HISTOIRE DES GAULOIS D’ORIENT

 

CHAPITRE VIII. — ÉTENDUE ET TOPOGRAPHIE DE LA GALATIE.

Texte numérisé par Marc Szwajcer

 

 

L’accord unanime des écrivains classiques, qui donne Pessinonte aux Tolistoboyes, Ancyre aux Tectosages, et Tavium aux Trocmes ; l’accord encore plus décisif de ces écrivains avec les inscriptions et les médailles, ne permettent pas de concevoir l’ombre d’un doute sur la vérité de cette attribution ; et, si Memnon intervertit cet ordre géographique, il faut, comme un voisin des Galates ne pouvait pas s’y tromper, dire, avec le P. Hardouin[1], que le lapsus appartient, non à lui, mais à Photius ; ou plutôt, ajouterai-je, aux copistes de Photius.

Quant à l’étendue de la Galatie, durant l’époque de sa empiète indépendance, il faut, pour la déterminer, s’en tenir à celle des régions que Strabon et Ptolémée assirent à ces trois peuples, sans tenir compte, pour le Moment, de l’extension considérable que les frontières Salâtes atteignirent, au temps où ce pays descendait rapidement la pente de la servitude à l’égard de Rome. Pour Passer du plus connu au moins connu, commençons par es Tolistoboyes, dont la géographie est moins difficile à restituer.

I. Les Tolistoboyes. — Depuis les voyages de Texier et de Hamilton, depuis les travaux de Franz et de Ritter, il ne peut rester aucune hésitation sur la position de Pessinonte, leur capitale. Ses ruines sont là, étalées en plein soleil, sur un espace considérable[2], au pied d’une montagne, où l’on n’a pas de peine à reconnaître le mont Dindyme des anciens[3], près duquel Pessinonte était situé, d’après Strabon[4]. Acropole bâtie sur un plateau escarpé de tous côtés, excepté au nord ; nombreux fragments de colonnes, débris témoignant, à chaque pas, de l’importance et de la magnificence des monuments publics ; monceaux de blocs de marbre, architraves sculptées et frises, dont chacune marque la place d’un temple, d’un arc triomphe ou de quelque autre monument ; restes du fronton d’un temple et d’un portique, dont plusieurs colonnes sont encore en place ; enfin théâtre, dont les siéges en marbre sont presque tous conservés ; et, sur les collines voisines de la vallée qui conduit vers le Sangarius, antiquités de toute sorte[5] : voilà, même en dehors quelques inscriptions grecques trouvées sur les lieux[6], des preuves surabondantes de l’existence d’une grande ville ancienne à l’emplacement désigné. Aucune de ces inscriptions, il est vrai, ne porte le nom de Pessinonte ; mais à Sevri-Hissar, situé à neuf ou dix milles anglais seulement[7], et qui ne présente nullement l’aspect d’une grande cité antique[8], les habitants racontent qu’on a apporté d’un lieu voisin les débris de marbre épars dans leur cimetière[9]. Or, en tête des onze inscriptions de Sevri-Hissar, que donne le Corpus inscriptionum grœcarum (n° 4085-4095), figure celle d’un sarcophage, publiée et commentée par Franz[10], puis éditée par Hamilton sur une copie plus exacte[11], et qui contient un décret du sénat et du peuple tolistoboye de Pessinonte, en l’honneur d’un de leurs magistrats municipaux, décret appartenant à l’époque impériale, puisque les Pessinontiens y portent le nom d’augustaux (σεβασΐήνων). Cette inscription a clos tout débat sur la position de Pessinonte. D’ailleurs les mesures itinéraires discutées par Franz (p. 19-20), l’analogie de cette inscription avec le style lapidaire d’Ancyre et le style numismatique de Tavium[12], c’est-à-dire des deux autres métropoles galates, complètent la démonstration de ce fait que le monument appartient à Pessinonte même. Je me borne, ici, à indiquer le raisonnement du célèbre épigraphiste, sans m’arrêter aux détails des itinéraires, sur lesquels je reviendrai bientôt pour déterminer d’autres positions, en partant de celle de Pessinonte déjà connue. Je note seulement, pour ne pas être soupçonné de cercle vicieux, que, parmi les localités dont la distance à celle-ci est donnée, il s’en trouve, comme Ancyre et même Germa, qui n’ont pas besoin de ces mesures pour être reconnues.

Quant à la situation de Bala-Hissar (emplacement Pessinonte), par rapport au Sangarius (Sakaria), Ritter a éclairci d’une manière précise la prétendue difficulté que faisait naître sur ce point l’ignorance, longtemps prolongée en Europe, sur les différentes branches de ce fleuve. Que la rivière d’Angora ait porté le nom de Sangarius, rien ne s’oppose à ce qu’on le pense ; mais ce n’est pas le vrai, ou du moins le principal Sangarius des anciens, nom appartenait à la rivière qui coule vers l’est, au sud de Pessinonte, pour tourner ensuite au nord et rejoindre la première[13]. Le témoignage des habitants du pays, recueillie par Hamilton[14], montre d’ailleurs que, lorsque Ptolémée place au sud-ouest de Pessinonte la source du Sangarius[15], il a parfaitement raison, et que Strabon a raison encore de la placer à 150 stades environ de cette ville, puisque cette distance est estimée à huit heures de marche[16]. Quant au mont Adoreus, où Tite-Live indique la source du fleuve, Ritter (p. 452) fait observer que nul autre écrivain ne le mentionne sous ce nom ; mais, en 1861, une carte de Kiepert conserve[17], en modifiant son cours, cette branche intermédiaire du Sangarius, qui vient du sud pour passer auprès de Germa ; branche qu’il prenait à tort, ce me semble, dans sa carte de 1860, pour la source du Sangarius mentionnée par Strabon. Cette branche méridionale vient de l’Emir-Dagh, ou, du moins, des premiers mouvements de terrain qui commencent à le former. Ce serait donc l’Emir-Dagh qu’il faudrait nommer Adoreus, car, pour le reconnaître dans l’Elmah-Hagh, comme le faisait autrefois Kiepert, il faudrait n’appeler Sangarius que la rivière d’Angora ; or telle n’est point la conséquence qui résulte du récit de Tite-Live sur la campagne de Manlius Vulso.

Avant Pessinonte, Ptolémée nomme, chez les Tolistoboyes, la colonie de Germa[18]. Ce nom de colonie ne prouve en aucune façon que la ville ne fût pas antérieure à la domination romaine, et je ne m’arrêterai pas ici à démontrer une vérité de cette espèce ; d’ailleurs Eckhel[19] fait observer que ni Strabon ni même Pline ne donnent ce titre à Germa, et qu’on ne le voit pas sur ses médailles avant Commode. Mais, quand cette ville serait l’œuvre des Romains, ce qui est fort invraisemblable, son emplacement n’en serait pas moins à rechercher ici, puisqu’elle appartenait au territoire des Tolistoboyes. Or il n’y a point là de difficulté. A trois ou quatre heures à l’est ou au sud-est de Bala-Hissar, dit Hamilton[20], se trouve une localité aujourd’hui connue sous le nom de Yerma. (C’est la prononciation en grec moderne du nom de Γέρμα.) Elle contient des ruines considérables[21], et l’Itinéraire d’Antonin lui assigne précisément cette situation : sur ce dernier point, on trouve tous les détails désirables dans les Fünf Inschriften de Franz (p. 19).

La distance de Dorylée à Ancyre, dit-il, est ainsi répartie :

Itiner. Anton, éd. Wesseling, p. 202. Iter a Dorylao Ancyra, m. p. CXLI, sic ; Arcelaio, m. p. XXX. Germa, XX. Vindia, XXXII. Papira, XXXII. Ancyra, XXVII.

It. Ant. p. 201. Iter a Pessinunte Ancyra, m. p. XCIX sic : Germa, XVI. Vindia, XXIV. Papira, XXXII. Ancyra XXVII.

Tb. Peut. Doryleo XXVIII. Mideo, XXVIII. Tricomia, XXI. Pessinonte. (La suite manque.)

141 milles romains, de Dorylée à Ancyre, c’est trop peu, ajoute M. Franz, car la route directe en donnerait 150 ; et M. Kiepert pense que la faute se trouve dans la route de Dorylée à Germa, puisque, de là à Ancyre, les deux textes sont identiques, sauf les deux chiffres 32 et 24 pour la distance de Germa à Vindia ; mais ici c’est le second qui doit être préféré, l’autre s’expliquant par sa présence à la station suivante, qui aura trompé le copiste. Or les 99 milles de la seconde route (qui est correcte), ajoutés aux 77 que la table de Peutinger donne de Dorylée à Pessinonte, font 176, ce qui est fort exact, car il faut tenir compte du détour par Pessinonte, que ne faisait pas l’autre route de l’itinéraire. Et Kinneir indique, dans son voyage en Asie Mineure, à mi-chemin d’Angora à Pyrmnesia, qui est à 14 ou 15 milles géographiques d’Angora (c’est-à-dire à 70 ou 75 milles romains), un lieu du nom de Ghermah, avec les restes d’une ancienne ville. Non seulement le nom, mais la distance sont convenables, l’Itinéraire d’Antonin donnant 83 milles d’Ancyre[22].

En effet une différence de 8 ou 10 milles romains est bien peu de chose sur une pareille distance, avec les procédés de calcul topographique dont les anciens faisaient usage. Quant à la distance de Germa à Pessinonte, M. Hamilton, qui n’a pas visité Yerma, dit trois ou quatre heures, sur le rapport des gens du pays. Or ses heures de route représentent 3 à 4 milles anglais, comme on le voit par l’ensemble de son voyage, où il faisait d’assez longues traites à cheval ; et si, comme il est probable, il parle ici de la marche des paysans turcs, allant à pied à une faible distance, le chiffre doit être à peu près le même. Comptons 12 ou 14 milles pour la distance en question. Kiepert estime que le mille romain vaut le cinquième du mille allemand, qui est au mille anglais comme 69 est à 15 ; nous avons ainsi, pour le rapport du mille romain au mille anglais, 75/69e ou 15/14e environ. Les 16 milles de l’Itinéraire seront donc, à très peu de chose près, 15 milles anglais ; il y en a 12 ou 14 peut-être par les sentiers plus directs ; il est impossible de demander une exactitude plus grande.

