels mots : Mademoiselle, il vous mande par les lettres, que je vous ay présentement baillées de sa part, les causes pourquoy il le fait ainsi, qui sont fort raisonnables. A ceste cause, dites-moy, s'il vous plaist, Mademoiselle, si tout ainsi que M. de Montmorency, par sa lettre que jc vous ay présentement baillée, vous quitte des promesses de mariage qui pourroient cy-devant avoir esté entre luy et vous, de vostre part vous l'en quittez aussi ?

Et par ladite de Piennes sur ce point a esté respondu en telles paroles : M. de La Porte, puisque le vouloir de M. de Montmorency est de me quitter des promesses de mariage d'entre luy et moy, et que maintenant il me quitte, je ne veux et ne puis empescher qu'il ne fasse ce qu'il luy plaira, et ne puis avoir volonté contre la sienne.

La Porte continua à mentir sur le fait de la dispense du pape. A la cour on pouvait prendre un peu sur sa probité pour servir les intérêts de son maitre.

Et par led. de La Porte ont en cet endroit et aussi sur ce point esté dites à lad. demoiselle de Piennes telles paroles : Mademoiselle, M. de Montmorency vous fait ce quittement, parce qu'en vous faisant les promesses de mariage, qu'il dit avoir esté entre luy et vous, il avoit offensé, comme je vous ay dit. Et, pour ce que par le dispense que N. S. Père le Pape luy a octroyée de telles promesses, st de laquelle il vous a escrit par la lettre, que je vous ay maintenant baillée, M. de Montmorency est remis en sa première liberté, et toute telle qu'il avoit auparavant qu'il vous eut fait aucunes promesses de mariage, et aussi que le Pape est notre supérieur, et a bien pu bailler telle dispense, ce que Sa Sainteté n'eut fait si ce eut esté chose déraisonnable, il vous prie, suivant ce qu'il vous escrit, le quitter, comme de sa part il vous quitte.

Mademoiselle de Piennes fut victime de sa générosité et de sa grandeur d'âme.

Et à ce par lad. de Piennes a esté faict response en telles paroles : M. de La Porte, puisque M. de Montmorency me quitte maintenant des promesses de mariage qui ont esté faites entre lus' et moy, s'il estoit fils de roy, ou prince, m'ayant escrit ce qu'il m'a escrit par sa lettre que vous m'ayez maintenant baillée, je ne le voudrois espouser, et l'en quitte.

Cette réponse était celle qu'attendaient La Porte et ses acolytes. On peut s'en rapporter au procès-verbal du soin d'avoir reproduit exactement les paroles de la jeune fille. Elle ajouta encore :

Toutefois je m'émerveille de la façon dont il m'escrit par cette lettre que me venez de bailler présentement, et ne puis bonnement croire qu'il l'aye escrite, veu qu'il avait bien accoutumé de m'escrire d'autre langage et d'autre stile.

Ces mots tirent craindre à La Porte qu'elle ne contestât l'authenticité de la lettre et il se hâta de dire qu'il avait vu François de Montmorency l'écrire de sa propre main.

Et par lad. de La Porte ont été sur ce dits tels mots : n Mademoiselle, je vous promets que j'ai veu escrire par M. de Montmorency et de sa propre main toute la lettre que je vous ay maintenant baillée de sa part.

Et par ladite dame de Piennes ont derechef esté dits tels mots audit de La Porte : Oui, mais M. de Montmorency ne me souloit point ainsi escrire. Ce qu'elle ne disoit pas pour douter qu'il n'en eut fait de sa propre main et l'escriture et le seing, mais pour signifier seulement que par icelle lettre ledit s. de Montmorency luy escrivoit en substance des choses qu'il n'avait point aceoustumé et qui estoient fort éloignées de celles qu'il luy souloit escrire.

Et ce fait, ladite de Piennes a demandé à ladite assistance si on n'avoit plus affaire d'elle, et par ledit de La Porte a esté dit que non. Et ainsi que ladite assistance vouloir sur ce soy départir de ladite de Piennes et prendre congé d'elle, icelle de Piennes a dit telles paroles audit de La Porte : M. de La Porte, je vous prie faire mes humbles recommandations à la bonne grâce de M. de Montmorency et de M. de Damville. Et, encore que vous m'ayez maintenant vû pleurer, je vous prie de dire à M. de Montmorency que ce n'est pas de regret que j'aye de luy puisque son vouloir est tel qu'il m'escrit par la lettre que vous m'avez maintenant baillée, et que ne le puis contre son vouloir retenir[54].

Et à tant ladite de Piennes s'est retirée.

Aussitôt après la conférence, les notaires dressèrent le procès-verbal. La pièce, datée du 21 février, fut lue mot à mot par les notaires, en présence des témoins, au couvent des Filles-Dieu à la jeune fille et signée sans protestation. Comme elle contenait la mention d'un tait inexact, celle de la dispense concédée par le pape, les notaires y ajoutèrent une formule de désistement sans détail, par lequel mademoiselle de Pieuses déliait François de Montmorency de ses promesses. Voici la suite du procès-verbal :

Et ledit de La Porte, Lagebaston, Veau, de Cescaud, et ledit Rouhault et Le Beau, religieux susdits, et nous, sommes sortis hors ledit monastère.

