LES ORIGINES POLITIQUES DES GUERRES DE RELIGION

LIVRE PREMIER. — LE ROI. - LA CONSTITUTION DES PARTIS

CHAPITRE PREMIER. — LE ROI.

 

 

La jeunesse de Henri II s'était écoulée tristement, parmi les rivalités de Cour.

Pendant les dernières années du règne de François Ier, le héros de la maison royale fut, non pas le dauphin Henri, mais son jeune frère, Charles d'Orléans, cadet séduisant qui prit, un moment, figure d'adversaire. Ce prince, duc d'Angoulême, puis d'Orléans, tout bouillant de guerre, bravant, orgueilleux, trop esveillé[1], avait recueilli, après la mort du premier dauphin François, l'affection particulière du Roi-chevalier. En la fortune de son troisième fils, le vieux souverain, négligeant les droits de l'héritier du trône, mit l'espoir de sa dernière politique.

A considérer seulement les scènes qui se déroulèrent autour du traité de Crépy, on pourrait mesurer l'importance de cette prédilection. Et d'abord, l'exhortation singulière qu'adressa François Ier au jeune duc, lorsqu'à l'automne de 1514, celui-ci le quitta pour se rendre auprès de Charles-Quint, dont il devait être l'otage, avant d'en épouser la fille ou la nièce : Mon fils, vous avez déjà vingt-deux ans, et vous pouvez vous rendre compte que toutes les guerres que j'ai faites et tous les périls auxquels je me suis exposé, ce fut à cause de vous et en considération de l'amour que je vous porte. Dieu et la fortune ont permis que mes efforts eussent le résultat que vous voyez. J'ai résolu de vous donner à l'Empereur pour fils et pour serviteur : honorez-le comme un père et obéissez-lui comme à un maitre. Maintenant, je vous bénis, vous exhortant, comme vieillard, et vous ordonnant, comme père, dût l'Empereur vous commander de porter les armes contre moi et mon royaume, de marcher sans hésitation. Au même prince, l'Empereur, quelque temps après, devait montrer une tendresse pareille. Lorsque l'amiral d'Annebaut lui présenta le jeune otage, Charles-Quint répondit : Ce n'est pas mon prisonnier, mais mon fils, et je l'accepte pour tel. Il lui prodigua les marques d'affection, le retint sans cesse à sa table et à ses côtés, l'embrassant, causant et riant plus que de coutume[2].

Tant de prévenances frappèrent l'esprit des contemporains, en particulier des Italiens, lesquels devaient fournir ensemble aux maisons de Valois et de Bourgogne le gage de leur réconciliation et au jeune duc d'Orléans le champ de ses conquêtes espérées[3].

Il était naturel, en effet, que ce prince, tant aimé, fût prédestiné, dans les desseins de son père et les rêves des courtisans, à recevoir, pour sa part personnelle, l'héritage de Milan et de Naples, royaumes lointains et fortunés dont l'imagination de François Ier restait possédée.

Tout inclinait Charles d'Orléans à la poursuite des mirages d'outremonts. De culture italienne, il goûtait les lettres toscanes et lisait Pétrarque avec amour. Le poète Mellin de Saint-Gelais, interprète docile des sentiments de la cour de France, exprimait ces ambitions italiennes en des vers qu'il dédiait au jeune prince et dont le sens retient l'attention.

S'on vous voit, Monsieur, tant addonné

Au vray Toscan, c'est ouvrage des dieux.

A qui pourroit ce langage, seoir mieux

Qu'à vous, qui seul au monde avez donné

Certain espoir de vous voir couronné

Roy d'Italie, haut et victorieux[4].

Les rois, mus par des sentiments de chefs de famille plutôt que par les traditions de leur peuple, avaient prêté à la question italienne le caractère d'une question de famille, née de compétitions d'héritages, qu'ils s'étaient efforcés de résoudre tour à tour par des batailles ou des mariages[5]. Il semblait que le fils préféré de François fer allait cueillir enfin le fruit de tant d'efforts et devenir, dans la Péninsule, le fondateur glorieux d'une dynastie nouvelle, issue des Valois.

 

De cette grande faveur, qui entourait la fortune naissante du dernier fils de France, la victime était précisément le dauphin Henri, héritier d'une couronne qu'on lui promettait à regret.

Ce n'était pas qu'il eût reçu une éducation moins brillante que celle de son frère, ni moins soumise à la culture italienne. L'instruction de son enfance avait été confiée à l'humaniste Benedetto Tagliacarne ou Teocreno, qui signait Theocrenus, ancien secrétaire de la République de Gènes, auteur de poésies latines[6]. Henri, doué d'une intelligence naturelle et d'une grande mémoire, apprit le latin, l'italien et l'espagnol[7]. Les connaissances du futur roi se bornèrent, dans la pratique littéraire, à savoir lire et écrire simplement. Mais l'usage de la langue italienne lui devint familier. Aussi bien put-il s'instruire, en cette matière, au contact même de son entourage : le roi François, son père, parlait l'italien avec aisance ; son épouse, Catherine de Médicis, Florentine, rassemblait, autour d'elle, un petit cercle d'Italiens fort lettrés ; parmi les Français, Mellin de Saint-Gelais, son aumônier, était un italianisant distingué, qui avait étudié aux Universités de Bologne et de Padoue, il traduisait et imitait les poètes de la Péninsule, et, selon Joachim du Bellay, il aurait introduit en France le sonnet[8].

De bonne heure, Henri donna des preuves de son savoir en langue italienne. Le 6 novembre 1537, nouveau Dauphin, il adressait, du camp de Rivoli, au pape Paul III une lettre italienne autographe, écrite d'une main tremblante, mais d'un style pur[9]. Même en cette matière, son instruction progressa beaucoup. Le 1er octobre 1551, Hippolyte d'Este envoyait d'Italie à la Cour le secrétaire Bendidio, pour y résider, et comme celui-ci parlait mal la langue française, le cardinal écrivait au Roi : Je regrette seulement que Bendidio comprenant mal le français, Votre Majesté doive prendre la peine de lui parler en italien : mais, comme j'apprends que Votre Majesté parle cette langue aujourd'hui mieux que jamais, ce sera pour Elle une occasion de s'exercer, et le succès en sera bien à propos, vu qu'Elle doit porter attention, de présent plus que jamais, aux choses d'Italie[10]. Au mois de décembre 1552, après que l'humaniste Claudio Tolomei, venu à la Cour pour représenter la République de Sienne, lui eut adressé un long et docte discours, fleuri d'élégance toscane, Henri II répondit dans le même dialecte, avec aisance et ampleur. Sa Majesté, écrit alors Tolomei, parle l'italien aussi bien que si Elle avait été nourrie au cœur de la Toscane[11]. Henri II prit un goût très vif au spectacle des comédies italiennes[12]. Il lui arriva, aux heures de flânerie, lorsqu'il visitait ses enfants, d'interroger les pages sur leurs études de latin et d'italien[13].

La littérature italienne adressa au dauphin Henri des hommages, moins empressés, il est vrai, et moins nombreux que ceux que recevait son jeune frère, Charles. Déjà Paolo Belmessere, en 1533, avait exalté ses noces dans un Epithalamium ; plus tard, en 1536, Bartolomeo Firino mit en sonnet les louanges du nouveau Dauphin ; en 1542, l'imprimeur vénitien Giolito dei Ferrari lui dédiait une édition de l'Orlando furioso, et, l'année suivante, le manuscrit de Giovanni della Casa, De officiis inter potentiores et tenuiores amicos, était, semble-t-il, calligraphié à son intention[14].

Mais la politique de François le' n'orientait pas la fortune du dauphin Henri vers l'Italie. Dans l'esprit de son père, ce prince que Thomas Boleyn avait tenu sur les fonts baptismaux au nom de Henri VIII d'Angleterre[15], ne fut jamais voué à la poursuite des conquêtes d'outremonts. Seulement, en 1520, avant la naissance de Charles, Léon X avait conclu, à Rome, avec l'ambassadeur de France, un traité par lequel il promettait de priver le Roy Catholicque du royaume de Naples, et en bailler l'investiture à Henry, duc d'Orléans, second fils du Roy, et, par ce moien, ledit Henry prendroit le nom et les armes d'Anjou. Promesse vaine, dont le bénéficiaire était alors un enfant de deux ans[16].

 

Sans penser au royaume d'outremonts, le Dauphin eut assez à faire d'assurer en France son avenir menacé.

Fruit d'intrigues et de délations, l'antipathie de François Ier à l'égard de Henri naquit au lendemain même de la mort du premier Dauphin, en 1536, et ne fit qu'empirer, pendant les dix années suivantes. On ne peut guère préciser les motifs premiers de cette fissure intime. Dans la Cour débauchée du galant roi François, des propos de femmes rivales suffisaient pour créer des incidents tragiques. Le connétable de Montmorency porte aussi une grande part de responsabilité, à l'origine de ce conflit. Le connétable souffrit toujours avec impatience les favorites ; Mme d'Etampes se vengea de lui en provoquant sa disgrâce, après l'avoir nommé : grand coquin ![17]

Henri, par une habitude prise dès l'enfance, et aussi par inclination naturelle, s'était attaché à Montmorency ; celui-ci exploita l'affection du Dauphin, en l'opposant aux sentiments de François Ier. Or, le vieux Roi, qui tolérait sans aigreur les critiques, même ouvertes, que lui adressaient les gens de lettres, au point que c'était un sujet d'admiration pour les humanistes italiens, soumis à la tyrannie ombrageuse des petits potentats de la Péninsule[18], ne voulut pas accepter le blâme qui ressortait de l'attitude de son fils. Les incidents, parmi lesquels se résolut la disgrâce de Montmorency, et l'opposition que laissa paraître le Dauphin détournèrent tout à fait le Roi de l'héritier de la couronne.

Dès lors, les deux partis de la Cour employèrent l'un contre l'autre des armes cachées, mais singulièrement dangereuses. Un exemple peut montrer la perfidie des attaques. A la mort du premier Dauphin, en 1536, les courtisans avaient accusé Ferrante Gonzague, et Antonio de Leva de l'avoir fait empoisonner, par ordre de l'Empereur. Quelque temps après, parut en Allemagne une apologie de Charles-Quint, dans laquelle l'auteur, pour disculper les agents impériaux, accusait le second fils de France, Henri, d'être responsable de ce crime prétendu. Les ennemis du nouveau Dauphin accueillirent et propagèrent subtilement, parmi les courtisans crédules, l'atroce calomnie, qui pouvait irriter au suprême degré les passions rivales[19]. Nourrie par des incidents de telle nature, la crise devint assez grave, pendant les années 1542 et 1543, pour que l'ambassadeur de Charles-Quint, aidé de la reine de Hongrie, régente des Pays-Bas, songeât à fomenter une rébellion du Dauphin et de ses partisans, afin de détrôner le Roi[20].

