L'ASSASSINAT FRANÇOIS DE LORRAINE

 

CHAPITRE PREMIER.

 

 

Condé se met en campagne (7 novembre 1562.) — Bataille de Dreux (15 décembre 1562.) — Le duc de Guise se remet en campagne (26 décembre.) — Dénuement de l'armée royale. — Prise du Portereau d'Orléans (6 février 1563.) — Attentat de Poltrot de Méré (18 février.) — Mort du duc de Guise (24 février.) — Obsèques du duc de Guise (19 mars.) — Arrestation de Poltrot de Méré (20 février.) — Premier interrogatoire de Poltrot (21 février.) — Second interrogatoire (27 février.) Cœur de Roy est conduit à Paris (6 mars.) — Troisième interrogatoire de Poltrot (7 mars.) — Poltrot disculpe l'amiral Coligny (15 mars.) — Condamnation de Poltrot (18 mars.) — Derniers interrogatoires et supplice de Poltrot.

 

Le duc de Guise n'avait encore été que le chef du parti catholique ; il était destiné à devenir le plus grand capitaine de l'armée royale.

Depuis le commencement de la guerre civile, le prince de Condé et Coligny concentraient à Orléans les forces éparses de la Réforme, la noblesse calviniste, les secours que les princes allemands avaient promis moyennant finance, les bandes soudoyées par la reine de Navarre, les mécontents, les ennemis du duc de Guise. Le 7 novembre, Condé se mit aux champs, parut le 24 sous les murs de Paris, terrifia les bourgeois par ses rodomontades sans autre résultat que d'augmenter la haine des Parisiens contre son parti, et, le 10 décembre, reprit la campagne. L'armée royale était commandée par le connétable de Montmorency, et en second, par le maréchal de Saint-André. Le duc de Guise n'exerçait aucune autorité nominale et combattait en volontaire avec sa compagnie. Les huguenots, dit Castelnau, prétendoient que c'estoit sa querelle et qu'il estoit le motif de la guerre, dont il vouloit oster l'opinion[1]. Voilà pourquoi il n'avait accepté aucune charge officielle.

Aussitôt que le prince de Condé eut décampé, l'armée royale se mit à sa poursuite et l'atteignit le 19 décembre dans les plaines de Dreux[2].

Les forces de l'armée protestante s'élevaient à dix ou douze mille hommes, dont un tiers de bonne cavalerie française. L'armée royale était plus nombreuse, mais moins riche en noblesse. Le 19 décembre, au lever du jour, les deux partis étaient en présence. Le prince de Condé et l'amiral Coligny, chacun à la tête d'une forte colonne, incertains de l'attaque, entamèrent un mouvement de retraite vers Châteauneuf en Thimerais. Le connétable avait pris position sur un coteau élevé au-dessus d'une plaine étendue que les réformés devaient traverser. Au moment où l'avant-garde ennemie parut devant son front de bataille, il commit la faute de quitter la colline boisée, où la cavalerie huguenote ne pouvait le forcer, et descendit dans la plaine pour lui barrer le passage. Le duc de Guise et le maréchal de Saint -André gardèrent les hauteurs de Nuisement.

Aussitôt que l'avant-garde protestante arrive à portée, le connétable dirige sur elle un feu nourri de 14 pièces d'artillerie et la met en désordre. Il fait alors avancer les 3.000 Suisses et les dispose en carré. Le prince de Condé entre en ligne et lance successivement contre eux les colonnes de sa cavalerie. Trois attaques, vigoureusement conduites par les meilleurs capitaines de l'armée protestante, enfoncent le carré. Trois fois les Suisses se rallient et resserrent leurs rangs. Enfin le prince ramasse tous ses cavaliers épars, allemands et français, et fond sur cette infanterie invincible. Les Suisses, rompus sans être mis en fuite, se forment en pelotons et se replient en bon ordre auprès du duc de Guise.

L'amiral charge à l'arme blanche les compagnies du connétable. Montmorency riposte vigoureusement. Son cheval est tué ; il en monte un autre. Les réformés faiblissent. Montmorency prend l'offensive et se précipite sur les Allemands. Son fils, Gabriel de Montmorency Montberon, est tué[3]. Il est lui-même blessé d'un coup de pistolet au visage et tombe au milieu des ennemis. Ses troupes, démoralisées par la prise de leur chef, se débandent et s'enfuient. Plusieurs chevau-légers piquèrent jusqu'à Paris et apportèrent au roi la nouvelle de la défaite'. La victoire de Coligny était complète à l'aile gauche. Quelques lansquenets du régiment de Mouy s'avancèrent jusqu'à la maison que le duc de Guise avait occupée la veille et se partagèrent ses bagages et son argenterie. Déjà les capitaines huguenots félicitaient l'amiral dé son triomphe. Coligny leur désigna le corps d'armée du duc de Guise, qui n'était pas encore descendu sur le champ de bataille. Nous nous trompons, dit-il, car bientôt nous verrons cette grosse nuée fondre sur nous[4].

L'aile droite de l'armée royale était commandée nominalement par le maréchal Saint-André. Le duc de Guise, qui s'était modestement effacé dans la distribution des grands rôles pour ne pas paraître faire la guerre en son nom, et qui savait laisser à d'autres l'honneur du premier rang, sauf à les diriger secrètement, avait gardé ses positions sur le coteau ; il avait abrité sa cavalerie dans le village de Blainville, caché son infanterie dans un bois et poussé la précaution jusqu'à faire agenouiller ses gens de pied derrière un pli de terrain. Du haut de son observatoire, il avait assisté au désastre du connétable. Plusieurs capitaines blâmaient cet excès de prudence et l'accusaient jà de timidité[5]. Le duc attendait son heure. L'armée huguenote se dispersait à la poursuite des fuyards et plus d'un hobereau protestant courait après un riche prisonnier catholique. Le duc saisit l'heure de cet éparpillement général. Il fait avancer le maréchal Saint-André et lance les gens de pied sur le front de l'infanterie victorieuse. Les Gascons abordent l'ennemi à l'arme blanche pendant que l'artillerie royale foudroie l'aile droite. L'impétuosité de leur choc, aidée de la déclivité du terrain, repousse les Allemands en désordre. Les Espagnols les attaquent avec leur fermeté habituelle et les empêchent de se reconnaître. Un régiment de 1.200 reîtres, mis en déroute aux premières décharges, dépose les armes et ne reprend ses lignes que pour se retirer derrière le duc de Guise. Condé aperçoit l'ébranlement de ses gens de pied et fait sonner le ralliement de sa cavalerie. Mais les gens d'armes, décimés dans leurs attaques contre les Suisses ou dispersés à la poursuite des gentilshommes du connétable, n'entendent pas ou ne veulent pas entendre les ordres du prince. Il ne rassemble qu'une faible troupe de soldats dévoués et entre avec eux au plus fort de la mêlée. Aussitôt les Gascons et les Espagnols, victorieux des Allemands, se retournent contre lui. Il est entouré, et tellement pressé par le grand nombre des assaillants que ses cavaliers ne peuvent le dégager. Il est blessé à la main. Son cheval, frappé d'une arquebusade à l'épaule gauche, s'abat sous le cavalier. Il tombe au milieu des gens d'armes du maréchal Damville et est entraîné loin du champ de bataille.

Le maréchal Saint-André accoste brave-meut les troupes de Condé. Les soldats de sa compagnie et ceux du prince portaient- la casaque blanche et ne différaient les uns des autres que par un liseré vert peu apparent. Le maréchal, victime de sa myopie et poussé par son ardeur, s'avance au milieu des combattants. Entouré de soldats vêtus de blanc, il se croit toujours au milieu des siens et frappe d'estoc et de taille les reîtres qu'il peut joindre. Bientôt reconnu à la richesse de ses armes, il est assailli par des forces supérieures, fait prisonnier et lâchement assassiné à quelques pas du champ de bataille par un de ses ennemis personnels, Jean de Perdrier de Baubigny[6].

Pendant que le maréchal s'acharnait contre les débris, allemands ou français, du corps d'armée de Condé, Coligny, vainqueur du connétable à l'aile gauche, s'élance au secours du prince aussi rapidement que le permettait la distance. Les Suisses, qui ont pu reformer leurs carrés, l'arrêtent au milieu de sa course. Il les charge deux fois ; il s'efforce au moins de s'ouvrir un passage à travers leurs files inébranlables. Les Suisses, appuyés par les gens d'armes de la compagnie du duc de Guise, qui n'avaient pas encore paru sur let champ de bataille, se raidissent contre l'amiral, et lui opposent un front qu'il ne peut entamer. De haut de sa colline, le duc gradue habilement les efforts de ses gens, les retient et les lance en avant suivant les mouvements de l'amiral. Témoin de la prise du maréchal, il met en ligne la réserve de sa compagnie et le reste des vieilles bandes des arquebusiers ; il rappelle les soldats de Saint-André, démoralisés par la défaite de leur chef, et descend sur le champ de bataille. Il prend en flanc le corps d'armée de Coligny, l'entame à l'aide de sa cavalerie et l'enveloppe d'un feu nourri. L'amiral se retourne contre ce nouvel ennemi. Il fait avancer ses dernières réserves et ramasse par des appels désespérés les reîtres fugitifs dans la plaine. Débordé par le nombre, il est assailli de trois côtés par les Suisses, par la cavalerie de Guise et par les arquebusiers. Déjà la fermeté de ses troupes est ébranlée. Soldats et capitaines hésitent et la résistance s'affaiblit. Dans quelques minutes il sera entouré. Il fait alors sonner la retraite. En vain le duc de Guise l'accable de charges et d'arquebusades. L'amiral recule sans rompre ses rangs jusqu'à la Neuville. La nuit suspend la poursuite. L'amiral se retire en bon ordre et le duc de Guise reste maître du champ de bataille. Après s'être assuré par les courses de ses éclaireurs que la retraite de l'ennemi n'était pas une feinte, il ramène ses troupes en arrière et les fait camper sur la lisière des bois[7].

Le prince de Condé, prisonnier d'un des hommes d'armes du maréchal Damville, avait été remis au duc de Guise, devenu le chef de l'armée catholique, dans un pauvre logis du village de Blainville, à la ferme de Nuise-ment. L'entrevue fut froide. Au même moment un gentilhomme apporta la première cornette blanche enlevée aux réformés et le vainqueur la reçut en exaltant la valeur du présent. Les bagages avaient été pillés par les reîtres. Après avoir soupé assez maigrement, dit de Bèze, on trouva un lit que le duc, avec toute gracieuseté, offrit à son prisonnier. Condé le refusa, et, sur de nouvelles instances, le partagea avec son rival. Mon cousin, dit le duc de Guise, je vous prie de me dire quelle chère et traictement vous m'eussiez faict si je l'eusse tombé prisonnier entre vos mains. Le prince refusa de répondre. Mon cousin, reprit le vainqueur, je vous prie de vous resjouir et faire bonne chère tant que vous serez entre mes mains, èsquelles vous n'aurez aucun mal, et vous promectz que, si ce n'estoict le debvoir que je doibs au Roy pour luy rendre compte de ma charge, je vous délivrerois présentement. La situation n'était pas sans grandeur. Les deux princes avaient passé trois ans à se poursuivre d'une haine acharnée et reposaient ensemble sur le grabat d'un paysan.