De toutes et chascunes lesquelles choses faictes, dictes et passées ès forme, manière, en présence susdites, ledit de La Porte, pour et au nom dudit messire François de Montmorency, nous a requis acte que luy avons accordé pour valloir en temps et lieu et que de raison.

Et le jour desdits mois et an, ledit de La Porte nous a requis en laditte maison de nous, Le Charron, luy délivrer, pour et au nom dudit de Montmorency, ledit acte en forme d'acte accordé par ladite de Pieuses, à quoy a este par nous faict responsc audit de La Porte que nous ne luy pouvions délivrer en laditte forme par luy requise que au preallable il ne fcust par nous leu et donné à entendre de mot à mot à icelle de Piennes, présens lesdits de La Porte, Lagebaston, Veau, de Cescaud, Rouhault et Le Beau, et que expressément laditte de Piennes n'accordast ledit acte estre délivré à iceluy de La Porte en forme d'acte accordé et consenty par elle.

Et le lendemain, 22e jour desdits mois et an, en laditte maison de nous, ledit de Charron, ledit de La Porte ou dit nom nous a requis aller doncques derechef audit monastère pour faire laditte lecture à laditte de Piennes, et pour par icelle veoir, consentir et accorder la susdite délivrance d'acte en forme d'acte par elle consenty et accordé, et quant et quant a aussi prié et requis en mesme nom lesdits Benoist Lagebaston, Veau et de Cescaud, de voulloir comme tesmoings assister à tout ce que dessus, lesquelles choses luy ont respectivement esté accordées par nous et par lesdits Benoist Lagebaston, Veau et de Cescaud.

Et à l'instant et à mesme heure sommes partit tous par ensemble, et nous sommes de rechef transportez audit monastère. Auquel lieu et premier que d'entrer en laditte communauté, ledit de La Porte a aussi prié et requis lesdits Rouhault et Le Beau, religieux susdits, voulloir assister comme tesmoings à laditte lecture et accord d'acte en forme d'acte consente et accordé par laditte de Piennes, laquelle assistance de tesmoignage a esté pareillement accordée à icelluy de La Porte par lesdits Rouhault et Le Beau. Et en ce mesme instant, qui estoit environ l'heure de neuf, attendant dix heures du matin dudit jour, nous sommes, par le moyen aussy de laditte soubz prieure, entrez en laditte communauté. Et illec estant en la présence desdits Benoist Lagebaston, Veau, de Cescaud, Rouhault et Le Beau et ledit de La Porte aussy présents, nous avons dict et déclairé à laditte de Piennes, à ce présente et comparente, que le jour précédent ledit de La Porte, pour ledit de Montmorency, nous avoit requis délivrance dudit acte en forme d'acte et de chose par elle consentye et accordée, et que ne l'avions voulu faire, suivant ledit réquisitoire, que premièrement elle n'en oust entièrement et de mot à mot entendu la lecture et qu'elle n'eust aussi expressément consenty et accordé délivrance en estre faicte audit de La Porte ou dit nom, comme de chose véritable et par elle accordée estre par nous, comme notaires et personnes publiques, délivrées à icelluy de La Porte. A quoy par laditte de Piennes a esté dit qu'elle estait preste d'entendre laditte lecture ; et de faict l'a entendue de nous en la présence de tous les susdits ; et accordé audit de La Porte, à nous et à toute laditte assistance. Et en oultre, tant elle que ledit de La Porte, ont dict et expressément accordé toutes et chascunes les choses cy-dessus contenues et qui sont dictes avoir, ledit 18e jour de cedit moys, esté faictes entre eulx ès présences susdites en laditte communauté, sont entièrement véritables ès forme et manière qu'elles sont cy-dessus escriptes. Et en mesme instant ledit de La Porte ou dit nom a requis ès mesmes présences laditte de Piennes de voulloir consentir et accorder que d'icelles, puisqu'elle les confessait entièrement véritables, acte luy en Fust délivré en bonne et vallablc forme par nous susdits notaires pour servir audit de Montmorency ce que de raison ; ce qu'elle a nomméement et expressément aussi accordé audit de La Porte ou nom qu'il procédoit. Et quant et quant, et en mesmes présences et présente pareillement laditte de Piennes, icelluy de La Porte, pour ledit s. de Montmorency, nous a requis acte de tout ce que dessus luy estre par nous délivré en forme d'acte accordé et consenty par laditte de Piennes ; ce que nous luy avons accordé pour valloir à icelluy de Montmorency et à tous aultres qu'il appartiendra en temps et lieu ce que de raison.

Et a l'instant lesdits Benoist Lagebaston, Veau et de Cescaud, Rouhault, Lebeau et nous sommes sortis hors ledit monastère et nous sommes retirez respectivement en nos maisons de laditte ville de Paris.

Ce fut faict, accordé, consenty, passé, requis et octroyé les an et jour susdits.

DU NESME.

LE CHARRON[55].

