LE MARIAGE DE JEANNE D'ALBRET

 

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

 

 

I. — CONTRAT DE MARIAGE DE JEANNE D'ALBRET ET DU DUC DE CLÈVES.

(16 juillet 1540[1].)

A tous ceux qui ces présentes verront, savoir faisons comme très hault et très puissant prince, le duc de Clèves et de Juilliers, eust envoyé ses ambassadeurs pour remonstrer au roy le grand vouloir, désir et affection que de tout temps ledit seigneur duc et ses predécesseurs ont eu par cy-devant à la maison de France, et que de présent il affectoit grandement avoir alliance en icelle et parvenir au mariage de très haulte et très excellente princesse Jehanne, fille unicque de très haults et très excellents princes, les roy et royne de Navarre, lesquelles remontrances, après, plusieurs ouvertures falotes et communicquées d'une part et d'autre, auroient esté trouvées bonnes et valables ; et que, par le moyen d'icelles, lesdits seigneur et dame, roy et royne de Navarre, désirans satisfaire au désir et vouloir dudit seigneur roy et considérans la grandeur et haultesse dudit seigneur duc de Cleves, desirans accroistre l'amitié, union et alliance avecques sadite maison, ont cejourd'huy voluntairement accordé le mariage de leur dite fille unicque avec ledit seigneur duc de Cleves.

Pour parvenir auquel, nous Jacques de Foix, évesque de Lescar, chancelier de Foix et Béarn, François Olivier, conseiller et maistre des requetes ordinaire du roy, chancelier d'Alençon, Jehan Jacques de Mesmes, conseiller du roy et lieutenant civil de la prevosté et vicomté de Paris, au nom et comme procureurs desdits très haults et très excellans princes, les roy et royne de Navarre, d'une part ; et Jehan Ghogreff, chancelier dudit duc de Cleves, Herman de Wachtendouck, maréchal, et Herman Cruser, docteur en droit, au nom et comme procureurs dudit duc de Cleves et de Juliers, les tous fondez de lettres de procuration cy attachées, avons, soubz le bon plaisir du roy, accordé les articles qui s'ensuivent :

Premierement, que ledit seigneur et dame, roy et royne de Navarre, promettent bailler par loy de mariage à femme et espouse, si Dieu et sainte mere esglise s'y accordent, leur dicte fille unicque audit seigneur duc de Cleves, et ledict seigneur duc de Cleves promet de prendre à femme et espouse ladite dame princesse ; et ont lesdites parties promis de &ire solempniser ledit mariage en face de sainte esglise, sitost quelle sera en age convenable, à poyne de cinquante mil livres todrnois, payables par celuy qui contreviendra à ce présent traictié de mariage.

En faveur et contemplation duquel mariage lesdits sieurs et dame, roy et royne de Navarre, ont promis bailler et constituer pour la dot de leur dite fille la somme de cent mille écus d'or soleil payables, c'est assavoir : la somme de cent mille livres tournois le jour des nopces, et le surplus, montant à la somme de cent vinq-cinq mille livres tournois, payable par quatre années et par esgale portion, lequel surplus se paiera toutesfoys au cas seulement que par cy après survint aulcuns enfans macles descendans du mariage desdits roy et royne de Navarre qui vinssent recueillir leur succession en Navarre, que ladite dame princesse flat excluse par le macle ou mules dudit mariage. Aultrement, où il n'y auroit aulcuns mules dudit mariage et que ladite darne princesse vint à recueillir la succession desdits roy et royne de Navarre ou de l'un d'eux, en ce cas ne sera aulcune chose payée dudit surplus, montant à ladite somme de cent vingt-cinq mille livres tournois. Toutesfoys par ce n'est entendu que, là où il y auroit enfans desdits roy et royne de Navarre, soit de ce mariage ou d'autre, que ladite princesse soit du tout excluse, qu'elle ne puisse audit cas avoir son droit de légitime ès biens et succession de ses dits pare et more, selon la qualité desdites maisons et la coustume des lieux où lesdits biens sont situés et assis. Et néanmoins, a esté accordé au cas où ladite somme de cent mille escus ou partie ou portion d'icelle serait payée selon le cas dessus dit, que, après la dissolution dudit mariage, ladite somme qui se trouveroit ainsi avoir esté payée sera subjecte à restitution selon la disposition de droict, comme advenant le cas que ladite dame princesse allant de vie à trespas avant ledit sieur duc de Cleves, son futur époux, et où ladite dame et princesse resteroit veuve de son futur mary ; en ce cas, soit qu'il eust enfans dudit mariage ou non, ladite dame joyra en pleine propriété et libre disposition du dot qui se trouveroit avoir esté apporté en mariage, ensemble de toutes ses bagues ou joyaulx et autres choses destinées pour son usaige.

Et moyennant ces choses que dessus, ledit seigneur duc de Cleves a donné et donne à ladite dame princesse, sa future epouse, la somme de dix mille escuz d'or de rente, sitot que douaire aura lieu, soit qu'il y ait enfans dudit mariage ou non. Et soit que ladite dame demeure ou qu'elle convole en secondes nopces, icelle somme de dix mille écus d'or de rente asseoit et assigne bien et deuement et de proche en proche sur les terres et seigneuries qui s'ensuivent, c'est assavoir : sur les chasteau, ville et seigneurie de Munstereiffell, de Munsterbyssell[2], au pays de Julliers, et les chasteau, ville et seigneurie et pays de Buderick au pays de Cleves, ou à son choix les chasteau, ville et seigneurie de Castel au pays de Julliers, et les chasteau, ville et seigneurie d'Enslarben au pays de Cleves. Et au cas que les chastel, ville et seigneurie par elle choisis ne vauldroient dix mille escuz d'or, luy sera le surplus fourni et delivré de proche en proche jusques à entiere assiette et parfournissement desdits dix mille escuz d'or de rente, et audit cas ledit sieur veult luy estre baillée maison et habitation decente et convenable, meublée selon l'estat et qualité de ladite dame, et sans ce que l'habitation soit comprinse ne estimée en ladite somme de dix mille escuz de rente par chacun an dessus accordée par forme de douaire.

Et encores a esté accordé audit cas que, là où ladite princesse demeureroit survivante après le trespas dudit sieur de Cleves, delaissant aucuns engins mineurs descendus dudit mariage ; que, tant que ladite dame demeurera en viduité, elle aura le gouvernement et administration de la personne et biens desdits enfans mineurs, selon la coustume du pays entre les princes, en gouvernant bien et honnestement ladite maison selon la qualité des personnes et biens. Et néanmoins, audit cas, quand il plaira à ladite dame, en délaissant ladite administration et toutesfoys qui luy plaira, elle se pourra retirer librement et quitement des pays dudit seigneur de Cleves, sans aulcune diminution ou empeschement de la jouissance de tous et chacuns ses droits et des choses qui luy sont accordées par le présent Voleté.

Et oultre a esté convenu entre les parties que si ladite dame princesse, constant ledit mariage, venoit à recueillir les successions de sesdits père et mère ou de l'un d'eux par faulte de macles descendons d'eux ou de l'un d'eux ou autrement, et, audit cas, l'administration desdits biens et successions à elle echeus et advenus constant ledit mariage, se fera selon droit et usance des pays où les terres sont situées et assises.

Toutesfoys audit cas, a esté accordé que ladite dame, durant ledit mariage ou après, ne pourra traiter de la querelle du royaume de Navarre sans l'exprès vouloir et consentement du roy très chrestien et de ses successeurs à la couronne ; et, s'il estoit aultrement &id, ne vauldra ny tiendra ledit traité, ains sera de nul effect et valeur.

Et, à ce que les maisons des futurs mariés demeurent toujours en leur integrité, a esté convenu et expressément accordé entre lesdites parties, que le premier enfant male qui descendera dudit mariage sera tenu de prendre le tiltre, nom et armes de roy de Navarre, et succédera et sera héritier principal tant audit royaume de Navarre, duchez, contez, baronnies, terres et seigneuries qui pourront escheoir cy après à ladite dame princesse par succession directe ou collatertile que aussi ès biens et estats principauli de .la maison de Cleves, c'est assavoir : ès duchés de Julliers, Gueldre, Cleves et Mons, comtés de la Marche, Zutphen et Ranensbergh[3], à la charge de partager et apanager les autres milans puisnés masles et femelles, selon l'estat et qualité des maisons et coustumes de faire entre les princes.

Et là où dudit mariage ne viendront que filles, une ou plusieurs, la première sera héritière principale desdites maisons de Navarre et Cleves, réaulme, duchez, contez et baronnies d'icelles, sauf toutefoys et reservé audit cas s'il y aurait enfuis masles descendans dudit sieur de Cleves d'autre mariage que de la dite dame princesse. Car, en ce cas, l'aisné masle dudit mariage seroit héritier de ladite maison de Cleves, à la charge de partager et marier les tilles, tant de ce mariage que d'autre, selon l'estat et qualité desdites maisons. Et n'entendent lesdites parties par lei clauses apposées en ce contrat, faire aulcun prejudice aux droits que de présent peuvent appartenir à ladite dame princesse ; et, néanmoins, lesdits roy et royne de Navarre ont déclaré et déclarent en faveur dudit mariage que là où par cy après lesdits roy et royne de Navarre iraient de vie à trespas sans hoirs mages, descendans de leur mariage ou aultre mariage futur de l'un d'enta, ilz veulent et entendent que ladite dame princesse soit leur principale héritière ; c'est assavoir : ledit roy de Navarre quant au royaulme de Navarre et principaulté de Bearn, tiltres, droits, préeminence et prouftlts d'iceux, et ladite dame royne de Navarre quant aux comtés d'Armagnac et de Rodez, de Pardiac, de Lille en Jourdain, et des vicomtés de Fezensac, de Brui Hes, de Lomaigne et d'Auvillars, avecques les quatre chastellenies de Rouergue.

Et toutes chaumes lesquelles choses nous, esdits noms que dessus, avons promis et promettons respectivement garder et entretenir de point eh point, sans aller ou faire venir au contraire soubz obligations et hypotheques de tous et chascuns les biens desdits constituants, et de faire ratifier le contenu cy dessus, d'une part et d'àultre, dedans ung mois proucbain venant.

En foy de quoy avons signé ces présentes de nos seings manuels.

Faict à Annet, le seizieme jour du mois de juillet 1540. Ainsi signé : J. de Foix, E. de Lescar, P. Olivier, J. J. de Mesmes, J. Ghogreff, Wachtendouck, Cruser[4].

 

II. — REQUETE FAICTE PAR LES ESTATZ DES PAYS, TERRES ET SEIGNEURIES DU ROY DE NAVARRE AU ROY SUR LE MARIAGE QU'IL PRÉTENDOIT FAIRE DE MADAME LA PRINCESSE DE NAVARRE AVECQUES LE DUC DE CLÈVES[5].