Les rapports publics entre François Ier et son héritier, bien qu'empreints de défiance, restèrent corrects. Mais, en réalité, depuis 1540, le Roi, détaché des intérêts du Dauphin, dépensa tous ses efforts et les ressources de sa politique pour préparer une grande fortune à Charles d'Orléans, son fils préféré. Ces efforts, comme nous l'avons dit, s'étaient naturellement orientés vers l'Italie, terre promise et convoitée depuis un demi-siècle.

Les années 1544 et 1545 marquent l'aboutissement de ces tendances ; à cette époque aussi se manifeste, avec le plus d'acuité, l'opposition politique du Dauphin aux desseins de son père.

 

Naples d'abord avait attiré les espoirs et l'ambition de Charles d'Orléans. Au mois de mai 1544, Hippolyte d'Este, cardinal de Ferrare, proposait, par commission du Roi, à la seigneurie de Venise un traité de ligue, afin de tenter en commun la conquête du royaume de Naples, au profit du dernier fils de France[21]. Mais bientôt les négociations de paix, engagées avec Charles-Quint, offrirent aux rêves de François Ier une satisfaction qui semblait moins aléatoire.

Le 18 septembre 1544, était signé le traité de Crépy : cet acte donnait une solution au problème italien par le mariage en projet de Charles d'Orléans avec la fille de Ferdinand ou celle de Charles-Quint, dotée du Milanais. Des clauses impliquaient le démembrement du royaume au profit du troisième fils du Roi, apanagé des duchés d'Angoulême, de Bourbon, d'Alençon et de Châtellerault. En tout cas, le traité frustrait la couronne de France de ses droits en Italie[22]. De ce coup, la rivalité latente, qui divisait le dauphin Henri et son frère Charles, se transforma en haine[23].

Le mardi 2 décembre 1544, dans une chambre du château de Fontainebleau, par-devant les notaires Favre et Musart, personnellement constitué, Henri, dauphin de Viennois et duc de Bretagne, protesta contre plusieurs articles [du traité], qui sont grandement préjudiciables, et seroient encore plus à l'advenir, non seulement à luy, mais à l'universel estat du royaume ; mesmement la renonciation [à] la communauté de Flandres, [au] droict des royaume de Naples, duché de Milan, comté d'Ast, la restitution des terres, places, villes et seigneuries assises au demeurant de l'Italie, Piémont et Savoye. A l'encontre des desseins de son père et des prétentions de son frère, le Dauphin affirmait ainsi sa volonté de maintenir intact l'héritage réel et moral, qui devait lui échoir légitimement. Les témoins de cet acte singulièrement grave furent Antoine, duc de Vendôme, François de Bourbon, comte d'Anguien, et François de Lorraine, comte d'Aumale[24]. Le 22 janvier 1545, le Parlement de Toulouse protesta de même contre le traité de Crépy[25]. Charles-Quint avait habilement préparé le sujet de cette hostilité entre les deux fils de François Ier.

Les griefs du Dauphin à l'égard de son frère étaient fondés. Charles dirigeait sans scrupules la politique de son intérêt personnel : au mois de février 1545, le jeune duc signait avec Paul III un traité secret d'alliance[26], et il préparait sa fortune italienne, de concert avec le cardinal Alexandre Farnèse, seur, lui écrivait-il, que me serés aussy fidelle amy comme je suys le vostre, ainssy que nous l'avons délyberé enssemble[27]. Les moyens que Charles employait, pour atteindre ses fins, transparaissaient dans son attitude même, et lorsqu'il revint de la Cour impériale, au mois de mai de cette année 1545, le nonce put dire de lui qu'il était tout espagnol[28]. Dans cette lutte secrète entre les deux frères, la mort décida brusquement. Le 8 septembre 1545, Charles d'Orléans fut emporté par la peste.

Cette disparition n'effaça guère la haine tenace de Henri II : la mémoire de son frère lui resta odieuse. En 1547, Jacques Peletier du Mans put adresser au nouveau Roi cette étrange flatterie :

Deux frères siens sont morts dès leur printemps...

Ce sont regrets divins, mais tu entens

Que sans raison les hauts cieux ne font rien[29].

La fin du règne de François Ier procura au Dauphin une sorte de revanche. Attristé par la mort de son fils préféré, le vieux Roi s'efforça, semble-t-il, de regagner l'affection de l'héritier resté seul vivant. En 1546, il ordonna que les affaires fussent communiquées à Henri et il lui ouvrit l'entrée du Conseil privé. Mais ces avances furent accueillies sans empressement. Le souvenir des tristes heures du passé assombrissait toujours les rapports des deux hommes. Comme on avait entendu le Roi déclarer, à plusieurs reprises, qu'il voulait être le maître jusqu'à sa mort, sans que personne s'avisât de le contredire, par des paroles ou des actes, le Dauphin en prit ombrage, se retira davantage et s'abstint de paraître au Conseil[30]. Dès lors, il affecta de se tenir à l'écart du gouvernement, estant très content que ceulx qui administrent en ceste saison aycnt le bon et le maulvais, considérant en cecy que, comme tout vad mal aujourd'huy, l'on gecteroit après cy toute la faulte sur luy[31]. Et François Ier mourait bientôt après, mal rassuré par les promesses qu'il reçut, à son lit de mort, des lèvres de son héritier déliant.

On désirerait connaître quelles dispositions, à l'égard des choses d'Italie, laissèrent en l'esprit du dauphin Henri les incidents politiques qui avaient assombri sa jeunesse. A vrai dire, nous ne pouvons pénétrer ses pensées intimes. Un principe restait en lui, qu'il avait exprimé, dès ses premiers actes de Dauphin, et dont il garda le culte presque jusqu'à la fin de son règne, c'est à savoir la volonté de maintenir intact son héritage, en Italie comme en France. Mais, autour de cette volonté longtemps immuable, les sentiments de l'héritier du trône et, plus tard, ceux du Roi offrent beaucoup de variations.

Peut-être le souvenir amer, qui vivait en lui, de ce frère privilégié, qu'on avait voué à la gloire et aux splendeurs d'outremonts et dont l'ambition avait tenté d'opposer les intérêts d'un royaume italien à créer aux intérêts traditionnels du royaume de France, le détourna-t-il, quelque temps, des conquêtes chimériques de la Péninsule. Sans doute, c'est de ce sentiment que naquirent les velléités pacifiques qu'il manifesta parfois, du vivant de son père. Nous savons, en effet, — et lui-même, en 1547, chargeait un ambassadeur de transmettre cette confidence à Charles-Quint —, qu'il se plaignit plusieurs fois, pendant le règne de François Ier, des procédés dont on usait contre Sa Majesté Impériale, ajoutant que, devenu roi, lui-même s'efforcerait de corriger ce qui lui déplaisait dans les façons de son père et se montrerait toujours bon ami de l'Empereur, en particulier dans les affaires italiennes[32]. Mais d'autres témoignages révèlent chez le Dauphin des tendances contraires. On ne peut guère retenir, parmi les actes d'un prince si peu averti des choses du gouvernement, de signes précis touchant une politique définie et préméditée ; il serait vain, en tout cas, de vouloir forcer le mystère de son esprit. A personne mieux qu'à ce Dauphin, qui vécut comme exilé dans la Cour de son père, ne s'applique l'observation d'un humaniste italien, son contemporain : Quand l'homme ne peut parler librement, ses humeurs tristes se recueillent à l'intérieur[33].

En dehors des incidents politiques, d'autres influences purent-elles déterminer en lui une orientation ?

 

Lorsque Henri II monta sur le trône, des conditions de milieu le rivaient, quelles que fussent ses idées personnelles, à la politique italienne.

Il ne s'agissait plus, comme autrefois, d'entrer clans une terre inconnue. L'équipée de Charles VIII peut offrir matière à critiques. Mais, en 1547, des relations étroites et incessantes, depuis plus d'un demi-siècle, ont rendu presque commune la vie des deux pays. Alors, la dynastie française ne peut plus se désintéresser de l'Italie, à laquelle le royaume est lié par des attachas de toutes sortes, matérielles et intellectuelles. Même, si l'on considère seulement l'occupation des territoires, il ne s'agit plus de revendiquer un héritage aléatoire, mais de maintenir et fortifier une conquête déjà ancienne, qui a été obtenue par une longue série de sacrifices nationaux.

Au surplus, tandis que les armées des Valois ont envahi les pays d'outremonts, l'Italie a conquis la vie morale, artistique et économique de la France. De l'influence de la civilisation italienne sur les lettres et les arts à la cour de Charles VIII, de Louis XII et de François Ier, il n'y a rien à écrire qui ne soit présent à toutes les mémoires. Aussi serrés que les liens intellectuels étaient les liens économiques. L'Italie a été non seulement le foyer de la Renaissance des lettres : elle a donné encore à l'Europe, à la France surtout, ces pionniers infatigables de civilisation, les marchands cosmopolites qui, par leur mouvement même et par les relations qu'ils nouaient de toutes parts, ont créé les traits les plus originaux de l'âge nouveau[34].

Ce passé engageait l'avenir. Henri II trouva la vie de son royaume comme tournée vers la Péninsule. Quels que fussent les sentiments personnels du Roi, si efficace même que paraisse l'influence d'une Cour et d'un entourage tout italiens, cette puissance du passé fut la vraie cause qui força l'héritier de François Ier à diriger son activité au delà des Alpes.

 

Il est vrai, d'ailleurs, que jamais roi de France n'avait trouvé, comme Henri II, dans sa propre famille, en son épouse même, un stimulant personnel pour intervenir en Italie. Encore fart-il se garder d'exagérer la mesure de cette influence.

En 1537, le Dauphin enleva une jeune fille piémontaise, Filippa Duci, laquelle mit au monde une enfant qu'on appela Diane de France, son père l'ayant légitimée. Le frère de Filippa devint écuyer de la grande écurie du prince[35].

Quatre ans auparavant, le 28 octobre 1533, Henri avait épousé une Florentine, Catherine de Médicis. De ce mariage italien les sentiments ou les intérêts du futur roi reçurent-ils une orientation déterminée vers l'Italie ?

