LES APÔTRES

 

HISTOIRE DES ORIGINES DU CHRISTIANISME

CHAPITRE II. — DÉPART DES DISCIPLES DE JÉRUSALEM. - DEUXIÈME VIE GALILÉENNE DE JÉSUS.

 

 

Le désir le plus vif de ceux qui ont perdu une personne chère, est de revoir les lieux où ils ont vécu avec elle. Ce fut sans doute ce sentiment qui, quelques jours après les événements de la Pâque, porta les disciples à regagner la Galilée. Dès le moment de l'arrestation de Jésus, et immédiatement après sa mort, il est probable que plusieurs avaient déjà pris le chemin des provinces du Nord. Au moment de la résurrection, un bruit s'était répandu d'après lequel c'était en Galilée qu'on le reverrait. Quelques-unes des femmes qui avaient été au tombeau revinrent en disant que l'ange leur avait dit que Jésus les avait déjà précédées en Galilée[1]. D'autres disaient que c'était Jésus qui avait ordonné de s'y rendre[2]. Parfois on croyait môme se souvenir qu'il l'avait dit de son vivant[3]. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'au bout de quelques jours, peut-être après l'achèvement complet des fêtes de Pâques, les disciples crurent avoir un commandement de retourner dans leur patrie, et y retournèrent en effet[4]. Peut-être les visions commençaient-elles à se ralentir à Jérusalem. Une sorte de nostalgie s'empara d'eux. Les courtes apparitions de Jésus n'étaient pas suffisantes pour compenser le vide énorme laissé par son absence. Ils songeaient avec un sentiment mélancolique au lac et à ces belles montagnes où ils avaient goûté le royaume de Dieu[5]. Les femmes surtout voulaient à tout prix retourner dans le pays où elles avaient joui de tant de bonheur. Il faut observer que l'ordre de partir venait surtout d'elles[6]. Cette ville odieuse leur pesait ; elles aspiraient à revoir la terre où elles avaient possédé celui qu'elles aimaient, bien sûres d'avance de l'y rencontrer encore.

La plupart des disciples partirent donc pleins de joie et d'espérance, peut-être en compagnie de la caravane qui ramenait les pèlerins de la fêle de Pâques. Ce qu'ils espéraient trouver en Galilée, ce n'étaient pas seulement des visions passagères, c'était Jésus lui-même d'une manière continue, comme cela avait lieu avant sa mort. Une immense attente remplissait leurs âmes. Allait-il renouveler le royaume d'Israël, fonder définitivement le règne de Dieu, et, comme on disait, révéler sa justice[7] ? Tout était possible. Ils se représentaient déjà les riants paysages où ils avaient joui de lui. Plusieurs croyaient qu'il leur avait donné rendez-vous sur une montagne[8], probablement celle-là même à laquelle se rattachaient leurs plus doux souvenirs. Jamais sans doute voyage ne fut plus joyeux. C'étaient tous leurs rêves de bonheur qui étaient à la veille de se réaliser. Ils allaient le revoir !

Ils le revirent en effet. A peine rendus à leurs paisibles chimères, ils se crurent en pleine période évangélique. On était vers la fin du mois d'avril. La terre alors est parsemée d'anémones rouges, qui sont probablement ces lis des champs dont Jésus aimait à tirer ses comparaisons. A chaque pas, on retrouvait ses paroles, comme attachées aux mille accidents du chemin. Voici l'arbre, la fleur, la semence, dont il prit sa parabole ; voici la colline où il tint ses plus touchants discours ; voici la barque où il enseigna. C'était comme un beau rêve recommencé, comme une illusion évanouie puis retrouvée. L'enchantement sembla renaître. Le doux royaume de Dieu galiléen reprit son cours. Cet air transparent, ces matinées sur la rive ou sur la montagne, ces nuits passées sur le lac en gardant les filets, se retrouvèrent pleines de visions. Ils le voyaient partout où ils avaient vécu avec lui. Sans doute, ce n'était pas la joie de la jouissance à toute heure. Parfois le lac devait leur paraître bien solitaire. Mais le grand amour se contente de peu de chose. Si tous tant que nous sommes, une fois par an, à la dérobée, durant un instant assez long pour échanger deux paroles, nous pouvions revoir les personnes aimées que nous avons perdues, la mort ne serait plus la mort !