Remonstrent très humblement les trois estats de vos pays, vos très humbles et très obéissans subjetz conjunctés, comme il vous ayt pieu leur fayre entendre à l'ouverture et assemblée, que vous avez commandé estre faicte desdicts estats, que vous, Sire, et la royne, estes à propos de faire le mariage de Madame nostre princesse avecques monsieur le duc de Cleves, leur remontrant les grands commodités qui, par le moyen dudit mariaige, peuvent advenir tant à vous, Sire, que à tous vosditz pays et subjects, de quoy, Sire, lesdicts estatz ne vous sçauroyent assez très humblement remercyer. Voyant que par les-dictes tant honestes et bonnes remonstrances vous suyvés ce que à jamais a esté observé par tous vos predécesseurs, et puisque, Sire, il vous a pieu, après les susdites remontrances demander l'advys desdits estats sur le faict dudit mariaige, ilz vous supplient très humblement prendre à bonne part ce qu'ils vous veullent remonstrer, comme procédant de bon zelle et de l'amour affectueuse et obéissance que doibvent porter bons et loyaulx subjects à leur roy, prince et seigneur.

Sire, lesdits estats ont très bien entendu par vostre remontrance que ledit duc de Cleves est prince de grands biens, ayant en puissance beaucoup d'hommes et subjects de service pour guerre quand besoin seroyt, ayant aussy parens et alliés les principaulx et plus grands princes d'Allemaigne et électeurs de l'empire, de façon que, ayant pour femme nostre dicte princesse et advenant inconvénient de mort à l'empereur, qui est commune à tous, il n'y a prince de la chretienté qui Rist plus pour parvenyr à cest estai que ledict sieur de Cleves, avecques l'ayde que luy ferait le roy, ayant avecques luy -alliance par le moyen dudit mariage, lequel ledit sieur roy demande sur toutes choses pour le désir qu'il a que nostre dicte princesse, sa niepce, soyt très bien pourveue et avecques homme qui vous puisse ayder et secourir de recouvrer ce que vous et vos predécesseurs avés perdu pour le service dudit sieur roy. Lesdits estats, Sire, laissent à vous dyne tant l'ale dudit sieur duc convenable audit mariage, la très bonne et honeste façon de vivre dudit sieur duc et autres choses tant louables que vous avez remontré de luy, craignant de vous ennuyer, usant de redite de ce que vous avez proposé auxdits estats.

Sire, avecques les protestations précédentes, lesdits estats vous supplient très humblement respondre à vos dictes remontrances, considerer que le plus grand bien, prouffit et utilité qui peult advenyr à vos dicta subjects est d'avoyr leur roy, prince et seigneur près d'eulx, ou au moins en lieu ou facilement ilz se puissent retyrer à luy pour avoir reparatioii des plaintes et griefs qui leur surviegnent, et comme ilz sont plus près de vos ennemys et les leurs, ilz ont plus de besoing d'avoyr plus prompt secours ; vostres lesdicts estats, Sire, prevoyent que, après qu'il aura pieu à Dieu vous appeler à luy et la royne, leur bonne dame, si ce mariage se fait, ils sont hors d'espoyr de veoyr jamays leur prince ne leur dicte princesse, qu'ilz ne veyrent oncques, qui se yra en Allemaigne avecques son mary, et par ce moyen destruictz et ruynés pour l'inimytié qu'ilz ont tousjours entretenu selon vostre vouloyr avecques voz ennemys, et ne pourront aulcunement estre secourus, leurs princes estant si Loing. Et d'aultant que ledit sieur de Cleves seroyt grand par della comme provenant à l'empyre, d'aultant moings de secours en auroyent vosdicts subjectz, car il seroit assez occupé à la conservation et entretien de son estat sans penser à les visiter et secourir soudaynement s'ilz estoient assaillys de vosdits ennemys comme vous les avez veu souvent.

Et pour ces raisons, Sire, encores pouvez-vous moyngs esperer d'ayde dudict sieur de Cleves pour le recouvrement de vostre royaulme[6], car il est certain que, le mariage de nostre dicte princesse faict, le roy et l'empereur s'alliant ensemble, faisant mariage de nos seigneurs leurs dicta enfans, et si après vous voullyez taire quelques efforts et vostre royaume de Navarre, ou vous fussiez et vos pays assailly par nostre ennemy, le roy ne vous aydera ayant amitié avecques vostre ennemy ; et ne vous pourra secourir Ledit duc de Cleves, la guerre estant près de vous, et luy Loing, et qui ne pourra avoyr passage sans le congé dudit sieur roy quine le vouldra permettre, ayant alliance avecques vostre dict ennemy. Et, davantage, ledit duc de Cleves pourra lors estre empeché à se deffendre contre vostre dit ennemy qui luy querelle le duché de Gueldres, lequel vous ne pourrez aussy secourir pour les raisons susdites, et pour ceste cause, là où vous n'avez qu'une querelle, vous en aurez deux si loin l'une de l'aultre que vous ny sçauriés faire entreprise qui vous fast commode et proufitable, et pourryés en fin et vos successeurs demeurer sans esperance de recouvrer vostre dict royaulme et ledict sieur duc en dangier de perdre son duché de Gueldres et en danger encores de perdre le surplus de vos pays et vos pauvres subjects spoliés et destruicts de leurs vies et biens.

Pour les susdictes raisons, Sire, semble auxdits estats et sont d'advis que, pour les incommodités susdites, ledit mariage n'est raysonnable ni profitable à vous ne vos dits subjects, lesquels nostre Seigneur a mys à vostre main pour les entretenyr en bonne paix et union, les conservant et gardant de toutes violences et oppressions, affin que, paisiblement, ils puissent jouyr soubs vous de leurs petis biens. Ils sont ès pays limitrophes d'Espagne, ennemy de vous et de vos predécesseurs, qui ce sont toujours (conduits) comme vos alliés ou du seigneur roy et ses predécesseurs, pour le repos de vos dits subjets et conservation de ce qui vous reste de vostre estat. Et ont vos dits predécesseurs porté telle amour et fidélité à la couronne de France, qu'ils ont mieulx aymé abandonner ledit royaulme que d'aulx joindre au party des ennemis de ladite couronne de France. Et avez, Sire, assez expérimenté que tous vos dits subjets ont toujours suivy ceste voulenté comme ils feront à jamais.

Doncques, Sire, suyvant le chemyn que vos dits predécessaurs vous ont montré, vous menée en seureté tous vos dits subjects et en espérance de toujours recouvrer vostre dict royaulme, à quoy vous devez, comme prince magnanime, panser et chercher tous les moyens à vous possibles pour y parvenir ; et, attendu que pour la couronne de France vous l'avez perdu, vous debvez attendre par le moyen seul du roy de le recouvrer, ce que vous ne pouvez faire si vous ne cherchés et demandés par le mariage de notre dicte princesse l'alliance dudit sieur roy, car il vauldroit trop mieux pour la conservation de vostre dit estat et de vos dicta subjects, que ledit sieur roy vous donnast quelqu'ung de son sang que le plus grand prince de la Chrestienté. Et, s'il vous plaint, Sire, suyvre ceste voye, prenés de noz biens tout ce qu'il vous plaira, car vos dicts subjects se sont sy bien trouvés, ayant, vous et vos dits predécesseurs, amytié et alliance en France, que pour l'entretenyr ils n'y vouldroient espargner leurs personnes et biens.

Et semble, Sire, auxdits estats, que quand il vous playra taire remontrer audit sieur Roy l'amour et affection que vous et vos dits predécesseurs portés et avés porté audit seigneur et ses predéœsseurs, et que vous, ne euh mêmes n'avés jamais voulu chercher aultre alliance que celle de France, luy taisant aussy entendre que vous aviés esté nourry avecques luy, l'avez toujours suivy, servy et obéy comme si vous eussiés esté son propre fils, que quand vous fastes pris à Pavye avecques luy, se n'eust esté la fidélité que vous luy avez voulu garder, et l'amour que vous luy avez toujours porté, vous aviés bien moyen lors de recouvrer vostre royaulme par les offres et promesses qui vous t'eurent inictes dudict empereur ; remontrant d'advantage que nostre dicte princesse n'est encores en l'aage ne l'estat pour estre pressée d'estre mariée, ledict sieur roy, adverty des raisons et remonstrances susdictes, ne vouldra consentyr que l'alliance qui a esté toujours en vos deux maisons finisse par vous avecques si grand perte et dommage de vos subjects, lesquels, Sire, voua supplient très humblement par lesdits estats conjunctés ne vouloir estre mal contant, si, après lesdictes remonstrances, ils protestent.

Ils protestent que si ledit mariage dudit seigneur de Cleves et de nostre dite princesse se fait, ce sera contre la voulenté d'euh, et que, par leurs fors et coustumes à jamays par vos prédécesseurs gardés et observés, leur roy, prince et seigneur ne peult maryer aulcungs de ses enfans sans le consentement desdits estats comme par plus grand rayson vous ne debvez maryer nostre dite princesse, qui est votre fille unicque, sans le susdit consentement.

 

III. — LETTRES DE L'EMPEREUR AU DUC DE CLÈVES ET AUX ÉTATS DE GUELDRE ET COMTÉ DE ZUTPHEN.

I. — LETTRE DE L'EMPEREUR AU DUC DE CLÈVES[7].

Injonction de comparaître devant la diète de Ratisbonne.

(31 janvier 1541.)

Vous sçavez comme et par quelz indheuz et inexcusables moyens avez injustement occuppé et détenez de votre auctorité privée, contre toute raison et équicté et les constitutions, drois et loir du Sainct Empire, et au contempnement de la superiorité et préhéminence d'icelluy, et a notre trop grand et intollerable prejudice, les duchés de Gheldres et conté de Zutphen, à nous appartenans ; et ne le pouviez ignorer au temps de l'occupation et intrusion en iceulx, oultre ce que l'on vous en déclaira lors et depuis a esté remonstré amyablement de notre part à vous et à vos commis et depputez en plusieurs communications, avec ostencion des tiitres très justes et irreflragables par lesquels iceuix duché et conté nous appartiennent, et entre autres par vendaiges et cessions entre vos predecesseurs, et dont estes successeur et héritier avec les investitures que nos predecesseurs et nous en avons dudit Sainct Empire. Et mesmes quant vous fastes l'esté dernier devers nous en la ville de Gand, le tout vous fut demonstré et comprouvé, confuttant clerement et evidanment tout ce que prétendiés au contraire, tellement que non saichant, vous ny les votres, y plus contredire ny replicquer, demonstrates astre enclin de vous départir d'iceulx duché et conté ; et que seullement, pour le plus convenablement Paire, en vouliés parler à notre cousine, la Duchesse, vefve de Cleves, votre mère.

Et depuis n'en avons heu certaines nouvelles de vous, mais au contraire avons entendu qu'avez continué sercher divers moyens en tous coustelz pour diffuyr et empescher la relaxation et restitution et semé plusieurs escripts, mesmes en la Germanie[8], pour cuyder pallier et coulorer laditte occupation et intrusion, avec tiltres inventez et de soy nulz et nullement vaillable, en taisant et dissimulant les notres susdittes, signanment cent : qu'avons de vosdits prédécesseurs, et que ladite occupation soit esté de fait sans que vous ny vosdits prédécesseurs quelconques dont vous voulez avoir accession, ayent eu investiture ny consentement quelconques dudit Sainct Empire, desguisant aussy et signanment ausdits estats et pays de Gheldres et Zutphen les complimens avant dicts par nous fais et ce qu'estoit passé audit Gand, comme vous avez aussy par cy-devant fait ledit droit dudit Sainct Empire et le notre, et leur faisant à entendre plusieurs choses trop contraires et eslongnées de notre intention et voulenté, laquelle a tousjours esté de conserver lesdits duché et conté soubz icelluy Empire, loir et drois d'icelluy, et tous les estats et habitans desdits pays en toutes leurs franchises, libertés et prérogatives.