Aux yeux des contemporains, dans les rêves des poètes en particulier, les noces de Catherine de Médicis avec le second fils de François Ier marquèrent comme un symbole de l'union définitive qui devait lier la France à l'Italie. A cette Italie, dont la fille doit prendre place sur le trône des Valois, Jacques Peletier adressera une ode significative :

...Par ton moyen est heureuse et joyeuse

France, qui a Royne de toy extraitte ;

Mais si tu es dessu ell'envieuse

Pour devers soy ta fille avoir distraitte,

Contente toy d'un offre qu'on te trente :

Pren-la pour Royne et avec nous t'allie,

Affin que soit de France et d'Italie

Un seul royaume, une royne et un roy[36]...

En réalité, le contrat de mariage de Catherine, qui aurait pu donner à son mari une base juridique pour des prétentions futures en Italie, parait n'avoir été qu'une duperie. Ce contrat portait renonciation de la princesse à tous les biens de la succession paternelle, avec cette réserve, toutefois, qu'en telle renonciation et cession ne soit pas compris le droict qui luy appartient à la duché d'Urbin. Cette réserve d'apparence importante était confirmée et précisée par un article secret : Promettra Sa Sainteté de donner ayde au futur espoux pour recouvrer Urbin. Et d'aultant que la duché d'Urbin appartient à ladicte dame duchesse, et que de présent elle se trouve occupée par le sieur François-Marie, si le sieur Roy veult faire entreprinse aulcune, en temps qui sera jugé oportun par Sa Sainteté et ledict sieur Roy, Sa dicte Sainteté sera contente payer et estre tenue à la moictié de la despence[37]. Mais cette promesse, minée par les restrictions, était de celles dont la diplomatie pontificale avait coutume de nourrir l'enthousiasme de ses alliés d'un jour.

De fait, à l'époque où ce contrat fut signé, le duché d'Urbin était occupé par Francesco-Maria della Rovere. Néanmoins, François Ier dépêcha un gentilhomme pour en prendre possession théoriquement, au nom de son fils[38]. Et même, en 1537, lorsque le gouvernement royal, dans le renouveau de la guerre, montra son désir d'allumer un grand feu en Italie, on mit, parmi les conquêtes à préparer, celle du duché d'Urbin[39]. Vaine démonstration : Francesco Maria mourut en 1538, et son fils, Guidobaldo II della Rovere, lui succéda tranquillement sur le trône ducal.

Seulement, lorsque Henri II reçut le sceptre, Guidobaldo éprouva quelques craintes et se tint sur ses gardes[40]. En effet, la réalisation de la dot immobilière de Catherine fut, semble-t-il, l'objet des premières velléités du nouveau Roi. M. de Gié, au mois de juillet 1547, prit le chemin de Borne avec commission d'obtenir restitution entière de la renonciation consentie jadis par la Dauphine aux biens des Médicis[41].

Cette question du duché d'Urbin provoqua un incident étrange, à Rome, en 1548. Un individu de Crema, ancien familier du cardinal de Bologne, poussé par on ne sait quelle idée, se rendit un matin, accompagné d'un cursore, la demeure de l'ambassadeur d'Urbin, qu'il trouva au lit : il lut à l'ambassadeur étonné un acte de protestation contre le duc, au nom de la Reine Très Chrétienne, afin de rompre, dit-il, le temps de la prescription pour la possession du duché. L'ambassadeur de France lui-même, fort ennuyé de l'incident, pria le.pa,pe de faire arrêter cet importun et de le garder en prison jusqu'à ce qu'il eût reçu des instructions du Roi, lequel il savait bien n'avoir pas donné cet ordre et n'être telle son intention, ni même celle de la Reine, surtout à ce moment[42].

Après cette date, la question d'Urbin s'évanouit. Vittoria Farnèse, petite-fille de Paul III, ayant épousé Guidobaldo della Bovere, le Roi, obligé par les engagements de sa politique de ménager la casa Farnèse, dut taire ses prétentions[43].

De l'héritage des Médicis, Catherine recueillit seulement des maisons, immeubles et rentes, à Rome et dans la campagne. Jean du Bellay administra ces biens, au nom de la Reine, pendant les séjours qu'il fit en Italie. Catherine céda au cardinal Farnèse, en 1555, le lot le plus important de cet héritage, constitué par des palais, maisons, courtils, jardins et cultures, sis aux flancs de Montemario, près du ponte Molle[44].

De longs procès entourèrent la succession des Médicis. Catherine soutint, à ce sujet, contre Marguerite de Parme, veuve d'Alexandre de Médicis, une cause interminable, qui fournit aux tribunaux romains matière copieuse de procédure. Les deux femmes, également astucieuses, poursuivirent leurs intérêts avec une âpreté juridique que voilaient mal leurs relations d'apparat fort courtoises[45]. De même, Cosme Ier, duc de Florence, disputa à la reine de France, sa cousine, une part de l'héritage située dans les Marais Pontins[46]. En 1548, Catherine avait cédé au cardinal du Bellay, par une donation secrète, tout le droit qu'elle pouvait prétendre sur les paludes pontines, qui par Terracine entrent en la mer[47]. Le petit monde de la Curie, accoutumé aux compromis savants, apprit avec stupeur, un jour du mois de juin 1550, que le vieux cardinal, las des chicanes, avait envoyé cinquante cavaliers prendre possession de Terracine : cette résolution subite produisit du scandale, et le pape en montra quelque colère[48]. Mais ces incidents se passèrent en marge de la grande politique, et Henri II lui-même y donna peu d'attention.

De ces faits, il faut conclure que si la Reine exerça sur son mari quelque action, dans le sens des choses d'Italie, elle tint une telle influence non de ses biens, mais de ses qualités personnelles.

 

En évoquant l'image de Catherine de Médicis, on doit se garder de prêter à son jeune âge ce masque légendaire de marâtre que les fatigues d'une longue vieillesse et les tourments de la politique donnèrent à ses derniers portraits, et qu'a poussé la fantaisie malveillante des historiens. Cette reine, qu'un veuvage prématuré devait jeter, chargée d'enfants et gardienne de l'héritage d'une dynastie, parmi la mêlée terrible des factions civiles et religieuses, montra, dans la période tranquille de sa vie, les qualités d'une femme aimable. Rien ne laissait prévoir, quoi qu'on ait dit, la régente capricieuse et fourbe que façonnèrent plus tard les événements.

Toute jeune fille, elle était venue à la Cour de François Ier — la plus grande et la plus riche Cour d'Europe — comme gage d'un traité d'alliance qu'avait signé le Roi-chevalier et que la mort du pape Clément VII fit apparaître bientôt comme un marché de dupe. Dans ce milieu fortuné, elle trouva beaucoup d'amertumes. Les poètes, les Italiens surtout, chantèrent la gloire de ses noces, mais les courtisans et les favorites ne lui épargnèrent ni les allusions à sa pauvreté, ni les dédains. Mme d'Étampes usait de la plus cruelle ironie et déclarait au Roi non seulement que le pape Clément avait manqué à ses promesses en mourant trente ans trop tôt, mais que son successeur, Paul III, avait dérobé le pauvre héritage de la Dauphine[49]. De son mari qu'elle aimait, Catherine ne reçut guère que des conseils et des ordres. Époux régulier et courtois, suivant son devoir, le dauphin Henri, que dirigeait une maîtresse calculatrice, ne donnait pas d'attentions à sa jeune femme.

Le pire malheur, pour cette Dauphine pauvre et sans beauté, fut de rester dix ans stérile. Dans cette Cour, où s'agitaient les intrigues et les débauches, la maternité seule pouvait lui donner quelque prestige. Elle en fut privée jusqu'à l'année 1544. Catherine souffrit de cet accident, surtout parce qu'il compromettait encore la fortune de son mari, auquel le vieux Roi montrait déjà peu d'affection.

Son attitude résulta de cette situation douloureuse : Catherine vécut en princesse modeste, aimable, serviable. On ne peut admettre qu'elle ait prémédité cet effacement qu'en invoquant son habileté future. A vrai dire, dans cette Dauphine discrète, il faut voir seulement une jeune femme timide, sans expérience et sans bonheur.

Durant cette longue attente, Catherine n'eut qu'un désir, celui d'avoir des enfants, et qu'un passe-temps, celui des arts.

Par les arts seulement, la Dauphine put exercer une influence italienne. Bien qu'elle ne fût guère belle, elle représentait, dans cette Cour où tout vivait d'imagination, l'attrait de l'Italie, le charme de Florence. Tant de Français, comme Rabelais, studieux, amateurs de pérégrinité et convoiteux de visiter les gens doctes, antiquités et singularités d'Italie, ne se lassaient d'admirer l'assiette et beauté de Florence, la structure du Dôme, la sumptuosité des temples et palais magnifiques[50]. Des courtisans, des hommes de guerre goûtaient, comme les humanistes, la grâce des richesses toscanes[51]. Les sieurs de Chastillon et d'Andelot et aultres de leur compagnie ont entrepris de faire un voyaige, écrivait Catherine à son cousin Cosme de Médicis, pour ce que surtout ilz ont désir de voyr vostre ville de Florence et les antiquités qui y sont[52]. Un jour que le roi François, parlant de l'État de Milan avec Mme d'Étampes et ses dames, formulait le projet de visiter les belles cités d'Italie, la Dauphine s'approcha et dit à son beau-père que s'il se rendait à Milan, il ne pouvait manquer d'aller aussi jusqu'à Florence[53]. Déjà Catherine faisait collection de tableaux. Au mois de janvier 1541, elle pria le pape, par l'entremise du nonce, de lui donner un portrait de Donna Julia, qu'elle avait vu, étant enfant, dans la chambre du cardinal de Médicis et pour lequel elle s'était sentie prise d’amour[54]. Encore, elle se livrait à l'étude des lettres. Du grec, elle apprit assez pour étonner tout le monde[55].

Ce n'était pas que cette culture pût lui attirer plus d'amour de son mari. Henri, qui devait renvoyer un jour à Montmorency les Esclaves de Michel-Ange[56], goûtait peu le plaisir des arts. Lui qui fut entouré d'hommes avides d'antiquailles, il s'intéressait à peine à l'architecture[57].

Les arts n'étaient donc, pour Catherine, qu'une récréation distinguée dans son abandon. Cette Dauphine, qu'on a représentée comme préparant en silence la suite tragique de ses destinées, était une personne charmante. Elle aurait vécu, dans la pénombre, jeune femme simple, aimée pour sa bonté et sa pureté[58], sans trouble, curieuse seulement de couleurs et de littérature, si le Dauphin, en 1541, suivant l'autoritaire jalousie de sa maîtresse, Diane, n'avait interdit à son épouse toute relation avec la favorite du vieux Roi, Mme d'Etampes, qui de ce jour la haït[59].

