LES ORIGINES POLITIQUES DES GUERRES DE RELIGION

LIVRE III. — L'ORIENTATION NOUVELLE

CHAPITRE PREMIER. — LE RESSERREMENT DE LA POLITIQUE ROYALE.

 

 

Le coup terrible de la journée de Saint Laurent produisit dans le grand corps du royaume une sorte de contraction, suivie d'un brusque retour de toutes les forces vers le centre menacé. Ces forces se rangèrent naturellement sous la conduite de la maison de Lorraine, qui devint par les circonstances le seul et vrai chef de France.

Le cardinal de Lorraine, possédant le cachet royal, assuma la charge des affaires civiles, financières et religieuses. Son frère François fut investi, vers le 20 octobre 1557, des fonctions de lieutenant-général du royaume par des lettres patentes qui lui conféraient tous les pouvoirs du Connétable, sans le titre[1]. Le 28 octobre arrivèrent encore à Saint-Germain-en-Laye trois autres Guises, le duc d'Aumale, le marquis d'Elbeuf et le Grand Prieur[2]. Louis, dit le cardinal de Guise, n'avait pas quitté la cour depuis le désastre. Odet de Châtillon se trouva, au Conseil, le seul représentant de la maison de Montmorency contre les six frères Lorrains. Le peuple, enclin dans le péril à flatter les hommes de guerre, nommait alors le duc de Guise vice-roi de France[3]. En réalité, tout le pouvoir appartint au cardinal de Lorraine, devenu premier conseiller et, à défaut de rival, maître absolu des affaires.

 

Les mêmes circonstances qui avaient mis le gouvernement à la discrétion des Guises, forçaient ces derniers de suspendre pour longtemps la politique italienne, dont ils avaient été jusqu'alors les prôneurs et les ouvriers assidus. Le resserrement de la vie française se fit sentir surtout en Italie. Le flot, qui couvrait depuis un demi-siècle la Péninsule, se retira soudain, ne laissant de traces que là où son lit était profond, en Piémont et à Montalcino. Des Français, on n'en trouve même plus un pour servir de médecine ! constatait à Rome un malveillant Florentin, quelques jours après le départ du duc de Guise, un mois après la bataille de Saint-Quentin[4]. Les malheureux serviteurs de Henri II, que leurs fonctions retenaient dans la Ville éternelle, vivaient cachés soit à la villa de Montecavallo, maison inhabitée du cardinal de Ferrare, soit au palais de Monte-Giordano, résidence de l'ambassadeur de France[5].

Privées de l'excitant et du soutien que leur avait procurés la puissance française, les forces d'Italie rebelles à l'hégémonie des Espagnols ne tardèrent pas à céder peu à peu, tombant en des accidents plus ou moins pénibles, pour se soumettre finalement à la prépondérance de la maison d'Autriche. Quel changement dans l'Italie ! Depuis l'avènement des Carafa, pendant deux ans, les agents de Henri li y avaient parlé en maîtres, tour à tour invoquant et menaçant les neutres : maintenant, ils se taisaient, se cachaient. Du royaume de France il ne venait plus que de mauvaises nouvelles. Ceux que l'expédition de Guise avait courbés de peur se redressèrent, ceux qui l'avaient aidée se repentirent.

Le premier à changer de parti fut le pape. Au vrai, pour la politique du Saint-Siège, la nouvelle du désastre de Picardie et le départ du duc de Guise ne firent qu'achever une scission qui se fût produite en tout cas. Carlo Carafa n'avait pas besoin d'apprendre son nouveau rôle : depuis la mort de Giovanni della Casa et plus encore depuis la disgrâce de Silvestro Aldobrandini, son caractère peu robuste et d'ailleurs épuisé par tant d'intrigues passées, fléchissait sous la peur de l'Espagne. Le 26 août 1557, ayant appris la fâcheuse aventure des armes françaises à Saint-Quentin, Carlo adressait au principal allié de Philippe II, à Cosme de Médicis, ennemi des fuorusciti et tyran de Florence, une lettre qui est un monument d'inconscience ou de cynisme : Puisque Sa Majesté le roi Philippe s'est plu à charger Votre Excellence de l'autorité nécessaire pour guérir toutes les peines dont nous souffrons, on peut en attendre une excellente et heureuse fin, car nous connaissons votre bonté et la sincère observance que vous faites de notre sainte religion... Nous vivons avec le ferme espoir que bientôt le monde connaîtra l'intention de Sa Sainteté, qui a toujours désiré une bonne et vraie paix. Malheureusement, Dieu a permis que tous les autres intermédiaires, qui ont essayé de procurer cette paix, n'aient su jamais trouver la bonne voie[6]. Cosme dut rire en lisant la prose benoite et déférente que lui adressait cet aventurier qui avait tant travaillé pour bouleverser l'Italie, l'ami et le confident de Piero Strozzi.

Avant que Guise eût quitté l'État pontifical, la défection des Carafa était donc accomplie. François de Lorraine, pendant son dernier séjour à Rome, pressé de rentrer en France, avait lui-même vivement encouragé les négociations engagées par le cardinal-neveu, dans la Campagne, avec le duc d'Albe. Le 12 septembre 1557, fut signée la capitulation publique de Cavi, qui mettait fin aux hostilités entre le pape Paul IV et le vice-roi de Naples. Presque aussitôt après, les Carafa conclurent une capitulation secrète qui faisait entrer leur famille dans la clientèle de Philippe II[7].

Le 20 septembre, cinq jours après le départ de François de Lorraine, le duc d'Albe fit son entrée à Rome. Au vice-roi la Curie prodigua les mêmes marques d'amitié et de fidélité qu'elle avait données précédemment au général de Henri II. Une révolution subite, écrit alors un témoin, a fait que Rome et la Curie ont passé du parti de la France à celui de l'Espagne. Cette révolution, depuis longtemps on pouvait la prévoir : elle ne fut point subite, mais bien complète[8].

Dès lors, la politique française n'exerça plus d'influence dans la Ville éternelle. Au début d'octobre, Paul IV envoyait en France le beau-frère de Strozzi, Flaminio de Stabbia, pour demander au Roi de lui rendre ses deux petits-neveux, les fils du duc de Paliano, qui se trouvaient comme otages à la cour. Henri II refusa pendant plusieurs mois de leur donner congé : c'était la seule garantie qui lui restât contre les intrigues nouvelles du cardinal Carafa, parti pour Bruxelles, le 21 octobre, en qualité de légat[9]. Ce refus irrita vivement le pape. Enfin les deux enfants purent quitter Paris le 25 janvier 1558. On les fit voyager longtemps dans la vallée du Rhône, et ils ne rentrèrent à Rome que le 19 avril, après que la victoire eut éclairé de nouveau le visage des Français[10].

Peut-être pour ce motif plutôt que par une rencontre fortuite, il arriva que les relations officielles furent comme rompues entre la France et le Saint-Siège, pendant le mois de septembre 1557. Le nonce Cesare Brancatio avait reçu ses lettres de rappel au début de juillet, et était parti de Compiègne le 23[11]. Paul IV ne se pressa pas de lui choisir un successeur : seulement le 14 septembre il désigna Lorenzo Lenti, évêque de Fermo, et celui-ci ne rejoignit son poste qu'au mois d'octobre. De plus, au début du même mois d'octobre, Carlo Carafa rappelait de la cour de France son agent particulier, Ludovico Antinori[12]. De tels procédés étonnèrent l'entourage du Roi[13]. Il est vrai que, dans le consistoire du 20 septembre, Paul IV avait désigné comme légat auprès de Henri II le cardinal Trivulzio, qui avait été nonce, on se le rappelle, pendant la crise gallicane. Mais la mission de ce nouveau légat, au reste purement pacifique et religieuse, n'était que pour faire passer le voyage du cardinal Carafa à Bruxelles. Trivulzio partit de Rome seulement le 27 novembre[14].

Les représentants de Henri II à la Curie restèrent, jusqu'à la fin du règne, fort peu nombreux et de moins en moins influents.

Hippolyte d'Este, retiré à Ferrare, ne put regagner la bonne grâce du pape[15]. Tournon, le seul homme d'Etat capable de maintenir la dignité française en des circonstances si défavorables, ne voulait plus retourner à Rome. Le vieux cardinal italianisant, qui avait servi de ses conseils l'expédition de Guise, quittait, à l'automne de 1557, sa retraite de Castel-Durante en Ombrie pour remonter vers le Nord. Il s'arrêta quelque temps à Venise qu'il aimait, puis, au cours de l'été 1558, il alla s'établir à Conegliano, pays de bel air, non loin des montagnes du Frioul[16]. Atteint de grave maladie, il redescendit, au printemps 1559, vers l'Italie centrale et vint prendre l'eaue des baings de Lucques, où il arriva le 25 mai[17]. C'est là qu'il apprit la mort de Henri II. Pendant ces deux années, Tournon se mêla fort peu aux négociations ; il ne sortit de sa réserve que pour conseiller au Roi de faire la paix et de châtier sans pitié les hérétiques. Le conclave qui suivit la mort de Paul 1V devait ramener le cardinal dans la Ville éternelle[18].

Comme Tournon, mais avec une autorité moindre, Georges d'Armagnac avait participé aux négociations qui entourèrent l'expédition de Guise. Lui aussi malade, il s'éloigna de Rome à la fin de l'été 1557 : le 20 août, il partait pour aller s'établir à Sutri, non loin du lac de Bracciano, dans un climat plus sain[19]. Il était alors à peu près brouillé avec le pape. Henri II lui ayant envoyé son congé, il pensa d'abord à rentrer par la voie de terre, niais en définitive, le 9 octobre, il s'embarquait à Civitavecchia[20]. Le 13, il passait par Avignon, et bientôt après, arrivait à la Cour[21].

Seul des cardinaux français, Jean du Bellay restait à Rome. Il y fit fonction de protecteur de France. Mais le pauvre vieillard avait perdu tout crédit. Depuis l'affaire du décanat, Henri II lui avait retiré son estime, et même, par prudence, Jean ne pouvait songer à rentrer dans le royaume. D'ailleurs, Paul IV, bien que Du Bellay fût de ses plus anciens amis, le traitait avec une familiarité voisine du mépris : loin d'écouter ses remontrances, il ne lui permettait même plus de parler pour approuver les actes du Saint-Siège. Dans un consistoire, le 20 septembre 1557, comme le cardinal se répandait en louanges à l'adresse du pontife, celui-ci lui dit qu'il fatiguait son monde et le pria brusquement de se taire[22]. Malade, le caractère aigri, l'esprit troublé, l'ancien protecteur de Rabelais passa tristement les dernières années de sa vie. On ne le connaissait plus à Rome que par ses querelles avec les autres membres du Sacré-Collège et par la réputation qu'il avait de consulter trop souvent l'oracle de la bouteille[23]. Il put cependant éviter les foudres réformatrices de Paul IV.

