LA GUERRE ENTRE LOUIS XIII ET MARIE DE MÉDICIS

1619-1620

 

CHAPITRE II. — ORGANISATION ET DÉVELOPPEMENT DU PARTI DE MARIE DE MÉDICIS.

 

 

Pour ressusciter dans son nouvel apanage un parti digne d'être opposé à la coalition de Condé et de Luynes, Marie de Médicis mit en œuvre une cabale dont nous avons à Angoulême pressenti les éléments, et qui autour d'elle, en Anjou, se trama sans bruit, dès après l'entrevue avortée de Cousières, sous des mains perfidement organisatrices. Au plus fort des travaux d'approche tentés depuis l'élévation de Luynes autour du donjon de Vincennes, à nos yeux s'est décelée la comtesse de Soissons dans son zèle à éveiller de poste en poste les mines distinctes des assiégeants, afin d'éterniser une captivité qu'elle pouvait presque également envisager comme son triomphe et son œuvre. Car nous n'avons jusqu'ici qu'entrevu le fond d'inimitiés couvant, depuis l'avènement de Louis XIII, entre le collatéral que sa survenance avait évincé des expectatives d'un dauphin mais non de la place qui lui revenait de droit sur les premiers degrés du trône, et l'ambitieuse Anne de Montafié. Dès le début du règne de Louis XIII et du vivant du comte de Soissons, second fils du héros de Jarnac et par conséquent oncle d'Henri II de Bourbon, s'était déclarée la rivalité entre ces deux seuls rejetons actuellement en vue de la branche cadette des Bourbon-Vendôme. Car on sait comme au lendemain de l'assassinat d'Henri IV, et à la faveur de l'exil qu'avaient imposé sous son règne clos aussi tragiquement les soucis de l'honneur domestique à l'époux de Marguerite de Montmorency, son collatéral, grâce à l'impulsion conjugale et par la brèche que venait d'ouvrir le couteau de Ravaillac, avait envahi la première place dans les délibérations du conseil de la régence. Lorsqu'enfin la secrète impatience d'évoluer en agitateur vindicatif au pied du trône ravi à ses premières espérances eût rappelé en France Henri de Bourbon, on peut juger si, à sa rentrée au Louvre, la place usurpée sur ce fugitif investi de l'inaliénable qualité de premier prince du sang lui fut restituée de bonne grâce. Aussi, lorsqu'en 1612 le veuvage eut livré tout entière Amie de Montafié aux sollicitudes de l'ambition maternelle, nul ne guetta plus avidement qu'elle l'heure où celui qui primait dans la hiérarchie du sang royal le jeune Louis de Soissons eût, par la fréquence de ses rébellions, épuisé les longanimités de la régence ; et c'est alors qu'on la voit d'ici, pour éliminer à jamais de la scène politique un aussi offusquant rival, à l'antichambre des Concini pousser à son emprisonnement à la Bastille. Poursuivant jusque sous les verrous de la Bastille et de Vincennes en la personne d'Henri de Bourbon le principe même d'une dynastie adverse, et après l'y avoir vu d'un œil chagrin relevé de la maladie qui y mit ses jours en péril, elle s'acharna du moins à écarter des abords de sa prison la belle et repentante Marguerite de Montmorency, afin de prévenir entre les époux réconciliés un rapprochement conjugal attentatoire à l'agrandissement des Soissons. Il est vrai qu'à cet égard, une fois introduite à Vincennes malgré son ennemie, la princesse de Condé sut bien se venger de ses mauvais offices en lui adressant, au bout de quelques semaines, la désobligeante notification d'une première grossesse[1]. Mais sous ce coup, la dominante comtesse ne s'attarda point à maudire inutilement dans sa germination la postérité du captif ; et désespérant de tarir au moins elle tenta de corrompre une aussi odieuse source de vie. De là, et durant la dernière période de la captivité d'Henri II de Bourbon, le damnable projet de lui contester son état d'enfant légitime ; et, à la vérité, que de plausibles moyens d'audience à déduire de la tardiveté de la naissance posthume du fils légalement présumé d'Henri Ier de Bourbon, en regard des dérèglements maternels assez notoires au jour du trépas soudain qui assura à Charlotte de la Trémouille sa triste liberté de veuve, pour qu'une accusation d'empoisonnement se soit longtemps dressée contre elle ! Tout en soulevant contre une mémoire aussi décriée la poussière endormie du greffe criminel, et sans attendre qu'une sentence criminelle vint, en la flétrissant, détacher de l'arbre généalogique la tige qui, à proximité de la couronne de France, tenait en échec ses orgueilleuses visées, Anne de Montafié osa s'arroger publiquement, au nom de l'adolescent qu'elle poussait devant elle, et jusqu'après la délivrance de Condé, le monopole de la qualification de prince du sang. Pour soutenir même cette audace du prestige des plus hautes alliances de cour, et en réplique au projet d'alliance matrimoniale entre Condé et Luynes, Anne de Montafié n'alla-t-elle pas jusqu'à briguer pour Louis de Soissons la main d'Henriette de France ! Il est vrai que le prince qui, par ses arrangements de famille, s'abaissait au niveau du plus improvisé des favoris, ne pouvait laisser s'exhausser à son préjudice, avec une sûreté proportionnée à un tel degré de ravalement de sa part, une branche cadette de sa maison par une communication du sang de France. C'est justement pour détruire le régime qui attentait à la réalisation de son idéal maternel, que la comtesse de Soissons fomenta les inimitiés renforcées de Marie de Médicis, en vue d'une refonte des éléments de cabale évoqués autour de la citadelle d'Angoulême depuis l'évasion de Blois jusqu'au signal du départ pour l'entrevue de Cousières. A cet égard, il suffit de signaler l'origine piémontaise d'Anne de Montafié et les assidues relations établies d'hier pour la nécessité d'un amiable règlement d'intérêts territoriaux entre sa propre race et la maison de Savoie, pour qu'on devine de quel côté se dirigèrent ses premiers appels.

Nous avons laissé sur la route d'Angoulême à Tours, le prince Victor-Amédée avec la nouvelle qualité de garant du traité qui, daté du quartier-général de Marie de Médicis, semblait réconcilier à jamais la famille royale. Mais Luynes qui, pour la stabilité de sa propre faveur, était si jaloux d'intimider les huguenots en rumeur, devait bien plus tenir au succès apparent que croire à la sincérité de l'entremise du fils du duc Charles-Emmanuel. Aussi, et en attendant le tour de Richelieu, l'heureux Victor-Amédée ne pouvait manquer d'arriver au rendez-vous de Cousières en négociateur moins applaudi que suspecté. C'est ce qu'on ne se fit pas faute de lui intimer en accumulant sur ses pas, durant toute la période de réconciliation officielle de la maison royale, les plus injurieuses précautions. D'abord, quand toute la cour s'ébranla pour marcher au-devant de la reine-mère s'acheminant d'Angoulême à Tours, en vain Victor-Amédée sollicita l'honneur d'aller en avant-garde saluer le premier celle dont il avait cautionné le voyage. A cet égard, Louis XIII paralysa doucement son initiative en le retenant par l'offre d'une place dans son carrosse ; et, à l'heure du départ du cortège dont l'époux de Christine de France devait se résigner à emboîter le pas faute d'en ouvrir la marche, on ne daigna pas même l'attendre. Si du moins Victor-Amédée avait pu se dédommager de cette première déconvenue en reprenant librement à Cousières, avec Marie de Médicis une fois parvenue au terme de son voyage, les colloques entamés à Angoulême ! Mais à Cousières, à chaque tentative d'épanchement entre la belle-mère et le gendre, on vit s'interposer, non moins rigoureusement qu'entre la mère et le fils, les regards scruta leurs de Luynes.

Lorsqu'enfin, au dernier acte d'une aussi triste entrevue, le signal de la disjonction de la famille royale tomba des mains de Luynes pressé d'aller à Amboise en tête-à-tête avec Louis XIII brusquer le dénouement de Vincennes, on peut juger si le favori se soucia de laisser derrière lui, comme en contre-partie, les pourparlers de la reine qui voyait le dénouement soustrait à sa coopération tourner contre elle, avec le prince qui avait répondu de la sécurité de son rapatriement à la cour. Aussi, au jour du départ de Louis XIII et de Luynes pour Amboise, s'empressa-t-on de congédier poliment Victor-Amédée en lui montrant le chemin de l'Italie. Précautions inutiles et par là-même dangereuses ! Car, en fait de complots, tout ne s'agitait pas à Cousières au premier plan de la famille royale. A chaque relâche du cérémonial de contrainte érigé par les méfiances du favoritisme à l'encontre de Victor-Amédée, une influence inaperçue envenimait dans l'ombre ses mortifications, sauf ensuite à laisser autour de lui se propager la contagion des griefs. Ici, qui n'a désigné dans ses amertumes de serviteur négligé l'ancien commandant de l'armée royale campée hier encore sous les murs d'Angoulême ? Qui n'a, dis-je, évoqué en parallèle avec Victor-Amédée le loyal, mais longtemps indécis duc de Mayenne, impliqué avec le prince italien sur le trajet d'Angoulême à Tours en une double solidarité de cautionnements et de soupçons ? Et sous le coup des mômes froissements d'étiquette aggravés par la réciprocité et la rétrospection des rancunes entre les deux soutenants officiels de Marie de Médicis, qui ne voit Anne de Montafié s'infiltrant dans leurs plaies communes afin de les dévier simultanément de la droiture originelle de leur entremise, et d'accélérer par là l'évolution qui, lors du subit délaissement de Marie de Médicis à Tours et avant le départ consécutif des deux princes de Savoie et de Lorraine, à son égard les avait déjà transformés de garants en complices ?

Une fois nantie de ces deux adhérents, la comtesse de Soissons s'empressa de les fixer autour d'elle par deux projets d'alliance : l'un, réalisé plus tard, entre la tille qui lui restait disponible et le frère de Victor-Amédée Thomas de Carignan, et de là la souche illustre des Carignan-Soissons ; et l'autre consistant seulement dans l'offre, éventuelle et seulement indiquée, de sa propre main[2] au duc de Mayenne. Voyant ensuite, grâce à cette double avance, sa cabale fortement liée, elle s'enhardit à la nourrir de tout ce qui avait encouru les soupçons de Luynes ou ressenti l'impertinence ou la déloyauté de ses envahissements.

Nous avons déjà vu l'insatiable favori reléguer le duc de Mayenne dans le lointain gouvernement de la Guyenne, soi-disant en compensation de l'Ile-de-France, afin de colloquer dans ce dernier poste, à proximité du Louvre, son beau-père le duc de Montbazon. Autour de cet établissement de famille adossé au trône poursuivant vers les plus secourables frontières du royaume, avec les prévoyances d'un favori attaqué, l'échelonnement de postes de sûreté ou de refuge[3], Luynes, aux termes du traité d'Angoulême, tira du duc d'Épernon son gouvernement du Boulonnais. Puis il obtint du duc de Longueville, par l'intermédiaire de sa belle-mère la comtesse de Soissons, à cet effet leurrée de la promesse d'éterniser la captivité de Condé, et sauf l'offre compensatrice de la Normandie une fois échangée contre l'Anjou par Marie de Médicis, la résignation du gouvernement de Picardie. Mais à peine le duc de Longueville avait-il échangé cette province, traditionnellement dévouée à sa maison, contre un pays à son égard dépourvu de toute attache locale, qu'au moment même où, d'autre part, s'érigeait non moins hostilement à l'égard de sa belle-mère le mensonge du dénouement de Vincennes, il vit s'installer aux portes de Rouen, avec le titre de lieutenant de roi, le maréchal d'Ornano pressé d'assurer à Luynes toute l'embouchure de la Seine, depuis le Pont-de-l'Arche jusqu'à Quillebœuf. Moins heureux avec le duc de Vendôme qui, à son égard, mit à un trop haut prix la cession de son gouvernement de Bretagne, Luynes s'y ménagea du moins aux cieux extrémités de l'Anjou, le passage de la Loire par l'occupation parallèle des deux villes de Nantes et d'Amboise, si victorieusement disputées à cet effet à Marie de Médicis au cours des négociations d'Angoulême, et l'accès du littoral en installant son oncle Modène aux portes de Concarneau et du Blavet aux mêmes litres qu'il avait fait en Normandie le maréchal d'Ornano[4]. Calculs, ce semble, infaillibles pour assurer à Luynes, en ce vaste champ s'étendant des rives de l'Océan à l'apanage de Marie de Médicis, la stabilité ou, au besoin, le recouvrement de sa fortune ! Il l'eût cru du moins en perdant de vue qu'à chacune de ses entreprises répondait un progrès dans le développement de la cabale acharnée à sa perte.

Comment, en effet, avec sa hardiesse soutenue de son titre de belle-mère, Anne de Montafié n'aurait-elle pas exploité chez le duc de Longueville, une fois indisposé par les empiètements du favoritisme, la faiblesse et la mobilité qui, trente ans plus tard, et après un second hymen, le livreront en proie à l'aventurière de la Fronde ? Et quant aux Vendôme, chez eux l'analogie des froissements s'alliait aux aigres fiertés de la bâtardise ; car, bien que dès le berceau gorgés de faveurs, en eux le sang d'Henri IV s'insurgeait contre l'infériorité hiérarchique où les reléguait le vice de la naissance. Aussi, au lendemain de l'entrevue de Cousières[5], et vu leur artifice et leur audace, pouvaient-ils escorter en Italie, en vertu d'un expédient d'étiquette malignement suggéré[6], la nouvelle épouse de Victor-Amédée sans qu'au terme du voyage où il les avait précédés pour les y attendre, le chagrin et rusé savoyard leur communiquât le venin de ses rancunes[7] ?

Bref, c'est grâce aux sourdes mais infaillibles menées de la comtesse de Soissons, qu'a son arrivée en Anjou Marie de Médicis se vit puissamment étayée sur le groupe quadrangulaire des maisons de Lorraine, de Savoie, de Longueville et de Vendôme ; et telle fut la base où se réédifia son parti[8] sans autre ciment que la jalousie universellement éveillée par la persistance des agrandissements de Luynes. En vérité, murmurait-en sur son passage, était-ce la peine d'avoir détrôné Concini pour renchérir sur lui un fait d'insolence dans les accaparements de la fortune ? N'était-ce donc pas assez que Luynes soutint sa faveur du prestige de la plus haute alliance ? N'était-ce pas assez que l'époux d'Anne de Rohan, après s'être adjugé l'Île-de-France, la Picardie et le Boulonnais, envahit hi Bretagne, la Normandie et la Touraine ? Qu'une fois créé à Tours duc et pair et entouré de son état-major des Deageant, des d'Ornano et des Marsillac, il voulût encore ressusciter la connétablie vacante depuis Anne de Montmorency, et qui après la lieutenance-générale était la plus haute dignité du royaume ? De cette hauteur avisant le plus vaste champ pour son népotisme, en une cour d'où s'exilait l'aristocratie exclue des faveurs ou dédaignée dans les conseils, après y avoir introduit Modène aux plus secrètes délibérations du Louvre et le duc de Montbazon dans le gouvernement de l'Ile-de-France, quoi faire de plus que de communiquer à ses deux frères, Cadenet et Brantes, le duché-pairie et l'ordre du Saint-Esprit ; que d'achever de les identifier à sa fortune par des établissements adaptés au sien propre aussi fortement que lui-même s'adossait au trône ? Ici Cadenet, allié à l'opulente maison des vidames d'Amiens, en même temps que maréchal et lieutenant-général de la Picardie ; et là Brantes, joignant à l'alliance des Luxembourg la charge de capitaine des chevau-légers du roi !

Cependant ni les rassasiements de la faveur, ni la brusque scission de la famille royale à Tours, ni l'accumulation des nouveaux griefs de Marie de Médicis une fois installée en Anjou, ni la résurrection de son parti n'avaient suspendu le cours des négociations plus ou moins sincèrement entretenus depuis l'évasion de Blois pour son retour au Louvre. Il y eut, avant tout, les avances filiales de Louis XIII qui, à son adresse, multiplia les marques de prévenance et les envois de cadeaux ; qui même, pour mieux favoriser son rapatriement, décida en sa faveur ses querelles d'étiquette avec la fière Anne d'Autriche ; qui, après cela, quant à ce moment-là même la jeune reine tomba gravement malade, insista là-dessus délicatement près de sa mère, afin de l'amener à venir d'elle-même l'assister dans ses conjugales alarmes[9].