Et tout ce que dessus avons-nous voulsu comporter jusques a maintenant, pour le parentaige qu'avez avec nous, esperant que la reciprocque considération, avec notre bénignité et modestie et tant de complimens amyables que en ce avons usé envers vous, feroient recongnoistre votre tant evident tort et condescendre à votre debvoir et à la raison ; et aussi pour en ce comme en noz autres actions demonstrer à tout le monde, et mesmement aux estées dudit Sainct Empire, que nous évitons, si avant que convenablement ktire pouvons, la rigueur. Et pour ce que riens jusques à ores a prouffité, ains perseverez en l'intrusion et occupation avant dites, nous fûmes detenninés et entendons pour notre plus ample et habondante justiffication faire déclairer et apparoistre à la prochaine diette de Reynsbourg[9] aux estats dudit Sainct Empire, qui lors y seront assemblez, comme le tout est passé à votre évident tort avec le grand contempnement et mesprisement envers ledit Seul Empire et nous ; dont vous avons bien voulu advenir par les présentes, et, combien que votre debvoir vous oblige d'estre à ladite diette, à laquelle avez esté expressement mandé, néant-moins d'habondant vous ordonnons de comparoir personnellement pour cestuy particulier affaire, endedans quarante jours, pour terme perhemptoire, après la reception desdites présentes. Et pour ce faire, en tant que mestier est, voulons qu'elles vous servent pour bon, suffisant et loyal saulfconduyt pour venir à ladite diette, y estre et vous en retourner librement et seurement, et vous promectons en foy de bon Empereur que ainsi il vous. sera lealement observé ; et en oultre nous escripvons par ce mesure porteur aux estats desdits pays de Gheldres et de Zutphen d'envoyer leurs ambassadeurs et depputez à laditte diette pour ouyr et entendre ce que lors sera proposé et mis en avant, touchant cestuy affaire, pour aultant qu'il les concerne ; vous enchargeant et ordonnant pourveoir et bailler si bonne asseurance et addresse audit porteur, qu'il puisse &ire envers ceulx desdits pays de Gheldres et Zutphen ce que luy avons enchargé, et que vous n'empeschez directement ne indirectement les estats desdits pays d'envoyer leurs dits ambassadeurs et depputez audit Reynsbourg au terme susdit ; aine tbictes quant à votre dite venue et celle desdits ambassadeurs tellement que riens vous en puisse estre imputé et ainsi le vous enchargeons, enjoignons et ordonnons par le debvoir et obligation qu'avez à notre auctorité Imperiale et audit Sainct Empire Donné, etc.

 

II. — LETTRE DE L'EMPEREUR AUX ÉTATS DE GUELDRE ET CONTÉ DE ZUTPHEN[10].

(31 janvier 1541.)

Très chiera et féaulx, nous avons envoié par ce porteur à notre cousin de Clèves les lettres dont la copie est inclose en cestes, par laquelle verrez tomme nous le raquerons et enchargeons Boy trouver personnellement à la prochaine Blette Impériale qu'avons ordonné en la ville de Reynsbourg, où nous allons présentement, et la cause pour laquelle entendons il s'y doibje trouver, qu'est mesmement pour en sa presence faire entendre et déclairer aux Estats du Sainct Empire et à notre dit cousin de Cleves le trop grand et évident tort qu'il a de occuper et detenir les duché de Gheldres et comté de Zutphen, comme il fait contre les droits et loua du Sainct Empire et contempnement d'icelluy et à notre intollerable prejudice, nonobstant tous compliments amyabfbs qu'avons fait et usé envers luy et ses commis et depputés, leur faisant ostension lhmilière de nos tiltres et drois très suffisons et irrefragable, par lesquels lesdits estats et pays nous appartiennent et esquels il n'en a ny en peult prétendre aucun legittime et vaillable. Et pour ce que nous avons tousjours fermement confié que vous et autres nos subjects d'iceulx pays avez esté circonvenus en laditte occupation et détencion en vous desguisant nosdits filtres et droits et contreuvant et suggerant plusieurs choses pour aliener vos volontez de nous accepter, tenir et recevoir pour votre vray, droicturier et legitime seigneur, tel que fumes et debvons estre, nous vous requerons et enchargeons envoyer vos ambassadeurs et depputes à laditte diette au jour prefixé à notre dit cousin de Cleves, afin que puissiez astre informés et certains de notre dit droit et tort inexcusable de notre dit cousin et que vous puissions déclairer aussi plus amplement et certainement notre intention et vous en asseurer ; laquelle a tousjours esté de vous tenir et conserver soubs le Sainct Empire et maintenir paisiblement en toutes vos franchises, privilèges, coustumes, libertés et droits, sans innovation quelconque, et avec tout thvorable, clement, bening et charitable traictement ; vous requerant encores très affectueusement que a ce ne vueillez faillir comme en chose que très grandement emporte au bien, repos et tranquilité desdits pays, et en ce faire le debvoir et office que vous oblige la loy de Dieu et la descharge de vos consciences, celles dudit Sainct Empire, soubs lequel vous estes, et la naturelle charité envers votre propre patrie, et que toute raison et equité vous doibt induire envers nous, tant en qualité d'Empereur, comme votre naturel seigneur, avec lesdits filtres et les investitures que nous et nos predecesseurs en avons dudit Sainct Empire. Et nous vous accordons par les mesmes presentes bon sauf-conduit et asseurance pour ceulz que envoyerez a laditte assignation et qu'ils puissent venir audit Reyngsbourg, y estre et s'en retourner librement et sans destourbier quelconque, et promectons que en ce n'y aura faulte.

Donné, etc.

 

IV. — LETTRES DE MARGUERITE D'ANGOULÊME.

I. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Commencement d'avril 1541[11].)

Elle informe le duc de Clèves qu'elle a un catarrhe. — Plaintes contre l'ambassadeur de Clèves. — Jeanne n'est pas prête au mariage.

Monsieur mon filz. Pour ce que jay toute ma vie parle a vous franchement et vous hay trouve prince plain de tant donneur et de vente, je ne craindray a vous escripre le mal et la peine ou je suis, vous pryant bien fort le tenir secret : test que, quant a ma personne, comme vous dira ce porteur, il mest tombe ung caterre sus la mytie du cors, quy me contraint demeurer au lit ; mes jespere par layde du grant medecin que jen eschapere, combien que jusques icy ny vois gueres damendemant Laultre mal que jay, cest en lesperit, a cause de lestrangette que, despuis le moys de fevrier, jay trouve en votre embasadeur, car, au lieu de guaigner le Roy de Navvarre a trouver bon ce maryage, il a fait tout le contraire, comme sy par force vous pretandies devoir uotre fylle sans chercher notre amytie ny alience. Jay asseure le Roy de Navvarre que ces menees sont sans votre seu et lay suplie vous envoier ce porteur, saige et vertueux jentilhomme, afin que par luy ou aultre nous puisions entendre votre voulente ; vous pryant , Monsieur mon filz, nous envoier quelque ung quy soit entieremant a vous, encores qu'il ne parle francoys. Ce porteur, quy reviendra avecques luy, sera truchement, et je luy diray beauleop de choses que vous trouverez estranges. En atandant, je vous suplie, faites vos aires d'Alemaigne le plus seuremant que vous poures, car voy en cy le temps. Et quant a notre couste, sy toust que Dieu me donnera sante et force, je ne fauldray de retourner devers le Roy. Mes, au mieux que les medecins me prommettent, cest que, apres avoir pris les baings naturel ; qui sont en ce pals, ilz esperent que je gueriray. Y sera la fin de may prevoyee que jay paracheve toutes leurs ordonnances. Et je me tiens sy sevre de vous, Monsieur mon fyh, quoy que lon die le contraire, que vous ne voudryes abreger mes jours par precipiter ung maryage quy, selon Dieu et natture, nest pas encore prest. Et de la seurette, vous aves celle du Roy, et, quant a nous, sy vous ny aves fleure de plus grant chouse que dune sy raisonnaible, vous ne nous renderies pas lamour resiproque que nous vous portons. Mes unizant (usant) envers nous de votre acoustumee honnestette, ayant regard a lestat ou je suis, je vous puis bien amurer que vous me trouveras avecques le Roy de Navvarre

La humble et bonne mere,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 432.)

 

II. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Commencement de mai 1541[12].)

Marguerite félicite le duc de son arrivée à Fontainebleau.

Monsieur mon filz, jay entendu par ce porteur votre aryvee a Fontaynebleau et que des maintenant vous estes avecques le Roy, dont je suis merveilleusement ayze, tant pour la joye que je croy que vous sures de voir le dist seigneur que pour celle que je say quil aura de vous voir, pour la bonne afecsion quil vous a toursiours porta. Et quant a ma maladie, elle ne sauroit entre sy grande quelle seust passer le desir que jay destre le plus toust quil me sera possible devers le Roy, ou jespere de vous voir. Et pour ce que ce porteur, par lequel maves envoie visiter, dont aces je ne vous puis mercier, vous dira lestat ou je suis et les journees que je foys, esperant vous dire le demeurant, va (vais) pryer Dieu vous donner aultant de bien que pour Boy en sauroit desirer

Votre humble cousine et bonne mere,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 459.)

 

III. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Mai 1541[13].)

Marguerite félicite le duc de Clèves du bon accueil du roi à Amboise. — Elle lui envoie l'évêque de Sées, avec une mission confidentielle.

Monsieur mon fylz. Jay receu votre lettre, par laquelle vous me mandes lonneur et le bon receuil que vous hont fait le Roy, Messieurs et Mesdames, quy ma este tres grant plesir, veu que vous y trouves a votre contantemant, ce que je vous hay toursiours aseure. Et croies, Monsieur mon fllz, que jay veu de long temps le Roy vous porter telle afecsion que, veu lamour quil vous porte, il ny a nul quy ne vous voye de bon ceur, voyant que vous luy estes afecsionne serviteur. Et, pour avoir part a tete joye, je me haste le plus que je puis de retrouver le Roy, comme vous dira Monseigneur de Ceez[14], ce porteur, lequel je vous prye croire comme moy mesmes. Quy sera la fin, apres vous avoir tait les recommandations a votre bonne grace, du Roy de Navvarre et de celle quy veult a james demeurer

Votre humble et bonne cousine et mere,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 436.)

 

IV. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Fin mai 1541[15].)

Marguerite annonce au duc sa prochaine arrivée à Châtellerault et celle du roi de Navarre.

Monsieur mon filz. Ce porteur vous dira bien au long de nos nouvelles et ausy que jespere estre bien tost a la court. Cellci me gardera de vous fere plus longue lettre, vous merdant de la paine que vous prenes de nous envoier visiter, quy est bien aces sans que vous y viengnes en personne, ce que vous ne deves pas faire, mes dimenche au plus tard nous serons à Chastellerault, ainsy quil a pleu au Roy le nous commander. Pryant notre Seigneur, Monsieur mon filz ; vous donner aultant de bien que pour soy en desire

Votre humble et bonne mere,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 437.)

