CHARLES DE VALOIS (1270-1325)

 

PRÉFACE.

 

 

I

L'historien de Philippe le Bel, M. E. Boutaric, avait jadis recommandé à M. Bonnassieux la biographie de Charles de Valois comme un des travaux importants qui restaient à faire dans le domaine de l'histoire de la fin du XIIIe siècle et des premières années du XIVe. M. Bonnassieux avait déjà réuni d'abondantes notes lorsqu'il fut sollicité par d'autres études ; il est mort sans les avoir utilisées. C'est sur le conseil de M. Ch.-V. Langlois[1] que nous avons repris ce sujet abandonné par M. Bonnassieux.

Au premier abord, le personnage paraît médiocre : ses échecs successifs, bien qu'ils ne lui soient pas tous imputables, y contribuent. Mais il suffit de voir l'étendue du champ d'action de Charles de Valois, le nombre d'affaires où il a joué un rôle décisif, et celles dont il est l'unique acteur, pour se rendre compte de la place qu'il a tenue en Europe pendant quarante ans. Ajoutons que le personnage est par lui-même digne d'étude : il vivait en un temps où nous avons déjà des documents qui font revivre les individus ; et sa physionomie est d autant plus intéressante à connaître qu'il a certainement légué à la dynastie royale, sortie de lui, certains traits de caractère : il est un exemplaire remarquable de cette série de cadets de sang royal qui, au XIVe et au XVe siècles, occupèrent toute la chrétienté de leurs exploits et de leurs ambitions. Enfin il y avait urgence à écrire cette biographie, car elle avait été défigurée, et il s'était formé de Charles de Valois un type traditionnel, très éloigné de la vérité2.

 

II

Les sources de l'histoire de Charles, fils de Philippe III, comte de Valois, d'Alençon, de Chartres, d'Anjou et du Maine, roi titulaire d'Aragon et empereur nominal de Constantinople, candidat malheureux à la couronne impériale d'Allemagne, sont aussi disséminées que les champs d'action du personnage.

Un grand nombre de sources narratives fournissent des renseignements sur Charles de Valois. Les principales sont groupées dans les quatre derniers volumes du Recueil des historiens des Gaules : ce sont d'abord toutes les chroniques émanées de Saint-Denis, puis le récit si nourri de faits de Guillaume Guiart qui nous a fourni de précieux renseignements sur le rôle militaire de Charles. Les chroniques attribuées à Geoffroi de Paris et à Jean de Saint-Victor, donnent une physionomie vivante des événements de l'histoire intérieure auxquels Charles a été mêlé, en même temps qu'elles nous apportent l'écho de l'opinion publique du temps ; parmi les autres chroniques, les Anciennes Chroniques de Flandre, les récits de Desnouelle, etc., fournissent, aussi quelques faits, mais d'une valeur très contestable ; au contraire, l'anonyme inspiré par Charles et par son fils Philippe de Valois constitue une source très importante car il nous donne la version des événements qui était en faveur dans l'entourage des Valois. En dehors du Recueil des historiens des Gaules, il faut citer la Chronique Parisienne anonyme[2] et la Chronographia regum Francorum[3] pour l'histoire générale, et, pour l'histoire des domaines angevins de Charles de Valois, le Livre de Guillaume le Maire[4], évêque d'Angers.

Les principales chroniques étrangères dont nous ayons tiré parti sont d'abord, en Italie, celles de Villani[5] et de Dino Compagni[6], et le Chronicon Estense. Les chroniques anglaises éditées dans la collection du Maître des Rôles ne consacrent à Charles de Valois que de brèves mentions, mais les chroniques aragonaises et flamandes lui donnent une place fort importante. Les deux meilleures chroniques aragonaises de cette époque sont celles de d'Esclot et de Muntaner[7], éditées par Buchon, dans le Panthéon Littéraire[8]. Quant aux chroniques flamandes, réunies dans la Collection des chroniques belges, la plus importante est la Chronique Artésienne[9], à laquelle on peut joindre, mais avec précaution, les récits sujets à caution de Jean d'Outremeuse[10]. Enfin, en dehors de cette collection, les Annales Gandenses[11] constituent aussi une source de premier ordre pour les affaires de la Flandre à cette époque.