Dès le premier jour de sa défaite, le prince de Condé formula une étrange revendication. Le roi de Navarre, son frère aîné, ayant été lieutenant général du royaume, il se prétendait investi de la même dignité par droit de succession et protestait sérieusement contre sa captivité au milieu de l'armée royale. Malgré cette prétention, la cordialité du duc de Guise, ses égards pour son prisonnier, sa générosité vis-à-vis de quelques gentilshommes protestants qui partageaient la mauvaise fortune de leur chef, amenèrent un peu de détente entre les deux rivaux. Quelques jours après, Condé prouva au vainqueur qu'il n'avait pas de rancune. Le duc avait fait broder trois mandils de velours cramoisi pour le connétable, pour le maréchal Saint-André et pour lui. Le matin de la bataille, il donna le sien avec son meilleur cheval à son écuyer Spagny. Les réformés savaient que leur plus redoutable ennemi porterait sur sa cuirasse un mandil cramoisi. Pendant l'action, un reître courut sur Spagny et le tua d'un coup de pistolet, croyant tuer le duc de Guise. Le duc regretta son cheval autant peut-être que son écuyer. Le prince de Condé s'employa à le lui faire rendre. Le comte de la Rochefoucauld l'avait acheté. Guise en offrit 2.000 écus. La proposition ayant été déclinée, Guise demanda à l'échanger contre le ministre Pérussel, prêcheur du prince de Condé, qui avait été fait prisonnier avec son maître. La Rochefoucauld représenta au prince que le ministère de Pérussel lui serait indispensable en prison et refusa d'accepter l'échange. La restitution du cheval fut ajournée jusqu'à la paix[8].

La nouvelle de la victoire de Dreux fut apportée à Paris le dimanche soir, 20 décembre, par le maréchal de camp du duc de Guise, Jean de Beaulieu de Losses. Le 22 décembre, la reine mère donna au prince lorrain la dignité de lieutenant général du roi. C'en était fait de l'équilibre qu'elle avait si péniblement maintenu entre les deux partis depuis le commencement des troubles. Le duc de Guise était le maître de la France[9]. Il vint lui-même à Paris recueillir des ovations. Il est entré victorieux, écrit Pasquier, avec un applaudissement général de tout le peuple. Jamais prince n'y fut accueilli de meilleur œil qu'il a esté[10]. Il inaugura son pouvoir souverain en imposant au roi des lettres de clémence en faveur de tous les séditieux qui déposeraient les armes[11].

Le lendemain de la bataille de Dreux, le duc de Guise prit enfin le commandement de l'armée catholique. La fortune de la guerre comblait l'ambition de ce prince. Le roi de Navarre, qui lui avait barré le chemin de la lieutenance générale, était mort le 18 novembre ; le connétable, victime de son impéritie militaire, était prisonnier des réformés ; le maréchal de Saint-André avait été assassiné. Des chefs du parti catholique il restait seul auprès du roi, seul et avec l'auréole d'une victoire. Il conçut un plan de campagne capable de détourner pour longtemps, peut-être pour toujours, les passions qui avaient soulevé le parti réformé. Il voulait d'abord déloger les huguenots d'Orléans, puis lancer toutes les forces du royaume contre les Anglais campés au Havre et contre leurs alliés en Normandie. Il comptait sur la haine traditionnelle du soldat français pour l'insulaire et sur un mouvement national qui aurait étouffé les querelles religieuses[12]. Ce plan fut entamé avec vigueur. Le duc de Guise fit signer au roi un édit d'aliénation des biens de l'Église jusqu'à concurrence de 100 mille livres de rente et convoqua pour le 10 mars le ban et l'arrière ban de toutes les milices[13]. L'argent et les troupes allaient abonder à la fois. Quant au siège d'Orléans, l'habile lorrain prétendait le diriger seul, du bout de son épée.

Le 26 décembre, le duc de Guise met l'armée en marche vers Orléans ; le 27 il campe à Bouglainval, près Maintenon, le 5 janvier, à Maisons, près Chartres[14], le 8, à Cormainville, près Châteaudun[15]. Le 11, il gagne le pont de Baugency et s'établit fortement sur les deux rives de la Loire[16]. Coligny avait conduit l'armée protestante dans les plaines fertiles de Villefranche-sur-Cher. L'approche du duc de Guise le fit décamper. Il se retira à Orléans et y passa les derniers jours de janvier[17]. Le for février, laissant à Orléans son frère Dandelot avec une forte garnison, il se dirigea du côté de la Normandie, au devant des secours et des subsides de la reine d'Angleterre.

Les troupes royales[18] étaient bien armées, aguerries par une longue campagne et par de fréquentes marches, enorgueillies de leurs récents triomphes, pleines de confiance dans leur chef, mais elles manquaient de vivres, de vêtements, de chaussures, de toutes les commodités qui entretiennent la santé des soldats. Le 20 décembre, avant de quitter le champ de bataille de Dreux, le duc avait demandé à la reine la somme nécessaire à la solde des troupes. L'argent était toujours difficile à obtenir. Au XVIe siècle, le roi trouvait des soldats, des capitaines héroïques, décidés à mourir sur le champ de bataille, même pour une cause qu'ils ne comprenaient pas, mais son trésor était toujours vide ; et, le plus souvent, soldats et capitaines étaient obligés de s'armer, de se vêtir, de se nourrir à leurs frais ou aux dépens du bonhomme. Le 25 décembre 1562, le 10 janvier 1563, le duc de Guise adresse au roi de plus pressantes instances[19]. Le Il janvier, il écrit à Gonnor : Nos soldats sont tous nuds par ce froid qui est pire[20]. Artus de Cossé Gonnor, frère du maréchal de Brissac, chargé de l'intendance des finances, avait ordre de réserver toutes les ressources du royaume au paiement des reîtres et ne pouvait envoyer un écu à l'armée du roi. Aussi, écrit le secrétaire Robertet, tout le monde y meurt quasi de faim[21]. La cassette royale n'était pas mieux fournie que celle de l'armée. Pour dix escuz, quand il faut faire un voyage, dit Robertet, on va les emprunter çà et là[22]. La République de Venise avait prêté 25 mille écus au roi payables en deux traites par des banquiers d'Anvers[23]. La somme fut enlevée en route par un parti protestant, peut-être avec la connivence d'un des officiers du roi[24]. Nous sommes en une telle panoche, écrit Robertet, que vous ne sauriez croire[25].

Le 17, le duc de Guise renouvelle ses demandes au profit des Suisses, soldats héroïques, mais intéressés. Le 10 janvier, il avait emprunté sur sa propre signature une somme de 6.000 livres. Le 30, il passe une montre au camp de Messas, réduit par économie les gens de pied à 30 enseignes et distribue 100 écus à chaque compagnie. Le 3 février, il écrit triomphalement à Gonnor qu'il n'a plus d'argent, mais que les Suisses ont reçu leur solde[26].

Malgré la misère des troupes, le duc de Guise prend vigoureusement l'offensive. Le 5 février, il s'établit à. Olivet, aux portes d'Orléans, et, le lendemain, à huit heures du matin, avec 1500 arquebusiers, français ou espagnols, et 1.200 corcelets[27], il donne l'assaut au Portereau, faubourg de la rive droite. Les Gascons et les Béarnais de Gramont défendent courageusement leurs retranchements et l'armée royale est repoussée. Guise ramène les troupes sur la brèche. Au moment de donner le signal, il s'aperçoit que les lansquenets huguenots ont dégarni les postes dangereux. Aussitôt il pointe toute son artillerie sur eux. Pris de face et de flanc les lansquenets se troublent et se débandent. Guise lance alors ses soldats, sous le commandement de Philibert de Marcilly de Cypierre, contre les Gascons et les Béarnais. Ceux-ci, voyant leur aile découverte et leur retraite menacée, reculent à leur tour jusqu'à la tête dû pont. Le passage est encombré de soldats affolés, de blessés, de femmes et d'enfants, poursuivis l'épée dans les reins par les gens de Cypierre. Quelques radeaux, amarrés sur la rive droite, reçoivent les fugitifs. Je vis des lanskenettes, dit d'Aubigné, ne pouvans avoir place au bateau, jetter leurs enfants dedans et elles se faire traîner dans l'eau, où plusieurs furent noyées[28].

Au milieu de cette foule confuse, les soldats catholiques se faisaient place à grands coups d'épée et allaient franchir la herse avec les fuyards, quand François d'Andelot, peu confiant dans la solidité des Allemands, accourt au bruit du canon. Il avait la fièvre quarte non au cœur, dit d'Aubigné, et n'avait pu prendre part au premier engagement. Il arrive sur le champ de bataille et voit les défenseurs du Portereau en pleine déroute. Il s'établit dans les tourelles à la tète du pont, ramasse ses gentilshommes : Que la noblesse me suive, dit-il, car il faut rechasser les ennemis ou mourir. Ils ne peuvent venir à nous que par une voye et non plus que dix hommes de front. Avec cent des notres, nous en combattrons mille des leurs. Courage et allons[29]. La plupart des soldats catholiques s'amusait au pillage du faubourg. Une charge vigoureuse refoule les plus hardis à quelques pas de la porte. D'Andelot relève le pont-levis et concentre le feu de ses arquebusiers sur le pont. Les vainqueurs, décimés à petite distance du haut des murs et par les meurtrières, battent en retraite vers le faubourg et s'y barricadent de crainte d'un retour offensif.

Les catholiques avaient presque remporté la victoire. Encore quelques instants de lutte au pied des Tourelles et ils prenaient la ville. La facilité du succès surprit les capitaines. Plusieurs avouèrent plus tard à François de La Noue qu'ils avaient été estonnés de se voir si soudain victorieux de tant de gens et qu'ils n'avaient pas osé profiter de leurs avantages de crainte d'embuscades à la tête du pont[30].

Pendant la durée du combat, le duc de Guise, à cheval dans la grande rue du faubourg, dirigeait lui-même les assaillants. Bientôt reconnu par les assiégés, il devint le point de mire de l'artillerie et se mit à couvert dans une maison. Il fit venir un prisonnier et apprit que d'Andelot avait la fièvre quarte. Voilà, dit-il, une bonne médecine pour la guérir[31]. Après avoir mis ses troupes en lieu sûr, il passa le reste de la journée à visiter les campements, distribuant généreusement de l'argent aux blessés, encourageant les plus braves a leur prédisant la prise de la ville.

Il attribuait l'insuccès de la journée à la faiblesse de son artillerie. Le lendemain il écrivit à Artus de Cossé Gonnor : Mon bonhomme, je me mange les dois de panser que si j'eusse eu VI canons et pour en tirer II mille coups, ceste ville estoit à nous. Ils n'avoient qu'un seul parapet qui vaille, et ne l'on guarni que de toneaux[32]. Il se plaignit à la reine et celle-ci commanda à Gonnor d'envoyer dix canons et toute leur sequelle, 4.000 boulets, 40 milliers de poudre ; que l'on les fasse voler, s'il est possible[33].

Michel de Castelnau raconte qu'il avait été chargé par le maréchal de Brissac de décider le duc de Guise à lever le siège d'Orléans et à conduire l'armée royale en Normandie. Il arriva le matin de la prise du Portereau et assista au combat. Le maréchal de Brissac, lui dit le duc de Guise ; regretterait de voir nos gens de pied partir d'icy sans mettre M. le connétable en liberté et desnicher le magazin des Huguenots. Trois jours après, sur l'insistance de Castelnau, le duc réunit un conseil de guerre et exposa ses plans. Tous les capitaines, même Castelnau, reconnurent à la nécessité de prendre Orléans avant de précipiter les forces royales sur les Anglais en Normandie[34]. Le 9 février, une surprise habile fait tomber aux mains de l'armée catholique le fort des Tourelles, sorte de donjon situé à la tête du pont[35]. Quelques soldats, profitant de la négligence de la garnison, l'escaladèrent presque sans coup férir et s'y établirent si fortement que d'Andelot ne put les déloger[36].