 

V. — A MONSEIGNEUR LE CHANCELIER DE CLEVES[16].

(Lussac, 7 juillet 1541.)

Demande de nouvelles du duc de Clèves.

Monsieur le chancelier, le desir que jay de scavoir comme se porte monsr mon fllz me Paict luy envoyer ce porteur expres. Je vous prye que par luy vous mescripvez bien au long, tant de la disposition de sa personne que de la l'acon de son voyage, par ou il sera passe et quels sauf conduictz luy auront este octroie«, que du bon traictement que luy aura este fait, et de quy, a celle fin que jen scaiche bon gre a quy jen seray tenue. Quant aux nouvelles de deca, cedit porteur vous en dira bien au long, quy me gardera vous en thire plus long. Mais bien vous diray que, si je vous recommande les affaires de votre maistre, ce nest pas par faulte destre asseuree que vous avez autant daffection comme moymesmes, mais cest seullement pour satisfaire au desir maternel quy me contraint vous pryer de contynuer comme vous avez faict jusques icy et vous asseurer, Monsieur le chancellier, que les peynes quavez prinses, prenez et prendrez, ne seront jamais obliez, et que jespere faire chose pour vous dont vous aurez cause de vous contenter, moyennant layde du createur, que je supplie vous donner habondance de sa tres saincte grace.

Escrypt a Lussac, ce septieme jour de juillet 1544.

La bien vostre,

MARGUERITE.

(Contresigné) : FROTTÉ[17].

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, le 17, f. 254.)

 

VI. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Vers le 7 juillet 1541[18].)

Le roi approuve la réponse du duc de Clèves à la reine de Hongrie. — Il est satisfait des honneurs qui ont été rendus au duc à son passage à Paris. — Inquiétudes sur L'issue de son voyage.

Monsieur mon flylz. Vous savez par les lettres du Roy comme il a trouve votre response a la roine de Hongrie sy bonne quil nest possible de plus, et a este fort ayse de ce que tous ses subiects vous monstrent, par lhonneur quilz vous hont &id en la vile de Paris, Lamour quil vous porte, laquelle, je vous aseure, croist tous les jours, et couvant regrette votre absance. Je remetray a ces lettres et de Monseigneur le cardinal de Tournon a vous dire le surplus des nouvelles tres bonnes qui a toute heure luy viennent, et aujourduy je vous despecheray le filz de votre vischancelier[19], quy paisera par votre fame pour luy porter les lettres que vous luy escripves, que je suis seure luy sera grant plesir de voir la bonne amour que vous luy portes, car elle ne son pare ne moy ne serons a nos ayses que nous ne saichons que vous soyez arive en vos pays en bonne sante, ce que jespere que vous seres. Et apres vous avoir presante lesdites afectueuses recommandations du Roy, votre pare, et de moy, suplyons notre Seigneur vous conserver longuemant en ausy bonne prosperite que pour soy la desire

Votre bonne mere et leale amye,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 428.)

 

VII. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Juillet 1541[20].)

Le roi envoie un messager à M. de Vely. — Confiance du roi en le duc de Clèves. — Encouragements à le servir.

Monsieur mon filz. Le Roy envoie ce porteur pour les ocasions quil vous dira devers Monsieur de Velly, , son embasadeur, et luy a commande passer par vous pour vous cornuniquer sa charge, en quoy le Roy vous monstre bien la ilenee quil a en vous et lafection quil vous porte. Et pour ce que voyey le temps ou il fault que tous ces bons serviteurs et amys eenploient pour son service, je vous prye, Monsieur mon filz, que, par extresme diligence envers tous vos parans et amys, vous luy facies connoistre lamour et lobeisanee que vous luy voules porter ; car je nestime pas deur a vous, en leaige en quoy vous estes, de monstrer a ung tel Roy votre bonne voulonte, car aces y en a quy font bonne et vont pas le moyen de la desclairer, comme vous aves ; a quoy je suis seure que vous ne eludres ; mes le desir que jen hay me fait vous prier bien fort de diligenter vos amys le plus que vous pourez. Et parles a ce porteur de ce que vous penceres quy touchera le service du Roy, car il est homme Beur et bien estime du dist seigneur ; et, quant a moy, je le cognois si homme de bien que de longtemps je me fis en luy ; par quoy remetray a sa creance la longeur de ma lettre.

Votre bonne cousine et leale mere,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 430.)

 

VIII. — A MONSIEUR LE CHANCELIER DE CLEVES.

(6 août 1544[21].)

Lettre de créance et recommandation d'un messager envoyé par le roi.

Monsieur, le chancelier. Le roy envoye ce porteur par devers monsieur mon ftlz pour les causes que vous pourrez entendre, et oultre si que le congnoissez et quil est affectionné serviteur de monsieur son maistre, je vous meure que en le bien traictant vous ferez chose quy sera fort agreable au Roy, car il layme et estime tel quil est. Et pour ce que vous saura bien au long dire touttes choses, ne vous fera plus longue, lettre

La toute votre,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 43.)

 

IX. — A MONSEIGNEUR MON FILS, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Septembre 1541[22].)

Lettre de créance en faveur du sire de L'Estrange et du présent porteur.

Monsieur mon filz. Le Roy envoie devers vous Monsieur de l'Estrange, par lequel antandres bien au long de ces nouvelles ; et ausy vous a depesche ce porteur, duquel lafaire ce porte Ires bien, comme il vous dira. Et pour ce, Monsieur mon filz, que vous le connoises et que je la toursjours veu votre afecsionne servicteur et homme quy vous veult et peult fore service, je vous ay bien voulu escripre cete lettre par luy pour vous prier le croire et le vouloir bien treiter ; et je suis sevre que vous fores plesir au Roy, duquel je remetz a sa creance a vous dire des nouvelles plus au long que ne vous en peult escripre

La toute votre bonne mere et leale amye,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 464.)

 

X. — [A MADAME LA DUCHESSE DE CLEVES.]

(Après le 3 octobre 1541[23].)

Réponse à la lettre de la duchesse de Clèves. — Annonce d'un voyage en Navarre. — Protestations d'amitié.

Myn frauwe und suster. Ich byn seer woll zufrieden gewest, ais ich uwer guide und ehrliche brieff gesehn, und dank uch in alwege der guider zuneygung und liebden, die ir zu dem Konick von Navarren, myner dochter und mir hait, welche sich herwidderumb fruntlich zu uch erbiethen der verhoffnung uch federlich zu sehen das ich am hechsten in clisser welt beger, als dero wir syn geneigt. Myn frauwe und suster, der Konig von Navarren und ich syn genœdigt in unser landen zu reysen eyne kleyne Zyt. Davur wir in unser wederkompft mogen beeliessen, das so woll ist angefangen und hoff an got daran bald eyn gut end zu sehen, ais ich es ferrer hab antzigen lassen unserm shone der es uch wirdt sagen. Myn frauwe und suster. Ich bid uch zu haven in uwer gunst und gedechteniss mich sampt dem manne und dochter die mehr uyr dan myn ist.

Ure liebe suster und frundtin,

MARGEETE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 172.)

Traduction.

Madame et sœur. J'ai été très-satisfaite lorsque j'ai vu votre bonne et honorée lettre, et je vous remercie de l'inclination et de l'affection que vous avez pour le roi de Navarre, pour ma fille et pour moi. Ils se font de nouveau et affectueusement recommander à vous, dans l'espérance de vous voir d'ici à quelque temps ; qui est ce que je désire le plus au monde et à quoi nous sommes très-disposés. Madame et sœur, le roi de Navarre et moi, nous sommes obligés de faire un petit voyage dans nos États, afin que nous puissions conclure, à notre retour, ce qui est si bien commencé et ce que j'espère voir bientôt arriver à bonne fin, ainsi que je l'ai fait entendre à notre fils qui vous le dira. Madame et sœur, je vous prie de me conserver dans votre faveur et dans votre souvenir, ainsi que mon mari et ma fille, qui est plus vôtre que mienne.

Votre chère sœur et amie,

MARGUERITE.

 

XI. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Commencement de novembre 1541[24].)

Lettre de créance en faveur de La Planche.

Monsieur mon fila. La Planche, present porteur, na voullu pour ses affaires laisser daller en votre service et voua suyvyr jusques a ce que la necessite de ses dictes affaires le contraindra de revenir. Je luy ay donne charge vous dire touttes nouvelles de ceste compaygnye et vous tenir des propos, dont je vous prye le croire comme personne en quy je me fye et que jay congnou fort affectionne en votre service. II voua dira aussi la cause quy ma gardes vous escripre de ma main et fera les recommandations du Roy ide Navarre et de celle quy supplie le createur vous donner aussi bonne et heureuse vye que pour soy la desire

Votre bonne mere et leale amye,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 460.)

 

XII. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Vers le 8 novembre 1541[25].)

Lettre de créance en faveur du sire de L'Estrange.

Monsieur mon fylz. Je ne vous sauroye sy bien ny sy au long escripre des nouvelles du Roy et de toute este compaignye, comme vous en poures entendre par Monsieur de 1'Estrange, lequel le Roy vous ranvoye, quy ma este ung tres Brant plesir, car il a fait ung sy bon et honneste report de vous au Roy que le dist seigneur en a este tres contant, comme par luy poures mieux entendre ; quy me gardera de vous en faire redicte. Et pour ce quil vous dira ausy des nouvelles du Roy, votre beau pare, de votre filme et de moy, et lenvvye que nous avons de vous revoir, et lestat ou sont maintenant nos alites, que vous deves tenir les votres comme tout ce qui vous touche tenons pour notre, je nempecherai sa creance de ma mauvaise escripture, estant seure que vous le mires comme bon et leal serviteur du Roy, quy sont ceux en quy vous et moy devons prendre fience. Et je veys pryer Notre Seigneur vous donner aultant de bien et donneur que Madame votre mare et moy vous en desirons, a laquelle, avesques vous, ce va, pour fin de lettre, afectueusement recommander, et ausy fait le Roy, votre beau pare, que je vous puis amurer vous cyme aultant que sa propre fylle.

La toute votre bonne mare et leale amye,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 47, f. 424.)

 

XIII. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(12 novembre 1541[26].)

Jeanne d'Albret envoie au duc une enseigne. — Son amour pour le duc. — Il serait utile de lui envoyer un messager. — État de sa santé. — Le roi voulait qu'elle allât à Fontainebleau ; opposition de la reine Marguerite.

Monsieur mon fylz. Sy toust que jay heu nouvelles de votre fame, vous hay despeiche ce porteur, lequel vous porte de sa part une ensaigne quelle vous a fait faire.

