HISTOIRE DES DUCS DE BOURGOGNE DE LA RACE CAPÉTIENNE

TOME PREMIER

 

CHAPITRE X. — HUGUES II, DIT BOREL (suite) - 1113-1125.

 

 

Développement du Nouveau-Monastère (Cîteaux). — Difficultés de l'origine. — Étienne Harding. — Saint Bernard. — Fondation de la Ferté, Pontigny, Morimond. — Esprit qui préside à leur installation. — Plan d'organisation d'Étienne Harding. — Monastères de femmes. — Jully-les-Nonnains, dépendant de Molème. — Gui de Bourgogne, archevêque de Vienne à Cîteaux. — Saint Étienne lui soumet la Charte de Charité. — Guerre entre les sires de Frolois et de Mont-Saint-Jean. — Fondation de Fontenay, par l'entremise de saint Bernard et l'intervention des sires de Montbard et de la Roche ; Godefroy de la Roche, premier abbé de Fontenay ; Agnès de la Roche, sa sœur, première abbesse du Puits-d'Orbe. — Mort du pape Gélase. — Gui de Bourgogne couronné pape sous le nom de Calixte II. — Calixte reçoit saint Étienne à Saulieu, qui lui représente la Charte de Charité et l'Exordium. — Donations à Cîteaux par le Duc Hugues II, la Duchesse Mathilde et autres. — Lettre de saint Bernard à la Duchesse. — Aremburge de Bourgogne à Larrey. — Fondation du Tart. — Campagne du Duc contre l'empereur Henri V.

 

Quinze années s'étaient écoulées depuis que Robert et les religieux de Molème étaient venus s'établir au Nouveau-Monastère (Cîteaux). Après son départ les moines avaient sous son successeur accompli de grands travaux autour de leurs habitations primitives, mais l'austérité de leur vie et la solitude de leur retraite avaient éloigné d'eux la noblesse qui, sous l'abbé Robert, était reçue avec un certain éclat à Molème, Jusqu'à la mort de l'abbé Albéric, en 1109, ils vécurent du travail de leurs mains, et n'avaient de ressource que les donations qui leur avaient été faites par Rainard, vicomte de Beaune et Eudes, Duc de Bourgogne. Leur pauvreté était telle, qu'ils avaient excité la commisération des autres ordres. L'abbé Jarenton et les moines de Saint-Bénigne, touchés de leur misère, leur avaient abandonné deux pièces de terre[1] voisines de leurs cabanes primitives, par l'intermédiaire du Duc Hugues II, qui, en considération de ce bienfait, avait cédé à Saint-Bénigne une rente sur la terre de Courcelles, en présence de ses prévôts Hugues et Euvrard, de Valon[2], archidiacre du pays d'Ouche, un de ses familiers les plus chers et que nous trouvons associé à presque tous les actes du Duc.

Roclène, doyen de Vergy et les chanoines de cette église, par la médiation de Narjod de Toucy, évêque d'Autun, avaient concédé aux pauvres anachorètes, moyennant quelques redevances, les dîmes de la terre de Gergueil[3].

La situation du Nouveau-Monastère n'était pas plus prospère lorsque Étienne Hardingen eut la direction en 1140. Les moines de Gilly, dépendant de la fameuse abbaye de Saint-Germain de Paris, prenant pitié de la misère et du travail ingrat entrepris par leurs voisins, leur avaient cédé des droits d'usage et de pâturage dans la forêt de Gilly[4], et tout ce qu'ils possédaient dans un endroit aujourd'hui détruit et inhabité qu'on appelait alors Gemigny[5].

Une terrible épreuve atteignit alors le Nouveau-Monastère une épidémie qui ravageait la province fit beaucoup de victimes parmi les frères, déjà abattus par des mortifications et un genre de vie qui n'étaient plus en rapport avec les travaux pénibles auxquels ils se livraient. Ces difficultés n'arrêtèrent pas les religieux dans l'observation de leur règle, et, malgré la rareté des vocations et l'austérité de l'ordre qui éloignait presque tout le monde, ils n'en continuèrent pas moins à vivre dans le même esprit de pauvreté.

Le Duc de Bourgogne était en ce moment au siège de Grancey-le-Château avec ses vassaux, parmi lesquels se trouvaient les fils de Tecelin le Roux, seigneur de Fontaine-lès-Dijon[6]. Le sire de Grancey, qui se nommait alors Rainard ou Raynald, avait sans doute, pour des motifs qui ne nous sont pas connus, refusé de déférer aux ordres de son suzerain, car ces occasions de luttes entre les seigneurs et leurs tenanciers n'offraient que de trop fréquents exemples à l'époque féodale. D'ailleurs, les sires de Grancey-le-Château, comtes de Saulx, plus particulièrement attachés aux évêques de Langres, dont ils avaient les droits à défendre, paraissent avoir été dans l'origine en opposition d'intérêts avec les Ducs, qui n'eurent jamais pour officiers que des seigneurs de la maison de Grancey-sur-Ource[7].

Bernard, l'un des fils de Tecelin le Roux, allant trouver ses frères à ce siège, aperçut une église non loin de son chemin il y entra, fit une longue prière et, dans l'ardeur de sa foi, fit vœu de mettre à exécution le vœu qu'il avait fait depuis longtemps de se consacrer au Seigneur. Ce jeune homme n'avait que vingt-deux ans, mais son âme ardente et sa parole facile eurent bientôt entraîné un certain nombre de seigneurs de son âge, appartenant aux plus illustres familles de Bourgogne. Trente d'entre eux entrèrent le même jour à Cîteaux, et échangèrent leurs hauberts d'acier contre l'humble coule de Saint-Benoît.

De ce jour, la fortune du nouveau monastère était assurée, et la noblesse, que n'attirait plus à Molème la haute personnalité de Robert, vint se ranger sous l'autorité et la direction d'Étienne Harding, malgré la dure sévérité de la règle. Les seigneurs des provinces voisines s'y rendirent, puis on en vit arriver des plus lointaines, comme cet Arnould qui, parti de Cologne avec plusieurs compagnons, vint avec eux prendre le froc et le capuchon blancs. Car ce contraste du costume avec celui des moines noirs de Saint-Benoît avait aussi frappé les populations et ceux qui voyaient là, au physique comme ai moral, l'emblème d'une réforme dont les institutions bénédictines étaient l'objet.

En moins d'un an, l'affluence qui attirait les populations au Nouveau-Monastère était telle, que le maigre revenu et le rapport des terres abandonnées par les premiers donateurs étaient insuffisants à la nourriture des frères. Douze religieux en sortirent, en 1115, et allèrent porter ailleurs l'esprit d'austérité monastique dont était animée leur abbaye-mère. Sous la protection de Savaric de Donzy et de son neveu Guillaume, comte de Chalon, ils vinrent se cacher dans la forêt de Brague sur la Grosne, et y former un établissement qui prit le nom de La Ferté. La première colonie de Cîteaux était fondée.

L'année suivante, douze autres moines ayant à leur tête Hugues de Mâcon, l'ami de saint Bernard, allaient, dans une direction opposée, s'installer dans un désert habité par un ermite nommé Étienne. La seconde colonie de Cîteaux, Pontigny[8], donnera elle-même naissance à quarante-cinq abbayes en moins d'un siècle[9].

Sous l'influence de l'entraînement étrange des esprits, et avec l'ardeur de cette société impérieusement dominée par les croyances religieuses, un troisième essaim, et le plus illustre, part de Cîteaux, en 1115[10], ayant pour chef ce jeune homme dont la parole et l'autorité avaient déterminé ses compagnons et décidé leur vocation. Bernard, dont le nom sera bientôt connu au loin, vient, sous la protection de Hugues, comte de Champagne[11], s'ensevelir dans une retraite profonde sur les bords de l'Aube, dans un désert appelé la Vallée d'Absinthe, et y fonde le célèbre établissement de Clairvaux. Ce monastère eût suffi à lui seul pour porter les pratiques des institutions Cisterciennes dans les parties du monde les plus éloignées ; et au siècle dernier, trois cent soixante-cinq abbayes dépendaient de sa filiation[12].