Après Pessinonte, Ptolémée donne Vindia, qui, comme nous l’avons vu, doit se trouver sur la route d’Ancyre à 24 milles romains. M. Franz[23] pense que cette localité peut correspondre à Meulk-Koï, où Hamilton a trouvé une inscription latine, et la Papira de l’Itinéraire au Baluk-Kouyoumji du même voyageur[24]. Je ne puis admettre ce tracé, que cependant Hamilton ne contredit point. Il juge que cette inscription latine, assez mutilée d’ailleurs, était celle d’une pierre milliaire appartenant à la route d’Ancyre à Dorylée ou à Germa[25]. Que la colonne de marbre où cette inscription est tracée fût érigée sur une voie romaine, la chose est plus que probable, et Meulk-Koï est bien sur la route directe d’Ancyre à Dorylée, puisqu’il est reconnu que Dorylée est Eski-Sehr[26] ; mais, pour aller par là d’Ancyre à Germa, il faudrait faire un bien grand détour au nord-ouest. Hamilton a passé par Meulk, en se rendant tout droit d’Angora à Sevri-Hissar. De plus, un coup de compas sur la carte montre que la distance de Meulk à Yerma est à peu près la moitié de celle qui sépare Meulk de Baluk-Kouyoumji ; tandis que, d’après l’Itinéraire, il n’y avait qu’une différence d’un quart entre les distances indiquées. Enfin Hamilton a mis treize heures à parcourir la distance entre ces villages (treize heures de marche, et non comptées du départ à l’arrivée), ce qui suppose au moins 40 milles anglais, ou plus de 40 milles romains, et non pas 32, une voie militaire étant, d’ailleurs, facile à tracer sur ce terrain et exigeant peu de détours[27]. Sans être bien exacte pour la position de Meulk-Koï, la carte de Kiepert (Phrygie et lieux voisins, 1860), qui est jointe à la brochure de Franz, le distingue cependant de Vindia, qu’elle met un peu plus au sud-est. Tenons-nous-en donc à placer Vindia dans la plaine de Haimaneh, à huit lieues au nord-est de Germa, pas très loin de Beyjayes et d’Yaila.

Pour Papira, 59 milles de Germa et 27 d’Ancyre nous donnent-ils la position de Baluk-Kouyoumji ? Hamilton estime seulement à 18 milles anglais, soit environ 20 milles romains, la distance de ce village à Angora ; ce serait donc une erreur de plus d’un quart dans l’Itinéraire. Je pense néanmoins que la voie romaine passait par là, à cause des hauteurs qu’elle eût trouvées à droite et à gauche de ce tracé ; elle ne pouvait guère prendre la direction précise de Germa, qu’à l’entrée de la plaine de Haimaneh entre Baluk-Kouyoumji et Beyjayes. Du reste, il serait croire que, située à 25 milles seulement d’Ancyre, Papira, qui ne figure pas sur les listes de Ptolémée, appartenait plutôt aux Tectosages qu’aux Tolistoboyes, si ce géographe ne paraissait mettre Ancyre vers la frontière occidentale des premiers, et si Assarli-Kaya fut réellement, dans la campagne de Manlius, la forteresse des Tolistoboyes.

Ptolémée donne encore à ceux-ci Anaros, Tolastachora et Vetestum. La position de la seconde est assez facile établir, si l’on identifie avec son nom le nom bien probablement altéré de Tolosocorio, qui se lit sur la table Peutinger[28]. Tolosocorio est à 24 milles d’Abrostola, par la route qui, se bifurquant près d’Archélaïs avec celle d’Ancyre, venait d’Iconium, ainsi que le montre la Table dont Kiepert donne une section avec sa carte de Phrygie, Abrostola elle-même étant sur le chemin de Pessinonte à Amorium. Cette dernière ville est identique à Herjan-Kaleh, d’après Kiepert comme d’après Hamilton, qui l’a vue[29]. Hamilton y a remarqué des ruines étendues, mais don le caractère n’est pas bien nettement hellénique, et qui doivent, pour la plupart, appartenir à l’époque byzantine[30]. Ces 47 milles, comptés, sur la Table théodosienne, de Pessinonte à Amorium, ne s’accorderaient point, il est vrai, avec la distance réelle, qui est de 25 milles anglais ; mais la route qui s’y trouve tracée à droite d’Amorium, et qui conduisait à Tolosocorio, n’en donne que 11 d’Amorium à Abrostola, ce qui indique une réduction de 12 milles, réduction d’ailleurs vraisemblable, puisque les 23 milles notés à gauche peuvent être une répétition maladroite des 24 milles comptés entre Pessinonte et Abrostola ; de plus, rien ne prouve que celle-ci fût sur la route directe de Pessinonte à Amorium. Quant aux 22 milles donnés par la Table, comme distance de cette dernière ville à Laodicée-Katakékauméné, qui est Jorgan-Ladik, comme le montrent et son nom et l’abondance des inscriptions grecques qui s’y rencontrent[31], ils présentent, au moins à la première vue, un problème inextricable, d’autant plus que cette même Table théodosienne indique plus de 100 milles, partagés entre plusieurs stations, de Laodicée à Iconium (Konieh), tandis que Konieh est assez voisin de Ladik. Faudrait-il croire que le copiste a mesuré en sens contraire, a retourné de gauche à droite la route d’Amorium à Iconium ? Je me garde de l’affirmer ; mais le manuscrit unique, ce me semble, que la science possède de cette Table n’est pas fait avec assez de soin pour que cette explication soit absolument inacceptable. D’ailleurs le Caballu-Come, qui est donné comme la première station, à partir de Laodicée, rappelle beaucoup le bourg de Cuballum, première station de Manlius, sur le territoire gallo-grec[32]. Or Manlius se dirigeait, par la plaine de Hairaaneh, vers le haut Sangarius ; supposez que Caballu-Come forme la tête de ligne, en allant d’Amorium à Laodicée, et vous pourrez admettre soit son identité avec le Caballum-Tolistoboye de Tite-Live, soit une origine commune pour deux dénominations voisines. On m’excusera donc si, avec le (?) de rigueur, je me suis permis de l’inscrire sur ma carte, dans la situation que lui donnerait la Table ainsi rectifiées comme premier bourg de la Galatie sur cette frontière.

Revenons à Tolistochora. La position d’Abrostola étant connue par le tracé d’un triangle, dont les deux angles sont Amorium et Pessinonte, et dont les trois côtés se trouvent connus en longueur, on aura facilement celle la ville désignée par Ptolémée, en portant, dans la direction de Laodicée, une ouverture de compas correspondant à 24 milles. Le géographe grec place Anaros à la longitude de Germa et à 10’ au sud de Pessinonte, Vetestum à 20’ plus au sud encore et à la longitude de Vindia. Je ne donne pas, bien entendu, ces mesures comme définitives, puisque, pour Pessinonte même, il se trompe de plus d’un degré. Comme, d’ailleurs, ses longitudes sont habituellement tout ce qu’il y a de plus incertain, je ne donne la position d’Anaros et de Vetestum que comme des approximations très vagues ; néanmoins on peut, ce me semble, déterminer avec une certaine exactitude la frontière méridionale des Tolistoboyes par l’emplacement des villes qui sont désignées comme appartenant à la Phrygie, et qui regardent cette frontière. En tête de celles-ci se placent Amorium et Abrostola elle-même. Ptolémée les place[33] un peu à l’ouest de Pessinonte ; la première à 40’ plus au sud ; la deuxième à 15’ seulement ; ce qui s’accorde passablement avec ce que nous avons vu ; Strabon met Amorium dans la Phrygie Paroreia[34].

Quant à la ville d’Orcistus, son identité avec Alekian était déjà reconnue par Pococke[35], mais elle se trouve démontrée par Hamilton, qui y a lu deux fois le mot Όρκίσιηνοι, sans parler de deux autres inscriptions grecques et d’une assez longue inscription latine. L’une de celles qui contiennent le nom Όρκίσιηνοι mentionne (pour l’époque romaine) des magistrats de cette cité[36]. Le Corpus dit, au lieu cité : Orcistus in Notitiis episcopatuum oppidum est Galatiæ, sed antiquitus Phrygiæ annumeratur. Cet antiquitus doit-il se rapporter au temps où il n’y avait point de Galates en Asie Mineure, au temps de la Galatie autonome, ou au temps du Haut-Empire ? Ni Ptolémée, ni Pline, ni Strabon, ne nous éclaircissent directement là-dessus ; mais Orcistus est entre Abrostola, ville de Phrygie, et Mideum, que Strabon y place également ; Orcistus est aussi placé en Phrygie dans l’Atlas antiquus de Kiepert ; le sens naturel de la phrase du Corpus conduit à la même conclusion. De plus, Strabon nous dit qu’en allant de la Phrygie Épictète, où se trouve Mideum, dans la Grande Phrygie, qui est au sud, on laisse à gauche Pessinonte, le pays des Orcaoriques et la Lycaonie[37]. Pessinonte n’était point pas bien éloignée de la frontière. Cependant tout cela ne constitue pas une démonstration, et certains faits, qui trouveront place ailleurs, m’induisent à penser qu’Orcistus appartenait aux Tolistoboyes lors de la campagne de Manlius.

Strabon désigne deux forteresses du pays des Tolistoboyes, Blucium et Peium, dont l’une fut, dit-il, capitale de Dejotarus, et l’autre le lieu où était déposé le trésor[38] ; mais il ne donne, à cet égard, non plus que sur Gorbie, résidence de Castor, aucune désignation topographique. Ptolémée n’en parle pas, et il pourrait être téméraire de les assimiler aux fortifications sui generis dont je parlerai bientôt. L’examen de la marche de Manlius montre que Gordium était sur le Sangarius, un peu au-dessous de Pessinonte.