La seule force vive qui restât au service de la France à Rome, était donc celle de l'ambassadeur ordinaire. Mais, après l'échec de la guerre de 1557, Odet de Selve ne se trouvait plus en bonne situation pour représenter son maître. Il demeura quelques mois encore auprès de la Curie. Le dernier acte remarquable de son ambassade fut la fête qu'il organisa le 1er février 1558 pour célébrer la prise de Calais[24]. Rappelé au printemps, il partit le 28 mai[25]. Dix jours auparavant, le 18 mai, était arrivé son successeur, débarqué la veille à Civitavecchia, Philibert Babou de la Bourdaisière, évêque d'Angoulême, ami du cardinal de Tournon[26]. Les instructions que Henri II avait remises au nouvel ambassadeur ne comportaient guère d'amitié pour les Carafa. A propos de Carlo, il y était dit : Si iceluy cardinal vient à demander si Sa Majesté a mal contentement de luy, l'ambassadeur dira franchement qu'ouy. Le Roi ne pardonnait point à Paul IV d'avoir envoyé son neveu faire des politesses à Philippe II, deux mois après le désastre de Saint-Quentin[27].

Jusqu'à la mort de Henri II, la politique française à Rome fut toute passive. L'ambassadeur expédiait les affaires courantes, sans que rien pût ranimer la fièvre des grandes ambitions qui, depuis 1547, avaient agité les rapports du Très-Chrétien avec les derniers papes de la Renaissance. C'est la fin de cette mêlée politique, diplomatique et militaire où les chefs de l'Eglise, princes temporels, avaient été naturellement entraînés par le mécanisme des guerres d'Italie. Pour longtemps, le Saint-Siège reprend son rôle pacifique. De ce changement la cause la plus efficace n'est point d'ordre politique ni militaire, mais d'ordre moral : le pontife romain découvre chaque jour davantage l'insécurité religieuse où il se trouve. En d'autres temps, le pape, déçu par son premier essai d'alliance avec l'étranger, eût simplement troqué l'amitié française contre l'amitié espagnole, selon le jeu ordinaire des politiques italiens. Mais, parmi ces marchandages, la peur de l'hérésie rappelle Paul IV, comme naguère Jules III, au souci de son devoir ecclésiastique. Il est urgent d'enrayer la désagrégation de l'organisme catholique. En montant sur le siège romain, Giovanni Pietro Carafa avait montré le désir de réformer le corps dont il devenait le chef. Entraîné par un tempérament fougueux, prisonnier de ses vieilles rancunes, livré dans sa faiblesse sénile aux poussées d'un entourage sans scrupules, le Théatin avait, pendant deux ans, plus ébranlé que restauré l'Eglise. Même après sa conversion, il ne put quitter tout à fait ses habitudes politiques. Chez ce Napolitain, la haine des Espagnols était maladie naturelle et incurable. Voulant se justifier au regard de Philippe II, Carlo Carafa, en février 1559, attribuait tous les faits du passé à la mauvaise nature du pape, qui incline vers les Français[28].

Sincèrement et vivement religieux, Paul IV soumit à la fin ses passions à son devoir. Mais il ne put obtenir de ses neveux la même résipiscence. De colère, un jour, il les brisera. Dans les derniers mois de 1558, Carlo Carafa s'efforça de rattacher des négociations avec le gouvernement royal : il voulait obtenir de fleuri II qu'il cédât, par un marché où il fut question d'Avignon, les territoires de la république de Montalcino à la famille du pontife[29]. Mais le Roi ne prit pas au sérieux ces propositions, soit par défiance à l'égard des Carafa, soit plutôt parce que des pourparlers étaient engagés déjà au sujet de Montalcino, avec le duc de Ferrare.

 

L'alliance de Hercule d'Este avec Henri II se dénoua plus difficilement que celle du pape : non que le duc répugnât beaucoup à changer de parti, mais il était homme qui ne se séparait des gens qu'après avoir tiré d'eux tout le bénéfice possible. D'ailleurs, créancier de la couronne de France, il avait de ce fait des motifs de fidèle assiduité envers le Très-Chrétien. Ses spéculations ne furent pas heureuses.

Hercule avait péché par excès d'habileté, et, au total, sa conduite pendant la campagne de Guise en Italie avait été tout à fait aveugle. Trop compromis aux yeux des Espagnols par son alliance avec Henri II pour qu'il pût espérer d'éviter les représailles du Roi catholique en cas d'échec, il avait, du reste, attiré sur soi, par une extraordinaire avarice et des procédés que nous avons décrits, la rancune de ses meilleurs soutiens français, du parti des Lorrains. Pendant l'été de 1557, l'impatience des courtisans et leur indignation contre les modes du duc de Ferrare étaient arrivées au suprême degré. Le prince trop astucieux, quémandeur insatiable et allié sans foi, s'était privé lui-même de la gratitude de ceux dont il allait bientôt implorer le secours.

Attaquer le duché de Ferrare, tel avait été le dessein des Espagnols, une fois assurés que François de Lorraine et son armée ne s'arrêteraient pas dans l'Italie du Nord, mais poursuivraient leur chevauchée vers le royaume de Naples. Au début de juin 1557, on affichait une déclaration imprimée de Philippe II qui dénonçait Hercule d'Este comme rebelle à son suzerain[30]. Un mois plus tard et davantage à la fin de juillet, lorsque furent connus les dissentiments qui régnaient entre Henri II et ses alliés et que fut avéré l'abattement du duc de Guise, les Espagnols résolurent d'envahir l'Etat de Ferrare. Le projet conçu par le roi d'Espagne prévoyait l'intervention combinée des armées de Cosme de Médicis et d'Octave Farnèse, qui, renforcées de troupes venues de Sienne, occuperaient la partie méridionale du duché de Modène Octave devait être désigné comme général de cette entreprise[31].

Depuis quelque temps Hercule se sentait menacé, lorsqu'arriva la nouvelle du désastre de Saint-Quentin. Le duc fut atterré. Il supplia les Vénitiens de le secourir, car des Français il ne pouvait espérer une aide efficace, dans la nécessité pressante où se trouvait le royaume[32]. Aussi bien Henri II n'avait pas oublié l'attitude scandaleuse de son oncle pendant les mois précédents, et il trouvait assez de bonnes excuses pour le lâcher sans scrupule. Il lui conseilla donc, après la journée de Saint Laurent, de s'accommoder avec le roy Philippe ; dans une lettre explicative adressée à François de Lorraine, il ajoutait qu'il avait hâte de voir son allié guéri des continuelles peurs et frayeurs, avec lesquelles il me tourmente incessamment[33]. D'ailleurs si le duc était pris au dépourvu, il en portait toute la responsabilité, ayant négligé, par aveuglement ou par peur, malgré les conseils qu'on lui donnait, d'occuper au bon moment les châteaux-frontières de Guastalla, Correggio et autres, et d'assurer la défense de son Etat contre les Espagnols et les Farnèse[34].

Les remontrances et les reproches de Henri II ne tiraient pas Hercule de peine. Les alliés italiens du roi d'Espagne se disposaient allègrement à dépecer la proie de Ferrare. A peine informé du désastre des armes françaises à Saint-Quentin, Cosme de Médicis, jusqu'alors si prudent, excitait le duc de Parme à détruire les restes de Monsieur de Guise[35].

Vers le 20 septembre 1557, Octave Farnèse reçut de Philippe II des lettres qui le nommaient général de l'expédition contre le duc de Ferrare et lui ordonnaient d'ouvrir les hostilités[36]. Marguerite elle-même était revenue des Pays-Bas en Italie, au mois de juillet, comme pour exciter l'ambition et l'initiative de son mari[37]. Octave réunit bien ses troupes à Borgo San-Donnino et, se disposa à entreprendre quelques opérations[38]. Mais de ce côté il n'y avait pas à craindre grand danger. Le duc de Parme, aussi rusé que son ennemi, était également poltron et avare : il ne devait guère incliner à la bravoure tant qu'il n'aurait pas reçu des renforts espagnols et touché assez de deniers pour satisfaire sa cupidité et couvrir les frais de l'entreprise. La guerre ne devint sérieuse qu'au début de l'année 1558, lorsque Ferrante Gonzague amena contre Hercule d'Este les troupes du Milanais[39]. A vrai dire, les adversaires n'échangèrent jamais que des piqûres.

On connaît assez la nature du duc de Ferrare. Il avait toujours gémi pour apitoyer ses protecteurs et obtenir d'eux des subsides, quand il ne courait aucun risque. On imagine le beau tapage de lamentations qu'il fit, lorsqu'il se vit acculé à une guerre certaine et dans les pires circonstances. Aux agents français qui se trouvèrent à sa portée, à M. de Villars, à l'évêque de Lodève, puis à François de Noailles, il adressa des plaintes violentes, montrant contenance et visage d'homme fort passionné. Il voulait être secouru de troupes ; davantage, il réclamait à cor et à cri l'argent qu'il prétendait que Henri II lui devait et dont, pour une fois, il avait besoin. Il qualifiait la conduite du Roi de chose fort estrange et de grande vergogne, il accusait le Très-Chrétien de luy avoir tiré toute sa substance, pour un peu il l'eût traité de voleur[40]. Mais le duc avait crié trop souvent mal à propos. Son éloquence, tour à tour injurieuse et larmoyante, ne produisait plus d'effet à la cour de France.

Scipion Piovene, l'ambassadeur Alvarotti, le prince Alphonse d'Este et divers agents ou familiers d'Hercule présentèrent vainement au Roi ses doléances. Henri II avait assez à faire chez lui pour oublier les infortunes de son oncle, et, même s'il eût pu se priver facilement des deniers et des troupes qui étaient alors nécessaires à la défense du royaume, il n'eût pas apporté beaucoup de zèle à secourir un homme dont il connaissait maintenant toute l'indélicatesse[41].

Les Guises eux-mêmes ne trouvaient plus le loisir ni les moyens et, d'ailleurs, n'éprouvaient pas grand désir de procurer satisfaction à ces demandes. La conduite d'Hercule à l'égard de son gendre, pendant la campagne du printemps 1557, avait détruit l'intimité qui existait entre les deux familles depuis près de dix ans. Au mois d'octobre, le cardinal de Lorraine lui-même demandait, en présence du Roi, à l'ambassadeur Alvarotti s'il n'était pas vrai que son maître se réconciliait avec Philippe II[42]. Le 17 novembre, le cardinal répondait à une lettre d'Hercule par cette exhortation non dépourvue de quelque ironie : Monsieur, j'ay regret qui ne peult estre expliqué de vous veoir si mal secouru ; mais, quant je devrois morir, je n'i pourrois faire aultre chose, car il nous est du tout impossible, et cognois le tans tel que tant plus qu'il ira avant, tant plus il nous sera nécessiteus et avecques moins de moyens de vous secourir. Et pour ce, Monsieur, comme vostre très affectionné serviteur, je vous supplie de ne perdre tans à vous mestre hors de ce travail et à recouvrer vostre repos[43]. Quant aux créances que le duc prétendait faire valoir, Henri II menaça d'envoyer à Ferrare le cardinal de Tournon, le meilleur comptable du temps, pour montrer à Hercule que les dettes de la couronne n'étaient pas si grandes qu'il le croyait[44].

