BONAPARTE ET MOREAU

L'ENTENTE INITIALE - LES PREMIERS DISSENTIMENTS - LA RUPTURE

 

CHAPITRE III. — LA POLITIQUE DE BONAPARTE APRÈS BRUMAIRE.

 

 

Justifications du coup d'État. — Modération des Consuls provisoires. — Leur politique républicaine. — Erreur de la nation. — L'armée généralement satisfaite du Dix-huit brumaire. — Habile politique extérieure de Bonaparte. — La Russie se retire de la coalition. — Les armées en présence.

 

Pour bien comprendre l'altitude de Moreau et celle du parti républicain au lendemain du 18 brumaire, il est nécessaire d'exposer la politique de Bonaparte au début du Consulat et d'en constater l'effet, tant à l'intérieur, sur ses adversaires de la veille, qu'aux armées, sur les généraux qui devaient donner plus tard l'exemple de l'attachement aux institutions de la République.

Le coup d'Etat du 18 brumaire n'avait l'excuse d'aucun grave péril intérieur ou extérieur[1]. Aussi le nouveau gouvernement jugea-t-il nécessaire de se justifier de la façon violente dont il avait acquis le pouvoir, et s'empressa-t-il de plaider, non sans habileté, sa cause devant la France. La thèse, il est vrai, était difficile, d'où la multiplicité et la variété des explications officielles.

« Les idées conservatrices, tutélaires, libérales, sont rentrées dans leur droit par la dispersion des factieux qui opprimaient les conseils », déclarait une affiche de Bonaparte du 10 brumaire, onze heures du soir[2].

« Il est temps, disait une proclamation des deux Conseils, rédigée par Cabanis, il est temps de donner des garanties solides à la liberté des citoyens, à la souveraineté du peuple, à l'indépendance des pouvoirs constitutionnels, à la République enfin, dont le nom n'a servi que trop souvent à consacrer la violation ; il est temps que la grande nation ait un gouvernement digne d'elle, un gouvernement ferme et sage, qui puisse nous donner une prompte et solide paix, et nous faire jouir d'un bonheur véritable[3] ». Le président Lucien, dans un discours à ses collègues, osait comparer les événements de Saint-Cloud au serment du Jeu de Paume, et affirmait que la liberté qui avait été en proie tour à tour à l'inconséquence, à la faiblesse et aux maladies convulsives de l'enfance », venait « de prendre la robe virile[4] ».

Le Ministre de la police Fouché mandait à ses concitoyens, le 20 brumaire : « Le gouvernement était trop faible pour soutenir la gloire de la République contre les ennemis extérieurs et garantir les droits des citoyens contre les factions domestiques ; il fallait songer à lui donner de la force et de la grandeur[5]. »

Une autre version de Fouché essayait de couvrir le coup d'Etat d'un voile de légalité, en représentant la République en danger et sauvée dans les journées de brumaire : « Citoyens, lisait-on sous sa signature, le 20 brumaire, la République était menacée d'une dissolution prochaine. Le Corps législatif vient de saisir la liberté sur le penchant du précipice pour la placer sur d'inébranlables bases... Que tous les républicains soient calmes, puisque tous leurs vœux doivent cire remplis[6]. »

« La Constitution de l'an III périssait ; elle n'avait su ni garantir vos droits, ni se garantir elle-même. Des atteintes multipliées lui ravissaient sans retour le respect des peuples. Des factions haineuses et cupides se partageaient la République. La France approchait enfin du dernier terme d'une désorganisation générale... Tout ce qui pouvait vous nuire a été écarté. Tout ce qui pouvait vous servir, tout ce qui était resté pur dans la représentation nationale, s'est réuni sous la bannière de la liberté. Français, la République, raffermie et replacée dans l'Europe an rang qu'elle n'aurait jamais dû perdre, verra se réaliser toutes les espérances des citoyens et accomplira ses glorieuses destinées[7]. »

Ainsi s'exprimait une proclamation du 21 brumaire dictée par Bonaparte et signée des Consuls provisoires.

Jamais, peut-être, on ne montra une modération plus grande au lendemain d'une révolution. Le gouvernement s'efforça, par une politique modeste et conciliante, de se créer des sympathies. Il prit une série de mesures libérales, dans le but de se faire pardonner son attentat contre la liberté. Il réussit, à force de bons procédés, à désarmer, à ramener même les républicains, et, parmi eux, certains des plus rigides[8]. Il accorda volontiers des emplois à ceux qui « manifestaient le moindre repentir[9] ».

Le coup d'Etat, ayant eu pour prétexte le péril jacobin, un Arrêté consulaire du 20 brumaire bannit du territoire continental de la France trente-quatre « jacobins » et ordonna l'internement à la Rochelle de dix-neuf autres[10]. Mais cet Arrêté fut rapporté le 4 frimaire suivant[11], et les adversaires du nouveau gouvernement s'y montrèrent sensibles[12].

Ils ne le furent pas moins, sans doute, aux actes des Consuls provisoires qui s'attachèrent manifestement à protéger les hommes de la Révolution contre les sarcasmes et les railleries des royalistes dont quelques-uns exultaient bruyamment et proclamaient ouvertement leurs espérances d'une restauration[13].

Après de paternelles, mais inutiles réprimandes de Fouché, le bureau central du canton fut invité à ne plus rien tolérer au théâtre qui pût « dévier les esprits, alimenter les haines, prolonger les souvenirs douloureux », et le Ministre de la police lui recommanda de u flétrir » ceux qui oseraient donner le signal d'une réaction[14]. Fouché prit prétexte de l'interdiction d'une pièce à l'Opéra-Comique, les Mariniers de Saint-Cloud, suspecte de sentiments réacteurs, pour rassurer dès le 24, la masse des républicains. La lettre aux administrateurs, rendue publique par une insertion au Moniteur, parut donc un vrai manifeste du Ministre. « La Révolution de brumaire, déclarait-il, ne ressemble à aucune de celles qui l'ont précédée ; elle n'aura point de réaction. C'est la résolution du gouvernement[15] ».