Il y eut aussi et principalement la fausse diplomatie de Luynes. Après l'installation de la reine-mère en son apanage, Luynes, l'y voyant plus opiniâtrement refoulée que jamais par l'évocation de l'ennemi suscité du fond de la prison de Vincennes pour le tenir à distance, insista d'autant plus ouvertement auprès d'elle, peu après la délivrance de Condé et par l'organe de son ambassadeur Marossani, pour le retour à Paris, afin de se prévaloir contre cette ennemie invétérée d'un refus par là si artificieusement provoqué. Mais Marie de Médicis esquiva le piège en articulant une adhésion qui renvoyait à Luynes, ainsi pris au mot, l'embarras d'une échappatoire. Et, en effet, Luynes, ici, ne se pouvait plus maladroitement dégager qu'en alléguant, au moment même où il ramenait Louis XIII à Paris, les dangers que courait Marie de Médicis dans cette capitale soi-disant ravagée par des restes d'épidémie. Comme si la vie de la mère y dût péricliter plus que celle du fils, ou comme si le salut de l'ennemie que Luynes avait trop offensée pour lui pardonner, lui eût plus soucié que le salut du monarque en qui il envisageait le principe de sa fortune !

Peu à peu, cependant, la nécessité de contrebalancer l'envahissant auxiliaire qui tenait son ennemie à distance, amena Luynes à tenter le rappel de cette ennemie-lit même désormais moins à redouter dans les conseils où siégeait Henri de Bourbon, qu'à proximité de l'assemblée révolutionnaire de Loudun. En rappelant, en effet, au Louvre Marie de Médicis, ou plutôt Richelieu toujours caché derrière elle, Luynes opposait, dans la mesure exigée par l'équilibre de sa politique, le négociateur du traité d'Angoulême et de l'entrevue de Cousières à l'ancien prisonnier de la Bastille, et neutralisait ainsi l'une par l'autre, à son profit et sous sa domination par là mieux affermie, les deux influences dont, tour à tour, il invoquait l'appui et conjurait les importunités. Aussi Marie de Médicis, en reine qui lui devait amener avec elle au Louvre tous les contrepoids souhaitables, reçut-elle coup sur coup bien des ambassadeurs chargés de l'inviter officiellement au voyage de Paris avec une sincérité qui, désormais, en progressant toujours, ne se démentira plus[10].

Nul ne l'y pouvait plus puissamment déterminer que le prélat, aussi ambitieux que dévoué, qui ne l'avait accompagnée en Anjou que pour rentrer avec elle à la cour, et qui, à Tours, l'y eût réintégrée sans l'évocation de cet ennemi-là même dont les accaparements lui créaient aujourd'hui un titre à y redevenir nécessaire. Aussi, du jour où s'accusa fâcheusement pour Luynes la prépondérance de Condé une fois sorti de Vincennes, et surtout à dater de l'acte du 9 novembre, on vit les ambassadeurs et les courriers adressés à la reine-mère en vue de son rappel au Louvre, multiplier envers Richelieu leurs sollicitations d'entremise. A la cour, là-dessus, s'employèrent à l'envi l'archevêque de Sens, le père Anoux, Schomberg et le duc de Bellegrade ; et surtout l'archevêque de Sens s'épuisa à garantir à bon droit à Richelieu la sûreté des dernières dispositions de Luynes. Aussi, concluaient avec l'archevêque de Sens les organes purement religieux de l'œuvre de réconciliation de la maison royale, une fois revenue au Louvre la reine-mère devra congédier ses gardes, renoncer à toute ingérence dans le gouvernement, se dérober à toutes visites d'intrigues ou même à celles non agréées du roi, et se retrancher toute dans la dévotion. Par là seulement elle imposera silence aux détracteurs qui la noircissent dans l'estime du roi, en la lui dépeignant comme un aliment de factions.

De son côté, Richelieu, plus soucieux du crédit politique et, par là même, des garanties de sécurité de la reine-mère une fois rentrée à Paris ; Richelieu, peu ému des remontrances du père de Bérulle aux fins de la résidence canonique dans son diocèse, eut à peine entrevu pour lui au conseil du roi et en face d'Henri de Bourbon une place honorable, qu'il reprit en Anjou l'œuvre modératrice tentée à Blois, à Angoulême et à Tours, avec le surcroît d'autorité que lui conférait là sa force territoriale et militaire. Poursuivant d'abord, avec une constance éprouvée déjà par tant de revers, et surtout grâce à l'organe de l'abbé de la Cochère, l'aplanissement des avenues par on Marie de Médicis se devait, pour la troisième fois depuis sa sortie de Blois, réacheminer vers le théâtre de ses anciennes grandeurs, il se justifia d'abord des dénigrements de cour au sujet de sa nouvelle attitude en l'apanage de la reine-mère, sans se compromettre avec les cabales angevines qu'il ne renonçait pas encore à régir. Puis, une fois qu'il eut, par ses précautions suivies d'opportunes avances, raffermi secrètement son crédit près de Luynes, il osa étendre ses justifications jusqu'à Marie de Médicis, en relevant tout ce que sauvegardait d'apparences une secrète complice des Soissons, des Savoie et des Vendôme. Par exemple, il la montrait ici résignée au choix du colonel d'Ornano comme gouverneur de Gaston, et là étrangère à toute alliance avec les huguenots de Loudun. En général même elle s'observait en ses allures, ajoutait le vigilant prélat, jusqu'à s'interdire tout colloque à son insu. Puis, sous le bénéfice de ces assurances et sans se compromettre davantage avec les entremises de pure piété, il poursuivait, par l'organe du trésorier d'Argouges, de Chanteloube et de Marillac, les satisfactions pécuniaires de la reine-mère. Il conjurait près de l'évêque Hurault de Chiverny de nouvelles atteintes à la délimitation déjà si rigoureuse de son apanage ; et, au cas d'un retour de la reine-mère au Louvre, il poursuivait le maintien de l'effectif de son ancienne garde. Cependant, il n'avançait pas d'une ligne en sa diplomatie sans entretenir l'union entre les ambassadeurs se croisant aux portes de l'Anjou ; et par l'organe de Marillac, il berçait toujours le roi de l'espérance de revoir sa mère.

Se retournant ensuite vers Marie de Médicis, afin de la soustraire aux enlacements de la comtesse de Soissons, avec qui lui-même évitait toute accointance, il s'autorisa du concours de son directeur le père Suffren, pour lui représenter l'avantage qu'à Paris ses ennemis désormais les plus irréconciliables tiraient de son éloignement ; et il lui dépeignait au contraire, vu les filiales inclinations de Louis XIII envers une mère qui oublierait le dénouement de Vincennes au point d'accourir se jeter dans ses bras, la force qu'elle y puiserait contre ses détracteurs dans la quotidienneté de ses justifications verbales. L'on craint, ajoute-t-il, que la reine-mère ne retourne au Louvre que pour y demeurer captive. Mais à Angers ne le sera-t-elle pas bien davantage sous l'accaparement des factions qui ne s'autoriseront de son nom que pour la désigner par là plus sûrement à la haine du public après les ravages d'une guerre civile. Mais son fils et son roi, n'est-ce pas la vraie force ? Et, vu le prestige qui, désormais, s'attache au seul nom du roi, prévaudra-t-elle jamais contre cette force-là même tournée contre elle par sa rébellion[11].

Par malheur, ce même éloignement dont triomphaient à Paris les ennemis de Marie de Médicis éternisait aussi l'importance d'une partie de sa cour angevine. Très à l'écart de l'évêque de Luçon, mais non hors la portée de ses yeux de lynx, revivait déjà là le levain de l'ancienne cabale de Ruccellaï, de Mony et de Thémines. Lorsque, aussitôt après l'octroi par Louis XIII à Marie de Médicis de son nouvel apanage, Richelieu y eut promu au gouvernement de Chinon l'homme qui, hier encore, figurait au premier rang de cette cabale envenimée sous le nom du mobile et vaniteux Chanteloube, on ne vit. là qu'un expédient à l'effet de brouiller ce vénal séide avec ses envieux consorts de la veille. Se fût-on même abusé sur la portée d'une aussi haute faveur conférée à un transfuge non encore éprouvé du camp de Ruccellaï, qu'à cet égard il y eût vite où se désillusionner sur Chanteloube en voyant en peu de jour, auprès de Marie de Médicis une fois installée en Anjou et en contraste avec Richelieu, se dessiner ses nouvelles allures. Chanteloube, en effet, que sa qualité de gardien de l'un des premiers postes du nouvel apanage de Marie de Médicis appelait à y siéger régulièrement à ses conseils, ne s'y vit pas huit jours en tête-à-tête avec l'impérieux négociateur du traité d'Angoulême et de l'entrevue de Cousières, qu'il y dut renoncer à conquérir auprès de Richelieu toute importance, à moins de s'y ériger contre lui en chef de la vieille opposition de Ruccellaï ressuscitée sous ses mains en la personne glu pamphlétaire Mathieu de Mourgues et du médecin Vauthier[12]. L'on pouvait, il est vrai, se demander si le frivole Chanteloube, même avec de tels auxiliaires, réussirait mieux en un aussi téméraire dessein que l'entreprenant aventurier florentin qui avait de plus que lui le titre d'un libérateur signalé de Marie de Médicis. Mais, de son ente, Chanteloube avait sur son prédécesseur l'avantage de la possession du gouvernement de Chinon qui l'autorisait dans le nouvel apanage de la reine-mère ; et surtout, à distance, il s'arc-boutait à un parti bien autrement lié que ne l'avait été à Angoulême la cabale ébauchée sous le patronage du duc d'Épernon. Au lendemain de l'entrevue de Cousières, et malgré la cohésion du groupe qu'elle y avait fixé autour d'elle, la comtesse de Soissons, aussi prudente que hardie, s'était bien gardée d'aller en Anjou suivre de près Marie de Médicis, persuadée qu'avant que leur parti se fût appuyé sur une vraie force militaire, en s'installant en un lieu suspecté elle ne pouvait qu'éveiller prématurément les ombrages de la cour. Et puis, tant qu'elle n'eût pas été en Anjou en état de se soutenir par elle-même, elle n'eût pu qu'y servir ou y heurter dangereusement Richelieu dont les vues se distinguaient fort des siennes propres. Car Richelieu, patient et mesuré jusque dans l'essor des plus hautes ambitions, n'entendait, encore une fois, rentrer au pouvoir qu'en vertu de son titre, désormais consacré, d'arbitre modérateur de la famille royale : et depuis que les embarras de l'alliance conclue sous le donjon de Vincennes affectaient sérieusement Luynes au conseil du Louvre, Richelieu se résignait à y siéger en face de Condé, pourvu que les nécessités d'équilibre politique nées de la présence même de cet ennemi invétéré sur un commun théâtre de délibérations, l'appelassent à y jouer un rôle aussi salutaire que celui qu'il poursuivait d'abord en Anjou entre Louis XIII et sa mère. Bien autrement radicale dans son programme, Anne de Montafié se vit à peine pourvue d'un parti viable, qu'elle se proposa de renverser par la guerre civile préparée de loin, et son antagoniste hiérarchique et le favori qui ne l'avait tiré de prison que pour le susciter contre elle, aussi bien que contre Richelieu et Marie de Médicis. Ensuite, elle élèverait sur les ruines de cette coalition l'adulte qu'en mère impatiente elle proclamait déjà premier prince du sang. Mais en attendant la jouissance de cet idéal, et sauf à s'interdire une apparition trop hâtive sur le théâtre où, dans ces calculs, il se devait réaliser, Anne de Montafié n'avait qu'à se tenir en vedette à proximité de la cour. Là, elle entretenait dans l'adhérence à sa cause les Longueville, les Vendôme, les Savoie et les Mayenne. Là, et avec eux, opérant sur la conscience de Louis XIII et de Luynes autant que le faisait Richelieu sur celle de Marie de Médicis, elle battait en brèche le crédit du confesseur Arnoux pour y substituer une direction dictée par elle-même. Avec eux enfin elle se ménageait des communications suivies avec Marie de Médicis. Et c'est ici qu'apparaît l'oratorien Chanteloube, vu l'affinité de ses humeurs avec le génie d'Anne de Montafié. Dans l'intervalle séparant l'hôtel de Soissons des confins de l'Anjou, on devine tout ce qui s'y offrait d'aliment à son activité et à sa jactance. Dès qu'en effet Marie de Médicis eut procédé à son installation en Anjou, on voit figurer Chanteloube parmi les nombreux agents qu'elle lance sur la route de Paris pour y réclamer l'entier accomplissement des clauses du traité d'Angoulême et stipuler les conditions de son retour au Louvre. Mais Chanteloube, tout en prenant rang parmi les ambassadeurs de la reine-mère les plus imbus de la pensée de Richelieu, s'en distinguait soigneusement au Louvre, comme auprès de Marie de Médicis, par la direction de ses démarches et le ton de sa diplomatie. Dès son arrivée à Paris, et en cela tranchant sur la réserve de La Cochère, de Marillac et de d'Argouges, Chanteloube accourait d'abord chez la comtesse de Soissons. Elle aussitôt d'empoisonner vis-à-vis de lui les intentions de la cour, en lui dépeignant comme gravement compromise la liberté ou même la vie de Marie de Médicis une fois rentrée au Louvre. D'après cela, concluait Anne de Montafié, comment la reine-mère pouvait-elle abdiquer le bénéfice de ses sûretés éloignées et rentrer en de nouveaux pourparlers, tant de fois avortés, sur la réunion de la famille royale ? Monté sur ce diapason, et sans nul souci de traverser les sérieux essais de rapprochement tentés à ce moment-là même par le groupe diplomatique distinct, Chanteloube revoyait Ruccellaï, qui n'était passé dans le camp de Luynes que pour y éterniser les brouilleries et contreminer les circonvallations de Richelieu ; et là, bien entendu, Ruccellaï cultivait dans Chanteloube son propre levain de discorde. Aussi, au sortir d'avec son ancien consort réconcilié avec lui dans la haine de Richelieu, Chanteloube allait rompre en visière avec Condé et Luynes. Puis, devançant vite auprès de la reine-mère les ambassadeurs de l'évêque de Luron. il s'empressait de justifier auprès d'elle ses éclats intempestifs, en débitant à celle qui ne l'écoutait que trop pour que Richelieu ne s'en effrayât pas, sa provision de sinistres rumeurs avant de les semer autour d'elle.

Tant d'assurances dans les calomnies et les rodomontades diplomatiques fixèrent fatalement les résolutions définitives de Marie de Médicis. Il n'en fallut pas davantage chez une reine dont tout alimentait, il est vrai, les répulsions, depuis la maladroite fin de non recevoir de Luynes tirée de la prétendue épidémie de Paris, jusqu'au manifeste de novembre et à la dernière promotion de l'ordre du Saint-Esprit. C'est ce que Marie de Médicis ne manqua lias d'objecter victorieusement aux nouveaux ambassadeurs chargés de réitérer avec les avances filiales, et avec une sincérité en proportion croissante avec la franchise des dénégations adverses, l'invitation officielle de Marossani. Quoi de commun, redisait la reine-mère tour à tour à Brantes et au père de Bérulle, en resserrant vis-à-vis d'eux et sous la rédaction mesurée de Richelieu l'enchainement de ses griefs, quoi de commun entre la mère non consultée pour l'éducation ou l'établissement des enfants de France, et le roi qui venait de sanctionner tout à la fois la flétrissure de la régence et la glorification des assassins de Concini et des transfuges de la cour d'Angoulême ? Avait-on, d'ailleurs, à son égard, intégralement observé le traité d'Angoulême ? Qu'étaient devenus les subsides alloués pour le paiement de ses dettes ou pour l'entretien de sa garde et de sa garnison, ou les pensions promises à ses plus dévoués serviteurs el, notamment à son trésorier d'Argouges, à son aide-de-camp Marillac, à son écuyer Channel ? Où était la sécurité promise à ses plus chauds partisans, ajoutait Marie de Médicis à propos des mouvements d'une armée d'observation établie en Champagne aux débuts de la guerre de trente ans, où était la sécurité promise à ses plus chauds partisans, quand le marquis de la Valette se voyait militairement inquiété dans son gouvernement de Metz[13] quant à une autre extrémité du royaume, Luynes, une fois investi du Boulonnais, y évinçait son dévoué serviteur Migneux de la place de Montreuil ? En se supposant même sur ces derniers Oints intégralement satisfaite, où trouverait-elle de quoi défrayer ses préparatifs de voyage ? Les préparatifs même du duc de Montbazon désigné pour venir au devant d'elle, car elle n'en était plus à solliciter pour cet office le prince de Piémont, qu'elle n'avait pu revoir depuis qu'il avait cautionné son retour, ces préparatifs du duc de Montbazon répondaient-ils à ceux qu'on attendait de lui, et étaient-ils même sérieux[14] ? En supposant même tout organisé pour sa rentrée au Louvre, y trouverait-elle l'ancienne sécurité ? Pouvait-elle oublier d'y avoir été huit jours gardée à vue par des satellites ivres du sang du maréchal d'Ancre ? Avec ce lugubre souvenir, comment se résigner à y rentrer sous la protection d'une garde restreinte, et en butte aux représailles couvées sous les donjons de la Bastille et de Vincennes ?