Il ne parait donc pas que Catherine ait pu exercer sur le dauphin Henri, du vivant de François Ier, une influence touchant les affaires d'Italie. L'héritier de la couronne, rejeté loin du gouvernement par l'antipathie de son père, ne professait guère d'idées sur la politique italienne, et, en tout cas, ce n'était pas à la Dauphine, fille vulgaire de marchands florentins, qu'il eût alors demandé des conseils.

Mais cet effacement de la Dauphine eut pour résultat de laisser intacte sa formation italienne. La société, les mœurs, le langage même de sa nouvelle patrie ne modifièrent pas, en elle, l'empreinte de l'éducation première. Pour ce qui est de la langue, le style de son extraordinaire correspondance suffit à montrer la résistance qu'opposa Catherine à la culture française. Quant aux modes, on voit la Reine, vingt-cinq ans après son mariage, prier encore Mme de Brissac de lui acheter à Milan des draps d'or et de soie[60]. De même, pendant cette jeunesse obscure, son entourage fut étroitement italien, formé des fuorusciti florentins qui avaient protégé son enfance, amis d'exil dont elle devait suivre et maintenir plus tard la fortune, avec une passion reconnaissante.

Le caractère de Catherine, devenue reine, se précise et s'accentue. D'incessantes grossesses, depuis 1544[61], transforment, mûrissent cette femme, et révèlent en elle le trait qui restera dominant, celui de la maternité défensive. Durant cette période de règne, qui fut pour elle la plus heureuse, Catherine, entourée des soins et du respect de son mari[62], que Diane de Poitiers, vieillie, ramène elle-même à l'observance fidèle du devoir conjugal, s'épanouit. On la voit passer, dans le décor de la nouvelle Cour, accompagnée de Mme Marguerite et de Diane, dont elle supporte la présence à ses côtés par l'habitude d'une résignation ancienne. Catherine gagne peu à peu l'estime du Roi. Henri II écoute ses avis, les sollicite même. Il lui confia, en 1552, la régence du gouvernement, durant la guerre, et ne s'en repentit pas, quoiqu'on ait dit, puisqu'il lui renouvela cet honneur pendant les campagnes des années suivantes. Et dans la femme qu'a déjà transformée la maternité, se dessinent encore les traits de la régente à venir. Dès lors, sans doute, elle eût joué un rôle plus important, si elle n'eût rencontré, auprès de son mari, l'ombrageuse autorité du connétable de Montmorency et la vigilance quotidienne de Diane, qui défendait son influence propre et celle des Guises. Mais, en dépit de cette gène, Catherine put exercer une action efficace. Elle apparaît, à certaines heures, femme tenace, insinuante et énergique, telle que la révélera la dernière période de sa vie, en des circonstances trop défavorables. Nous la verrons, en 1554, reine passionnée et forte, menant le Roi et les ministres, maniant les partis et dirigeant la guerre.

C'est qu'au moment où elle monte sur le trône, la Dauphine, timide naguère et modeste, devient la procuratrice d'un parti, du plus ardent et plus dangereux des partis, celui des fuorusciti italiens. Autour de la Reine, le cercle des Florentins, rassemblé jadis, grossit et se fortifie. Nombreux étaient les Italiens, qui, depuis l'enfance de Catherine, regardaient avec espoir monter la fortune imprévue de cette duchessina florentine[63]. Quelques jours après l'avènement de Henri II, le 25 avril 1547, l'humaniste Claudio Tolomei adressait à la nouvelle Reine des félicitations : On ne peut imaginer, écrivait-il, le contentement qu'a pris de votre bonheur la plus grande part de l'Italie ; il lui semble qu'elle reçoit avec vous cette bonne fortune[64]. Cette bonne fortune devait fournir aux fuorusciti le moyen d'accomplir le dernier acte — le plus tragique — de leur épopée séculaire. La littérature même de la Péninsule contient le témoignage des espoirs que mirent en cette Reine italienne les factions de sa patrie.

Mais, d'ordinaire, l'intérêt que Catherine de Médicis prit aux affaires d'Italie résulta plutôt de son affection envers les personnes que de son goût pour les entreprises mêmes.

 

Telles étaient les influences antérieures qui auraient pu orienter les premiers sentiments de Henri II, lorsqu'il monta sur le trône.

En apprenant la mort de François Ier, les diplomates et les princes s'attendirent à une révolution de palais, anxieux de connaître la portée générale de ce changement. Charles-Quint, par nature et par habitude, montra de la défiance ; l'Empereur qui avait appris, au cours d'une longue rivalité, à manier l'âme naïve du Roi défunt, voyait sans plaisir arriver au trône un prince nouveau dont les idées restaient mystérieuses[65]. En Italie, les prévisions furent diverses. La mort de François Ier y parut d'abord le principe de nouvelles discordes et de nouvelles guerres[66]. Mais les informations qui parvinrent dans la Péninsule, à la fin d'avril et au début de mai 1547, laissèrent espérer un règne plutôt pacifique[67]. Le nouveau Roi, écrit l'évêque de Cortone, donne grand espoir d'être prudent, juste et courageux[68].

En réalité, les premières velléités de Henri II, après son avènement, paraissent assez confuses. Tout de suite, autant qu'il ressort des témoignages contemporains, le jeune Roi montra une attitude altière, avec des mouvements belliqueux qu'inspiraient la vieille haine, nourrie en lui, à l'égard de Charles-Quint et surtout le désir de réagir vivement contre la honteuse paix de Crépy. Dans ces premiers jours de toute-puissance, Henri II déclarait à l'un de ses familiers que les conseillers de son père l'avaient abaissé devant l'Empereur, mais que lui, tout désireux qu'il fût de garder la paix, saurait tenir tète à l'adversaire, quand celui-ci prétendrait le dominer ou exiger plus que la mesure[69]. Ces beaux sentiments devaient céder bientôt sous l'influence apaisante de Montmorency.

Une des premières mesures de réaction du nouveau souverain contre les modes de François 1er fut pour réprimer les mœurs italiennes qui avaient pénétré l'ancienne Cour. Au lendemain de la mort du Roi-chevalier, Henri II décida de restreindre désormais les fêtes et les plaisirs, pour mieux s'adonner aux pensées graves et vertueuses[70]. Il supprima les concerts et les bals, renvoya les dames d'honneur, quelques-unes avec ignominie. Mme d'Étampes, emportant ses meubles, se réfugia à Limours, puis en Bretagne. On défendit aux gentilshommes, sous des peines sévères, d'assister le matin au lever et le soir au coucher des filles, dans leur chambre[71]. Enfin, le Roi pria Madame Marguerite, sa sœur, et la Reine même, son épouse, de limiter leur compagnie à quatre darnes suivantes. Une telle réaction contre le faste et la galanterie — réaction qui ne put résister longtemps à la force des mœurs — correspondait aux blâmes sévères qu'avaient portés jadis, sur la conduite de François Ier, les amis du dauphin Henri. Qu'on se rappelle le mot qu'adressait Boisy au connétable, le 18 août 1543, en insultant les amours du vieux Roi : Nostre mestre est en la sorte que m'avez tousjours dit : plus y va avant, plus se prant avecque les faines et en a perdu toute honte[72].

Au reste, ces premières mesures n'offrent d'intérêt que comme velléités indépendantes du nouveau maître. Bientôt les partis vont se constituer et entrer en lutte pour gagner l'influence sur l'esprit de Henri II. Quelle personnalité celui-ci pouvait-il opposer à l'action des hommes qui devaient l'entourer ; était-il capable de les dominer et de les diriger ?

Une tradition inexacte représente Henri II en roi de la triste figure. Michelet, qui prêtait au visage des rois la couleur de leur politique, s'est plu à faire de celui-ci le héros d'un romantisme sombre. A dire vrai, sous la dure autorité de son père, le Dauphin avait montré une nature triste et taciturne, mais il perdit vite, une fois sur le trône, sa mélancolie. Le même Vénitien, Dandolo, qui l'avait vu triste Dauphin, le dépeint, en 1517, joyeux, rubicond et d'excellente couleur, allegro rubicondo et di ottinto colore[73]. Il eut toujours du goût pour les plaisanteries et les farces un peu grosses[74].

Enfant, son visage était gros et rond[75] ; homme, sa tête devint plus sèche, très brune, avec une teinte de douceur, la barbe droite et courte, l'œil grand, mais un peu timide :

Son visage estoit doulx, meslé de gravité[76].

Le corps proportionné, assez grand, de tempérament robuste et souple, il jouit d'une santé égale qu'affaiblit à peine un peu d'entérite et de gastrite[77], maladies généralement répandues en son temps : de la suite lamentable des Valois du xvie siècle, Henri II fut assurément le plus sain et le plus fort. Il avait ce qu'on appelle la complexion amoureuse, par crises brusques, violentes et suivies de remords[78]. De fait, il ne connut pas d'autres fatigues que celles du jeu physique. Son abord, pour les étrangers, était sans morgue, mais froid ; par contre, aux yeux de ses familiers, il montrait un laisser-aller incroyable[79].

Au moral, il a été fort maltraité par la plupart des historiens. Il a souffert de cette opinion qui confond les grands rois avec les longs règnes et qui ne permet pas aux princes d'être des esprits moyens. Au contraire, quelques historiens ont tenté de lui une réhabilitation ingénieuse, mais excessive, attribuant à sa clairvoyance le mérite d'événements dont l'avantage n'est apparu qu'aux politiques modernes. En réalité, si longtemps qu'on le fréquente, Henri II n'offre pas d'autres traits que ceux d'un homme ordinaire. Une mort prématurée, qui l'empêcha d'achever sa nature, et le voisinage trop éclatant du Roi-chevalier sont les causes véritables de son infortune historique. Placé entre la joyeuse épopée de François Ier et la sinistre régence de Catherine de Médicis, son règne, qui mérite toute attention parce qu'il est le nœud du XVIe siècle, manque de couleur personnelle. Mais c'est précisément cette atonie du Roi qui a permis aux influences et aux partis collectifs de gagner plus de relief.

Henri II ne mérite ni qu'on le noircisse, ni qu'on le réhabilite. Il convient seulement, pour expliquer l'action qu'exercèrent sur lui les hommes et les événements, de reconnaître les traits principaux de son caractère et de son intelligence.

Il eut quelques vertus dignes d'estime. Doué des plus précieuses qualités de l'homme privé, il fut courtois, aimable et bon. Sa bonté surtout parut extraordinaire, plus grande que celle d'aucun autre prince. Il entoura ses enfants d'une minutieuse tendresse, et ses amis trouvèrent en lui le plus libéral des protecteurs, libéralité d'autant plus fâcheuse pour l'État qu'il avait l'amitié très fidèle[80]. Par malheur, cette bonté n'était attentive qu'aux personnes proches, et le ministre absent perdait vite du terrain dans sa faveur. Les courtisans y prirent garde, sachant bien que le meilleur moyen de vaincre un adversaire était de l'éloigner[81].