Le duc de Guise occupa les journées suivantes à resserrer le blocus, à augmenter et renforcer son armée, à recevoir et à mettre en batterie la grosse artillerie envoyée par la reine, à creuser autour d'Orléans de profondes tranchées en cas du retour de Coligny, à détourner un bras de la Loire qui protégeait les approches de la ville, à adresser à la reine mère et à Gonnor de nouvelles prières en faveur du bien être des soldats[37], à demander au parlement l'aliénation d'une partie du temporel du clergé[38]. Il fixa l'assaut à la nuit du 18 au 19 février. La chute de la ville paraissait assurée ; elle était même escomptée par le Parlement[39] et par la reine mère : Il y an aura, écrit-elle, qui se repantiron d'estre parti et conestron qui ne faict pas bon se mocquer de son roy[40]. Une catastrophe imprévue, un crime odieux retarda le triomphe du parti catholique.

Le 18 janvier, après avoir inspecté une dernière fois les batteries et les positions de l'armée royale, le duc de Guise attendit au Portereau deux parlementaires que la reine mère avait envoyés au connétable[41]. Ne les voyant pas revenir, il leur fit donner rendez-vous à son logis, au château des Vaslins[42], près d'Olivet, et, à la tombée de la nuit[43], il partit à cheval, sans cuirasse. Il était accompagné d'un officier de finance, Tristan de Rostaing, messager de la reine, d'un page, François Racine de Villegomblain[44], et de quelques serviteurs. La duchesse de Guise, Anne d'Este, envoyée par la reine mère pour sauver du pillage les habitants d'Orléans, était arrivée dans la journée au château. Le duc lui expédia en avant un de ses gentilshommes, le s. de Crenay, celui qui l'accompagnoit et couchoit ordinairement en sa chambre. Crenay traversa le Loiret en bateau et rencontra sur l'autre rive un jeune homme qu'il put reconnaître, car ce jeune homme était un des familiers de la maison de Guise : Poltrot de Méré. Poltrot lui demanda quand Monsieur viondroit. Crenay lui répondit qu'il estoit bien près. Poltrot s'en assura en le voyant débarquer, et, sans l'attendre, sauta sur un genet d'Espagne qu'il tenait en bride[45].

La nuit tombait. Le duc de Guise, en pourpoint de bufle, la plume blanche au chapeau, s'engage au pas de son cheval sur le chemin du château, s'entretenant avec Tristan de Rostaing de la pacification si laborieusement poursuivie par la reine mère, quand une détonation retentit au carrefour des deux routes[46]. Le duc est frappé au côté, au-dessous du bras droit, d'un coup de pistolet tiré à la distance de six ou sept pas derrière une haie[47]. L'on me devoit celle là, dit-il, mais je crois que ce ne sera rien[48]. Cependant il perd connaissance, s'affaisse sur l'encolure de son cheval, tâche en vain de se relever et de tirer son épée. Il luy sembloit que l'espaule luy estoit emportée de ce coup. On le transporte au château des Vaslins ; on lui donne des soins. Déjà le héros blessé a repris ses sens et c'est lui qui rend courage à la duchesse et à son fils aîné, le prince de Joinville, qui pleurent en silence au pied de son lit. Il les embrasse tous deux. Que Dieu, dit-il au jeune prince, te fasse la grâce de devenir homme de bien.

Les chirurgiens de la reine mère, Me Honoré Castellan[49] et Me Vincent, aussitôt appelés, jugèrent que la blessure était sans gravité. La balle (Poltrot avoua plus tard qu'il y en avait trois) avait transpercé le corps du prince, mais sans toucher aux os ny entrer dedans le coffre[50]. On charma la plaie pour conjurer les sortilèges qui pouvaient y être attachés[51]. La cour partageait les espérances des médecins. Florimond Robertet, secrétaire d'état, écrivit au cardinal de Guise et au duc de Nemours, le 19 et le 20 février, que Castellan et Vincent assuraient que le duc n'en aura que le mal et qu'il n'est en aucun danger de mourir. — Si vous le voyez, ajoute Robertet, vous ne le trouveriez point changé de visage, ni de sa constance et de sa résolution accoutumée[52]. Le duc ne se croyait pas gravement atteint. Sébastien de l'Aubespine et d'Oysel, qu'il avait attendus aux portes d'Orléans jusqu'à l'entrée de la nuit, entendirent, en traversant le Loiret, la détonation du pistolet de Poltrot et arrivèrent aux Vaslins quelques instants après l'attentat. Ils entretinrent le prince des négociations de la reine, sans que la blessure enlevât au chef catholique la moindre lueur de sa présence d'esprit.

Le cardinal de Guise, frère cadet du duc, était alors à Paris, en mission auprès du parlement[53]. Il accourut le soir du lundi, 22 février, et constata le bon état du blessé. Cependant la fièvre persistait. Les médecins jugèrent qu'elle était entretenue par un corps étranger, peut-être par une balle, et proposèrent au duc d'élargir et de sonder la blessure. Le duc y consentit avec courage[54]. Ils reconnurent la présence d'un abcès intérieur et essayèrent de le cautériser avec une lame d'argent surchauffée, de crainte de poison[55]. Ils retirèrent deux balles et un morceau de fil de fer qui avait servi à les attacher[56]. Après cette opération, Guise éprouva un peu de soulagement. Le samedi, la reine mère était venue le visiter. Elle revint le mardi 23 et se retira sans plus de souci que l'avant-veille[57]. Sur le soir, la fièvre augmenta avec une sueur froide, non sans quelque débilitation de l'entendement du blessé. L'évêque de Riez s'efforça de le ranimer et lui fit prendre un peu de repos. Cependant le mal s'aggravait et le cardinal de Guise s'imposa la triste mission d'avertir son frère. Le duc reçut l'avertissement sans faiblesse et demanda à mettre ordre à sa conscience. Il se confessa, et fit ses derniers adieux à sa femme[58] et à son fils. Il avait retrouvé toute sa connaissance et passa la nuit à rappeler les souvenirs de sa vie glorieuse. Une de ses dernières déclarations mérite d'être citée. L'affaire de Vassy avait été appelée au parlement le 12 février et jugée le 13[59]. Je vous prie croire que l'inconvénient advenu à ceux de Vassy est advenu contre ma volonté, dit-il, car je n'y allay onques avec intention de leur faire aucune offense. J'ay esté défendeur, non aggresseur, et quand l'ardeur de ceulx qui estoient avec moy, me voyans blessé, leur fit prendre les armes, je fey tout ce que je peu pour parer leurs coups et garder que ce peuple ne receut aucun outrage[60].

Le lendemain matin, il dicta son testament[61]. Il voulut être enseveli à Joinville auprès de son père, et demanda que l'écu de Jérusalem, rapporté par Godefroy de Bouillon, fut sculpté sur sa tombe avec l'exergue : Je veulx monstrer ce qui est a venu de Dieu comme venu de Dieu. Il fit d'amples donations à la duchesse de Guise, désigna son frère, le cardinal de Lorraine[62], comme son exécuteur testamentaire et le pria de favoriser le mariage de son fils aîné avec Catherine d'Albon, unique héritière du maréchal Saint-André[63]. Cependant le blessé s'affaiblissait d'heure en heure. Il entendit la messe et reçut l'extrême-onction des mains du cardinal de Ferrare[64]. Entre dix et onze heures du matin, il rendit le dernier soupir[65].

Les regrets de la reine, de la cour et de l'armée furent aussi sincères, aussi unanimes que le méritait la victime[66]. Le roi lui-même pleura longtemps et tendrement[67]. Nous avons fait eune grant perte en cet homme, écrit Catherine à sa belle-sœur, Marguerite de France, duchesse de Savoie, la seule personne de la cour de Henri II. à qui elle témoignât de la confiance, car c'estoit le plus grant cappitayne qui souit en ce royaume[68]....  Florimond Robertet se fait l'interprète des courtisans auprès du duc de Nemours : Je ne scay par quel cousté je dois commencer ceste lettre, estant si affligé que je ne puis respirer. Et il raconte les regrets des princes et des princesses, l'effarement des secrétaires d'État chargés d'aviser aux affaires du roi. En correspondant fidèle, il n'oublie pas la duchesse de Guise, qu'il savait être plus chère au duc de Nemours que tout le reste de la cour : C'est pityé que de veoir ceste pouvre dame, car jamais on ne vit tel dueil, et a bien besoin d'estre consollée[69]. Les capitaines, les gens d'armes, les simples archers de l'armée catholique, beaucoup de vétérans de l'armée protestante, qui avaient fait la guerre sous le règne de Henri II, plourèrent, dit Brantome, le duc de Guise comme leur père nourrisson[70]. Le corps du prince, vêtu avec magnificence, ganté, les yeux presque clos, couché sur le lit de damas noir de la reine, fut mis en chapelle ardente et exposé aux regards des soldats[71]. L'armée royale presque entière défila devant le catafalque de son chef. Catherine s'évanouit en lui jetant de l'eau bénite[72]. Le 27 février, en présence des compagnies alignées, enseignes basses, pendant que les tabourins sonnaient le desconfort, le corps fut enseveli dans un coffre de plomb et porté en bateau à Blois[73].

Depuis que la nouvelle de la mort du héros était connue à Paris, les services mortuaires se succédaient dans les églises de la ville. Le 18 mars, le cortège, suivi d'un régiment de Suisses, arriva au faubourg Saint-Michel et fut reçu au monastère des Chartreux[74]. Le 19, les funérailles solennelles[75] furent célébrées à Notre-Dame de Paris avec des honneurs royaux[76]. Le Parlement y assista[77]. La désolation générale, les regrets unanimes des bourgeois et du peuple étaient le plus bel ornement de la cérémonie. Jamais, écrit l'ambassadeur vénitien, corps de roi ni même d'empereur n'a été accompagné d'autant de grandeur ni d'autant de démonstration de douleur universelle[78]. On remarqua cependant que le maréchal François de Montmorency, fils aîné du connétable et gouverneur de Paris, n'assista pas aux obsèques[79]. Les jours suivants, nouveaux services jusqu'au transport du corps à Joinville. Les prédicateurs de chaque paroisse prononcèrent des sermons, des panégyriques, des oraisons funèbres où s'étalaient largement les prétentions généalogiques de la Maison de Lorraine[80]. C'est, dit un des panégyristes[81], la fin d'un prince chrétien ; c'est la fin d'un Roland ; c'est la fin d'un roy saint Loys, de la race duquel il est descendu[82]. A ces éloges venus d'un catholique, un protestant, un ennemi ajoute des traits glorieux : Il était le meilleur général de la France, d'autres diront de la chrétienté, car il avait toutes les qualités qu'on peut désirer dans un général, un esprit prompt, un corps inaccessible à la souffrance, un grand courage, de l'expérience pour conduire une armée, de la courtoisie pour entretenir les gens, de l'éloquence pour exprimer sa pensée, de la générosité pour les satisfaire[83].

Aussitôt après le coup de pistolet de Poltrot de Meré, Tristan de Rostaing, laissant le duc aux mains de ses serviteurs, avait couru après l'assassin. Malgré les ombres de la nuit, il l'aperçut galopant dans la campagne, et l'entendit crier prenez-le ! prenez-le ! après un cavalier imaginaire qu'il feignait de poursuivre[84]. Rostaing, monté sur un petit mulet, ne put l'atteindre et le perdit de vue. D'après une autre version, Rostaing tira l'épée et voulut arrêter le meurtrier ; mais celui-ci était bien armé ; il fondit sur l'agresseur et d'un coup de revers faillit lui trancher la tête. Le cavalier qui servait de guide au duc de Guise dégagea Rostaing. L'assassin prit la fuite au galop de son cheval et disparut[85].