Après cette condensation de soupçons et de griefs, tour à tour exposés aux ambassadeurs de cour et déduits en son conseil, Marie de Médicis, sourde à la voix de Richelieu, qui ne s'en était constitué l'organe que pour la satisfaire, tandis que Chanteloube les érigeait en fins de non recevoir pour la retenir, rejeta les appels de Luynes pour s'enraciner en Anjou. Et voilà donc Richelieu vaincu dans cette sourde lutte où, depuis l'entrevue de Cousières, lui et la comtesse de Soissons s'étaient disputé sans relâche la direction de Marie de Médicis. Aussi, en regard de ces déclarations péremptoires soufflées à la reine-mère par la cabale adverse, on s'imagine d'abord Richelieu réduit à l'état de voix perdue dans les délibérations de son conseil transformé virtuellement en conseil de guerre et, par là, redoutant d'y risquer un seul jour sa considération. Partant et à première vue on la voit secouer la poussière de ses pieds sur le seuil du Logis-Barrault pour retourner s'ensevelir dans son diocèse de Luçon, à la grande satisfaction mais non pas encore selon les vues du père de Bérulle. Car, ce semble, dans ce refuge utile des disgrâces on saura bien un jour l'y retrouver. Aux premiers symptômes de dislocation du parti angevin abandonné à ses bruyantes mais fragiles destinées, Luynes relancera Richelieu sur le chemin de Luçon comme il avait fait sur le chemin d'Avignon. Et à Angers, cette fois, le crédit diplomatique du négociateur du traité d'Angoulême et de l'entrevue de Cousières s'accroîtra de tout l'honneur d'un exil non plus seulement accepté, mais embrassé par la cause royale.

Ainsi, du moins, raisonne-t-on de prime abord en perdant de vue et l'indissolubilité de l'attachement de Richelieu pour Marie de Médicis, et la judicieuse souplesse des calculs appropriés au rôle salutaire qu'il jouait auprès d'elle. En abandonnant à elle-même, au lendemain de sa virtuelle déclaration de guerre, sa souveraine aussi gravement fourvoyée, Richelieu la livrait sans réserve à la merci de Chanteloube renforcé de sa légion d'obscurs séides qu'il ne nous daigne même pas nommer, mais dont les clameurs suffiront, se disait-il, à étourdir la reine-mère dans sa voie criminelle. Pour l'en tirer, ou du moins pour prévenir les suites de sa condamnable résolution, Richelieu ne jugea rien de mieux que de garder son poste auprès d'elle, en pénétrant même dans ses vues encore plus avant qu'il n'avait fait à Blois et à Angoulême, pour se maintenir .jusqu'après les désastres prévus et vainement conjurés dans sa confiance. Mais, toutefois, qu'est-ce à dire ? Pour mieux capter la reine-mère, Richelieu ira-t-il jusqu'à applaudir à sa rechute de rebelle et à la guerre civile dont elle redonne presque le signal ? A Dieu ne plaise que le prélat qui n'adhérait au parti angevin que pour le mieux dissoudre, ait poussé vis-à-vis de Marie de Médicis jusqu'à la connivence ses tempéraments diplomatiques. Après la communication par la reine-mère à son conseil de ses résolutions suprêmes, et en regard du tumulte approbateur qui les accueillit, Richelieu se déclara lié par la majorité des suffrages et y déféra sans apparence de réserve ; en un mot, il plia, en pilote avisé, sous les coups de la tempête. Mais il pliait sans rompre. Aussi, à peine la séance du rejet des appels de Luynes levée, Richelieu, par là laissé en tête à tête avec Marie de Médicis, vis-à-vis d'elle seule protesta de l'immutabilité de ses vrais sentiments, et déclara ne s'associer que sous ce bénéfice à ses préparatifs militaires. Et, bien entendu, de telles réserves demeurèrent un secret absolu à l'égard du conseil dont Richelieu espérait encore au moins conjurer les plus grands écarts. Mais le conseil n'en accueillit pas mieux l'évolution de surface affectée vis-à-vis d'eux par l'évêque de Lu on. En acclamant, quant à eux, après l'avoir eux-mêmes provoquée, il rupture définitive de la reine-mère avec la cour, et eu égard à ce que Richelieu professait hier encore d'attachement à la came royale, ils s'étaient flatté de créer dans leur sein à cet embarrassant collègue la plus fausse situation, et, par là, de le mettre en demeure ou de déguerpir ou de se compromettre avec la cour. Aussi, pour eux, quelle déconvenue quand, dès le lendemain de leur tapageuse séance ; celui qu'ils croyaient avoir à jamais évincé de leurs délibérations reparut au milieu d'eux aussi tranquillement qu'il avait fait à Angoulême eu face de Ruccellaï ; et cela pour les surveiller au lieu de les suivre, et avec l'appui entrevu de Marie de Médicis. Il est vrai qu'il leur restait le triste dédommagement de couvrir sa voix de leurs imprécations. Mais une fois au sortir d'avec eux, Richelieu trouvait, sinon pour l'instant sa complète revanche, au moins pour l'avenir un accueil d'un meilleur augure auprès de Marie de Médicis qui, de plus en plus, en pesant ses services, agréait sa franchise.

Il y a plus — et cela, il est vrai, redoublait l'animosité de la cabale de Chanteloube qui voyait de partout son ennemi se soustraire à leur perfide alternative — ni la cour ni même Luynes, qui avaient si fort soupçonné les allures de Richelieu à Blois, à Angoulême et jusqu'aux portes de Tours, ne l'incriminèrent en Anjou, pas plus que Marie de Médicis ne s'estima trahie par celui qu'on accuse de ne s'être adjugé sa défense que pour la précipiter dans la déroute des Ponts-de-Cé. Non, Richelieu n'a pas plus trahi la cour au profit de celle dont il attendait sa rentrée au pouvoir, qu'il n'a vendu Marie de Médicis à Luynes au prix d'un chapeau de cardinal. Il n'a trahi personne parce que tous savaient ce qu'il voulait, et, dès lors, acceptaient en lui la situation d'un négociateur sous les armes. Une fois la rupture consommée sans remède avec la cour et la guerre civile presque déclarée en dépit de ses remontrances, Richelieu, demeuré dans le camp de sa souveraine, dut se soucier avant tout de sa sécurité personnelle dans la mesure compatible avec l'intérêt de l'état. Rappelons-nous le parti que prit à Angoulême l'évêque Luçon, non sans l'avoir d'abord combattu, de négocier au nom de Marie de Médicis avec la cour une place de sûreté. Par une suite des mêmes sollicitudes, une fois Marie de Médicis en Anjou lancée dans les aventures belliqueuses, Richelieu, prévoyant sa déroute et soucieux d'en atténuer les conséquences, s'ingénia jusqu'à la dernière heure de la lutte engagée avec Louis XIII, à utiliser l'arsenal dont la reine-mère lui devait en partie la concession, et, par là, à dissimuler un peu la gravité de sa défaite. Aussi, dès le lendemain de ce désastre final, et dans le désarroi de ce même parti qui y avait poussé comme à plaisir Marie de Médicis, on verra Richelieu, grâce à son crédit également maintenu dans les deux camps adverses, ramener sa souveraine à Louis XIII non pas en victime livrée à la merci du vainqueur, mais en grande reine qu'un noble repentir et qu'une sérieuse victoire sur elle-même assure de toute sa clémence.

 

Mais voilà qu'au plus fort de ces calculs de réconciliation et de salut, surgit une suite d'événements aussi décisifs à l'égard du parti relevé d'où ils surgissaient, que l'étaient la déclaration du 9 novembre et la promotion de l'ordre du Saint-Esprit à l'égard de Marie de Médicis. Certes, le prince de Condé n'avait pu voir, depuis sa rentrée en France au début de la régence, l'usurpatrice Aune de Montafié s'acharner à le murer tout vif. dans son donjon de Vincennes, ou au moins à flétrir en lui sa postérité, sans lui ménager en revanche, une fois redevenu libre, de rigoureuses représailles. En effet, il enleva d'abord au jeune comte de Soissons la capitainerie des chevau-légers du roi. Puis il surveilla de près son gouverneur le duc de la Ferté-Senneterre. Et, au mépris ou plutôt en raison même des instances d'Anne de Montafié toute dévouée aux Senneterre, il l'exclut de la promotion de l'ordre du Saint-Esprit. Non content même. d'avoir désarmé et d'inquisitorier l'orgueilleux collatéral qui s'érigeait contre lui en antagoniste et en qui perçait déjà le vainqueur de la Marrée, il s'acharna à renchérir sur ses provocations au moyen des plus réactionnaires entreprises. Le 27 décembre, en effet, comme au Louvre le jeune comte de Soissons, à l'heure du souper de Louis XIII et en vertu de son office patrimonial de grand'maître de la maison du roi, se tenait près de sa table pour lui présenter la serviette, Condé, à titre de premier prince du sang s'avança vers lui pour la lui tirer des mains en lui disant : Oseriez-vous me contester mon rang ?En tout autre lieu et hors de ma charge, lui répondit l'adolescent avec une respectueuse fierté et tout en s'affermissant dans sa contenance, je vous déférerai comme à mon acné ; mais ici, je ne reconnais nul autre supérieur que le roi, et ne puis céder la serviette qu'à un enfant de France. Cependant, repartit Condé, feu votre père ne me l'a jamais disputée. — Si mon père vous l'a jamais cédée, ce fut par courtoisie et non sur le pied de la contrainte ; autrement, il vous eût résisté jusqu'en face de l'autel. — Feu votre père vous en eût remontré en fait de savoir-vivre. Au reste, il faut pardonner à un enfant de telles rodomontades. Ne vous sont-elles pas, d'ailleurs, inspirées par ceux qui vous ont poussé, durant ma captivité, à vous intituler premier prince du sang ?Tout jeune que je suis, si l'on m'insulte je saurai faire valoir les honneurs de ma charge. Ceux de qui je prends conseil savent ce qu'ils disent. Vous n'êtes pas ici plus qualifié qu'à Vincennes. Et quant à moi, je me maintiens dans l'intégralité de mes prérogatives. Là-dessus, les deux rivaux allaient en venir aux mains sans l'intervention du roi, qui supprima la querelle en invitant un tiers indiscutable en la personne de son frère Gaston à lui présenter la serviette, et en obligeant ses deux collatéraux à s'embrasser devant lui. Mais au bruit d'un tel esclandre, à peine atténué par cette réconciliation de commande, on vit toute la noblesse affluer dans la lice une fois ouverte autour de la table royale, et s'y partager en deux camps. Tandis que les courtisans se pressaient en champions résolus autour d'Henri II de Bourbon, ce fut à qui des mécontents s'escrimerait en faveur de l'ambitieuse comtesse à peine dissimulée derrière l'officier qu'elle avait dressé à la provocation, ou qu'au moins elle soutenait de ses incitations maternelles. Et là, en première ligne, s'afficha le duc de Mayenne.

En fait de reconnaissance, on ne peut dire si ce dernier s'était trouvé plus mal payé de Luynes que d'Henri de Bourbon. Car, depuis leur coalition, l'ancien prisonnier de Vincennes oubliait qu'il avait vu hier figurer Mayenne en société des Montmorency, dans le groupe des catholiques s'intéressant à sa délivrance ; et Mayenne ne s'en aperçut que trop en voyant son parent et son protégé Villars exclu avec les Senneterre de la promotion de l'ordre du Saint-Esprit. Aussi le commandant en chef de l'armée d'Angoulême et le fils du lieutenant-général de la Ligue, également méconnu dans la diversité de ces deux titres à de plus durables souvenirs que des souvenirs de cour, aussitôt après l'éclat du Louvre alla s'offrir à titre de cavalier servant à J'hallucinante comtesse de Soissons[15].

Une fois même lancé en avant, l'indiscret duc de Mayenne ne se contint plus. Aussi frondeur que chevaleresque, aussi vaillant que médiocre politique et encore moins choqué d'une ingratitude de grand seigneur que d'une ingratitude de parvenu, le brillant prince lorrain se gaussa hautement de Luynes comme d'un soldat d'antichambre osant postuler après les Montmorency la dignité de connétable sans avoir jamais tiré l'épée[16]. En supposant le contadin provençal seul au pouvoir, et en dépit de la mortification que certainement il éprouva des quolibets émanés du duc de Mayenne au sujet d'une dignité à laquelle il attachait la plus haute importance, il eût eu le bon sens de s'abstenir là-dessus de toute rigueur, afin de ne pas souligner par là-même l'outrecuidance de ses visées. Mais le vindicatif Henri de Bourbon ne pouvait oublier d'avoir vu hier encore, en face de la table royale et comme en souvenir des anciennes animosités de race, le neveu du Balafré s'ériger contre le petit-fils du héros de Jarnac en porte-fanion du jeune comte de Soissons. Aussi, quant à ces grief s'ajoutèrent les brocards échappés au duc de Mayenne contre les prétentions de Luynes, il n'en fallut pas davantage à Condé, aveuglé par la rancune et plus pétulant que sagace, pour aviser dans le téméraire paladin la tête du nouveau parti d'insurrection qu'il rehaussait seulement de son nom et de sa vaillance. Ajoutons qu'Henri de Bourbon, en voyant avec émoi Luynes lui chercher un contrepoids dans le gouvernement, ne fut pas fâché de lui complaire utilement, pour lui-même, en vengeant son injure personnelle. Bref, Condé ne songeait à rien moins qu'à l'emprisonnement du duc de Mayenne[17]. Alla-t-il jusqu'à proposer cette mesure en plein conseil, ou se borna-t-il à sonder d'abord là-dessus l'opinion de la cour ? Quoi qu'il en soit, à cet égard dès les préliminaires ses ouvertures échouèrent, grâce surtout, sans doute, aux représentations de Luynes. Car Luynes, bien autrement pénétrant que son allié de la veille, ne s'abusait pas comme lui sur les premiers éléments du parti où se lisait le nom de Marie de Médicis. Il y discernait fort bien la mère du jeune Louis de Soissons, qui d'ailleurs, avec sa prudence consommée, en fait de répression matérielle lui dérobait toute prise directe. Au surplus, Luynes s'était déjà trop compromis dans l'opinion pour achever de s'y perdre en s'offrant décidément à son ancien prisonnier comme son exécuteur des hautes œuvres. Mais n'importe, les menaçantes résolutions de Condé, avant de se résorber dans le conseil, avaient eu le temps de transpirer. Justement un gentilhomme, auteur de divers pamphlets contre Luynes, dont l'un s'intitulait : Avis au Roi sur le rétablissement de l'office de connétable, venait d'être saisi et traduit devant le Parlement, qui l'avait condamné à faire amende honorable la corde au cou, puis, une fois l'arrêt exécuté, l'avait jeté pour toute sa vie à la Bastille. Cet exemple de sévérité avait fait croire qu'on se proposait aussi de mettre la main sur le duc de Mayenne, et qu'on n'attendait que son arrivée à Fontainebleau où alors résidait la cour et où accourait à cet effet le jeune Louis XIII, pour mieux s'assurer de sa personne.