Les Consuls provisoires interdirent également toute manifestation agressive de l'ex-clergé constitutionnel à l'égard des vaincus des 18 et 19 brumaire. Le parti catholique s'attaquait surtout au calendrier républicain ; il répandait le bruit de sa prochaine abolition[16], il déclarait que « le culte catholique redeviendrait bientôt la religion dominante[17] ». Le bureau central fit imprimer et afficher un avis par lequel il prévenait « qu'il ferait rechercher et poursuivre les auteurs et instigateurs de ces assertions mal intentionnées, parce que le gouvernement avait la ferme résolution de maintenir toutes les institutions républicaines et de protéger oralement tous les cultes, sans permettre l'exercice d'une religion qui se prétendrait exclusive et dominante...[18] »

Loin d'être hostile aux formes et à l'esprit de la Révolution, le nouveau gouvernement affirmait son intention de leur rester attaché, en chargeant le Ministre de l'intérieur Laplace, d'écrire aux administrations centrales et municipales, le 30 brumaire an VIII : « La malveillance ose annoncer l'anéantissement de toutes les institutions républicaines... Ne négligez aucune occasion de prouvera vos concitoyens que la superstition n'aura pas plus à s'applaudir que le royalisme, des changements opérés le 18 brumaire. C'est en continuant à faire observer, avec la plus scrupuleuse exactitude, les lois qui instituent des fêtes nationales et décadaires, un calendrier républicain, un nouveau système de poids et mesures etc., que vous justifierez la confiance du gouvernement[19]. » Le nouveau Ministre de la guerre Berthier déclarait vouloir s'entourer de « républicains dignes de la confiance nationale, et par la pureté de leurs sentiments et par leurs talents[20] ».

Pas de réaction, telle semblait être la formule politique des Consuls. Désireux sans doute de la répandre, Fouché en faisait le thème d'une circulaire du 8 frimaire aux administrations publiques. Après une apologie, assez modérée du reste, des journées de brumaire, il déclarait « qu'aucune faction, qu'aucun parti n'y devait chercher des prétextes d'agitation ou des motifs d'espoir ». — « Tous les vœux, tous les désirs qui n'ont pas pour but unique et exclusif le besoin et l'intérêt de la liberté seront trompés. » Et traçant, en quelque sorte, au nouveau gouvernement un véritable programme : « Que ceux qui croient encore aux chimères du rétablissement de la royauté en France, écrivait-il, apprennent que la République est aujourd'hui affermie. Que les fanatiques n'espèrent plus faire dominer un culte intolérant, le gouvernement les protège tous sans en favoriser un seul. Que les émigrés trouvent, s'ils le peuvent, le repos et la paix loin de la patrie qu'ils voulaient asservir et détruire ; mais cette patrie les rejette éternellement de son sein[21]. »

Les Consuls provisoires persisteront dans cette politique de fidélité aux principes de la Révolution jusqu'au vote de la Constitution et parviendront ainsi à rassurer, peu à peu, les républicains de Paris qui oublieront et pardonneront les violences du 19 brumaire. Dans les départements, il y eut, de la part d'une minorité de clubistes et de fonctionnaires, des paroles et des actes d'opposition, mais sans que les masses populaires en fussent émues, et sans qu'on eût à réprimer mémo un commencement d'insurrection pour la défense de la loi[22]. En général, le gouvernement de Brumaire fut accueilli sans transports, il est vrai, mais « comme un espoir d'ordre, de discipline, de sécurité matérielle[23] ». Presque partout on vit dans son avènement « des moyens d'affermissement pour la République et le retour de la tranquillité et de la paix[24] ».

L'esprit de légalité était, il faut le dire, bien affaibli dans la nation par les coups d'État qui s'étaient succédé. On éprouvait, en outre, un immense besoin de repos, d'organisation stable, de concorde, après une période si longue et presque ininterrompue de bouleversements et de guerres civiles et extérieures. Enfin la guillotine avait privé la France de presque tous les hommes capables d'éveiller sa conscience, de protester contre les violences de Bonaparte, et de diriger leurs concitoyens dans cette crise. Pour tous ces motifs, et bien qu'elle fût enfin en très grande majorité sincèrement républicaine, il semble qu'au bout de quelques jours, la nation crut aux déclarations du gouvernement et admit « que le nouvel ordre de choses consolidait la République, fortifiait la Révolution et préparait la paix avec l'Europe[25] ».

Telle fut aussi bientôt l'appréciation des royalistes qui considérèrent le Consulat « comme une phase nouvelle dans l'existence de la République, plutôt que comme son terme[26] ». Les agents de Coudé, eux-mêmes, s'y trompèrent. « C'est encore, écrivait l'un d'eux le 29 brumaire an VIII, la République de la Révolution et non une République nationale[27] ». « L'enthousiasme a été extrême en faveur de la Révolution des 9 et 10 novembre, mandait un autre. Les gens sensés craignaient même de voir se détacher de la royauté les partisans que la crainte et la lassitude y ramenaient depuis longtemps. Mais cela n'a pas duré, et on ne regarde plus ce changement que comme une dérivation qui bientôt fera place à une autre... » D'après ce correspondant, Bonaparte serait remplacé, à bref délai, par Berthier, Moreau ou Dumouriez[28].

Personne, exception faite pour un agent royaliste[29] et pour quelques esprits particulièrement perspicaces[30], ne pouvait prévoir à ce moment l'étonnante fortune qui favoriserait Bonaparte. Les imaginations, dans leurs prévisions les plus avancées, n'allaient pas au-delà du rôle de Cromwell. Beaucoup, et parmi eux Hyde de Neuville, rêvèrent celui de Monk[31]. Deux ans après le 18 brumaire, Necker, assure un contemporain, « ne distinguait point les traits d'un véritable monarque sous le masque diaphane du Premier Consul ; Paris n'y voyait pas plus clair que lui...[32] ».