C'était le temps des ermitages. Il y en avait dans tous les diocèses. Chaque forêt, chaque désert avait le sien, et la plupart d'entre eux ont donné naissance à des abbayes. Un anachorète appelé Jean avait obtenu d'Odolric d'Aigremont et d'Adeline de Choiseul, sa femme, un coin de terre dans un lieu sauvage de leurs forêts au nord de Fresnoy, dans le Bassigny. Jean offrit son asile aux religieux du Nouveau-Monastère et douze autres frères vinrent s'y fixer dans le courant de juin 1115. L'abbé Arnoult, que saint Étienne Harding mit à leur tête, était une des plus fortes colonnes de l'ordre[13]. Il était allié aux familles princières de l'Allemagne, et son frère Frédéric occupait le siège archiépiscopal de Cologne. Il devait continuer l'œuvre de prosélytisme de son infatigable maître et commencer la réputation de cette quatrième fille de Cîteaux Morimond, dont deux cent vingt-six abbayes reconnaissaient encore l'autorité au XVIIIe siècle[14], malgré le nombre de celles qui, là comme ailleurs, avaient déjà disparu à ce moment.

La cérémonie qui s'observait à Cîteaux au départ d'une nouvelle colonie était simple et touchante. La cloche rassemblait les religieux à l'oratoire. La communauté s'agenouillait, et après un profond silence l'abbé entonnait un psaume puis, prenant sur l'autel une croix de bois, il la remettait solennellement à celui qui devait être revêtu de la dignité abbatiale. Le nouvel abbé, l'ayant reçue et baisée avec respect, descendait de sa stalle douze religieux quittaient leurs places, sortaient tous sans rien dire de l'église, se rangeaient sous le cloître accompagnés de ceux qui restaient. La grande porte extérieure s'ouvrait pour les laisser passer et se refermait aussitôt. Les frères n'appartenaient plus à l'abbaye de Cîteaux, mais l'ordre comptait une maison de plus.

Il n'est pas douteux que saint Étienne n'ait agi d'après un plan mûrement conçu quand il groupait ses quatre premières filles à l'entour de l'abbaye-mère, de manière qu'elles fussent aux quatre points cardinaux La Ferté au midi Pontigny à l'ouest Clairvaux au nord, et Morimond à l'est. Il voulait de plus que chacun de ces établissements servît de poste avancé pour rayonner aux environs et répandre dans les régions lointaines l'esprit cénobitique des premiers Pères du désert, qui avait présidé à l'installation et au développement de leur institution.

Ce qui a été moins remarqué, c'est que chacun de ces nouveaux monastères était situé à la ligne d'intersection de plusieurs diocèses, et pouvait puiser des sources nouvelles dans des contrées différentes, relevant de souverains différents, soumises à des coutumes diverses.

Pontigny était à l'intersection des comtés d'Auxerre, de Tonnerre et de Champagne, et en même temps à l'intersection des diocèses d'Auxerre, de Sens et de Langres ce qui a donné lieu dans le pays à cet ancien dicton : « Trois évêques peuvent dîner sur le pont avec l'abbé de Pontigny en étant sur leurs terres. »

Clairvaux avait été établi sur les limites des diocèses de Langres et de Troyes. La Ferté, sise dans le diocèse de Chalon, était limitrophe de celui de Mâcon. La situation de Morimond était aussi bien choisie que celle de Pontigny, au point de jonction de trois provinces, de trois grandes tribus gallo-romaines, les Séquanais, les Toulois et les Lingons, sur les confins extrêmes des diocèses de Langres, de Toul et de Besançon.

Tels furent les premiers degrés de cette multiple généalogie de monastères. Tels sont les anneaux originaires de cette chaine immense, dont les familles de moines s'enorgueillissaient jadis comme des plus fières lignées féodales.

Le développement de l'ordre Cistercien qui prend en peu d'années un essor si considérable, on peut même dire si prodigieux, est loin d'avoir atteint son apogée. Nous le suivrons plus tard avec le même étonnement dont les contemporains ont été frappés, à travers ces mœurs étranges pour notre civilisation, et dont le contraste nous apparaît presque avec le charme de l'inconnu.

Pour le moment, les Cisterciens n'ont point encore excité la jalousie des bénédictins dégénérés, oisifs et opulents, qui, drapés dans leurs manteaux de fourrures, se moquent de cet ordre nouveau, qui poussait jusqu'à l'excès les macérations et l'ascétisme, et auquel la règle ordonnait de bêcher la terre, d'essarter les forêts et de porter du fumier.

Les femmes qui entraient en religion étaient écartées du voisinage de ces nouveaux monastères. Gui de Châtel-Censoir avait déjà senti pour Molème la nécessité d'un établissement particulier pour les femmes et les filles des seigneurs qui voulaient embrasser l'état monastique. Le château de Jully, dans le Tonnerrois, avait été donné à cet effet par Mile, comte de Bar-sur-Seine, en 1113 ou 1115. On imposa dès l'origine aux religieuses qui s'y retirèrent une grande sévérité de clôture et de règlement, et comme il n'était pas possible à des femmes ainsi cloîtrées de s'occuper de l'administration de leurs biens, l'abbé de Molème préposa des moines dirigés par un prieur pour s'occuper des affaires temporelles du couvent. Ces moines habitaient près de là des cellules n'ayant aucune communication avec l'enceinte fortifiée du château qui servait de retraite aux religieuses[15].

Étienne Harding ne fut sans doute pas non plus étranger à cette fondation, car son ami Pierre, comme lui Anglais d'origine, fut le premier prieur de Jully. Ces religieux et ces religieuses eurent au XIIe siècle une grande réputation de piété, et attirèrent les libéralités des seigneurs du pays. Le prieur Pierre a été mis au rang des bienheureux. L'église compte Humbeline, sœur de saint Bernard, au nombre des saintes, et Elisabeth de Donzy, fille de Savaric, comte de Chalon-sur-Saône, veuve d'Humbert de Mailly, sire de Faverney, y fit son noviciat, et en serait sortie, vers 1120, pour fonder le monastère des Cisterciennes de Tart[16].

Un concile se tint en Bourgogne, à Tournus, en 1115. Les chanoines de l'église Saint-Jean de Besançon y firent juger une contestation qu'ils avaient contre les chanoines de Saint-Étienne de la même ville, au sujet de la dignité de l'église cathédrale. Le jugement fut favorable aux premiers, mais le pape ne l'ayant pas approuvé, la décision fut ajournée à l'époque du concile qui devait se tenir peu après à Dijon, mais qui ne donna pas de solution.

Le 8 juin 1116, on eut le spectacle d'un synode célébré en plein air, dans un site des plus agréables du diocèse de Langres, entre Lux et Til-Châtel. Il était présidé par Gui de Bourgogne, archevêque de Vienne. Les sièges étaient occupés par Joceran, évêque de Langres, par les abbés de la province et les chefs des paroisses. Dans cette espèce de camp formé de tentes et de rameaux verts, se pressait une foule de fidèles et de barons. Dans le centre, sous un immense pavillon imitant un temple portatif, on avait placé des reliquaires d'or et d'argent d'un grand nombre de saints. Les religieux de Bèze y amenèrent la châsse de saint Prudent, martyr. Guy de Bourgogne y prononça un discours si pathétique, que les spectateurs émus jusqu'aux larmes jurèrent de mener une vie plus régulière[17]. A ce plaid divers jugements furent rendus contre les brigandages commis par des seigneurs de la province, et on prit des mesures touchant les intérêts de l'Église[18].