D'aussi sinistres rumeurs parvinrent vite aux oreilles attentives de la comtesse de Soissons. Inquiète sur le sort du duc de Mayenne, à qui elle tenait comme à l'illustration de son parti, et cependant soucieuse de ne pas se compromettre en l'avertissant trop haut du péril que courait sa liberté — car elle prévoyait les suites de son départ aussi précipité qu'inévitable —, elle l'en lit informer sûrement mais par les voies les plus détournées. Sur ce premier avis, le duc de Mayenne se rit d'abord de l'avertissement. Mais on insiste. Et le voilà vite qui, sans prendre congé du roi, dans la nuit du 27 au 28 avril et à minuit, s'esquive à cheval avec le seul cortège de six gentilshommes suivis de douze chevaux ; et par la poste il gagne d'un trait son gouvernement de Guyenne. En route il avait cependant, par une lettre du 20 mars datée de Pressigny[18] et par l'organe de l'ambassadeur Bellesme, protesté de son inviolable fidélité au roi, et formulé des excuses d'un départ si soudain que motivait seul, redisait-il, la nécessité de pourvoir à la sûreté personnelle.

On peut juger si, en dépit des assurances du duc de Mayenne, la cour s'alarma de sa fuite significative. Aussi, dès au reçu de ses lettres et de son messager, le conseil s'assembla à Fontainebleau pour délibérer sur le sort du délinquant. Là, Condé y ouvrit, bien entendu, l'avis le plus violent, qui consistait à aller les armes à la main enlever à Mayenne son gouvernement de la Guyenne. Naturellement aussi Luynes insinua le conseil de ménager cet irritable personnage, de dissiper ses soupçons en dissimulant avec lui la conviction acquise de ses torts aussi soigneusement qu'on faisait vis-à-vis du public toute inquiétude sur son départ. Et néanmoins, ajoutait-il, il fallait s'en tenir à de nécessaires précautions tant vis-à-vis de lui qu'à l'égard de Marie de Médicis.

Cette fois, et comme par une réaction de ce qui ne s'était que trop produit au moment de dresser l'acte de novembre et la liste de promotion de l'ordre du Saint-Esprit, l'avis le plus modéré comme aussi le plus judicieux prévalut. Le 3 avril, et concurremment à l'ouverture d'une nouvelle période diplomatique inaugurée par l'envoi à Angers du duc de Montbazon, Louis XIII adressa au coupable une lettre où, en prenant au mot ses protestations de fidélité, il lui garantissait affectueusement sa sécurité personnelle[19]. Mais en même temps il écrivait aux gouverneurs des places fortes de la Guyenne, et surtout de la citadelle de Blaye, pour les maintenir dans la fidélité. Puis il dépêcha à tous les gouverneurs limitrophes pour les inviter à se tenir sur leurs gardes. Mais surtout il adressa aux gouverneurs des principales places du gouvernement de Marie de Médicis des lettres de cachet leur prescrivant de surveiller le duc de Mayenne et de fermer leurs portes à tout ce qui adhérait à la reine-mère. Par là on faisait la partie belle à deux d'entre eux pressés de venger des griefs de voisinage datant de l'installation en Anjou de Marie de Médicis. Ici, Duplessis-Mornay atteint dans son autonomie saumuroise par les usurpations originaires entremêlées aux avances de la reine-mère. Là, le gouverneur de la Flèche Fouquet de la Varenne, qui n'oubliait pas le dessous essuyé au jour de son installation dans la capitainerie d'Angers par la revendication des armes angevines entassées déjà par lui sur ses fourgons délictueux. Aussi l'on peut juger si le gardien mortifié de l'entrée du Maine et de la Normandie et l'orgueilleux dominateur du bassin de la Loire, exécutèrent rigoureusement contre Marie de Médicis les ordres de Louis XIII. En ce qui est de Duplessis-Mornay, et sur le simple soupçon d'un recel d'armement dans sa ville, il alla jusqu'à y pratiquer partout des perquisitions domiciliaires[20]. Malheureusement, tant de précautions militaires édictées contre Marie de Médicis, et surtout la consigne distribuée aux gouverneurs voisins de son apanage, ne firent que réveiller sa colère et précipiter ses résolutions suprêmes. Justement, à peine rendu à Bordeaux, le duc de Mayenne, poussé jusqu'au bout par le jeune duc de Nemours qui le pratiquait au nom de ses collatéraux de Savoie ; le duc de Mayenne, en cela légitimant les soupçons de la cour, envoya offrir à la reine-mère ses services avec ses promesses de levées militaires. Elle, en retour, lui expédia Chanteloube pour conclure avec lui une alliance formelle. Une fois même assurée de l'épée du plus chevaleresque des soutenants acquis jusqu'à ce jour à sa cause, Marie de Médicis voulut avoir près d'elle celle qui avait armé et pouvait seule guider le bras du duc de Mayenne. Elle voulut attirer dans son apanage l'organisatrice même de son parti. Elle désira surtout y voir avec elle l'adolescent qui, sous le nom de Louis de Soissons, et à défaut du jeune Gaston soustrait à ses accaparements maternels par l'alliance matrimoniale avec les Montpensier, autorisait son parti de la qualité usurpée de premier prince du sang. C'est dire avec quelle célérité Marie de Médicis avisa la comtesse de Soissons des armements du duc de Mayenne et de l'alliance définitive conclue avec lui, invitant en conséquence Anne de Montafié à la venir rejoindre en Anjou. La comtesse, à cet égard, n'attendait désormais, comme nous avons vu, qu'un effort sérieux du côté de la reine-mère. Pour accélérer, d'ailleurs, aux confins de l'Anjou et du Maine, cet effort à son égard décisif, Anne de Montafié avait sans nul doute favorisé sous main la contagion des frayeurs du duc de Mayenne auprès des ducs de Longueville et de Vendôme qui, peu après sa fuite, à leur tour émigrèrent en leurs gouvernements respectifs de Normandie et du Vendômois. Aussi, quand par ce double événement se fut développé autour de Marie de Médicis son cercle d'adhérences, la comtesse de Soissons se sentit, à vrai dire, ébranlée par ses sollicitations.

Mais la cour, ou plutôt Luynes, qui avait vite pénétré derrière les ducs de Mayenne, de Longueville et de Vendôme, celle qu'il envisageait à bon droit comme l'âme du parti se réorganisant autour de Marie de Médicis, usa pour l'en détacher de tous ses artifices. Nous savons avec quelle passion Anne de Montafié recherchait le mariage de son fils avec Henriette de France. C'était là un des mobiles qui l'avait tournée vers Marie de Médicis, espérant par elle marcher plus sûrement à ce but que par la cour, où Condé s'opposerait toujours à l'excessive élévation d'une branche cadette de leur souche commune. Or, c'est justement par cet appât que Luynes, avec la connivence d'Henri de Bourbon, entreprit de leurrer l'ambitieuse mère. Il sembla en effet pressentir ses désirs en lui offrant la main de la seule demeurée disponible des filles d'Henri IV, à l'heure même où s'ouvraient en partie double les pourparlers du mariage d'Henriette de Bourbon avec le prince de Galles. Puis, sur l'acceptation prévue de la comtesse de Soissons et concurremment à ses propres démarches envers le nonce, la cour sollicita de Rome, eu égard à la parenté canonique, et elle obtint, dès avant le 16 mars 1620, les dispenses d'alliance nécessaires. En même temps Brantes, en allant à Angers notifier à Marie de Médicis le mariage, à son égard si clandestinement conclu, de Gaston avec mademoiselle de Montpensier, devait en revanche l'informer du dénouement mieux agréé qui lui donnait pour gendre un Soissons. Et sur les entrefaites, le jeune prince était admis à l'honneur de servir à table celle qu'on lui désignait comme sa fiancée. Nais une fois les dispenses expédiées et la dot de Gaston fixée, voilà que, tout à coup, les négociations avec l'impatiente comtesse languirent, au point que le nonce dut rengainer ses lettres de compliments déjà toutes dressées. Puis un jour Cadenet vint près d'Anne de Montafié s'excuser d'un ajournement soi-disant nécessité à la fois par les ombrages de Condé et l'éloignement de Marie de Médicis. Car enfin, alléguait-il, convenait-il de marier une fille de France hors l'assistance maternelle ? Que dis-je ? Ici encore se trahit le favori occupé à susciter à Condé, tout en le ménageant, des contrepoids du gouvernement. A cet effet, en attendant le retour de Richelieu, il y pourvoyait, du même coup dont il divisait la maison des Guise au moment des provocations ou de la fuite du duc de Mayenne, par l'alliance de Gaston avec les Montpensier. Par une suite du même calcul, en sa négociation matrimoniale vis-à-vis des Soissons, il alléguait en une alternance d'équilibre avec les égards pour la jalousie de Condé, les égards pour la jalousie des Guise. Car tant qu'à envisager, insinuait-il là-dessus, à la fois dans la maison royale les deux mariages de Gaston et d'Henriette, dont le premier, vu le bas âge du futur, n'était que d'une réalisation tardive, il convenait d'ajourner d'autant l'autre union pour subordonner l'établissement de la sœur à celui du frère.

On peut juger si, sous ses démonstrations de respectueuse déférence aux volontés d'un roi, au fond Anne de Montafié se paya des défaites de Luynes. Outrée de son cuisant échec et de se voir si visiblement prise en défaut dans sa perspicacité si redoutable ; au surplus montée par la Ferté-Senneterre qui ne digérait pas sa récente exclusion de l'ordre du Saint-Esprit, elle le dépêcha vers Marie de Médicis pour une conférence préliminaire sur la fixation de la date de son arrivée en Anjou[21]. Elle ajournait toutefois son voyage à l'époque où tout le parti aurait adhéré à un plan d'organisation militaire élaboré dès lors à Angers et qui, désormais, nous va partout apparaître sous le nom d'état général.

De son côté, pour frayer une route aussi sûre que prompte à celle qui n'entendait venir en Anjou autoriser de sa présence qu'un parti viable, Marie de Médicis, aussitôt après son entrevue avec Senneterre, lança dans tout le royaume des émissaires chargés de recueillir les plus engageantes signatures au pied de ce règlement préparatoire accompagné d'une formule de serment d'union à sa cause[22].

 

Dans cette circulation universelle de l'état général et du serment d'union, ce fut d'abord chose aisée à l'agent Carboni d'enlever à tout le moins l'adhésion verbale du principal artisan de la cabale ourdie au lendemain de l'évasion de Blois, au moyen d'un appel en garantie fondé sur le cautionnement formel du traité d'Angoulême. En réponse à cette mise en demeure, et avec son hypocrisie déjà par nous démasquée sur le chemin d'Angoulême à Tours, le prince de Piémont Victor-Amédée, fils du duc de Savoie Charles-Emmanuel, transmit par son agent le comte de Verrue, et recommanda par son ambassadeur à Louis XIII et à Luynes les plaintes de Marie de Médicis, en se justifiant de son entremise sur des sollicitations de cour par lui-même provoquées. En même temps il corrompait l'ambassadeur de France à Turin Claudio Marini, et favorisait, par le duc de Nemours, la fuite du duc de Mayenne. Puis il correspondait séditieusement avec la reine-mère par l'organe de son poète favori d'Urfé, sous le bénéfice de son titre d'auteur du roman d'Astrée, ou pour mieux dire sous le voile d'un commerce littéraire. Et cependant, sans que lui-même au pied de l'état général hasardât une compromettante signature, son agent Frésia, grâce à son titre d'ancienne créature des Soissons, et par un échange de dépêches chiffrées[23] avec Anne de Montafié et les ducs d'Epernon, de Mayenne et de Vendôme, entretenait le ciment du parti en éveil[24].

Par ces menées souterraines on eut vite recueilli les signatures des Vendôme et de Mayenne[25]. D'ailleurs l'égard de Mayenne et du grand prieur s'exerçait une bien habile alternative d'amorces. Car entre eux deux (et nous reviendrons là-dessus) Anne de Montafié figure à la fois comme le génie et la sirène de cette première Fronde[26].

On n'eut qu'un peu plus de peine à l'égard du duc d'Epernon, principal promoteur des rébellions de Marie de Médicis. Après les princes du sang, le duc d'Epernon était peut-être le personnage le plus important du royaume. Ancré tour à tour dans la persévérante faveur d'Henri III, puis dans la haute estime d'Henri IV, il y avait gagné de vastes gouvernements garnis de résidences, où il avait une cour et des gardes, et où il exerçait presque une autorité souveraine. Il avait surtout vieilli dans les plus grandes charges du royaume. Il s'y appuyait sur deux de ses fils, l'un commandant à Metz, et l'autre archevêque de Toulouse, mais annonçant déjà le brillant officier qui, dans la guerre de trente ans, et à côté de Bernard de Saxe-Weimar se distinguera sous le nom du cardinal de La Valette. Quant au duc d'Epernon, moins homme de guerre mais bien plus politique que le duc de Mayenne, il s'était distingué dans sa haute situation par l'expérience et la fermeté, par la prudence et la hardiesse. II y avait aussi déployé une fierté naturelle qui le défendait de toute bassesse et du soupçon même de trahison, mais qui tournait trop à la forfanterie gasconne et à l'outrecuidance du parvenu. Tout cet ensemble de ressources et jusqu'à cette exagération de qualités, le rendaient au besoin capable d'une conduite soutenue, ainsi qu'il y parut dès le premier jour du règne de Louis XIII. Sous le coup même de l'assassinat d'Henri IV, devançant au Louvre les princes de la maison royale et fort de son titre de colonel-général de l'infanterie française, il y avait articulé son inféodation de longue date à la reine-mère ; et il était allé de là au sein du parlement, intimidé par une forte démonstration militaire, lui assurer le titre avec l'autorité de régente. De telles allures, par où il avait conquis au pied du trône le plus offusquant relief, y soulevèrent vite la vieille aristocratie coalisée avec le groupe des nouveaux favoris du régime inauguré sous ses propres auspices. Que dis-je, par un effet naturel des ingratitudes de cour, et en vue de rétablir la paix dans les conseils stérilement agités du Louvre, on vit bientôt, à l'instigation des Concini, la régente elle-même sacrifier celui à qui elle devait son installation au pouvoir. Dès lors confiné dans son gouvernement d'Angoumois, en retour le duc d'Epernon y bouda fort longtemps Marie de Médicis, sans que l'assassinat du maréchal d'Ancre l'eût rapproché de sa souveraine abandonnée sur les chemins de la disgrâce et de l'exil. Il fallut les avanies infligées par Luynes, mû d'ailleurs en cela par les antipathies traditionnelles de la régence, qui s'éternisaient à travers les révolutions de palais ; il fallut, dis-je, les avanies infligées par Luynes au protecteur originaire de Marie de Médicis rentré au Louvre en dignitaire déclassé, pour ramener ces deux amis l'un vers l'autre en vertu de l'identification des disgrâces. C'est en se voyant molesté dans l'exercice de ses charges militaires et dans ses accointances d'inféodation ; c'est en se voyant tracassé dans ses bruyantes prétentions aux préséances de cour ; c'est en subissant la préférence donnée pour le chapeau de cardinal, au mépris d'engagements calculés, à l'évêque de Paris, Gondi, sur son fils l'archevêque de Toulouse, que le duc d'Epernon se ressouvint du peu d'intervalle qui séparait le château de Blois de la citadelle d'Angoulême. De là le complot tramé avec Ruccellaï pour organiser l'évasion de Blois et assurer un refuge à Marie de Médicis. De là le cautionnement virtuel du pacte d'amnistie qui conférait à la régente déchue son apanage angevin. Luynes, il est vrai, s'ingénia à détacher de Marie de Médicis un plaignant aussi revêche, en l'endormant dans les satisfactions octroyées aux termes du traité d'Angoulême[27]. Mais la violation des engagements de la cour à l'égard de la reine-mère intéressait au fond l'homme qui avait implicitement répondu pour elle. C'est ce que Marie de Médicis allégua au duc d'Epernon dans son appel en cause accompagné de l'envoi d'une montre garnie de diamants avec ce prétentieux compliment : Les diamants que j'ai fait mettre à la montre qu'on vous rendra de ma part, ne sont pas plus à l'épreuve du marteau que l'affection que j'ai pour vous est à l'épreuve de tout ce qui serait capable de la diminuer. La générosité avec laquelle vous m'avez servie, repasse aussi souvent et aussi régulièrement dans mon esprit que l'aiguille marque les heures différentes sur le cadran. Moins touché du cadeau de sa souveraine et du vernis de bel esprit italien dont s'avisait sa missive, que des sollicitations par où elle le piquait d'honneur ; et d'ailleurs ne pouvant oublier qu'en définitive le traité d'Angoulême lui avait enlevé son gouvernement de Boulogne, le duc d'Epernon n'hésita qu'un instant[28] avant d'adhérer pour lui et les siens, du fond de son cantonnement solitaire, à l'appel en garantie de sa souveraine. Mais dans cette intervention, en principe d'ailleurs distincte de celles des ducs de Savoie et de Mayenne, il se promit bien de jouer son rôle à part, sans prendre rang dans cette mêlée de grands seigneurs qui l'avaient honni la veille, et à qui il ne pouvait en sa fierté inacceptée ni commander ni obéir.