Aussi n'est-il point surprenant que le nouveau gouvernement ait reçu, de ses adversaires de la veille, de nombreuses adhésions : celle de Doche-Delisle, député de la Charente[33] ; de Beyts, député de la Lys[34] ; de Porte, de Bernasse, députés de la Haute-Garonne[35] ; de Jourdan[36] ; de Barère[37], entre autres[38].

Le général Lecourbe, qui devait donner plus tard l'exemple d'un attachement profond aux institutions républicaines, écrivait à Bonaparte le 6 nivôse an VIII : « Toute l'armée, citoyen Consul, a appris avec plaisir et enthousiasme[39], l'emploi éminent que vient de vous conférer la constitution ; le soldat, comme l'officier, sont assurés de trouver en Bonaparte un frère et un ami...[40] ». Lecourbe connaissait-il en détail, à celte époque, les faits des journées des 18 et 19 brumaire ou fut-il, comme tant d'autres, trompé sur les intentions de Bonaparte par les premiers actes du nouveau gouvernement ? Peut-être, dans cette dernière hypothèse, ne faisait-il qu'exprimer, comme Brune, sa satisfaction de voir, parmi les Consuls, un général qui connaissait les besoins de l'armée[41] et mettrait enfin un terme aux souffrances qu'elle avait éprouvées sous le Directoire[42].

Lefebvre, dont les convictions étaient moins profondes, il est vrai, et dont le dévouement à Bonaparte était absolu, semble lui aussi s'être mépris sur la portée des événements qui venaient de s'accomplir et n'avoir pas pressenti leurs conséquences. Il approuvait sans restriction le coup d'Etat qui, pensait-il, allait consolider la République.

« Eh bien, mon cher général, écrivait-il le 24 brumaire à Mortier, que dites-vous des journées des 18 et 19 brumaire ? Vous y applaudissez sans doute, avec tous les Français, car je ne puis donner ce nom à un tas de factieux qui ne demandaient que plaies et bosses, et qui, en parlant de principes, renversaient même ceux respectés depuis des siècles. »

« Cette étonnante et salutaire révolution s'est faite sans aucune secousse ; elle était bien urgente ; un gouvernement sans force, un corps législatif méprisé, des lois détestées, soixante lieues de pays chouannisées, plus d'argent, plus de confiance, la crainte du retour de la Terreur, tout présageait la perte de la France, l'écroulement de la République. A ce tableau affligeant, en a succédé un bien agréable. Aujourd'hui l'allégresse est générale ; les cris de : Vive la République ! Vive Bonaparte ! se répètent partout dans les rues, dans les places publiques, aux spectacles surtout. L'esprit public se prononce pour la liberté et retrace les plus beaux jours de la Révolution française, mais, ce qui est consolant surtout, c'est le retour de la confiance, la hausse des fonds publics, que ne peuvent qu'augmenter les mesures déjà prises par le gouvernement. Nous devons infiniment gagner à ce changement. Le militaire ne sera plus le jouet d'un tas de factieux, de voleurs qui se jouaient de ses privations et de ses justes réclamations. J'ai passé en revue aujourd'hui la garde nationale sédentaire de cette immense cité ; j'ai reçu d'elle le nouveau serment. Certes, il n'en fut jamais donné avec autant d'acclamation. On n'y mit jamais plus d'énergie ; je me croyais encore en 1789, dans les premiers jours de la Révolution. Pour le coup, ça ira, je vous en réponds[43] ».

Lannes, qui commandait la 9e division militaire, fit une proclamation très énergique en faveur du nouveau gouvernement : « La République périssait, vainement défendue par une constitution que tous les partis violaient en la défendant. » Après avoir exposé toute l'horreur de la situation avant le 18 brumaire, il concluait ainsi :

« Ne vous y trompez pas, citoyens, le 18 brumaire n'est pas une-journée de parti : il est fait pour la République et par des républicains[44] ».

Pille, commandant les 1re et 16e divisions, écrivait au Ministre que les républicains attendaient « les plus favorables résultats « des événements de Brumaire, « bien persuadés que la force et l'impartiale justice du gouvernement arrêtera (sic) toute espèce de réaction[45] ». Saint-Hilaire, commandant la 8e division à Marseille, croyait, lui aussi, que la journée du 18 brumaire était « bien faite pour sauver la République[46] ».

En Batavie, Brune, Rostollant, son chef d'état-major et les troupes sous leurs ordres partageaient ces illusions et manifestèrent « un grand contentement de l'avenir heureux » qui se préparait pour la République[47]. Ils pensaient sincèrement que le coup d'Etat avait empêché son « anéantissement »[48]. Les soldats prêtèrent serment avec enthousiasme[49].

Dans la Rivière de Gènes enfin, Championnet, Suchet et les autres officiers de l'état-major approuvèrent pleinement les événements de liminaire, avec l'espoir de toucher de près « à la régénération de toutes les parties de l'administration publique, à l'anéantissement de toutes les factions, au terme de toutes les dominations tyranniques et à la répression vigoureuse de toutes les réactions[50] ».

Sans doute, il y eut dans l'armée quelque opposition. Près de Gènes, la 3e demi-brigade montra de telles dispositions que le colonel Mouton, malgré les ordres formels de Championnet, n'osa lui demander le serment exigé par les Consuls. « De l'avis de tous les chefs, les soldats se seraient refusés à le prêter[51]. » Masséna, venant prendre à Nice le commandement de l'armée d'Italie, constata que ses tendances n'étaient « pas du tout prononcées en faveur des journées des 18 et 19 brumaire ». Dans les divisions Victor et Lemoine se produisirent des manifestations nettement hostiles ; on tenait des propos injurieux pour le nouveau gouvernement ; les généraux en donnaient publiquement l'exemple[52]. Dans les 9e et 10e divisions militaires, on ne fut « rien moins que le partisan des événements du 18 brumaire[53] ».