Ce ne luy sera petit plesir quant entandra que vous laves pour agreable. Et pour ce, Monsieur mon fylz, que ce porteur est seur et loyal, je le vous envoie, car par luy pouces entandre toutes amuses a la verite. Et afin que plus veritaiblement vous puisies savoir de mes nouvelles en 'absence de votre embuasdeur, je vous prye envoies quelque bon personnaige en quy vous ayes flence et quy ne connoise que vous, lequel, apres avoir yen votre fame et tous vos amys, vous fera tel raport que vous seres contant de son voyaige ; car vous saves que lettres font point de repliques et sont en dangier destre veues, mes ung bon servitteur dira toursiours la vente. Et vous feres ung grant plesir a votre fame de 'envoler visiter, car il ny samble que vous laves mysse en obly ; et pour le desir que jay que lamour qui est sy bien commancee en votre mariaige ce puise augmanter, veu quellest en lieu ou elle a son pore Henry delle ung couste[27] et son mary de laultre, et que je ny puis estre, je say quelle aura une merveilleuse joye de voir que vous aves soulcy delle. Je lenvoye souvent visiter pour la consoler. Elle ce porte bien, mes elle est encore bien maisgre, et a este deux moys en mauveisse couleur, peste et ung peu jaulne, ce que Ion mavoit celle jusques a ce quelle en est guerie. Lon luy donne force pacetemps, mes elle ne peut engrossir. Liver 'amendera car elle sy trouve myeux que en este. Tout le desir que jay de sa sante, cest que bien toust elle soit pour vous donner le plesir que ung mary en doit recevoir et la joye que le Roy de Navvarre, Madame votre mere, ma bonne seur, et moy le desyrons. Le Roy vouloit quelle vint a Fontainebleau, mes par deux foys elle y a pris ces grandes maladies, car cest ung lieu fort humyde. Jarre mieux perdre le plesir de la voir et la lesser croistre et nouer que de la voir et empescher pour une petite joye la grande ennuy. Je natans quant je la vous menerai, quy est bien souhaitée, mes Dieu seul peult donner la force et la sante dont je le suplye a vous donner ausy et a Madame ma seur ausy bonne et longue vie que pour soy la desire

La toute votre bonne mere et leale amye,

MARGUERITE.

Vous voudrez bien que ma fille, Mademoiselle de Cleves[28], treuve icy mes recommandations, et je vous envoie une lettre de lembasadeur du Roy en Engleterre que vous tiendrez, sil vous plest, secrette[29].

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 466.)

 

XIV. — A MONSIEUR LE CHANCELIER DE CLEVES.

(Cravant[30], 12 novembre 1541.)

Le roi envoie L'Estrange et Serrant en Allemagne. — Présent de Jeanne au duc. — Sa sollicitude pour lui. — Demande de Pence d'un messager confidentiel.

Monsieur le chancelier. Encore que par monsieur de l'Estrange et monsieur de Serrant, que le roy envoya yer en Allemaigne, monsieur mon filz pourra avoir bien au long entendu les nouvelles de par deca, je nay voullu laisser de luy envoyer ce porteur, tant pour luy en dire que pour luy presanter ung present que sa femme luy envoye, laquelle, je vous asseure, est en grant poyne, dont elle n'a nouvelles bien certayne de sa sante, et a heu plus dennuy que je neusse pence que son eage l'eust peu porter, quant elle a entendu quon luy avoit voulu faire quelque traison en aulcunes de ses villes, craignant aussi que Ion en peust faire a sa personne ; et ma escript quelle ne sera point a son aise jusques a ce que par quelquun de ses gens elle en feust asseuree ; par quoy il me semble bon et de bien bon cueur vous prye quil envoye quelque personnaige de son conseil pour la visiter, et quy soie sy seur que je puisse parler a luy comme je pourroys faire a monsieur mon fils. Et je luy tiendray tous les propos que je ne vouldroys escripre et aussi peu dire a homme dont il ne mauroit asseure pour les luy reciter et a vous aussi.

Et remettant le tout en se temps la et a ce que jay donne charge a ce Beur porteur vous dire, feray fln de ceste lettre, supplyant le createur, monsieur le chancelier, vous donner habondance de sa tres saincte grave.

Eseript à Crevan le XII jour de novembre.

La toute votre,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 830.)

 

XV. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Après le 12 nov. 1541[31].)

Faveurs accordées par le roi au porteur. — Voyage du roi de Navarre à la cour. — Etat de santé de Jeanne d'Albret.

Monsieur mon filz. Pour ce que ce porteur vous dira la bonne disposition ou est le Roy et Messieurs et dames, ces enfeu pareillement, des voyages que nous faisons ne vous en feray nulle redicte. Il sen retourne devers vous, ayant optenu ce quil a demande de son exemption dariere ban, ce quy a este ung peu dificille, et, sans votre service, que jay remonstre au Roy ogre le sien, il neust pas heu ce prevyleige, quy na jarres este donne que aux serviteurs du Roy et de ceux de sa maison. Nous avons tant fait quil a heu ycy sa despesche sans avoir la peine dater a Paris, et na este sans ce Nocher de demeurer tant sans retourner devers vous.

Il vous dira ausy comme ce porte lafaire du Roy, vostre pere, quy est venu ycy devers le Roy pour entendre la conclusion de la pais ou de la guerre, et incontinent lune ou laultre prisse, sen retourner en son pals. De ce quy en advyendra ne fauldray a vous en advenir. 11 ma commande vous envoier ces afayctionnees recommandations. Il a veue votre faine, en passant par Tours, quil a trouve beaulcop plus maisgre quelle na este. Et despuis quil est party, elle a heu ung vomisemant de sanc bien fascheux, dont jay este sy troubles que jen hay heu la fievre jusques a ce que jaye heu seurette quelle est bien guerie. Javois demande mon congie pour l'aler voir, et le Roy le mavoit donne, mes le Roy, votre pare, ne la voulu, disant que son araire doit aire oblier autans et plesir et nous mufles pour le service du Roy. Dieu veulle que luy et vous luy en puissies aultant aire que le desire

La toute votre bonne et leale mere,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 427.)

 

XVI. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Fin novembre 1541[32].)

Protestation d'amitié. — Retour du roi de Navarre en Béarn. —Prochain voyage de la cour à Fontainebleau. — Arrivée des filles d'honneur envoyées par le duc de Clèves.

Monsieur mon filz. Pour ce que par monsieur de l'Estrange je vous hay bien mandé toutes chouses, je ne vous feray longue lettre, sinon de vous aseurer que ce porteur et tous les siens sont de mes miens serviteurs, quy me fait vous pryer, oultre ce que je say que tout ce quy vient de la part du Roy est receu de vous comme de celluy quy est tout sien, encores pour lamour de moy je vous prye laymer bien, ce que je suis seure que vous feres, congnoissant les graces que Dieu a misses en luy. Aussy, Monsieur mon filz, javois oublie par monsieur de l'Estrange vous escripre le partement du Roy de Navarre, vostre pere, lequel est party aujourdhuy pour aler donner ordre en sa maison a plusieurs alaires quil navoit heu loisir de mettre a fin a laultre voyaige. Il ma commande vous escripre quil espere ne demeurer gueres, mes que de ce quil trouvera incontinant vous en seres adverty, comme celluy quil tient pour son bon fils et heritier. Et sur ce propous feray fin, mes dedans deux jours vous envoyray Adolphe[33], qui vous portera des nouvelles de votre none, et, sy toust que nous serons a Fontainebleau, que jespere dans six jours, et que je auray veu les filles et le paige que vous mues envoie[34], dont je vous mercis bien fort, je vous escripray bien au long et tout ce quil surviendra, et pour fin [me recommande] a la bonne grave de Madame ma seur et la vostre ; avecques les recommandations du Roy de Navarre, vous prenante les siennes

La toute vostre bonne mers et leale amye,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 423.)

 

XVII. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES.

(Janvier ou février 1542[35].)

Bons rapports de L'Estrange sur le duc de Clèves. — Marguerite repousse énergiquement les calomnies des gens intéressés à les désunir. — Dieu et le roi jugeront quand Jeanne devra être conduite à son époux. — Droits du duc sur elle.

Monsieur mon filz. Je ne vous puis dire layze que le Roy et toute cete compaignye a receue devoir entendu de vos bonnes nouvelles par Monsieur de l'Estrange, quy en a fait sy bon et honneste report, tant de la bonne voulonte que vous aves a son service que du pouvoir et Brant moyen que vous en ms, que le dis seigneur Roy en est demeure ausy satisfait que vous et moy le sauryont desirer, comme par la despeche, que presantement Ion vous anvoye, vous poures voir ; vous assurant, Monsieur mon filz, que, quant Monsieur de l'Estrange serait votre serviteur domestique, il nauroit seu myeux a votre intentyon raconter au Roy toutes chouses, qui sont pour augmenter et continuer la bonne amour quil vous porte et quy soit a la louange de vous et de vostre maison, chouse que, vous pouves paner, ma este telle consolacion que une bonne mare doit avoir, douyr bien dire de son bon Ill ; atandant que Dieu me face ce bien tant desire que je puise voir ce que jen oy dire ; comme jespere plus toust que de (ne) veullent que vous croyes ceux quy nont nul savoir que de forger mensonges, et nont point de honte de les dire trop aparantes contre ce que tout le monde a veu le contraire. Je suis seure que vous aves telle con-Rem au Roy et telle estime de sa parole et foy, laquelle il vous a sy bien gardee, que vous deves rejetter les meschans, quy jugent les. autres selon leur malice, pour mettre en peine ceux quy voyent vivre en pais et ungnyon. Il y en a aces heu quy mont voulu donner des craintes bien grandes des coustumes d'Alemaigne, quant au fait des mariaiges, et dautres estrangettes, mes je ne les hay voulu non plus escouter que croire, saichant tres bien que le desplesir quils hont de notre alience leur fait inventer telles mechantes mansonges. Et pour men mettre en repous, jay du tout remys a Dieu et au Roy mon araire, estant seure que ilz garderont ce qu'ils bote fait ; et, quant ilz verront le temps propre, ilz vous balleront ce quy est votre ; je dis sy bien votre, que il nest point en la puisance des hommes dy donner empechemant, et que les chouses par vous demande« et accordees par le Roy ne soyent acomplies. Et voudroys de bon ceux avoir abreige ma vie de deux ans et votre fame les heurt daventaige, pour la vous mener , car ell est votre et je ny hay plus riens. Vous et moy lavons remyse en la main du Roy, qui est pere de vous et delle, et comme bon pers saura bien sactlataire a vous et a elle. Mes je vous prye, Monsieur mon filz, que en atandant vous naies jamais soupeson dune sy meschante chouse, car, oultre la seurette que vous aves du Roy, je vous prye pancer que le Roy de Navvarre et moy navons james fait chouse ny na este faite en nos maisons, dont notre honneur puisse estre seulemant soupesonne dune sy vilaine chouse. Et en cette seurete, samblable a celle que je prans en votre parole, et, en la grace que je sais que Dieu a mysse en vous, vous viveres contant et nous feres vivre en repons. Sy je vous en escrips longuement cest que vostre embassadeur n'est pas ycy, a quy je puise parler privetment, et je neusse pas este a mon ayse sans demantir par escripture ceux que je voudrois bien connoistre, pour les aprandre a dire verne ou ne parler plus. Cete longue lettre servira pour le mary et la faine, quy presantent leurs recommandations a Madame votre mers et a vous. Jatans des nouvelles de votre faine que je nay veue despuis notre despartemant et incontinnant vous despecheray homme eipres.

La toute votre bonne mere et leale amye,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 425.)

 

XVIII. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES, GUELDRE ET JULLIERS.