Nous croyons reconnaître une importante disparité de rédaction dans les diverses parties de cette pièce. Le dialogue du messager La Porte et de la jeune fille est d'un style facile et aisé ; la suite est un exemple de ce jargon barbare qu'affectait la procédure du XVIe siècle. Nous en concluons que la première a dû être revue et soigneusement corrigée, à cause des déclarations qu'elle contient, par un styliste aux gages du connétable ; la seconde seule est l'œuvre des notaires.

La Porte fut chargé de présenter les pièces à Rome. Malgré l'appui que ces actes prêtaient aux avocats de François de Montmorency, le Sacré-Collège hésitait. Un des membres les plus autorisés, le cardinal Alexandrin, objectait en principe que Quos Deus conjunxit homo non separet. Le pape réunit le 23 mars un consistoire[56] et posa la question en ces termes :

Un personnage noble et grand et vraiment toujours dévotieux au Saint-Siège..., qui estoit le connétable de France, homme de grande autorité envers le roy, son très cher fils, et princeps sui consilii, avoit icy son fils, qui s'estoit montré et modeste et honneste et fort vaillant au service de l'Église, voire plus que Page n'eut montré. Ce jeune homme s'estoit marié par paroles de présent à une jeune fille, noble vrayment et de bonne maison, et dont les parents et ceux de son sang avoient bien servy leur prince, mais depuis le père lui avoit trouvé un plus grand party, au moyen de quov il désirait la dissolution de ce mariage. Or en ce mariage, dit-il, n'y a point de consommation charnelle, et au reste a été mariage parfait et judiciairement déclaré pour tel par acte auquel l'archevêque de Vienne (Charles de Marillac) non salum interfuerat, verumetiam prœfuerat et fuerat judex. Pour venir à l'éclaircissement de ce doute j'ay ordonné ces jours passés que bon nombre de personnages scavants, tant en droit canon qu'en théologie, y estudiassent, et qu'ils vinssent résolus de leurs opinions sur l'interprétation de ce passage de saint Mathieu Quos Deus conjunxit homo non separet ; à sçavoir s'il entend seulement de mariage consommé par cohabitation ou aussi de mariage non consommé[57].

Outre l'impartialité du pape, ce passage prouve la mauvaise foi du connétable et de son fils. Les interrogatoires, tous les actes de procédure laissaient dans l'ombre la question de la consommation du mariage, sur laquelle on savait bien que Jeanne de Piennes ne réclamerait pas. Aussi l'histoire resterait-elle dans le doute sur un point qui modifie si gravement les droits et les devoirs des deux parties, si l'ambassadeur espagnol, Simon Renard, présent à Paris et bien informé de ce que tout le monde savait à la cour, n'avait pas averti son maitre qu'il y avoit eu approche charnelle et consommation[58].

Chaque cardinal donna un avis motivé, Dans ces sages délibérations nous n'entrevoyons pas la place des mobiles intéressés que Le Laboureur et Bayle reprochent à la cour romaine. Qu'au. raient-ils dit de plus si le pape eût usé de complaisance à l'égard du connétable ! La guerre avait repris en Italie ; l'armée du roi de France, dirigée contre le royaume de Naples, occupait Rome ; le pape touchait au comble de ses vœux et se flattait de réaliser son rêve, l'expulsion des Espagnols ; et cependant il refusait de sacrifier les droits d'une jeune fille sans défense aux ardentes ambitions du tout-puissant conseiller de Henri IL Quelle plus évidente preuve du désintéressement de Paul IV[59] !

Le consistoire se sépara sans accorder l'autorisation demandée. Le même jour, François de Montmorency signa une protestation contre ces lenteurs. Peu de jours après, il repartit pour la France sans avoir rien obtenu, mais non sans avoir appris que les tribunaux ecclésiastiques, malgré l'autorité de son père, rendaient des arrêts et non pas des services. Il était à Venise le 1er avril 1557 et adressa au roi cette lettre, qui prouve à la fois sa faiblesse, l'injustice du connétable et l'impartialité de la congrégation romaine.

Au Roy.

Sire, voyant que, quelque dilligence et vive instance que j'aye faict au Pappe, Sa Saincteté m'a remis du jour au lendemain à me despescher ma dispcnce, et que à la tin il n'a sceu si bien couvrir sa dissimulation qu'en pleine congrégation elle n'aye exercé plus tôt l'office d'advocat et de partie adverse que de juge, encore que ce soit une chose deue par droit, et connoissant par là que la fin estoit pour prendre long traict, soit par vindication particulière de monseigneur le connestable ou pour empescher l'effcct qui se peult ensuyvre de l'honneur qu'il vous a pleu me faire, j'ay advisé de partir de Rome pour aller baiser la main de V. M. suivant ce qu'il vous a pleu m'escripre par La Porte. Et en attendant despéche Derdoy, présent porteur, pour vous supplyer très humblement, Sire, de croire que, quant il vous plaira me continuer ceste volunté dont je me sentiray très heureux, que vous ne deppartiriez jamais faveur à gentilhomme de votre royaulme, qui plus franchement et de meilleur cœur employe sa vye à vous faire très humble service que je ferav en toutes les occasions qui se présenteront ; ainsv que j'ay donne charge aud. Derdoy venir dire de ma part, lequel je vous supplie aussi très humblement, Sire, voulloir croire comme vous vouldriez faire moymesmes.