Tel était l'état d'âme de la troupe fidèle, dans cette courte période où le christianisme sembla retenir un moment à son berceau pour lui dire un éternel adieu. Les principaux disciples, Pierre, Thomas, Nathanaël, les fils de Zébédée, se retrouvèrent sur le bord du lac et désormais vécurent ensemble[9] ; ils avaient repris leur ancien état de pêcheurs, à Bethsaïda ou à Capharnahum. Les femmes galiléennes étaient sans doute avec eux. Elles avaient poussé plus que personne à ce retour, qui était pour elles un besoin de cœur. Ce fut leur dernier acte dans la fondation du christianisme. A partir de ce moment, on ne les voit plus paraître. Fidèles à leur amour, elles ne voulurent plus quitter le pays où elles avaient goûté leur grande joie[10]. On les oublia vite, et, comme le christianisme galiléen n'eut guère de postérité, leur souvenir se perdit complètement dans certaines branches de la tradition. Ces touchantes démoniaques, ces pécheresses converties, ces vraies fondatrices du christianisme, Marie de Magdala, Marie Cléophas, Jeanne, Susanne, passèrent à l'état de saintes délaissées. Saint Paul ne les connaît pas[11]. La foi qu'elles avaient créée les mit presque dans l'ombre. Il faut descendre jusqu'au moyen âge pour que justice leur soit rendue ; l'une d'elles, Marie-Madeleine, reprend alors sa place capitale dans le ciel chrétien.

Les visions au bord du lac paraissent avoir été assez fréquentes. Sur ces flots où ils avaient touché Dieu, comment les disciples n'eussent-ils pas revu leur divin ami ? Les plus simples circonstances le leur rendaient. Une fois, ils avaient ramé toute la nuit sans prendre un seul poisson ; tout à coup les filets se remplissent ; ce fut un miracle. Il leur sembla que quelqu'un leur avait dit de terre : Jetez vos filets à droite. Pierre et Jean se regardèrent : C'est le Seigneur, dit Jean. Pierre, qui était nu, se couvrit à la hâte de sa tunique et se jeta à la mer pour aller rejoindre l'invisible conseiller[12]. — D'autres fois, Jésus venait prendre part à leurs simples repas. Un jour, à l'issue de la pêche, ils furent surpris de trouver les charbons allumés, un poisson posé dessus et du pain à côté. Un vif souvenir de leurs festins du temps passé leur traversa l'esprit. Le pain et le poisson en faisaient toujours une partie essentielle. Jésus avait l'habitude de leur en offrir. Ils furent persuadés, après le repas, que Jésus s'était assis à côté d'eux et leur avait présenté de ces mets, déjà devenus pour eux eucharistiques et sacrés[13].

C'était surtout Jean et Pierre qui étaient favorisés de ces intimes entretiens avec le fantôme bien-aimé. Un jour, Pierre, en songe peut-être (mais que dis-je ! leur vie sur ces bords n'était-elle pas un songe perpétuel ?), crut entendre Jésus lui demander : M'aimes-tu ? La question se renouvela trois fois. Pierre, tout possédé d'un sentiment tendre et triste, s'imaginait répondre : Oh ! oui, Seigneur, tu sais que je t'aime ; et, à chaque fois, l'apparition disait : Pais mes brebis[14]. Une autre fois, Pierre fit à Jean la confidence d'un songe étrange. Il avait rêvé qu'il se promenait avec le maître. Jean venait par derrière à quelques pas. Jésus lui parla en termes très-obscurs, qui semblaient lui annoncer la prison ou une mort violente, et lui répéta à diverses reprises : Suis-moi. Pierre alors, montrant du doigt Jean qui les suivait, demanda ; Seigneur, et celui-là ?Celui-là, dit Jésus, si je veux qu'il reste, jusqu'à ce que je vienne, que t'importe ? Suis-moi. Après le supplice de Pierre, Jean se rappela ce rêve, et y vit une prédiction du genre de mort de son ami. Il le raconta à ses disciples ; ceux-ci crurent y trouver l'assurance que leur maître ne mourrait pas avant l'avènement final de Jésus[15].