(Fin avril 1542[36].)

Envoi de Longueval à Dusseldorf. — Crédit du duc à la cour. — Protestation d'amitié.

Monsieur mon fils. Pource que monsieur de Longueval est despesche pour sen aler devers vous, par lequel je vous escrips, je ne vous feray longue lettre, sinon pour vous dire que jay receue celle que par votre ambasadeur maves escripte, vous asseurant, Monsieur mon fils, que vous estes tant en la bonne grace du Roy que vous ny tous vos amys ne le sauroient plus desirer. Et quant je y connoistrois aultre chouse, vous saves que je ne suis ycy que pour vous, tant a vous en advertir que a y donner le remeide necesaire, ce de quoy nay veu ocasion, vous pryant de continuer au bon vouloir que jusques icy aves monstre au service dudict seigneur, et en ce faisant croies que vous le trouveres vray pers et afectionne a votre bien et grandeur. Le porteur vous dira comme jay este tormantée dune flevre bien fascheuse, mes je suis dehors, et ne mest demeure que la faiblesse. Et pour ce que par monsieur de Longueval entandres toutes chouses, par le meme ne vous en fera plus de redicte

La toute vostre bonne mere et loiale amye,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 388.)

 

XIX. — A MONSEIGNEUR MON FILZ, MONSEIGNEUR LE DUC DE CLEVES, GUELDRES ET JULLIERS.

(Mai 1542[37].)

Recommandation du porteur et témoignage de son dévouement au duc pendant l'absence de l'ambassadeur.

Monsieur mon fax, Encores que je vous aye escript par le seigneur de Lacroyx et de Longueval, synon veux-je lasser aler ce porteur sans ma lettre, non pour vous mander nulles nouvelles, car par luy pourés tout entandre, mes pour vous tesmoingner que vous aves en luy ung tres ildelle et saige serviteur et quy test si bien conduist en labsance de votre embasadeur[38], que je ne ferois pas le devoir de bonne mere, sy je ne vous celloys la vente de son loyal service. Il vous dira des nouvelles du Roy, votre pare, de votre fame et de moy, car journellement tout ce que jay entendu je le luy hay communyque, pour ce que je lay trouve non seulement seur, mes tres prudent en tous alaires, quy me contraint vous prier lavoir bien en votre bonne grace, car il le merite. Et a la votre et celle de Madame votre mere, ma bonne seur, ce va recommander, pryant le tout puisant vous donner à tous deux aultant de contentement que pour soy en desire

La toute votre bonne mere et leale amye,

MARGUERITE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 389.)

 

V. — LETTRES DE JEANNE D'ALBRET.

I. — À MONSIEUR LE DUC DE CLÈVES.

(Fin juin 1541[39].)

Départ prochain de la reine Marguerite. — Jeanne va rentrer à Tours. — Témoignages d'affection.

Monsieur, ce porteur vous dira bien au long des nouvelles, toutefois je ne lay voulu laissait aler sans vous escrire comme jespere partir demain, apres que la Reyne, ma mere, scera partie, de man aller a Tours pour acomplir lordonnance des medecins, ou je vous suplie me faire entandre de voz nouvelles ; car il ny a medecine au monde quy puisse tant scervir a ma scante que de scavoir que la votre est bonne. Je suplie Notre Seigneur, Monsieur, la vous donner telle que la vous desire

Votre humble et obeissante fame,

Jehanne DE NAVARRE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 449.)

 

II. — A MONSIEUR LE DUC DE CLEVES.

(Novembre 1541[40].)

Jeanne d'Albret a eu la jaunisse. — Trahisons déjouées par le duc de Clèves. — Présents au duc de Clives et el mademoiselle de Clèves.

Monsieur, je nay voulu lainer akr ce porteur sans vous escripre que je me suis trouves un peu mal d'une jaulnyese, quy ma tenue pres de deux moys, dont je nay riens voulu mander a la Reyne, notre mere, que je nay este guerie, ce que je suis maintenant. Et pour ce, Monseur, que jay seu que Ion vous a voulu fere beaulcop de traysons en vos pays, je vous suplye, gardes bien votre sante de vos ennemys. Et pour ce que celluy quy nous garde cest Dieu, je vous envoye une enseigne de limaige de celluy ou est notre esperance, vous suplyant lavoir pour agreable ; ausy janvoye deux [livres] doeures a ma saur, madamoyselle de Cleves, que je vous prye luy bailler, atandant que moy-mesmes luy en porte. Par quoy, Monseur, apres avoir presante mes Ires humbles recommandations a votre bonne grace, vous suplyant presanter les miennes a Madame, notre bonne mere, sans oblyer notre saur, va prier notre Seigneur vous conserver en bonne sante, jusques a ce que vous puise voir, que jespere bien toust,

Votre tres humble et tres obeisante fame,

Jehanne DE NAVARRE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 465.)

 

III. — A MONSIEUR DE CLEVES.

(Novembre 1541[41].)

Jeux de Jeanne d'Albret ; mystère de la Passion. — Nouvelles de la santé du roi de France, du roi et de la reine de Navarre.

Monsieur, je nay voulu failir vous escrire comme jay veu de beaux jeux icy et de la pascion, quil ont tres bien jouee, et, en enscrivant vos lettres, je vous escrira le plus souvent que je pouray. Et suis bien aise de scavoir votre bonne sante. Et vous aceure que le Roy et le Roy, mon pere, et la Reyne, ma mere, se porte bien et moy ausy ; ma mere ausy, qui a este bien malade, remerciant notre Seigneur de sa convalescence, le supliant vous tenir a tres bonne sante et longue vie.

Votre humble et obeisante fame,

Jehanne DE NAVARRE.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 463.)

 

IV. — A DRIMBORN.

(Après le 10 octobre 1543[42].)

Monsieur l'ambassadeur, pour vous faire response à ce que vous m'avez dit de la part de Mgr de Cleves, je ne puys nyer les ceremonyes qui furent fectes et l'honneur que le roy feit aud. sr. de Cleves a Chastellerault. Et puis encore moins non confesser que la volenté dud. sgr roy et des roy et royne de Navarre, mes pere et mere, ne fussent que les choses eussent à sortir leur effect ; mais voyant que le sgr roy sestoit resolu de me bailler à luy sans me vouloir ouyr ny escouter et que, quant jen voulois parler ausd. sgr roy et royne de Navarre, ilz me vouloient encoires moins ouyr, usans envers moy de plus estranges rigeurs du monde pour mon opinion quils voioient contraire à leur volenté ; et me sentant abandonné de mon roy et de pers et de mere, je me delibéray prendre mon seul recours à Dieu, lequel ma Ihit ceste grace que led. sgr de Cleves a fait contre luy mesme chose que tient le roy et mon pers et mere quictes et deschargés de la volenté et de la promesse quils luy pou-voient sur ce avoir thictes. Ne reste plus que à vous respondre de mad. volenté, de laquelle je crois que, qui en demanderoit à Mgr de Cleves, il munit bien que en dire. Et quoiqu'il y ayt, quant il sera question den dire la verité et que je seray devant ceulx qui doivent congnoistre de telles matieres, jen responderay ; estant resolu de faire en toutes choses mon devoir tant envers Dieu que envers ceulx à qui je dois en ce monde obéissance.

Jehanne DE NAVARRE.

 

VI. — LETTRE DU DUC DE CLÈVES À LA PRINCESSE DE NAVARRE.

(Dusseldorf, 30 septembre 1543.)

Lettre de créance confiée à Drymborn.

Madame mamye, jay depeschay ce gentilhomme, present porteur, Alexandre Drymborn, pour vous declairer lestat de mes affaires, et, pour ce que je luy ay donne charge de les vous compter bien au long et declairer mes tres affectionnez desirs, je ne vous en tiendray plus long propoz, vous priant adiouster foy a son rapport comme si moy mesmes en personne estois present. Atant, Madame mamye, apres mestre recommende tres affectueusement a votre bonne race, je prieray le createur vous donner en sante tres bonne et longue vie.

A Dusseldorf, le dernier du septembre anno 1543.

Votre perpetuel amy et mary,

GUILLEM.

In dorso : Welsche Credenz so Drimborn mitgeven.

(Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 512.)

 

VII. — AVIS DE L'EMPEREUR SUR LA LETTRE DE LA PRINCESSE DE NAVARRE À L'AMBASSADEUR DU DUC DE CLÈVES[43].

(Septembre ou octobre 1543.)

Sur ce que Mgr le duc de Cleves a requis l'advis de l'empereur touchant la responce qu'a faicte la fille d'Allebrecbt aux deputés dudict seigneur duc, ayans esté depeschez par luy expressement devers le roy de France, les pere et mare de la-dicte fille, et à elle pour laccomplissement du mariage dentre luy et ladicte fille, il a esté consideré ce que sensuit.

Que estant la matiere de ceste qualité, concernant la conscience des parties, et du gibier des gens lectrez, et pour astre Sa Majesté en guerre avec ledict roy de France et le pere de ladicte fille, Ion sen remect à ce que ledict seigneur duc en trouvera bon par le conseil des gens mayens avec ladvis de ses autres parens et amys.

Et néanmoins, pour satisfaire du coustel de sadicte Majesté à la réquisition dudict seigneur duc, a esté regardé sur ladicte responce, que combien elle soit esté fhicte par ladicte fille et signée delle, si démontre clerement lartifice d'icelle, quil ne luy a défailli conseil, mesmes des principaulx serviteurs et conseillers dudict roy de France présens à ladicte responce.

Aussi a ledict conseil fait que ladicte fille responde en premier lieu pour ledict roy de France et aussy pour ses pere et men, affermant quils soient quittes et deschargés de toute obligation envers ledict seigneur duc de Glevas, et ce pour avoir faict chose contre soy mesme ; à quoy icelluy seigneur duc scaura bien respondre, niant faict ce que convenoit à luy et à son devoir.

Mais en ce que ladicte responce contient expressément que ladicte fille fut constraincte par sesdicts onde, pere et mere audict mariage et cérémonies quen thrent faictes avec les plus estrangers rigeurs du monde[44], ce comprent que iceulx oncle, perd et mere, ont faict contre Dieu et abusé du sacrement de mariage et ordonnance de l'esglise, et office et devoir de parentage envers ladicte fille et contre toute honnesteté et bonne foy envers ledict duc.

Et combien que ladicte fille, contre sa pertinente promesse, responde généralement et ambigueusement, si se comprent et déclare expressément et derement par ledict escript que tout ce quelle a faict et promis a esté par force et craincte et par les plus estranges rigeurs du- monde de sesdicts oncle, pere et mere, voyant, comme aussi elle dit expressément, sa voulenté de non faire ledict mariage contraire à la leur.

Et si faict encoires à considérer que si lesdicts oncle, pere et mere sont deschargés et acquittés de leur promesse quant à faire ledict mariage, comme contient ladicte response, aussy seroit ladicte fille pour estre ladicte promesse de mesme faict et de personne estant soubz leur puissance et auctorité, puisque elle confesse si ouvertement comme dict est, que ce quelle a promis a esté forcement par craincte d'eux et pour satisPaire à leur voulenté.