Sire, je supplye le Créateur qu'il vous doint en parfaicte santé longue et très heureuse vye.

De Venise, le premier jour d'avril 1556.

Vostre très humble et très obéissant subject et serviteur,

F. DE MONTMORENCY[60].

François de Montmorency arriva à Villers-Cotterets le vendredi saint, 16 avril 1557[61].

La fermeté du pape mettait obstacle aux projets de mariage du gouverneur de Paris avec Diane de France. Malgré l'autorité du roi, ni cardinal, ni prêtre français n'aurait consenti à célébrer une cérémonie qui se présentait comme une comédie honteuse, la parodie d'un sacrement. L'esprit de servilisme, si marqué au XVIe siècle dans le clergé, avait cependant ses limites. C'est alors qu'un des gens du connétable imagina de lever la difficulté par une série de fausses déclarations. Il conseilla à François de Montmorency de se présenter devant le conseil du roi et d'affirmer qu'il n'y avoit point entre luy et la demoiselle de Piennes de mariage véritablement contracté par paroles de présent, mais seulement une stipulation entre eux de le faire croire, pour tâcher par ce moyen de le faire agréer au connétable son père. On espérait que Jeanne de Piennes, retenue au couvent des Filles-Dieu, étrangère aux nouvelles de la cour, trop fière d'ailleurs pour courir après un ingrat, ne troublerait pas cette laborieuse intrigue. Le plan avait un avantage, celui d'aplanir tous les obstacles en supprimant le fait principal ; il avait un défaut, celui de charger la conscience de François de Montmorency et d'entacher son honneur.

Le 23 avril 1557, à Villers-Cotterets, le jeune lieutenant de roi comparut devant une commission composée de M. Jehan Bertrand, cardinal de Sens, garde des sceaux, de Jacques Benoist de Lagebaston, premier président du parlement de Bordeaux, de Jean de Morvillier, évêque d'Orléans, de Jean de Saint-Marcel, s. d'Avanson, et de Guillart du Mortier, conseillers du roi, auxquels il remit la déclaration suivante :

Messieurs, pour donner à entendre au Roy, auquel a plû vous commettre pour entendre par le menu l'affaire dont est question, vous en diray ingenuement la vérité et comme les choses sont passées. C'est qu'il y a quatre ans ou environ que la fortune porta que la ville de Théroüenne, où je m'estois allé mettre dedans pour le service de Sa Majesté, fut prise par les gens de l'Empereur, et moy constitué prisonnier et détenu trois ans en captivité de prison. Et pour ce que auparavant j'avais fait amitié avec mademoiselle de Piennes la jeune, suivant laquelle avions escrit durant ladite prison l'un à l'autre plusieurs lettres d'amitié, et, estant de retour, je la trouvay en mesme volonté, de manière que, n'ayant amitié pour lors à autre demoiselle, je n'en faisois aussi semblant que à elle seule. Et sur ce, et bientost après, il fut tenu quelque propos de me marier ; de quoy ladite demoiselle et moy en parlasmes souvent, et en façon que, la voyant faschée du bruit qui couroit que je m'allois marier, pour la contenter, je luy dis qu'il y auroit bon remède : c'est qu'il falloit dire pour le plus expédient que nous nous estions tous deux promis mariage, et par paroles de présent, et que par cc moyen avec le temps nous ferions condescendre monseigneur et madame la connestable à notre volonté, et qu'il falloit tenir ce propos quand l'on nous en parleroit. Qui a esté cause que, quand nous fusmes enquis du fait que dessus, nous tinsmcs mesme langage, baillant et disant pour dès-ja fait ce que nous avions désir et volonté de faire. Qui est la vraye et pure vérité du fait comme il est passé, et comme il est vravsemblable. Dès lors que je luy av escrit que je la quittois. ln priant de faire le semblable, elle n'en a fait aucune difficulté. Sur quoy, Messieurs, je vous supplie croire qu'il est ainsi et en asseurer le Roy, et luy donner entendre que ce que j'ay fait de l'avoir ainsi dit, ce n'a esté que pour suivre la promesse et avis que nous avions pris ensemble, pensant par ce moyen comme j'ay dit cy-dessus. Et pour ne venir au point contre mon premier dire et confesser que j'avois donné à entendre plus que n'estoit. j'ay poursuivy envers N, S. Père le Pape la dispense, estimant que nostre dit S. Père ne me la refuseroit, comme en pareil cas luy et ses prédécesseurs ont souvent accordé à d'autres qui n'estoient de plus grande qualité que moy. Mais après avoir vu les menées qui à ladite affaire se sont faites, de manière que les choses allaient en grande longueur, jp m'en suis venu au Roy, à mondit s. le connestable, déclarer la verité du fait qui est r-Ile que dessus. En témoin de quoy j'ay faite et signée la présente.