Si dans sa droiture et aussi dans sa coquetterie de protecteur, le duc d'Epernon se fit prier[29] pour ne s'engager que sous cette réserve, il en fut encore bien autrement du faible et indécis duc de Longueville, qu'après la fuite du duc de Mayenne, la frayeur bien plus que la détermination insurrectionnelle avait poussé vers son gouvernement de Normandie, et qui ne s'y était acheminé que sous le prétexte d'y conduire et d'y installer sa jeune femme. Aussi, quand les émissaires Marillac et Casteljaloux, et après eux le duc de Retz, tout en cabalant séditieusement dans la Normandie, vinrent recueillir son adhésion à la cause de Marie de Médicis, ils le trouvèrent ballotté entre les deux fractions rivales de son parlement ; et partant, ils essuyèrent de longues tergiversations. Le duc de Longueville exigea d'abord comme prix de sa signature la remise d'une somme de vingt mille écus, nécessaire, alléguait-il, pour organiser ses levées militaires et pratiquer une province où son autorité était encore neuve. Même en s'engageant, il n'entendait se mettre en mouvement qu'après que le roi aurait quitté Paris, et moyennant le concours de la reine-mère à la défense de la Normandie. Pour correspondre aux vues calvitieuses du duc de Longueville et obtenir au moins son engagement verbal, l'agent Rouville lui certifia les intelligences dont Marie de Médicis disposait dans la ville et le parlement de Rouen ; et elle-même lui recommanda le secret et l'immobilité jusqu'à l'heure où éclateront les provinces voisines.

Ce n'est certes pas la pusillanimité qui, au moment de signer l'état général, eût arrêté la main du jeune et brillant gouverneur du Languedoc Henri de Montmorency, de ce futur héros de Veillanne et de Castelnaudary. Nous en attestons les dix-sept blessures par où le plus néfaste de ces deux champs de bataille s'abreuva de tout le sang non revendiqué par l'échafaud de Toulouse. Mais l'alliance avec Marie de Médicis par sa femme Marie-Félice Orsini, ne pouvait faire oublier au duc de Montmorency son titre de beau-frère de Condé, du prince qui devait sa liberté à Luynes. Il est vrai qu'à cet égard l'accaparant Lunes avait d'avance exempté de toute gratitude envers lui l'antique et glorieuse famille qui lui disputait, de la part des catholiques et parallèlement aux huguenots, le bénéfice d'un tel dénouement, en conférant à son frère Cadenet la capitainerie de Vincennes, à l'exclusion d'Henri de Montmorency. Mortification infligée non sans imprudence à un grand seigneur frustré déjà de la place de Briscou par lui-même ravie aux huguenots dans sa propre mouvance du Languedoc, et aux avenues mêmes du Languedoc militairement surveillé durant la captivité de Condé ; à un grand seigneur dont la belle-mère, veuve du dernier connétable de sa race, avait essuyé la préférence donnée à la duchesse de Luynes en l'emploi de surintendante de la maison d'Anne d'Autriche. Tant d'avanies, en effet, eussent dès lors aigri dangereusement l'homme poussé plus tard au champ de bataille de Castelnaudary par le seul chagrin de voir après l'éphémère intrusion de Luynes, et, au lendemain de l'exploit de Veillanne, s'échapper de ses rêves d'avenir ce titre de connétable envisagé par lui comme héréditaire dans sa race ; mais ce titre-là même était le prix de la loyauté qui suivait le sang des Montmorency, et qui d'abord maintint dans le devoir, en dépit des incitations de Marie de Médicis et de ses propres penchants, l'aventureux Henri[30].

Ce nom d'Henri de Montmorency vient de nous rappeler les deux partis religieux concourant jusque dans leur antagonisme à ravir à Luynes, au pied du donjon de Vincennes, le bénéfice de la délivrance de Condé, et par là même tous les deux, au jour de cette délivrance, également mystifiés. De là, et de la part de Marie de Médicis elle-même, associée dans sa mesure à ce commun mécompte, une adroite simultanéité d'avances envers les chefs actuels des deux groupes du protestantisme et de la vieille ligue : ici les Mayenne ou les Montmorency, et là Henri de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne et duc de Bouillon. En ce qui est de ce dernier, qu'attendre d'un hypocrite agitateur attaché, durant toute la régence, à lier les coalitions qui tinrent en échec l'autorité royale, afin de se donner en cour l'utile mérite de les dissoudre ? Mais en cour cet homme, encore plus suspecté qu'indispensable, s'était vu mal payé de ce double jeu. Car, après avoir en vain sollicité le gouvernement du Poitou comme prix de son entremise dans la dissolution de l'assemblée de Saumur, il avait essuyé la préférence donnée à Brantes pour le mariage avec l'héritière du Luxembourg, en dépit d'une promesse littérale d'Henri IV. Aussi, dès lors, se retrancha-t-il sans retour et de guerre lasse dans sa principauté de Sedan, où il n'ambitionna plus qu'à se maintenir redoutable par la communication directe avec les réformés d'Allemagne et de Hollande, encore plus que par l'alliance avec les maisons d'Orange et de la Trémouille. Une seule fois il sortit de son silence, vers la fin de la captivité à Blois de Marie de Médicis, à l'effet d'aboucher ensemble Ruccellaï et le duc d'Épernon, en vue d'une entente pour la délivrance de leur souveraine. Mais à peine le duc de Bouillon eut-il jeté sournoisement dans le royaume ce brandon de discorde, qu'en attendant la conflagration par là même si subrepticement provoquée, il se replia vite dans la neutralité de ses expectatives. Adieu donc les espérances trop prématurément fondées en Anjou sur le souvenir des préliminaires occultes de l'évasion de Blois, autant que sur la promesse de cinquante mille écus articulée par Sardini, principal émissaire de la reine-mère[31] ! Au surplus, Marie de Médicis eut de quoi se consoler ailleurs dans l'hétérodoxie de ses agissements, par la plus sincère en même temps que par la plus efficace adhésion.

Hors du groupe des soutiens originaires du parti de Marie de Médicis, se détache au premier rang des seigneurs qui tour à tour y adhérèrent, une haute physionomie. Henri, vicomte de Rohan, organisateur moins heureux qu'habile des guerres de religion du règne de Louis XIII et de la défense de la Valteline entreprise au cours de la guerre de Trente ans, ne fut pas seulement un des plus grands capitaines de son siècle ; mais il y a à relever aussi en lui un magnanime caractère, dont le trait principal fut l'inébranlable fidélité vouée au malheur. Nul plus que lui n'avait été victime des réactions de la régence, qui atteignirent en Rohan le gendre de Sully et l'âme de l'assemblée des protestants de Saumur, bien avant de poursuivre encore en lui le gouverneur autonome de la citadelle huguenote de Saint-Jean-d'Angély et le promoteur de la campagne contre les mariages espagnols. Mais après l'assassinat de Concini et la retraite à Blois de la reine-mère, il fut à peine nécessaire à Rohan de partager à l'égard de Luynes les déceptions de ses coreligionnaires pour ne plus voir en Marie de Médicis que la veuve persécutée d'Henri IV, du grand roi qui l'avait si paternellement formé et établi ; du roi qui, presque dès le berceau, lui avait insufflé son génie avant de le créer duc et pair et de lui procurer la main de la belle et courageuse Marguerite de Béthune. Aussi, à peine Marie de Médicis eut-elle franchi le seuil du château de Blois, que Rohan fut le seul des grands seigneurs du royaume à solliciter l'autorisation de l'y aller voir. Une fois admis à grand'peine à cette faveur, qu'il dut sans doute au privilège de son alliance avec Luynes, Rohan cultiva de très près la reine-mère, en agitant avec elle, dans les apartés de la méfiance et en dehors même de Richelieu, le projet alors chimérique d'une réconciliation avec le favori du jour, sous le bénéfice probable de nouvelles garanties en faveur du protestantisme. Malheureusement, des agents corrompus de la reine-mère dénaturèrent aux yeux du nouveau favori la portée des colloques mystérieux et partant, disaient-ils, coupables du duc avec elle. Sur ces rapports envenimés, Luynes, qui, depuis son avènement au pouvoir et surtout depuis son alliance avec une Rohan, avait en vain essayé sur le duc l'appât des faveurs pour le détacher de Marie de Médicis, tout en l'autorisant à des visites de pure politesse au château de Blois, Luynes, un jour, l'enferma dans son cabinet, et là : Je ne suis que trop bien averti, lui dit-il, de vos accointances avec la reine-mère, ainsi que des négociations que vous liez avec elle. Mais en considération de notre alliance, j'ai obligé le roi à vous pardonner, pourvu que vous me dénonciez le secret de vos intrigues. Là-dessus Rohan, trop fier pour reconnaître un inquisiteur en un favori dont leur parenté même rehaussait le lustre, de se récrier : Je ne suis point un espion, mais le très dévoué serviteur de la reine-mère. Quand j'ai pris un parti, j'agis à découvert ; et mon innocence m'élève au-dessus de la crainte.

Sans se décourager de n'avoir pu entamer de front la loyauté du duc, et en attendant l'heure d'y revenir à la charge, mais sans plus de succès, sous les murs de Montauban, Luynes au moins essaya de la surprendre. Dès les premières ouvertures de Rohan sur sa réconciliation tentée avec Marie de Médicis, il feignit d'entrer dans ses vues pour provoquer ses confidences. Malheureusement Rohan, trop candide en sa fierté pour pénétrer jusqu'au fond des manœuvres dirigées contre lui par l'astuce de son rival, aux premières correspondances à ses ouvertures de paix livra ce que les caresses ou l'intimidation n'eussent jamais tiré de lui. Luynes eut tous ses secrets avec sa correspondance, et le dénombrement de tout ce qui adhérait encore à la reine-mère dans son exil. Sa police n'en demandait pas davantage ; et peu de jours après on chassait d'auprès de Marie de Médicis jusqu'aux derniers débris de son ancienne cour. Rohan lui-même n'échappa point aux rigueurs qu'il avait lui-même si innocemment provoquées ; et on ne lui sut nul gré de s'être fait l'aveugle instrument des délations de Luynes. C'est ce qu'il ressentit au sujet de la récente démolition de sa forteresse du Dognon, située à proximité de son gouvernement de Saint-Jean-d'Angély, et gardant le passage d'une rivière aux environs de la Rochelle. Une aussi forte situation, occupée en face du boulevard du protestantisme par l'un de ses chefs les plus autorisés, et sous la menace d'une alliance entre Marie de Médicis et l'assemblée de Loudun, ne pouvait manquer d'alarmer la cour ; aussi contraignit-elle le duc à la démolition de son dangereux point d'appui. C'en était trop pour l'âme altière d'un grand seigneur qui voyait coup sur coup sa bonne foi tentée ou trahie et ses sûretés abattues. Aussi de telles rigueurs ne pouvaient que le refouler tout entier dans le camp de Marie de Médicis, lors même que celui qui au fond les avait inspirées à Luynes, à la cour n'eût pas été d'humeur à l'accabler de ses rancunes.

C'est sur la foi du prince de Condé qu'en 1615 les protestants s'étaient ameutés sur le passage de la cour allant réaliser aux pieds des Pyrénées le double mariage espagnol. Aussi quel mécontentement pour Rohan, chef de cette campagne, où il préludait à son rôle d'indéfectible soutien du protestantisme en ruines, lorsqu'à la paix de Loudun il vit l'héritier du nom de Condé, une fois son ambition rassasiée dès les protocoles, lâcher, après les avoir exploités comme des alliés de circonstance, les anciens coreligionnaires de sa race. Aussi, à son tour, en 1616, assistant au Louvre à l'arrestation d'Henri de Bourbon qui sollicitait de lui sa délivrance, Rohan affecta l'immobilité la plus significative en lui répondant froidement : Je ne suis point ici pour m'opposer aux volontés de la reine. Quand, plus tard même autour du donjon de Vincennes se formèrent les partis contradictoirement intéressés, mais tous ensemble visant à la libération du premier prince du sang, Rohan se sépara là de ses collègues, moins récemment déçus par Condé que par Luynes. Lui, au contraire, dans l'égalité des griefs subordonnant ses dégoûts personnels à ses rancunes de sectaire, et en fait de trahisons plus offensé de celles qui en partant de plus haut atteignaient plus loin, il exhorta Luynes, d'ailleurs avec moins de générosité qu'il ne l'avait fait pour le rappel de Marie de Médicis au Louvre, à éterniser une captivité qui ne l'avait pas encore assez vengé des félonies de Loudun. En revanche, quand enfin avec l'ouverture des portes d'une prison de tous côtés assiégée éclata contre Rohan le signal de représailles encourues par lui sur le chemin de la Bastille, on peut juger combien il se dut croire menacé dans une cour où Condé, une fois libéré, viendrait renforcer Luynes. Et, dans ce redoublement d'inquiétudes, on conçoit que celui qui avait si persévéramment assisté dans son exil de Blois Marie de Médicis, et qui savait comme elle avait accueilli à Champigny les députés de Loudun, n'ait plus trouvé dans le royaume nul asile aussi sûr qu'au sein de son quartier-général angevin[32].