II. Les Tectosages. — La position d’Ancyre ne peut offrir matière à aucune incertitude, à aucune discussion même, en présence des nombreuses inscriptions antiques que renferme l’Angora moderne[39], qui a d’ailleurs presque conservé le nom que la ville portait au temps des Gaulois. C’est encore une ville considérable. La hauteur où se trouve le château s’élève au milieu d’une rangée de colonnes, séparées par une vallée profonde d’autres collines situées un peu plus à l’est. Une rivière venant du sud-est, serpente à travers des roches boisées, que couronnent â gauche les murs ruinés de la ville et de la citadelle[40]. Des nombreuses villes ou bourgades que Ptolémée énumère à la suite d’Ancyre, Olène, Corbéonte, Agrizama, Viazéla, Orosologia, Sarmalia, Dictis, Carima, Landosia, la plupart sont, je pense, à jamais perdues pour la géographie comparée, d’autant plus que le Corpus inscriptionum n’indique aucune inscription comme appartenant aux environs d’Angora. Il me resterait donc seulement, si je m’en tenais aux données classiques, à faire observer ici que, selon Ptolémée[41], Ancyre et Agrizama étaient les plus occidentales de toutes, Sarmalia et Landosia, les plus orientes ; la distance mesurée entre ces deux limites s’élevant à 1°, 40’ de longitude, s’il était permis de se fier aux longitudes de cet écrivain ; tandis que les latitudes extrêmes diffèrent de 1° 20’, Ancyre et Olène étant les deux villes es plus septentrionales[42]. Mais, à côté des textes écrits, on a signalé des données archéologiques, ces ruines de forteresses dont je parlais tout à l’heure, et qui peuvent appartenir en partie au territoire tectosage ; il est temps d’y arriver.

III. Les forteresses galates. — Je rappellerai préalablement que Ritter[43] pense reconnaître, au mont Magaba (sans doute le Baglun-Dagh de Hamilton[44]), la position occupée par les Tectosages lors de la campagne de Manlius, position que Tite-Live (XXXVIII, XXVI init.) dit avoir été prise sur une montagne, à un peu plus de 10 milles d’Ancyre. Cette attribution est vraisemblable, mais elle résulte de considérations purement géographiques ; on trouve, au contraire, plus au nord, des forteresses où l’on a pensé reconnaître non seulement la position d’anciennes places de guerre, mais le caractère des fortifications de ce peuple.

Le Karawiran (ruines noires), visité par M. Ainsworth en janvier 1839, est situé sur une des hauteurs qui limitent à gauche la vallée du Char-Su, affluent de droite de la rivière d’Angora[45]. C’est, dit Ritter (p. 464), un mur isolé, en pierres colossales, sans mortier, renfermant un espace de 127 pieds de diamètre, et, non loin duquel, sur le revers d’un rocher, subsiste encore un petit fort de même espèce. Un mur environnant un espace vide est le caractère spécial des forteresses galates. Plusieurs d’entre elles peuvent avoir été dépourvues d’habitants, tandis que d’autres auront été bâties dans des villes plus anciennes, pour servir d’asiles. Rien de semblable, fait observer Ainsworth, ne s’est rencontré dans cette partie de l’Asie, et ce genre de construction est complètement différent de toutes les autres constructions antiques ou modernes. Il ne pouvait, sur ce vieux sol de la Gallo-Grèce, au cœur du pays montagneux des braves Tectosages, que lui rappeler les forteresses celtiques[46].

Une fois ce caractère déterminé, nous pouvons revenir pour quelques instants en arrière, vers le pays des Tolistoboyes, pour y chercher de semblables monuments. C’est en effet dans l’angle des deux rivières de Pessinonte et d’Angora, que MM. Hamilton (I, 431-432) et Ritter (p. 592) reconnaissent le mont Olympe, où Manlius Vulso attaqua les Tolistoboyes. Voici comment Hamilton le décrit :

Le mercredi 14 septembre (1836), je partis de bonne heure pour visiter des ruines sur le sommet d’une colline élevée et conique, nommée Assarli-Kaiya, à 3 milles au sud (de Baluk-Kouyoumji). En marchant sur un sol nu et rocheux, nous en atteignîmes le sommet en une heure. Là je trouvai les restes curieux d’une forteresse très remarquable ; c’est une sorte de château-éminence (a kind of hill-fort), évidemment très ancien. Le sommet de la colline, formé de trachyte rouge porphyrique, est complètement couvert de débris grossiers, environnés d’un mur presque circulaire d’environ 10 pieds de haut et formé de grossiers blocs de pierre de différentes dimensions ; il y a aussi quelques restes d’un ouvrage extérieur au sud-est. Tout l’intérieur est divisé en petits appartements, formant un parfait labyrinthe et sans rues ou passages pour conduire de l’un à l’autre. Ce n’est certainement pas un travail turc, et il ne ressemble à aucun ouvrage byzantin que j’aie jamais vu. Il est à une hauteur considérable et forme un point visible de tout le pays environnant. En me rappelant le récit de Tite-Live, ce lieu me paraît concorder parfaitement avec la description du mont Olympe, où les Tolistoboyes avaient cherché un asile et se défendirent. Il est évident que le mont Olympe était une colline isolée et non un pays montagneux, comme le pays au nord d’Ancyre, où on le met généralement.

En la lisant, on regrette néanmoins que cette description ne soit pas plus complète, et que le docte voyageur ne nous dise pas si réellement ce monticule est presque inaccessible au nord, en pente douce au midi, et offrant une pente accessible, mais seulement jusqu’à une certaine hauteur, au sud-est et au nord-ouest, comme Tite-Live nous représente le mont Olympe (XXXVIII, XX). Hamilton ne nous dit pas non plus si quelque éminence, située à 1 mille de l’emplacement du camp gaulois, domine la route qui conduit du pied de la montagne au sommet[47]. Du moins Tite-Live parle du camp gaulois comme d’un retranchement proprement dit, assez difficile à franchir et contenant une multitude de femmes et d’enfants[48], ce qui donne lieu de penser qu’il était construit d’avance, et qu’il a pu subsister depuis. Si un passage de l’auteur semble indiquer, avec le récit même de l’attaque, que le plateau du camp n’était pas sur un pic entièrement isolé[49], le dessin de la carte de Hamilton, que j’ai de mon mieux reproduit sur ma carte, ne l’indique pas précisément non plus ; on pourrait même, à la rigueur, y retrouver les traits principaux de la description faite par l’auteur latin ; on pourrait donc, jusqu’à informé contraire, admettre l’identification proposée et penser que les Tolistoboyes s’étendaient à l’est jusque-là.

Je dois ajouter néanmoins, sur le témoignage de M. G. Perrot, qui a visité les lieux et a bien voulu me communiquer le résultat de ses observations, que les détails topographiques exposés par l’historien latin ne se reconnaissent pas ici : le pic d’Assarli-Kaiya est bien un cône, et quant aux fortifications du sommet elles n’ont point paru au docte voyageur français présenter ce caractère d’antiquité qui semble avoir entraîné l’opinion de Hamilton. Il les assimile, au contraire, aux fortifications de campagne, improvisées par les Grecs d’Europe dans la guerre de l’indépendance (1821-1827), et ne voit aucune preuve que celles d’Assarli-Kaiya ne soient pas d’une époque tout à fait moderne : néanmoins il ne nie pas que la géographie de l’Itinéraire ne puisse conduire à voir là le mont Olympe. Quant aux constructions de grand appareil et manifestement antiques de l’Asie Mineure, M. Perrot les croit plutôt pélasgiques que celtiques : il m’a dit n’avoir pas vu les ruines près d’Istanos, dont il va être question.

M. Ainsworth, sorti d’Angora en mars 1839, et descendant la vallée de l’Enguri-Su, arriva le surlendemain de son départ à Istanos, petite ville située sur la rive droite du Tchar-Su, à l’extrémité orientale d’un défilé, dans une position pittoresque et dominée par des hauteurs couronnées de ruines antiques[50]. Le lendemain, continuant sa route dans la direction du nord, par les montagnes, il rencontra, sur une hauteur avancée[51], une enceinte de retranchements semblables aux fortifications galates, formée d’énormes blocs de rocher, qu’il appelait pélasgiques, offrant néanmoins une certaine régularité dans sa construction et ressemblant à celle d’Assarly-Kaiya, ainsi qu’à d’autres monuments de la même contrée ; en sorte, continue Ritter, qu’un assemblage de forteresses galates bien caractérisées se montre clairement (sich nachwesen lasst) dans quatre monuments du territoire galate, tout à fait analogues entre eux, et inconnus jusqu’à présent[52]. Le quatrième est une construction isolée, du même appareil celtique, que M. Ainsworth a rencontré à Beyad, dans le voisinage des mines de sel[53], sur la rive occidentale de l’Halys, et à l’est de Tchangri (Gangra) canton qui devait appartenir aux Trocmes, si nous nous en rapportons au passage où Pline[54] les désigne comme ayant formé une partie de leur établissement aux dépens de la Paphlagonie.