F. DE MONTMORENCY[62].

Après avoir donné lecture de cette pièce, le cardinal de Sens interrogea sous la foi du serment François de Montmorency, qui certifia que la déclaration contenait l'exacte vérité et était signée de sa main propre. L'infortuné capitaine déclara encore par surcroît :

Qu'il étoit allé à Rome par l'exprès commandement du Roy, en intention seulement de luy faire service au fait de la guerre, comme il a fait par quatre mois ou environ, ayant esté aux prises des places et forts d'Ostie et autres, et sans qu'il pensast ny eust volonté aucune de demander à N. S. Père ladite dispense ; et dès lors auroit mandé au Roy et à mondit s. le connestable par le s. de Morette, gentilhomme ordinaire de la chambre dudit seigneur, que, s'il leur plaisoit l'ouïr et entendre la vérité du fait, qu'il leur ferait connoistre que les choses estaient telles qu'il n'avait besoin d'aucune dispense, ny de la grâce de nostredit S. Père. Toutefois, n'estant certain du vouloir du Roy et dudit s. connestable, et pour ne tomber en cet inconvénient de venir confesser la vérité, et par ce moyen dire le contraire de ce qu'il avoit dit, il avoit, par conseil d'aucuns ses amis, poursuivy ladite dispense, par laquelle, s'il l'eut obtenue, la faute qu'il avoit faite eut esté couverte ; mais, ayant vu la longueur en laquelle l'affaire estoit tirée, il s'en seroit venu devers le Roy et ledit s. connestable confesser la vérité, comme il a dit cy-dessus.

Peu de jours après, le 2 mai[63], le roi fit célébrer à Villers-Cotterets le mariage de François de Montmorency et de Diane de France avec d'autant plus de luxe et de magnificence qu'il avait plus attendu cette journée. La reine Catherine de Médicis, le dauphin et les seigneurs de la cour, restés avec la reine, étaient partis le 27 avril de Paris pour y assister[64]. Ainsi fut consommée l'injustice. Quatre mois après, comme si la Providence eilt voulu venger l'innocente Jeanne de Piennes, le connétable perdait la bataille de Saint-Quentin et était conduit en captivité à Bruxelles.

Le mariage de son fils ne fut pas béni du ciel. La duchesse eut plusieurs grossesses et ne donna le jour qu'a un seul enfant vivant[65]. Encore mourut-il au bout de quelques jours. François de Montmorency tomba malade. Deux ans après il n'était pas rétabli et ne put assister au sacre de François II à Reims. Le désaccord entra dans son ménage[66] : On dit, écrit un chroniqueur anonyme, que madame la bastarde, sa femme, et lui ne sont guières bien d'accord ensemble et ne sont pas pour avoir enfans[67]. Ces malheurs obligèrent François de Montmorency à faire des retours sur son pissé. Après la mort de Paul IV, il adressa de nouvelles instances de pardon à son successeur. A l'égard de mademoiselle de Piennes la réparation était impossible puisqu'il avait contracté d'autres liens. Le pape, en raison de cette circonstance, lui accorda l'absolution[68]. Cette faveur mit sa conscience en repos, mais ne changea pas le destin fatal qui poursuivait son mariage.

Jeanne de Piennes sortit de prison après la célébration du mariage de François de Montmorency. Après la mort de Henri elle reparut à la cour avec sa sœur[69], mariée à Philibert de Marcilly, seigneur de Cipierre, gouverneur du duc d'Orléans, plus tard Charles IX. Elle avait déjà inspiré une ardente passion[70] à un jeune secrétaire d'État, Florimond Robertet, baron d'Alluye[71], petit-fils du célèbre Robertet qui joua un si grand rôle sous le règne de Louis XII. Le roi de Navarre, Antoine de Bourbon, favorisait ces amours par amitié pour le secrétaire d'État. Enfin la belle Jeanne de Piennes se laissa séduire par un attrait qu'elle n'avait pas encore connu, l'amour d'un honnête homme. Vers l'année 1564 elle accorda sa main à Florimond Robertet[72].

 

 

 



[1] Mémoires de Castelnau, additions, édition de Le Laboureur, t. II, p. 411. Un des frères de Filippe, Jean-Antoine Duc, devint écuyer de la grande écurie du roi sous Henri II (P. Ans., t. I, p. 136).

[2] Harangue funèbre de Diane de France par Mathieu Mourgues, s. de Saint-Germain, docteur en théologie, conseiller et prédicateur du roi, nommé à l'abbaye de Condom. Paris, 1619, in-8°.

[3] Duchesne, Hist. de la maison de Montmorency, t. II, p. 300. Le contrat s'est pas publié ; il est seulement analysé.

[4] Duchesne, Hist. de la maison de Montmorency, t. I, p. 433. Sic, Desormeaux, Hist. de la maison de Montmorency, p. 389 et suiv.

[5] Commentaires de Blaise de Monluc, édit. de la Société de l'Histoire de France, t. I, p. 342.

[6] Mémoires de Boyvin du Villars, liv. III.

[7] Commentaires de Blaise de Monluc, t. I, p. 350.

[8] Commentaires de Blaise de Monluc, t. I, p. 343.

[9] Abbé d'Auvigny, Les vies des hommes illustres de la France, t. XI, p. 52.

[10] Œuvres de Brantôme, t. III, p. 35, ; t. V, p. 75 ; t. VIII, p. 143.

[11] De Thou, Histoire universelle, t. II, p. 158 et 159.

[12] De Thou, Histoire universelle, t. II, p. 155.