De là, les évêques, les abbés et les barons se rendirent à Dijon, où le Duc Hugues leur fit une pompeuse réception. Ils invitèrent les chanoines de Saint-Étienne, qui, depuis quatre ans, avaient quitté leur cloître pour se retirer à Quetigny, à revenir à Dijon. Ce rappel, fait avec solennité, fut le commencement de la réforme de Saint-Étienne, qui devint ainsi une abbaye régulière[19].

Parmi les membres de cette assemblée qui assistèrent à la donation faite aux religieux de Saint-Bénigne par Aymon de Til-Châtel, citons, outre l'évêque Joceran, l'archidiacre Jocelin, le doyen de Dijon Arnoult, le sénéchal Renier de Châtillon, le connétable Mile, sire de Salmaise, Nivard, chevalier, Girard de Châtillon, Eudes le Vert de Vergy, etc.[20]

En revenant du concile de Dijon, Gui, archevêque de Vienne et légat du pape, vint au Nouveau-Monastère (Cîteaux). Touché de la piété des frères, il pria l'abbé Étienne de fonder dans son diocèse un établissement de son ordre. Étienne ayant fait part de ce projet aux religieux, partit pour Vienne, et plus tard, avec l'aide et l'approbation de ce prélat devenu pape, y établit l'abbaye de Bonnevaux[21].

Un fait qui nous paraît indiscutable et qui n'a point été relevé par les chroniqueurs Cisterciens, c'est que la Charte de Charité fut faite à la même date, et probablement présentée par Étienne Harding, à l'arrivée de l'archevêque Gui de Bourgogne à Cîteaux (1117). Le vénérable abbé qui en fut le rédacteur s'explique suffisamment, en disant que cette pièce fut écrite avant que les abbayes Cisterciennes commençassent à se répandre, et que le texte en fut rédigé d'accord avec les quatre premiers Pères de l'ordre, abbés de la Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond. Or, Morimond, la dernière abbaye en date, avait été fondé le 25 juin 1115, et trois ans se passent sans nouvelle colonie, jusqu'au 26 août 1118, qui marque la fondation de Preuilly.

Il est également certain que cette Charte de Charité fut soumise plus tard à la sanction du même Gui de Bourgogne, couronné pape sous le nom de Calixte II, en 1119, et fut alors jointe à l'Exordium dont nous parlerons plus loin.

On doit rapprocher de 1117 un autre plaid tenu à Bretigny, près Dijon, et présidé par le Duc de Bourgogne. Dans cette assise, à laquelle paraissent Girard de Châtillon, Vuidric de Dijon et son fils Joubert, Hugues de Bèze et son gendre Baudouin, Hugues d'Apremont, Thierry de Saint-Seine, les religieux de Saint-Bénigne débattaient une contestation avec les habitants de Marcennay, relativement à des terres dont ces derniers s'arrogeaient la possession sur le territoire de ce village[22].

Le 14 mars 1117, Étienne, évêque d'Autun, obtenait du pape Pascal II une bulle qui lui confirmait la possession du château de Touillon, dont il s'était rendu acquéreur à son avènement à l'évêché. Pascal lui rendit aussi l'église et la collégiale de Notre-Dame et de Saint-Lazare d'Avallon, que l'envahissante abbaye de Cluny avait enclavées dans ses vastes possessions[23]. La donation que saint Hugues s'en était fait octroyer par le jeune Duc de Bourgogne, son neveu, en 1077, avait été une injustice commise au détriment de l'évêque d'Autun mais, pendant la période de domination Clunisienne, les chanoines d'Avallon durent à cette possession momentanée la belle construction romane de leur église, dont il ne reste que le portail.

Les chroniques et les cartulaires, qui nous donnent à cette époque tant de documents sur les faits relatifs aux abbayes, sont moins explicites en ce qui concerne les événements militaires. Ce n'est que par accident et comme par hasard que nous sont signalées certaines guerres féodales, et les luttes baronales alors si fréquentes. Nous avons déjà vu au commencement du XIIe siècle les religieux de Flavigny en lutte contre leurs avoués, ceux de Saint-Bénigne en guerre contre les sires de Salmaise et de Sombernon, Robert, évêque de Langres, attaquer le château de Nogent, le Duc Hugues II assiéger Rainard de Grancey dans sa forteresse nous apprenons ici par une charte datée[24] que les seigneurs de Frolois faisaient une guerre assez sérieuse à Gui, seigneur de Mont-Saint-Jean. Les sires de Frolois avaient pour alliés Gui de Turcey, chevalier, fils de dame Emeline, Thibaud de Grésigny, Hugues et Calo de Grancey, Hugues de Blaisy et Calo de Turcey, son gendre, Hugues de Saffres, tous leurs parents. Gui de Turcey ayant été blessé dans cette guerre, donna au prieuré de Salmaise la terre de Boux, lorsqu'il prit l'habit des bénédictins de Saint-Bénigne Hugues de Blaisy imita cet exemple et fit une semblable donation.

Il nous paraît résulter de ces événements que la guerre entamée dès le commencement du siècle au sujet de la terre de Salmaise, dont les premiers seigneurs étaient avoués de Saint-Bénigne, se termina par la dépossession de Guy, seigneur de Mont-Saint-Jean, qui en était détenteur. Mile le Connétable qui semble le fils de Gaudin de Frolois s'en empara et la transmit à ses descendants[25]. Que s'était-il passé ? Les religieux de Saint-Bénigne avaient dans l'origine appelé, contre les sires de Salmaise qui ne voulaient pas reconnaître leurs droits, les sires de Mont-Saint-Jean, puis contre ceux-ci les sires de Frolois les derniers n'avaient pas mieux agi que les premiers et s'étaient approprié tous les domaines.

De toutes les abbayes fondées sous le patronage de Cîteaux, celle qui marchait en première ligne, Clairvaux, devait sa prospérité au zèle et à l'activité de son abbé Bernard. Sous son impulsion et avec la collaboration des moines qui venaient chaque jour de la Bourgogne et de la Champagne s'adjoindre à la colonie, la Vallée de l'Absinthe était devenue la Vallée radieuse, Clara Vallis. Aucune histoire monastique ne témoigne d'une manière plus remarquable et plus éloquente en faveur de cette règle nouvelle, qui se distinguait entre toutes les autres par son esprit éminemment laborieux et utile, et qui rendit alors à l'agriculture surtout de signalés services. Obéissant à l'ardeur de prosélytisme qui caractérisait Étienne, abbé de Cîteaux, Bernard voulait propager ces établissements et disperser les essaims de ces travailleurs infatigables que chaque maison était obligée de faire sortir, comme une ruche trop pleine chasse les abeilles qui s'y multiplient. Déjà l'abbaye de Preuilly avait été fondée sur les limites des diocèses de Sens et de Meaux ; Trois-Fontaines avait été établie avec le concours de Hugues, comte de Champagne, dans une vaste forêt du diocèse de Vitry Bernard désirait en voir une autre sur les limites des diocèses de Langres et d'Autun, non loin du château où s'étaient écoulés quelques jours de sa jeunesse, où sa mère avait reçu le jour, et où il comptait des amis d'enfance et des parents dévoués. A une lieue du château de Montbard, au fond d'une vallée étroite, boisée, agreste et sauvage, qui a encore conservé son aspect, vivait un pauvre moine nommé Martin, qui occupait un petit ermitage se composant d'une cabane et d'une chapelle auprès de laquelle coulait une fontaine. Ce domaine appartenait au monastère de Molème, et l'abbé Gui de Châtel-Censoir, cédant à la demande d'Étienne, évêque d'Autun, lui avait abandonné, en 1116, cette propriété voisine de son château de Touillon, à la condition toutefois d'y faire quelques constructions pour une petite communauté qui y suivrait la règle de Saint-Benoît[26].

Le lieu de l'ermitage s'appelait Châtelot, et la fontaine avait la propriété de guérir tous ceux qui étaient atteints de la teigne. Ses eaux attirèrent dans la suite de nombreux visiteurs, et l'établissement primitif garda le nom de Racherie, quand l'abbaye fut transportée un peu plus loin de l'ermitage qui lui avait donné naissance.