De telles réponses, on le devine, ne calmèrent point les lamentations de cet insupportable allié[45]. Même lorsque, pour lui, tout danger fut écarté, il continua d'appeler au secours. Jusqu'à sa mort, en 1559, Hercule accabla le gouvernement royal de requêtes, de mémoires et d'actes juridiques en forme de sollicitations.

Il faut se garder de prendre en pitié le duc de Ferrare et d'accuser Henri II d'ingratitude. Le Roi, dans la triste situation où il se trouvait, donna l'aide la plus efficace à son oncle : il mit à son service un excellent capitaine, qui sut réveiller un peu l'énergie du prince gémissant et tirer parti des ressources du duché contre les Espagnols. En effet, Blaise de Monluc, lieutenant-général auprès de la république de Montalcino, demandait instamment à être relevé de sa charge difficile et fastidieuse. Henri II l'envoya à Ferrare[46]. Ce grand soldat, arrivé le 19 janvier 1558, resta au service de la maison d'Este jusqu'au 30 mars de cette année : son activité et son énergie tirèrent de peine l'incapable Hercule[47].

L'envoi de Monluc à Ferrare était un acte d'autant plus généreux que le Roi n'ignorait pas les négociations engagées depuis longtemps par le duc avec Philippe II, en vue d'un accord. Tandis que des agents portaient ses doléances et ses requêtes à la cour de France, Hercule s'efforçait de gagner la bonne grâce du roi d'Espagne. Menacé par les alliés italiens de celui-ci, il avait travaillé à diviser Octave Farnèse et Cosme de Médicis, dont les forces réunies pouvaient détruire son Etat. Du côté des Farnèse, la voie était fermée à tout accommodement : exaspérés par les dangers qu'ils avaient courus pendant la campagne de Guise, les petits-fils de Paul III portaient à la maison d'Este une haine ancienne, renforcée de cupidité, qu'il n'était point facile de détourner, en des circonstances si favorables à leur vengeance. Mais, du côté de Florence, il y avait moyen de négocier. Les Médicis et les Este entretenaient de vieilles relations de courtoisie, dont nous avons vu les conséquences dans le gouvernement du cardinal de Ferrare à Sienne. Au surplus, depuis longtemps, on proposait le mariage du prince Alphonse d'Este avec Lucrèce de Médicis. Dès qu'il avait appris la condamnation prononcée contre lui par le roi d'Espagne, Hercule s'était hâté d'envoyer à Florence l'un de ses agents les plus habiles, Ippolito Pagano. Des pourparlers s'engagèrent. Le Médicis se montra d'abord récalcitrant : la bataille de Saint-Quentin et l'invasion de la France par les armées espagnoles éveillaient en cet homme, d'ordinaire si prudent, le goût de l'aventure[48]. Mais, à la réflexion, il s'aperçut qu'il n'avait pas grand bénéfice à espérer d'une guerre contre le duc de Ferrare : la victoire, du reste forcément coûteuse, profiterait surtout, selon les nécessités géographiques et politiques, à Octave Farnèse. Or Cosme n'aimait pas se donner de la peine pour autrui, fût-ce pour ses meilleurs alliés. Ses propres ambitions, bornées naturellement au Nord-Ouest par la chaîne des Apennins, regardaient alors dans une direction tout opposée, vers le sud de la Toscane.

Le tyran de Florence était un homme heureux. Sa fortune, dirigée avec un art subtil et une profonde connaissance des moyens politiques, excitait l'envie des petits princes dont le jeu n'avait pas réussi. Cosme avait passé l'hiver et le printemps de 1557 dans un état d'esprit fort sombre, avec des inquiétudes plus cruelles qu'au moment de la guerre de Sienne. Mais cette épreuve, comme la première, s'était terminée par le succès d'une manœuvre infiniment adroite. Nous avons vu quelle audacieuse tromperie le Florentin avait imaginée pour détourner de son Etat l'armée du duc de Guise. Pendant trois mois, le roi de France et le pape l'avaient considéré comme un pécheur repentant, dont il fallait accepter la conversion précieuse. Les fruits de ce machiavélisme furent pour le duc doublement réjouissants. En effet, Philippe II lui-même prit la chose au sérieux : craignant de perdre le plus ancien allié de la maison d'Autriche en Italie, il céda, le 3 juillet 1557, à Cosme de Médicis tous ses droits de suzeraineté sur la république de Sienne[49]. C'était, pour le Florentin, un véritable triomphe diplomatique. Les alliés de Henri II, aux yeux desquels l'entreprise tentée par le duc de Guise en Italie paraissait déjà compromise sans remède, furent des premiers à féliciter le nouveau maître de Sienne. Hippolyte d'Este, cardinal de Ferrare, protecteur des affaires de France et ancien lieutenant du Roi en Toscane, écrivit à Cosme : Les malheurs que cette pauvre cité de Sienne a soufferts depuis si longtemps ont été tels que je serai satisfait de la vraie tranquillité et du repos qu'elle pourra recevoir par votre moyen. Et, comme on peut dire que le grand feu, qui a dévoré non seulement la Toscane, mais toute l'Italie, est né principalement à l'occasion de Sienne, il plaira à Dieu que de la pacification de cette ville naisse aussi le moyen de l'éteindre[50]. N'était-ce pas blâmer Henri II, dont les capitaines, pendant trois ans, avaient défendu la liberté de Sienne contre les Espagnols et les Florentins ?

Cosme de Médicis se trouvait donc, au lendemain du désastre de Saint-Quentin, l'arbitre et le plus fortuné des princes italiens. Trop habile et trop prudent pour abuser par la force de sa situation, il s'en servit selon sa manière ordinaire : il allait offrir aux amis de la France de les réconcilier avec Philippe II, en négociant à son propre bénéfice des marchés avantageux. Telle devait être, en particulier, sa conduite à l'égard du duc de Ferrare. Une fois investi de la suzeraineté de Sienne, Cosme rêvait d'arrondir encore son Etat par l'annexion de la petite république de Montalcino, protégée de Henri II. Il cherchait les moyens d'obtenir cette annexion, dans le trouble des affaires italiennes, lorsque Hercule d'Este, menacé et se croyant perdu, implora sa pitié. Les gémissements du Ferrarais donnèrent à Cosme l'espoir qu'il pourrait arracher Montalcino au roi de France par l'entremise de la maison d'Este. C'est pourquoi les avances d'Hercule furent, après quelques difficultés, bien accueillies à Florence. Et le bruit se répandit du mariage d'Alphonse d'Este avec Lucrèce de Médicis.

Grâce à cette entremise, des négociations furent attachées rapidement entre la cour de Ferrare et la cour de Philippe II. A la fin de l'année 1557, on élabora un premier projet de traité, qui n'aboutit pas[51]. Les pourparlers continuèrent pendant L'hiver et le printemps de 1558[52]. Le 18 mars, les termes de la réconciliation d'Hercule avec le roi d'Espagne furent arrêtés[53] et, le 29, une trêve fit cesser les hostilités entre Octave Farnèse et le duc de Ferrare[54]. Mais le traité de paix ne fut ratifié à Bruxelles que le 21 avril au soir. Ce retard s'explique par la résistance de Philippe II. En effet, le duc de Florence avait obtenu des conditions fort avantageuses pour Hercule d'Este : outre que celui-ci bénéficiait à peu près du statut quo ante, — il devait seulement renoncer à son alliance avec Henri II, — un article donnait aux troupes françaises, restées à Ferrare après l'expédition de Guise, le droit de rentrer dans le royaume en traversant les territoires espagnols, alors que la guerre battait son plein. Le roi d'Espagne signa ce traité de mauvais gré. Contraints par la peur d'accepter la médiation du duc de Florence, Philippe II et ses ministres lui gardèrent une vive rancune pour sa complaisance intéressée envers le Ferrarais[55]. Quant aux Farnèse, à qui l'on avait imposé cet accord, ils firent à triste fortune bonne mine[56]. La réconciliation d'Hercule d'Este avec le roi d'Espagne, bien qu'acceptée sans enthousiasme par ce dernier, n'en fut pas moins durable. A la fin de l'année 1558, l'ambassadeur de Ferrare pria Philippe II de renouveler à son maitre l'investiture du duché 'de Modène et de Reggio, de la principauté de Carpi, du marquisat d'Este et du comté de Rovigo[57]. Désormais, la maison d'Este resta liée avec la cour de France par des relations de famille, mais le duché de Ferrare passa sous l'influence espagnole.

Henri II et ses ministres, au lendemain du désastre de Saint-Quentin, avaient poussé Hercule à se rapprocher de l'Espagne : ils ne pouvaient raisonnablement se plaindre du fait accompli. Ils estimèrent, pourtant, que le duc était allé trop loin. Ils lui firent grief moins de son traité avec Philippe II que de son entente avec le duc de Florence, Cosme de Médicis.

C'est le 11 avril 1558 que le Roi prit connaissance de l'accord, arrêté le 18 mars, dont la ratification devait être soumise au gouvernement espagnol : il n'y fit pas d'objection[58]. Le 19 mai, il rappelait les troupes et les capitaines français, qui se trouvaient encore à Ferrare et dont le traité autorisait, comme on l'a dit, le libre passage à travers l'Italie du Nord[59]. Mais Henri II n'accepta pas si facilement le projet de mariage d'Alphonse d'Este avec Lucrèce de Médicis. Ce projet était, en effet, très grave, parce qu'il soumettait dans l'avenir la politique ferraraise au gré des ducs de Florence. Tous les moyens furent employés pour l'empêcher de réussir. Dès le début de l'année 1558, le gouvernement royal offrait à Alphonse d'Este la main de Marguerite de France, sœur du Très-Chrétien, avec deux cent mille écus de dot et les territoires de la république de Montalcino[60]. Les Guises, qui fondaient quelque espoir sur l'héritage de la maison d'Este, — d'autant que le prince Alphonse passait pour incapable de procréer, — menaient une inOigue acharnée. Le cardinal de Lorraine travaillait à vaincre la répugnance de Marguerite. Anne, duchesse de Guise, pour contrarier les projets de son frère, insultait les filles de Cosme de Médicis : Ce sont de vilaines garses ! s'écriait-elle[61]. Et elle ajoutait ces considérations, qui paraissent vraiment savoureuses quand on songe que la reine de France était une Médicis : Mon cœur ne sauroyt porter d'avoyr pour ma seur aysnée une telle fille et pour mes alliés des niarchans qui ne sont point dignes de se nommer nos serviteurs, et encore sans mille autres imperfections que l'on m'a asseuré que toute leur race a, et le dit-on communément parmi tous les grans de cete compagnie, qui est qu'elles sont non seullement bossues, mays si fort bides qu'elles en sont monstrueuses et font peur aus gens[62]. Rien n'ébranla la volonté d'Hercule ; il força même son épouse, Renée de France, à faire des politesses au duc de Florence[63].