Poltrot courut toute la nuit, tout le jour et toute la nuit suivante [86], presque sans prendre de nourriture et de repos. Troublé par le forfait qu'il venait de commettre, il ne sut diriger s'es pas et perdit son temps et ses forces en détours dans les bois. Le surlendemain du crime, au point du jour, il ne s'était pas éloigné de l'armée royale. Il rencontra un corps de garde suisse et fut hélé par la sentinelle : Ho ! ver da ? Aussitôt il reprit sa course et ne s'arrêta que lorsque sou cheval fut épuisé de fatigue. Il descendit aux portes d'une cense[87] isolée, entre Olivet et Gergeau[88]. Le roi, par une ordonnance de la veille, avait mis à prix la tête de l'assassin[89]. Le samedi matin, 20 février, arrivèrent à la cense quatre arquebuziers, qui estoient sortis comme pluzieurs autres en cherche du mal facteur, et demandarent en la maison de ce paysan s'il avoit veu ung capitaine après lequel ilz alloient. Il respondit que là dedans il avoit ung homme qui faisoit repaistre son cheval, qui estoit fort las[90]. D'après Castelnau, le secrétaire du duc de Guise, Le Seurre, conduisait les soldats. Il ne connaissait pas Poltrot, mais, frappé du trouble de l'étranger, il eut des soupçons qu'augmentèrent ses réponses. Aussitôt il le fit arrêter[91].

L'accusé fut conduit au camp le samedi dans la journée, et, sans délai, la duchesse de Guise commanda à Michel de Vialart, maitre des requêtes, de l'interroger. Vialart se fit accompagner par Beaulieu de Losse, maréchal de camp, et par un secrétaire du duc. Aux premières questions, Poltrot de Meré repoussa l'accusation et jura qu'il n'était pas coupable. En vain Vialart lui représenta qu'un des laquais de Tristan de Rostaing avait distingué dans l'obscurité la couleur de son saye[92] et le harnais en cuir blanc de son cheval, qu'en l'avait vu le matin accompagner le duc de Guise au Portereau et l'attendre le soir au passage du Loiret, qu'il n'avait pas reparu le soir aux Vaslins, bien qu'il y eut donné rendez-vous aux gens de Castelnau et payé d'avance son souper. L'interrogatoire dura de 8 heures du soir à minuit. Poltrot ne voulut rien confesser. Pressé de questions, impuissant à justifier de l'emploi de son temps depuis l'heure de l'attentat, il promit de dire la vérité à la reine[93].

A la première nouvelle du crime, Catherine de Médicis avait montré une émotion, une colère trop vives pour être simulées. Je suis si faschaye, écrit-elle à son confident ordinaire, Artus de Cossé Gonnor, que je nay sé que je vous dois dyre, sinon qui me coutera tout set que ha le Roy, mon fils, pour savoyr qui ha fait fayre sole mechanseté[94]. Le jour même de l'arrestation de l'assassin, elle arriva au camp avec le cardinal de Bourbon, Jean de Brosses d'Estampes, Sébastien de Luxembourg de Martigues, Ludovic de Gonzague de Nevers, le comte de Gruyères, Prevost de Sansac, Philibert de Marcilly de Cypierre, Jean de Beaulieu de Losse et Sébastien de l'Aubespine, évêque de Limoges. Elle se logea dans la maison de Caubray[95], paroisse d'Olivet, et, le 21 février, en présence des seigneurs qu'elle avait amenés, elle fit comparaître l'accusé. Jean Poltrot, s. de Meré, était âgé de 26 ans. Né en Angoumois, près d'Aubeterre, il avait été page du vicomte d'Aubeterre[96], puis de la reine[97]. Après avoir passé une année en Espagne[98], il revint en France et prit du service dans les compagnies protestantes de Jean de Parthenay Soubise[99] en Lyonnais. Sa bravoure, son énergie, la résolution et le dévouement dont il faisait parade, l'avaient fait employer dans des missions de confiance. Coligny lui reconnut de l'intelligence et résolut de l'utiliser comme espion[100]. Poltrot se présenta comme Espagnol et vint trouver le duc de Guise au camp de Messas. Il fut bien accueilli et s'attacha à ce seigneur[101]. Il le suivit à Blois, au Portereau, à Cornay, aux Vaslins et ne le quitta plus jusqu'au jour de l'assassinat[102].

Aux premières demandes de la reine, Poltrot de Meré avoua que pendant l'été précédent, à Orléans, Jean de Paz de Feuquières et Brion, capitaines protestants, et surtout Coligny lui avaient conseillé de tuer le duc de Guise, que, au mois de janvier, Coligny l'avait envoyé chercher à Lyon et avait tâché de luy donner hardiesse pour exécuter lad. entreprise, qu'il lui avait donné 20 écus, puis 100 écus pour acheter un cheval si le sien n'estoit assez bon pour se sauver après avoir fait le coup, que, après plusieurs conférences avec l'amiral, avec Théodore de Bèze[103] et le ministre Jean de Lespine[104], malgré ses hésitations, malgré ses refus, il avait été tellement encouragé à faire la chose la plus belle qui fust oncques faite qu'il n'avait pas su résister. Puis il raconta l'exécution du crime, les détails de sa fuite avec une franchise inconsciente qui prêtait à sa parole l'accent de la vérité[105].

Catherine de Médicis lui proposa, moyennant une forte récompense, d'entreprendre d'en faire aultant aud. s. admiral. Poltrot prit la proposition au sérieux et répondit affirmativement. La reine se print à soubzrire, disant qu'il vouldroit bien estre quitte et eschapper par là[106]. Vialart dirigeait l'interrogatoire, posait les questions et tirait les conséquences des réponses. Lorsque l'accusé se perdait en divagations inutiles, il le ramenait au point de départ. Ainsi pressé, Poltrot de Meré ajouta que le parti réformé avait des séides résolus à frapper tous les capitaines du parti catholique, les princes, la reine, le roi lui-même. Il désignait notamment un homme de moyenne taille, aiant barbe rousse, portant chausses rouges et ung collet de cuir déchiqueté, qu'il avait vu à Orléans auprès de l'amiral et qu'il avait retrouvé à Blois au jeu du roi[107].

Catherine fut accablée par ces révélations, L'assassinat du duc de Guise ne se présentait plus comme un forfait isolé ; c'était le premier anneau d'une chaîne de crimes qui devait atteindre le roi lui-même. Elle prescrivit des recherches et, sur le signalement décrit par Poltrot, on arrêta un rousseau dans la cour du château de Blois[108].

L'interrogatoire s'était fait au logis du duc de Guise. Ni greffier, ni clerc n'avait enregistré les réponses. La séance terminée, la reine commanda à Vialart de rédiger la déposition. Vialart se mit à l'œuvre et, pour fixer ses souvenirs, retourna auprès du prisonnier avec Beaulieu de Losse, le Prévost des maréchaux, Dumas, et un autre prévôt. Le lendemain Claude de l'Aubespine donna lecture au conseil de la rédaction de Vialart. Plusieurs conseillers prirent la parole et Sébastien de l'Aubespine feit quelques contradictions. Toutefois les modifications furent peu importantes. Le lieutenant du prévôt de l'hôtel et son greffier, Malvaut, portèrent le procès-verbal à Poltrot de Meré qui le signa. Malvaut, qui n'avait pas assisté à l'interrogatoire, le signa aussi et certifia qu'il avait été dressé en présence de la reine et de son conseil.

Le document qui nous raconte une partie de ces faits nouveaux constate que cette procédure était irrégulière, que Vialart appartenait à la maison du duc de Guise, qu'il n'avait aucun mandat pour instruire une affaire criminelle, qu'il s'écoula au moins quelques heures entre les réponses de l'accusé et la rédaction du procès-verbal, et que, en raison de ces vices judiciaires, les premiers aveux de Poltrot pouvaient être frappés de suspicion[109].

Le 23 février, Poltrot de Meré fut conduit à Paris et écroué à la Conciergerie. Il subit un second interrogatoire le 27 février, mais il ne fit aucune révélation nouvelle. Il confirma seulement sa déposition du 21 précédent et demanda à parler au roi et à la reine. Son insistance, le ton mystérieux avec lequel il annonçait des déclarations importantes, intriguèrent la reine mère. N'osant sans doute conférer avec lui de crainte d'être soupçonnée de lui avoir dicté certaines dénonciations, elle commanda à de Thou de le voir, de l'interroger, de lui arracher son secret. De Thou n'eut pas de peine à pénétrer le mystère. Poltrot de Meré redoutait les tourments de la question, les fureurs du peuple de Paris, la rigueur du supplice qui l'attendait et cherchait à gagner du temps. Il accusa le duc de Guise des désastres de la guerre et prédit de plus grandes calamités. L'Allemagne protestante, disait-il, attend l'heure de fondre sur la France et la mort du duc de Guise sera le signal attendu. Malheur aux capitaines qui ramasseront le bâton de commandement du duc de Guise ; ils auront le même sort que lui. Quant au roi, le dévouement des associés est tellement désintéressé qu'ils se résigneront à lui obéir entièrement, jusques à s'en aller hors du royaume s'il le leur commande. En attendant la majorité du roi, ils exigent seulement l'exécution de l'édit de janvier.

Ces rodomontades étaient débitées avec assurance, mais sur un ton de résignation digne de l'apôtre d'une bonne cause : Quant à luy, disait-il, qui n'attend que la mort et la grâce et miséricorde de Dieu, quand il ne sera plus en ce monde on cognoistra qu'il a dit la vérité en tout et partout[110].

La gravité des accusations formulées par Poltrot épouvantait les officiers de justice. Le premier président du parlement de Paris, Christophe de Thou, le père du grand historien, catholique ardent, était effrayé de sa responsabilité. Provoquer des révélations qui jetaient à un parti de princes ou de grands dignitaires le plus sanglant des outrages, celui de diriger une bande d'assassins, était une tâche au-dessus de son courage. Aussi ne voulait-il interroger Poltrot de Meré qu'en présence du greffier et seulement à certaines heures, probablement à cause de la présence des conseillers de la chambre criminelle, pour ne pas être accusé de lui avoir suggéré les réponses[111]. Il use d'une autre précaution qui semble puérile : jamais il ne prononce ou n'écrit le nom du coupable. Il le désigne par un vocable indifférent, comme le personnage ou le prisonnier. Le greffier et les autres magistrats montrent la même circonspection.

Le rousseau que Poltrot avilit dénoncé à la reine comme un des sicaires apostés pour tuer le roi avait été signalé aux prévôts de la cour. On arrêta à Blois un tapissier[112] de ce poil, nommé Etienne Cueur de Roy, qui avait longtemps servi le connétable et était passé au service de Henri II vers le temps du traité de Cateau-Cambrésis. Conduit à la Conciergerie de Paris le 6 mars, Cueur de Roy fut interrogé le lendemain. Il prouva qu'il était catholique, étranger à toute intrigue et qu'il n'était arrivé à Blois que le jour même de l'assassinat de Guise[113]. Le premier, président confronta les deux accusés ; ils ne se reconnurent pas[114]. Les dates et l'alibi, dont Cueur de Roy fournissait la preuve, démontraient qu'ils n'avaient pu se rencontrer à Blois. De Thou le fit mettre en liberté[115]. Sa ressemblance avec un prétendu complice de Poltrot était une coïncidence fortuite. Poltrot fut de nouveau pressé de questions. Il confirma pour la seconde fois ses accusations précédentes contre Coligny et contre les autres chefs de la réforme, parla de la nécessité de la paix, des dangers qui menaçaient le royaume et fit grand étalage de confidences qu'il s'engageait à faire, quand il seroit en liberté, au roi et à la reine.