Rainard de Montbard et sa femme Aanolde de Bar-sur-Seine, se dessaisirent du territoire d'Eringes, en faveur de l'affection qu'ils portaient à leur neveu Bernard, abbé de Clairvaux, et à ses frères Gaudry de Touillon et Milon[27], qui furent, avec l'ermite Martin, les premiers constructeurs de Fontenay. Ce domaine avait été possédé par Renaud et Valon d'Eringes, et échangé par Rainard de Montbard à un chevalier nommé Narjod, mari de Gertrude, fille de Renaud d'Eringes. Les donateurs, en cédant ce désert de Fontenay[28], y ajoutèrent des exemptions de toute redevance, et des droits de pâturage sur les terres et dans les bois voisins, sauf dans ceux du Jailly.

Les seigneurs qui avaient quelque droit féodal sur ces terres, s'associèrent à cette libéralité : Helirannus Fergannus, comte de Grignon ; Humbaud de la tour de Rougemont et sa femme Hodierne de Grignon, Leobaud de Grignon et Marie d'Eringes, fille de Renaud dont on vient de parler[29].

La fondation de l'abbaye de Fontenay eut lieu, en 1118, trois ans seulement après l'installation des Cisterciens à Clairvaux. L'acte qui en confirmait la possession aux religieux eut lieu peu de temps après et fut suivi par nombre d'autres émanant des seigneurs du pays, désireux de participer à la prospérité du nouvel établissement. Fontenay, situé au centre de la Bourgogne, devait prendre une grande importance et voir passer sous son cloître les plus illustres personnages du siècle.

Les trente-quatre premières chartes, en dehors de celles que nous venons d'analyser, manquent à ses cartulaires et ne sont plus aux originaux[30]. Chifflet[31] qui en a donné quelques extraits trop courts, éveille notre curiosité sans la satisfaire. On sait que Hugues de Grancey, sénéchal du Duc, possesseur des domaines de Lucenay, Bussy-le-Grand, en fut bienfaiteur, et signa une donation dans ce dernier village, en présence du moine Gui, frère de saint Bernard[32]. Gislebert de Thil, chevalier, fit une concession approuvée par Bernard de Montbard et Millesende, sœur de ce dernier, femme de Renier de la Roche[33]. Leobaud de Grignon et Humbert de Rougemont donnent un pré à Benoisey, contigu à celui de Tecelin le Roux, avec l'approbation du comte de Grignon, Héléran Fergannus, de Godefroy de Saigny, Jean de Montbard, Gilbert de Châtillon[34].

L'intervention de l'abbé de Clairvaux apparaît fréquemment, et l'on sent que c'est à son instigation que sont faites et rédigées les donations[35]. Saint Bernard en installant les religieux de Fontenay leur avait donné pour directeur un de ses compagnons de cloître, dont il avait apprécié le caractère et qui tenait le premier rang à Clairvaux en qualité de prieur Godefroy de la Roche ou le Châtillon[36], son parent, dont la famille comptait plusieurs membres dans le nouvel ordre Cistercien, et qui devait plus tard monter sur le siège de l'évêché de Langres. Godefroy avait pour frère aîné Gauthier de la Roche, le connétable qui fut seigneur de Montbard, quand il épousa Aanors, veuve de Raynard de Montbard. Renier de la Roche, le second de ses frères, épousa Comtesse ou Milesande, fille de Raynard, de sorte que le frère aîné était beau-père du second. Ce sont ces multiples alliances qui rendent si difficile la fixation des généalogies des familles féodales[37].

Il est à remarquer qu'Agnès de la Roche, sœur de Godefroy[38], devenait abbesse du Puits-d'Orbe, fondé presque à la même époque que Fontenay, et ayant le même fondateur Raynard de Montbard. Les deux abbayes étaient sises à deux lieues environ l'une de l'autre et sur le même finage de Cestre (Segestri)[39], dont le nom est cité dans les deux chartes[40]. Le Puits-d'Orbe ne relevait pas toutefois des Cisterciens, mais des bénédictins de Moustier-Saint-Jean, comme l'abbaye de Rougemont, dont elle était voisine et son aînée d'une vingtaine d'années[41]. Il est à croire que la communauté du Puits-d'Orbe fut tirée de celle de Rougemont, dont les abbesses donnaient alors quelques désagréments aux religieux de Moustier-Saint-Jean, refusaient de se soumettre à leur juridiction, et opposaient une résistance qui n'était pas sans scandale[42].

Quelques années plus tard[43], la consécration de l'église du Puits-d'Orbe donna lieu à une cérémonie solennelle. Guillencus, évêque de Langres, y assistait avec plusieurs archidiacres, Gauthier de la Roche, connétable de Bourgogne, alors seigneur de Montbard, Renier de la Roche, son frère, mari de Comtesse de Montbard Eudes, vicomte de Rougemont, etc. Bernard de Montbard y confirma les premières concessions faites par son père, en présence des chevaliers précités et de nombreux témoins[44].

Jusqu'ici les religieux du Nouveau-Monastère (Cîteaux) n'avaient reçu que des bienfaits, qui leur avaient été concédés par les premiers fondateurs, mais le chiffre de la population croissant sans cesse, malgré les émigrations successives, de nouvelles donations étaient venues augmenter les ressources de l'abbaye. Bernard de Ruelée et ses fils Seguin et Brutin, avec l'autorisation de Gui, seigneur de Mont-Saint-Jean, leur avaient donné ce qu'ils possédaient dans la terre de Moisey. Les autres coseigneurs, notamment les chanoines de Beaune, et Henri, abbé de Saint-Bénigne de Dijon, avaient également abandonné leurs droits de propriété, pour laisser aux religieux la totalité de ce domaine. Les autres bienfaiteurs qui paraissent avec le Duc de Bourgogne sont le bouteiller ou sénéchal Ponce, sa femme Alix, ses enfants Gauthier, Philippe et Hugues le maréchal Raynaud de Comblanchien et sa femme Reine Renier de Meursault, sa femme et ses fils Joceran de Combertaut ; Thierry de Créancey, etc.[45]

Aymon de Marigny, sa femme Agnès, ses fils Guillaume et Valon, Pierre le maréchal et son frère Renaud, renoncèrent en faveur de Cîteaux aux droits d'usage et de pâturage sur certaines terres, d'accord avec les religieux de Gilly. Pour dédommager ses officiers de ces concessions, le Duc de Bourgogne leur abandonna une rente en grains sur la terre de Tart. Hugues le Blanc, de Vergy, sa femme, ses fils Doo, Eudes, Gui et Mile se joignirent à eux et reçurent du Duc une indemnité sur Chambolle.

Partout Hugues II favorisait les donations faites au Nouveau-Monastère, et faisait en échange des concessions aux bienfaiteurs, comme on le voit dans les chartes-notices qui relatent ces libéralités[46].

Vers cette époque (fin de l'année 1118), le pape Gélase II, obligé de quitter Rome, et de chercher un asile en France contre l'empereur Henri V, avec lequel il était en lutte, vint à Vienne, chez le prélat de cette ville Gui de Bourgogne, fils de Guillaume Tête Hardie surnommé le Grand, comte de Bourgogne. Gui occupait depuis plus de trente ans le siège épiscopal de Vienne, quand le pape Gélase l'engagea à se retirer à Cluny, où il avait lui-même le projet de prendre l'habit monastique. Mais le pape étant mort, les cardinaux qui avaient suivi le pontife se hâtèrent de lui nommer un successeur, et sur le désir qu'il en avait exprimé nommèrent Gui, dont l'élection eut lieu à Cluny, le 1er février 1119.