En Batavie, les troupes, d'abord satisfaites, montrèrent ensuite quelque mécontentement. Marmont reproduit un entretien qu'il aurait eu à ce sujet avec le général Macors, commandant l'artillerie :

« Imaginez-vous, lui dit celui-ci, qu'on avait fait courir le bruit que le général Bonaparte avait été nommé dictateur. À cette nouvelle tout le monde avait été au désespoir ; il n'en eût pas fallu davantage pour causer un soulèvement. Mais enfin le télégraphe vint à noire secours ; il nous fit connaître que Bonaparte était Premier Consul et nous respirâmes à l’aise[54] ».

Aux armées, à Paris, dans les départements, partout en un mot, il n'y eut que des actes d'hostilité isolés, sans retentissement et sans influence[55]. Ainsi que le fait observer très justement Miot de Melito, « une révolution qui mettait les pouvoirs politiques aux mains militaires convenait trop aux généraux pour être combattue par eux[56] ». Lannes l'avait compris, quand il disait aux troupes des 9e et 10e divisions militaires : « Le 18 brumaire est fait particulièrement pour l'armée[57]. » L'adhésion fut presque générale, et les exemples donnés par Jourdan et Lecourbe étaient bien faits pour rallier les indécis comme Moreau.

Au reste, peut-être celui-ci fut-il comme tant d'autres, trompé par les déclarations et les premiers actes des Consuls provisoires, par leur politique si libérale et si conciliante, et crut-il, lui aussi, que la République allait être consolidée et la dévolution fortifiée. À supposer, d'ailleurs, qu'il n'eût pas été dupe et qu'il eût pressenti toutes les conséquences des journées de brumaire, il lui était impossible logiquement de réprouver à ce moment un attentat dont il avait connu et admis les préparatifs et auquel il avait participé, en y jouant un rôle que l'habileté de Bonaparte avait su rendre compromettant et odieux.

Decaen lui ayant demandé à Nymphenbourg, quelques mois plus tard, son avis sur le nouveau régime Moreau aurait répondu : « Gela va très bien ; on ne peut pas mieux. Il n'y avait que Bonaparte qui pouvait tirer la France de la position difficile dans laquelle elle se trouvait quand il a pris les rênes de son gouvernement[58]. »

Cette affirmation était-elle absolument sincère ? Moreau, certes, ne pouvait ignorer qu'à la veille de brumaire, l'indépendance nationale n'était plus menacée, grâce aux victoires de Brune et de Masséna ; que la force et le prestige du Directoire s'étaient accrus ; que l'ordre reparaissait, et avec lui la confiance[59]. La situation de la France n'était donc « difficile » ni à l'intérieur, ni à l'extérieur, et le besoin d'un sauveur ne se faisait nullement sentir. Les paroles de Moreau peuvent donc s'expliquer par le désir de se justifier, à la fois vis-à-vis de lui-même et de Decaen, de sa participation au coup d'Etat[60].

Quoi qu'il en soit, l'entente demeura complète au lendemain de Brumaire, entre Bonaparte et Moreau. De même que le nouveau Consul ménageait le parti républicain, de même il avait tout intérêt à ne pas heurter le seul général que l'opinion publique et ses adversaires éventuels pussent lui comparer et lui opposer[61]. Il songea même, dit-on, à s'attacher définitivement Moreau par un mariage avec Caroline, dont il voyait d'un mauvais œil le projet d'union avec Murat[62]. Le Moniteur du 25 brumaire se fit l'écho de ses intentions[63].

Si les premiers pas de Bonaparte dans la politique intérieure furent, suivant l'expression d'un contemporain, « admirables de prudence, de sagacité et de talent[64] », ses négociations diplomatiques ne furent pas moins habiles. Sachant que la France souhaitait ardemment la fin des guerres qui duraient depuis sept ans[65], il afficha son désir de mettre un terme à celles de Vendée, par la persuasion et la justice[66], et il fit des offres de paix éclatantes à l'Angleterre et à l'Autriche[67].

Le 23 frimaire an VIII, d'Autichamp, Frotté, Bourmont signèrent un armistice à Pouancé, suivi, dans les premiers jours de nivôse, de la soumission des départements riverains de la basse Loire. Six mille hommes furent envoyés contre Frotté, qui seul restait en armes en Normandie. Il fut arrêté et fusillé le 29 pluviôse, au mépris d'un sauf-conduit[68]. Toute la région de l'ouest était donc pacifiée.

Par contre, les tentatives que fit le Premier Consul auprès de l'Angleterre furent vaincs. A la lettre qu'il écrivit directement au roi, le Cabinet britannique fit répondre dans une note signée de lord Grenville, Ministre des affaires étrangères, et conçue en termes assez violents, qu'il n'était pas possible de traiter tant que la France serait « sous l'empire d'un régime subversif de tout ordre social[69] ». Une nouvelle démarche de Talleyrand[70] demeura également infructueuse ; lord Grenville déclara s'en tenir à sa première réponse[71].

L'empereur d'Autriche, refusant lui aussi de rompre avec les traditions diplomatiques, chargea Thugut, le 25 janvier 1800, de faire connaître dans une forme plus modérée, il est vrai, que son gouvernement ne pouvait entamer des négociations sans avoir obtenu au préalable certaines garanties des dispositions pacifiques de la France[72]. Talleyrand offrit, le 27 février, de prendre pour base le traité de Campo-Formio et proposa la conclusion d'un armistice s'étendant aussi bien à l'armée d'Italie qu'à celle d'Allemagne[73]. Thugut, sans répondre à la demande de suspension d'armes, ne consentit pas à admettre le point de départ qu'indiquait Talleyrand et s'arrêta, le 24 mars, au principe d'une entente générale établie sur les situations respectives des belligérants. Le 7 avril, Talleyrand repoussa celte prétention de l'Autriche et demanda que le lieu et le mode des négociations fussent fixés par la cour de Vienne elle-même[74]. Thugut déclara que l'Empereur allait consulter ses alliés. C'était ajourner l'issue à un terme lointain et, de fait, les pourparlers duraient encore quand les hostilités recommencèrent en Italie, puis bientôt en Allemagne.