Le 29 mai, Alphonse d'Este épousait, en Toscane, Lucrèce de Médicis. Le prince reprit bientôt après la route de France, dégoûté de son mariage. Il resta près d'un an à la cour de Henri II, où il eut à résoudre des questions d'argent, de politique et d'amour[64].

Ce mariage florentin refroidit beaucoup les relations de famille entre la maison de Valois et la maison d'Este. Alphonse lui-même ne trouva plus auprès de son beau-frère, le duc de Guise, la cordialité d'antan : il se sentit surveillé. Aussi bien une telle méfiance était fort justifiée. Cosme de Médicis, dont la fille n'avait pu retenir le prince volage, possédait pleinement l'esprit de son gendre et peu s'en fallut qu'il ne fit de lui un espion. Alphonse ménagea par intérêt les sentiments des Français, mais il servit de loin la cour de Florence. Lorsque le grand fuoruscito Piero Strozzi, ami de François de Lorraine et compagnon d'armes de tous les capitaines du Roi, fut tué au siège de Thionville, l'héritier d'Hercule s'empressa de féliciter son beau-père[65].

Entre le duc de Ferrare et Henri II, il n'y avait plus matière qu'à disputes d'argent, marchandages et règlement de dettes. Désespérant d'obtenir le remboursement de ses créances, Hercule fit demander au Roi, comme compensation des sommes prêtées, qu'il consentît à lui céder les territoires de la république de Montalcino ; non que le duc voulût garder cet Etat, mais il espérait le vendre plus tard à Cosme de Médicis. La partie devint serrée, au printemps de 1558. Cornelio Bentivoglio, capitaine, que des liens étroits attachaient à la maison d'Este, fut le principal négociateur de ce marché : trafic honteux, puisqu'il s'agissait de vendre la liberté des Siennois exilés, à leur insu. Henri II ne repoussa pas l'offre quant au fonds, mais il demanda un prix exorbitant : quatre cent mille écus pour des terres assez maigres[66]. Le duc ne voulait pas payer si cher. Il ne put obtenir de rabais : C'est à luy de dire et faire entendre à Sa Majesté ses vouloir et délibération, déclaraient sèchement les ministres royaux[67], D'autre part, Paul IV et le cardinal Carafa demandaient à Henri II, comme on l'a dit, ces mêmes territoires de Montalcino : ils offraient de lui céder en échange l'Etat d'Avignon. L'intervention des Guises fut, dans cette affaire, très fâcheuse pour les intérêts du royaume : ils firent écarter l'offre .du Saint-Siège, afin de ne pas gêner les négociations qui étaient en cours avec le duc de Ferrare[68]. Ces négociations durèrent jusqu'au printemps de 1559. Nous verrons comment le traité du Cateau-Cambrésis y mit un terme de façon imprévue.

La victime des incidents qui brouillèrent les rapports entre la cour de France et la cour de Ferrare, à la suite de l'expédition de Guise, fut Dominique du Gabre, évêque de Lodève. L'ardent diplomate, nous l'avons dit, remplissait, depuis 1554, les triples fonctions d'ambassadeur à Venise, de trésorier des armées françaises en Italie et de représentant du Roi auprès de la maison d'Este. Après la trêve de Vaucelles, l'excellent Toulousain avait perdu l'amitié d'Hercule : Du Gabre défendait jalousement les deniers de son maitre, tandis que le duc s'efforçait de les attirer clans sa caisse. Témoin scandalisé de l'avarice du Ferrarais, l'ambassadeur montra une telle insolence que le prince ne voulut plus recevoir ses communications[69]. Par lettre, datée de Compiègne le 22 juillet 1557, Henri II informa du Gabre qu'il lui avait désigné un successeur, François de Noailles, évêque de Dax[70]. Parti de Venise au mois de novembre et arrivé à Paris le 29 décembre, Dominique y mourut le 1er février 1558, de mort subite, presque disgracié[71]. Noailles avait quitté Paris le 20 août 1557, quelques jours après le désastre de Saint-Quentin[72].

Le nouvel ambassadeur trouva bon accueil à Venise. La journée de Saint Laurent n'y avait point modifié les dispositions politiques. Quelques seigneurs de Saint-Marc voulurent, il est vrai, honorer Emmanuel-Philibert du titre de citoyen[73]. Mais les marchands de l'Adriatique, enrichis depuis longtemps par la neutralité, n'inclinaient pas à changer d'attitude. Ils avaient repoussé jadis les offres de Henri II victorieux, ils ne l'accablèrent pas au jour de sa défaite. Pendant l'année 1558, tous les ambassadeurs de Venise travaillèrent à préparer la paix[74].

Des événements qui suivirent la campagne de Guise, seuls, en Italie, les Farnèse eurent réellement à se plaindre. La réconciliation de Philippe il avec le duc de Ferrare, par l'entremise de Cosme de Médicis, leur enleva toute chance de s'agrandir au détriment de la maison d'Este. Et ils perdirent beaucoup en France. Henri II confisqua les bénéfices que le cardinal Farnèse possédait dans le royaume et en fit don au cardinal de Ferrare[75]. Le 30 novembre 1557, il chassait de la cour tous les agents et serviteurs de la famille Farnèse[76]. C'était frapper fort. Alexandre, privé de la plus grosse part de ses revenus, se plaignit que le Roi eût violé les lois ecclésiastiques et invoqua la médiation du pape. Celui-ci intervint en effet, mais sans succès[77]. Au printemps de 1558, comme pour achever la rupture des petits-fils de Paul III avec la France, le duc d'Urbin, Guidobaldo della Rovere, époux de Vittoria Farnèse, renonçant à la neutralité qu'il avait jusqu'alors observée, se mettait sous la protection de Philippe II[78].

Le 29 septembre 1558, au camp d'Amiens, eut lieu l'assemblée solennelle des chevaliers de Saint-Michel. Le cardinal de Lorraine, chancelier de l'Ordre, prit la parole, les statuts en main : il rappela quels devoirs réciproques de fidélité unissaient les chevaliers au Roi, il énuméra tous les bienfaits qu'Octave Farnèse avait reçus du Très-Chrétien et déclara quelle ingratitude le duc en avait montrée, puis il demanda à chacun son jugement. Les chevaliers, unanimes, répondirent qu'Octave avait mérité la dégradation. Alors le prévôt de l'Hôtel arracha l'écu du duc de Parme, le brisa et le fixa de nouveau la pointe en l'air, en signe de honte. Dans la même séance, fut dégradé Paolo Giordano Orsini, qui avait renvoyé au Roi les insignes de l'Ordre. Orsini était gendre de Cosme de Médicis et beau-frère d'Alphonse d'Este : celui-ci, invité à l'assemblée, refusa d'y assister[79].

Quelques mois après la bataille de Saint-Quentin, Henri II, par une suite naturelle et très humaine des malheurs de 1557, se trouvait détaché de presque tous les princes italiens. Une seule famille restait obstinément fidèle à la couronne de France, celle des Pico de La Mirandole[80]. Quant aux fuorusciti, quelques-uns servaient dans l'armée du Roi sous les ordres du duc de Guise, le plus grand nombre s'était soumis au nouveau destin de la Péninsule, et l'on voyait figurer, parmi les capitaines de Cosme de Médicis, un homme tel qu'Aurelio Fregose[81]. La division des territoires, il est vrai, n'avait pas beaucoup changé : en 1558, les troupes royales occupaient encore le Piémont et la république de Montalcino. Mais sur ces territoires, la vie politique et militaire des Français est devenue passive, souvent inerte, et ce défaut d'initiative, qui marque bien un changement radical dans la direction des forces vives du royaume, prépare un recul définitif. Parmi les princes italiens, gent faible et fourbe qui suit toujours l'étranger vainqueur, le prestige du Très-Chrétien est ruiné. Spectateurs effrayés ou déçus de la campagne de Guise et de ses conséquences, les ducs de la Péninsule mesuraient le désastre du roi de France à la discrétion de ses agents et à l'avarice de ses trésoriers. Henri II n'achetait plus d'alliances : c'était le signe d'une détresse irréparable. Par un mouvement qu'on dirait solidaire, dès 1558, tous les anciens bénéficiaires de la politique française se soumettent à l'hégémonie espagnole. Dans les petites cours et sur les places des cités, on commente les malheurs du royaume d'outremonts : le Très-Chrétien n'a plus en Italie que des ennemis ou des créanciers[82].

Un réveil n'était pas impossible. Forcés de montrer un recueillement pénible, les Guises ne désespéraient pas de pouvoir rouvrir, un jour, le conflit dans la Péninsule. Mais l'état du royaume, l'anarchie du gouvernement, l'effroyable misère du peuple, les progrès de l'hérésie, tous les maux qui apparaissent, une fois la gloire éteinte, s'imposent déjà à l'esprit de Henri II. La force de ses scrupules et une vision très juste, quoique partielle, de la réalité, conduiront bientôt le Roi hors des voies traditionnelles de la magnificence extérieure.

 

Si l'on pouvait mieux distinguer, dans les actes du gouvernement, ce qui appartient au souverain de ce qui est l'enivre des ministres, on verrait sans doute qu'après le désastre de Saint-Quentin et jusqu'à la fin de son règne, la personnalité de Henri II s'est affirmée plus vivante qu'auparavant. Pendant les deux dernières années de sa vie, les contemporains assistèrent à un revirement complet de la politique française, à un arrêt brusque des forces orientées depuis soixante ans vers l'Italie. Ce changement, commandé par les circonstances, n'eût peut-être pas abouti si vite, sans l'influence personnelle que prit alors le Roi dans la direction de ses propres affaires : influence relative, du reste, où se manifeste la maturité, enfin acquise, d'une nature trop timide qui craint toujours l'indépendance. C'est un fait étonnant que, pendant l'année 1558, les Guises, livrés à eux-mêmes, en l'absence de Montmorency qui était prisonnier, durent, pour leur plus grande gloire, suivre la politique qu'avait indiquée, depuis longtemps, leur rival, adopter même et exécuter les projets militaires qu'il avait formés. A vrai dire, en ce faisant, ils obéirent à la volonté discrète, mais tenace, de Henri II.