[13] Le roy François Ier disoit souvent : Nous sommes quatre gentilshommes de la Guienne qui combattrons en lice et courrons la bague contre tous allans et venans de la France : moy, Sansac, d'Esse et Chasteigneraye. (Œuvres de Brantôme, t. III, p. 383, édit. de la Société de l'Hist. de France.)

[14] De Thou, Histoire universelle, t. I, p. 157.

[15] Lettre originale datée de Saint-Germain et du 22 juin 1553 (Arch. des Basses-Pyrénées, E 576).

[16] Œuvres de Brantôme, t. III, p. 351.

[17] Documents publiés dans Gaspard de Coligny, p. 615, par M. le comte Delaborde.

[18] Brantôme, t. III, p. 351.

[19] Voyez l'interrogatoire de mademoiselle de Piennes imprimé plus loin.

[20] Probablement Henriette de Clèves, née le 31 octobre 1542, mariée le 4 mars 1565 à Louis de Gonzague, prince de Mantoue, qui par elle devint duc de Nevers. Elle était fille de François de Clèves, duc de Nevers, et de Marguerite de Bourbon, sœur d'Antoine de Bourbon.

[21] Lettre de Simon Renard à Philippe II vers nov. 1556 (Papiers d'état de Granvelle, t. IV, p. 749, dans les Documents inédits).

[22] La Place, De l'estat de religion et république, édit. du Panthéon littéraire, p. 1.

[23] Note de M. le comte Delaborde (Gaspard de Coligny, p. 618).

[24] Les lettres de provision du roi en faveur de François de Montmorency sont datées du 17 août 1556 (Comte Delaborde, Gaspard de Coligny, P. 619).

[25] Cependant les lettres patentes qui accordent à François de Montmorency la charge de grand martre de France par résignation et à survivance du connétable ne sont datées que du 3 janvier 1558 (1559) (Duchesne, Hist. de la maison de Montmorency, t. II, p. 301).

[26] Lettre de Simon Renard (Papiers d'état de Granvelle, t. IV, p. 750).

[27] Brantôme et La Place sont d'accord sur la date de cette déclaration, la veille même du mariage.

[28] La Place, De l'estat de religion et république, édit. du Panthéon littéraire, p. 2.

[29] Lettre de Simon Renard à Philippe II (Papiers d'état de Granvelle, t. IV, p. 750).

[30] Brantôme, t. III, p. 152.

[31] Brantôme, t. VIII, p. 143, et lettre de Simon Renard déjà citée.

[32] Peut-être Charles de Cossé-Brissac, lieutenant-général en Piémont, venu à Paris pendant la durée de la trêve de Vaucelles.

[33] Lettre de Simon Renard déjà citée.

[34] Cet article, le plus important de tous, est chargé de ratures et de corrections, qui prouvent que le greffier n'avait pas rencontré du premier jet la rédaction qui convenait aux commissaires enquêteurs.

[35] Après la prise du Thérouanne, pendant la captivité de François de Montmorency à Tournai.

[36] Original signé (Arch. nat., KK fion). Cette importante pièce a été trouvée dans les papiers du généalogiste Clairembault par M. Arthur de Boislisle.

[37] Cette clause est rayée dans l'original.

[38] Original signé (Arch. nat., KK 600). Cette pièce a été découverte par M. Arthur de Boislisle. Le Laboureur a connu ces deux interrogatoires, mais il s'est contenté de les analyser (Mémoires de Castelnau, t. II, p. 387).

[39] Félibien, Histoire de Paris, t. I, p. 286, et t. Il, p. 1014.

[40] Mémoires de Castelnau, t. II, p. 387. Voyez notamment une consultation canonique en latin d'Étienne Boucher, de l'ordre de Saint-Benoît, commendataire de l'abbaye de Formeries (Arch. nat., KK 600, fol. 95). Cette pièce a été découverte par M. Arthur de Boislisle.

[41] Bayle a pris la peine de l'exposer en droit, avec son aigreur anti-romaine, et conclut que le pape subordonna la loi religieuse aux intérêts de son temporel.

[42] Cet édit est publié par Isambert (Recueil des anciennes lois françoises, t. XIII, p. 469). Il a été souvent cité et souvent par des historiens qui ne l'avaient pas lu. On lit, en effet, presque partout que son objet était d'annuler, même rétroactivement, les mariages clandestins. Il n'y a rien de semblable. Le Laboureur et Bayle ont popularisé cette fausse interprétation.

[43] Original autographe (f. fr., vol. 20500, f. 35).

[44] Original autographe daté de Rome et du 4 décembre 1556 (f. fr., vol. 20500, f. 40).

[45] Original autographe daté de Rome et du 4 décembre 1556 (f. fr., vol. 20500, f. 38).

[46] Originaux autographes (f. fr., vol. 20500, f. 42 et 27). La lettre adressée au connétable est datée de Rome et du 28 décembre 1556 ; celle qui est adressée à la dame de Montmorency ne porte pas de date.

[47] Nous n'avons pas cette lettre, mais son existence nous est révélée par la lettre de François de Montmorency que nous publions plus loin.