La Prusse, qui était en paix avec la France depuis le traité de Bâle, semblait vouloir rester neutre, mais elle ne mit point d'empressement à réconcilier lu France avec la Russie, ainsi que le lui demandait Bonaparte, et a contribuer à la conclusion de la paix générale[75]. Néanmoins, Duroc, aide de camp du Premier Consul, envoyé extraordinaire après le 18 brumaire ; puis Bournonville, nommé ambassadeur au mois de janvier 1800, reçurent à Berlin le meilleur accueil[76]. Avec la Russie, toutes les relations, non seulement diplomatiques, mais encore privées, commerciales et industrielles, étaient entièrement rompues depuis 1792. On considérait, en France, le cabinet de Saint-Pétersbourg comme l'âme de la seconde coalition et, sous l’influence du courant général, Bonaparte avait procédé à de nombreux actes hostiles a la Russie. Récemment encore, une lettre qu'il avait écrite au général Dombrowsky, commandant la légion polonaise de l'armée d'Italie, était un véritable défi jeté à cette puissance[77]. Aussi ne pouvait-il songer à une tentative directe de rapprochement[78]. Mais les événements semblaient se mettre d'accord pour éloigner la Russie de la coalition.

Très mécontent de l'Autriche qu'il accusait d'avoir abandonné Korsakov et Souvorov en Helvétie[79], poussé, d'ailleurs, par Rostopchine, président du collège des affaires étrangères, le tsar prit le parti de rappeler ses troupes[80]. Toutefois, des influences contraires intervinrent, en particulier celles de l'impératrice et du comte Panine, tout dévoué à la cause de la coalition, bien qu'hostile à l'Autriche[81]. L'ordre fut envoyé à Souvorov de surseoir au départ de son armée. Déjà un nouveau plan de campagne était élaboré entre les cabinets de Saint-Pétersbourg, de Londres et de Vienne, quand l'insulte faite à Ancône au drapeau russe, par le général autrichien Fröhlich, changea encore une fois les dispositions de Paul Ier. Le 7 janvier 1800, il donna à ses troupes l'ordre définitif de rentrer en Russie et rompit toute relation diplomatique avec l'Autriche.

Les sujets de mécontentement du tsar n'étaient pas moindres à l'égard de l'Angleterre. L'attitude de Nelson cherchant à empêcher les marins russes de prendre part au siège de Malte, le revers de Bergen, le dénuement dans lequel furent laissées les troupes russes à Guernesey et à Jersey, les discussions auxquelles donna lieu le payement des subsides, furent autant de griefs[82]. Paul Ier annonça sa résolution définitive de ne plus prendre part en aucune façon, soit sur terre, soit sur mer, à la guerre contre la France. Il souhaita même un instant « la voir venir » à lui, « en contre-poids contre l'Autriche[83] ». Mais Panine, qui « considérait la Révolution, non en ministre russe, mais en émigré français[84] », ne tarda pas à amener le tsar à se déjuger et à déclarer au cabinet de Berlin, par l'intermédiaire de Krüdener, qu'il se refusait à « entendre aucune proposition de la part de l'usurpateur corse[85] ». Néanmoins, la neutralité de la Russie était définitivement acquise. L'Autriche et l'Angleterre restaient les deux seuls adversaires de la République. Elles entraînaient avec elles les petits États de l'Empire ; la première les tenait sous son influence, la seconde se les attachait par son or qui entretenait les contingents de l'électeur de Bavière, du duc de Wurtemberg et de l'électeur de Mayence.

Les négociations diplomatiques de Bonaparte avaient donc échoué, et il en avait éprouvé, d'après Lucien, « une joie secrète[86] ». Mais elles n'en avaient pas moins été habiles : elles lui avaient permis de se préparer à entrer en campagne[87], donné satisfaction aux vœux de la nation, et mis de son côté les apparences de la modération. Afin d'en donner la conviction à tous, il rendit publiques les démarches qu'il avait faites et déclara à l'ambassadeur de Prusse : « Je ferai donc la guerre puisqu'on m'y force. On s'est abusé, à Vienne et en Europe, peut-être, sur mes offres pressantes de paix ; on les a attribuées à des sentiments de crainte, à la pénurie de nos ressources et à l'instabilité du gouvernement actuel ; erreur funeste, dont on ne tardera pas à être détrompé[88]. » Tout en adressant, en effet, à l'Europe de vives instances pour obtenir la paix, le Premier Consul avait préparé la guerre avec une grande activité, pendant tout l'hiver.

Les frontières de la République étaient menacées par deux armées autrichiennes : l'une en Souabe, sous les ordres de l'archiduc Charles, dont l'effectif s'élevait à 100.000 hommes environ et devait être porté à 120.000[89] ; l'autre, en Piémont et en Lombardie, commandée par Mêlas, dont la force, après la prise de Coni, le 23 frimaire an VIII, était de 97.000 hommes[90], et resta sensiblement stationnaire[91].

A la première, Bonaparte se proposait d'opposer les armées du Rhin et du Danube qui, après l'échec de Lecourbe à Sin/heim le 11 frimaire, avaient pris leurs quartiers d'hiver le long du Rhin, sur la rive gauche, de Mayence à Coire. Elles furent réunies sous les ordres de Moreau qui « avait une connaissance particulière du champ d'opérations de l'armée d'Allemagne[92] ». Leur effectif total était, vers la fin de nivôse, de 151.143 soldats, dont 108.000 environ aptes à faire campagne ou à constituer les garnisons des places de première ligne[93]. Bonaparte destinait ces forces à la guerre offensive en Bavière.