Là encore le duc de Rohan faillit d'abord se heurter à une impasse. Marie de Médicis, en effet, depuis les malheureuses confidences de Rohan à Luynes, lui avait longtemps tenu rigueur, à en juger du moins par le silence gardé vis-à-vis de lui sur son évasion de Blois. A son tour, piqué d'une telle marque de défiance infligée par sa souveraine en vue d'un retour à cette liberté à laquelle il s'était si courageusement intéressé, Rohan déclina ses sollicitations insurrectionnelles datées du camp d'Angoulême. Après cela, comment n'encourir pas au seuil de son apanage angevin le froid accueil d'une reine qui s'était vue tour à tour par lui si opportunément, bien que si innocemment ou si légitimement compromise ou délaissée ? Au moins Rohan l'eût craint de la part de Marie de Médicis, sans le souvenir de tout ce qu'il avait souffert pour elle. Une fois, d'ailleurs, lancée en Anjou dans ses préparatifs militaires, la reine-mère appréciait trop l'avantage de gagner à sa cause un capitaine d'une habileté déjà si éprouvée, pour ne lui pardonner pas de grand cœur ses bouderies autant que ses imprudences diplomatiques. Elle accueillit donc avec joie dans son apanage, et, sans doute là comme à Blois à l'insu de Richelieu, les reprises d'assiduité de Rohan, moins encore en souvenir de ses gages de fidélité passée que pour entretenir les ombrages de Luynes. Luynes, en effet, qui redoutait moins Rohan aux antichambres du Louvre qu'à l'abri des remparts de la cité angevine et à proximité de l'assemblée de Loudun, comme d'un théâtre plus en rapport avec son envergure ; Luynes, qui mesurait toute l'étendue des griefs du gouverneur de la citadelle démantelée du Dognon, et, partant, s'attachait à éclairer en Anjou ses démarches, somma la reine-mère de congédier un hôte qui lui redevenait plus que jamais redoutable auprès d'elle ; et c'est sans doute à l'instigation du vigilant favori que le nonce agit dans ce sens auprès de Richelieu par l'entremise du père Arnoux et de la pieuse duchesse de Nevers. Mais la reine-mère déclara hautement qu'elle prenait le duc sous sa protection. Assurément, il y avait dans un aussi sûr langage de quoi faire oublier à Rohan les réserves où s'était retranchée à Blois vis-à-vis de lui Marie de Médicis. Aussi, après avoir mandé en Anjou sa courageuse femme, qui accourut à son appel, Rohan se voua tout entier à la cause de la reine-mère avec tout ce que ses hautes facultés lui valaient d'empire sur ses coreligionnaires. Entreprenant et réfléchi, capable à la fois de concevoir et d'exécuter, éloquent dans les conseils et intrépide sur les champs de bataille ; avec tout cela, élevé dans la rigidité calviniste par son ardente mère Catherine de Parthenay, et instruit par de longs voyages, rien n'eût manqué à Rohan, si le règne du protecteur qui déjà le distinguait avait eu sa durée naturelle, pour y jouer un rôle considérable. Au moins, et en attendant que la guerre de Trente ans lui en rouvrit la perspective sur le théâtre de Valteline, en 1620, et entre le quartier-général de Marie de Médicis et l'assemblée de Loudun il y avait pour ses facultés si longtemps rentrées un peu de jeu et d'espace. Au lendemain de l'assemblée de Saumur et des mariages espagnols, lui apparaissait là l'ébauche d'une guerre de religion qui, il est vrai, même reprise après l'entrevue de Brissac au pied des murs de Montauban et de la Rochelle, ne pouvait plus être, sous Luynes et Richelieu, qu'une sanglante chimère et un anachronisme. Mais, jusque dans l'agonie de la cause qui à la fin se résume toute en lui, Rohan y déploiera la constance d'un Napoléon ou d'un d'Annibal, ou, si l'on aime mieux, d'un Charette ou d'un Mercœur.

Nous avons vu sur la route de Tours à Angers, c'est-à-dire à Champigny, et jusque sous les regards investigateurs de Brantes, Marie de Médicis caresser les députés de l'Assemblée limitrophe de Loudun. Encouragé par cet accueil, dès l'arrivée en Anjou de la reine-mère, le vidame de Chartres, président de l'Assemblée, envoya sa cousine M' de Maintenon solliciter la reine-mère d'accepter leur offre de service, en lui soumettant les demandes qu'ils adressaient au roi. Plus libre de ses mouvements au regard de la Cour dans ce centre de son apanage, Marie de Médicis y subissait, par d'autres côtés, une surveillance tout aussi active, mais sans contredit vis-à-vis d'elle plus protectrice que celle de Luynes. Ce n'est certes pas Richelieu qui, du fond de son évêché de Luçon et à travers l'orthodoxie de ses polémiques religieuses, avait déjà médité le siège de la Rochelle et inscrit parmi ses maximes d'homme d'État la ruine du protestantisme, qui pouvait tant soit peu pactiser avec l'Assemblée de Loudun. Bien plus, en sa qualité de mentor accepté de Marie de Médicis, par laquelle seule il voulait reconquérir le pouvoir, l'ambitieux prélat, en la réacheminant vers le trône de saint Louis, tenait à la préserver de tout contact compromettant avec l'hérésie. Il eût donc bien souhaité que la reine-mère eût écarté de son apanage le duc de Rohan, ou au moins renvoyé au roi la députation de Mme de Maintenon. Mais son entourage séditieux, au grand mécontentement de la Cour, insista pour l'admettre. Au moins Richelieu conjura la reine-mère de n'user en son discours de réception que d'irréprochables formules. Pour concilier les exigences de l'état-major de Chanteloube avec les représentations de l'évêque de Luçon, Marie de Médicis accueillit en ces termes ambigus la démarche de Mme de Maintenon : Le roi en son conseil résoudra ce qui sera juste et raisonnable. Quant à moi, je ne prétends point prendre connaissance de vos demandes. Au reste, votre témoignage d'affection m'est fort agréable. Soyez sûrs que je serai bonne voisine à tous égards. Un tel langage, non écouté d'aussi près qu'à Champigny par des oreilles ennemies, et à grand peine refréné par les avertissements du devoir, laissait percer sous son ambigüité de trop significatives avances, pour ne pas redoubler l'espoir que les Huguenots avaient conçu dans le voisinage de la gouvernante offensée de l'Anjou. Aussi l'Assemblée de Loudun tint bon jusqu'à ce que la Cour, pressée de diviser les Huguenots d'avec Marie de Médicis, mais inflexible d'ailleurs sur l'article du rétablissement du catholicisme en Béarn, eut fait droit à leurs autres requêtes. Sur la foi de Condé et de Luynes et sous la garantie des ducs de Châtillon et de Lesdiguières, et moyennant une immédiate dissolution, elle concéda les articles suivants : le La prorogation triennale du terme concédé par l'édit de Nantes aux Huguenots pour le garde de leurs places de sûreté ; 2° l'admission de deux nouveaux conseillers protestants au Parlement de Paris pour compléter légalement la Chambre de l'Édit ; 3° la remise aux mains des Huguenots de leur place de Lectoure, un moment retombée au pouvoir du roi depuis la conversion de son gouverneur Fontrailles au catholicisme. Sur ces entrefaites, le duc de Rohan, à mesure qu'il voyait en Anjou s'accumuler les griefs et s'affermir le parti de Marie de Médicis, et tout en fortifiant de son côté son gouvernement de Saint-Jean-d'Angély en vue d'une reprise des guerres de religion, s'ingéniait à tirer de la reine-mère la réalisation de ses avances de moins en moins dissimulées. Aussi, au moment des concessions royales imparties à l'Assemblée de Loudun, la reine-mère, à l'instigation des ducs de Rohan et de la Trémouille, s'était liée hautement, avec tous les princes mécontents, à la cause du protestantisme. Fort d'un tel appui, Rohan, en dépit de l'étendue des offres royales, opina au sein de l'Assemblée pour qu'elle subsistât jusqu'à pleine satisfaction sur l'article de ses cahiers réclamant le rappel de l'édit de religion relatif au Béarn. Mais l'Assemblée, sous l'influence modératrice de Duplessy-Mornay, du duc de Lesdiguières et de la duchesse douairière de la Trémouille, s'étant prononcée pour la séparation immédiate, Rohan du moins insista pour qu'on réclamât, et en effet l'Assemblée obtint, à défaut de l'exécution des offres royales dans le délai de six mois, le droit de se réunir au cours du mois suivant, sans convocation spéciale, à la Rochelle. Se tournant alors vers Marie de Médicis à qui il avait en vain garanti et fait agréer à tout événement la subsistance de l'Assemblée, Rohan tenta de tirer d'elle là-dessus un désistement désormais inévitable, eu égard aux satisfactions conquises, en lui remontrant d'ailleurs l'heureux effet d'une obéissance immédiate en regard de la mauvaise foi de Luynes qui autorisait certainement, après l'expiation des six mois de rigueur, la réunion de la Rochelle. Mais Marie de Médicis, qui croyait son sort lié à celui du conciliabule qui, depuis le départ de Tours, l'avait si assidument recherchée, envisageait la dissolution même conditionnelle de l'Assemblée de Loudun comme un abandon de sa propre cause ; aussi elle mit toute son opiniâtreté à soutenir les résolutions extrêmes que Rohan lui-même avait d'abord suggérées. Mais enfin, désespérant d'y fixer ses coreligionnaires, Rohan, pour faire entendre raison là-dessus à la reine-mère, au moins s'ingénia à tirer de l'Assemblée, à la veille de sa séparation actuelle et en faveur de Marie de Médicis, des garanties survivant à son existence légale. A ce moment critique, en vain surgirent auprès du chef abusé de la campagne de la Bidassoa les exhortations jusque-là si écoutées dé Duplessis-Mornay, éclairé encore plus à fond que lui-même sur l'ingratitude des ambitions de prince une fois rassasiées pour n'appréhender pas d'y inféoder leur parti. Au mépris des avertissements de ce nestor du protestantisme et par l'intermédiaire de son beau-frère d'Orval, Rohan décida ses collègues à opérer, en cas d'imminentes hostilités contre Marie de Médicis et sans attendre l'expiration des six mois, une forte diversion militaire. En retour de cette levée de boucliers infligeant un si flagrant démenti à cette attitude d'obéissance recommandée par la sagesse et que l'hypocrisie seule s'attachait à observer, la reine-mère, achevant en cela de justifier les pronostics émanés du nonce lors de la constitution de son douaire, et tout en publiant officiellement dans son apanage les lettres patentes du roi proscrivant la dissolution de l'Assemblée, promettait de ne poser point les armes avant d'avoir obtenu en faveur des Huguenots les plus pleines satisfactions tant sur les articles concédés que sur l'affaire du Béarn. Coupable engagement où manquait seule, et de là de longues hésitations de l'Assemblée en voie de traiter avec elle, où manquait seule la signature de Marie de Médicis ! Mais le prélat sagement ambitieux qui n'avait pu conjurer ni la réception du duc de Rohan dans son apanage, ni l'entrevue de sa souveraine avec les Huguenots de Loudun, ni la conclusion de leur alliance, en prévint du moins la consécration officielle. Sans se pouvoir en elle-même défendre d'avoir recherché l'appui de leurs armes, la reine-mère les laissa hors d'état de l'en convaincre ; et au moins, grâce à Richelieu, nulle contamination d'hérésie n'atteignit manifestement le nom de Marie de Médicis[33].

Après tout, même sous cette réserve de style, Marie de Médicis s'était trop effectivement avancée dans le camp du protestantisme pour n'y gagner pas, en échange de sa compromission vis-à-vis de la Cour et à la suite du duc de Rohan, avec environ cent places fortes, les plus notables adhérences. En première ligne — car aujourd'hui l'on ne peut plus révoquer en doute sa complicité[34] — en première ligne et dans la lointaine majesté d'une disgrâce mal digérée à travers son puritanisme, c'était le glorieux duc de Sully, confusément aigri dans la sénilité de ses dédains contre tout ce qui remplaçait Henri IV, et que par là n'avaient que trop captieusement attaqué à la fois son gendre Rohan et son fils d'Orval, pour tirer presque de lui finalement, mime au nom de Marie de Médicis, en plein Orléanais et partant au cœur de la France, le passage de la Loire[35]. C'était ensuite, et au mépris des exhortations maternelles appuyées de l'autorité de Duplessis-Mornay, le duc Henri de la Trémouille qui, en Bretagne et en Poitou ou, pour mieux dire, à tous les confins de l'apanage angevin de la reine-mère, aux yeux de ses coreligionnaires rehaussait sa considération territoriale du prestige de son nom patronymique et de son alliance avec les Bouillon[36]. Plus loin, et par delà les ducs d'Épernon et de Mayenne, c'était le duc de la Force, alarmé de l'édit de rétablissement du catholicisme en son gouvernement de Béarn, et d'ailleurs offensé, lui le fidèle serviteur et le vieil ami d'Henri IV, des déchéances infligées en cour à son jeune fils ; car l'ambitieux Montpouillan venait de se voir écarté des entrées du Louvre par la sourde hostilité de Luynes pour y avoir, en revanche de sa complicité dans le coup d'État du 24 avril 1617 et dans la répartition consécutive des faveurs rémunératrices, encouru ses ombrages[37]. Plus loin encore, le duc de Châtillon, gouverneur du Bas-Languedoc, et finalement dévié de sa qualité de garant formel des promesses de la Cour envers l'Assemblée de Loudun par la frustration dans ses expectatives du bâton de maréchal de France[38].

Sans sortir du quartier-général de la réforme et par un déplacement de sa hiérarchie insurrectionnelle, on voyait aux avenues de la Rochelle et du sein des marécages du Maillezais surgir, en contraste avec la mouvance de ses coreligionnaires, le plus rébarbatif des séides du duc de Rohan. Agrippa d'Aubigné, cet athlète à outrance de nos premières guerres de religion, à dater de l'ère nouvelle marquée par l'abjuration d'Henri IV et la pacification de l'Édit de Nantes, s'était senti par degrés figé dans sa bile de sectaire. Mais après l'assassinat de son royal compagnon d'armes, pour réveiller ses incandescences il n'en avait pas fallu plus que l'orageuse atmosphère d'une minorité de réaction. Et, en effet, dans ce tempérament volcanique que d'ébullitions nouvelles provoquées coup sur coup sous la régence de Marie de Médicis par la disgrâce de Sully et la dissolution de l'Assemblée de Saumur, par les mariages espagnols et par les entreprises sur l'autonomie de la citadelle huguenote de Saint-Jean-d'Angély ! Ce fut au point qu'après le coup d'État de 1617 ni les désillusions opérées dans le camp de la réforme par le rétablissement du catholicisme en Béarn, ni l'éclatant exemple du duc de Rohan ne purent en Anjou plus qu'à Blois et à Angoulême rapprocher de Marie de Médicis Agrippa d'Aubigné dans la coalition des disgrâces. Non certes que Luynes ne l'ait exaspéré au même degré que l'avait fait la reine-mère en poursuivant aux mains de Rohan, au lendemain des rigueurs exercées à Blois, le démantèlement de la citadelle de Dognon que lui-même ne lui avait transmise intacte, bien que déjà condamnée, qu'en espérant du moins, moyennant cette aliénation, en conjurer la ruine. Une telle identification de griefs entre les deux gouverneurs voisins de Saint-Jean-d'Angély et du Maillezais n'avait amené d'Aubigné, en 1620, à lier sa cause à celle de son complice qu'en répudiant pour sa part toute solidarité avec la souveraine qui, même en écoutant à Champigny et à Angers les députations de Loudun, n'avait pu se le réconcilier. Aussi, lorsqu'au cours de l'organisation du parti de la reine-mère le duc de Rohan, en un conseil de guerre tenu Saint-Maixent, interrogea ses coreligionnaires en armes sur l'objectif de la campagne à ouvrir, le vétéran assombri des journées déjà si lointaines de Coutras, d'Arques et d'Ivry, tout en assurant de son indéfectibilité sen candide prosélyte exalté dans un regain d'espérances avec tout le protestantisme à la veille d'une nouvelle guerre de religion aboutissant au cataclysme de la Rochelle, ne lui dissimula pas plus les réserves de son inféodation qu'il ne lui épargna l'amertume de ses pronostics. Au moment où le duc de Rohan le voulut sonder sur les mesures à prendre au cas où Marie de Médicis marcherait sur Paris à la tête d'une armée de soixante mille hommes : J'ai eu l'honneur, répondit Agrippa d'Aubigné, d'être consulté deux autres fois sur les préparatifs du siège de Paris ; et je me souviens à peu près comment on y avisa. Mais, de grâce, au lieu de répondre aujourd'hui à votre extravagante ouverture, ajouta à son tour, après Duplessy-Mornay, Agrippa d'Aubigné, comme par allusion à ce qui avait bien plus choqué que désabusé son interlocuteur dans les défections princières du traité de Loudun, réfléchissez, de grâce, à l'imminente dissolution de votre formidable parti. Quant à moi, je ne tirerai point hors du crochet ma petite épée pour la cause de la reine-mère. Mais, au reste, en ce qui vous touche personnellement, conclua-t-il en prenant congé du duc de Rohan et de son frère Soubise, à l'extrémité j'épouserai votre propre querelle. Dès le jour même où Agrippa d'Aubigné s'affermissait ainsi dans l'énergie non moins que dans l'individualité de son allégeance à toute épreuve, cette inféodation de coreligionnaires dont il s'isolait sans la renier pouvait compter sur la disponibilité de son gouvernement du Maillezais pour le libre accès vers la Rochelle[39].