[48] Original autographe daté de Rome et du 31 janvier 1556 (f. fr., vol. 20500, f. 29). On conserve une copie de cette lettre à la Bibliothèque nationale, dans la coll. Clairembault (vol. 350, f. 3055). Le même jour, François de Montmorency écrivit à sa mère dans des termes analogues (orig. autogr.. f. fr., vol. 20500, f. 31).

[49] Copie du temps Bibl. nat., f. fr.. vol. 7611, f. 18. Cette lettre est imprimée sans indication d'origine dans le Cabinet historique, 1864, p. 15,4. Elle n'est pas datée, mais la réponse qu'y fit François de Montmorency en fixe la date au 15 janvier 1557.

[50] Original autographe daté de Rome du 5 février 1556 (1557) (f. fr., vol. 20500, f. 33).

[51] Lettre de Lansac adressée au connétable en date du 6 février 1556 (1557) (Mémoires-journaux du duc de Guise, édit. Michaud et Poujoulat, p. 331). On en trouve une copie dans la coll. Clairembault, vol. 350, f. 3079.

[52] La pièce qui suit, jusqu'à la fin de l'alinéa, est imprimée sans indication des sources par Le Laboureur (Mémoires de Castelnau, 1731, t. II, p. 388).

[53] La déclaration de La Porte, qui occupe tout cet alinéa, est publiée par Le Laboureur (Mémoires de Castelnau, t. II, p. 388).

[54] Ce dialogue est publié par Le Laboureur (Mémoires de Castelnau, t. II, p. 388).

[55] Original sur parchemin (coll. Clairembault, vol. 349, f. 2493). L'expédition de cette pièce authentique et signée par les deux notaires, probablement celle qui fut remise à La Porte, a été découverte par M. de Boislisle aux Archives nationales (KK 600, f. 127).

[56] La question avait déjà été étudiée à fond par les docteurs romains et avait été l'objet de longs rapports où l'on voit qu'elle donnait plus de souci au connétable que les affaires de l'État. Les lecteurs qui désireraient l'étudier au point de vue canonique trouveront ces rapports dans les Mémoires de Castelnau (t. II, p. 390, 393 et 394). Les originaux ou les copies authentiques ont été découverts par M. de Boislisle aux Archives nationales (KK tloo, f. 79, 91 et 103).

[57] C'est en ces termes que le cardinal du Bellay résumait à François de Montmorency l'exposé de la question présenté par le pape au consistoire (Arch. nat., KK 600, f. 111). Cette pièce a été découverte par M. A. de Boislisle. Elle avait été publiée par Le Laboureur (Mémoires de Castelnau, t. II, P. 397).

[58] Lettre de Simon Renard à Philippe II (Papiers d'État de Granvelle, t. IV, p. 750.

[59] Le Laboureur insinue que le duc de Guise, présent à Rome, traversait la négociation du connétable pour empêcher la maison de Montmorency de s'élever encore dans la faveur du roi par le mariage de François de Montmorency avec Diane de France. Il ajoute qu'il poussait le pape en lui faisant entrevoir que son neveu, le duc de Palliane, pourrait obtenir la main de Diane. Ce sont là de pures suppositions et Le Laboureur en convient lui-même (Mémoires de Castelnau, t. II, p. 405). La Place dit que le cardinal de Guise écrivit à son frère d'advertir le pape de se bien garder de consentir la dispense du mariage du s. de Montmorency à autre qu'a la demoiselle de Piennes, d'autant que si le connétable l'avoit une fois obtenue du pape, il romprait les desseings de la guerre. La dite lettre fut prise au duc de Guyse et envoyée au roi (La Place, De l'estat de religion et république, coll. du Panth. litt., p. 3). Voilà l'affirmation d'un fait de grande importance, mais elle demanderait à être étayée sur quelques indices, sinon a être prouvée. Si cette lettre avait existé, elle aurait été jointe au dossier, et Le Laboureur, qui avait les pièces originales sous les yeux, en aurait parlé.

[60] Original signé, daté de Venise et du 1er avril 1556 (1557) (f. fr., vol. 20501, f. 1).

[61] La Place, De l'estas de religion et république, édit. du Panthéon littéraire, p. 3.

[62] Original signé et daté du 23 avril 1557 après Pâques (Arch. nat., KK 600, f. 139) ; cette piète m'a été signalée par M. A. de Boislisle. Elle a été imprimée par Le Laboureur (Mém. de Castelnau, t. II, p. 402).

[63] Une lettre de d'Andelot à M. de La Rochepot, datée de 27 avril, porte que les noces de madame de Castro doivent se faire dimanche prochain. Or le premier dimanche qui suivit le 27 avril fut le 2 mai (Lettre de d'Andelot, copie, coll. Clairambault, vol. 345, f. 8626 v°).

[64] Voir la note précédente.

[65] Deux lettres de condoléance de François II et du duc de Guise au connétable de Montmorency, en date du 15 octobre 156o, confirment ce fait et nous donnent sa date (f. fr., vol. 3,57, f. 61 et 62). Sur l'état de santé de la maréchale de Montmorency à la suite de ce malheur, voyez une lettre de Jean Grolier, le célèbre bibliophile, à François de Montmorency (Leroux de Lincy, Jean Grolier, p. 10 et 369).