Il chargea de la défense des frontières du sud-est l'armée d'Italie qui, réduite à 44.000 combattants environ[94], avait pris ses cantonnements sur le versant occidental des Alpes et dans les localités du littoral, entre Nice et Gènes. Elle fut placée sous les ordres de Masséna « plus propre que personne pour commander dans la Rivière de Gênes, où il n'y avait pas un sentier qu'il ne connût...[95] »

Enfin, pour parer à toute éventualité, Bonaparte décida qu'Augereau avec un corps d'occupation resterait d'abord en Batavie, puis, quand toute crainte de descente aurait disparu, remonterait le Rhin pour couvrir les communications de Moreau en Allemagne.

Les troupes de l'ouest et du nord de la France, comptant 30.000 hommes environ sous le commandement de Brune, furent réparties en cinq camps : à Maastricht, Liège, Lille, Saint-Lô et Rennes. Les deux premiers étaient destinés à contenir la Belgique ; les trois autres à veiller à la sécurité des côtes et a la tranquillité des provinces de l'ouest.

 

 

 



[1] « Il y avait longtemps que les observations sur l'opinion publique n'avaient donné des résultats aussi satisfaisants... » (Rapport sur l'esprit public du bureau central du canton de Paris, 3 brumaire an VIII, Arch. nat., AFIV, 1329.)

[2] Gazette nationale du 23 brumaire.

[3] Gazette nationale du 23 brumaire.

[4] Gazette nationale du 23 brumaire.

[5] Gazette nationale du 23 brumaire.

[6] Le Ministre de la police générale à ses concitoyens, Gazette nationale du 20 brumaire an VIII.

[7] Correspondance de Napoléon, n° 4391.

[8] « Chaque révolution passée avait inspiré beaucoup de défiance et de crainte. Celle-ci, au contraire, et j'en suis témoin, a déridé les esprits et réveillé les plus vives espérances. Nulle surveillance et nulle perquisition inquisitoriale ne se font sentir... » (BAILLEU, loc. cit., VIII, 347, rapport de Sandoz-Rollin du 13 novembre.)

[9] Bulletin des agents de Coudé, Arch. de Chantilly (cité par VANDAL, l'Avènement de Bonaparte, 480).

[10] AULARD, Registre des délibérations du Consulat provisoire, 7.

[11] AULARD, Registre des délibérations du Consulat provisoire, 43. — Cf. Gazette nationale du 6 frimaire.

[12] « Quant aux républicains, quoiqu'ils ne soient pas ordinairement fort expansifs en témoignages extérieurs, ils n'ont pas oublié que Bonaparte avait déchiré la liste de proscription, dressée par les prêtres après le 18 brumaire... » (Journal des Hommes Libres du 2 ventôse an VIII).

[13] Rapport sur l'esprit public du bureau central du canton de Paris, mois de frimaire an VIII. (Arch. nat., A FIV, 1329.)

[14] Gazette nationale du 28 brumaire.

Dès le 24 brumaire, le bureau central du canton avait demandé au gouvernement de prendre cette mesure (Arch. nat., A FIV, 14S9). « Il est certain, dit la Gazette nationale du 6 frimaire, que le gouvernement a défendu la représentation de toutes les pièces de circonstances auxquelles la journée de Saint-Cloud avait donné lieu. »

[15] Gazette nationale du 25 brumaire. — Cf. Journal de Paris des 29 brumaire et 29 frimaire (rédigé par Rœderer).

[16] Rapport de l'État-Major général du 4 au 5 frimaire. (A. H. G., Correspondance générale.)

[17] Cité par AULARD, Etudes et leçons sur la Révolution française, 229. — Le 1er frimaire an VIII, les vingt-quatre officiers de paix furent chargés d'arrêter sur-le-champ les crieurs et colporteurs d'un pamphlet concernant le rétablissement de la religion catholique (Arch. nat., A FIV, 1489).

[18] Archives nationales, A FIV, 1329.

[19] Gazette nationale du 6 frimaire.

[20] Le Ministre de la guerre aux armées, Paris, 21 brumaire (A. H. G., Correspondance générale).

[21] Le Ministre de la police générale aux administrations publiques, 8 frimaire an VIII (Gazette nationale du 8 frimaire).

Une délibération du Conseil d'État (section de la Justice) reconnut formellement, plus tard, « que les lois rendues contre les émigrés n'ont pas cessé d'exister et que la nouvelle constitution n'a apporté aucune modification ni à la peine ni aux formes qui dirigent l'application de la peine contre l'émigré rentré. » (Correspondance de Napoléon, n° 4550, 5 pluviôse an VIII.)

[22] Gazette nationale des 6 et 7 frimaire.

[23] ROCQUAIN, l'Etat de la France au 18 brumaire, Introduction, LXXII.

[24] AULARD, l'État de la France en l'an VIII et en l'an IX, rapport de Fouché du 24 frimaire an VIII, 70.

[25] AULARD, Études et leçons, seconde série, 214. — « En général la journée du 18 brumaire cause d'autant plus de satisfaction qu'elle donne d'espérances pour l'amélioration du régime républicain. » Rapport sur l'esprit public, Arch. nat., A FIV, 1329.

[26] HYDE DE NEUVILLE, loc. cit., 251. — Cf. D'ALLONVILLE, Mémoires secrets, IV, 296-297 ; Archives des Affaires étrangères, vol. 590, f. 230, Fonds Bourbons.

[27] Archives de Chantilly (Citées par VANDAL, l'Avènement de Bonaparte, 481).

[28] Ferrand au prince de Coudé, Munich, 23 décembre 1799, Arch. de Chantilly, série Z, t. XLVIII.

[29] « Ceux qui, dans les premiers jours, se flattaient que Bonaparte travaillait pour le Roy sont revenus à mon opinion et ne voient en lui qu’un ambitieux qui veut s'emparer du trône n'importe sous quel nom. » (Arch. des Affaires étrangères, vol. 596, f. 187, Bourbons, note du 27 novembre 1799.)