IV. Les Trocmes. — Pour le même motif, il faudrait peut-être, et quoique l’Halys forme ici une limite bien naturelle, attribuer aux Trocmes plutôt qu’aux Tectosages la position de Kalaijik, où Hamilton, après M. Texier, place le Galatôn-Teichos des anciens. C’est une petite ville située près de l’Halys, mais à la gauche du fleuve, un peu au nord de la route directe d’Ancyre à Tavium. Hamilton a trouvé là quelques inscriptions grecques et une latine, outre deux grecques à peu de distance, à Akjah-Tash[55]. L’acropole de Kalaijik a, d’ailleurs, une assiette assez forte pour avoir pu attirer la préférence des Galates, et, quoique le château soit de construction turque, le voyageur anglais trouva, dans les murs extérieurs, de grands blocs qui lui parurent helléniques (I, 411-412). Les antiquités d’Akjah-Tash, à trois lieues environ au nord-est, ont un caractère plus artistique (I, 413-414) ; on y voit d’ailleurs les restes d’anciens remparts sur le sommet de l’acropole. Les mots Κωμής κλωσσμένων, qui se trouvent dans l’une de ces inscririons, ont fait penser à M. Hamilton que c’est là Κωμή, capitale des Comenses, signalés par Pline comme un peuple galate ; la conclusion me semble bien arbitraire, et je n’y insisterai pas.

Revenons aux textes classiques.

Les Trocmes, dit Strabon, habitaient les cantons situés vers le Pont et la Cappadoce ; c’était le pays le plus riche (τά κράτισια) de toute la Galatie. Il s’y trouve trois forteresses, Tavia, ville de commerce... Mithridatium, que Pompée démembra du royaume de Pont, pour se donner à Bogodiatare (apparemment un tétrarque des trocmes), et Danala, où eut lieu l’entrevue de Pompée et de Lucullus[56].

Laissons de côté Mithridatium, qui n’appartient pas à la Galatie primitive, et Danala que l’on ne reconnaît nulle part, à moins qu’on ne veuille la retrouver dans la Dadusa de Ptolémée ou de ses copistes, dont j’indiquerai bientôt la position plus ou moins approximative ; arrivons au point capital, c’est-à-dire à l’emplacement de Tavium, la métropole des Trocmes[57].

Ptolémée la place à 20’ seulement au sud d’Ancyre, mais à 1° 35’ plus à l’est. Sans doute je n’accepte cette donnée que comme indication vague du lieu où il faut chercher Tavium ; mais les mesures astronomiques qui accompagnent le nom de chaque ville des Trocmes fournissent des preuves surabondantes de ce fait qu’ils se trouvaient à l’est des autres Galates. La différence notable en longitude que donne l’auteur entre Ancyre et la ville la plus occidentale des Trocmes permet d’ailleurs de reculer, en toute sécurité, au delà du coude de l’Halys leur établissement principal ; il y a donc une certaine vraisemblance à admettre que le fleuve formait en partie la limite réciproque des deux tribus, trocme et tectosage.

Quant à Tavium ou Tavia elle-même, M. Hamilton a cru devoir combattre l’opinion qui la voyait dans Tchorum (T. I, p. 379). Il renvoie, pour l’exposé de ses motifs, au VIIe volume du Journal de la Société royale (anglaise) de géographie, que je n’avais pas à ma disposition ; mais je n’a pas eu besoin des preuves négatives du savant voyageur puisqu’il cherche directement où il faut reconnaître la capitale des Trocmes. En effet, quelques pages plus loin (p. 391-898), après avoir écarté (p. 386-387) l’identification avec Yeuzgatt, qui ne contient aucun vestige d’antiquité, et qui, commandé de tous côtés par des collines très élevées (lofty), comme il le dit lui-même, ne peut avoir été le Φρούριον de Strabon, Hamilton s’arrête à montrer que Tavium est Boghaz-Kieui, le Pterium de M. Texier, ville qui peut, en effet, avoir été la capitale de l’ancienne Ptérie, au temps où il n’était question, en Asie Mineure, ni de Trocmes, ni de Galates. Des antiquités, faciles à reconnaître pour asiatiques, s’y laissent voir encore aujourd’hui[58] ; mais il n’y a pas contradiction entre ces deux sortes de données, et l’on peut même accepter pour ancien nom Pterium, si, comme le pense M. Amédée Thierry, l’étymologie de Tavium est gauloise[59], si, par conséquent, ce nom fut, aune époque comparativement récente, imposé par les Trocmes conquérants à leur capitale.

Ce ne sont pas les murs cyclopéens de Boghaz-Kieui[60] qui déterminent la conviction de M. Hamilton : le village d’Euyuk a aussi un mur de ce caractère, et ses antiquités ne sont pas du tout gauloises[61] ; d’ailleurs les murs de ce genre ne manquent pas en divers lieux de l’Asie Mineure[62]. Ce ne sont pas non plus des inscriptions grecques, car il n’en signale aucune ; encore moins des inscriptions galates, que l’on ne trouve nulle part ; c’est la position même de la ville. Nous apprenons de Strabon, dit-il, que Tavium était une place d’un grand commerce, et conséquemment, avait des communications nombreuses avec les cités voisines ; fait confirmé, ajoute l’auteur, par les nombreuses routes qui, sur la Table de Peutinger et dans l’Itinéraire d’Antonin, conduisent de Tavium à différentes villes[63]. Or il poursuit en constatant que distances données de Tavium à Angora, Césarée, Amas Zela et Néocésarée, conviennent précisément à la position de Boghaz-Kieui. La première et la deuxième sont fournies par les deux documents ; les trois autres par la table seule, qui donne deux routes de Tavium à Néocésarée. L’auteur fait observer, au sujet de cette dernière, qu’il faut corriger ou plutôt interpréter ici le texte, cette route étant identique, jusqu’à Zela, avec celle qui conduit de Tavium à Comane du Pont, ce qui explique l’omission de plusieurs stations déjà données par celle-ci. Il ajoute que Rogmor, trouvé en première ligne sur la route de Tavium à Zela, est probablement une faute de copiste pou Trocmor(um), signifiant que Tavium est la capitale de Trocmes. Or, en tenant compte de cette correction, l’on a 90 milles romains de Tavium à Zela ; et la distance de Boghaz-Kieui à Zilleh, qui, comme on le voit, a conservé son nom, est de 93 milles romains, ou 70 milles géographiques. Entre Tavium et Ancyre, l’Itinéraire d’Antonin donne 116 milles ; et, sur cette route, 68 d’Ancyre à Eccobrige. D’après Ainsworth, la distance totale est de 85 milles géographiques, soit 116 milles romains. Enfin de Tavium à Césarée, l’Itinéraire donne 109 milles, la Table 191, peut-être à cause d’un détour. Les 85 milles géographiques qui constituent la distance réelle, étant 114 milles romains, il n’y a pas deux lieues de différence avec la mesure de l’Itinéraire ; on pourrait donc se tenir pour satisfait de cette triple démonstration.

Cependant M. Texier, aux pages 497-499 de son volume sur l’Asie Mineure, publié tandis que je composais mon mémoire, refuse de s’y rendre, mais sans se rallier aux opinions qui identifiaient Tavium, soit avec Tchorum, soit avec Yeuzgalt. Selon lui, Tavium est Nefez-Kieui, à 24 kilomètres au sud de Boghaz-Kieui, et, comme on le voit sur la carte de Hamilton, à peu près à la même distance à l’ouest de Yeuzgatt : Hamilton a parcouru les deux routes. M. Texier fait observer que Tavium, encore important sous le Bas-Empire, doit présenter des antiquités grecques, et que l’on en trouve à Nefez-Kieui, tandis qu’elles manquent totalement à Boghaz-Kieui ; que, d’ailleurs, Nefez-Kieui, située dans un pays ouvert, consent mieux que l’autre situation à un centre d’où partaient, dans des directions diverses, plusieurs grandes voies de communication. Ces raisons sont graves, et l’on put accorder à l’auteur qu’une simple désignation d’itinéraire ancien est un moyen peu sûr de déterminer une localité ; j’avoue cependant que je me sentirais retenu par cette considération, que ce n’est pas une distance itinéraire, mais cinq qui concordent à désigner Boghaz-Kieui, si ces deux localités n’étaient si peu éloignées que l’accord approximatif des distances peut se reporter de l’une à l’autre. Une incertitude sur ce point ne bouleverserait pas beaucoup la topographie de la contrée ; mais il faut noter que les motifs archéologiques qui ont frappé M. Texier ont porté aussi la conviction dans l’esprit de M. Perrot, comme je le tiens de lui-même.

La position de Tavium étant déterminée, il reste d’ bord à grouper autour les localités assez nombreuses q désigne Ptolémée ; je dis autour, car Tavium est assez central d’après l’ensemble de ces données. Parmi ces villes ou bourgades, il en est une, Karissa, que le géographe dit être à l’est de Tavium et à la même latitude. Je crois devoir ni arrêter ici, parce que je me laisse aller à la pensée, ou à l’illusion, d’en avoir retrouvé l’emplacement véritable et précis, assez différent des indications de Ptolémée, puisque c’est au nord-nord-est de Boghaz-Kieui (à une médiocre distance). Je me hâte d’ajouter que cette découverte, je ne l’ai pas faite sur les lieux. Voici le cas dans toute sa simplicité.

M. Hamilton avait trouvé à Tchorum (I, 378-379) un assez bon nombre d’inscriptions dont il reproduit quelques-unes[64], et, quoique la première (la plus longue) y eût été apportée d’un village ruiné, situé près de Tekiyeh, il ne put se défendre de la pensée qu’il était dans le voisinage de quelque ville importante de l’antiquité, ou du moins du temps de l’empire, car plusieurs de ces inscriptions étaient surmontées d’une croix. Les Turcs de Tchorum lui dirent que ces inscriptions et colonnes, encastrées en assez grands nombres dans les murs, debout ou ruinés, de la ville, avaient été transportées là d’une place ruinée appelée Kara-Hissar, située sur la route de Yeuzgatt. Ils ajoutèrent que leurs anciennes chroniques ne mentionnaient ni Yeuzgatt ni Tchorum, mais que le pays et la ville s’appelaient autrefois Kara-Hissar.