La personnalité du Roi s'était affermie dans le malheur. Il est certain, — on en trouvera plus loin les preuves, que, devant les réalités douloureuses de la campagne de Guise en Italie et du désastre de Saint-Quentin, l'esprit de Henri II, jusqu'alors confiant, chevaleresque et un peu puéril, se recueillit dans un grand effort de méditation. Le premier mouvement du souverain avait été de colère contre Montmorency, dont la maladresse militaire était la cause immédiate du désastre. Puis, son intelligence, aussi droite que son caractère, comprit toute l'ampleur du problème. Eclairée par la mauvaise foi des alliés italiens, des Carafa, des Este, des Farnèse, et soutenue par la rancune très vive qui l'excitait naturellement contre les traîtres, sa réflexion s'élargit et le conduisit jusqu'au remords : remords d'avoir rompu la trêve de Vaucelles, remords d'être resté sourd aux avis du Connétable. Ce remords devait s'alimenter, pendant l'année 1558, d'arguments de toute sorte, matériels, politiques et moraux.

L'intervention plus personnelle du Roi dans le gouvernement de ses affaires produisit des conséquences nombreuses, diverses, toutes graves. Connaissant le tempérament de l'homme, son caractère entier, rigide et toujours naïf, on pouvait craindre qu'il n'accomplît des changements trop brusques et partant dangereux, qu'il ne subit une conversion trop radicale. Nous verrons, en effet, ce qu'il y eut d'excessif et de funeste dans quelques actes de la dernière politique de Henri II. Mais, si le revirement fut précipité, maladroit et fâcheux par la suite, il entraîna d'abord des résultats excellents.

C'est proprement au Roi qu'appartient la gloire d'avoir recouvré Calais.

Les historiens protestants attribuent à Coligny le mérite de ce dessein. Brantôme dit, en effet, que l'amiral fut le premier invanteur de l'entreprise, qu'après la trêve de Vaucelles, il avait fait reconnaître la ville par François de Bricquemault, sieur de Beauvais, et que, sur le rapport de celui-ci, il avait rédigé un mémoire et soumis un plan à Henri II[83]. D'autre part, les historiens catholiques, forts du fait même et de la tradition, donnent à François de Lorraine tout l'honneur de cet exploit. En vérité, l'un et l'autre de ces deux capitaines illustres ne firent que réaliser la pensée de leur maître. Le Roi, on l'a dit au début de cet ouvrage, pensait, depuis son avènement, à recouvrer Calais. Après la campagne de Boulogne, en 1549, il avait déclaré son intention de chasser les Anglais du continent, et ensuite, par un espionnage continu et des négociations secrètes, il avait tenté de réaliser ce dessein. Montmorency, prisonnier en Flandre, avouait à un ministre de Philippe II, au mois de janvier 1558, que la conquête de Calais était préparée depuis plus de quatre ans[84].

Les troupes victorieuses du duc de Savoie, brusquement arrêtées après la prise de Saint-Quentin, n'avaient pu empêcher Henri II de réunir à Compiègne une nouvelle et puissante armée de défense. Cette armée était prête, au mois de novembre 1557. Le Roi tint conseil pour délibérer sur le plan de campagne. Lui-même prit la parole et proposa de diriger, en plein hiver, un coup de main sur Calais. Mais il se trouva seul de son avis : personne n'adhéra et la majorité du Conseil se déclara hostile à ce projet. Interrogé, le duc de Guise ne voulut ni approuver ni blâmer le dessein de son maître. Alors, Henri II passa outre et assuma toute la responsabilité de l'entreprise[85].

On sait avec quelle rapidité et quelle précision François de Lorraine exécuta la volonté du Roi. L'action fut certainement plus facile qu'on ne l'avait prévu. Mais jamais, sous ce règne, entreprise n'avait été préparée avec autant de méthode et réalisée avec autant de sûreté. La conquête de Calais, achevée le 13 janvier 1558, étonna tous les hommes de guerre et Henri II lui-même, car cette place était forte par la nature, par la mer et par l'art[86]. Le vainqueur montra une rare générosité et ne vengea pas sur la population les horreurs que les Espagnols avaient commises à Saint-Quentin[87].

Promoteur de cette glorieuse conquête, Henri II put être fier de son coup d'essai. Avec le Roi, toute la France s'éveilla de la torpeur douloureuse où l'avait plongé le désastre de Saint Laurent. Les États-Généraux, qui étaient alors réunis à Paris, firent plus nationale l'allégresse de la Cour[88]. Le 16 janvier, une procession solennelle d'action de grâces se déroula dans cette capitale délivrée de la peur[89]. Ce même jour, le Dauphin François, le jeune duc de Lorraine et le cardinal de Châtillon partirent pour aller visiter la nouvelle conquête. Le lendemain, 17, Henri II lui-même, accompagné des cardinaux de Lorraine et de Guise, du prince de Condé, d'Alphonse d'Este et d'une foule de gentilshommes, prit la route de Calais[90]. Le 4 février, il rentrait à Paris : sa joie était radieuse[91].

Pendant le printemps et l'été de 1558, la campagne militaire se poursuivit avec un égal bonheur, illustrée surtout par la prise de Thionville et celle de Dunkerque[92].

 

La victoire de Calais retentit en Europe presque aussi fort que le désastre de Saint-Quentin.

Les Italiens, à peine installés dans le parti de l'Espagne et craignant d'être encore dérangés, accueillirent cet événement avec triste mine[93]. Aussi bien les agents de Philippe II s'efforcèrent d'amoindrir la renommée de ce fait d'armes en attribuant la chute de la ville à la trahison[94]. Mais cette nouvelle réjouit tous ceux qui désiraient la paix générale. Le roi de France n'eût pas accepté de négociations sous le coup de la défaite ; une fois la honte effacée, on pouvait engager des pourparlers honorables[95]. Aux diplomates royaux la prise de Calais rendit la vigueur morale et le sang-froid.

En d'autres circonstances, ce succès eût peut-être ramené vers l'Italie la pensée du Roi et de ses courtisans. Deux Napolitains, Giulio Brancatio et un certain Vespasiano, serviteur du prince de Salerne, entraînant les troupes à l'assaut, avaient planté l'étendard français sur le château de Calais. Henri II fit publier ce fait dans toute la Péninsule ". Le maréchal Piero Strozzi, le célèbre fuoruscito, fut lui aussi un des héros du combat. Pour reconnaître sa bravoure, le Roi lui donna trente mille écus à prendre sur les laines trouvées dans la ville, lui permit de tirer rançon du gouverneur de Gaines fait prisonnier et, marque singulière d'estime, le créa membre du Conseil privé, — de ce Conseil qui dirigeait la politique générale et guidait l'esprit du souverain[96]. Devenu l'égal des plus grands et membre du gouvernement, Strozzi put oublier ses malheurs. Mais il ne jouit pas longtemps de cette fortune imprévue. Après avoir passé le carême dans le recueillement, faisant la diète et s'adonnant à l'estude des lettres grecques et de filosofie et à la traduction des Commentaires de César, il eut une dernière joie, le mariage de sa fille Clarisse, que dota Catherine de Médicis, avec un neveu du Connétable, Honorat de Savoie-Tende. Les noces furent célébrées au début de mai[97]. Puis, le grand Florentin partit pour assister au siège de Thionville : il y fut tué le 20 juin 1558[98]. Ainsi disparut une des figures les plus caractéristiques de l'histoire de Henri II : condottiere magnifique, dont la violence, les infortunes et les erreurs ne diminuent pas la noblesse et le superbe désintéressement. La Reine apprit cette mort avec une grande douleur. Le Roi lui-même, très ému, voulut récompenser dans sa famille le dévouement de Strozzi. La veuve de celui-ci, Laudamina de Médicis, reçut une pension annuelle de mille écus, la jouissance d'une terre de six mille livres d'entrées et la promesse d'être attachée durant toute sa vie à la maison royale. Au fils du maréchal, Filippo Strozzi, Henri II donna le titre de gentilhomme de la Chambre, une pension de quatre mille francs et la jouissance d'une terre de dix mille livres de revenu, qu'avait possédée son père[99]. Piero avait dépensé toute sa fortune au service du Roi.

Comme il était naturel, les Guises tirèrent de la victoire de Calais les meilleurs profits. Heureusement orienté par son maître, François avait réalisé un rêve séculaire de la dynastie : Henri II lui en montra une gratitude généreuse. La gloire du vainqueur fut exploitée surtout par ses frères. A la nouvelle de ce fait d'armes, le cardinal de Lorraine avait laissé paraître une joie puérile : les courtisans, qui connaissaient son avarice, le virent avec stupeur offrir à sa belle-sœur, Anne d'Este, un collier de cinquante perles, estimé deux mille cinq cents écus[100]. Le duc de Guise n'avait-il pas par sa victoire effacé la honte du désastre de Saint-Quentin, réparé le méfait du Connétable ?

Dès le mois de novembre 1557, le jeune cardinal Louis de Guise était entré au Conseil privé[101]. Au début de mars 1558, le dernier né des Lorrains, filleul de François et grand prieur du royaume, fut nommé général des galères au lieu du baron de La Garde[102]. Henri II promit alors au duc d'Aumale le gouvernement de Piémont[103].

La victoire de Calais eut un résultat beaucoup plus grave : elle assura définitivement le mariage de Marie Stuart, nièce des Guises, avec le Dauphin François, héritier de la couronne et fils préféré de Catherine de Médicis.

Cette union, on l'a vu, était décidée depuis longtemps, depuis les premières années du règne[104]. Mais, en fait, Montmorency, par une vigilance sournoise, avait retardé la conclusion de tout engagement : il espérait bien que l'occasion s'offrirait, un jour, d'écarter du trône ses rivaux et leur nièce. De leur côté, les Guises, qu'exaspérait l'attente, guettaient le moment propice pour fonder sur ce mariage leur fortune à venir. Après la journée de Saint Laurent, la famille de Lorraine, délivrée du Connétable qui était prisonnier, put préparer et hâter la réalisation de son plus cher dessein. Au mois de novembre 1557, Henri II agréait la proposition et fixait la cérémonie des fiançailles au jour des Rois de l'année suivante.

Alors, Montmorency, dans un dernier effort pour arrêter ses rivaux, inventa une manœuvre extraordinaire. De sa prison de Gand il ne pouvait agir directement sur l'esprit du Roi que par un tour de ruse : il y réussit. Dans la deuxième semaine de décembre 1557, arrivait à Saint-Germain-en-Laye un Espagnol qui venait de Flandre. Il montra des lettres, signées de Montmorency, pour avoir accès à la personne du souverain. Henri II lui accorda une audience secrète, qui dura fort longtemps. On sut bientôt après l'argument de cet entretien : au nom du Connétable, l'Espagnol avait proposé au Roi le mariage du Dauphin François avec la sœur de Philippe II et le mariage d'Élisabeth de France, fille aînée du Très-Chrétien, avec l'infant d'Espagne, Don Carlos.