 

Tout en recrutant au loin son parti, Marie de Médicis le consolidait au sein de son propre apanage. A cet égard, elle n'eut que trop beau jeu à spéculer sur la déception éprouvée par son lieutenant-général du Bellay au sujet, sinon du bâton de maréchal de France, du moins du grade de maréchal de camp[40]. Elle crut avoir non moins heureusement exploité les liens d'amitié noués tour à tour avec le maréchal de Brissac, gouverneur de Bretagne, et le maréchal de Boisdauphin, gouverneur du Maine. Que pouvait, ce semble, lui refuser en effet l'héritier des plus hautes traditions d'hospitalité princière, après que Marie de Médicis, en ses pérégrinations de villégiature, eut échangé contre les somptuosités urbaines de l'hôtel Lasnier et du Logis Barrault, les magnificences rurales du château de Brissac[41] ? Et comment Boisdauphin ne se serait-il pas inféodé sans réserve à la souveraine à qui il avait cédé son gouvernement d'Anjou, après leurs règlements amiables de transmission scellés sur les fonts baptismaux de l'église de Sablé où Marie de Médicis alla tenir, au 20 mars 1620, le second fils du maréchal, en l'appelant de son propre nom Henri-Marie[42] ?

D'autre part, à mesure que la propagande insurrectionnelle allait s'étendant des rives de la Loire aux rives de la Seine ou de la Garonne, des commissions de la reine-mère partout distribuées avec les copies de l'État-général prescrivaient des levées militaires activées autour d'elle par de puissants auxiliaires. En Anjou, dans le Maine et la Normandie, C'était l'agent Marillac, pour lors attaché à Marie de Médicis par les inféodations de l'avarice bien plus que par les alliances de famille, et qui tout en accomplissant sa mission diplomatique près du duc de Longueville, poursuivait en chemin ses enrôlements avec l'aide des Du Bellay et des Boisdauphin, des Saint-Aignan et des Montsoreau, des Matignon, des Lavardin et des Senneterre. Dans le Perche et le Vendômois c'étaient, bien entendu, les Soissons et les Vendôme. Au sud de la Loire et d'Angers à Bayonne, on pouvait s'en rapporter aux ducs de Rohan, de la Trémouille, de Retz, d'Épernon, de Mayenne et de La Force, ainsi que dans la Bourgogne et jusque dans le Genevois au duc de Nemours, et à l'agent Sardini dans la Champagne. Enfin à cette même extrémité du royaume l'agent Barbin, jadis associé à Richelieu dans le ministère renversé par le coup d'État de 1617, et qui n'avait vu qu'à grand'peine son emprisonnement consécutif commué en un éternel et bien plus lointain exil, en dépit ou plutôt à raison même des sollicitations de Marie de Médicis par là s'avouant trop pressée de le revoir auprès d'elle ; en Belgique, Barbin activait pour la reine-mère dans le pays de Liège et avec la connivence du général espagnol Spinola, des recrutements d'élite[43].

Pour en revenir à Marillac, en Anjou, du moins, il ne tint pas à lui que Marie de Médicis n'ait débauché la garnison de Saumur, heureusement maintenue dans l'ordre sous le régime de surveillance inauguré par Duplessis-Mornay dès le lendemain de la fuite du duc de Mayenne, et sans doute aggravé durant les délibérations insurrectionnelles de l'assemblée de Loudun. Pour emporter d'assaut cette dernière entrave à la pleine communication entre les divers foyers de révolte allumés sur les deux rives de la Loire, il fallait s'introduire au cœur même du boulevard du protestantisme, afin d'y battre en brèche l'inflexibilité du vieux gouverneur préposé à ses destinées ; c'est ce dont on ne se fit pas faute en entreprenant coup sur coup Duplessis-Mornay avec une insistance motivée par sa haute considération. Depuis qu'en effet s'étaient établies des relations suivies de diplomatie entre l'Anjou et le Louvre, pas un des ambassadeurs personnellement adressés à Marie de Médicis n'avait franchi le seuil de son apanage sans avoir d'abord conféré l'objet de sa mission avec le gouverneur de Saumur, pas un non plus ne quittait l'Anjou sans l'avoir revu au sortir d'avec la reine-mère. C'est que, malgré la rigueur vindicative dans son principe, mais en elle-même légitime avec laquelle Duplessis-Mornay exécuta contre Marie de Médicis les ordres reçus de la cour au sujet de la fuite du duc de Mayenne, en son génie modérateur s'absorbaient des rancunes déjà par cette rigueur même en grande partie satisfaites. Aussi l'impartialité de Duplessis-Mornay était-elle alors passée en proverbe ; et après Richelieu, sauf l'échec essuyé dans les délibérations de Loudun au sujet de l'immédiate prise d'armes des chefs du protestantisme, c'était l'autorité la plus recherchée des deux partis en lutte. D'après cela, comment s'étonner qu'à son arrivée en Anjou Marie de Médicis la première, à travers tout ce qui la séparait d'un formidable voisin qu'elle avait en vain essayé d'intimider ou d'asservir, ait attenté à son incorruptibilité par les plus persistantes avances ? Dès le voyage de Tours à Angers et dans l'étape de Chinon la reine-mère, en y recevant sur cette avenue du gouvernement de Saumur, au 26 septembre 1619, la visite officielle de Duplessis-Mornay, l'avait retenu seul dans son cabinet deux heures, assis et couvert devant elle. Elle l'y avait entretenu familièrement de ce que Henri IV lui avait voué de haute estime, en même temps que de la légitimité de ses griefs maternels. Elle lui avait protesté de son vif désir, une fois revenue au pouvoir, d'y maintenir les édits de religion, et ne l'avait congédié qu'en lui promettant de passer par Saumur. A Saumur, où elle séjourna du 12 au 14 octobre, en considération de Duplessis-Mornay, elle écouta la harangue du pasteur Bouchereau ; et ce dernier, gratifié d'une favorable réponse, déjà s'éloignait d'elle, quand elle le rappela jusque sous la persistante surveillance des espions de Luynes, pour lui réitérer les assurances déjà données à Champigny et à Chinon en faveur de ses coreligionnaires de Loudun.

Mais une fois installée en Anjou et dès le mois de novembre, Marie de Médicis redoubla de politesses envers Duplessis-Mornay, sans en obtenir en retour qu'une stricte déférence. Puis elle attira soit au Logis Barrault, soit au château de Brissac ses trois filles, Mmes de la Villarnoul, de la Tabarière et de Fontenay, pour les y choyer à l'envi l'une de l'autre. Plus tard, après la clôture des délibérations de Loudun, sachant le gouverneur de Saumur affligé d'une apoplexie contractée le 1.6 mai en reconduisant au serein jusqu'aux portes de sa citadelle le duc de Blainville, un des ambassadeurs quotidiennement adressés par Louis XIII à sa mère, elle lui adressa le lendemain son écuyer Montglat, ancien ami de Duplessis-Mornay, soi-disant pour s'informer de sa santé, mais au fond pour l'attaquer sur la récente prise, d'armes de ses coreligionnaires, fondée, insistait-il, sur la réformation de l'État, à laquelle tous les bons Français devaient tenir la main. — Je n'ignore pas, répliqua Duplessis-Mornay, en cherchant à détacher Marie de Médicis du mouvement où on le voulait impliquer lui-même, et par cette irrépréhensibilité d'allures renforçant le poids des avis modérateurs simultanément adressés à la cour par l'organe des ducs de Montbazon et de Blainville, je n'ignore pas les désordres du royaume, mais la reine-mère doit discerner les remèdes qu'ils exigent. Je crains, ajoutait Duplessis-Mornay en prémunissant la reine-mère contre les égoïsmes de parti aussi soigneusement qu'il faisait à ses coreligionnaires vis-à-vis de l'égoïsme seigneurial, je crains que plusieurs de ceux qui assistent Sa Majesté sous ce masque de réformateurs de l'État, ne songent qu'à sa ruine. C'est ce dont Sa Majesté se doit garer soigneusement, de peur qu'une telle coalition d'intérêts privés n'absorbe celui du public avec le sien propre. Tant que son parti restera dégagé de toute alliance suspecte, il sera en réalité plus considéré. La sûreté que Sa Majesté poursuit pour elle-même, si elle ne la trouve dans le cœur du roi et dans son nom de mère, qui la lui garantira ? Qu'on ne se flatte pas de joindre à sa cause celle de notre religion, vu le crédit que quelques grands seigneurs y possèdent. Si le roi tient les promesses contractées envers l'assemblée de Loudun, il n'y aura moyen de soulever le protestantisme, attache toujours à la royauté sous le bénéfice des édits qu'elle nous a octroyés. Pour apprécier d'ailleurs à cet égard la loyauté de la cour, concluait Duplessis-Mornay en refrénant là-dessus les impatiences communiquées par le duc de Rohan à Marie de Médicis, il faut attendre l'expiration du délai de six mois qu'elle s'est réservé pour l'accomplissement de ses promesses.

Peu de jours après, le 26 mai, Duplessis-Mornay entrait à peine en convalescence, qu'à son, chevet, et avec l'âpreté présomptueuse d'un sectaire inaccessible aux fatidiques avertissements d'Agrippa d'Aubigné, le duc de Rohan revint à la charge. Mais, reprit le gouverneur qui, au premier plan du quartier général de la réforme, opposait ainsi aux impétuosités du prosélytisme militaire l'immuabilité de sa sagesse politique, n'avez-vous pas hier juré d'attendre l'expiration du délai de six mois ? Par la violation d'un tel serment vous l'affranchiriez de ses propres engagements, et nous exposeriez au reproche d'entrer dans tous les mouvements qui troublent le royaume. — Ma qualité de duc et pair de France, reprit le duc de Rohan, m'oblige en conscience à la réforme de l'État. S'il s'ensuit une guerre civile, nous autres grands seigneurs en revendiquons hardiment toute responsabilité pour en exonérer le corps même de notre religion. — En ce qui est de votre prétendue vocation à la réforme de l'État, reprit Duplessis-Mornay, c'est à vous à suivre les inspirations de votre conscience. Mais quant à Cette distinction que vous posez, vous autres grands seigneurs, entre votre propre personnalité et celle des assemblées que vous pratiquez journellement par vos agents, y croyez-vous sérieusement ? Si là-dessus on vous prenait au mot, en vous réduisant aux proportions d'individualités isolées, ne vous sentiriez-vous pas amoindris dans votre considération ? En tout cas, et c'était là la conclusion prophétique du gouverneur jaloux de soustraire sa citadelle aux entreprises insurrectionnelles, gardez-vous d'engager dans votre sédition nos places fortes, qui ne nous ont été remises que pour la défense de nos sûretés. En abusant de ce sacré dépôt vous en consommeriez la ruine. — Je saurai bien en disposer de l'aveu même de nos églises, repartit le duc de Rohan en brisant là-dessus, sans que l'impassible Duplessis-Mornay s'émût de ce qui éclatait ainsi contre les bastions de sa citadelle comme une vaine bravade.

En envisageant des hauteurs de la stratégie et comme en prévision des derniers désastres du parti de Marie de Médicis la nécessité du libre parcours de la Loire à travers toute l'étendue de son apanage, on conçoit l'insistance de Rohan auprès de Duplessis-Mornay, et ce que lui causa d'irritation mal contenue l'échec de sa démarche. Mais, pour le vrai salut de Marie de Médicis il s'agissait bien moins de gagner à sa cause Duplessis-Mornay que de la rapprocher efficacement du gouverneur de Saumur. Pour y parvenir, et par là pénétrer Marie de Médicis d'une influence aussi relativement saine, plus encore que ne le pouvait faire l'adroite duchesse de la Trémouille, il fallait l'homme qui, avec ce qu'on pouvait déjà comme entrevoir en lui de sa double qualité de vainqueur de la Rochelle et d'allié de Gustave-Adolphe, se sentait à la fois seul de force à tenir tête au futur héros de Montauban et de la Valteline, et seul dans sa force assez libre pour risquer impunément sa dignité épiscopale en des pourparlers diplomatiques avec le Pape des Huguenots. Outre ces hautes garanties de succès, il fallait encore avoir, à ce degré-là même où l'avait fait Richelieu, enlevé comme d'assaut la confiance de Marie de Médicis en bravant à toutes les étapes de la disgrâce et de l'exil les soupçons de Luynes, sans y gagner en échange que l'animadversion de la cabale de Chanteloube, de cette cabale acharnée en Anjou à entraver le retour à Paris de la reine-mère et à introduire auprès d'elle les députés de Loudun.

Trop habile ménager du crédit si laborieusement conquis sur Marie de Médicis pour affronter le courant établi en Anjou depuis l'audience donnée au Logis Barrault à Mme de Maintenon, et encore admis à grand'peine à frayer avec un homme estimé dangereux à pratiquer dès lors qu'il fallait désespérer de le conquérir, Richelieu ne se fit qu'à grand'peine décerner le mandat officiel d'essayer du moins d'engager Duplessis-Mornay dans la prise d'armes de ses coreligionnaires. Mais à peine l'évêque de Luçon eut-il, par une satisfaction d'apparences concédée à un état-major d'irréconciliables, recommandé du bout des lèvres au gouverneur de Saumur les exigences de sa souveraine, qu'échangeant son titre patent d'ambassadeur contre les initiatives d'un arbitre sûr de n'être pas désavoué de celle qui le savait incapable de la trahir, au nom et en vue de la rentrée en grâce de cette reine qui avait lié sa cause aux destinées du conciliabule de Loudun, il offrit carte blanche à un plénipotentiaire confirmé par lui-même dans sa droiture, et aussi autorisé sur le terrain des querelles religieuses que lui-même l'avait été à Angoulême, à Tours et en Anjou pour réconcilier la maison royale. Hardie, mais judicieuse démarche[44], en vérité digne d'amener dès lors le pacifique dénouement d'une crise, hélas ! trop tendue désormais pour se résoudre ailleurs que sur un champ de bataille ! Du moins les négociations à peine engagées par cette voie aussi sûre que neuve se dérobent à nous dans le tumulte des armes[45], en nous laissant hésiter lequel en les menant à terme y eût dès lors acquis plus de gloire, ou de Duplessis-Mornay en méritant la confiance de Richelieu, ou de Richelieu en pénétrant la loyauté du gouverneur de Saumur.

A travers les recrutements militaires et les entreprises diplomatiques, Marie de Médicis, depuis son arrivée en Anjou, et il est vrai moins heureusement encore pour la considération de son parti que pour la prospérité de son apanage, n'avait cessé d'y entretenir la solidité à son égard déjà si éprouvée des attaches locales. Poursuivant avant tout l'œuvre de réparation fiscale inaugurée, comme nous avons vu, dès son avènement sur les rives de la Loire, par l'installation aux Ponts-de-Cé de l'équitable gouverneur Bettancourt, Marie de Médicis refréna en tous sens en Anjou la tyrannie des maltôtiers. Étendant même ses sollicitudes protectrices jusqu'au siège de la justice envahi par le monopole des procureurs, elle en affranchit, au grand bénéfice de la liberté des plaidoiries, les avocats de son présidial. Jalouse aussi de préserver son apanage des fléaux de son organisation insurrectionnelle, afin qu'on n'y vint pas à maudire au lieu d'embrasser sa querelle, aux termes de l'État général elle concentra les levées militaires sous forme de garnison dans l'enceinte des villes ou des bourgs fermés, en vue du soulagement des campagnes.