Ces grands rêves mélancoliques, ces entretiens sans cesse interrompus et recommencés avec le mort chéri remplissaient les jours et les mois. La sympathie de la Galilée pour le prophète que les Hiérosolymites avaient mis à mort s'était réveillée. Plus de cinq cents personnes étaient déjà groupées autour du souvenir de Jésus[16]. A défaut du maître perdu, elles obéissaient à ses disciples les plus autorisés, surtout à Pierre. Un jour qu'à la suite de leurs chefs spirituels, les Galiléens fidèles étaient montés sur une de ces montagnes où Jésus les avait souvent conduits, ils crurent encore le voir. L'air sur ces hauteurs est plein d'étranges miroitements. La même illusion qui autrefois avait eu lieu pour les disciples les plus intimes[17] se produisit encore. La foule assemblée s'imagina voir le spectre divin se dessiner dans l'éther ; tous tombèrent sur la face et adorèrent[18]. Le sentiment qu'inspire le clair horizon de ces montagnes est l'idée de l'ampleur du monde avec l'envie de le conquérir. Sur un des pics environnants, Satan, montrant de la main à Jésus les royaumes de la terre et toute leur gloire, les lui avait, disait-on, proposés, s'il voulait s'incliner devant lui. Cette fois, ce fut Jésus qui, du haut des sommets sacrés, montra à ses disciples la terre entière et leur assura l'avenir. Ils descendirent de la montagne persuadés que le fils de Dieu leur avait donné l'ordre de convertir le genre humain et avait promis d'être avec eux jusqu'à la fin des siècles. Une ardeur étrange, un feu divin, les remplissait au sortir de ces entretiens. Ils se regardaient comme les missionnaires du monde, capables de tous les prodiges. Saint Paul vit plusieurs de ceux qui assistèrent à cette scène extraordinaire. Après vingt-cinq ans, leur impression était encore aussi forte et aussi vive que le premier jour[19].

Près d'un an s'écoula dans cette vie suspendue entre le ciel et la terre[20]. Le charme, loin de décroître, augmentait. C'est le propre des grandes et saintes choses, de grandir et de se purifier toujours. Le sentiment d'une personne aimée qu'on a perdue est bien plus fécond à distance qu'au lendemain de la mort. Plus on s'éloigne, plus ce sentiment devient énergique. La tristesse qui d'abord s'y mêlait et, en un sens, l'amoindrissait, se change en piété sereine. L'image du défunt se transfigure, s'idéalise, devient l'âme de la vie, le principe de toute action, la source de toute joie, l'oracle que l'on consulte, la consolation qu'on cherche aux moments d'abattement. La mort est la condition de toute apothéose. Jésus, si aimé durant sa vie, le fut ainsi plus encore après son dernier soupir, ou plutôt son dernier soupir devint le commencement de sa véritable vie au sein de son Église. Il devint l'ami intérieur, le confident, le compagnon de voyage, celui qui, au détour de la route, se joint à vous, vous suit, s'attable avec vous, et se fait connaître en s'évanouissant[21]. Le manque absolu de rigueur scientifique dans l'esprit des nouveaux croyants faisait qu'on ne se posait aucune question sur la nature de son existence. On se le représentait comme impassible, doue d'un corps subtil, traversant les cloisons opaques, tantôt visible, tantôt invisible, mais toujours vivant. Quelquefois, on pensait que son corps n'avait aucune matière, qu'il était une pure ombre ou apparence[22]. D'autres fois, on lui prêtait de la matérialité, de la chair, des os ; par un scrupule naïf, et comme si l'hallucination eut voulu se précautionner contre elle-même, on le faisait boire, manger ; on voulait qu'il se fût laissé palper[23]. Les idées flottaient sur ce point dans le vague le plus complet.