Cette offre surprenait Henri II alors qu'il était encore écrasé par le désastre de Saint-Quentin, dégoûté de la guerre, niai sûr de ses desseins et de sa politique, écœuré par la défection de ses alliés italiens et inquiet de l'avenir. Dans son humiliation, il devait considérer la démarche du roi d'Espagne comme une bonne fortune. Montmorency avait-il reçu vraiment une proposition de Philippe II, ou bien n'était-ce là qu'une manœuvre de courtisan astucieux ? A défaut de preuve confirmant la première hypothèse, il faut admettre la seconde que justifient assez le caractère et les procédés ordinaires du Connétable. Le Roi suspendit aussitôt les préparatifs du mariage de son héritier avec Marie Stuart et retarda les fiançailles, d'abord fixées au 6 janvier, jusqu'à une date indéterminée. Il voulait, disait-on, soumettre le cas au jugement des États-Généraux, convoqués à Paris pour les premiers jours de l'année 1558[105].

Il est certain que Henri II reçut d'autre part encore des propositions semblables : les Bourbons, en particulier, s'opposaient secrètement au mariage de Marie Stuart avec le Dauphin. Mais la prise de Calais sauva les Guises d'un échec qui eût été définitif. Cette victoire ravivait la gratitude du Roi envers les Lorrains et donnait à son orgueil assez de force pour mépriser les offres de Philippe II. Je veux que ce mariage se fasse, déclara Henri II, afin qu'on ne me casse plus la tète avec des propositions d'autres partis et qu'une fois le fait accompli, on s'occupe d'autre chose[106].

Paris et la cour se préparèrent fébrilement aux cérémonies[107]. Les fiançailles eurent lieu le 19 avril : par contrat, signé ce même jour, le Dauphin assurait à sa future épouse un douaire de soixante mille écus de rente en Touraine[108]. Les noces furent célébrées le 24 avril 1558[109]. L'épouse était âgée de quinze ans, l'époux de quatorze ans. Le 11 juillet suivant, Henri II accordait des lettres de naturalité aux Écossais[110]. Au soir des fiançailles, pendant le bal, Antoine de Bourbon, roi de Navarre, qui dansait, passant devant l'ambassadeur de Venise, lui dit à l'oreille : Ambassadeur, tu vois réalisée aujourd'hui une chose à laquelle très peu de gens ont cru jusqu'à cette heure ![111]

On avait décidé d'abord de célébrer aussi le mariage de Claude de France, seconde fille de Henri II, avec le jeune duc Charles III de Lorraine. Mais la duchesse douairière, Christine de Danemark, craignant que cette union n'excitât la mauvaise humeur du roi d'Espagne, fit retarder les noces, qui devaient augmenter encore le prestige des Guises.

Après la victoire de Calais, le mariage du Dauphin avec Marie Stuart et la prise de Thionville, le cardinal de Lorraine se crut maître absolu des affaires[112]. En quelques mois il fit exécrer du peuple le nom de Guise. Fort de l'appui que lui donnaient l'héritier de la couronne et Catherine de Médicis, — les puissances de l'avenir, — il blessa Diane de Poitiers et perdit la faveur du Roi lui-même. Au mois d'octobre 1558, son confident Alvarotti avouait au duc de Ferrare : Ces seigneurs de Guise sont très mal voulus : on leur reproche d'accaparer les charges et les honneurs, de n'estimer personne et de mécontenter tout le monde. En particulier, le cardinal de Lorraine est détesté[113]. Inquiète de ces inimitiés croissantes, la jeune duchesse de Guise, Anne d'Este, avertit un jour son beau-frère : Je sais, répondit le cardinal, que l'on me veut du mal et je le regrette, mais, enfin, on ne me hait que parce que je défends les droits du Roi[114].

Tel n'était pas l'avis de Henri II. Incapable de tenir tête aux Lorrains soit par timidité naturelle, soit par ignorance des choses du gouvernement, il se détachait d'eux, cependant, de plus en plus. Il brûlait du désir de revoir le Connétable[115]. On ne peut bien connaître le caractère du Roi et comprendre pourquoi tant d'intrigues agitèrent son règne qu'après avoir lu les lettres secrètes qu'il adressa à Montmorency, pendant l'année 1558. Ne vous voyant point, lui écrivait-il, les jours me durent années. Encore : Je vous prie, mon compère, de croire que je n'ai jamais eu bien depuis que je ne vous vis, ni n'aurai, que Dieu ne me fasse cette grâce de vous revoir en bonne santé. Cependant, assurez-vous que autre occasion que celle de la mort ne me saurait séparer d'avec vous, laquelle j'estimerais heureuse et mourrais content quand je verrais une bonne paix et l'homme du monde que j'aime et estime le plus. Et pour cela, ne craignez de vous mettre à rançon à quelque prix que ce soit, car je n'épargnerai chose qui soit en ma puissance pour vous ravoir. Et cette lettre, écrite après l'affaire d'Andelot et qui en explique le dénouement : Faites semblant d'être fort content de ceux qui sont auprès de moi. Je ne vous le dis sans raison. Votre femme se porte bien ; aussi font tous vos enfants. J'en ai les trois aînés ici avec moi assurez-vous que je leur servirai de père en votre absence... Je ferais tort à Madame de Valentinois si je ne vous témoignais quelle amie elle vous est... La vie de votre ami ne dépend que de la vôtre. Ce porteur vous dira un propos touchant Andelot : ne vous en fâchez point, car tout ira bien[116].

Au mois de juillet 1558, le Roi trouva dans sa propre chambre le pasquin suivant :

Monsieur le cardinal de Lorrene gaste tout,

Monsieur de Guise pert tout,

Madame de Valentinois empoigne tout,

Monsieur le cardinal de Sens scelle tout,

La court de Parlement accorde tout,

Monsieur le cardinal de Chastillon escoute tout,

Le Roy souffre tout,

Le Diable emportera tout[117].

Cette mauvaise plaisanterie exprime sans doute la rancune de quelque protestant contre la Cour.

 

 

 



[1] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1557, 24 octobre, Poissy (Arch. d'Etat de Modène, Francia ; orig.). — Cf. Mémoires-Journaux de Guise, p. 387.

[2] Herc. Strozzi au duc de Mantoue, 1556, 29 octobre, Poissy (Arch. d'Etat de Mantoue, Francia ; orig.).

[3] BRANTÔME, Œuvres, éd. Lalanne, t. IV. p. 230.

[4] Ant. Babbi au duc de Florence, 1557, 21 septembre, Rome (Arch. d'État de Florence, Mediceo, 3277 ; orig.).

[5] Ant. Babbi au duc de Florence, 1557, 21 septembre, Rome (Arch. d'État de Florence, Mediceo. 3277 ; orig.). — Cf. R. ANCEL, La nouvelle de la prise de Calais à Rome (Annales de S. Louis des Français, 1905).

[6] Carlo Carafa au duc de Florence (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3724, fol. 455 ; orig.).

[7] Le texte des capitulations se trouve en original dans le Liber Jurium, découvert par D. René Ancel (Arch. Vatic., Miscellanea, X, 197, fol. 347-349). — Marchio Valerii à Fulvio Orsini, 1557, 18 septembre, Rome (Arch. d'Etat de Parme, Roma ; orig.). — Ant. Rabbi au duc de Florence, 1557, 27 septembre, Rome (Mediceo, 3277 : — Cf. G. COGGIOLI, Paolo IV e la capitolazione secreta di Cavi (Pistoia, 1900, in-8°) ; THEINER, Codex diplomaticus Sanctæ Sedis, t. III, pp. 539-540 ; G. DURUY, Carlo Carafa, pp. 250 et s. ; R. ANCEL, Nonciatures de Paul IV, I, I, p. CVIII.

[8] Ant. Rabbi au duc de Florence, 1557, 17-21 septembre, Rome (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3277 ; orig.). — Archivio stor. ital., 1a série, t. XII, p. 220, n. 1. — R. ANCEL, La nouvelle de la prise de Calais à Rome (Annales de S. Louis des Français, 1901).

[9] J Alvarolti au duc de Ferrare, 1557, 24 octobre, Poissy (Arch. d'Etat de Mantoue, Francia ; orig.).

[10] V. Buoncarnbi à Octave Farnèse, 1558, 12 janvier, Rome (Arch. d'Etat de Parme, Roma ; orig.). — L'évêque de Fermo au cardinal de Naples, 1558, janvier, Paris (Arch. Vatic., Principi, XI, fol. 339 ; orig.). — Gianfiglazzi au duc de Florence, 1558, 25 février, Rome (Mediceo, 3277, fol. 417 ; orig.) — Lettres de G. Balmatio au cardinal Farnèse, p. p. L. ROMIER (Extr. de la Bibl. de l'Ec. des Chartes, t LXXI, p. 6). — G. Grandi au duc de Ferrare, 1558, 20 avril, Rome (Arch. de Modène, Roma ; orig.). — Pasino de' Giusti au cardinal Farnèse, 1558, avril, Rome (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fasci nuovi, II ; orig.). Carlo Carafo à Ruy-Gomez, 1558, 3 mai, Rome, p. p. G. DURUY, Carlo Carafo, p. 403.

[11] G. Soranzo au duc de Venise, 1558, 23 juillet, Compiègne (Arch. d'Etat de Venise, Francia ; orig.). Cf. RAWDON-BROWN, Calendar... Venice, VI, II, 1227.

[12] Lettre d'Alvarotti supra citée.

[13] Cf. sur ces faits, R. ANCEL, Nonciatures de Paul IV, I, II, p. 575, n. 4.

[14] Arch. Vatic., arm. XLII, X. fol. 115 et suiv. ; min. — Gianfiglazzi au duc de Florence, 1557, 26 novembre, Rome (Mediceo, 3277, fol. 279 ; orig.).

[15] Le cardinal de Ferrare au duc de Florence, 1558, 19 décembre : 1559, 9 mai. Ferrare (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 611. fascic. 11 ; orig.).

[16] Le cardinal de Tournon au duc de Ferrare, 1558, 19 janvier, Venise ; 31 août, Conegliano (Arch. d'Etat de Modène, cardinali, Tornone ; orig.).

[17] Le cardinal de Tournon au duc de Ferrare, 1559, 9 mai, Modène ; 25 mai, Bains de Lucques (Arch. de Modène, Tornone ; orig.). Le même au cardinal Farnèse, 1559. 9 mai, Modène (Arch. d'Etat de Parme, Modena ; orig.). Le même au duc de Florence, 1559, juin, Bains de Lucques (Mediceo, 3725, fol. 542 ; orig.). — Marchio Valerii au cardinal Farnèse, 1559, 20 mai, Rome (Arch. d'Etat de Naples, carte Farnes., fascio 691, fascic. V ; orig.).

[18] Bibl. Nat., ms. fr. 20.444.