Ce n'était pas qu'il eût l'amitié exclusive. Au contraire, Henri II — et tel est sans doute le trait le plus étrange de son caractère moral — s'entourait volontiers de conseillers rivaux. Il a donné, en même temps, une égale faveur à des hommes qu'il savait être des adversaires furieux. A Montmorency el aux Guises il accorda une confiance pareille, inclinant vers l'avis tantôt de l'un tantôt des autres, choisissant, selon son humeur, parmi les conseils qui lui étaient soumis, sans jamais préférer les personnes : s'il fit une distinction de traitement, ce fut seulement en considération de l'âge du connétable, auquel il donna plus de respect, tandis que les Lorrains obtenaient plus d'amitié. Cet équilibre devint même, pour son esprit, une habitude nécessaire : lorsqu'il lui arriva, par suite des accidents de la guerre, de perdre l'un ou l'autre de ses conseillers ordinaires, il ne put supporter longtemps la tyrannie d'une influence unique, et, par les plus grands sacrifices, il s'efforça de ramener l'absent[82].

Si l'on voulait expliquer cette affection singulière qui soumettait Henri Il aux influences adverses, égales et simultanées, d'hommes ennemis, il faudrait reconnaître en lui, non certes de la duplicité, mais une confiance toute naturelle et comme puérile. Il garda une fidélité inaltérable à tous ceux qui avaient entouré son jeune âge, estimant que leurs sentiments étaient assez prouvés du fait qu'ils avaient risqué d'encourir la défaveur de François Ier. Aussi, des personnages, grands ou médiocres, qui exercèrent une action efficace dans la nouvelle Cour, la plupart avaient-ils préparé naguère leur fortune aux côtés du Dauphin.

Cette confiance facile était née d'une nature optimiste et loyale. Henri reçut du roi François l'esprit de chevalerie naïve qui a tant illustré la mémoire du premier des Valois Angoulême : comme celle de son père, son âme romanesque s'exaspéra devant un adversaire aussi froid et retors que Charles-Quint.

Mais la chevalerie de Henri II — et c'est encore une des causes de son impopularité historique — était plus timorée et rigide que celle du roi François. On ne trouverait pas, dans sa vie, un exemple de déloyauté consciente. Il légitima le premier enfant naturel qu'il eut[83] ; la crainte de sa maîtresse ordinaire, Diane de Poitiers[84], et le souci de ne pas blesser la Reine l'empêchèrent[85], semble-t-il, de légitimer les autres.

Aussi bien, l'histoire étonnante de son amour pour Diane de Poitiers, amour né au hasard de l'adolescence, qui se transforma en une liaison intangible, malgré la sécheresse, l'inintelligence et la vieillesse de cette femme, offre l'illustration précise de sa psychologie morale. L'empreinte de l'habitude était si forte sur cet homme qu'il montrait encore, à l'égard de Diane, quinze ans après la première rencontre, une passion charnelle, une jalousie de possession égales, passant huit heures du jour à ses côtés, au point que les ambassadeurs le trouvaient plus débauché que son père : amour étrange dans lequel se mêlait la tyrannie des sens avec une sorte de respect craintif et de loyauté sentimentale, et que ne purent rompre ni les médecines intéressées de Montmorency, ni les éclats d'un tempérament parfois trop fougueux[86].

A la guerre, la chevalerie du Roi devait se manifester par la bravoure. Moins impétueux que son père, Henri Il risqua peu son corps dans la mêlée des batailles : la leçon de Pavie restait présente à la mémoire du Roi et de ses conseillers. Mais, par esprit de devoir et aussi par inclination, il se rendit à ses armées et y fit bonne figure, au moment du danger. Pendant la campagne de 1553, comme ses courtisans le dissuadaient d'aller au camp, il répondit qu'il appartenait à un roi jeune et sain de donner l'exemple à ses gentilshommes[87]. Bien qu'il ait mis, dans la raison de ses guerres, plus de sérieux que son père, le nouveau Roi ne put cependant jamais se libérer de cette opinion qui considérait la bataille comme passe-temps et jeu.

Du soldat, il avait lui-même surtout les qualités physiques. Il aimait la lutte et les exercices violents. Les contemporains ont remarqué en lui cet amour exclusif de la vie musculaire. Dauphin, Henri s'ennuyait du commerce des gens de lettres[88] ; Roi, sa considération pour eux diminua encore[89]. Mais rompre un bois, combattre à l'épée et à la masse, dompter les chevaux, courir en lice, voltiger, sauter et jouer à la paume : clans tous ces exercices, il était vraiment le premier[90]. Il n'avait d'admiration que pour les soldats. Celui qui n'est soldat, écrit Soranzo, n'a aucune place dans cette Cour[91].

Les défauts de son caractère étaient l'entêtement et la rancune. Doué d'une mémoire tenace, il gardait l'image vive des injures et des mauvais procédés. On sait qu'il nourrit contre Charles-Quint, qui l'avait détenu en Espagne, une haine mortelle : Aucune médecine ne guérira cette haine, écrit Capello, si ce n'est la mort ou la ruine de son ennemi[92]. Dès l'enfance, il avait montré cette inclination au ressentiment. Un témoin raconte que, lors de la libération des fils de France, en 1530, le connétable de Castille pria les jeunes princes de lui pardonner ses méchants procédés : rainé, François, accorda le pardon de bonne grâce, mais Monseigneur le duc d'Orléans, au lieu de dire comme Monseigneur le Dauphin, lui feist une pétarade[93]. Vindicatif, Henri II était encore obstiné. D'un entêtement à outrance dans ses opinions, il mettait son honneur à poursuivre jusqu'au bout le dessein qu'il avait une fois adopté. Vous cognoissez le naturel de nostre maistre estre tel, écrivait le cardinal de Lorraine au duc de Guise, que, depuis qu'il a quelque affaire en fantaisie, jamais n'est en repos ny en son aise que les choses ne soient conclues et arrestées[94].

Il est plus difficile de définir son intelligence : on ne peut guère distinguer, dans les documents, ce qui appartient au Roi de ce qui appartient aux ministres.

Minutieux, probe, assez laborieux, Henri II mit, dans l'exercice du pouvoir, beaucoup plus de conscience que de goût. François lei avait tenu son fils en dehors du gouvernement. Aussi, le nouveau Roi eut-il grand'peine à s'initier aux affaires d'Etat. Lorsqu'il hérita du trône, il se montra enclin à laisser le soin de son royaume aux personnes qu'il jugeait dignes de confiance. Ensuite, par conscience et par fierté, il s'appliqua à devenir, dans son propre Conseil, un personnage actif. Mais il ne put jamais acquérir assez de confiance en soi pour dominer réellement ses courtisans et ses ministres. Il adoptait l'opinion d'autrui, se trouvant incapable de s'en former une propre. Alvarotti le montre, en 1547, tremblant à l'approche de Montmorency, « comme les enfants quand ils voient le maitre[95].

Pourtant, au cours des délibérations du Conseil ou dans les audiences données aux ambassadeurs, on surprend le Roi raisonnant avec bon sens et clarté, toujours très attentif, mais ancré dans ses préjugés. Incapable de voir au delà du raisonnement, apte seulement à saisir les résultats immédiats, il manquait de cette intuition large et pénétrante qui marque le politique. Dépourvu de système général et de « grand dessein », il s'abandonnait à l'opportunité : les hommes les plus ambitieux, les plus passionnés et les plus tenaces créèrent, autour de lui, cette opportunité. Pour être juste, on hésiterait à condamner ce Roi d'une intelligence probe et moyenne, qui s'efforça d'être un bon souverain. S'il fut faible et comme enfant devant ses conseillers, c'est que François Ier ne lui avait permis d'acquérir ni expérience ni personnalité. Parmi tant de lourdes responsabilités que porte la mémoire du frivole Père des Lettres, celle-ci n'est pas la moindre.

Tel qu'il arrivait au trône, Henri II possédait un ensemble moral qui le livrait à la discrétion des partis, et, par suite, le prédisposait aux désillusions graves, aux revirements subits et entiers.

 

Pourtant, il serait invraisemblable que ce Roi, si docile qu'il fût à l'impulsion de ses conseillers favoris, n'eût pas gardé, à part lui, quelques préférences personnelles, en matière de politique et de conquêtes. Ces préférences, qu'on peut reconnaître dans certains traits, étaient fort sensées : elles prouvent que, mieux préparé à son rôle, il eût fait sans doute figure de roi sage et pratique.

Autant que les intérêts et les passions de son entourage le lui permirent, Henri II montra une tendance spontanée à diriger son activité guerrière vers le Nord et en particulier contre les Anglais. L'idée de la conquête de Calais l'obséda, pendant tout son règne. Dès 1544, encore Dauphin, il s'était porté vaillamment au secours de la ville de Boulogne assiégée. La chute de cette place lui causa le plus grand dépit, et il châtia le gouverneur, Jacques de Coucy, de la peine de mort. Sa première guerre, en 1549, est dirigée contre les Anglais, afin de recouvrer précisément le Boulonnais[96]. Dès lors, la pensée secrète du Roi est orientée vers Calais. Depuis plus de six ans, écrira Soriano en 1558, les Français complotent contre Calais[97]. C'est, en 1553, à l'occasion du changement de règne en Angleterre, une tentative pour engager des négociations directes auprès de lord Howard, gouverneur de la ville, lequel repousse ces avances avec hauteur3. Un an plus tard, c'est une entreprise que préparent les Français et dont la reine Marie est avertie à temps[98].

Après la trêve de Vaucelles, en 1556, le Roi fera relever en secret le plan des fortifications de Calais par Nicolas Denisot du Mans, en même temps qu'une conspiration sera fomentée pour livrer la ville à la France[99]. Parmi des préoccupations très graves et diverses, le souverain gardera toute sa prédilection à ce projet. Il y prend goût, dit Brantôme. Longtemps après la mort de Henri Il, François de Noailles, ancien ambassadeur à Londres, rendait à ce Roi le mérite de la conquête de Calais : J'ay encore une lettre de luy, par laquelle il m'escripvoit qu'il s'étoit attaché à cette entreprinse contre le conseil de tous ses cappitaines[100]. En effet, dans les tristes heures qui suivirent le désastre de Saint-Quentin, en 1557, Henri II recouvra son énergie pour décider qu'on investirait Calais. Il désirait assister lui-même au siège, mais il en fut destourné, dont il fut bien marri, après que les nouvelles arrivèrent de la prise, disant qu'on luy avoir osté un honneur qui à luy seul appartenoit[101].