A peine avons-nous songé jusqu'ici à poser une question oiseuse et insoluble. Pendant que Jésus ressuscitait de la vraie manière, c'est-à-dire dans le cœur de ceux qui l'aimaient, pendant que la conviction inébranlable des apôtres se formait et que la foi du monde se préparait, en quel endroit les vers consumaient-ils le corps inanimé qui avait été, le samedi soir, déposé au sépulcre ? On ignorera toujours ce détail ; car, naturellement, les traditions chrétiennes ne peuvent rien nous apprendre là-dessus. C'est l'esprit qui vivifie ; la chair n'est rien[24]. La résurrection fut le triomphe de l'idée sur la réalité. Une fois l'idée entrée dans son immortalité, qu'importe le corps ?

Vers l'an 80 ou 85, quand le texte actuel du premier Évangile reçut ses dernières additions, les Juifs avaient déjà à cet égard une opinion arrêtée[25]. A les en croire, les disciples seraient venus pendant la nuit et auraient volé le corps. La conscience chrétienne s'alarma de ce bruit, et, pour couper court à une telle objection, elle imagina la circonstance des gardiens et du sceau apposé au sépulcre[26]. Cette circonstance, ne se trouvant que dans le premier Evangile, mêlée à des légendes d'une autorité très-faible[27], n'est nullement admissible[28]. Mais l'explication des Juifs, quoique irréfutable, est loin de satisfaire à tout. On ne peut guère admettre que ceux qui ont si fortement cru Jésus ressuscité soient ceux-là mêmes qui avaient enlevé le corps. Quelque peu précise que fût la réflexion chez de tels hommes, on imagine à peine une si étrange illusion. Il faut se souvenir que la petite Eglise à ce moment était complètement dispersée. Il n'y avait nulle entente, nulle centralisation, nulle publicité régulière. Les croyances naissaient éparses, puis se rejoignaient comme elles pouvaient. Les contradictions entre les récits qui nous restent sur les incidents du dimanche matin prouvent que les bruits se répandirent par des canaux très-divers, et qu'on ne se soucia pas beaucoup de se mettre d'accord. Il est possible que le corps ait été enlevé par quelques-uns des disciples, et transporté par eux en Galilée[29]. Les autres, restés à Jérusalem, n'auront pas eu connaissance du fait. D'un autre côté, les disciples qui auront emporté le corps en Galilée n'auront eu d'abord aucune connaissance des récits qui se formèrent à Jérusalem, si bien que la croyance à la résurrection se sera formée derrière eux et les aura surpris ensuite. Ils n'auront pas réclamé, et, l'eussent-ils fait, cela n'eut rien dérangé. Quand il s'agit de miracles, une rectification tardive est non avenue[30]. Jamais une difficulté matérielle n'empêche un sentiment de se développer et de créer les fictions dont il a besoin[31]. Dans l'histoire récente du miracle de la Salette, l'erreur a été démontrée jusqu'à l'évidence[32] ; cela n'empêche pas la basilique de s'élever et la foi d'accourir.