Naturellement M. Hamilton résolut de visiter le lendemain ce curieux emplacement ; il arriva en effet à une colline noirâtre, dont le sommet domine toutes les collines qu’il fallait dépasser d’abord, et s’aperçoit de loin au-dessus de leurs crêtes. La position de cette masse isolée de roche trachytique, s’élevant, dit-il, à plus de cent pieds, au centre d’une petite plaine, environnée de collines basses, bien que plusieurs vallées s’ouvrent dans différentes directions, était tout à fait frappante : il est évident que ce fut là un lieu d’une grande force et d’une véritable importance. Le sommet consiste en deux pics, éloignés l’un de l’autre de cinquante à cent pieds, dont l’un est presque inaccessible ; tandis que l’autre, mesurait environ cent pieds de long sur vingt de large, porte des restes de murs et d’arcades, prouvant qu’il a été fortifié. Une fortification semblable enveloppe la partie la s accessible de la base ; au pied de la colline, sont les restes d’une ville considérable, consistant en ruines massives de quatre ou cinq grandes constructions en pierres non taillées, la surface (outer-caving) de presque toutes ayant été enlevée ou détruite ; c’était probablement un ouvrage turc... Je fus désappointé en n’y trouvant aucune trace de ruines grecques[65].

Que le voyageur n’en ait pas trouvé là, je le crois, puisqu’il le dit ; mais il les avait trouvées à Tchorum, il vient de nous le dire lui-même. On trouve bien à Savri-Hissar presque toutes les inscriptions connues de Pessinonte ; et, si cette dernière a pourtant gardé sur son sol d’immenses débris, personne ne comparera le centre du culte de Cybèle à une obscure cité des Trocmes. Kara-Hissar n’est donc pas purement turc, ou, du moins, ne l’a pas toujours été ; il n’est pas tout grec non plus, mais il paraît rappeler l’appareil gaulois. Sans doute le nom est bien turc, et même ce n’est pas le seul Kara-Hissar de l’Asie-Mineure[66] ; Kara, qui signifie noir, comme nous avons vu, fait sans doute allusion à la couleur de la colline ; mais serait-ce là le premier exemple, d’un peuple accommodant à son idiome un nom propre d’une langue étrangère, et cherchant par des allitérations un sens que sa propre langue lui fournit ? Sans aller plus loin, Strabon[67] mentionne l’opinion que le fleuve Halys tire son nom des mines de sel (άλς) qui se trouvent dans le voisinage.

D’ailleurs les Turcs de Tchorum disaient non seulement que le nom de Kara-Hissar était connu avant ceux de Tchorum et de Yeuzgatt, mais qu’il s’étendait à tout le canton. N’est-ce pas la civitas romaine, la ώόλις hellénique ? Si donc nous trouvons, dans la géographie ancienne, une cité d’un nom semblable, située dans le même pays, peut-on se défendre de les identifier ? Assurément M. Hamilton l’aurait fait lui-même, si son désappointement lui eût permis de méditer sur sa découverte. Cette cité, c’est Karissa. La différence qui existe entre les données astronomiques de Ptolémée et la position réelle de la ville, par rapport à Boghaz-Kieui, n’est point une fin de non-recevoir, quand on a devant soi des textes où les mesures ne varient que de 5’ en 5’, et où les longitudes présentent si souvent une déplorable confusion. Kiepert[68] écarte sa Karissa bien plus au nord-est de Tavium que je ne le fais ici. Si, tout en admettant mes conclusions, on voulait maintenir la position de Kara-Hissar, par rapport à Tavium, telle que Ptolémée la donne, il faudrait ramener cette métropole entre l’Halys et les mines de sel, si près de l’un et des autres que l’on comprendrait peu le silence de Strabon sur cette double particularité.

La Dadusa de Ptolémée, où l’on peut, avec quelque bonne volonté, trouver la Danala de Strabon, était, s’il en faut croire le géographe alexandrin, à 15’ à l’est et à 20’ au sud de Tavium. Ce serait à peu près l’emplacement de Yeuzgatt ; mais nous savons que M. Hamilton n’y point reconnu d’antiquités, et une situation dominée de toute part convenait peu aux villes antiques, encore moins à une forteresse galate ; on placera, si l’on veut, Dadusa sur quelqu’une des hauteurs voisines qui forment le prolongement de l’Ak-Dagh. Lascoria, Androsia, Phubana, Saralé, Anicia, Rastia, n’ont point été signalées, à ma connaissance, si ce n’est que la première se trouve, apparemment d’après Ptolémée, sur la carte de Kiepert[69]. Disons donc seulement que Rastia et Saralé sont placés par Ptolémée à près d’un degré à l’est de Tavium, mais un peu plus au sud, surtout la première, Lascoria au nord-ouest, et Androsia au nord-est de cette métropole. Je n’ai pas à parler ici de Claudiopolis, signalée comme la ville la plus occidentale ; mais les inscriptions et la position astronomique de Tekiyeh me feraient incliner à y reconnaître Androsia (et, en ce cas, Kalaïjik aurait pu hériter de Claudiopolis), si les détails que Strabon donne sur cette frontière ne me déterminaient à reculer celle-ci vers Tekiyeh, et Androsia vers Tchorum, pourvue aussi d’inscriptions[70].

V. Limites de la Galatie. — Un passage de Ritter, qui lui-même était favorable à cette opinion, m’avait porté un instant à placer les limites septentrionales de la Galatie bien plus loin que les cantons parcourus jusqu’ici dans cet examen, bien plus loin surtout qu’on ne peut l’induire de Ptolémée ; c’est celui[71] où l’auteur rappelle les monuments signalés par M. Bore sur les hauteurs d’Yflani, entre Zafaran-Boly et Kastamouni, bien loin dans la Paphlagonie, monuments que le voyageur français nommait paphlagoniens. Ritter les joint à ceux de Bejad, de Karawiran, etc. et les croit celtiques. Voyons ce qu’on en doit penser.

La position de Zafaran-Boly et de Kastamouni est bien établie par les cartes d’Andriveau-Goujon et de Hamilton ; cette dernière porte, en outre, dans l’intervalle, Agyan of Yflani, Bazar of Yflani, noms qui peuvent servir à reconnaître le canton montagneux dont parle Boré. S’il fallait reculer la Galatie jusque-là, il n’y aurait pas de difficulté à comprendre dans ses limites les points cotés aux numéros 4120-4126 du Corpus inscriptionum græcarum[72], c’est-à-dire la région à l’ouest de Gangra ; il faudrait encore, ce me semble, y faire entrer Gangra elle-même, située entre cette contrée et celle que j’ai reconnue comme appartenant aux Trocmes ; tandis que Ptolémée[73] donne comme latitude extrême de leurs cités celle de Tavium, celle d’Ancyre pour les Tectosages, et, pour les Tolistoboyes, une ville située à 10’ seulement au nord de Pessinonte, c’est-à-dire à peu près au confluent des deux Sarigarius (Vindia). Au contraire, les hauteurs d’Yflani appartiennent à une chaîne de collines située au nord de l’Orminius (Ala-Dagh), dont Ptolémée place le centre à 40’ plus au nord qu’Ancyre[74] ; l’Orminius passe un peu au nord de Gangra. Le géographe nomme d’ailleurs cette montagne à l’article Pont et Bithynie, c’est-à-dire dans la Province romaine comprise sous cette double dénomination, province qui s’étendait, sur la côte, depuis la Propontide jusqu’à Kytore, un peu au delà d’Amastris, à 30’ à l’est des bouches du Parthenius, et, dans l’intérieur, jusqu’à Juliopolis[75]. Etienne de Byzance, en citant, au mot Gangra, la même autorité, met cette ville en Bithynie. Juliopolis, située au sud de la montagne, était, selon Ptolémée, à la même latitude qu’Ancyre, mais à 2° plus à l’ouest, c’est-à-dire au point où je l’ai placée sur ma carte, d’accord avec l’Atlas antiquus de Kiepert (sa carte de 1840 était incorrecte sur ce point). Tout ceci concourt à placer au nord-est, vers le Sangarius même, la frontière de la Galatie. Ptolémée limite la province bithynienne, au sud, par l’Asie propre, et, à l’est, par la Galatie, voisine de la Paphlagonie, et par la ligne qui part de l’angle commun pour rejoindre, sur la côte, la ville de Kytore, appartenant encore au Pont[76].Plus loin (V, § 1) il répète que la Galatie est bornée, à l’ouest par la Bithynie et une partie de l’Asie, au nord par le Pont, et à l’est par la Cappadoce, faisant d’ailleurs partir le Pont de la frontière de Bithynie, telle qu’elle était tracée alors.

Mais la Paphlagonie n’était, on le voit, au temps de Ptolémée, qu’une désignation historique, et, comme il ne fait pas de géographie historique, il la mentionne à peine en passant. Strabon, au contraire, en fait, et beaucoup ; il a, de plus, ici, l’avantage d’être, par sa naissance, voisin des lieux que nous examinons. C’est donc de lui surtout qu’il faut apprendre quelle était la condition politique de ces diverses contrées, avant que le niveau de la domination romaine y eût passé.

A la fin du chapitre (des éditions modernes) qui concerne le Pont[77], Strabon décrit la Paphlagonie. Le reste du gouvernement du Pont, dit-il, se trouve au delà (c’est-à-dire à l’ouest) de l’Halys ; c’est la région de l’Olgassys, limitrophe du territoire de Sinope. L’Olgassys est une montagne très élevée et d’un accès difficile ; tous les temples de cette montagne appartiennent aux Paphlagoniens. Autour de l’Olgassys sont les fertiles cantons de Blaène et de Domanite, celle-ci traversée par la rivière Amnias..... C’est là qu’est située Pompeiopolis..... Après Pompeiopolis, le reste de la Paphlagonie appartient à la région de l’intérieur, jusqu’à la Bithynie, en allant vers l’occident. Ce district, de peu d’étendue, a eu des rois (particuliers) jusqu’à ce temps où, la lignée s’en étant éteinte, les Romains ont pris possession du pays[78]..... se trouve la Kinistère, avec la place forte de Kimiata, au pied de l’Olgassys. C’est de là que Mithridate, surnommé le Fondateur, partit pour devenir maître du Pont, et ses successeurs l’ont conservée jusqu’à Eupator. Le dernier roi des Paphlagoniens fut Dejotarus, fils de Castor, et surnommé Philadelphe, qui avait pour capitale une petite place de guerre nommée Gangra.