Quant à l'Italie, on ne reconnaît pas de mobiles personnels qui aient poussé Henri II à y lancer ses troupes. Dépourvu d'imagination et de goût pour les arts, le Roi ne subit guère la séduction des pays d'outremonts. Lui-même, au cours de son règne, ne traversa les Alpes qu'une fois, pour aller à Turin. Ce qu'il aimait de l'Italie, c'était les Italiens : il admirait surtout les soldats de cette nation, mère du condottiere[102]. Aussi laissa-t-il la politique française, dans la Péninsule, en proie aux circonstances et aux hommes : son intérêt fut mesuré d'ordinaire à l'affection qu'il éprouvait envers les chefs de la guerre italique.

Pourtant nous verrons le Roi, en certaines occasions, ébranlé lui-même par de violentes secousses de passion et d'enthousiasme ; c'est que, se laissant engager presque à son insu, il se réveillait, lorsque la partie devenait ardente, avec une obstination et un orgueil, qui ne lui permettaient plus de reculer. Au reste, il lui était impossible de résister à la pression du milieu qui l'entourait : sa Cour fut composée souvent de plus d'Italiens que de Français, et les états de pensions, que nous possédons[103], ne donnent qu'une liste très incomplète de cette foule d'étrangers, diplomates, guerriers, clercs, marchands, ingénieurs, poètes, artistes, courriers, espions, boutions et courtisanes, dont le flot mouvant s'augmentait chaque jour de tous les quêteurs de deniers et d'aventures. Par une communion forcée, le Roi dut recevoir de cette foule, à certaines heures, un souffle de passion qui l'anima d'une ardeur irréfléchie.

Cependant, si l'on veut trouver, dans la politique italienne de Henri II, une idée réfléchie qui corresponde aux tendances personnelles du souverain, il faut retenir celle que lui attribuèrent le nonce Santa-Croce et le Vénitien Cappello. Je me suis aperçu, écrit celui-ci, que la première maxime de Sa Majesté est de tenir la guerre toujours éloignée de la France. Elle n'épargne pour cela ni soin, ni dépense, car elle juge que toute perte chez soi est considérable et tout dommage au loin de moindre importance. Aussi n'a-t-elle cessé d'envoyer en Italie ses armes et ses troupes [104]. De fait, Henri Il s'obstina à maintenir la conquête de Piémont, avec une particulière énergie, encore qu'il n'y eût aucun droit d'héritage, parce que ce pays formait comme un boulevard extérieur de la France. Sans doute aussi, c'est à ce principe de politique que fait allusion Joachim du Bellay, lorsqu'il montre le Roi

... Sur le Siennois, d'une force rusée,

Tenant de l'ennemy la puissance amusée[105].

Mais il est probable que diplomates et poètes ont attribué à Henri II un dessein qui appartenait plutôt à Montmorency, son conseiller.

Un fait est plus certain : l'intérêt porté par le Roi aux affaires d'Italie crût avec le nombre de ses enfants. Comme François Ier, Henri Il, chargé de famille, songea à établir l'un de ses fils dans les Etats d'outremonts. Et le phénomène d'attraction séculaire, qu'exerçait le royaume de Naples sur les princes de France, se renouvela. Dès 1552, Henri II décidait de donner à l'un de ses héritiers le titre de Monsieur d'Anjou, en souvenir de la maison qui fut souveraine du royaume de Naples[106].

Aussi les enfants que Catherine de Médicis donna au Roi furent-ils instruits dans la culture italienne. Le jeune Dauphin, qui devait régner si peu de temps sous le nom de François II, reçut pour précepteur le clerc Pierre Danès, descendant d'une famille napolitaine et très versé lui-même dans la connaissance des lettres italiennes[107]. Virgilio Bracesco enseigna au prince la danse et le maintien, Hector de Mantoue l'escrime[108]. La naissance de François, en 1514, avait été saluée comme le fut, en 1555, celle du duc d'Anjou, par les poètes italiens L'Anguillara, Dondi, Giusti, rimeurs accoutumés de stances et de sonnets de Cour[109]. Une ode célèbre de Ronsard, écrite dans le grand enthousiasme de la guerre de Toscane, exalta la gloire future des enfants de Catherine :

Jupiter...

A commandé que Florence

Dessous les lois de la France

Se courbe, le chef soumis,

Mais il veut que ton enfant

En ait l'honneur triomphant,

D'autant qu'il est tout ensemble

Italien et François[110].

 

Sous le nom de Henri II, les partis vont poursuivre les fins de leurs ambitions particulières, qu'entravera seulement le jeu même de leur rivalité.

 

 

 



[1] BRANTÔME, Œuvres, éd. Lalanne, t. III, p. 179.

[2] Bernardo Navagero au doge de Venise, 1544, 19 septembre, Crépy. ; origin. italien, p. p. A. ROZET et J.-F. LEMBEY, L'invasion de la France et le siège de Saint-Dizier par Charles-Quint en 1544, pp. 723-724.

[3] A. ROZET et J.-F. LEMBEY, L'invasion de la France et le siège de Saint-Dizier par Charles-Quint en 1544, pp. 721-725. — On trouve un écho de ces faits dans une lettre de Bern. Buoninsegni à la Balia de Sienne, 1545, 2 juin, Plaisance (Arch. d'Etat de Sienne, Lettere alla Balia, CXCV, 13 ; orig.).

[4] MELLIN DE SAINT-GELAIS, Œuvres, éd. Blanchemain, t. I, p. 287.

[5] Pour le royaume de Naples, voyez PH. VAN DER HAEGHEN, Examen des droits de Charles VIII sur le royaume de Naples (Revue historique, t. XXVIII, pp. 89-111).

[6] NICERON, t. XXVIII, p. 322 ; CH. MARCHAND, Charles de Cossé-Brissac, p. 12 ; E. PICOT, Bulletin italien, t. III, p. 25.

[7] Contarini, 1551 (ALBERI, Relazioni degli ambasciatori veneti, S. Ia, t. IV, p. 61) : JOACHIM DU BELLAY, Œuvres, éd. Marty-Laveaux, t. II, p, 466 :

Il sçavoit l'Espagnolle et langue Italienne,

Et si n'ignoroit pas l'antique Ausonienne.

Cf. CH. DE BOURGUEVILLE, Les antiquitez de Caen, p. 207, et B. CELLINI, Vita, éd. 1891, p. 301.

[8] H. CHAMARD, Joachim du Bellay, p. 77.

[9] Henri Dauphin à Paul III, 1537, 6 novembre, camp de Rivoli (Arch. d'Etat de Naples, carte Farnes., fascio 719 ; orig. autog.).

[10] Hippolyte d'Este à Henri II, 1551, 1er octobre, Ferrare (Arch. d'Etat de Modène, Reg. lett. Ippolito II, 1551-1552 ; reg. orig.).

[11] Cl. Tolomei et N. Borghesi au Reggimento de Sienne, 1552, 19 décembre, Compiègne (Arch. d'Etat de Sienne, Lettere al Reggimento, VIII, 23 ; orig.).

[12] Il existe aux Arch. Gonzague de Mantoue quelques lettres d'un comédien italien de la Cour de France, Stefano Guazzo. Il écrivait à Sabino Calandra, châtelain de Mantoue, le 9 mars 1555, de Paris : Questo Natale si recitorno i Lucidi, comedia del Firenzuola, innanzi a Sua Maestà della gliale io ne dissi una parte, et il simile ho fatto in una comedia del sr Luigi Alamanni, intitolata Flora, laquale si recito già otto giorni a Fontanableo, con grandissimo piacere di S. Mta et Lutta la Corte. (Arch. d'Etat de Mantoue, Carteggio ambasciatori Francia, à la date ; orig.).

[13] L. Arrivabene à la duchesse de Mantoue, 1553, 22 février, Amboise (Arch. d'État de Mantoue, ambasciatori Francia, à la date ; orig.).

[14] Pour les renseignements bibliographiques, voir E. PICOT, Bulletin italien, t. III, p. 25.

[15] Arch. Nat., J 920. — Journal d'un bourgeois de Paris sous le règne de François Ier, éd. Bourrilly, p. 68.

[16] Journal de Jean Barrillon, éd. de Vaissière, pp. 176-177. Cf. MIGNET, Rivalité de François Ier et de Charles-Quint, t. I, pp. 223-233.

[17] Arch. Nat., K 1485, 23. Voyez F. DECRUE, Anne de Montmorency, t. I, pp. 398-399.

[18] Cl. Tolomei à G. Cesano, s. d. (CL. TOLOMEI, Lettere, éd. 1547, fol. 165).

[19] Le nonce au cardinal Farnèse, 1542, 17 avril, Fligny (Ardt. Vatic., Nunz. Francia, t. I A, fol. 296 v°-297 ; orig.).

[20] PAILLARD, Revue historique, t. VIII (1874), pp. 359-361 ; F. DUCRUE, Anne de Montmorency, t. I, p. 432.

[21] Arch. Vatic., Principi, t. XIV, fol. 330 v° et suivants ; copie du XVIe siècle.

[22] DU MONT, Corps diplomatique, t. IV, pp. 280-286.

[23] ALBERI, Relazioni..., 1a série, t. IV, pp. 46 et 59 ; A. DE RUBLE, Le mariage de Jeanne d'Albret, p. 218.

[24] G. RIBIER, Lettres et Mémoires d'Estat, t. I, pp. 575-580 ; DU MONT, op. cit., t. IV, p. 288.

[25] G. RIBIER, Lettres et Mémoires d'Estat, t. I, pp. 575-580 ; DU MONT, op. cit., t. IV, p. 288, et A. ROZET et J.-F. LEMBEY, L'invasion de la France et le siège de Saint-Dizier, p. 201.

[26] 1544 [5], 13 février, Fontainebleau : Je Charles, duc d'Orliens, promes à Nostre Saint Pere Pape Paule et pour luy à Monsieur le cardinal Fernese, son nepveu et mon frère, de me contanter seulemant d'estre seur de Parme et Plesance pour toute chose qui me peuvent susider auparavant la conqueste qui se dœt faire de la duché de Milan, et an sepandant de laiser disposer à Sa Sainteté et à mon dit sieur le cardinal de l'administration de la justisse, du revenu et du demeurant, lui donant an sessi sete autorité et puissançe que je puis donner au roy mon pore et me obligeant à toujours de luy donner oubeissance de filz à Sa Sainteté. Et insi je le promes liberalemant par la presante escripte et souscripte de ma main, nonobstant aultre chose escripte ou promise au contraire de mon dit sieur le cardinal au roy. Faict à Fontenebleau, 13 de frevier 1544. CHARLES. (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 185, fasc. 1 ; orig. autog.).