Les bourgeois et le peuple de Paris, enflammés d'admiration pour le duc de Guise et d'indignation pour le meurtrier, s'étonnaient de la longueur de l'instruction. Aussitôt après le crime, le prévôt des marchands avait lancé une protestation vengeresse contre le malheureux outrage proditoirement fait à Monseigneur[116]. L'émotion du peuple augmenta à la nouvelle de la mort du duc, à l'arrivée de l'assassin à la Conciergerie, aux services solennels qui furent célébrés dans toutes les églises en l'honneur de la victime[117]. La populace parisienne faisait entendre chaque jour autour de la Conciergerie les plus menaçantes vociférations. Quelques sceptiques, bons juges de la duplicité de Catherine, répandirent le bruit de l'évasion de l'accusé ; d'autres racontaient qu'on l'avait égorgé secrètement pour étouffer ses révélations. De Thou s'inquiétait de ces calomnies. J'ay parlé au geôlier, écrit-il à la reine, lequel m'a dit qu'il respond sur sa vie qu'il n'adviendra aucun inconvenient à la personne du prisonnier. La santé de ce misérable devint un des soucis du premier président. Le geôlier m'a dict, ajoute-t-il, qu'il se porte bien, est sain et dispos[118]. Poltrot, plein d'illusion, se flattait de prolonger sa détention par des offres de révélation et d'être amnistié à la paix. Il se porte mieux que ne faisoit, écrit encore de Thou, et n'est empiré par la prison. Mais si luy advenoit quelque chose, comme il pourrait advenir, je serois en grande peine[119].

L'agitation devint si menaçante que de Thou pria la reine d'amener le roi à Paris, pour obvier à la perte et ruyne de ceste ville, écrit-il à la reine, que l'on estime approcher, s'il n'y est promptement secouru[120]. Catherine était en pleine négociation avec le prince de Condé et ne pouvait se déplacer. Cependant les troubles s'aggravaient. Pas de jour qui ne fut marqué par un mouvement dans les rues. Les bourgeois les plus pacifiques s'impatientaient des lenteurs de la justice vis à vis d'un aussi grand coupable. On crie fort qu'il n'est despeché, dit de Thou, et que l'on n'en faict prompte justice. La garde n'en vault rien[121]. Et le lendemain : La garde n'en vault pas beaucoup, comme l'on crye[122].

Avant d'autoriser le prononcé de l'arrêt et le supplice, Catherine de Médicis attendait la signature de la paix d'Amboise et la soumission des chefs huguenots. Jusques là la vie de l'assassin, les révélations que l'on pouvait tirer de sa bouche étaient une menace permanente pour les rebelles encore insoumis.

Le premier président n'entrait pas dans ces considérations. Le 15 mars, il devient plus pressant. D'étranges rumeurs se répandaient dans la ville. La garde du persona nage, écrit-il à la reine, ne vault à autre chose, sinon à faire crier et scandaliser le peuple jusques à me menacer. Personnellement mis en cause, le premier président tremble pour lui-même. Il dénonce à la reine les outrages dont il est abreuvé. On dit, écrit-il, que l'on le veult garder pour le faire varrier et desdire. Et si ainsi estoyt qu'il varriast... je vous laisse à cc penser ce que l'on pourra dire[123].

Le jour même- où de Thou écrivait cette lettre, quelques moments peut-être après qu'il l'eut expédiée, un retour inattendu donnait raison à ses craintes.

L'instruction était terminée. L'assassin avait contesté le crime à révélé les circonstances qui l'avaient accompagné ; il avait accusé l'amiral Coligny de lui avoir donné l'idée et les moyens de le commettre ; il avait avoué tout ce qu'il savait et peut-être plus encore, puisqu'il avait dénoncé un rousseau qui avait prouvé son innocence par un alibi irréfutable. Deux fois depuis son premier interrogatoire, il avait formellement confirmé sa déposition, quand, le 15 mars, à la suite d'une visite du premier président de Thou et d'une séance à la chapelle, c'est-à-dire à la chambre de la question, il rétracta ses précédents aveux.

Le 17 mars, deux jours après la rétractation de Poltrot de Meré, peut-être à l'insu du premier président, le greffier du parlement, Jean du Tillet, en informa la reine.

A la royne

Madame, je feroys tort à mon devoir si je vous celloys que, lundy dernier[124], Mons. le premier président et moy cogneusmes que le prisonnier chargé dit meurtre de feu Monsieur de Guise a eu coehertion[125] et branle pour se desdire de ce qu'il a confessé devant Vostre Majesté. C'est ce que la question apporte, laquelle ne peult servir[126], car son crime le rend si responsable que, s'il n'y a aultre tesmoignaige que le sien, ce sera peu.,

Madame, je supply le créateur qu'il vous doin et bonne santé et longue vye.

A Paris, le XVII jour de mars 1562[127]

DU TILLET.

Quels mobiles déterminaient l'accusé à se démentir ? D'après les défenseurs de Coligny, Poltrot de Meré n'osa persister dans un faux témoignage qui lui aurait été suggéré, sinon imposé, le lendemain du crime ; la vérité lui aurait été arrachée pour la première fois par les rigueurs de la torture. Les accusateurs de Coligny se tiennent dans le vague et la plupart même ignorent ou feignent d'ignorer les variations de Poltrot. Il est certain que la vérité fut peu répandue et que, parmi les contemporains, les seuls initiés aux mystères de la Conciergerie purent la connaître. Seul, Perrenot de Chantonay, représentant de Philippe II, le mieux informé de tous les ambassadeurs étrangers, mais aussi le plus malveillant pour les grands personnages de la cour, présente une explication que nous allons exposer pour la première fois.

La ville de Paris et le gouvernement de l'Isle de France étaient alors administrés par le maréchal François de Montmorency, fils aîné du connétable. Montmorency était catholique, mais il appartenait à la nuance la plus rapprochée du parti réformé[128]. Aussi  était-il presque aussi impopulaire à Paris que Coligny lui-même[129]. François de Montmorency, comme tous les seigneurs de sa maison, s'était ligué avec Coligny, son cousin germain, contre l'influence des Lorrains[130]. Depuis la mort du duc de Guise, il avait de nouveaux sujets de haine contre le rival de son père. François II avait dépouillé le connétable de la charge de grand-maître de la maison du roi au profit de l'oncle de Marie Stuart[131]. Le vieux Montmorency se flattait, à la mort de Guise, de faire revenir cette dignité à son fils[132] ; mais le premier mot de la reine, après l'attentat de Poltrot, fut d'assurer au prince de Joinville, fils aîné de la victime, toutes les charges de son père[133]. François de Montmorency, frustré dans ses espérances, conçut un vif dépit. Il était resté à Paris pendant la guerre civile ; on le voit figurer dans une séance du parlement le 5 mars précédent[134]. C'est là que le trouvèrent les graves nouvelles de la fin de février 1563, la mort de Guise, l'échec de ses prétentions à la dignité de grand-maitre, les accusations déshonorantes portées contre Coligny, son cousin et son ami. Il conçut alors, d'après l'ambassadeur d'Espagne, un projet romanesque, mais qui n'est pas extraordinaire dans une cour où régnait le machiavélisme des Médicis. Tout puissant à Paris, même à la Conciergerie, en face d'un premier président effrayé de la moindre responsabilité, il s'introduisit en personne ou lit introduire un affidé auprès de Poltrot de Meré et promit de lui sauver la vie, quelque fût l'arrêt du parlement, à la condition qu'il disculperait Coligny, et qu'il persisterait dans sa rétractation même sur l'échafaud. Chantonay assure même qu'il signa cette promesse et qu'il la remit, comme un acte officiel, aux mains de Poltrot[135].

Cette explication parait avoir été ignorée de tous les contemporains. Elle n'est pas moins, acceptable et s'accorde fort bien avec la politique du connétable et particulièrement avec les tendances du maréchal de Montmorency[136]. Comme il n'est pas de feu sans fumée, les habitants de Paris soupçonnaient une intrigue et accusaient le maréchal de la diriger secrètement. L'ancienne impopularité des Montmorency, aiguisée par menées du parti lorrain, s'accrut de la méfiance qu'inspirait le maréchal. Plus d'une fois, en parcourant la ville, il entendit des cris de désapprobation. Appelé par la reine quelques jours après, pendant les négociations du traité d'Amboise, il partit en grand équipage et reçut une telle conduite qu'il jura, en passant devant la garde de la porte, de se venger des Parisiens[137].

Le jour même où le greffier du Tillet informe mystérieusement la reine du démenti que Poltrot de Meré inflige à ses propres dépositions, le parlement en corps supplie la régente de laisser un libre cours à la justice[138]. De Thou écrit à la reine sans lui parler des variations de l'accusé : La cryerie sur ce prisonnier est cent mille foys plus grande que je ne le pourroys ny dire ni escripre[139]. Les obsèques du duc de Guise avaient été fixées au 19 mars et le peuple exigeait que le Supplice de l'assassin précédât la pompe funèbre. La présence dudit corps, écrit le greffier du Tillet à la reine au nom du parlement, animera si fort ledit peuple contre le meurtrier, que nous prévoyons, par les menaces qu'en a cy-devant faictes icelluy peuple, qu'il forcera la Conciergerie pour en faire un massacre ; et vous pouvez penser le péril qui sera sur les autres prisonniers, et après d'une sédition publique, apportant la ruine de lad. ville telle ou plus grande que si l'ennemy la forçoit[140].

Les lettres du parlement et du premier président à la reine venaient d'être expédiées au camp de Saint-Mesmin, quand arriva l'ordre de juger et d'exécuter le prisonnier. L'ordre était du 15 mars[141]. A cette date la paix était faite et la reine mère tenait en main depuis trois jours les actes de soumission des chefs du parti réformé. Elle ne connaissait pas encore les variations de Poltrot, mais qu'importaient désormais à sa politique les aveux ou, les désaveux de cc misérable. De Thou aurait pu suspendre l'exécution, mais il avait hâte d'en finir. Le fait principal étant mis hors de contestation par les aveux du coupable, l'instruction judiciaire pouvait être close. Le 18 mars, à l'audience du matin, ledit Jehan Poltrot, soy disant s. de Meré fut condamné à estre tenaillé de fer chaud en quatre endroits de son corps et, apprès, estre tiré à clievaux jusqu'à ce que mort naturelle s'en ensuive ; ce faict, la teste dud. Poltrot couppée et mise au bout d'une lance qui sera plantée devant l'hostel de ceste ville de Paris ; les quatre membres de son corps mis en quatre potences, qui seront dressées hors les quatre portes principales de ceste dite ville et le tronc de son corps bruslé en ladite place de Grève[142].

Aussitôt après le prononcé de l'arrêt, le condamné fut soumis à la question extraordinaire sur le petit traiteau à l'eau et devant le feu. Interrogé successivement en présence du président Achille de Harlay, de Me Jean Neveu, clerc au greffe criminel, et du premier président, après de longues divagations sur ses relations avec les chefs du parti huguenot, il rétracta expressément les déclarations qu'il avait faites au début de l'instruction, déchargea l'amiral et Théodore de Bèze de l'initiative de l'assassinat et déposa qu'il ne les avait accusés que pour prolonger sa misérable existence. Sommé de révéler le mobile de son crime, il répondit que ce qu'il avoit fait estoit à cause du tyran qui persécutoit les enfants de Dieu[143]. Ainsi l'accusé, renonçant à sa première version, s'en tenait à la seconde, celle qu'il avait produite pour la première fois le 15 mars.