Le canton que Strabon vient de décrire est bien celui qui nous occupe. L’Olgassys, c’est le Doghou-Dagh, qui figure sur la carte de M. Andriveau-Goujon, petite chaîne située entre les bassins du Gheuk-Irmak et du Deverek-Tchai, tous deux au sud de la chaîne d’Aroud-Dagh, prolongement de l’Alfar, et qui comprend le canton ou le chaînon d’Yflani, comme on le voit en comparant cette carte avec celle de Hamilton. Je dis que l’Olgassys c’est le Doghou-Dagh, et non l’Aroud ou l’Alfar-Dagh, et, pour cela, je me fonde non seulement sur la position que Kiepert donne à l’Olgassys[79], mais sur les paroles mêmes de Strabon. Celui-ci ne dit pas, en effet, que l’Olgassys limite le territoire de Sinope, comme il le dirait probablement de la chaîne qui enveloppe, au sud, la banlieue de cette ville ; mais que la contrée qui l’environne (ή ώερί τόν Όλγασσον) forme la frontière de la Sinopide. Or les deux contrées fertiles qui l’environnent sont évidemment les deux vallées que je viens de nommer, et l’Amnias est une de ces rivières. Kiepert se décide pour le Gheuk-Irmak. Je ne verrais pas a priori de motif pour le contredire, et il y aurait même une certaine vraisemblance en faveur de cette opinion : c’est que Strabon semble dire que Pompeiopolis se trouve dans la Domanite, c’est-à-dire dans le bassin de l’Amnias, et qu’il fait commencer à partir de cette ville (μετά τήν Πομπηίου ώόλιν) la Paphlagonie intérieure, ce qui s’accorde bien avec celte position[80]. Mais la question est tranchée, si mon interprétation de Strabon est juste, car les inscriptions nous apprennent[81] que Pompeiopolis est Tasch-Kouprou, de la carte d’Andriveau-Goujon place Tasch-Kouprou sur le Gheuk-Irmak. Ainsi la Paphlagonie intérieure commence au nord de l’Orminius, au nord de Gangra par conséquent ; elle comprend les deux versants de l’Olgassys. Or, Strabon vient de nous le dire, ce pays eut des rois particuliers jusqu’au moment où les grands suzerains de ce temps-là, les Romains, se l’adjugèrent par droit de déshérence, peu avant l’époque où lui-même écrivait. Ce pays s’étendait à l’ouest jusqu’à la Bithynie, et son dernier roi eut Gangra pour capitale. Tout cela sépare si nettement de la Galatie Kastamouni, Zafaran-Boly, Keredi et même Tscherkesch, qu’il ne faut plus songer à en faire des villes galates.

Qu’une demi-douzaine de numéros fussent mieux placés à l’article Paphlagonie qu’à l’article Galatie, dans le Corpus inscriptionum, cela n’a qu’une médiocre importance ; mais je ne puis laisser en oubli ces fortifications que Ritter veut comprendre dans le système gaulois.

Les ruines de l’Yflani n’ont pas été comparées de visu à celles de Kara-Wiran ou du mont Olympe. Ni Hamilton ni Ainsworth ne les ont vues ; M. Boré seul les signale. Je ne conçois pas le moindre doute sur leur existence : Hamilton et Ainsworth ne les ont pas vues, tout simplement parce qu’elles n’étaient pas sur leur chemin ; mais enfin ces descriptions d’auteurs différents peuvent-elles donner un e complète assurance sur le caractère identique de constructions qui, après tout, n’étaient pas des œuvres d’art ? Si un voyageur dit, j’ai vu des colonnes doriques aux grottes de Beni-Hassan, tout le monde sait ce qu’il entend par là ; mais, quand il s’agit de blocs massifs, il me faudrait une description bien détaillée de leur agencement pour être sûr qu’ils sont semblables. Les monuments massifs ne sont pas, d’ailleurs, bien rares dans l’Asie-Mineure. De retour à Bartan, dit M. Bore, je pris, le 28 mai, la route de Castemouni, située au centre de la Paphlagonie, environ à trente-deux heures de distance ; j’employai cinq jours à ce trajet..... Le quatrième jour j’atteignis de hautes montagnes, couvertes de pins magnifiques..... Le lendemain, à trois lieues de là, je vis sur une petite élévation un monument circulaire ayant 18 mètres de diamètre. Les murs, conservés jusqu’à la hauteur de 6 pieds, étaient d’énormes blocs de granit brut. Au pied du monument, du côté méridional, gisait un énorme obélisque fracturé en deux parties..... A la hauteur du sol, il paraissait un ornement semblable à un cordon assez grossièrement fait. Toute la plate-forme de ce monument recouvrait avec des pierres massives un caveau ou souterrain de la hauteur d’un homme. Le caractère simple et puissant à la fois de cette architecture me fait penser qu’elle est bien antérieure à la conquête romaine, et que cet édifice servait à l’ancien rite paphlagonien[82]. Tout cela est très médiocrement gaulois.

Je ne veux pas dire pourtant que les Gaulois n’ont jamais pris possession de l’Yflani. Nous ne connaissons point l’itinéraire de leurs premières courses, et Strabon, en limitant aux bouches du Sangarius la Bithynie primitive, nous met fort à l’aise pour supposer que les bons alliés de Nicomède se sont conduits en maîtres dans la Paphlagonie ; mais ils n’ont pas fait de ce côté d’établissement permanent. La Paphlagonie occupée par les Trocmes, dont parle Pline, ne peut représenter que les cantons de Bejad et de Kalaïjik ; car il n’est pas besoin d’admettre qu’il se soit trompé, comme il l’a fait au même endroit pour la Méonie[83].

Quant à la frontière orientale, il n’y a pas, je crois, à se préoccuper beaucoup de l’idée émise par M. Hamilton[84], qu’il faut la chercher dans la ligne du partage des eaux entre les bassins de l’Iris et de l’Halys. Cette limite, en effet, est bien peu sensible, puisque, après avoir cru la reconnaître aux environs de Tekiyeh, en se dirigeant vers Tchorum, il s’aperçoit, après avoir dépassé cette dernière ville, que l’Alajah-Su, rencontré alors par lui, coule dans le Tchoterlek-Irmak, affluent de l’Iris[85] ; et il s’arrête enfin[86], pour la limite naturelle du Pont et de la Galatie, à la chaîne des hauteurs qu’il dépassa après la plaine appelée Hussein-Ova, trois heures après sa sortie d’Alajah, c’est-à-dire à la longitude de Tavium même. Il faudrait, si l’on suivait sa pensée, reléguer dans le Pont galatique, non seulement la position attribuée à Karissa par l’atlas de Kiepert, mais celle même de Kara-Hissar ; il faudrait, à plus forte raison, lui laisser Tchorum et Tekiyeh, que le Corpus attribue à la Galatie, et réduire le pays des Trocmes à des proportions si étroites, qu’elles supposeraient une population tout à fait minime.

Recourons plutôt à Strabon. Le géographe d’Amasée, décrivant le territoire assez étendu de sa ville natale[87], territoire qui se trouvait précisément sur la frontière des Trocmes, le limite, au nord, parla Phazémonite, canton qui s’étend au nord vers la Gazélote et la cité d’Amisus, à l’ouest, jusqu’à l’Halys, à l’est, jusqu’à la Phanarée, c’est-à-dire jusqu’au confluent de l’Iris et du Lycus (V, p. 38), enfin, au sud, jusqu’au pays même des Trocmes. Le grand lac Stiphane, entouré de pâturages, qui limite la Phazémonite du côté de la Phanarée, est, comme le reconnaît Hamilton, le Boghaz-Kieui-Ghieul[88]. Strabon indique, demi pages plus loin, entre Amasée même et l’Halys, les cantons appelés Diacopène et Pimolisène, formant la partie septentrionale du territoire d’Amasée, sur une longueur d’environ 500 stades ; c’est là presque rigoureusement U longueur de la section de parallèle qui court d’Amasia à Kizil-Irmak. Ensuite, dit Strabon, le terrain s’allonge beaucoup, sous les noms de Babanome et de Ximène, celle-ci touchant à l’Halys. En effet, au sud de la latitude d’Amasée, l’Halys vient de l’ouest-sud-ouest. Voilà pour la longueur, continue le géographe ; en largeur, ce territoire va du nord au sud, du côté de la Zélite et de la grande Cappadoce, jusqu’au pays des Trocmes. Il y a dans Ximène des sels gemmes (άλες όρυκτοί), d’où l’on a pensé que l’Halys a tiré son nom.