[19] G. Grandi au duc de Ferrare, 1557, 20 août, Rome (Arch. de Modène, Roma ; orig.).

[20] Le cardinal d'Armagnac au duc de Florence, 1557, 23 septembre, S. Giacomo di Sutri, annonce son départ pour la France (Mediceo, 3724, 508 ; orig.). — Le même au cardinal Carafa, 1557, 23 septembre, S. Giacomo di Sutri, p. p. Ch. Samaran dans les Mél. d'arch. et d'histoire, t. XXII, p. 99. — Ant. Babbi au duc de Florence, 1557, 7 octobre, Rome (Mediceo, 3277, 194 ; orig.).

[21] J.-M. Sala au cardinal Farnèse, 1557, 14 octobre. Avignon (Arch. de Parme. Francia ; orig.).

[22] Navagero au Sénat de Venise, 1557, 21 septembre, Rome (RAWDON-BROWN, Calendar... Venice, VI, II, 1319-1320). Cf. R. ANCEL, La nouvelle de la prise de Calais à Rome (Annales de S. Louis des Français, 1905, p. 256).

[23] Lettres de J. du Bellay (Arch. Vatic., Principi, XI, fol. 514-536). Pasino de' Giusli au cardinal Farnèse, 1558, 3 août, Rome (Arch. de Naples, C. Farnes., fasci nuovi, II ; orig.).

[24] O. de Selve au cardinal de Lorraine, 1558, 2 février, Rome : ... Il m'a semblé expédient, après les actions de grâces rendues à Dieu en l'église de Sainct-Louys en ceste ville, en assistance de la meilleure compaignye que je y ay peu assembler de cardinaulx et chevaliers de l'Ordre, evesques, prèlatz et gentilzhommes, en faire la démonstration d'allégresse que lelle chose mérite. De bon nombre de cardinaulx que je y avois invité, je n'y ay sceu avoir que Mess. les cardinaulx du Bellay, Sermonette, Strozzi, Dandin et Reomanus, desquelz les deux derniers n'ont assisté qu'a la messe, s'excusantz du disner pour indisposition de leur personne. Les chevaliers de l'Ordre qui y ont esté sont le sr Don Francesco d'Este, le comte de l'etillan et le sr Paul Jourdan Ursin. J'en avois pryé M. le duc de Paliano, qui nous l'avoit promictz asseurément, mais ce matin il s'en est excusé, alléguant que le pape n'avoit pas trouvé bon qu'il y veint, ce qu'il avoit très bonne voulenté de faire (Bibl. Nat., ms. fr. 20413, fol. 113 ; orig.). — Pasino de' Giusti au cardinal Farnèse, 1558, 28 janvier, Rome (Arch. d'Etat de Naples, C. Farnes., fasci nuovi, II ; orig.). — Cf. ANCEL, La nouvelle de la prise de Calais à Rome (Annales de S. Louis des Français, 1905).

[25] Gianfiglazzi au duc de Florence, 1558, 28 mai, Rome (Mediceo, 3278, 76 ; orig.).

[26] Gianfiglazzi au duc de Florence, 1558, 18 mai, Rome (Medicco, 3278, 63 ; orig.).

[27] Instructions à l'évêque d'Angoulême, 1558, avril (Arch. d'Etat de Turin), Racc. Balbo, t. 276, fol. 3 v° ; copie).

[28] Le cardinal Carafa à Paolo Filonardo, 1559, 29 février, Civita-Lavinia (Arch. Vatic., Miscellanea, X, 197, fol., 62 ; orig.).

[29] Voyez les lettres de Babou de la Bourdaisière et de D. Francesco d'Este, publiées dans l'Archivio storico italiano, série 1a, appendice, t. VIII.

[30] Pietro Paolo Mancini au duc de Ferrare, 1557, 12 juin, Thiene (Arch. d'Etat de Modène, Parma ; orig.).

[31] Giul. Ardinghello à Octave Farnèse, 1557, 27 juillet, Bruxelles (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 699, fascic. A ; orig.).

[32] I. MALAGUZZI, La battaglia di San-Quintino e le relazioni fra la reale casa di Savoia e casa d'Este (Modène, 1890, in-4°, pp. 48 et suivantes).

[33] Henri II au duc de Guise, 1557, 16 août, Paris, p. p. G. RIBIER, Lettres et Mémoires d'Estat, t. II, p. 702.

[34] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1557, 31 juillet, Compiègne (Arch. de Modène, Francia ; orig.).

[35] Le duc de Florence à Octave Farnèse, 1557, 28 août, Florence (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 86, fassis. 4 ; orig.).

[36] Pietro Paolo Mancini à Sigismondo Sanzino della Torre, 1557, 22 septembre, Parme (Arch. d'Etat de Modène, Parma ; orig.).

[37] Le duc d'Urbin au cardinal Farnèse, 1557, 9 juillet Urbin (Arch. d'Etat de Parme, Urbino ; orig.).

[38] Lorenzo Amodei à Ascanio Celso, 1557, 5 octobre, Lyon (Arch. de Parme, Francia ; orig.).

[39] Cette guerre a été à peu près ignorée des historiens. Seul. M. Paul Courteault, dans son ouvrage sur Blaise de Monluc historien (p. 345 et s.), a raconté les épisodes auxquels fut mêlé le capitaine gascon. — Ce serait le sujet d'une étude facile, d'après les documents de Modène, Parme, Milan, Mantoue et Florence.

[40] Myron au duc de Guise, 1557, 7 septembre, Ferrare (Bibl. Nat., ms. fr. 20443, fol. 26-25 ; orig.). — M. de Villars au duc de Guise, 1557, 27 septembre, Ferrare (Mém.-Journaux de Guise, pp. 391-392). — Cf. Correspondance de D. du Gabre, p. p. A. Vitalis, pp. 270 et suivantes).

[41] Lettres d'Alvarotti, 1557, octobre-décembre (Arch. de Modène, Francia ; orig.).

[42] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1757, 20 octobre, Poissy (Arch. d'Etat de Modène, Francia ; orig.).

[43] Le cardinal de Lorraine au duc de Ferrare, 1557, 17 novembre, S. Germain-en-Laye (Arch. de Modène, cardinali : autog.).

[44] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1557, 7 novembre, Paris (Arch. de Modène, Francia ; orig.).

[45] Memoriale dalo al sr cardinale di Lorena, alli X genaro 1558, in Parigi, per servitio del duca di Ferrara (Arch. de Modène, Francia ; orig.).

[46] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1357, 21 octobre, Poissy (Arch. de Modène, Francia : orig.).

[47] Voyez P. COURTEAULT, Blaise de Monluc historien, pp. 341 et suivantes.

[48] Sur ces négociations et celles qui suivirent, voyez la correspondance du duc de Ferrare avec Cosme de Médicis, 1557-1558 (Arch. d'État de Florence, Mediceo, 2912 ; orig.).

[49] Odet de Selve à Montmorency, 1557, 26 juin, Rome, p. p. G. RIBIER, Lettres et Mémoires d'Estat, t. II, p. 693. — A. DESJARDINS, Négociations..., t. III, p. 374.

[50] Le cardinal de Ferrare au duc de Florence, 1557, 1er août, Ferrare (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3274, 414 ; orig.).

[51] Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 250, fascic. 4 ; minute.

[52] Canobio au cardinal Carafa, 1558, 31 mars, Bruxelles (Arch. Vatic., Principi, XI, fol. 289 v° ; orig.).

[53] Cf. L. RODOCANACHI, Renée de France, pp. 286-293 (non sans quelques erreurs).

[54] Henri II au duc de Ferrare, 1558, 11 avril, Fontainebleau (Arch. d'Etat de Modène, Enrico orig.).

[55] Michele Suriano au Sénat de Venise, 1558, 22 avril, Bruxelles (Arch. d'Etat de Venise, Spagna ; orig. chiffré).

[56] Le cardinal Farnèse au duc de Florence, 1558, 1er mai, Parme (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3725, 97 ; orig.).

[57] Venetianische Depeschen vom Kaiserhofe, t. III, p. 82.

[58] Henri II au duc de Ferrare, 1558, 11 avril, Fontainebleau : J'ay ceste après disnée receu par les mains de vostre ambassadeur les lettres que m'avez escriptes du XXIXe du passé, et entendu la tresve d'entre vous et le duc de Parme, ensemble l'accord de paix que le duc de Florence a, ou nom du roy Philippes, faict avecques vous... (Arch. d'Etat de Modène, Enrico II ; orig.).

[59] Henri II au duc de Ferrare, 1558, 19 mai, Fontenay-en-Brie (Arch. de Modène, Enrico II ; orig.).

[60] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1553, 15 février, Paris (Arch. de Modène, Francia ; orig.).

[61] J. Alvarotti au duc de Florence, 1553, 15-21 avril, Paris (Arch. d'Etat de Modène, Francia ; orig.).

[62] Anne d'Este au prince de Ferrare, 1558, 21 avril (Arch. de Modène, Anna d'Este : autog.).

[63] Lettres de Renée au duc de Florence, 1558, avril-mai, Ferrare (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 2879 ; orig.).

[64] Cf. L.-N. CITTADELLA, L'ultimo decennio di Ercole II (Arch. stor. ital., 3a série, t. XXV, p. 218).

[65] Alphonse d'Este au duc de Florence, 1558, 11 juillet, Ferrare (Mediceo, 2819 ; orig.).

[66] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1558, 3 juillet, Paris (Arch. de Modène. Francia : orig.).

[67] Mémoire au duc de Ferrare, 1558,4 juillet, Paris (Arch. de Modène., Francia ; orig.).

[68] J. Alvarotti au duc de Ferrare. 1558, août. Paris (Arch. d'État de Modène. Francia : orig.).

[69] Lettres d'Alvarotti, été 1557. Cf. Correspondance de D. du Gabre, p. p. A. VITALIS.

[70] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1557, 29 décembre, et 1558, 1er février, Paris Arch. de Modène, Francia, orig.).

[71] A. SEGRE, Emanuele Filiberto e la repubblica di Venezia (Misc. di storia veneta, série 2a, t. VII, p. 93).

[72] Henri II au duc de Ferrare, 1557, 22 juillet, Compiègne, et 19 août, Paris (Arch. de Modène, Enrico II ; orig.). — Le cardinal de Lorraine au duc de Ferrare, 1557, 20 août, Paris : Ce mot sera pour accompaigner Mons. l'évesque de Dacqs que le Roy envoye à Venise pour son ambassadeur au lieu de Mons. de Lodève. Il est homme qui a desjà eu quelque maniment des affaires et s'en est très bien acquitté au contentement du Roy et de ses ministres. (Arch. de Modène, Cardinali ; orig.). — J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1557, 4 août, Compiègne (Arch. de Modène, Francia ; orig.).

[73] A. SEGRE, Emanuele Filiberto e la repubblica di Venezia (Misc. di storia veneta, série 2a, t. VII, p. 93).