Ce prélat, parent de l'Empereur et des rois de France et d'Angleterre, oncle d'Adélaïde de Savoie, épouse de Louis le Gros, recommandable par ses vertus et par d'incontestables talents, était l'homme qu'il convenait de choisir dans les circonstances difficiles où se trouvait la cour de Rome, et le plus apte à mettre fin aux troubles qui désolaient l'Église depuis cinquante ans. Sacré sous le nom de Calixte II, Gui craignit d'abord que sa nomination ne fût pas ratifiée à Rome, où l'antipape Maurice Bourdin, sous le nom de Grégoire VIII, après s'être emparé de cette ville, avait couronné l'empereur Henri V. La querelle des investitures, cause de tous ces troubles, était dans sa plus grande effervescence.

La nomination de Calixte II y fut cependant accueillie avec joie, et l'Allemagne elle-même y applaudit. Henri V, forcé de céder à l'opinion générale, promit de se trouver au concile, que le nouveau pape assigna et fixa dans la ville de Reims, pour y établir la paix entre l'Eglise et l'Empire.

Au concile qui dura douze jours, du 19 au 30 octobre, quinze archevêques, deux cents évêques et autant d'abbés assistèrent Calixte. Louis le Gros y porta ses plaintes au sujet de la Normandie, dont le roi d'Angleterre avait frustré son neveu, mais il n'y eut point de jugement à ce sujet. Saint Norbert y vint, les pieds nus et en habit de pénitent, faire confirmer les pouvoirs que le pape Gélase lui avait accordés de prêcher l'évangile en tous lieux. On y promulgua divers décrets relatifs à la simonie, aux investitures des évêchés et des abbayes, aux usurpations des biens d'Église, à l'incontinence des clercs, à la trêve de Dieu. Avant de se séparer, le concile excommunia l'antipape Bourdin et l'empereur Henri, qui ne tenait pas la promesse qu'il avait faite de renoncer aux investitures.

Le pape revint par Sens en décembre (nonas decembris) avec Joceran, évêque de Langres, qu'il nomma pour arbitre d'une contestation depuis longtemps débattue entre les religieux de Molème et ceux de Saint-Pierre-le-Vif, de Sens, au sujet de la possession d'un domaine à Poilly, près des Riceys[47].

En passant à Saulieu, le 23 décembre 1119, le pape Calixte II y trouva Harding, abbé de Cîteaux, qu'il avait été visiter trois années auparavant dans son monastère. Le vénérable abbé tenait à faire confirmer au pontife la charte de Charité, qu'il lui avait offerte alors qu'il n'était encore qu'archevêque et légat. Il lui présentait en outre un nouveau travail, l’Exordium, sorte d'exposé historique ou de mémoire expliquant le but de l'institution, le retour à l'étroite observance de la règle de saint Benoît, et les statuts adoptés par les premiers anachorètes Cisterciens[48].

Après avoir raconté les efforts et les labeurs des cénobites, et les actes de ses deux prédécesseurs, saint Étienne énumérait les points qui furent arrêtés sous son administration, et l'extension de cet ordre qui comptait déjà onze monastères de sa filiation, malgré les difficultés sans nombre qu'il' avait fallu surmonter[49].

Dans la bulle donnée à Saulieu, le pape Calixte II, s'adressant à l'abbé Étienne et à ses frères, confirmait les statuts et les règlements élaborés d'un commun accord entre les abbés Cisterciens et les évêques des diocèses dans lesquels se trouvaient leurs abbayes. De ce jour, le Nouveau-Monastère ne conserva que le nom de Cîteaux, sous lequel il devint si célèbre. Les chapitres généraux réunis chaque année conservèrent les admirables statuts de cette institution. Un des chapitres de la charte de Charité prescrit ainsi l'établissement du chapitre général « Tous les abbés de notre ordre se rendront chaque année à Cîteaux pour assister au chapitre général. Deux seules causes de dispense sont admises l'une sera la maladie, mais encore les malades devront-ils envoyer un exprès pour prévenir le chapitre de l'impossibilité où ils sont de se déplacer l'autre motif d'excuse sera la distance. Ceux qui demeureront dans des pays trop éloignés, viendront, non pas tous les ans, mais seulement à des époques fixées. Si quelque abbé manque au chapitre général pour une autre raison que ces deux-là, il en demandera pardon au chapitre suivant, et il devra subir une sévère punition. »

Cette loi rigoureuse qui, à des époques déterminées, groupait chaque année tous les chefs des monastères sous la présidence de l'abbé de la maison-mère, en rapprochant les membres éloignés d'un même corps, en les éclairant sur leurs besoins et leurs intérêts réciproques, fut assurément une des causes les plus puissantes de la grandeur et de la prospérité de l'ordre.

A l'époque du passage du pape, les chanoines de Saulieu, par l'entremise de l'évêque d'Autun et du doyen de Saulieu et d'Autun, donnèrent aux pauvres moines de Cîteaux par commisération, le domaine de Crepey[50] et des droits d'usage, moyennant une rente en nature. Gauthier de Glane, Girard d'Arnay, Hugues de Grancey, sénéchal, et autres, figurent parmi les témoins[51].

Le sénéchal Hugues de Grancey[52] mourut peu après à Dijon, après avoir pris l'habit des chanoines de Saint-Étienne de cette ville, et avoir offert Gislebert, l'un de ses fils, pour être chanoine. La cession du domaine de Crecey qu'il fit à cette occasion, fut approuvée par sa femme et par ses autres fils Raymond, Calo et Joubert[53].

Le Duc de Bourgogne eut vers le même temps la douleur de perdre son frère Henri, religieux de Cluny, et en fut fort affligé, comme il le déclare dans la charte par laquelle il cède à l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon, de concert avec sa femme Mathilde, un domaine à Longvy, ainsi que plusieurs familles d'hommes. Cet acte passé dans la cour ducale a pour témoins Joceran, évêque de Langres Henri, abbé de Saint-Bénigne Villencus d'Aigremont, doyen de Langres ; Valon, prieur de Saint-Étienne Aganon de la Roche, échanson du Duc Renier de Châtillon, son sénéchal Gérard de Châtillon Joubert, vicomte de Dijon Aimon de Til-Châtel Humbert et Thierry de Faverney ; Hugues, prévôt de Dijon Euvrard le Maréchal, etc.[54] Le Duc Hugues II assista aussi, vers. 1119, à un plaid à Châtillon-sur-Seine, pour juger une contestation entre les religieux de Molème et Mile de Frolois, sire de Salmaise, son connétable. Il s'agissait du domaine de Collan qui, depuis plus de trente ans, appartenait aux religieux, et sur lequel le connétable revendiquait des droits du chef de sa femme Marguerite et de sa mère Adeline. Joceran, évêque de Langres, arbitre choisi, attribua l'intégralité du domaine à l'abbaye de Molème, fit donner une indemnité de cent sols à Mile, sire de Salmaise, et dix sols à sa femme pour acheter un anneau d'or. Mile, comte de Bar Renier de Châtillon, sénéchal Godefroy de Molème, Barthélémy de Bar, Tecelin de Polisy, sont témoins.

L'acte fut ensuite ratifié au château de Salmaise par Marguerite, femme de Mile, sa mère Adeline et sa fille Elisabeth, en présence de Gislebert de Grésigny, Guillaume Malapars de Frolois, Hugues Esperon, etc.[55]

Le Duc Hugues et sa femme Mathilde s'employaient de tout leur pouvoir en faveur des religieux de Cîteaux, les aidaient de leur influence pour arrondir leurs domaines et augmenter la prospérité d'une institution qu'ils avaient fondée. Ils leur cédèrent, au commencement de l'an 1120, des menses à Bouillant, affranchis de tous les droits ordinairement revendiqués par leurs officiers. Et pour que le souvenir de cette franchise fût plus durable, ils ordonnèrent de planter une croix de bois devant la maison. En cette circonstance Oger de Bouillant et ses enfants concédèrent de plus ce qu'ils pouvaient avoir à Crepey, et les religieux de Cîteaux devinrent ainsi seuls possesseurs de ce domaine, par suite de donations précédemment énumérées.