Il est permis de supposer aussi que la disparition du corps fut le fait des Juifs. Peut-être crurent-ils par là prévenir les scènes tumultueuses qui pouvaient se produire sur le cadavre d'un homme aussi populaire que Jésus. Peut-être voulurent-ils empêcher qu'on ne lui fît des funérailles bruyantes ou qu'on n'élevât un tombeau à ce juste. Enfin, qui sait si la disparition du cadavre ne fut pas le fait du propriétaire du jardin ou du jardinier[33] ? Ce propriétaire, selon toutes les vraisemblances, était étranger à la secte. On choisit son caveau parce qu'il était le plus voisin du Golgotha et parce qu'on était pressé[34]. Peut-être fut-il mécontent de cette prise de possession, et fit-il enlever le cadavre. A vrai dire, les détails, rapportés par le quatrième Evangile, des linceuls laissés dans le caveau, et du suaire plié soigneusement à part dans un coin[35], ne s'accordent guère avec une telle hypothèse. Cette dernière circonstance ferait supposer qu'une main de femme s'était glissée là[36]. Les cinq récits de la visite des femmes au tombeau sont si confus et si embarrassés, qu'il nous est certes fort loisible de supposer qu'ils cachent quelque malentendu. La conscience féminine, dominée par la passion, est capable des illusions les plus bizarres. Souvent elle est complice de ses propres rêves[37]. Pour amener ces sortes d'incidents considérés comme merveilleux, personne ne trompe délibérément ; mais tout le monde, sans y penser, est amené à conniver. Marie de Magdala avait été, selon le langage du temps, possédée de sept démons[38]. Il faut tenir compte en tout ceci du peu de précision d'esprit des femmes d'Orient, de leur défaut absolu d'éducation et de la nuance particulière de leur sincérité. La conviction exaltée rend impossible tout retour sur soi-même. Quand on voit le ciel partout, on est amené à se mettre par moments à la place du ciel.

Tirons le voile sur ces mystères. Dans les états de crise religieuse, tout étant considéré comme divin, les plus grands effets peuvent sortir des causes les plus mesquines. Si nous étions témoins des faits étranges qui sont à l'origine de toutes les œuvres de foi. nous y verrions des circonstances qui ne nous paraîtraient pas en proportion avec l'importance des résultats, d'autres qui nous feraient sourire. Nos vieilles cathédrales comptent entre les plus belles choses du monde ; on ne peut y entrer sans être en quelque sorte ivre de l'infini. Or, ces splendides merveilles sont presque toujours l'épanouissement de quelque petite supercherie. Et qu'importe en définitive ? Le résultat seul compte en pareille matière. La foi purifie tout. L'incident matériel qui a fait croire à la résurrection n'a pas été la cause véritable de la résurrection. Ce qui a ressuscité Jésus, c'est l'amour. Cet amour fut si puissant qu'un petit hasard suffit pour élever l'édifice de la foi universelle. Si Jésus avait été moins aimé, si la foi à la résurrection avait eu moins de raison de s'établir, ces sortes de hasards auraient eu beau se produire ; il n'en serait rien sorti. Un grain de sable amène la chute d'une montagne, quand le moment de tomber est venu pour la montagne. Les plus grandes choses viennent à la fois de causes très-grandes et très-petites. Les grandes causes sont seules réelles ; les petites ne font que déterminer la production d'un effet qui était déjà depuis longtemps préparé.

 

 

 



[1] Matth., XXVIII, 7 ; Marc, XVI, 7.

[2] Matth., XXVIII. 10.

[3] Matth., XXVI, 32 ; Marc, XIV, 28.

[4] Matth., XXVIII, 46 ; Jean, XXI. — Luc, XXIV, 49, 50, 52 et les Actes, I, 3-4, sont ici en contradiction flagrante avec Marc, XVI, 4-8, et Matthieu. La seconde finale de Marc (XVI, 9 et suiv.), et même les deux autres qui ne font pas partie du texte reçu, paraissent conçues dans le système de Luc. Mais cela ne peut prévaloir contre l'accord d'une partie de la tradition synoptique avec le quatrième Évangile et même, indirectement, avec Paul (I Cor., XV, 5-8) sur ce point.

[5] Matth., XXVIII, 46.

[6] Matth., XXVIII, 7 ; Marc, XVI, 7.

[7] Finale de Marc, dans saint Jérôme, Adv. Pelag., II.

[8] Matth., XXVIII, 16.

[9] Jean, XXI, 2 et suiv.