L'interrogatoire terminé, le premier président et les conseillers assistants se retirèrent et le prisonnier fut remis aux mains du lieutenant criminel, Martin de Bragelonne, assisté de ses greffiers. Poltrot, sentant que sa dernière heure était proche supplia qu'on luy baillast patience jusques à demain afin de penser à plusieurs autres choses[144]. Bragelonne, sans tenir compte de sa prière, le fit monter dans un tombereau et le conduisit en place de Grève vers les trois ou quatre heures de l'après-midi[145]. La place était couverte d'une foule immense avide de se repaître des cris de douleur du condamné et de la vue de son supplice[146].

Sur l'échafaud Poltrot de Meré montra une grande fermeté. Son regard assuré défiait la foule et fouillait les rues voisines pour chercher, dit Chantonay, le secours que le maréchal de Montmorency lui avait promis. Un moine l'assistait de ses exhortations. Poltrot lui ferma la bouche en disant qu'il ne serait pas supplicié. Le moine lui représenta qu'il était environné de gens armés chargés de prêter main-forte à la justice et de l'égorger sur place plutôt pie de le laisser échapper. Poltrot hésita, demanda un moment de répit et dénonça, comme instigateurs du crime, Soubise et quelques autres[147]. Déshabillé et garrotté au poteau, il fut tenaillé aux quatre membres avec un fer rouge, puis lié par les pieds et les mains à des cordes tirées par quatre chevaux. Mais en vain les chevaux furent excités pour son plus grand tourment. Ils ne purent le démembrer. Dans sa torture, il supplia qu'on s'arrêtât, parce que, pour soulager sa conscience, il voulait révéler de grands secrets. Ici, l'ambassadeur vénitien, Barbaro, place un récit d'une importance capitale[148]. Dans une longue narration apologétique, dit-il, Poltrot raconta l'assassinat du commencement à la fin. Si je voulais en redire tous les détails, cela serait trop long. Mais le résumé est qu'il y a presque une année que cet acte a été projeté, et que il (Poltrot) s'est offert à M. de Soubise pour l'exécuter ; lequel en a écrit à M. de Chastillon ; que, à ce moment Chastillon ne paraissait.pas disposé à approuver cette scélératesse ; mais que, depuis la rupture du camp (la défaite de Dreux), il avait écrit à Soubise pour lui demander de lui envoyer l'homme qui s'était offert pour commettre cet acte. Il y alla et le remplit d'espérance, et, ayant reçu de l'argent, des armes et des chevaux, il vint s'établir dans le camp du roi, prétendant être mal satisfait de ceux de l'autre parti ; et ainsi il commit l'assassinat[149]. Ce récit terminé, les bourreaux remirent les chevaux en mouvement. Le condamné demanda grâce encore une fois parce qu'il voulait dire des choses d'une plus grande importance, c'est-à-dire qu'il fallait faire entendre à la reine qu'elle ait à se bien garder, ainsi que ses fils, parce qu'il y avait des complots formés contre eux. Ces révélations furent mises publiquement en écrit par les officiers de justice qui étaient présents. Pour finir la tragédie, les chevaux furent de nouveau excités ; mais comme ils ne purent lui arracher les membres, il fut ainsi torturé pendant quelque temps. Il vivait encore quand le bourreau, à coups de hache, lui détacha les membres, donnant ainsi plus de facilité aux chevaux pour l'achever. Toute la population, présente à ce spectacle, fit de si grandes démonstrations de ressentiment de la mort du duc qu'il est impossible de les décrire.

Le registre du conseil du parlement, beaucoup plus sommaire, confirme le récit de Barbaro. Arrivé sur la place de Grève, porte le registre, Poltrot de Meré deschargea, en parlant au peuple, ceux qu'il avoit chargez. Sans doute le misérable attendait le secours que le maréchal de Montmorency lui avait promis jusques au pied de l'échafaud. Mais, ayant senti le premier traict des chevaux, [il] dit que, avant que mourir, il vouloit dire toute la vérité, et, devant aucuns capitaines, chargea les auteurs qu'il avoit premièrement nommés et en nomma d'autres qu'il avoit excusés[150]. Le grand historien du XVIe siècle, Jacques-Auguste de Thou, était alors enfant[151] ; mais il avait pu recueillir de la bouche de son père[152] des révélations importantes. Voici comment il raconte les derniers moments de Poltrot : Il parut effrayé et comme hors de lui-même et ne sachant ce qu'il disait par l'appréhension du supplice ; il déchargea l'amiral, puis le chargea de nouveau dans le temps qu'on l'exécutoit, de mesme que d'Andelot, son frère. Après avoir soutenu de longs interrogatoires et d'affreux tourments, il expira[153].

Il est inutile de signaler la gravité du récit de l'ambassadeur vénitien. Marc-Antoine Barbare était catholique, mais il ne se montre jamais, dans sa correspondance, particulièrement hostile à Coligny[154]. Son témoignage des aveux et du supplice de Poltrot est d'autant plus important que le procès-verbal officiel, relevé par les greffiers de Bragelone, est perdu[155]. Et cependant cette pièce a existé ; elle a été envoyée par de Thou à la régente. Tout ce qu'il (Poltrot) a dit, tant à la question à la chapelle que au supplice, écrit de Thou à la reine, jusqu'au dernier soupir, a esté fidèlement mis par escrit. On vous en pourroit escripre en diverses sortes, mais je vous supplie n'en vouloir croire autre chose que ce que vous en verrez par escript[156]. Le procès-verbal était entre les mains de la duchesse de Guise lorsqu'elle fut sommée par le conseil du roi d'énumérer les pièces qu'elle entendait produire dans son instance contre Coligny[157] : le procès-verbal de la question et des confessions par luy (Poltrot) faites en icelle depuis l'arrêt contre luy donné, autres confessions faites par led. Poltrot après lad. question devant le premier président et plusieurs conseillers d'icelle court, les procès-verbaux de ses confessions faites au supplice[158].... Le procès-verbal existait encore en 1566, après la réconciliation que, à l'assemblée de Moulins, le roi avait imposée aux Guises et aux Coligny[159]. Il fut probablement enlevé des archives du Parlement en vertu d'une commission du roi, datée du 16 juillet 1566, adressée à Me Nicolas Halle, s. du Marais, notaire et secrétaire du roi, laquelle portait ordre de se transporter au greffe et de se faire exhiber les arrets, sentences, jugemens, informations et procédures.... pour le faict de la religion et desd. troubles, pour estre, lesd. arrets et jugemens, rayez, tramez, effacez sur lesd. registres.... Et, quant aux dictons, informations et procédures, estre par vous mises et resserrées en un coffre à part pour estre envoyées par devers nous[160].

 

 

 



[1] Mémoires de Castelnau, liv. IV, chap. V.

[2] Nous avons raconté ces faits, avec plus détails que nous ne pouvons en donner ici, dans Jeanne d'Albret et la guerre civile, t. I. p. 367.

[3] Le moment de la mort de Montberon est différemment précisé. Nous suivons le récit de Castelnau (Mémoires, liv. IV, chap. 5.)

[4] Mémoires de la Noue, chap. X.

[5] Montaigne, dans un passage admirable, a relaté ces accusations. Ceulx qui ne favorisent pas fort la réputation de M. de Guyse mettent volont tiers en avant qu'il ne se peult excuser d'avoir fait alte et temporisé avecques les forces qu'il commandoit, cependant qu'on enfonçoit monsieur le connes-table, chef de l'armée, et qu'il valoit mieux se bazarder, prenant l'ennemy par flanc, que, attendant l'advantage de le veoir en queue, souffrir une si lourde perte. Mais, oultre ce que l'issue en témoigna, qui en desbattra sans passion me confessera aysément, à mon advis, que le but et la visée, non seulement d'un capitaine, mais de chaque soldat, doibt regarder la victoire en gros. (Essais, liv. I, chap. XLV.)

[6] Sur les causes et les circonstances de cet assassinat voyez Jeanne d'Albret et la Guerre civile, t. I, p. 379.

[7] Voyez aux Pièces justificatives une note bibliographique et un récit inédit de la bataille de Dreux.

[8] Mémoires de Mergey, édit. Buchon, p. 265.

[9] Coll. du parlement, vol. 556, f. 274. — Journal de 1562 dans la Revue rétrospective, t. V, p. 209. Registres municipaux de la ville de Paris publiés par la ville. — Mémoires de Condé, t. IV, p. 194. — Lettres de Pasquier dans les Œuvres complètes, t. II, p. 103. — Coll. Brienne, vol. 206, f. 177. — Mémoires de Tavannes, coll. Petitot, t. 24, p. 380.

[10] Il est assez piquant qu'un des premiers emplois de son autorité souveraine fut de faire signer au roi la nomination de Jacques de Savoie, duc de Nemours, l'amant bien connu à la cour de la duchesse de Guise, comme gouverneur général du Lyonnais (Lettres patentes du 25 décembre 1562 ; copie du temps ; f. fr., vol. 3213, f. 65.)

[11] Une copie de cet acte daté du 24 décembre 1562, est conservée dans la coll. de Brienne, vol. 206, f. 177.

[12] Mémoires de Castelnau, liv. IV, chap. IX.

[13] L'édit, daté de février 1562 (1563), est conservé en copie aux Archives nationales (Registre Z, f. 359, v.). Le duc de Guise voulut que son frère, le cardinal de Guise, le portât lui-même au parlement pour en presser l'enregistrement (Lettre du roi et de la reine du 9 février 1562 (1563) au parlement ; Mémoires de Condé, t. IV, p. 237.)

[14] Lettre du duc de Guise au s. d'Humières, de cette date (Orig., f. fr., vol. 3.187, f. 5.)

[15] Lettre du duc de Guise à la dame de Montmorency, du 27 décembre 1562 et du 8 janvier 1563 (Delaborde, Éléonore de Roye, p. 153 et 159.)

[16] Lettre du duc de Guise à Gonnor, s. l., Il janv. 1562 (1563) (Ve de Colbert, vol. 24.)

[17] Lettres de Coligny publiées par le comte Delaborde (Gaspard de Coligny, t. II, p. 183 et suiv.)

[18] A la date du 20 février 1563, l'armée royale comptait 8.000 hommes de pied et 4.000 cavaliers (Lettres de Chantonay du 20 février ; Mémoires de Condé, t. II, p. 132.)

[19] Lettres du duc de Guise à Artus de Cossé Gonnor, du 20 et du 25 décembre 1562 (Orig., Ve de Colbert, vol. 24, f. 196 et 198.) — Autre du 10 janvier 1562 (1563) (Orig. avec p. s. autographe ; Ve de Colbert, vol. 24, f. 21.)

[20] Lettre du duc de Guise à Gonnor, du Il janvier 1562 (1563) (Orig. Ve de Colbert, vol. 24.)

[21] Lettre de Robertet au duc de Nemours, Chartres, 13 janvier 1562 (1563) (Orig., f. p., vol. 3.180, f. 47.)

[22] Lettre de Robertet au duc de Nemours, Blois, 8 février 1562 (1563) (Autog., f. fr., vol. 3.180, f. 54.)

[23] Lettre de Robertet au duc de Nemours, Blois, 12 février 1562 (1563) (Autog., f. fr., vol. 3.180, f. 57).