[74] Arch. d'État de Venise, Francia et Spagna, année 1558, passim.

[75] Voyez l. I, ch. III.

[76] G. Dalmatio au cardinal Farnèse, 1557, 30 novembre, S. Germain-en-Laye : Ce jourd'huy le cardinal de Lorrene m'a faict response par les propres parolles qui s'ensuyvent : Le Roy m'a commandé vous dire deux choses, l'une qu'il est fort malcontent de Messieurs de la maison Farnèse pour leur ingratitude et mesconnoissance de ses bienfaictz ; plus, Sa Majesté m'a commandé vous dire que vous et tous autres ministres de la maison Farnèse ayéz à vous retirer hors la Court et vous abstenir de leurs affaires en France. Après lesquelles parolles, led. st. cardinal destorna son visaige de moy et ne souffrit que luy feisse aulcune réplicque. (Arch. d'Etat de Parme, Francia ; orig.).

[77] Ascanio Celso au cardinal Farnèse, 1558, 2 janvier, Rome (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 709 ; orig.). — Pasino de' Giusti au même, 1558, 6 avril, Rome (Arch. cit., C. Farnes., fasci nuovi, II ; orig.).

[78] G. Michieli au Sénat de Venise, 1558, 11 mai, Paris (Arch. d'Etat de Venise, D. al Senato, Francia ; orig.).

[79] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1558, 29 septembre, du camp d'Amiens (Arch. d'Etat de Modène, Francia ; orig.).

[80] Le comte de La Mirandole à Henri II, 1558, 11 juin, La Mirandole (Bibl. Nat., ms. fr. 20455, fol. 4 ; orig.). — G. Michieli au Sénat de Venise, 1558, 8 mars, Moret (Arch. de Venise, Francia ; orig.).

[81] Cosme de Médicis à Octave Farnèse, 1558, 11 mai, Pise (Arch. de Naples, Carte Farnes., fascio 86, fascic. 5 ; orig.).

[82] Voici un exemple des bruits qu'on répandait en Italie : Che li VI M. Svizzeri, che partirno alti giorni passati per Piccardia, havevano havuto ordine di voltare alla volta di Bordeos, intendendosi che quel paese s'andava sollevando tutto contra il re di Franza et che l'armata inglesa e di Spagna dava grandissimo travaglio verso quella banda. F. Ferrero au duc de Florence, 1557, 28 septembre, Milan (Mediceo, 3107, 262 ; orig.).

[83] BRANTÔME, Œuvres, éd. Lalanne, t. IV, pp. 213-215.

[84] Instruction de Philippe II au comte de Feria, 1558, 28 janvier, Bruxelles, publ. p. KERVYN, Relations politiques des Pays-Bas et de l'Angleterre, t. I, p. 122.

[85] Herc. Strozzi au duc de Mantoue, 1558, 9 janvier, Paris (Arch. d'Etat de Mantoue, Francia ; orig.). Confirmé par les témoignages que nous avons cités au tome I, livre I, ch. I.

[86] Le duc de Guise, au duc de Ferrare, 1558, 7 janvier, Calais : récit des opérations (Arch. d'Etat de Modène, Francesco di Lorena ; orig.). — Henri II au même, 1558, 13 janvier, Paris (Arch. cit., Enrico II ; orig.). Nombreuses lettres des ambassadeurs, en particulier d'Alvarotti.

[87] Voyez le témoignage d'un assiégé dans Lettere di Principi, t. III, pp. 249-251.

[88] Cf. le chapitre suivant. — Lettres de Giovanni Dalmatio, p. p. L. Romier (Extr. de la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. LXXI, p. 6).

[89] Registres du Bureau de la Ville de Paris, t. V, p. 518.

[90] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1558, 12, 17, 18 janvier, Paris (Arch. de Modène, Francia ; orig.).

[91] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1558, 5 février, Paris (Arch. de Modène, Francia ; orig.). — Henri II au duc de Ferrare, 1558, 10 février, Paris : Estant dès vendredy dernier de retour de mon voiage de Kalais, qui n'a pas esté long ne inutille pour le bien de mes affaires... (Arch. de Modène, Enrico II ; orig.).

[92] Henri II au duc de Ferrare, 1558, 25 juin, Villers-Cotterêts : Aiant reçeu de mon cousin le duc de Guise l'heureuse nouvelle de la prinse de Thionville, faicte le XXIIme de ce moys par composition... vous advise que telle conqueste estoit inespérée à beaucoup et mesmes aux princes et seigneurs de la Germanye qui sont voisins de là car ceste place a esté depuis long temps tousjours estimée inexpugnable. (Arch. d'Etat de Modène, Enrico II orig.). — Henri II au même, 1558, 10 juillet, Villers-Cotterêts : Hyer arrivant en ce lieu, devant mon soupper, je receuz lettres du mareschal de Termes, où il me feist sçavoir la prinse qu'il a faicte par composition des ville et port de Dunkerque, qui est le plus beau, plus capable et principal port qui soit en toutes les costes des Pays-Bas... Annonce également la prise de Bergues, estant une fort grande ville, chef du marquisat de Bergues, accompaignée de grosses abbayes et autres églises et palais. (Arch. cit. ; orig.).

[93] Le cardinal Farnèse à Octave, 1558, 22 janvier, Parme (Arch. d'Etat de Naples, Carde Fanes., fascio 407. fasc. 4 ; orig.). — Ascanio Celso au cardinal Farnèse, 1558, 13 janvier, Rome (Arch. de Naples, C. Farn., fascio 401, fasc. 1 ; orig.). Pietro Paolo Mancini au duc de Ferrare, 1558, 27 janvier, Parme (Arch. de Modène, Parma ; orig.).

[94] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1558, 10 février, Paris (Arch. de Modène, Francia ; orig.).

[95] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1553, 9 janvier, Paris (Arch. de Modène, Francia ; orig.). — Vine. Buoncambi à Octave Farnèse, 1558, 5 février. Rome (Arch. d'Etat de Parme, Roma ; orig.).

[96] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1558, 28 janvier, Paris (Arch. de Modène, Francia : orig.). — Herc. Strozzi au duc de Mantoue, 1558, 13 février, Paris (Arch. d'Etat de Mantoue, Francia ; orig.).

[97] Lettres de Giovanni Dalmatio, p. p. L. Romier (Extr. de la Bibl. de l'Ecole des Chartes, pp. 11-16).

[98] Voyez le beau récit du siège de Thionville par P. COURTEAULT, Blaise de Monluc historien, p. 362. — Mich. Suriano au Sénat de Venise, 1558, 24 juin, Bruxelles (Arch. d'Etat de Venise, D. al Senato, Spagna ; orig. chiffré).

[99] Herc. Strozzi au duc de Mantoue, 1558, 2 juillet, La Ferté-Milon (Arch. d'Etat de Mantoue, Francia ; orig.). Le même, 4 juillet, Melun.

[100] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1558, 11-14 janvier, Paris (Arch. d'Etat de Modène, Francia ; orig.).

[101] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1557, 19 novembre, Poissy (Arch. de Modène, Francia ; orig.).

[102] Les lettres patentes portent la date du 8 mars 1558 (Bibl. Nat., coll. Clairambault, L. 8.25, fol. 115), mais la décision fut prise dès le 1er mars (dép. d'Alvarotti, 1er mars). — Cf. Ch. de LA RONCIÈRE, Histoire de la marine française, t. III, p. 547.

[103] Lettres de G. Dalmatio, pp. 7 et suivantes.

[104] Sur les négociations préliminaires, cf. Ch. GIRAUD, Le mariage de Marie Stuart avec François II (Journal des Savants, 1876, pp. 555-559).

[105] Herc. Strozzi au duc de Mantoue, 1557, 17 décembre, Poissy (Arch. d'Etat de Mantoue, Francia ; orig.). Confirmé par Alvarotti. — Macar à Calvin, 1558, 21 mars, Paris (Opera Calvini, t. XVII, p. 109).

[106] G. Michiel au Sénat de Venise, 1558, 25 avril, Paris (Arch. d'Etat de Venise, D. al Senato, Francia, 3 ; orig.).

[107] Pierrevive au cardinal de Lorraine, 1558, 18 mars, Paris : ... M. de Sainct-Martin n'aura failly de vous faire entendre les marchéz que nous avons faiz avec les charpentiers, tant pour Nostre-Darne que pour le Palais, qui se montent : assavoir pour Nostre-Dame treize cens cinquante livres et pour le Palais huit cens livres. Et fauldra bien encores pour deux ou trois cens francs de charpenterie et menuiserie au Palais ; le fons de la Grand'salle reviendra à bien près de mil frans. Fauldra encores foncer la grand'salle de Nostre-Da rue, parce qu'il n'y a point de plancher... (Bibl. Nat., n. a. fr. 21698, fol. 136 ; orig.). — Lettres de G. Dalmatio, passim ; Mémoires-journaux de Guise, pp. 424 et suivantes ; RABUTIN, Commentaires, l. XI. — Herc. Strozzi au duc de Mantoue, 1558, 13 mars, Melun (Arch. de Mantoue, Francia ; orig.).

[108] Sources citées. Dépêches d'Alvarotti et de Strozzi, avril 1558.

[109] Le récit le plus détaillé est celui d'Alvarotti au duc de Ferrare, 1558, 25 avril, Paris (Arch. de Modène, Francia ; orig.). — G. Michiel au Sénat de Venise, 1558, 25 avril, Paris (Arch. de Venise, D. al Senato, Francia, 3 ; orig.).

[110] British Museum, Stowe mss., 132, fol. 55.

[111] G. Michiel au Sénat de Venise, 1558, 25 avril, Paris (Arch. d'Etat de Venise, D. al Senato, Francia, 3 ; orig.).

[112] Franc. Beccio à la duchesse de Mantoue, 1558, 16 août, Paris (Arch. d'Etat de Mantoue, Francia ; orig.).

[113] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1558, 26 octobre, Paris (Arch. d'Etat de Modène, Francia ; orig.).

[114] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1558, 26 octobre, Paris (Arch. d'Etat de Modène, Francia ; orig.).

[115] Macar à Calvin, 1558, 21 mars, Paris : Jam vulpes illa [le cardinal de Lorraine] urget conjugium Delphini et neptis suæ... Causa festinationis esse creditur quod Rex ardet desiderio videndi compatris. Importunus autem adveniret compater ut qui semper huic matrimonio obstiterit. (Opera Calvini, t. XVII, p. 109).

[116] La plus grande partie de cette correspondance se trouve à la Bibl. Nat., ms. fr. 3139, autographe. — Nous avons modernisé l'orthographe trop fantaisiste.

[117] Guido Lolgi au cardinal Farnèse, 1558, 19 juillet, Paris (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fasci nuovi, VI ; orig.).