Le sénéchal Renier de Châtillon Tecelin le Roux, père de saint Bernard Henri, prévôt de Beaune et divers autres accompagnent le Duc[56]. On voit dans les lettres de saint Bernard en quels termes Mathilde, Duchesse de Bourgogne, était avec les religieux de Cîteaux et avec saint Bernard lui-même.

L'abbé de Clairvaux, voulant lui persuader de ne pas s'opposer au mariage du fils d'un de ses officiers, lui écrivait : « L'extrême bonté que vous avez pour moi et la faveur dont vous m'honorez plus que tous les autres, bien que je ne sois qu'un pauvre homme, sont si généralement connues, que ceux qui veulent rentrer en grâce auprès de vous, croient ne pouvoir mieux faire que d'avoir recours à mon crédit. Lorsque je fus dernièrement à Dijon, Hugues de Bèze vint me prier de calmer votre ressentiment qu'il avouait avoir mérité, et de faire en sorte que, pour l'amour de Dieu et à ma considération, vous ne refusiez pas votre consentement au mariage de son fils, qui à votre insu et contre votre gré avait été décidé. Le pensant avantageux, il avait cru devoir donner sa parole, de sorte qu'il est tellement engagé qu'il ne s'en peut dédire. Depuis cette époque il est encore venu solliciter mon intervention auprès de vous, ainsi que plusieurs de ses parents, bien que je n'attache pas grande importance à ces questions temporelles. Mais comme il m'a déclaré qu'en l'état des choses, il ne pouvait empêcher ce mariage sans devenir parjure, j'ai cru que je manquerais à mon devoir si je ne vous en donnais avis. Vous vous exposeriez donc inutilement, en troublant ou tâchant de désunir ceux que Dieu a résolu de mettre ensemble. Je prie Dieu, ma très illustre dame et ma très chère fille en Jésus-Christ, qu'il répande ses grâces sur vous et sur vos enfants. Nous voici dans un temps de paix et de sainteté, ne manquez pas de faire du bien aux pauvres, puisque vous devez en recevoir avec usure le prix dans l'éternité[57]. »

Elisabeth de Vergy qui avait participé aux bienfaits de Savaric de Donzy, son mari, continua après sa mort à favoriser les religieux de Cîteaux, et traita avec divers seigneurs pour leur laisser en entier les domaines de Gergueil, Brétigny, Germigny, dont la plus grande partie leur appartenait déjà. Les enfants de ces seigneurs furent ensuite indemnisés par les moines, ainsi que les intéressés qui y réclamaient des droits[58].

Garnier de Sombernon, sa femme Mabile, ses fils Hervé et Albert, qui avaient pris part à ces diverses donations, concédèrent aussi par l'entremise du Duc et de la Duchesse de Bourgogne, les fonds qu'ils possédaient à Civry, d'accord avec les autres tenanciers de ce domaine : Gui de Grosbois et ses enfants ; Renaud de Durnay ; Hugues de Gissey et autres[59].

Le Duc Hugues II s'était alors fait construire une maison de campagne sur les bords de l'Ouche, pour aller passer quelques moments de la belle saison, et pouvoir se promener dans les jardins et les prés voisins qui en faisaient le plus bel ornement. Cette maison, sise près du pont de l'Ouche, avait emprunté un coin de terrain sur lequel les religieux de Saint-Bénigne avaient des prétentions, de sorte que le Duc s'engagea à donner à l'abbaye une rente de dix sols, en présence de son fils Eudes, de Hugues, abbé de Saint-Bénigne ; Ponce, prévôt de la vallée de l'Ouche ; du doyen Arnoult, Aymo Chayne, Dodo de Marigny, Hugues Candars ; Carpin le Maréchal, etc.[60]

En décembre 1122, la cour ducale était réunie de nouveau au monastère de Saint-Bénigne, pour vider une contestation entre les religieux de cette abbaye et Thierry de Faverney, chevalier, relativement à la terre de Marcenay et aux droits qui lui revenaient du chef de sa femme. Le Duc était accompagné de Jobert, vicomte de Dijon d'Arnoult Cornu, de Girard de Châtillon, Girard de Faverney, du prévôt Hugues, de Humbert du Fossé, de Til-Châtel ; de Gui, abbé de Saint-Michel de Tonnerre[61].

L'année suivante, Hugues II déclare dans un acte, que du consentement de sa femme Mathilde et de ses fils Eudes, Robert, Henri et Hugues, il a dédié à Dieu sa fille Aremburge, pour être religieuse au monastère de Larrey, et qu'à cette occasion il a cédé aux religieux de Saint-Bénigne la justice totale et toutes les coutumes qu'il avait à Larrey. A cette réunion qui eut lieu avec un certain éclat assistèrent une foule d'abbés et de personnages, parmi lesquels Hugues, abbé de Saint-Bénigne ; Étienne Harding, abbé de Cîteaux ; Bernard, abbé de Clairvaux et son frère Gérard Herbert, abbé de Saint-Étienne ; Valon, abbé de Losne, Renier de la Roche ; Girard de Châtillon, Jean de Beaune et son frère Renaud ; Vidric de Dijon et son frère Aimon ; Carpin le Maréchal ; Hugues de Bèze et son fils Pierre[62].

La présence de saint Bernard justifie la tradition qui donne à cette époque pour supérieure de Larrey[63] sa belle-sœur, femme de son frère aîné Gui, et que certains auteurs nomment la bienheureuse Elisabeth, laquelle avait d'abord fait profession à Jully[64], et fut ensuite, croyons-nous, fondatrice de Pralon.

Étienne Harding, pour éviter les inconvénients d'un trop fréquent rapprochement des religieuses affiliées à Cîteaux, avait désiré l'établissement d'une maison spéciale dépendant de l'ordre, et destinée, comme Jully, à donner asile aux femmes que leur vocation poussait à prendre le voile. Elisabeth, fille de Savaric de Donzy[65], comte de Chalon-sur-Saône, femme d'Humbert de Mailly, seigneur de Faverney[66], après avoir fait son noviciat à Jully, en sortit vers 1120, pour construire le monastère de Tart, et y travailla avec tant de zèle que douze ans plus tard les constructions étaient terminées[67]. Elle en fut la première abbesse, pendant que Marie exerçait sous sa juridiction le priorat sur les autres religieuses[68].

Joceran, évêque de Langres, participa à cette fondation ainsi qu'Hugues II, Duc de Bourgogne, et sa femme Mathilde, qui en furent les principaux bienfaiteurs. Un chevalier nommé Arnoult Cornu y prit aussi une part active, en cédant libéralement le fonds habité par un ermite nommé Christophore, sur lequel s'élevèrent les constructions premières[69]. Les seigneurs du voisinage firent des donations qui en augmentèrent rapidement l'importance[70].

C'est de Tart que partirent tous les monastères de Bernardines, ayant la règle de Cîteaux pour base, et dont le nombre ne tarda pas à être considérable. La réputation de vertu des religieuses y attira des provinces les plus éloignées des dames nobles et des princesses dont les noms seront indiqués plus tard, et qui vinrent chercher dans cette retraite l'oubli des malheurs ou des chagrins de famille.

L'empereur Henri V, gendre et allié du roi d'Angleterre, menaçait la France en 1124 il fallait obvier aux efforts combinés de ces princes qui se préparaient à envahir le pays sur divers points à la fois. Le roi Louis VI appela vers lui tous ses barons et pressa sans délai la levée des troupes. Toutes les populations de la France septentrionale répondirent à cet appel une armée considérable fut bientôt sur pied et divisée en six corps[71].