[24] Correspondance du nonce de Sainte-Croix (Archives curieuses, de Cimber et Danjou, 1re série, t. VI, p. 135). Catherine n'était pas sans soupçonner l'officier chargé de la conduite du trésor (Lettres de Catherine, t. I, p. 523).

[25] Lettre de Robertet au duc de Nemours ; Blois, 19 février 1562 (1563) ; Orig., f. fr., val. 3.180, f. 69).

[26] Lettres du duc de Guise des 10, 17, S0 janvier et 3 février 1562 (1563). (Orig., Ve de Colbert, vol. 24, f. 21, 37, 55 et 58).

[27] Lettre du duc de Guise au maréchal de Montmorency du 7 février 1562 (1563). (Mémoires de Condé, t. II, p. 224).

[28] Aubigné, Histoire universelle, t. II, p. 124 ; édition de la Société de l'histoire de France.

[29] Mémoires de La Noue, chap. XI.

[30] Mémoires de La Noue, chap. XI.

[31] Mémoires de Castelnau, liv. IV, chap. IX.

[32] Lettres du duc de Guise à Gonnor et à François de Montmorency du 7 février 1562 (1563) (Mémoires de Condé, t. IV, p. 224 et 225). — Les originaux de ces deux lettres sont conservés dans les Vo de Colbert, vol. 24, f. 64, et dans le fonds français, vol. 3.194, f. 10). Montmorency répondit au duc de Guise le 13 février suivant (Copie, f. fr., vol. 3.197, f. 67).

[33] Lettre de Catherine de Médicis, t. I, p. 500.

[34] Mémoires de Castelnau, liv. IV, chap. ix. — Une lettre de François de Montmorency approuve le plan de campagne du duc de Guise (Copie ; f. fr., vol. 3.197, f. 67).

[35] M. Collin, inspecteur général des ponts et chaussées, a publié en 1895 dans les Mémoires de la Société archéol. et hist. de l'Orléanais une savante étude sur le pont des Tourelles à Orléans, qui aide à comprendre les péripéties du siège.

[36] Lettre de Robertet au duc de Nemours du 13 février 1562 (1563) (Orig., f. fr., vol. 3180, f. 57).

[37] Le roi venait de contracter à Gênes un emprunt de 25 mille écus (Lettre de Robertet au duc de Nemours, Blois, 12 février 1562 (1563) ; f. fr., vol. 3.180, f. 57).

[38] Lettres du duc de Guise et du card. de Guise à Gonnor et à la reine, des 12, 13, 16 et 17 février 1562 (1563) (Orig., Ve de Colbert, vol. 24, f. 74, 76, 81 et 87).

[39] Arrêt du parlement contre certains habitants d'Orléans, 13 février 1562 (1563) ; Mémoires de Condé, t. IV, p. 232.

[40] Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 496 et 509.

[41] Sébastien de l'Aubespine, évêque de Limoges, et Henri Clutin d'Oysel avaient été envoyés au connétable à Orléans, le 13 février (Lettre de l'évêque de Riez dans les Mémoires de Condé, t. IV, p. 245).

[42] Il y a doute sur le lieu où habitait le duc de Guise. Les documents du temps, et notamment le récit de la mort de Guise, par Lancelot de Carle, évêque de Riez, disent qu'il habitait le Château de Cornay. M. Édouard Fournier, dans les notes qu'il a ajoutées à l'interrogatoire de Poltrot (Variétés historiques et littéraires, tom. VIII, p. 17, Collection Elzév.), dit qu'il occupait la maison des Vaslins. M. Baguenault de Puchesse partage la même opinion (article publié dans le Contemporain, février et mars 1867). Le château de Cornay, commune de Saint-Cyr-en-Val, est en Sologne, à quatre lieues au End d'Orléans. La maison des Vaslins, commune de Saint-Hilaire, est plus rapprochée de la ville. Il serait possible que le duc de Guise ait habité Cernay au commencement du siège, et que la nécessité de se rapprocher du camp l'ait décidé à se transporter à la maison des Vaslins. MM. Fournier et Baguenault de Puchesse s'appuient sur une inscription du temps qui existe encore sur le porche d'une maison proche des Vaslins :

Hic prope Guiseus dux vitæ fata peregit.

[43] Vers six heures du soir, écrit le secrétaire Anglais Smith (Calendars, 1563, p. 148).

[44] Villegomblain a écrit des Mémoires (2 vol. in-12, 1667) mais il n'y parle pas des événements de 1562.

[45] Brantome, t. IV, p. 255. — Interrogatoire de Poltrot de Méré (voyez plus loin).

[46] Ce carrefour des deux routes est marqué sur la carte de Cassini.

[47] L'assassin observa plus tard que, croyant le duc cuirassé, il avait visé au défaut de la cuirasse, sous le bras (Interr. de Poltrot).

[48] Brantome qui rapporte ces paroles (t. IV, p. 256) faisait partie de l'armée catholique (ibid., p. 259).

[49] Maître Castellan est cité par Brantome comme un des médecins de la reine (t. IX, p. 569).

[50] Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 512.

[51] Lettre de Chantonay du 20 février 1563 (Mémoires de Condé, t. II, p. 133). — Lettre de Smith à la reine d'Angleterre de même date (Calendars, 1563, p. 148).

[52] Lettres de Robertet au cardinal de Guise, 19 février 1562 (1563). (Orig. Ve de Colbert, vol. 24, f. 97) et au duc de Nemours, du 20 février (ibid.)

[53] Le cardinal de Guise fut informé de la blessure de son frère par une lettre de la reine du 19 février (Lettres de Catherine de Médicis, t. p. 512). — A Chartres il rencontra un courrier qui lui donna de bonnes nouvelles du blessé (Lettres du card. de Cuise à Gonnor, Mémoires de Castelnau, 1731, t. II, p. 174).

[54] Cette opération, au moins inutile et très douloureuse, écrit l'ambassadeur d'Espagne, fut faite le 22 février, à minuit (Lettre de Chantonay et de son secrétaire, Francès de Alava, à Philippe II ; orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1500, n° 50). — Le secrétaire de l'ambassadeur anglais dit aussi que cette opération était inutile (Smith à la reine, 26 février 1563 ; Calendars, 1563, p. 156).

[55] Lettre de Chantonay au roi d'Espagne du 22 et du 24 février 1563. (Arch. nat. K. 1500, n° 50). — Mémoires, journaux de Guise dans la coll. Michaud et Poujoulat, p. 507.

[56] Occurrences en France, pièce datée du 26 février (Calendars, 1563, p. 162).

[57] Lettre du 23 février (Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 515). L'évêque de Riez, à l'occasion de cette visite, prête au blessé un long discours de fantaisie (Mémoires de Condé, t. IV, p. 219).

[58] Les derniers adieux du duc de Guise à sa femme ont été racontés dans une pièce, que nous avons citée plus haut, par Lancelot de Carle, évêque de Riez. Les diverses éditions de ce récit contiennent des variantes dignes de remarque. Dans la première, le duc fait à la duchesse l'aveu de ses fautes et fragilitez de jeunesse, et ajoute : Je vous prie m'en vouloir excuser et me les pardonner, comme je vous pardonne. Combien que mes offenses soient beaucoup plus grandes que les vôtres.... Ces mots n'étaient pas heureux. Le duc n'ignorait certainement pas que le roi Henri II et le duc de Nemours étaient entrés fort avant dans les bonnes grâces de la duchesse, mais le lui rappeler solennellement avant de mourir ! Aussi le récit de l'évêque de Riez fut-il réimprimé avec la suppression des mots que nous avons soulignés. Dans une troisième édition ils furent rétablis, mais on y ajouta ce correctif : sans jamais entrer en aucun soupçon de vous. Secousse (Mémoires de Condé, t. IV, p. 265 et 696), après de Bèze, après Le Duchat (Satyre Menippée, 1752, t. II, p. 229) relate ces différences de texte.

[59] Mémoires de Castelnau, t. I, p. 794. — Mémoires de Condé, t. IV, p. 230, note.

[60] Mémoires de Condé, t. IV, p. 258.

[61] Copie du temps, f. fr., vol. 3176, f. 82. Le testament porte les signatures, en qualité de témoins, de Tristan de Rostaing, de Michel de Vialart, maître des requêtes, et de Saulches de Foissy, maître d'hôtel du testateur. Il est daté du 24 février 1562 (1563).

[62] Le cardinal de Lorraine était alors au concile de Trente.

[63] Pour assurer ce mariage, la dame de Guise, malgré l'opposition de là maréchale de Saint-André, obtint que Catherine d'Albon serait élevée auprès d'elle (Lettre de Chantonay au roi d'Espagne, 22 avril 1563 ; orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1499, n° 56). M. Clément Simon et M. Tamizey de Larroque viennent de publier sur cette jeune fille, convoitée pour sa fortune par les plus grands seigneurs de son temps, d'intéressantes études dans la Revue des questions historiques, janvier 1896, et dans la Revue de l'Agenais, mars 1896.

[64] Pièce du temps dans les Mémoires journaux de Guise, p. 517.

[65] Dans notre récit nous avons principalement suivi la Lettre de l'évêque de Riez au Roy, contenant les actions et propos de M. de Guyse depuis sa blessure jusques à son trespas, récit officiel puisque Lancelot de Carle, évêque de Riez, était le confesseur du duc de Guise et l'assista jusques à sa dernière heure. Ce récit a souvent été réimprimé. Nous avons suivi la version des Mémoires de Condé, t. IV, p. 243.

[66] Le 18 mars, Pie IV adressa une bulle de condoléance au cardinal de Lorraine (Annal. Raynaldi, t. XXI, 1563, n° 53).

[67] Lettre de Barbare à la république de Venise, 2 mars 1563 (Despatches of Suriano and Barbaro, 1891, in-4°). Le roi écrivit à Philippe II une lettre autographe qui est publiée dans le Musée des Archives, p. 375.

[68] Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 517.

[69] Lettre de Robertet au duc de Nemours, Blois, 25 février 1562 (1563). — Dans une autre lettre, 21 mars, Robertet insiste sur la douleur de la duchesse de Guise, qui n'a que un seul réconfort, c'est de s'assurer que ses amis se souviendront un jour bien à propos de venger son injure.... Ces deux lettres ont été publiées par M. le comte Baguenault de Puchesse dans le Bulletin de la Soc. arch. et hist. de l'Orléanais, t. X, n° 152.

[70] Brantome, t. VII, p. 66.

[71] Smith à la reine d'Angleterre, 26 février 1563 (Calendars, 1563, p. 156).

[72] Lettre de Barbare à la république de Venise, 2 mars 1562. Despatches of Surtano and Barbaro, 1891.

[73] Pièce du temps dans les Mémoires journaux de Guise, coll. Michaud et Poujoulat, p. 507.

[74] Félibien, Histoire de Paris, t. V, p. 393. — Voyez surtout les Registres de la ville de Paris, t. V, p. 203.

[75] Les cérémonies des obsèques durèrent jusqu'au lundi suivant, 22 mars.

[76] Les documents sur los obsèques du duc de Guise sont très abondants. Nous signalerons seulement les pièces conservées au département des imprimés de la Bibliothèque nationale (Catalogue, t. I, p. 259), une pièce réimprimée dans les Archives curieuses de Cimber et Danjou, t. V, p. 207. un extrait des registres du Parlement (coll. du parlement, vol. 556, f. 55), une autre pièce (f. fr., vol. 4.047, f. 4), un extrait du cérémonial de l'hôtel de ville (f. fr., 18.528, f. 30 v°) et enfin les Registres des délibérations de la ville de Paris, t. V, p. 203.