Ici deux petites questions topographiques se présentent : les sources chaudes (Thermal springs), représentées sur la carte de Hamilton au nord de Tchorum, sont-elles ce qu’entend Strabon, quand il dit : ύπερκεΐται δέ τής τών Άμασέων τά τε θέρμα ΰδατα τής Φαζημονιτών ? et les mines de sel dont il parle seraient-elles celles de Chayan-Kieui, visitées par le voyageur anglais[89] ? Lorsque celui-ci ajoute[90] qu’en s’éloignant de la dernière, située au sud des hauteurs, il descendit par un ravin escarpé, dans la riche plaine de Sarek-Hamsch, pleine de troupeaux de gros et menu bétail (full of herds and flocks), on ne peut s’empêcher de reconnaître le caractère attribué par Strabon à la plaine d’Amasée : Έσιί μέντοι ώάσα εΰδενδρος ήδ' ίππόβοτος καί τοΐς άλλοις θρέμμασι ώρόσφορος. Ces miIles sont d’ailleurs voisines du fleuve. Néanmoins, si l’on observe que ce point se trouve à peu près à la latitude de Kara-Hissar (et plus à l’ouest), par conséquent, plus au sud que Tekiyeh et Tchorum, plus au sud que la forteresse gauloise de Bejad, on a peine à rapprocher autant au sud-ouest les limites des Trocmes ; et l’on incline plutôt à adopter pour leurs frontières les hauteurs dont M. Hamilton a longtemps suivi le pied, en se rendant d’Amasia à Tchorum. Les mines de sel ne sont pas rares dans cette contrée. D’après la carte de Hamilton, on trouve plus d’une aux environs de Tchangri, et Strabon en place d’autres plus à l’est[91]. Il peut bien s’en trouvver d’autres encore au nord de Tchorum, et M. Hamilton dit que, jusqu’à son excursion à Chayan-Kieui, avait toujours échoué dans ses tentatives pour visiter quelqu’une des mines de sel gemme, pour lesquelles cette partie de la Galatie, aussi bien que du Pont, était célèbre au temps de Strabon. Quant aux sources d’eau chaude, M. Hamilton ne les a pas vues, et, si l’on reporte celles dont parle Strabon plus au nord que les Thermal springs de la carte, loin de contredire le géographe, on sera moins exposé à forcer le sens de ses expressions, puisque le lieu désigné sur la carte est précisément à la latitude d’Amasia, et vis-à-vis du lieu où, en remontant le Kizil-Irmak, on tourne beaucoup à l’ouest. En attribuant cette position à la Phazémonite, on ne saurait plus où placer la Diacopène et la Pimolisène.

Strabon disait aussi, nous l’avons vu, que les limites sud (et sud-ouest) de sa patrie étaient la Zélite, la grandi Cappadoce et la frontière des Trocmes. Zela (Zilleh) pouvait étendre les siennes du côté de l’est et du sud-est, où Pompée lui donna temporairement un accroissement assez considérable[92]. Mais Zela est à gauche de l’Iris, et il résulte du texte que la Cappadoce touchait au pays d’Amasée entre Zela et la frontière de Galatie. Il faut donc arrête celle-ci à quelque distance de l’Iris moyen. A quel point doit-on le faire, et quelle est, en général, la frontière cappadocienne des Galates ?

La Cappadoce, dit Strabon[93], qui, en sa qualité géographe historien, y comprend d’abord la côte du Pont[94], est bornée au nord par le Pont-Euxin jusqu’aux bouches de l’Halys, à l’ouest par les Paphlagoniens et les Galates établis en Phrygie jusqu’à la Lycaonie et à la Cilicie-Trachée. (La Galatie romaine allait jusque-là.) La Cappadoce se divisait alors en dix régions : cinq vers le Taurus, dont nous n’avons pas à nous occuper ici, et cinq autres, qui étaient : la Laviniasène, la Sargarausène, la Saraounène, la Chamanène et la Morimène[95]. La première, ayant été momentanément réunie au petit État de Zela, doit être cherchée vers le nord-est. La Sargarausène, qui contenait la petite ville de Herpa, était arrosée par le Garnaola (quelque affluent du Sarus), coulant en Cilicie[96]. Ptolémée la met au sud-ouest de Zela[97] ; ce doit être vers la frontière d’Amasée, mais, avec des longitudes comme les siennes, on ne peut faire un dessin exact. Le très petit nombre d’inscriptions grecques que le Corpus tire de la Cappadoce[98] sont toutes prises vers le 38e degré de latitude, ou aux environs du lac Tatta : un chiffre de Strabon nous sera ici plus utile.

Il dit en effet[99] que, du Taurus au Pont, la largeur de la Cappadoce est de 800 stades, soit 1° 15’, tandis que sa longueur est de 3.000, de l’Euphrate à la Phrygie. Les limites naturelles demeurant fixes, les limites politiques peuvent être ici déterminées avec une certitude approximative ; la dimension du nord au sud doit, d’ailleurs, avoir été plutôt restreinte que forcée par l’auteur, car il me semble qu’il appelle isthme le pays compris entre la côte du Pont et le golfe d’Issus. Enfin il désigne comme limite de la Cappadoce et du Pont une ligne de hauteurs parallèle au Taurus, et s’étendant de l’extrémité occidentale de la Ghamanène jusqu’à la Laviniasène à l’est. L’extrémité occidentale de la Ghamanène touche donc encore au Pont, et laisse à l’ouest et au nord-ouest la frontière galate, en sorte qu’il y a ici une petite inexactitude dans la carte de Kiepert.

Les montagnes indiquées par Strabon ne sont pas bien difficiles à reconnaître : c’est la chaîne de l’Ak-Dagh[100], formant à peu près un arc de 60°, convexe au sud et réellement parallèle, dans la plus grande partie de son étendue, à la direction principale du Taurus oriental, qui limite au sud la Cappadoce ; de plus il se trouve à 1° 15’ environ des dernières croupes de cette montagne ; c’est précisément la distance indiquée par Strabon ; et, si l’on force le chiffre pour la raison que j’ai donnée, on arrivera aux principaux sommets du Taurus. Je ne veux pas dire que l’extrémité occidentale de l’Ak-Dagh, qui s’avance fort loin dans l’angle du Kizil-Irmak ; et du Delidji-Irmak, appartienne encore aux frontières : mais elles pouvaient suivre cette crête jusqu’à ce que le chaîne eût pris la direction du nord-ouest et cessé d’être parallèle au Taurus. Là nous commencerons à tracer la frontière de Galatie. Rien ne nous oblige, d’ailleurs, à croire que Claudiopolis ait toujours fait partie du territoire galate.

Un autre passage de l’auteur grec[101] nous apprend que le lac Tatta (Tour-Ghieul), ce grand réservoir que Hamilton a examiné en détail[102], se trouvait au sud de la Galatie, et était borné par la grande Cappadoce, canton de Morimène. La frontière galate de la Cappadoce devait donc partir de l’extrémité septentrionale du lac, et aller, vers l’est, rejoindre le point où nous avons abandonné celle du Pont, en suivant le cours de l’Halys durant quelques lieues, puisqu’il se dirige là presque vers l’ouest. Cette frontière doit appartenir, tout au moins en partie, aux Tectosages, Pline disant que ce peuple a occupé la partie la plus fertile de la Cappadoce.

Quant à la limite des Tolistoboyes, du côté de la Phrygie, je n’y reviendrai pas : c’est par là que j’ai commencé cette étude topographique. Je rappellerai seulement, pour achever le dessin de la frontière, que Ptolémée étend la Galatie centrale jusqu’à 1° 20’ au sud d’Ancyre (à Landosia), et que, pour la Galatie occidentale, son point extrême, au sud, est vers Tolistochora.

 

 

 



[1] Note sur le XLIIe chap. du Ve liv. de Pline l’Ancien.

[2] Voyez Texier, Voyage en Asie Mineure, I, p. 166 et suiv. — Hamilton, Researches in Asia Minor, t. I, p. 439-441, analysé par Ritter, Klein-Asien, l. I, p. 576.

[3] Ritter, Klein-Asien, l. I, ch. XIII, p. 596-597. — Hamilton, tome I, p. 438.

[4] Strabon, liv. XII, ch. V ; Tauchnitz, t. III, p. 57.

[5] Voyez Hamilton, Res. in Asia Minor, l. I, p. 439-440. — Cf. Texier, Voyage en Asie Mineure, t. I, p. 166-169.

[6] Corp. inscript. græc., n° 4081-4084. — Hamilton, App., n° 143-146 des Inscriptions.

[7] Hamilton, t. I, p. 438.

[8] Texier, t. I, p. 166.

[9] Texier, t. I, p. 166.

[10] Fünf Insckriften und fünf Städte in Klein-Asien.

[11] Voyez le Corp. inscr., n° 4085, et Hamilton, App. 147.

[12] Page 22. — Eckhel, Doctrina numm. veter. Pessinus et Tavium. — Hard., Nummi ant. ΤΑΟΤΙΑΝΩΝ.

[13] Voyez Ritter, Klein-Asien, t. I, p. 451, 453, 458, 520, 524, 527, 536 ; et, pour les détails, Hamilton, tome I, pages 433, 434, 442, 444, 446.

[14] Hamilton, t. I, p. 442.

[15] Voyez Ritter, p. 451.

[16] Hamilton, t. I, p. 442-443.

[17] Atlas antiquus.

[18] Liv. V, ch. IV, § 7.

[19] Doctrina nummorum veterum, t. III, Galatia.

[20] T. I, p. 432. La carte de Kiepert, en 1840, indiquait le nord-est, mais Pessinonte y est trop rapprochée du Sangarius, et, par conséquent, trop au sud (cf. la carte et le récit de Hamilton). Cette erreur est corrigée en partie dans l’Atlas antiquus de 1861, qui cependant n’est pas sur une grande échelle. Je dois avouer, mais seulement pour mémoire, à cause des inexactitudes dont il fourmille, que Ptolémée place Germa un peu au nord-est de Pessinonte. C’est là, sans doute, ce qui avait d’abord trompé Kiepert.

[21] Hamilton, t. I, p. 432.

[22] Si nous mesurons sur la carte de Hamilton la distance directe de Germa à Angora, nous trouvons environ 68 milles anglais. C’est un peu moins que les 76 milles romains de l’Itinéraire, mais la différence est très faible, et l’on peut dire qu’elle est nulle, si l’on tient compte des détours que devait faire la route romaine.

[23] Fünf Inschriften und fünf Städte, p. 20.

[24] Il écrit différemment ces noms, qu’il ne connaissait encore que par le sommaire publié dans le journal de la Société anglaise de géographie.

[25] L. 436 et Append. n° 139. Ce monument est daté de la IIe année de la puissance tribunicienne du divin Vespasien, 7e consulat d’un prince de la jeunesse qui doit être Domitien, d’autant plus qu’après une assez courte lacune se trouve le mot Cœsar. Or l’an 80 est à la fois le IIe du règne de Vespasien et le 7e consulat de Domitien. Cependant la date pourrait être 79 (7e consulat de Titus) et comptant la puissance tribunicienne de Vespasien du jour de sa proclamation par les armées d’Orient. Dans un monument élevé en Asie, en l’honneur des princes et d’un lieutenant de l’empereur, mais non par ce lieutenant, puisque le nom de Cesennius Gallius est à l’accusatif, il ne faut pas s’étonner si le mot divus est appliqué à un prince vivant.