Quant aux sources diplomatiques de l'histoire de Charles de Valois, citons en première ligne ses propres archives. Celles-ci ont été divisées en deux parties, dont l'une constitue une notable partie du Trésor des Chartes, et est inventoriée pièce par pièce dans le registre JJ 268 des Archives nationales, tandis que l'autre, versée à la Chambre des Comptes, a disparu en 1737 avec les archives de cette cour souveraine. — Charles tient d'ailleurs une si grande place dans les documents contemporains que beaucoup de pièces du Trésor des Chartes et d'autres fonds des Archives nationales ont pu être utilisées : elles proviennent des archives royales, ou de celles des personnages en relation avec Charles. Nous avons aussi tiré grand profit des Journaux du Trésor[12], des comptes royaux, des pièces et registres qui se trouvent dans les différentes collections de la Bibliothèque nationale et des documents, de provenance très diverse, relevés dans la Table des diplômes de Bréquigny[13]. Les archives départementales du Nord, du Pas-de-Calais, de la Sarthe, de Maine-et-Loire, d'Eure-el-Loire, de l'Orne, de la Loire-Inférieure, de la Somme, de l'Oise., de l'Aube, de l'Aisne, des Basses-Pyrénées, des Pyrénées-Orientales et des Bouches-du-Rhône ; les archives municipales ou hospitalières de Chartres, d'Angers, d'Agen et de Périgueux, ont fourni une abondante moisson de renseignements[14].

Un personnage aussi mêlé que Charles de Valois à toutes les affaires de l'Europe a laissé des traces dans une foule d'archives étrangères. Celles d'Aragon et de Navarre sont connues, pour cette époque, grâce aux recherches de MM. Carini[15] et L. Cadier[16]. Le Public Record Office a fourni aussi quelques documents intéressants. Nous avons eu connaissance des richesses enfermées dans les archives de Belgique, par de nombreux inventaires et recueils d'actes[17] ; et les explorations faites par M. Funck-Brentano pour la préparation de sa thèse de doctorat, nous ont dispensé de les visiter personnellement. Quant aux archives italiennes, celles de Venise ont été visitées par M. de Mas-Latrie[18] ; nous avons trouvé nous-même aux archives de Turin[19], de Florence[20], de Sienne et de Naples[21], de nombreux documents relatifs à notre sujet. Les archives du Vatican nous ont été connues par les publications de l'École de Rome[22], et nous avons complété les renseignements que celles-ci nous fournissaient en étudiant sur place les registres pontificaux encore inédits — notamment ceux de Jean XXII[23] — et la collection des Miscellanea.

Charles tient une place importante dans une foule de travaux et d'ouvrages modernes qui ne se rapportent pas directement à lui. — Quant à sa biographie proprement dite, elle n'a été traitée expressément, jusqu'ici, que dans les brèves notices de M. Funck-Brentano dans la Grande Encyclopédie[24], de M. Célestin Port[25], du P. Anselme[26], de L'Art de vérifier les dates[27], et enfin dans quelques histoires provinciales[28]. M. Bonnassieux[29] et M. Moranvillé[30] sont sans doute les seuls auteurs qui lui aient consacré des monographies.

Il nous reste à remercier tous ceux qui nous ont aidé de leurs conseils, et qui nous ont fait profiter de leur érudition. Personne n'a autant de droit à notre reconnaissance que M. Ch.-V. Langlois ; c'est lui qui a guidé nos débuts dans l'érudition, avec une sollicitude et une bienveillance qui ne se sont jamais démenties, et dont nous désirons vivement ne pas nous être montré trop indigne.

 

 

 



[1] Cf. Revue historique, LX, p. 368.

[2] Dans les Mémoires de la Soc. de l'hist. de Paris, XI.

[3] Publiée par M. Moranvillé pour la Société de l'Histoire de France.