[77] Arrêt du parlement du 3 mars 1562 (1563) (Mémoires de Condé, t. IV, p. 279). — Lettre de de Thou du 18 mars. Voyez aux Pièces justificatives.

[78] Lettre de Marc Antoine Barbaro au doge de Venise, 23 mars 1653 (Despatches of Suriano and Barbaro, in-4°, 1891).

[79] Lettre de Chantonay au roi d'Espagne 22 avril 1553 (Orig. espagnol : Arch. nat., k. 1499, n° 56).

[80] Voyez Labitte, Les prédicateurs de la Ligue, 1866, p. 91.

[81] Pièce publiée dans les Mémoires de Condé, t. IV, p. 270.

[82] Le duc de Guise était fils d'une princesse de la Maison de Bourbon.

[83] Smith à la reine d'Angleterre, 26 février 1563 (Calendars, 1563, p. 156).

[84] Brantome, t. IV, p. 256.

[85] Pièce datée du 27 février (Calendars, 1563, p. 162). C'est là que l'un des gens de Rostaing put apercevoir la couleur du manteau du cavalier.

[86] Cette course prodigieuse est expliquée avec détails dans un éloge du duc de Guise. (Coll. Dupuy, vol. 844, f. 94, et f. fr., vol. 17305, f. 1).

[87] Cense, ferme louée. C'est l'expression même dont se sert l'assassin.

[88] Premier interrogatoire de Poltrot de Meré. Voyez aux Pièces justificatives.

[89] Récit du temps. (Mémoires journaux de Guise, coll. Michaud, p. 506), confirmé par tous les historiens. — Lettre de Chantonay du 22 et du 24 février déjà citée. — Cette somme est élevée à 10, 20 et 30 mille écus par certains Mémoires.

[90] Lettre de Chantonay du 23 février 1563. (Mémoires de Condé, t. II, p. 135).

[91] Mémoires de Castelnau, liv. IV, chap. X. — D'après une lettre de l'ambassadeur d'Espagne, le prisonnier, réveillé en sursaut perdit contenance et avoua son crime. (Lettre de Chantonay du 22 et du 24 février 1563, déjà citée).

[92] Saye, manteau.

[93] Discours sur l'examen de Poultrot (copie du temps : f. fr., vol. 22429, f. 170), pièce d'autant plus Importante qu'elle est écrite dans l'esprit protestant comme on le verra plus loin.

[94] Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 512.

[95] Le souvenir du séjour de la reine à Caubray est conservé par une inscription latine qui a été reproduite dans les notes de l'interrogatoire de Poltrot. (Variétés historiques et littéraires de la coll. elzévirienne, t. VIII, p. 16).

[96] François Bouchard, vicomte d'Aubeterre, seigneur de Saint-Martin-de-la-Coudre, en Saintonge, avait pris part, d'après Brantome, à la conjuration d'Amboise et avait été sauvé de la potence par le duc de Guise. (Brantome, t. IV, p. 251).

[97] Lettre de Chantonay du 23 février 1563. (Mémoires de Condé, t. II, p. 134).

[98] L'Histoire ecclésiastique dit qu'il en avait gardé le surnom de l'Espagnolet. (Hist. ecclés., 1882, t. I, p. 627).

[99] Jean de Parthenay Soubise était le beau-père du vicomte d'Aubeterre.

[100] Réponse de Coligny à l'interrogatoire de Poltrot. (Du Bouchet, Preuves de l'Histoire de la Maison de Coligny, p. 522).

[101] Brantome raconte que Poltrot, pour se faire bien venir, se présentait comme un désabusé du culte protestant. (Brantome, t. IV, p. 255).

[102] Premier interrogatoire de Poltrot de Meré.

[103] Il est à remarquer que tous les narrateurs, accusent de Bèze d'avoir encouragé l'assassin. (Smith à la reine Élisabeth, 26 février, Calendars, 1563, p. 156 ; occurrences de France, ibid., p. 162) ; à plus forte raison les ambassadeurs catholiques. Barbaro, ambassadeur de Venise, et Chantonay, ambassadeur d'Espagne. Voyez plus loin l'indication de leurs dépêches.

[104] Cet autre ministre, que Poltrot de Meré ne nomme pas, est Jean de Lespine, dit Spina (Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 517).

[105] Voyez le premier interrogatoire de Poltrot aux Pièces justificatives.

[106] Discours sur l'examen de Poultrot déjà cité.

[107] Déposition de Poltrot de Meré.

[108] Lettre de Catherine du 25 février 1562 (1563) (Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 517). — Lettres de Sainte-Croix, in-4°, p. 211.

[109] Discours sur l'examen de Poultrot déjà cité. — Le nonce, Prosper de Sainte-Croix avait su que Poltrot n'avait signé sa déposition que le lendemain (Lettres de Sainte-Croix, in-4°, p. 208).

[110] Seconde déposition de Poltrot de Meré, 27 février 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives.

[111] Lettre de de Thou à la reine, 27 février 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives. La lettre fut confiée à Claude Marcel. (Lettre de Christophe de Thou à la reine, 2 mars 1562 (1563) ; autographe ; f. fr., vol. 6615, f. 8).

[112] Sainte-Croix lui donne la qualité de maitre de la garde robe du roi. (Lettres de Sainte-Croix, in-4°, p. 211).

[113] Interrogatoire de Etienne Cœur de Roy, 7 mars 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives.

[114] Troisième interrogatoire de Poltrot de Meré, 7 mars 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives.

[115] Lettre de de Thou à la reine, 7 mars 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives.

[116] Lettre du prévôt des marchands à la reine, 21 février 1562 (1563) ; coll. Brienne, vol. 205, f. 317.

[117] L'un de ces services est mentionné dans un arrêt du parlement du 3 mars 1562 (1563). (Mémoires de Condé, t. IV, p. 279). Plusieurs autres sont annoncés dans la lettre de de Thou du 6 mars. (Voyez aux Pièces justificatives).

[118] Lettre de de Thou à la reine, 6 mars 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives.

[119] Lettre de de Thou à la reine, 7 mars 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives.

[120] Lettre de de Thou à la reine, 5 mars 1562 (1563) (copie ; f. fr., vol. 6621, f. 52).

[121] Lettre de de Thou à la reine, 6 mars 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives.

[122] Lettre de de Thou à la reine, 7 mars 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives.

[123] Lettre de de Thou à la reine du 15 mars 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives.

[124] Lundi dernier était le 15 mars.

[125] Coehertion, coercition, terme de pratique judiciaire au XVIe siècle.

[126] Voici comment nous interprétons cette phrase : l'accusé commence à se dédire ; c'est ce que la question apporte ; mais sa rétractation ne peut servir à rien ; son crime le rend personnellement si responsable que, s'il n'y a pas d'autres témoignages que le sien, on ne peut accuser personne.

[127] Autographe de du Tillet, 17 mars 1562 (1563) (f. fr., vol. 6610, f. 32). On a le droit de s'étonner qu'une nouvelle aussi importante n'ait été transmise à la reine que le 17 mars. Voyez plus loin.

[128] Nous rappellerons seulement ici le fameux procès des politiques qui faillit lui coûter la vie. Voyez le savant ouvrage de M. Decrue : Le parti des Politiques, in-8°, 1892.

[129] Lettre de Chantonay du 22 avril 1563. Voyez plus loin.

[130] Voyez Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, t. II, chap. VI. A la nouvelle de l'assassinat de Guise, il écrivit à la reine une lettre pleine de bons sentiments pour le duc de Guise (21 février 1562 (1563) ; copie, coll. Brienne, vol. 205, f. 319). Mais on ne peut tirer aucune conséquence des termes d'une lettre officielle.

[131] Marie Stuart était fille de Marie de Lorraine, propre sœur du duc de Guise.

[132] M. Decrue, dans son savant ouvrage sur Anne de Montmorency, p. 362, donne des détails.

[133] Lettre de Catherine au Connétable. (Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 513). — Lettre de la même à Saint-Sulpice, ambassadeur en Espagne (ibid., t. II, p. 36). — Chantonay, dans sa lettre du 22 avril 1563, donne d'autres détails. (Arch. nat., K. 1499, n° 56).

[134] Lettre de de Thou à la reine, 5 mars 1562 (1563) ; copie, f. fr., vol. 6621, f. 52.

[135] Lettre de Chantonay au roi d'Espagne du 22 avril 1563. (Orig. espagnol ; Arch. nat., K, 1499, n° 56).

[136] Nous avons exposé ci-dessus qu'il refusa d'assister aux obsèques du duc de Guise.

[137] Lettre de Chantonay du 22 avril 1563 déjà citée.

[138] Mémoires de Condé, t. IV, p. 308.

[139] Lettre de de Thou à la reine, 17 mars 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives.

[140] Lettre du parlement de Paris, signée du Tillet, 17 mars 1562 (1563). Voyez aux Pièces justificatives.

[141] Cette lettre de la reine, datée du 15 mars, n'a pu être retrouvée. Nous n'en connaissons l'existence que par la lettre de de Thou du 18 mars. Voyez aux Pièces justificatives.

[142] L'arrêt, daté du 18 mars 1562 (1563) est imprimé dans les Mémoires de Condé, t. IV, p. 309. La minute officielle de l'arrêt est conservée dans les registres du parlement. (Arch. nat. X2 A, 130). L'expédition authentique sur vélin, signée du greffier criminel, Malon, est conservée dans le f. fr., vol. 6610, f. 34.

[143] Ces trois interrogatoires sont publiés dans l'Histoire ecclésiastique, 1881, t. I, p. 648. On conserve dans les fonds français (vol. 6610, f. 37. 68 et 69) une copie authentique, contresignée Bourdin (procureur général), de ces trois interrogatoires. Cette copie est probablement celle que de Thou adressa à la reine.

[144] Histoire ecclésiastique, 1881, t. I, p. 655.

[145] Pièce du temps dans les Archives curieuses pour servir à l'histoire de France de Cimber et Danjou, t. V, p. 213.

[146] Lettre de l'ambassadeur vénitien du 23 mars 1563. (Despatches of Suriano and Barbaro, in-4°, 1891, curieux recueil imprimé en Angleterre par les soins de M. Layard pour the huguenot Society.

[147] Lettre de Chantonay au roi d'Espagne du 22 avril 1563. (Orig. espagnol ; Arch. nat., K, 1499, n° 56). Chantonay ne désigne que Soubise et ne nomme pas Coligny.

[148] Lettre de Barbaro au doge de Venise du 23 mars 1563. (Despatches of Suriano and Barbaro, in-4°, 1891).

[149] Il est à remarquer que ces détails s'accordent avec ceux que Poltrot de Meré avait révélés dans son premier interrogatoire.

[150] Registre du conseil du parlement ; Arch. nat., X1A, 1604, p. 618 v°.

[151] Jacques Auguste de Thou était né en 1553.

[152] Christophe de Thou ne mourut que le 1er novembre 1582.

[153] Histoire universelle, liv. XXIV.

[154] Barbaro, à la suite de sa mission en France, écrivit un rapport général qui a été publié dans les Relations des ambassadeurs vénitiens, t. II. p. 1.

[155] Ce procès-verbal devrait se retrouver dans le registre de la Tournelle. Mais le volume de cette date a disparu. Par qui a-t-il été enlevé, probablement par celui qui a fait disparaître le procès-verbal.

[156] Lettre de de Thou à la reine du 18 mars. Voyez Pièces justificatives.

[157] Voyez le chapitre suivant.

[158] F. fr., vol. 6,610, f. 141.

[159] Voyez le chapitre suivant.

[160] Coll. Brienne, vol. 206, p. 252.