Hugues II, Duc de Bourgogne, obéissant à ses devoirs de vassalité et aux liens de famille qui l'attachaient aux rois de France, déploya une assez grande activité, et fut chargé avec le comte de Nevers de commander le cinquième corps d'armée, tandis que Hugues, comte de Champagne, et son neveu Thibaud dirigeaient le quatrième.

Tout annonçait une lutte terrible entre ces masses réunies pour repousser l'invasion et les forces de Henri V. Mais le choc n'eut pas lieu. L'empereur, arrêté à la fois par ces préparatifs redoutables et par une insurrection qui venait d'éclater derrière lui à Worms, fut obligé de reculer. Il mourait peu après sans avoir pu mettre ses projets à exécution.

« Jamais la France, dit Suger[72], n'a rien fait de plus éclatant. Jamais, par la réunion de ses membres, elle n'a manifesté plus haut la gloire de sa puissance, alors qu'elle triomphait de l'empereur des Romains et du roi des Anglais. »

La retraite des ennemis consterna les troupes françaises qui s'attendaient à une grande victoire. On lit dans les Grandes Chroniques de Saint-Denis[73] : « Quand François sceurent qu'ils leur furent ainsi eschappés, si furent courrouciés, si que à grant poine furent détenus, par les prières aux évesques et aux archevesques, qu'ils n'entrassent en l'Empire pour ce que les povres gens n'en fussent destruis. »

Dans une assemblée réunie à Langres[74] à la fin du carême de l'an 1124, il fut décidé que Garnier, abbé de Saint-Étienne, remettrait son abbaye à Joceran, évêque de Langres, sous la réserve d'une partie des revenus de cette église, dont il jouirait pendant sa vie, et qui après son décès seraient réunis à la mense épiscopale de Langres. Saint Bernard, qui écrivit une lettre à l'évêque de Langres à ce sujet, fut chargé d'installer Herbert, comme premier abbé régulier de Saint-Étienne, et la cérémonie eut lieu aux fêtes de Pâques 1125.

Le 10 octobre de la même année, Joceran se démit de l'évêché de Langres et se retira vers les chanoines de Saint-Étienne pour se disposer à la mort qui arriva peu après, le 16 avril 1126. Il fut enterré dans la chapelle souterraine qui servait de sépulture aux abbés son tombeau portait une épitaphe rappelant en quelques mots les services de ce vénérable prélat.

 

FIN DU PREMIER VOLUME

 

 

 



[1] Arch. de la Côte-d'Or, Cartul. de Cîteaux, t. I, n° 166, fol. 2 ; t. III, n° 168, fol. 1 v°.

[2] Valon était archidiacre du pays d'Ouche pour l'évêque de Chalon, et abbé de Losne. Il était chanoine de Saint-Étienne de Dijon, et devint prieur de cette église après la réforme, de 1117 à 1125. Il parait avoir rempli l'office de chancelier près du Duc Hugues II.

[3] Arch. de la Côte-d'Or, Cartul. de Cîteaux, t. III, n° 468, fol. 93 v°.

[4] Cartul. de Cîteaux, n° 168, fol. 80, 84.

[5] Gemigny, entre Saint-Bernard et Cîteaux, commune de Saint-Bernard, canton de Nuits-sous-Beaune.

[6] Guillaume de Saint-Thierry, Vita sancti Bernardi, t. I.

[7] Tous les auteurs confondent trop souvent les membres de ces deux familles parfaitement distinctes de Grancey-le-Château et de Grancey-sur-Ource. Nous essaierons de donner la généalogie de chacune d'elles dans un de nos suivants volumes.

[8] Histoire de Pontigny, par l'abbé Henri ; Histoire de Pontigny, par Chaillou des Barres.

[9] Bibl. d'Auxerre, Cartul. de Pontigny, t. I, pp. 115 et suiv.

[10] C'est à tort que les auteurs du Gallia christ., t. IV, p. 796, donnent la date de 1114. Celle de 1115 est seule admise par la tradition constante de Clairvaux, et on peut consulter le Journal de Trévoux, 1739, pp. 181, 182, où il est prouvé que la profession de saint Bernard dut précéder de plus d'un an sa nomination.

[11] Voir la charte en Chifflet, Genus illustre sancti Bernardi, p. 513, dans le Gallia christ., t. IV, Instr., 133.

[12] Bibl. d'Auxerre, Hist. et Cart. de Pontigny, t. I, p. 113 et suiv.

[13] S. Bernardi Épist.

[14] Bibl. d'Auxerre, Hist. et Cartul. de Pontigny, t. I, p. 115 et suiv.

[15] Voir notre Cartul. de Jully-les-Nonnains, éd. Bulletin de la Soc. des sciences hist. et nat. de l'Yonne, 1881.

[16] V. notre Cartul. de Jully, p. 3 ; Fyot, p. 232 et pr., n° 104. Nous y mettons Savaric de Vergy, au lieu de Savaric de Donzy, qui était seigneur de Vergy par sa femme Elisabeth.

[17] Louis de Malatrie, Chron. des Papes et des Conciles, p. 405.

[18] J. Vignier, Chronique de l'évêché de Langres, 1re partie, § VI.

[19] J. Vignier, Chronique de l'évêché de Langres, 1re partie, § VI ; Fyot.

[20] Pérard, p. 220.

[21] Angelo Manrique, Ann. Cisterc., t. I, p. 93.

[22] Pérard, pp. 220, 224.

[23] Labbe, Concil., t. X, col. 662.

[24] Arch. de la Côte-d'Or, Orig. Titres de Saint-Bénigne, cart. 30 ; Pérard, pp. 184. 185.

[25] Pour Mile de Frolois, le connétable, voir une charte qu'il fit en faveur de Saint-Bénigne avant de mourir (Pérard, p. 180) et une autre pièce du 1er Cartul. de Molème, p. 112, de l'an 1119 environ, où il est dit : Milo constabularius, castri Sarmatiœ dominus. Sa belle-mère se nomme Adeline (de Maligny) ; sa femme, Marguerite ; sa fille, Elisabeth. Les témoins de cette pièce sont Gislebert de Gresigny, Guillaume Malapars, etc. — Une charte du même Cartul de Molème, p. 111, dit que ce Guillaume Malapars est frater domini Milonis de Frollesio.

[26] D. Plancher t. I, pr. L.

[27] D. Plancher t. I, pr. L.

[28] D. Plancher t. I, pr. L.

[29] D. Plancher t. I, pr. LVII.

[30] Arch. de la Côte-d'Or, série H, cartons 569 à 686. — Le plus ancien Cartulaire du XIIIe siècle est précieux mais il y manque les premiers feuillets, et de la première charte approuvée par l'évoque d'Autun on n'a que les numéros 35 à 45.

[31] Genus illustre sancti Bernardi, pp. 543-548.

[32] Chifflet, Genus, p. 544.

[33] Chifflet, Genus, p. 544.

[34] Chifflet, Genus, p. 544.

[35] Bernard acte dans une donation dont on ne connaît ni les auteurs ni le motif, avec des moines qui paraissent ses compagnons de prédilection ; son frère Gérard, Godefroy, Renier et Nivard de la Roche (Chifflet, Genus illustre, p. 542) ; ailleurs, avec Bernard, sire de Montbard, ses oncles André, Nivard et Renier de la Roche, frères (Chifflet, Genus illustre, p. 542), Godefroy de Saigny donne ce qu'il possède à Eringes, avec l'approbation de ses fils Hugues, en présence de Guillaume, abbé de Fontenay (en 1130) ; témoins : Godefroy, qui fut premier abbé, Robert de Sainte-Colombe, son neveu (Chifflet, Genus, pp. 542, S43). Ailleurs, Gauthier de la Roche, connétable et seigneur de Montbard par son mariage avec Aanolde, veuve de Rainard, est témoin d'une charte dont le texte est perdu (Chifflet, Genus, p. 543). Saint Bernard négocie encore la donation d'un pré donné par Bernard d'Epiry et son fils Guillaume, neveu de saint Bernard, en présence de Guillencus, évêque de Langres (II, 26), avec l'approbation de Richard, frère de Guillaume d'Epiry (Chifflet, Genus, p. 543). Les autres chartes existent soit en original, soit sur les Cartulaires, et nous avons pu reconstituer la série des actes de ces Cartulaires assez importants.