[26] Fünf Inschrift. etc., p. 4. — Cf. Corp. inscr., n° 3810-3817.

[27] Voyez Hamilton, t. I, n° 433, 435, et sa carte.

[28] C’est l’avis de Ritter, p. 605.

[29] Le nom de Herjan-Kaleh, dit-il, lui est donné par tons les Turcomans ; les Turcs l’appellent Hassar-Kieui. (T. I, p. 449.) Voyez aussi Ritter, p. 581, qui adopte cette identification entre Amorium et Herjar-Kaleh ; et une inscription latine dans l’Appendice de Hamilton, n° 155.

[30] Ibid., p. 450-451.

[31] Corp. inscript., t. III, p. 65-66. — Hamilton, t. II, p. 194.

[32] Voyez Tite-Live, liv. XXXVIII, p. 18.

[33] Liv. V, ch. II, § 23.

[34] Vol. III, page 72 de l’édition Tauchnitz.

[35] Voyez Corp. inscr. gr., n° 3822-3826.

[36] Voyez Hamilton, Appendice, n° 150-154 ; et t. I, p. 446-448.

[37] Liv. XII, ch. VI (p. 71-79 du 3e vol. de l’éd. Tauchnitz).

[38] Pau, penies, en langue kimrique, loisir, lieu de repos ; Blouk, caisse, coffre, et par extension, lieu de dépôt, dit M. Am. Thierry (I, ch. X).

[39] Hamilton, Appendice, n° 103-138, et t. I, p. 420-423. — Corp., I, n° 4010-4080.

[40] Hamilton, t. I, p. 416-417.

[41] Voyez Ptolémée, livre V, chapitre II, § 24.

[42] Corbéonte se trouve sur la carte de Kiepert, apparemment d’après Ptolémée.

[43] Asie Mineure, p. 523.

[44] Voyez la carte de son voyage, dressée d’après les documents originaux par John Arrowsmith.

[45] Voyez la carte de Hamilton.

[46] Celles-ci étaient quelquefois éloignées des villes.

[47] Tite-Live, XXI-XXII.

[48] Tite-Live, XXII-XXIII.

[49] Late per omnes anfractus montium fuga cœdesque fuit, et magna pars rupibus inviis in profondæ altitudinis convalles delapsa est. Après tout, Tite-Live ne l’a pas vu.

[50] Ritter, Klein-Asien, p. 531-532.

[51] Ou détachée (Vorhöhe).

[52] Ritter, Klien-Asien, p. 531, 532.

[53] Il s’agit ici des mines de sel situées sur les frontières de Paphlagonie. Celles où M. Hamilton reconnaissait des salines mentionnées par Strabon se trouvent à Chayan-Kieui, au nord de la route d’Alajah à Kalaijik.

[54] H. N., V, XLII : qui Mæoniæ et Paphlagoniæ regionem, Trœmi.

[55] Voyez son Appendice, n° 95-101. — Corp. I., n° 4099, 4101-2.

[56] T. III, p. 56 de l’éd. Tauchnitz.

[57] Voyez Pline, V, XLII. — Cf. Strabon, XII, V, et Ptolémée, V, IV, § 9, où Tavium est en première ligne. — Cf. Eckhel (t. III de la Doctrina nummorum veterum), ΤΡΟ.ΤΑΟΥΙΑΝΩΝ (méd. des emp. afr.). Hardouin n’hésite pas plus qu’Eckhel à lire Τρόκμων pour ΤΡΟ.

[58] Voyez Hamilton, p. 393-395 et la planche. — Lebas, Asie Mineure, pl. 2, 3, 4, 5, 8. — Revue archéol. février 1862. — Texier, I, 209-214. Cf. 215-222.

[59] Taobh, place, quartier, séjour en langue gallique (Amstrong’s Dict.). — Taw, grand, large, étendu, en langue cambrienne (Owen’s Dict.). — Voyez L’Hist. des Gaulois, ch. V. Entre les deux étymologies on n’a que l’embarras du choix. — Hérodote nomme la Ptérie, mais non Pterium.

[60] Hamilton, I, 391.

[61] I, 382-383 et planche.

[62] I, 47, 383, 478 : II, 8, 34, 42, 70, 73 ; et Schönborn, Beiträge zur G. Klein-Asien, p. 17-20.

[63] Hamilton, I, 395-396.

[64] Appendice, n° 80-88.

[65] I, 381-382 : It certainly was not Tavium, and I felt disappointed at not finding any traces of helenic ruins.

[66] Afiom Kara-Hissar, Eski Kara-Hissar, Kara-Hissar (Develi).

[67] T. III. p. 23 init. de l’éd. Tauchnitz.

[68] Atlas antiquus, Asia Citerior.

[69] Wernsdorf (De rep. Galatarum, chapitre V, § 7) rapproche de ce nom celui de Lassoro, que la Table de Peutinger place aux environs de Tavium.

[70] Hamilton, Appendice, 80-88.

[71] Klein-Asien, t. I, p. 464.

[72] Environs de Tscherkesch de Keredi ? Cf. le Corpus et la carte d’Andriveau-Goujon (Empire ottoman, en deux feuilles).

[73] Voyez Ptolémée, livre V, chapitre 1.

[74] Et deux à trois degrés plus à l’ouest. La latitude relative est exacte, la longitude ne l’est pas, car Angora est juste au sud du centre de la chaîne.

[75] Ptolémée, V, I, § 1, 7, 10, 14. — Cf. Schœnemann, De Bithynia et Ponto, p. 1-3, 76-91.

[76] Ptolémée, livre V, chapitre I, § 8-9.

[77] Le troisième du livre XII.

[78] L’auteur avait dit, au commencement du même chapitre, en résumant l’histoire de cette contrée depuis Mithridate, que Pompée donna quelques cités de l’intérieur à gouverner aux descendants de Pylamène, comme les Gaulois à leurs tétrarques (il ne confondait donc pas ce pays avec la Galatie), et que, plus tard, les Romains créèrent là des dynastes des princes et des républiques.

[79] Carte de l’Asie citérieure, dans son Atlas antiquus.

[80] M. Schœnemann, dans sa Dissertatio de Bithynia et Ponto (p. 89-91), nous dit, d’après leurs médailles, qu’Amastris était métropole (de la côte Pontique), et que Pompeiopolis l’était (de la Paphlagonie intérieure), comme Amasia de son propre territoire.

[81] Voyez Corpus inscriptionum grœcarum, 4153-4156 ; on y lit le nom de la métropole Pompeiopolis. Quant à Strabon, après avoir nommé la Blaène et la Domanite, δί ής (et non pas δί ών) Άμνίας ρεϊ ώοταμός, il ajoute immédiatement : Ένταΰθα Μιθριδάτης ό Εύπάτωρ τάς Νικομήδους τοΰ Βιθυνοΰ δυνάμεις άρδην ήφάνισεν. Et, après quelques détails sur cet événement : Κάνταϋθα δ’ άπεδείχθη ώόλις ή Πομπηιουπόλις. (Livre XII, chapitre III, sub finem.)

[82] Mémoire à l’Académie des inscriptions, daté de Tokat. — Cf. § 5 du Journal de voyage.

[83] Voyez supra. Pour Strabon, XII, IV, init.

[84] T. I, p. 377.

[85] Hamilton, t. I, page 380, Cf. 385.

[86] Page 400.

[87] T. III, pages 45-47 de l’éd. de Leipzig.

[88] Il est indiqué, sans cependant être nommé, sur la carte d’Andriveau-Goujon, mais trop près de l’Iris, parce que le confluent du Lycus trop à l’ouest. (Voyez la carte de Hamilton, qui a visité les lieux, et son chapitre XX.)

[89] Hamilton, I, 405-406.

[90] Hamilton, I, 407.

[91] T. III, page 44 de l’édition de Leipzig.

[92] Cf. Strabon, III, 44, et la carte de Kiepert.

[93] Liv. XII, ch. I, init.

[94] Voyez Hérodote, I, LXXII.

[95] Strabon, XII, I, sub fin.

[96] Strabon, XII, II.

[97] V, 6, § 10-13.

[98] Pars XXI.

[99] Voyez Strabon, livre XII, chapitre II.

[100] Carte de l’Empire ottoman, par Andriveau-Goujon. On pourrait prétendre que la chaîne désignée par Strabon est le Yuldouz-Dagh, situé un peu plus au nord, et au pied duquel se trouve la source principale du Kizil-Irmak. Strabon dit (t. III, page 23 de l’édition Tauchnitz) que les sources de l’Halys sont près de la région Pontique, en Camisène. Mais ce passage même me décide en faveur de l’Ak-Dagh. En effet, la Camisène, voisine de la petite Arménie (ibid. 44), n’est nullement désignée comme faisant partie de la Cappadoce, ce qu’il faudrait pourtant admettre si l’on reculait les frontière de celle-ci jusqu’à la vallée de l’Iris supérieur, omis par Andriveau-Goujon, mais maintenu par Hamilton et Kiepert, et sur lequel se trouvait la ville de Comane.

[101] Strabon, III, page 58 de l’édition de Leipzig.

[102] Voyez ch. XLIV ; Strabon dit : ή μέν οΰν Τάτια άλοπήγιόν έσιιν αΰτόφυες. Quant aux gisements de cristal d’onyx, trouvés en Cappadoce près de la frontière de Galatie (Strabon, XII, I), M. Hamilton pense les avoir retrouvés aux environs de Kodj-Hissar (t. II, p. 230), où il a vu un banc de gypse blanc saccharoïde ou albâtre.