[27] Charles d'Orléans au cardinal Farnèse, 1544, 11 mai, Saint-Germain, et 1545, 13 février, Fontainebleau (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 185, fasc. 1 ; orig. autog.).

[28] Le nonce au cardinal Farnèse, 1545, 1er juin (Arch. Vatic., arm. VIII, ordo Ia, vol. V, fol. 21 et suiv. ; orig.).

[29] J. PELETIER, Œuvres poétiques, éd. Vascosan (1547).

[30] H. Dandino au cardinal Camerlingue, 1546, 25 juillet, Paris  (Arch. Vatic., Nunz. Francia, t. II, fol. 231 v° ; orig.).

[31] Saint-Mauris à Los Covos, s. d. (Arch. Nat., K 1485, n. 575 : orig.). Cf. A. DE RUBLE, Le mariage de Jeanne d'Albret, pp. 218-219.

[32] Alvise Mocenigo au doge de Venise, 1547, 18 juin. Halle (Venetianische Depeschen vom Kaiserhofe, t. II, p. 288).

[33] Cl. Tolomei à G. Cesano, s. d. (Lettere, éd. 1547. fol. 165).

[34] On trouvera une énumération sommaire des principaux marchands italiens qui habitaient la France, ap. E. PICOT, Les Italiens en France au XVIe siècle (Bulletin italien, t. II. pp. 23 et suivantes).

[35] P. ANSELME, Histoire généalogique, t. I, p. 136 ; E. PICOT, Bulletin italien, II, p. 51.

[36] J. PELETIER, Œuvres poétiques, éd. Vascosan (1547), fol. 89 v°.

[37] Contrat de mariage (9 juin 1531-27 octobre 1533). p. p. G. BAGUENAULT DE PUCHESSE, Lettres de Catherine de Médicis, t. X, pp. 478-486.

[38] Vergerio à Carnesecchi, 1533, 19 décembre (W. FRIEDENSBURG, Nuntiaturberichte aus Deutschland, t. I, p. 149).

[39] L'év. d'Ivrée au prot. Ricalcato, 1537, 11 juin, Lyon (Arch. Vatic., Nunz. Francia. t. 1 A. fol. 87 v. : orig.).

[40] Relazione di Urbino di Federico Badoer, 1547, ap. ALBERI, op. cit., 2a série, t. V, p. 402.

[41] Le cardinal S. George et H. Dandino au cardinal Farnèse, 1547, 18 juillet (Arch. Vatic., Nunz. Francia, 1 A, fol. 327 v° ; orig.).

[42] 1548, s. l. n. d. (Arch. Vatic., Borghèse, I, 3, fol. 355 ; copie du XVIe s.).

[43] Le mariage de Vittoria Farnèse fut célébré, à Rome, le 29 juin 1547 : récit des fêtes par Bon. Ruggieri au duc de Ferrare. 1547, 2 juillet. Rome (Arch. d'Etat de Modène, Carteggio ambasciatori, Roma ; orig.). — Sur les négociations et les suites de ce mariage, voyez la correspondance de Hieronima Orsini, mère des Farnèse, pendant les années 1547-1548 (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 398 ; orig.).

[44] 1555, 30 septembre, Villers-Cotterêts (Arch. d'Etat de Naples, Carte Farnes., fascio 1337 ; copie collationnée). Ce fut Jean d'Avanson, sieur de Saint-Marcel, alors ambassadeur du Roi, qui mit le cardinal en possession de ce domaine.

[45] Les pièces nombreuses de ce procès, où J. du Bellay figure comme procureur de la Reine, sont dispersées en divers fasci des Carte Farnesiane des Arch. d'Etat de Naples.

[46] A. Serristori au duc de Florence. 1550, 27 mai et suivants, Rome (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3269, fol. 145 et suivants ; orig.).

[47] Le cardinal du Bellay au duc de Ferrare, 1554, 23 avril, Rome (Arch. d'Etat de Modène, Carteggio cardinali, Du Bellay ; orig.).

[48] A. Serristori au duc de Florence, 1550, 22 juin, Rome : Il vescovo d'Aquila mi disse che il cardinale Parigi haveva di propria autorità mandato 50 cavalli a terre il posesso de' paduli di Terracina, et che il papa n'era in collera. (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 3269, fol. 179 v° ; orig.).

[49] Le nonce au cardinal Farnèse, 1541. 14-15 février (Arch. Vatic., arm. VIII. ordo 1a, fol. 65 et suivants : orig.).

[50] Voyez Lettres écrites d'Italie par François Rabelais, éd. V.-L. Bourrilly (Paris, 1910, in-8°), p. 9.

[51] Les voyages étaient alors considérés comme nécessaires à l'éducation des gentilshommes. Anne de Montmorency écrivait au duc de Mantoue, 1548, 24 août, Turin : Pour ce que mon fils aisné, présent porteur, est desja assez grand pour commencer à faire voiaiges, et voient que ceste compaignye estoit à demy portée du chemyn de Venize, que je désire qu'il voye... (Arch. d'Etat de Mantoue, Carteggio ambasciatori, Savoia, diversi, à la date ; orig.).

[52] H. DE LA FERRIÈRE, Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 17.

[53] Bern. de Médicis à Lorenzo Pagni, 1545, 8 avril, Tours (DESJARDINS, Négociations de la France avec la Toscane, t. III, p. 151).

[54] H. Dandino au cardinal Farnèse, 1541, 10 janvier, Fontainebleau (Arch. Nunz. Francia, t. II, fol. 152 ; orig.).

[55] Bern. de Médicis à Cosme Ier, 1544, 27-31 décembre, Fontainebleau (DESJARDINS, op. cit., t. III, pp. 140-141).

[56] G. VASARI, Opere, éd. G. Milanesi, t. VII, p. 165.

[57] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1547, 8 avril, Paris : S. Mtà ha falto levare mano a tutte le fabriche che facea il Re suo padre. (Arch. d'Etat de Modène, Cancelleria ducale, estero, Francia ; orig.). Cette mesure singulière fut partiellement abolie, quelque temps après.

[58] H. Dandino au cardinal camerlingue, 1544, 20 janvier (Arch. Vatic., Nunz. Francia, t. II, fol. 224 ; orig.).

[59] H. Dandino au cardibnal Farnèse, 1541, 10 janvier, Fontainebleau (Arch. Vatic., Nunz. Francia, t. II, fol. 152 ; orig.).

[60] Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 121. — C'est la Cour de Mantoue qui, pendant les premières années du règne de Henri II, procura à la Reine, à Madame Marguerite, à Diane et aux dames des toilettes italiennes. La correspondance de l'ambassadeur Giorgio Corregrani, représentant des Gonzague en France, est pleine de détails précis et abondants sur ce sujet. Il écrit au duc de Mantoue, le 18 janvier 1548, de Melun : Delle robbe che porto Gierino, quelle ch' erano di minor pretio et manco stimate nelle bande di là sono state trovate più belle et haute più tare alla Mtà della Regina et a Mad. Margherita, come alcuni scuffioti et ornamenti da testa. (Arch. d'Etat de Mantoue, Carteggio ambasciatori, Francia orig.).

[61] A partir de 1544, la fécondité de Catherine devint extraordinaire : à peine délivrée, elle était de nouveau enceinte. Les ambassadeurs italiens donnent, dans leur correspondance, une chronique copieuse de ces grossesses, couches et fausses couches, que la Reine supportait allègrement.

[62] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1552, 5 avril, Joinville : Il Re visita la Regina et la serve con tanta amorevolezza et diligentia che è un stupore. (Arch. d'Etat de Modène, Francia ; orig.).

[63] Cl. Tolomei à la Dauphine, 1544, 8 mars, Rome, au sujet de la naissance de François di che non solo la Francia, ma Italia tutta s'è rallegrata. Le même charge Luigi Alamanni, en 1547, de transmettre à la Reine l'expression de ses vœux qui l'ont accompagnée depuis sa fanciullezza. (Lettere, éd. 1547, fol. 88 et 220).

[64] Le même à la Reine, 1547, 25 avril, Plaisance (op. cit., fol. 221).

[65] G. RIBIER, Lettres et Mémoires d'Estat, t. II, p. 2.

[66] Cl. Tolomei à Pier-Antonio Pecci, 1547, 16 avril, Plaisance (op. cit., fol. 206).

[67] A Modène, par exemple, où la mort de François Ier fut connue, le 10 avril 1547, par une lettre de Giovan Battista Segizzo, majordome de la Reine, on apprit, le 2 mai. la révolution de palais. Voyez Chronaca di Tommasino de' Bianchi detto de' Lancelloti, ap. Monumenti di storia patria, Chronache, X, pp. 61 et 64.

[68] G. B. Ricasoli, évêque de Cortone, au duc de Florence, 1547, 13 mai, Lyon : Questo nuovo Re dà grandissima speranza d'havere a riuscire prudente, giusto et anirnoso. (Arch. d'Etat de Florence, Mediceo, 4592 (1), fol. 3 : orig.).

[69] Francesco Giustiniani au doge de Venise, 1547, 3 avril, Paris (Arch. d'Etat de Venise, Dispacci ambasciatori. Francia. reg. 3 ; orig.).

[70] Francesco Giustiniani au doge de Venise, 1547, 16 avril, Poissy (Arch. d'Etat de Venise, eod. loco ; orig.).

[71] Julia Alvarotti au duc de Ferrare, 1547, 5 avril, Paris, Arch. d'Etat de Modène, Cancelleria ducale, ambasciatori estero, Francia orig.

[72] Bibl. Nat. ; ms. fr. 20508, fol. 41-44 ; orig. — Lorsque le pape Paul III apprit la mort de François Ier, il déclara que les mœurs du Roi avaient été celles d'un Sardanapale : Bon. Ruggeri au duc de Ferrare, 1547, 9 avril, Rome (Arch. de Modène, ambasciatori, Roma ; orig.).

[73] Les historiens ont négligé de comparer les deux portraits tracés par Dandolo (ALBERI, Relazioni..., 1a série, t. II, pp. 170 et 171, et t. IV, p. 46).

[74] La correspondance de Julio Alvarotti, surtout pendant l'année 1547, contient d'innombrables anecdotes, où se montre le goût du Roi pour les facéties et les tours de force (Arch. d'Etat de Modène, Cancelleria ducale, estero. Francia ; orig.). Cf. une dépêche de Saint-Mauris (juin 1547), ap. Revue historique, t. V. p. 113.