[66] Les premières années s'étaient écoulées paisibles entre les deux époux. On conserve à la Bibliothèque nationale trois jolies lettres de Diane de France au connétable, toutes trois de la première année de son mariage, qui révèlent une satisfaction sans mélange (autog., f. fr., vol. 3260, f. 65, 79, 103).

[67] Nouvelles de la cour, chronique anonyme du temps (f. fr., vol. 20624, f. 54).

[68] Une lettre de l'évêque de Viterbe, nonce du pape, au connétable, datée d'Orléans, du 30 novembre 1560, lui donne avis de la décision du Saint Père. Cette lettre est publiée par Le Laboureur (Mémoires de Castelnau, Additions, t. II, p. 404). L'original se trouve à la Bibl. nat. (f. St-Esprit, vol. XIII, f. 64).

[69] Le crédit à la cour de la dame de Cipierre pendant la durée du règne de Charles IX a été souvent signalé par les contemporains. Voici une lettre qui en est la preuve. Elle nous parait d'autant plus intéressante qu'elle présente un tableau plus complet du temps où elle a été écrite.

Cette lettre appartient à la seconde moitié du règne de Charles IX.

Sire, je ne sey comment je doy remercier Vostre Majesté du beau présent qu'il vous a pieu m'envoler, car sét sy peu de vous offrir mon service en rescompence de tant d'obligation que je vous ay de m'avoir tant honorée que de vous estre resouveneu de moy et me doner de vos beaux chiens, que je sey bien que vous aymés plus que or et argent et pierre présieuze. Cela me fait bien paroitre, Syre, que je suis si heureuse d'estre continuée en vostre bonne grâce, de coy j'é tant reseu de joye que j'é esté trois jours sans dormir, car je n'ey plaisir en ce désert où je suis sinon penser à vous, en

me pourmenant toute seulle dans les allées de mon jardin, où je ris à part moy, me ressouvenant de vos joyeus pourpos. Quelquefois je pleure ausy, craygnant que le misérable tans, où nous sommes, ne vous face changer d'umeur et que ne deveniés mélencolique ; car je treuve, Syre, que s'et vice, et fois se que je puis pour me défandre ; combien qui se présente asés d'ocasion tous les jours pour le devenir, parse que les raistres m'ont brulé tout le village de Sypierre. Et en cette fascherie où j'estois je reseu la lettre qu'il a pleu à V. M. de m'escripre avecque les sis petis chiens, qui ont esté les très bien veneus et m'ont faict oublier toute ma perte ; car je n'ey rien de beau que scia, et sur tous Lionneste me gouverne. Je voudrois que ma petite fille feut aussi bien pourveue qu'eus. Je n'uce tant mis, Sire, de vous aller beser les mains, mès je n'oze me mettre en campagne, craignant d'estre voilée et viollée par les chemins. Et la peur que j'ay, Sire, que sette proze vous soit aussy ennieuze que les rimes que Amadis vous lisoit le soir en Avignon, me fera finir se grant discours, après vous avoir fet très humble requeste de m'aimer comme il vous a pieu me le promettre, et je prirey toujours Dieu, sire, de donner à Vostre Majesté, en parfaite santé, ausy heurcuze et longue vie que la vous désire,

Vostre très humble et très hobéissante sagesse et servante.

PIENNES.

[70] Lettre de Florimond Robertet au duc de Nemours du 22 avril 1557 (et non 1568) (orig., f. fr., vol. 3199, fol. 13). Les termes dans lesquels il parle de la pauvre prisonnière ne laissent aucun doute sur ses sentiments.

[71] Voici une liste de pièces qui serviront à établir les phases principales de la vie de Florimond Robertet :

Commission de l'office de clerc notaire et secrétaire ordinaire du roi, maison et couronne de France, octroyée par Henri II à Florimond Robertet, datée du 1er janvier 1555 (1556) (f. fr., vol 3942, f. 336).

Commission de l'office de conseiller du roi et secrétaire de ses finances, accordée par Henri II à Florimond Robertet, en survivance de son père, Claude Robertet, datée du 2 janvier 1555 (1556) (f. fr., vol. 3942, f. 335). Confirmation de l'office de conseiller, secrétaire des finances et trésorier de France... à Rouen..., à condition de survivance, accordée par François II à Flor. Robertet, datée du 23 janvier 1559 (1560) (f. fr., vol. 3942, f. 337). Lettres patentes de François II, par lesquelles il déclare excepter de l'édit de révocation générale des survivances celles accordées par Henri II à Claude Robertet, baron d'Alluye, et à Florimond Robertet, son fils, datées du 26 janvier 1550 (1560) (f. fr., vol. 3942, f. 338).

Commission de l'office de secrétaire d'État, octroyée par François II à Florimond Robertet, datée du 14 mars 1559 (1560) (f. fr., vol. 3942, fol. 339). Commission de l'office de clerc notaire et secrétaire du roi, maison et couronne de France, accordée par Charles IX à Florimond Robertet, s. d'Alluye, datée du 22 octobre 1567 (f. fr., vol. 3942, f. 340).

[72] Œuvres de Brantôme, édit. de la Société de l'Histoire de France, t. V, p. 74 et 75.