[4] Édité par Célestin Port dans la Collection des documente inédits.

[5] Presque toutes les chroniques utilisées par nous sont éditées dans Muratori, Rerum Italicarum scriptores.

[6] Pour ce dernier, l'édition du tome IX de Muratori est remplacée par celle de M. del Lungo.

[7] Pour ce dernier, une édition meilleure, mais moins répandue, a été donnée par M. Lanz, nous la citons en même temps que celle de Buchon.

[8] Chroniques étrangères relatives aux expéditions françaises pendant le XIIIe siècle.

[9] Elle figure dans le Corpus chronicorum Flandrie de J.-J. De Smet, au t. IV sous le titre de : Chronique anonyme de la guerre entre Philippe le Bel et Gui de Dampierre. M. Funck-Brentano l'a rééditée, sous le titre, bien préférable, de Chronique Artésienne.

[10] Jean des Preis, dit d'Outremeuse, Ly myreur des histors, Éd. S. Bormans.

[11] Éd. Funck-Brentano, Paris, 1896, in-8°.

[12] B. N., lat. 9783 ; A. N., KK 1.

[13] Bréquigny, Table chronologique des diplômes, chartes, lettres, etc. Ce recueil s'arrête en 1314 ; la suite se trouve en manuscrit à la B. N., Moreau, 1105 et ss.

[14] Nous avons travaillé à Amiens, Arras et Marseille ; des autres archives nous n'avons utilisé que les inventaires ; mais nous avons eu recours à la complaisance de plusieurs archivistes.

[15] Gli archivi e le biblioteche di Spagna, Palerme, 1884, in-8°.

[16] B. E. C., 1888, p. 60 et ss. Nous avons utilise ses copies faites en Espagne. M. Bonnassieux avait aussi copié à Barcelone quelques documents qu'il nous a communiqués.

[17] Wauters, Table chronologique des chartes et diplômes imprimés concernant l'histoire de la Belgique. — De Limburg-Stirum, Codex diplumalicus Flandrie inde ab anno 1296 usque ad annum 1327 ; Funck-Brentano, Additions au Codex diplomaticus Flandrie, B. E. C., 1896, p. 373 et 529 ; et de nombreux inventaires des archives provinciales et communales.

[18] Commerce et expéditions militaires de la France et de Venise au moyen âge. Mél. hist., III, p. 1. — D'autres sont analysés par M. Predelli, I libri dei commemoriali della republica di Venezia.

[19] Dans la série des Tractati.

[20] M. del Lungo les avait d'ailleurs signalés.

[21] Dans les Registri Angioini. Ceux-ci sont inventoriés dans : Inventario cronologico sistematico dei registri Angioini conservati all' archivio di stato in Napoli, Naples, 1894, in-8°. Il faut citer aussi des inventaires manuscrits et le livre de M. P. Durrieu, Les archives angevines de Naples.

[22] Les documents contenus dans les registres de Martin IV, Honorius IV, Nicolas IV, Boniface VIII et Benoît XI ont été analysés ou publiés, en tout ou en partie, par des membres de l'École de Rome. Les registres de Clément V ont été publiés par les soins du gouvernement pontifical.

[23] Pour ces registres, nous avons été guidé dans nos recherches par M. A. Coulon, notre dévoué collègue, qui nous a aussi communiqué les numéros qui portent les bulles utilisées par nous dans la partie actuellement sous presse de l'édition qu'il prépare des lettres secrètes de ce pape.

[24] Au mot Charles Ier de Valois, X, p. 731 et 732.

[25] Dictionnaire historique de Maine-et-Loire, au mot Charles III d'Anjou.

[26] Hist. généalogique et chronologique de la maison royale de France, I, p. 99-102.

[27] Il y figure comme comte d'Anjou, comte du Maine, comte d'Alençon et comte de Valois.

[28] La meilleure est celle de Carlier, Hist. du duché de Valois.

[29] Note sur trois hôtels de Paris possédés par Ch. de V.

[30] B. E. C., 1890, p. 63.