[30] Miot de Melito, s'il faut l'en croire, vit clair dès le coup d'État : « Nous ne savions, dit-il, si nous devions nous en réjouir ou nous en alarmer. Tout ce que j'apercevais clairement, c'est que Bonaparte devenait l'arbitre des destinées de la France et que, s'il nous tirait de l'anarchie et de l'avilissement où le Directoire et les conseils législatifs l'avaient laissée tomber, il était à craindre, d'après les sentiments que je lui connaissais, qu'il ne fit payer à la France ce grand service au prix de sa liberté. » (MIOT DE MELITO, loc. cit., I, 241.)

Barère assure, lui aussi, avoir prévu les suites du 18 brumaire :

« Je fus profondément affligé de voir un aussi illustre général s'ériger en maître après avoir chassé avec ses baïonnettes les légitimes représentants de la nation. Je conviens qu'ayant toujours été l'adversaire du despotisme militaire, je ne pus cacher à M. Tarteyron, enthousiasmé de cette odieuse journée, tout ce que j'en augurais de funeste pour mon pays et pour la liberté » (Mémoires, III, 80).

[31] HYDE DE NEUVILLE, loc. cit., I, 27, 272, 273.

[32] D'ALLONVILLE, loc. cit., IV, 290-297.

[33] Gazette nationale du 28 liminaire.

[34] Correspondance de Napoléon, n° 4398.

[35] Gazette nationale du 1er frimaire.

[36] Correspondance de Napoléon, n° 4397.

[37] Gazette nationale du 19 frimaire.

[38] Il y eut pourtant des républicains qui ne pardonnèrent pas, tels Delbrel, Talot, Destrem, Briot (AULARD, loc. cit., 248). — Le conventionnel Guillemardet, ambassadeur en Espagne, s'en remit « à cette justice qui a toujours atteint les ambitieux et les traîtres ». (Révolution française, n° du IV juin 1902.) Certains députés, complices de Bonaparte, manifestèrent quelque défiance, tels : Harmand (de la Meuse), Laussat (des Masses-Pyrénées), Laportaire (du Morbihan) (AULARD, loc. cit., 239).

[39] Aucun document de l'armée du Rhin ne permet de contrôler cette assertion générale de Lecourbe.

[40] A. H. G., armée du Rhin.

[41] Ordre du jour de l'armée de Batavie, du 20 brumaire (A. H. G., armée de Batavie).

[42] Voir au chapitre suivant.

[43] Archives de Trévise (citées par VANDAL, l'Avènement de Bonaparte, 424).

[44] Archives nationales, F I A, 437.

[45] Pille au Ministre de la Guerre, Lille, 3 frimaire (A. H. G., Correspondance générale).

[46] Saint-Hilaire au Ministre de la guerre, Marseille, 10 frimaire (A. H. G., Correspondance générale).

[47] Brune au Ministre de la Guerre, La Haye, 20 brumaire (A. H. G., armée de Batavie). — Cf. Proclamation de Brune au moment de la mise en vigueur de la Constitution de l'an VIII (Journal des Débats, n° 30).

[48] Ordre du jour du 20 brumaire (A. H. G., armée de Batavie) ; Rostollant au Ministre de la guerre, La Haye, 27 brumaire (Ibid.).

[49] Procès-verbal du 30 brumaire (A. H. G., armée de Batavie).

[50] Championnet au Ministre de la guerre, Nice, 9 frimaire (A. H. G., armée d'Italie). — Cf. Suchet au Ministre de la guerre, Gênes, 29 brumaire ; Proclamation de Championnet à l'armée d'Italie, Nice, 5 nivôse (Ibid.).

[51] BOURQUE, Historique du 3e régiment d'infanterie, 222.

[52] Masséna au Premier Consul, Nice, 4 pluviôse (A. H. G., armée d'Italie). — Cf. Gouvion Saint-Cyr, Mémoires pour servir à l'Histoire militaire sous le Directoire, le Consulat et l'Empire, II, 55.

[53] Le général Fréqeville au général Lacuée, Toulouse, 23 frimaire (A. H. G., Correspondance générale). — Cf. Fréville à Berthier, 7 frimaire (Ibid.).

[54] Duc DE RAGUSE, Mémoires, II, 108-109.

[55] Bulletins historiques des divisions militaires (A. H. G., Correspondance générale, 10 au 1)0 novembre 1799) ; Arch. nat. A FIV, 1090.

[56] MIOT DE MELITO, loc. cit., I, 242.

[57] A Toulouse, le 8 frimaire (A. H. G., Correspondance générale).

[58] DECAEN, Mémoires inédits, t. X. (Bibliothèque municipale de Caen, manuscrits, 502).

[59] « De longtemps on n'a vu régner ici une tranquillité plus parfaite. » (BAILLEU, loc. cit., 340, rapport de Sandoz-Rollin du 30 octobre 1709.) « Jamais calme ne fut plus parfait que celui qui continue de régner ici ; on ignore presque s'il a existé des factions et des troubles intérieurs. « (Ibid., 3V2, rapport de Sandoz du 17 octobre 1700.)

Il est juste, par contre, de citer le témoignage de Carnot : « Le Directoire était arrivé à un tel point de déconsidération qu'à défaut de Bonaparte, quelque autre chef d'armée aurait fait un 18 brumaire connue lui ; Hoche peut-être s'il eût vécu. (Mémoires sur Carnot par son fils, II, 20).

[60] Barras affirme que Moreau « était aussi honteux que malheureux » du 18 brumaire (loc. cit., IV, 170). D'après THIBAUDEAU, tel serait également l'avis de « quelques écrivains » qu'il ne cite pas d'ailleurs (Le Consulat et l'Empire, I, 112). Si l'on en croit la duchesse D'ABRANTÉS, Moreau ayant rencontré Gohier chez Garat, quelques jours après le 18 brumaire, aurait essayé de se justifier. « Général », lui aurait répondu l'ancien Directeur, « je ne veux point poursuivre une conversation qui doit être aussi pénible pour vous, que désagréable pour moi. J'ajouterai seulement, dit-il, en touchant légèrement le pommeau de l'épée de Moreau, que maintenant il manque là un trousseau de clefs. » Moreau serait devenu fort pâle, aurait balbutie quelques mots, aurait déploré sa faute et cru la racheter en disant : « Je saurai la réparer. » (Mémoires, II, 390-391.)