[10] L'auteur des Actes, I, 14, les place à Jérusalem lors de l'ascension. Mais cela tient à son parti systématique (Luc, XXIV, 49 ; Act., 1-4) de ne pas admettre de voyage en Galilée après la résurrection (système contredit par Matthieu et par Jean). Pour être fidèle à ce système, il est obligé de placer l'ascension à Béthanie, en quoi il est contredit par toutes les autres traditions.

[11] I Cor., XV, 5 et suiv.

[12] Jean, XXI, 1 et suiv. Ce chapitre a été ajouté à l'Évangile déjà achevé, comme un post-scriptum. Mais il est de la même provenance que le reste.

[13] Jean, XXI, 9-14 ; comp. Luc, XXIV, 41-43. Jean réunit en une seule les deux scènes de la pêche et du repas. Mais Luc groupe autrement les choses. En tout cas, si on pèse attentivement les versets Jean, XXI, 14-15, on se convaincra que les liaisons de Jean sont ici un peu artificielles. Les hallucinations, au moment où elles naissent, sont toujours isolées. C'est plus tard qu'on en forme des anecdotes suivies. Celle façon de joindre comme consécutifs des faits séparés par des mois et des semaines se voit d'une manière frappante en comparant entre eux deux passages du même écrivain, Luc, Évang., XXIV, fin, et Actes, I, commencement. D'après le premier passage, Jésus serait monté au ciel le jour môme de la résurrection ; or, d'après le second, il y eut un intervalle de quarante jours. Si l'on prenait aussi à la rigueur Marc, XVI, 9-20, l'ascension aurait eu lieu le soir de la résurrection. Rien ne prouve mieux que la contradiction de Luc dans ces deux passages combien les rédacteurs des écrits évangéliques tenaient peu aux sutures de leurs récits.

[14] Jean, XXI, 15 et suiv.

[15] Jean, XXI, 18 et suiv.

[16] I Cor., XV, 6.

[17] Transfiguration.

[18] Matth., XXVIII, 16-20 ; I Cor., XV, 6. Comparez Marc, XVI, 15 et suiv. ; Luc, XXIV, 44 et suiv.

[19] I Cor., XV, 6.

[20] Jean ne limite pas la durée de la vie d'outre-tombe de Jésus. Il paraît la supposer assez longue. Selon Matthieu, elle n'aurait duré que le temps nécessaire pour faire le voyage de Galilée et se rendre à la montagne indiquée par Jésus. Selon la première finale inachevée de Marc (XVI, 4-8), les choses se seraient passées, ce semble, comme dans Matthieu. Selon la seconde finale (XVI, 9-20), selon d'autres, et selon l'Évangile de Luc, la vie d'outre-tombe semblerait n'avoir duré qu'un jour. Paul (I Cor., XV, 5-8), d'accord avec le quatrième Évangile, la prolonge durant des années, puisqu'il donne sa vision, laquelle eut lieu cinq ou six ans au moins après la mort de Jésus, comme la dernière des apparitions. La circonstance des cinq cents frères conduit à la même supposition, car il ne semble pas qu'au lendemain de la mort de Jésus, le groupe de ses amis fût assez compacte pour fournir une telle assemblée (Act., I, 15). Plusieurs sectes gnostiques, en particulier les valentiniens et les séthiens, évaluaient la durée des apparitions à dix-huit mois, et même fondaient là-dessus des théories mystiques (Irénée, Adv. hœr., I, III, 2 ; XXX, 14). Seul, l'auteur des Actes (I, 3) fixe la durée de la vie d'outre-tombe de Jésus à quarante jours. Mais c'est là une bien faible autorité, surtout si l'on remarque qu'elle se rattache à un système erroné (Luc, XXIV, 49, 50, 52 ; Act., I, 4, 12), d'après lequel toute la vie d'outre-tombe se serait passée à Jérusalem ou aux environs. Le nombre quarante est symbolique (le peuple passe quarante ans au désert ; Moïse, quarante jours au Sinaï ; Elie et Jésus jeûnent quarante jours, etc.). Quant à la forme de récit adoptée par l'auteur des douze derniers versets du second Évangile et par l'auteur du troisième Évangile, forme d'après laquelle les circonstances sont serrées en un jour. L'autorité de Paul, la plus ancienne et la plus forte de toutes, corroborant celle du quatrième Évangile, qui offre pour cette partie de l'histoire évangélique le plus de suite et de vraisemblance, nous parait fournir un argument décisif.