[75] M. de Clermont au Grand-Maitre, 1529, 2 août : Monsieur d'Orléans, un gros visaige rond, qui ne fait jamais que frapper et n'y a homme qui en puisse estre maistre. (CH. MARCHAND, Charles de Brissac, p. 539).

[76] JOACHIM DU BELLAY, Le tumbeau du roy Henri II (Œuvres, éd. Marty-Laveaux, t. II, p. 466).

[77] Il avait des crises de flux et des maux d'estomac.

[78] Il viola Filippa Duci. Ses amours avec Nicole de Souvigny sont assez obscures et mêlées de chantage (voyez. CH. PIERFITTE et L. GERMAIN, Mém. de la Société d'archéologie de Lorraine, 1904). Pour ce qui est de Diane de Poitiers et de lady Flaming, voyez plus loin.

[79] A la fin d'une fête, en août 1547, le Roi, après avoir mis dans un lit le duc d'Aumale et le maréchal de Saint-André, et dans un autre les cardinaux de Guise et de Châtillon, — ces deux derniers qui se détestaient —, emmena le connétable dormir dans son propre lit. Algarotti au duc de Ferrare, 1547, 15 août, Compiègne (Arch. d'Etat de Modène, Cancelleria ducale, estero, Francia ; orig.).

[80] Voyez, par exemple, L. ROMIER, Jacques d'Albon de Saint-André, pp. 163-280.

[81] Montmorency, qui connaissait admirablement l'esprit de son maître, employa fréquemment ce procédé contre ses rivaux ou ses adversaires.

[82] Voyez le chap. II.

[83] Diane de France, fille de Filippa Duci.

[84] Sur la jalousie farouche de Diane de Poitiers, voyez le chap. II.

[85] Catherine de Médicis était aussi fort jalouse. Elle devait écrire, le 25 avril 1584, à M. de Bellièvre : Si je faisais bonne chère à Madame de Valentinois, c'était le Roi, et encore je lui faisais toujours connaître que c'était à mon très grand regret : car jamais femme qui aime son mari n'aima sa putain (orth. modernisée). Il est extraordinaire qu'on ait voulu tirer de cette lettre la preuve des rapports vertueux entre Henri II et Diane de Poitiers. Voyez BAGUENAULT DE PUCHESSE, Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII, pp. 35-37. Cf. plus loin l'affaire de lady Flaming.

[86] La thèse ingénieuse, inventée récemment, qui représente Diane comme l'Egérie vertueuse de Henri II, ne résiste pas à la lecture des dépêches précises des ambassadeurs italiens. J. Alvarotti, qui tenait ses renseignements des Guises, alliés de Diane, donne des détails minutieux à ce sujet : il parait, d'ailleurs, moins scandalisé de ces amours mêmes que de la frivolité du Roi, qui perd de longues heures chez sa maîtresse. Le 1er mai 1547, de Paris : S. Mta, dopo disnare et dopo data audienza un pezzo, si ritira in camera et, in loco di dormire, come faceva il padre, se ne va alla sinisciale. Le 8 juillet 1517, de Paris : S. Mta non si puo vedere che attendi ad altro die e gioccare alla balla, qualche flata a caccia et a corliggiare a tutte hore la sinisciala, il dopo desinare et la cira dopo cena, che fra l'uno et l'altro deve stare seco almeno ollo hore, et se accade ch' ella sia in camera della Regina, manda per essa, talmente che ogniuno si duole et conclude che si stà peggio dit fu Re. (Arch. d'Etat de Modène, ambasciatori, Francia ; orig.). L'opinion publique jugeait sévèrement cette passion, dont s'étonnaient même les Cours étrangères. Bon. Ruggeri écrit, de Reine, le 8 juin 1547, au duc de Ferrare : El dono che s'intende che ha fatto il Re a guetta Mma Sinisciale ha scandelizato tutta questa Corte. Pur scriveno dalla Corte dell' Imperatore chel non sera manco dedito a suoi placeri che fosse il Re suo padre. (Arch. de Modène. ambasciatori, Roma : orig.). — Des correspondances d'Alvarotti et de Giorg. Corregrani, ambassadeur des Gonzague, il ressort que le Roi fréquentait Diane surtout pendant les grossesses de la Reine, laquelle, du reste, se trouvait presque toujours enceinte. Si Diane elle-même se fatigua de cet amour, ce fut moins par vertu que par vieillesse.

[87] P. Santa-Croce au cardinal del Monte, 1553, 19 août, Chantilly (Arch. Vatic., Nunz. Francia, t. III, fol. 185 ; orig.).

[88] Voyez le Prologue de l'Heptaméron : ... sauf ceulx qui avaient estudié et estaient gens de lettres, car Monseigneur le Daulphin ne voulloyt que leur art y fust meslé.

[89] G. Soranzo, 1558 : Non stimando sua Maestà le lettere molto, gli uomini letterati sono in poca considerazione. (ALBERI, op. cit., 1a série, t. II, p. 426).

[90] Sources supr. cit., et CH. DE BOURGUEVILLE, Les antiquitez de Caen, p. 207. — Giorgio Corregrani représente Henri II et ses courtisans comme atteints d'une véritable folie des sports : tournois, joutes, escrimes et danses. Au jour de l'Epiphanie de 1548, le maréchal de Saint-André offrit au Roi une fête qui fut toute de divertissements musculaires. G. Corregrani au duc de Mantoue, 1548, 18 janvier, Melun (Arch. d'Etat de Mantoue, Carteggio ambasciatori. Francia ; orig.).

[91] Soranzo et Contarini, 1551-1558 (ALBERI, op. cit., 1a série, t. II, p. 426 et t. IV, p. 61).

[92] ALBERI, op. cit., 1a série, t. II, p. 286.

[93] Rapporté par Sébastien Moreau, ap. CIMBER et DANIOU, Archives curieuses, t. II, pp. 281 et suivantes.

[94] Le cardinal de Lorraine au duc de Guise, 1554, 1er janvier, Fontainebleau (Mémoires-journaux du duc de Guise, p. 152).

[95] J. Alvarotti au duc de Ferrare, 1547, 1er mai, Paris (Arch. d'Etat de Modène, Cancelleria ducale, estero, Francia : orig.).

[96] Après la campagne de Boulogne, Henri II écrit, le 26 août 1549, d'Ambleteuse, au duc de Ferrare, lui annonçant qu'il vient de recouvrer ce que les Angloix me détiennent injustement. Et il ajoute : J'espère, moiennant la grâce de Dieu, recouvrer le surplus. (Arch. d'État de Modène, Principi esteri, Enrico II ; orig.).

[97] Michel Soriano au doge de Venise, 1558, 24 mars (RAWDON BROWN, Calendars of state papers Venitian, 1557-1558, p. 1476).

[98] VERTOT, Ambassades de Messieurs de Noailles en Angleterre, t. II, p. 74. op. supr. cit., t. III, p. 205.

[99] CL. JUGÉ, Nicolas Denisot du Mans, p. 112-113.

[100] 1578, 22 avril : lettre p. p. PH. TAMIZEY DE LARROQUE, Lettres inédites de François de Noailles, p. 28.

[101] P. DE LA PLACE, Commentaires de l'estat de la religion, livre I. On trouvera des détails sur ce sujet au tome II de notre ouvrage.

[102] ALBERI, op. cit., 1a série, t. IV, p. 84.

[103] L'état de 1549, souvent cité (Bibl. Nat., ms. fr. 3132, fol. 32 et suivants), ne donne que les pensions et non les gages, de sorte que la plupart des Italiens qui servaient le Roi n'y figurent pas. Le nombre des ces Italiens, attachés à la fortune royale, augmenta beaucoup à partir de 1551.

[104] ALBERI, op. cit., 1a série, t. II, p. 282. — P. Santa-Croce au cardinal del Monte, 1552, 25 octobre, Reims, au sujet de la paix ; Di questi lochi presi ultimamente non credo che si fosse molta difficultà che, per quanto mi par comprehendere, non se ne fa qui maggior stima che quanto importa la reputatione di mantenerli poichè sono stati presi et quanto che havendo querra con l'Imperatore, quanto le frontiere sono piu lontane, tanta è maggior la sicurezza dol regno. (Arch. Vatic., Nunz. Francia, t. III, fol. 45 v° ; orig.).

[105] Œuvres, éd. Marty-Laveaux, t. I. p. 304.

[106] P. Santa-Croce au cardinal del Monte, 1552, 25 octobre, Reims : Credo ancora che questa Mta difficilmente levasse totalmente l'aniino dalle cose di Napoli et di Milano, come quello che ci ha le pretentioni che si sanno ; et ha già tre figli maschi, et la Regina è gravida, et dapoi la morte del Inmeratore si promette motto. Et per dir tutto, questo parto della Regina, si serà maschio, già hanno discorso di chiamarlo Mons. d'Angio, per memoria di quella casa che fù padrone di quel Regno. (Arch. Vatic., Nunz. Francia, t. III. fol. 44 orig.). Cf. lettre du même, 1552, 21 décembre (ibidem, fol. 71 v° ; orig.). et G. Soranzo au doge de Venise, 1556, 24 août, Moret (Arch. d'Etat de Venise, Dispacci, Franza, fusa 1a ; orig.).

[107] Au sujet d'un confesseur italien à trouver pour Louis de Gonzague, Francesco Borsieri écrit à la duchesse de Mantoue : Faremo opera col precettore di Mons. Delfino, che parla et intende benissimo l'italieno. (Arch. d'Etat de Mantoue, ambasciatori, Francia ; orig.). L. Arrivabene à la duchesse de Mantoue, 1553, 22 février, Amboise : S. Mta in camera havea fatto venire M. Danesio, precettore di Sua Altezza con gli Commentari di Cesare latini, e cosi volse ne traducesse une lettione in volgare, ma in lingue italiana. (Arch. d'Etat de Mantoue, loc. supr. cit., à la date ; orig.).

[108] Henri II au duc de Mantoue, 1553, 15 novembre, Chantilly : il recommande M. Hector de Sachi, escripmeur de mon fils le Daulphin. (Arch. d'Etat de Mantoue, Carteggio principi. Francia ; orig.). Hector de Mantoue enseigna l'escrime à tous les jeunes princes de la Cour de Henri II. Voyez la correspondance d'Arrivabene aux Arch. de Mantoue.

[109] Pour la bibliographie, voyez E. PICOT, Bulletin italien, t. III, pp. 125-129.

[110] Œuvres, éd. Blanchemain, t. II, p. 47.