[61] « On donne des clones aux généraux et ceux de l'armée du Rhin, Moreau et Jourdan, ne sont pas moins estimés que Bonaparte. »

(AULARD, Paris pendant la réaction thermidorienne, rapport du bureau central du 13 messidor an IV, III, 288.) — Cf. Ibid., III, 35V ; III, 522 ; III, 015 ; III, 670-, IV, 189. L'Observateur politique du 5 frimaire an VIII chantait les louanges de Moreau.

[62] MASSON, Napoléon et sa famille, I, 300, 314 et suiv.

[63] « On assure que Moreau doit épouser une des parentes de Bonaparte. »

[64] PASQUIER, Mémoires, I, 115.

[65] AULARD, Paris pendant la réaction thermidorienne, III, 517, 519, 52V, 540, 5V8, 590 ; IV, 70, 417, 502, 78V ; V, 394.

« Le cri unanime est la paix » (AULARD, État de la France, rapport de Fouché du 24 frimaire an VIII, 77).

« On ne parle ici, dans ce moment, que de la paix. Cela réunit toutes les volontés et réconcilie tous les partis. » (BAILLEU, loc. cit., VIII, 344, rapport de Sandoz-Rollin du 30 octobre 1799.) — Cf. Ibid., VIII, 345, 347, 349, 350, 350.

[66] Correspondance de Napoléon, n° 4473, 4506.

[67] Correspondance de Napoléon, n° 4445, 4446.

[68] CHASSIN, la Pacifications de l'Ouest, III, 590.

Louis Bonaparte, colonel du 5e dragons, refusa de présider la commission qui condamna Frotté à mort.

[69] Affaires étrangères, Correspondance d'Angleterre, t. 253.

[70] Affaires étrangères, Correspondance d'Angleterre, t. 593.

[71] Affaires étrangères, Correspondance d'Angleterre, t. 253.

[72] Affaires étrangères, Correspondance d'Autriche, t. 371.

[73] Affaires étrangères, Correspondance d'Autriche, t. 371.

[74] Affaires étrangères, Correspondance d'Autriche, t. 371.

[75] BAILLEU, loc. cit., VIII, 357, 369, 370, 389.

[76] Affaires étrangères, Correspondance de Prusse, t. 220.

Bournonville arriva à Merlin le 19 janvier 1800 (Gazette nationale du 18 pluviôse an VIII).

[77] Correspondance de Napoléon, n° 4452 ; TATISTCHEFF, Paul Ier et Bonaparte, Nouvelle Revue, septembre 1887, 57. (D'après les archives du prince Woronzoff.)

[78] Affaires étrangères, Correspondance de Russie, t. 139.

[79] TATISTCHEFF, loc. cit., Nouvelle Revue, novembre 1887, 245.

[80] TATISTCHEFF, loc. cit., Nouvelle Revue, novembre 1887, 258.

[81] TATISTCHEFF, loc. cit., Nouvelle Revue, novembre 1887, 253-254.

[82] TATISTCHEFF, loc. cit., Nouvelle Revue, décembre 1887, 766-768.

[83] TATISTCHEFF, loc. cit., 705 (Annotation marginale du tsar sur un rapport de son agent diplomatique spécial à Berlin, le baron de Krüdener, 7 janvier 1809).

[84] TATISTCHEFF, loc. cit., 765. L'expression est celle de trois hommes d'État russes, contemporains de Panine.

[85] TATISTCHEFF, loc. cit., 765.

[86] Mémoires secrets sur la vie privée, politique et littéraire de Lucien Bonaparte, I, 115. — Gohier attribue à Bonaparte le propos suivant : « Une république ne doit faire que des paix partielles ; il faut toujours se ménager une petite guerre pour entretenir l'esprit militaire » (Mémoires, I, 215). — Cf. BOURRIENNE, Mémoires, III, 104.

[87] MIOT DE MELITO, loc. cit., I, 269 : « Des négociations de paix avaient été suivies avec l'Autriche, dit-il, mais moins dans l'espoir d'arriver à une heureuse conclusion que dans le désir de gagner du temps pour se préparer à entrer en campagne. »

[88] BAILLEU, loc. cit., VIII, 375, rapport de Sandoz du 24 avril 1800.

[89] Oesterreichische militärische Zeitschrift, 1836, I, 251.

[90] Oesterreichische militärische Zeitschrift, 1822, I, 21.

[91] Au milieu de floréal, elle comptait 100.491 hommes (Ibid., II, 105).

[92] Mémoires de Napoléon, GOURGAUD, I, 159.

[93] A. H. G., Bulletin historique du 1er au 30 nivôse.

[94] Exactement 43.783, d'après une situation du 12 pluviôse an VIII ; 8.842, sous Turreau, formaient l'aile gauche et gardaient la frontière dans les hautes vallées de la Durance, de l'Arc et de l'Isère (A. H. G., armée d'Italie).

[95] Mémoires de Napoléon, MONTHOLON, I, 43.

Ce ne furent pas seulement tics raisons d'ordre militaire, semble-t-il, « qui déterminèrent Bonaparte à confier ces commandements à Moreau et à Masséna. Il savait que « les Jacobins cherchaient des appuis dans les armées de Hollande et d'Helvétie » (Mémoires de Napoléon, GOURGAUD, I, 42) ; que Masséna partageait « plus ou moins les opinions des Jacobins du manège » (Mémoires de Napoléon, GOURGAUD, I, 155, note 1) ; que Moreau était « ennemi... de la société du manège » (Ibid., 159, note 1), « Il devenait nécessaire de rompre tous les fils en changeant sans retard tous les généraux. » (Ibid., I, 155, note 1.) Telle fut aussi la cause du déplacement de Brune qui quitta le commandement de l'armée de Batavie pour être envoyé en Vendée (Ibid.).