[21] Luc, XXIV, 31.

[22] Jean, XX, 19, 26.

[23] Matth., XXVIII, 9 ; Luc, XXIV, 37 et suiv. ; Jean, XX, 27 et suiv. ; XXI, 5 et suiv. ; Évangile des Hébreux, dans saint Ignace, épître aux Smyrniens, 3, et dans saint Jérôme, De viris illustribus, 16.

[24] Jean, VI, 64.

[25] Matth., XXVIII, 11-15 ; Justin, Dial. cum Tryph., 17, 103.

[26] Matth., XXVII, 62-66 ; XXVIII, 4, 11-15.

[27] Matth., XXVIII, 2 et suiv.

[28] Les Juifs sont censés, Matth., XXVII, 63, savoir que Jésus a prédit qu'il ressusciterait. Mais les disciples mêmes de Jésus n'avaient à cet égard aucune idée précise.

[29] Le vague sentiment de ceci peut se retrouver dans Matthieu, XXVI, 32 ; XXVIII, 7, 10, Marc, XIV, 28 ; XVI, 7.

[30] Cela s'est vu pour les miracles de la Salette et de Lourdes. — Une des manières les plus ordinaires dont se forme la légende miraculeuse est celle-ci. Un saint personnage passe pour faire des guérisons. On lui amène un malade, qui, par suite de l'émotion, se trouve soulagé. Le lendemain, on répète à dix lieues à la ronde qu'il y a eu miracle. Le malade meurt cinq ou six jours après ; personne n'en parle, si bien que, à l'heure où l'on enterre le défunt, on raconte avec admiration sa guérison à quarante lieues de là. — Le mot prêté au philosophe grec devant les ex-voto de Samothrace (Diog. Laërte, VI, II, 59) est aussi d'une parfaite justesse.

[31] Un phénomène de ce genre, et des plus frappants, se passe chaque année à Jérusalem. Les grecs orthodoxes prétendent que le feu qui s'allume spontanément au saint sépulcre le samedi saint de leur Pâque efface les péchés de ceux qui le promènent sur leur figure, et ne brûle pas. Des milliers de pèlerins en font l'expérience et savent fort bien que ce feu brûle (les contorsions qu'ils font, jointes à l'ardeur, le prouvent suffisamment). Néanmoins, il ne s'est jamais trouvé personne pour contredire, la croyance de l'Église orthodoxe. Ce serait avouer qu'on a manqué de foi, qu'on a été indigne du miracle, et reconnaître, ô ciel ! que les latins sont la vraie Église ; car ce miracle est tenu des grecs pour la meilleure preuve que leur Église est la seule bonne.

[32] Affaire de la Salette, devant le tribunal civil de Grenoble (arrêt du 2 mai 1835), et devant la cour de Grenoble (arrêt du 6 mai 1857), plaidoiries de MM. Jules Favre et Bethmont, etc., recueillies par J. Sabbatier (Grenoble, Vellot, 1857).

[33] Jean, XX, 15, renfermerait-il une lueur de ceci ?

[34] Jean le dit expressément, XIX, 41-42.

[35] Jean, XX, 6-7.

[36] On songe involontairement à Marie de Béthanie, qui, en effet, n'a pas de rôle indiqué le dimanche matin.

[37] Celse faisait déjà sur ce sujet d'excellentes observations critiques (dans Origène, Contra Celsum, II, 55).

[38] Marc, XVI, 9 ; Luc, VIII, 2.