[36] Godefroy de la Roche, dit aussi de Châtillon, appartient à une famille dont le nom paraît souvent dans les chartes. Mais ce Roca ou Rocha est-il la Roche-Taillée, comme on l'a dit ? ce point est à établir.

[37] Gauthier, le connétable, mourut entre 1123 et 1128 ; Nivard, un autre de leurs frères, entre 1129 et 1136. Renier mourut en croisade, comme nous le verrons plus tard, Pour ces personnages comparer Arch. de la Haute-Marne, Cartul. de Longuay, fol. 88, 89, 93 ; notre Cartul. de Jully, charte de 1128 ; Arch. de la Côte-d'Or, Cartul. de Molème, t. I, p. 124 ; Fonds du Puits d'Orbe ; D. Plancher, t. I, pr., n° 72 ; Chifflet, Genus illust., p. 461, 487, etc.

[38] Cette parenté est prouvée par une enquête de 1212 (Orig. Arch. de la Côte-d'Or, Fonds du Puits-d'Orbe, carton 1020). L'abbé Merle, curé de Fontaines, qui avait beaucoup étudié les origines monastiques, et auquel ce fait n'avait pas échappé, pensait qu'Agnès avait été femme de Godefroy, j'ignore pour quel motif. Il y a cependant bien soror dans le texte, et cette qualification ne nous paraît pas prise dans le sens spirituel.

[39] Cestre, ancienne ville gallo-romaine (non citée), n'avait gardé d'importance que par l'étendue de son finage à l'époque du XIe siècle et n'était plus habitée. Cette localité est représentée aujourd'hui par deux ou trois maisons formant un hameau de la commune de Verdonnet, canton de Laignes. Avait-elle pris naissance après la destruction de Landunum ?

[40] La charte du Puits-d'Orbe porte : intra finagium de Segestri (Gallia christ., t. IV, pr., col. 161) ; la charte de Fontenay : desertum nomine Fontanis contiguum finibus Segestri (D. Plancher, t. I, pr., pièce LVII).

[41] Rougemont existait déjà en 1108, puisque le pape Pascal la cite dans une bulle de la même année (Gallia christ., t. IV, pr. 153). La première abbesse que cite le Gallia christ. t. IV p. 748, en 1127, se nommait Isabelle de Maligny, que le Gallia appelle à tort de Mellan, d'après une charte que nous ne connaissons pas. Les Maligny étaient alors alliés aux Rougemont et aux Montbard, d'après le Cartul. de Molème.

[42] Reomaus, seu Histor. monast. Sancti-Johannis Reomaensis, p. 189.

[43] Le Gallia christ., t. IV, pr., coll. 161, fait erreur en portant cet acte à l'an 1129. Gauthier de la Roche, le connétable, qui y figure, était mort depuis longtemps, puisque sa veuve Aanolde prit le voile à la fin de mars 1128 (Orig. Arch. de la Côte-d'Or, Fonds Molème, carton 256, éd. dans notre Cartul. de Jully). Aanolde était veuve en premières noces de Raynard de Montbard, le fondateur du Puits-d'Orbe, mort vers 1120, ce qui nous autorise à rapprocher les deux dates des fondations du Puits-d'Orbe et de Fontenay.

[44] Gallia christ., t. IV, pr., coll. 461.

[45] Arch. de la Côte-d'Or, Cartul. de Cîteaux, t. I, fol. 35, 36 et t. III, fol. 42, 43.

[46] Arch. de la Côte-d'Or, Cartul. de Cîteaux, n° 168, t. 3, fol 79 r° et v°.

[47] Labbe, Concil., t. X, coll. 834 : ex Chron. Sancti-Petri-Vivi ; Concil., Hard., t. VI, part. II, coll. 1956 ; d'Achery, Spicil., t. II, p. 770.

[48] Comparer dom Julien Paris, Monastic. Exordium, cap. XVII ; le Père Janauschek, Specimen chronologiœ emendatœ (Orig. Cisterc., t. I, 286) ; Bibliot. Patr. Cisterc., t. I, prœfatio ; M. Ph. Guignard. Les monuments primitifs de la Règle cistercienne, Analecta Divionensia, préface, pp. XXVII-XXXV.

[49] Le texte de l'Exordium a été publié dans toute sa pureté par M. Ph. Guignard, Les monuments primitifs de la Règle cistercienne, Analecta Divionensia, pp. 61, 75.

[50] Crepey, près Aubaine, canton de Bligny-sur-Ouche (Côte-d'Or).

[51] Arch. de la Côte-d'Or, Cartul. de Cîteaux, n° 168, t. 3, fol. 113 r° et v°.

[52] Sire de Grancey-sur-Ource, dont nous donnerons la généalogie ainsi que celle des sires de Grancey-le-Château.

[53] Pérard, p. 92, d'après le Cartul. de Saint-Étienne.

[54] D. Plancher, t. I, pr. LII ; Pérard, p. 221.

[55] Arch. de la Côte-d'Or, Cartul. de Molème, t. I, p. 112.

[56] Arch. de la Côte-d'Or, Cartul. de Cîteaux, t. 3, n° 168, fol. 115 v°. La présence de Renier de Châtillon et de Tecelin le Roux, qui se fit moine à Clairvaux en 1120 au plus tard, ne permet pas d'assigner à cette charte une époque postérieure à cette date.

[57] Opera Sancti Bemardi, t. I, col. 127, 128.

[58] Arch. de la Côte-d'Or, Cartul. de Cîteaux, n° 166, 1. 1, fol. 91 et 92 n° 168, t. III, fol. 92. 93.

[59] Arch. de la Côte-d'Or, Cartul. de Cîteaux, t. 3, fol. 92 r° et v°.

[60] Cartul. de Cîteaux, n° 168, 167 v°.

[61] Orig. Arch. de la Côte-d’Or, Fonds Saint-Bénigne, carton 69.

[62] Orig. Arch. de la Côte-d'Or, Titres de Saint-Bénigne carton 24, et Cartul. de Larrey, n° 128.

[63] Guillaume de Saint-Thierry, Geoffroy, Alain, ancien évêque d'Auxerre, moine de Clairvaux, vers 1170.

[64] Journal des saints de l'ordre de Cîteaux, à l'usage de Tart.

[65] Fyot, Histoire de Saint-Étienne de Dijon, p. 231.

[66] Fyot, pp. 403, 417-118.

[67] Journal des saints de l'ordre de Cîteaux.

[68] Arch. de la Côte-d'Or, Fonds du Tart. On lit dans le nécrologe de Saint-Étienne de Dijon : V. Idus Octobris obiit Elisabeth sanctimoniatis de Tari, mater domini Arvei abbatis. Fyot, p. 118.

[69] Chifflet, Genus illustre, p. 450 ; Gallia christ., t. IV, Instrum., col. 187.

[70] Arch.de la Côte-d'Or, Fonds du Tart, Cartul. 1015 et 1048.

[71] Chronicon Turonense, D. Bouquet, t. XIII, p. 470 B ; Roberti appendix ad Sibegertum, D. Bouquet, t. XIII, p. 328 C ; D. Bouquet, t. XII, p. 51 B ; Chronicon Saxonicon, D. Bouquet, t. XIII, p. 770 B, C ; Chronicon Guillelmi Nangei, D. Bouquet, t. XIII, p. 732 B.

[72] Vita Ludovici Grossi, D. Bouquet, t. XIII, p. 52 B, C.

[73] Ed. Paulin Paris, t. III, pp. 324, 325.

[74] Et non à Dijon, comme le dit le Père Vignior, Chron. Lingon., p. 106.