De manière que en bien examinant et comprenant tout le contenu et teneur de ladicte responce, il peut sembler quelle démonstre assez que tout ce qua esté faict et traicté par ladicte fille a esté forcément, et le tout demené desdicts oncle, pere et mere, pour abuser ledict seigneur duc. Sur quoy vient aussi à considérer que cecy [est] conforme à ce que ledict pere a dict de la protestation, et dont ledict seigneur de Cleves rememore ce que ladicte responce contient que qui luy demanderoit ce quil congnoit de ladicte voulenté de ladicte fille, il scauroit bien quen dire.

Et pour conclusion se voit clerement que ores ladicte fille se tienne pour libre, néantmoins prétend-elle tenir ledict duc suspens et incertain à le mectre en justice et procès, en quoy il scaura bien regarder pour y obvier et mettre fin en cestuy affaire, à 'acquit de sa conscience, et comme il convient à son estat et qualité et bien de ses pays et subjects ; en quoy et au surplus, concernant lad. duc et sesd. pays, il trouvera sad. Majesté très inclinée et affectionnée.

 

VIII. — DÉCLARATION DE NULLITÉ, PRONONCÉE PAR LE PAPE PAUL III, DU MARIAGE DU DUC DE CLÈVES ET DE JEANNE D'ALBRET[45].

(Rome, 12 octobre 1545.)

Paulus papa III. dilecte fili salutem et apostolicam benedictionem. Cum sicut nobis nuper exponi fecisti alias, postquam matrimonium cum dilecta in Christo filia nobili muliere Johanna de Nauarra charissimi in Christo filii nostri Henrici regis Navarre illustris unica nata per verba de preeenti contraxeras, ante illius consumationem innotuerit, quod Joanna ante et post contractum matrimonium ipsum ac tempore ipsius contractus animo nunquam gesserit, tecum dictum matrimonium contrahere et ad illius solennitates Ihciendas ac consensum desuper prestandum, per vim et metum, qui in constantem illius etatis mulierem cadere poterat, inducta fuerat, ac de premissis coram diuersis notarils et testibus plinibus et iteratis vicibus reclamauerit et protestata fuerat , et demum in die Paschalis resurrectionis domini nostri Jesu Christi proxime preterito ipsa Joanna, prout fideles decet ehristianos, sumpto eucharistie sacramento in ecclesia coram populo tactis sacrosanctis dei evangeliis iure iurando affirmauerit, protestations ipsas vents esse seque nunquam matrimonium ipsum contrahendi animum habuisse et minus habere, neque ad illud sic contractum ratum habendum induci potuisse aut posse, iterum protestata fuerit, prout in diuersis inde confectis instrumentis publicis plenius continetur ; tuque eandem Joannam ac illius parentes pluries per tuos etiam speciales nuncios requisiueris et coram illis insteteris, qtaatinus, ut Joannam ad domum tuam traducere et cum ipsa matrimonium ipsum ut decebat consumare posses, parentes ipsi illam tibi tradere et consignare ipsaque Joanna ad te venire vellent et deberent, ipsique non solum id facere neglexerint, sed etiam expresse recusauerint. Et licet, sicut eadem petitio subiungebat, secundum premissa matrimonium ipsum nullum et invalidum dici posait, nihilominus tu intendens pater effici liberorum, pro maiori animi tui quiete matrimonium ipsum nullum declarare cupis ; quare pro parte tua nobis fuit humiliter supplicatum, ut tibi in premissis opportune providere de benignitate apostolica dignaremur : nos igitur, qui illius in terris vices gerimus, qui pacem et concordiam in sublimibus nutrit, attendentes, quod, nisi inter virum et mulierem legitimus consensus interveniat, ita quod unus alterum in suo mutuo consortio recipiat, matrimonium non existit, quodque licet tune aliis nubere ac cupientes, ne ea, que de non voluntariis nuptiis provenire soient, subsequantur providere, instrumentorum predictorum ac quarumcunque aliarum scripturarum desuper confectarum tenores, ac si de verbo ad verbum insererentur presentibus, pro sufficienter expressis et insertis habentes, huiusmodi supplicationibus inclinati ex premissis et certis alüs rationabilibus nobis notis causis ex certa scientia nostra ac de apostolice potestatis plenitudine auctoritate apostolica tenore pre,sentium matrimonium ipsum non tenuisse nec tenere, nullumque et invalidum ac minus canonicum fuisse ac fore ac censeri debere decernimus et deelaramus ; et quatinus matrimonium ipsum aliquo modo tenere et canonicum fore dici seu censeri posait, illud dummodo ut prefertur consumatum non fuerit, dissoluimus et separamus, toque ac Joannam a mutuo vinculo matrimonii huiusmodi absoluimus et liberamus, necnon tibi cum alia muliere ac eidem Joanne cum alio viro, alias canonico impedimento non obstante, matrimonium alias legitime contrahendi licentiam et facultatem concedimus , prolem ex contrahendis raatrimoniis huiusmodi suscipiendam legitimam fore decernentes. Non obstantibus premissis ac quibusuisapostolicis ac prouincialibus constitutionibus et ordinationibus necnon imperiallbus, regiis regumque legibus et pragmaticis ianctionibus ac iuribus municipalibus , etiam iuramento confirmation apostolica vel quauis firmitate alia roboratis ceterisque contrariis quibuscunque.

Datum Rome apud s. Petrum sub annulopiscatoris die XII Octobris MDXXXXV, pont. nostri a. undecimo.

 

 

 



[1] Ce contrat de mariage, signé à Anet par les délégués du roi de Navarre et du duc de Clèves, est inédit et est resté inconnu à tous les historiens. Un écrivain moderne, qui le cite comme imprimé dans le recueil de Léonard, le confond avec le contrat du mariage de Jeanne d'Albret et d'Antoine de Bourbon.

Il fut écrit en double sur parchemin. L'une des deux copies resta entre les mains du duc de Clèves ; elle est aujourd'hui aux archives de Dusseldorf. L'autre copie, signée du duc de Clèves et scellée de son sceau, resta au roi de Navarre ; elle est aujourd'hui aux archives de Pau (E. 572). C'est d'après cette copie que nous l'imprimons.

Une troisième copie, dressée d'après l'original des archives de Pan, est conservée à la Bibliothèque nationale dans la collection Doat, vol. 235, f. 1. Elle est très-fautive et même incomplète.

[2] Munstereyffel, ville du duché de Juliers, dans l'évêché de Munster ; Munsterbilsen, abbaye de chanoinesses dans l'évêché de Liège ; Kaster, sur l'Erft, dans le duché de Juliers ; Buderich, sur le Rhin, près de Wesel.

[3] Probablement Reinsberg, dans la vallée du Rhin, au-dessus de Wesel.

[4] Après cette pièce se trouvent, sur l'original en parchemin, les procurations du roi de Navarre à J. de Foix, à Olivier, à J. J. de Mesmes, et celles du duc de Clèves à ses députés. Ces procurations sont écrites en latin. Puis vient la ratification donnée par le duc de Clèves au contrat et datée de Clèves, du 8 août 1540.

[5] Cette pièce se trouve en double aux archives de Pau. La première copie est écrite en français, d'une bonne écriture cursive du milieu du XVIe siècle, avec quelques ratures. C'est le texte de cette copie que nous imprimons ici (Arch. de Pau, B. 572).

La seconde copie est en patois béarnais ; elle figure en tête du tome V des Establissements du Béarn.

Cette pièce est inédite. Seul, M. Bascle de Lagreze en a publié un fragment dans la seconde édition in-8° de son livre Le Château de Pau, p. 146.

Bordenave avait connu cette remontrance et l'avait analysée assez exactement dans son Histoire de Béarn et Navarre, p. 32 (coll. de la Soc. de l'Hist. de France).

[6] La Navarre espagnole, conquise par Ferdinand le Catholique.

[7] L'original ou la minute de cette pièce était conservé aux archives de Bruxelles. En 1793, il fut transporté avec d'autres pièces à Vienne, où il est encore. Les archives de Bruxelles en ont conservé une copie authentiquée par M. Wynants, archiviste impérial (Fonds des Papiers d'État et de l'Audience, Correspond. de Charles-Q. avec Marie de Hongrie, f. 7).

[8] On conserve aux archives de Bruxelles un de ces mémoires. Il est intitulé : Remontrance traduite de l'allemand en Conçois, faite par les députes du duc de Clèves et présentée à Nicolas Perrenot, seigneur de Granvelle (Arch. de l'Audience, Corresp. de Charles-Q. avec Marie de Hongrie).

[9] Diète de Ratisbonne.

[10] Cette pièce est conservée aux archives de Bruxelles dans les mêmes conditions que la précédente.

[11] Cette lettre n'est pas datée, mais la réponse du duc, conservée aux archives de Dusseldorf, porte la date du 30 avril 1541 (Julich-Berg, n° 17, f. 431). Dans sa lettre, le duc désavoue son ambassadeur et proteste de son dévouement personnel au roi et à la reine de Navarre.

La lettre de Marguerite est autographe.

[12] Cette lettre n'est pas datée, mais nous savons que le duc de Clèves était arrivé à Fontainebleau le 30 avril, et auprès du roi à Amboise le 5 mai.

Elle est autographe.

[13] Cette lettre n'est pas datée, mais nous savons que l'envoi de l'évêque de Séez au duc précéda de quelques jours l'arrivée de la reine à Châtellerault. La lettre est donc du milieu de mai 1541.

Elle est autographe.

[14] Nicolas Dangu, évêque de Séez, puis de Mende.

[15] Cette lettre n'est pas datée, mais elle précède de très-peu de jours l'arrivée de la reine à Châtellerault (fin mai 1541).

Elle est autographe.

[16] Jean Ghogreff, chancelier du duché de Clèves, signataire du traité d'alliance du duc avec François Ier. Il eut pour successeur le docteur Adolphe Olisleger. Voyez Conrad de Heresbach et la cour de Clèves en son temps, par M. le docteur Wolters. Elberfeld, 1867, in-8°.

[17] Jehan de Frotté, secrétaire de la reine Marguerite. C'est lui dont M. le comte de Laferrière a si bien analysé les livres de compte dans Marguerite d'Angoulême. In-8°, 1862.

[18] Cette lettre n'est pas datée, mais une lettre du duc, du 30 juin 1541, nous permet d'en marquer la date. Le duc envoie au roi le récit de sa réception à Paris et la copie de sa réponse à la reine de Hongrie (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 243).

La lettre de Marguerite est autographe.

[19] Peut-être Adolphe Olisleger. Voyez la note de la lettre V.

[20] Cette lettre n'est point datée, mais la triple circonstance de l'envoi d'un messager confidentiel à Vely, ambassadeur du roi de France auprès de l'empereur, de la présence de Marguerite à la cour, et enfin des excitations belliqueuses qui forment le fond de la lettre, nous permettent de la dater du milieu de juillet, époque où l'on apprit à la cour l'assassinat de Fregoso et de Rincon, et où le roi ordonna à Vely de présenter ses réclamations à l'empereur, alors à la diète de Ratisbonne (Lenz, Correspond. de Charles-Quint, t. II, p. 316). — Cette lettre est autographe.

[21] Cette lettre n'est pas datée, mais elle est jointe à une lettre de François Ier au duc de Clèves, de même contenu, qui porte la date du 6 août 1541 et l'indication de Moulins en Bourbonnais.

La lettre de Marguerite est autographe.

[22] Cette lettre n'est point datée, mais nous savons par une lettre de la duchesse Maria de Juliers que la première mission de L'Estrange à Dusseldorf est antérieure au 3 octobre 1541 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 456).

[23] Cette lettre n'est point datée, mais celle de la duchesse Maria de Juliers, à laquelle elle répond, est du 3 octobre 1541 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 456).

[24] Cette lettre n'est point datée, mais deux lettres écrites de France au duc, l'une le 1er, l'autre le 4 novembre, nous apprennent que la mission de La Planche, trésorier du roi, est du commencement de ce mois (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 321 et 334).

[25] Cette lettre n'est pas datée, mais une lettre du cardinal de Tournon au duc de Clèves, du 8 novembre 1541, nous apprend que la seconde mission de L'Estrange est de cette date.

La lettre de Marguerite est autographe.

[26] Cette lettre n'est point datée, mais l'ensaigne doit être le présent de Jeanne dont il est parlé dans la lettre suivante, laquelle est datée du 12 novembre 1541. D'autres circonstances, le voyage du roi de Navarre à Plessis-lès-Tours, les négociations du roi de France avec Henri VIII, confirment cette attribution de date.

Cette lettre est autographe.

[27] Le roi de Navarre était venu à la cour pour connaître les résolutions du roi sur la prochaine entrée en campagne. Il s'était arrêté à Plessis-les-Tours.

[28] Guillaume de Clèves eut trois sœurs. L'ainée, Sybille de Clèves, avait épousé, le 9 mars 1527, Jean Frédéric, électeur de Saxe ; la seconde fut Anne de Clèves, qui épousa Henri VIII le 6 janvier 1540 ; la troisième, Amélie de Clèves, mourut sans alliance. C'est sans doute à cette princesse que s'applique la désignation de Marguerite d'Angoulême.

[29] Henri VIII avait épousé le 6 janvier 1540 Anne de Clèves, sœur du duc Guillaume de Clèves. Peu après il la répudia pour épouser, le 8 août 1540, Catherine Howard. Mais, au mois de novembre 1544, une prétendue enquête convainquit Catherine de mauvaise conduite avant son mariage et d'adultère. Nouveau divorce de Henri VIII. Il fut alors question de rétablir Anne de Clèves sur le trône d'Angleterre. François Ier soutenait énergiquement la princesse allemande. (Voyez les lettres de Chapuis, ambassadeur impérial, à Charles-Quint, Bulletins de la commission d'hist. de Belgique, 2e série, t. VII, p. 142.) La lettre de l'ambassadeur de France, Charles de Marillac, dont il est ici question, est datée du 29 octobre 1541, et adressée à la reine Marguerite. Eile nous apprend que Henri VIII s'emparait des croix et des reliquaires d'or et d'argent et des tableaux précieux des églises catholiques, que l'ambassadeur de Clèves lui avait présenté plusieurs demandes au nom d'Anne de Clèves, l'épouse répudiée, que la princesse serait bien traitée, et qu'il espérait même que le roi la reprendrait avec lui. Cette lettre est conservée aux archives de Dusseldorf (Julich-Berg, n° 17, f. 343).

[30] Gravant, en Bourgogne. Cette lettre est autographe.

[31] Cette lettre ne porte pu de date, mais le voyage du roi de Navarre à la cour nous permet de l'établir approximativement. Voyez les précédentes lettres.

La lettre de Marguerite est autographe.

[32] Cette lettre n'est pas datée, mais le départ du roi de Navarre et l'arrivée des filles d'honneur envoyées par le duc de Clèves nous permettent de la placer à la fin de novembre. Voyez deux notes plus bas.

Elle est autographe.

[33] Adolphe Olisleger. Ce personnage est souvent désigné par son prénom dans les documents qui nous ont été transmis de Dusseldorf.

[34] Dès le 15 août, Marguerite avait demandé deux filles d'honneur pour Jeanne d'Albret (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 32). Elles partirent de Dusseldorf le 22 octobre avec des lettres de recommandation du duc et de ses conseillers (ibid., f. 461, 462 et 310). Elles arrivèrent le 17 novembre à Paris, où elles attendirent l'arrivée de la cour à Fontainebleau (ibid., f. 341).

[35] Cette lettre n'est pas datée, mais trois circonstances nous permettent de l'attribuer au mois de janvier ou de février 1542 ; la première est l'inquiétude que conçût tout-à-coup le duc Guillaume sur la fidélité du roi à ses promesses ; la seconde est le retour de L'Estrange qui se trouvait encore à Clèves à la fin de décembre (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 358) ; la troisième est l'absence de la cour de Herman Cruser. L'ambassadeur de Clèves, envoyé par le roi à la diète de Worms, avait été renvoyé par son maitre à la cour vers le 29 novembre (Lettre du duc à Frotté ; Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 347). Il revint en Allemagne vers le 12 janvier 1542 avec les envoyés du roi de France (ibid., f. 370, 371 et 374), et on le retrouve à la diète de Spire qui s'ouvrit le 9 février 1542 (ibid., f. 500 et 501).

La lettre de Marguerite est autographe.

[36] Cette lettre n'est pas datée, mais le retour de l'ambassadeur Herman Cruser et l'envoi de Longueval nous permettent de l'attribuer aux derniers jours d'avril 1542. Cruser n'était pas encore de retour de Spire à la date du 25 avril, car les lettres adressées au duc Guillaume sont signées de Charles Dubois (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 375). Il était revenu le 30 avril, car nous le voyons reprendre la signature (ibid., f. 379). Enfin, il est certain que Longueval partit pour Dusseldorf vers le 1er mai (Lettres de Cruser du 30 avril et du 1er mai ; ibid., f. 379 et 382).

La lettre de Marguerite est autographe.

[37] Cette lettre n'est pas datée, mais la mention du départ récent de Longueval prouve qu'elle a suivi de peu la précédente. Voyez la note de la lettre 24.

La présente lettre est autographe.

[38] Ces quelques mots semblent indiquer que ce porteur est Charles Dubois, qui avait en effet tenu pendant l'absence de Herman Cruser le poste de représentant du duc à la cour de France.

[39] Cette lettre n'est pas datée, mais l'annonce du départ de Marguerite pour le lendemain nous permet de l'attribuer aux derniers jours de juin.

Cette lettre est autographe.

[40] Cette lettre n'est pas datée, mais l'envoi de s l'ensaigne permet de l'attribuer au commencement de novembre. Voyez la lettre de Marguerite, n° 13.

[41] Lettre non datée, mais que nous attribuons au mois de novembre 1541, à cause des jeux que l'on procurait à la princesse (voyez la lettre de Marguerite, n° 13), et des nouvelles qu'elle donne des rois de France et de Navarre, ce qui semble prouver qu'elle les avait vus.

Cette lettre est autographe.

[42] Cette lettre n'est pas datée, mais les circonstances dans lesquelles elle fut écrite permettent de l'attribuer au mois d'octobre ou de novembre 1543. Voyez aussi la lettre du duc du 30 septembre. L'instruction confiée par le duc à son agent, Alexandre de Drimborn, est datée du 10 octobre 1543 (Arch. de Dusseldorf, Julich-Berg, n° 17, f. 504).

[43] Cette pièce est une consultation, probablement émanée du conseil de l'empereur, sur la lettre de Jeanne d'Albret à Alexandre de Drimborn et sur l'opposition que la jeune princesse faisait à son mariage.

Elle est conservée en copie aux Archives de Bruxelles (coll. de documents histor., t. VII, p. 122).

[44] Voyez les protestations de Jeanne d'Albret (Lettres de Marguerite d'Angoulême, édit. de la Soc. de l'Histoire de France, t. II, p. 290 ; et Papiers d'État de Granvelle, coll. des Documents inédits, t. III, p. 112).

[45] Cette pièce a été imprimée, d'après une expédition authentique, conservée aux archives de Dusseldorf, dans la deuxième partie du tome IV de Urkundenbuch für die Geschichte des Niederrheins, recueil publié à Dusseldorf en 1858 par M. Lacomblet. Ce savant ouvrage est peu répandu en France ; il manque même à la Bibliothèque nationale ; c'est ce qui nous a engagé à reproduire ici la déclaration de Paul III.

Le texte du document lui-même semble être resté absolument inconnu en France ; beaucoup d'historiens en mentionnent l'existence ; pas un ne parait l'avoir eu sous les yeux. Enfin, ce qui semble plus surprenant, il n'existe, même à l'état de copie, dans aucun de nos dépôts publics. Nous l'avons vainement cherché aux archives de Pau, cataloguées avec tant de soin par M. Paul Raymond, dans les immenses collections de la Bibliothèque nationale, aux Archives nationales, dans les recueils du parlement, au ministère des affaires étrangères et dans les autres dépôts publics de Paris.

Nous ne sommes pas les premiers que la disparition d'une pièce aussi importante pour l'histoire de la reine de Navarre ait préoccupés. Le savant Pierre de Clairambault, généalogiste du roi, l'avait vainement cherchée. Ne la trouvant nulle part, il en fit demander une copie aux archives de la daterie romaine. La suite de ses recherches et de ses démarches est exposée dans la note suivante, conservée à la Bibliothèque nationale, au cabinet des titres, dans le dossier de Jeanne d'Albret :

Jeanne d'Albret, reyne de Navarre, femme d'Antoine de Bourbon et mère d'Henri IV, n'a jamais été véritablement mariée à Guillaume, duc de Clèves. Nos historiens de France parlent fort succinctement de ce trait d'histoire comme n'appartenant point à l'histoire générale. M. de Bu Marthe, sur Antoine de Bourbon, et M. de Thou, sur l'année 1548, disent que cette princesse n'avoit esté que fiancée ou promise au duc de Clèves.

L'auteur des Annales de Clèves, qui est M. Wernherus Teschenmacher ab Elverfeldz, Montanus, dans son livre imprimé à Arnheim en 1638, partie II, page 310 et 314 ; Isaac Pontanus, dans son Histoire des Guadres, livre 12 et 13, disent qu'au mois de mai 1541, le duc de Clèves vint en cachette trouver le roy François premier à Amboise, que le roy manda le roy et la reyne de Navarre et leur fille Jeanne, et leur fit consentir, un peu de force, au mariage avec le duc de Clèves, et que le cardinal de Tournon célébra la messe.

La jeune princesse n'avoit pas encore douze ans accomplis. Cinq ans après, le duc de Clèves obtint un bref de Paul III, qui rassoit son mariage avec la princesse Jeanne, et épousa, à Ratisbonne, le 26 juillet 1546, Marie d'Autriche, fille de l'empereur Ferdinand et nièce de Charles-Quint.

Deux ans après, la princesse Jeanne, libre de son premier engagement, épousa à Moulins Antoine de Bourbon.

J'ay escript le 19 juillet 1722 à M. le cardinal Gualtieri pour avoir copie du bref de Paul III ; dès que je l'auray reçu, j'en enverray copie à M. de Clairambault.

Il est probable que cette démarche ne réussit pas mieux que les recherches de Clairambault, car la pièce ne se retrouve pas dans le dossier de Jeanne d'Albret.