Pour qu'ensuite une administration aussi tutélaire se rehaussât de tout l'éclat de la munificence florentine, elle prodigua ses aumônes aux églises, aux couvents et aux hospices, aux prisons et aux ateliers. Mais, dans cette exubérance de générosités, c'est surtout par les affectations religieuses que la fille des Médicis pouvait capter les sympathies d'une province affirmant son catholicisme autant par la multiplicité de ses sanctuaires que par l'éclat des pompes liturgiques. De là, et grâce à la double assistance du père Joseph et du père de Bérulle, les mémorables fondations du Calvaire et de l'Oratoire, par où Marie de Médicis a acclimaté chez nous sa renommée en même temps que par son habile identification à la vie angevine. Pour correspondre en effet aux témoignages de l'orthodoxie démonstrative d'un pays d'où étaient partis tour à tour les premiers anathèmes contre la négation du dogme eucharistique et les dernières clameurs de la ligue, elle suivit les processions du sacre et du jubilé, ou les prédications de l'avant et du carême données par son confesseur l'éloquent jésuite Suffren. Le jeudi saint, elle lavait les pieds à douze pauvres qu'ensuite elle-même servait à table ; et le vendredi saint elle ouvrait les prisons de la ville. Car Marie de Médicis ne pouvait apparaître ou dans nos solennités religieuses ou municipales, ou dans nos fêtes de famille, ou sur nos chantiers les plus animés, sans qu'on y vit l'abondance et la liesse éclater sur ses traces. Ainsi à Trélazé, et sur la foi des perrayeurs ébahis, s'aventurait elle résolument dans le gouffre béant des ardoisières avec sa bourse entr'ouverte ; et chaque jour quelque enfant du peuple, tenu sur les fonts du baptême ou par elle ou en son nom, sentait pour ainsi dire couler sur son front avec l'eau régénératrice une émanation des largesses royales. Aussi partout Marie de Médicis rayonnait chez nous comme une déesse aussi abordable que libérale. A chacune de ses allées et venues d'une église à un monastère ou d'un château ou d'un parc à une promenade publique, on ne sait si ce fut avec plus d'amour ou d'orgueil que les Angevins multipliaient les ovations au-devant d'elle ; et aujourd'hui encore l'inscription du nom de Marie de Médicis sous les arcades de nos monuments publics éternise la popularité de son souvenir[46].

 

Tout en cimentant ses attaches centrales et tout en consolidant par là le fondement de son parti, Marie de Médicis pourvoyait non moins sérieusement à en assurer la subsistance. A cet effet elle se fût vite trouvée prise au dépourvu avec les seules ressources de son douaire, de ses revenus domaniaux et ses fonds de Toscane. Aussi, dès son arrivée en Anjou l'avons-nous vue, préoccupée de l'exécution à son profit des clauses et du traité d'Angoulême, expédier à Paris coup sur coup, en octobre 1619 et au début de janvier 1620, l'abbé de la Cochère, Chanteloube et son trésorier d'Argouges, à l'effet de réclamer les subsides qu'à Angoulême elle-même avait stipulés pour l'acquit de ses dettes contractées depuis l'évasion de Blois, pour la pension de ses serviteurs[47], et surtout pour l'entretien de sa compagnie de chevau-légers et des garnisons de son apanage. Au moins jusqu'à concurrence du montant de ses dettes et de la pension de ses serviteurs, et sur la recommandation de Luynes soucieux de détacher des huguenots de Loudun Marie de Médicis, le surintendant des finances Schomberg obtempéra d'abord à ses exigences par une série de versements ou d'assignations à réaliser sur les trésors de l'épargne ou sur diverses fermes de tailles, de traites ou de gabelles. Mais lorsque l'ambassadeur Blainville, expédié en Anjou vers la fin de mai avec un à-compte de six cent mille livres dont s'autorisait ou dont se couvrait sa mission tout à la fois réconciliatrice et inquisitoriale, eut constaté que les subsides royaux servaient moins à éteindre qu'à armer les griefs de la reine-mère ; lorsque dans toute l'étendue de son apanage, où se rédigeait par derrière lui l'état général, il eut vu se déceler son organisation insurrectionnelle, il en avertit Schomberg, qui aussitôt resserra et ralentit ses avances. Force fut alors à Marie de Médicis, après la vente ou la mise en gage de ses joyaux, de recourir à la voie des emprunts avec l'assistance de Richelieu. De concert avec Marillac, en dépit de la déconfiture du trésorier d'Argouges habilement palliée, et sous le pseudonyme des plus sûres entremises, l'évêque de Luçon s'ingénia à ouvrir d'abondantes sources de crédit ; et c'est par là surtout qu'en attendant l'issue des négociations financières avec la Savoie et la Lorraine, et tout en empruntant du maire angevin Lasnier six cent mille livres, Marie de Médicis reçut de Paris cinq cent mille écus fournis par la comtesse de Soissons. Mais lorsque, sous le déguisement des prête-noms, la cour eut vu tout le numéraire de Paris prêt à s'écouler en une destination réprouvée, elle interdit aux notaires de la capitale d'instrumenter sans avoir d'abord informé le lieutenant civil, et par lui le conseil du Louvre, pour l'extradition de toute valeur excédant dix mille francs.

Si encore, pour se dédommager d'une aussi radicale interception de subsides, Marie de Médicis avait pu intégralement réaliser ses fonds de Toscane ! A cet effet, l'agent de la reine-mère Gamorino alla à Florence solliciter de sa part ses remboursements auprès de son oncle, le grand-duc François de Médicis, il est vrai en lui avouant, avec l'illusion de tout ce que les liens du sang lui promettaient là de complicité, le caractère séditieux d'une telle démarche. Mais à Florence la sagesse politique, et en regard des envahissements de la maison d'Autriche en Italie une nécessité traditionnellement reconnue de l'alliance française, prévalaient trop sur l'exclusif point de vue des solidarités de famille pour qu'à la requête de Gamorino l'on s'interdit de ménager cumulativement au-delà des Alpes les deux partis en lutte pour la conservation ou le recouvrement du pouvoir. C'est en conformité de ce principe et aux origines encore indéterminées de notre querelle intestine, que le Conseil de la Cour du grand-duc, saisi des réclamations financières de la reine-mère, avait opiné pour les accueillir en répondant là-dessus aux interpellations alarmées de Louis XIII, que les Médicis restituaient à leur nièce son patrimoine sans lui rien communiquer du leur ni l'assister de leurs conseils. Mais, lorsque l'attitude hostile de Marie de Médicis s'accentua au point qu'on ne lui pût plus rien avancer sans soudoyer par là directement sa prise d'armes et sans qu'au surplus, par cette prise d'armes, elle parût en voie d'aboutir à une autre issue qu'à sa ruine, avec la plus prévoyante évolution le grand-duc, en secret, se tourna tout entier vers Luynes pour l'avertir des instances de la reine-mère, et interrompit le cours de ses versements. Non que par là le grand-duc de Toscane rompit ouvertement avec sa nièce ; car une réconciliation de la maison de France pouvait toujours, en prévenant la ruine de Marie de Médicis, la remettre en faveur. Aussi, sur les récriminations qui l'atteignirent au Louvre, l'honnête ambassadeur Florentin Bartholini, dans sa correspondance ou dans ses voyages en Anjou concertés tour à tour avec Luynes et avec le nonce, s'ingéniait-il, vis-à-vis de la reine-mère, à édulcorer ses explications diplomatiques : C'était bien dommage, lui redisait-il, qu'elle n'ait pas produit sa requête financière à une date plus opportune. Car aujourd'hui on ne pouvait plus satisfaire Marie de Médicis sans se déclarer l'ennemi du roi de France. On ne le pouvait plus, surtout en se convainquant que le vrai salut pour la mère, c'était de se rapprocher de son fils. Alors seulement le grand-duc se retournerait vers sa nièce ; alors seulement elle en pourrait tout obtenir. Sous le vernis d'une aussi spécieuse défaite, Marie de Médicis entrevit à quel point ses disgrâces pesaient à sa judicieuse famille[48]. Elle entrevit qu'aux dernières phases d'une odyssée à peine suspendue, que dis-je ? au fond rouverte par l'entrevue de Brissac, qui ne ramènera Richelieu par Marie de Médicis au pouvoir que pour l'y ériger contre elle en créature émancipée et par là même en pierre d'achoppement, elle entrevit qu'alors les siens l'abandonneront à jamais sur les chemins de son dernier exil. Dès lors, elle put mesurer l'abîme creusé par la Journée des Dupes entre le palais des Médicis et le grabat mortuaire de Cologne.

Par cette interception de subsides enfin réduite aux abois, Marie de Médicis ne recula pas devant les extrémités qui suivent une déclaration de guerre. De là, et coup sur coup[49], la saisie des recettes royales en Anjou et en Touraine, en Normandie, en Saintonge et en Guyenne. Bref, en joignant à ses ressources personnelles les contingents fournis tour à tour par l'industrie diplomatique ou l'audace militaire, Maris de Médicis avait, à la fin de juin, réalisé deux millions[50] aussi tôt employés en achats d'armes, de munitions, d'artillerie et de chevaux. Pendant ce temps, ses agents, munis de lettres de change, hâtaient les levées d'objectif dans les gouvernements insurgés[51], ou les poursuivaient jusqu'en Bourgogne et en Lorraine, en Savoie, à Genève et en Belgique[52].

 

A mesure que se développait ainsi l'organisation matérielle du parti de Marie de Médicis, et dans tout le champ conquis par la mise en circulation de l'État général, on voyait surgir, en vertu des principes déposés en cette sorte de code militaire, on voyait, dis-je, avec les progrès de ce parti, et il est vrai sous la surveillance préservatrice de Richelieu[53], se dessiner à la fois son vrai caractère et sa hiérarchie, sa discipline et son programme. Richelieu ! Tel est le nom qu'on aime à retrouver ici comme une garantie de ce qui se pouvait insérer de correctif en l'âcreté des préambules d'une guerre civile. Tout en ouvrant maintes sources de crédit à Marie de Médicis et tout en endormant la vigilance de l'ambassadeur Blainville sur les préparatifs militaires édictés ou poursuivis en Anjou, au sein du conseil où ces préparatifs s'élaboraient et à l'encontre de la cabale de Chanteloube, Richelieu s'attachait, à en atténuer la portée. Justement, à l'extrémité opposée du théâtre des grandes conflagrations européennes du dix-septième siècle, la guerre de Trente Ans venait de s'ouvrir par l'incident de la défenestration de Prague, qui mit vite aux prises la maison d'Autriche avec l'électeur palatin Frédéric V, usurpateur de la couronne de Bohème. Querelle mémorable, et dont la gravité ne pouvait échapper à la Cour de France. Car, à en envisager d'avance toutes les issus possibles, il y allait pour un royaume à grande peine pacifié par l'Édit de Nantes et la paix de Vervins, ou de l'exorbitante prépondérance de la maison d'Autriche, ou de la contagion révolutionnaire de l'hérésie germanique. Pour parer à cette alternative de menaces attachées aux frontières orientales du royaume, il y avait lieu de se tenir sur ses gardes ; et de là, dans les premiers mois de l'année 1620, l'envoi par Louis XIII d'une armée d'observation en Champagne. A ce moment-là même, le duc de Bouillon, en voyant du fond de sa citadelle de Sedan se multiplier les signatures au pied de l'État général, peu à peu s'enhardissait jusqu'à sortir de sa neutralité observatrice pour incliner vers le parti de Marie de Médicis. Aussi, en Anjou, pouvait-on croire l'armée de Champagne organisée moins encore contre les protestants d'Allemagne que contre le sournois agitateur soupçonné de lier leur cause à celle de l'Assemblée de Loudun et par l'Assemblée de Loudun au parti de la reine-mère. Voilà qu'aussitôt on sonne l'alarme au quartier-général de Marie de Médicis où la cabale de Chanteloube, ici renforcée du vénal et partant du vacillant Marillac et épiant avec ses impatiences guerrières tout ce qui pouvait de leur part, vis-à-vis de la cause royale, autoriser l'offensive, presse l'entrée en campagne. Mais Richelieu, sans contredire les sinistres interprétations tirées du mouvement de l'armée royale, et tout en y puisant un vigoureux argument pour l'accélération des préparatifs militaires, soutint et fit prévaloir au sein du conseil de la reine-mère le parti d'observer la stricte défensive[54]. Pour maintenir même d'avance plus sûrement dans cette irréprochable attitude Marie de Médicis, on peut se demander si lui-même n'avait pas introduit dans l'État général la clause réservant le signal des hostilités[55] avec la distribution des emplois militaires à la souveraine[56] qu'il s'attachait à gouverner tout en proclamant sa prééminence hiérarchique. A tout le moins, pour soustraire la reine-mère aux influences capables de dénaturer la signification de sa prise d'armes, Richelieu s'évertua et réussit encore à fixer son quartier-général au lieu même où elle lui pouvait le plus exclusivement appartenir. Car Richelieu ne pouvait trouver nulle part de règne plus envié, parce que nulle part il n'en pouvait espérer de plus absolu qu'au sein de cet apanage accepté de ses propres mains par Marie de Médicis, où il avait enraciné ses créatures après y avoir adossé sa clientèle patrimoniale, et dont il pratiquait journellement les garnisons[57]. En un mot, au point de vue de ses sollicitudes tutélaires, l'Anjou était le vrai domaine de Richelieu. Aussi à l'inverse, pour lui ravir Marie de Médicis et sous le nom de Marie de Médicis s'approprier le théâtre des hostilités, les mécontents les plus irréconciliables, avec la connivence du fougueux état-major du Logis Barrault, s'acharnèrent à détacher de l'Anjou la reine-mère, en déplaçant à leur profit le siège de la rébellion. A cet égard, nul ne pouvait parler plus haut que les coreligionnaires de l'homme menacé dans sa principauté de Sedan pas l'armée de Champagne. Nul ne le pouvait en leur nom plus éloquemment que le vigoureux sectaire qui avait lié les Huguenots de Loudun à la cause de Marie de Médicis, et qui peut-être, sans la surveillance de Richelieu et en le supposant un peu plus ébranlable, y eût attiré Duplessis-Mornay. Nous avons par là suffisamment désigné le duc de Rohan.

Vu l'immuabilité du gouverneur de Saumur, et en l'absence de solides forteresses angevines, le duc de Rohan voyait, en effet, l'apanage de Marie de Médicis dépourvu de son seul avantage stratégique, à ses yeux consistant dans le libre parcours de la Loire. Mais surtout en Anjou Marie de Médicis paraissait au duc de Rohan trop à la merci du prélat qui, sans avoir pu fermer ni à lui-même ni aux députés de Loudun l'entrée de son apanage, ni con-conjurer leur alliance avec la reine-mère, en avait du moins réduit les proportions et pallié le scandale. De là l'insistance du duc de Rohan vis-à-vis de Marie de Médicis, pour substituer comme centre de ses opérations militaires à une citadelle relevant du futur vainqueur de la Rochelle, le chef-lieu d'une province des plus originairement soulevées, et ce en plein théâtre d'une imminente guerre de religion. Car à la Guyenne confinaient la Rochelle, le Languedoc et le Béarn. Et la Guyenne correspondait à ces foyers d'hérésie sous les auspices de son gouverneur le duc de Mayenne qui, dès le lendemain de sa fuite de Paris, avec l'autorité de son titre de lieutenant du parti de Marie de Médicis, avait communiqué aux Huguenots du midi son levain de rébellion en leur empruntant le leur. Un duc de Mayenne allié et complice des Huguenots ! Il faut vraiment avoir apprécié ce qu'il y a d'hétérogène dans les coalitions de parti pour ne s'étonner pas de voir, en 1620, le fils de l'ancien lieutenant-général de la ligue tendre la main au futur défenseur de cette place de Montauban dont les remparts, dans un an, les devaient à jamais séparer l'un de l'autre. Mais au début de cette année 1620, la solidarité insurrectionnelle avait assez uni les deux seigneurs portant les deux noms si naturellement rivaux de Rohan et de Mayenne, pour que le plus autorisé des deux par le génie et l'éloquence militaire, ait compté sur son compagnon d'armes actuel, au point de proposer, dis-je, bien haut à Marie de Médicis, aux premiers mouvements de l'armée royale en Champagne, la retraite sur Bordeaux. L'Anjou, remontrait le duc de Rohan en déguisant ses calculs de domination personnelle sous de plausibles considérations stratégiques, celles-là même d'abord si loyalement exposées par Richelieu à Marie de Médicis à la veille du traité d'Angoulême, l'Anjou n'est défendu que par de fragiles forteresses, et le château des Ponts-de-Cé y commande seul le passage de la Loire. Or l'armée royale approche, ajoutait Rohan, qui entrevoyait déjà l'armée de Champagne déviée de ce qui apparaissait de sa destination primitive au point d'accourir aux confins de l'apanage de la reine-mère où la viendrait renforcer souverainement de sa présence le jeune Louis XIII ; l'armée de Champagne approché, et dans quelques jours menacera de près l'Anjou avec tout ce qui s'attache d'intimidation au nom du roi. Par là qui ne voit déjà l'Anjou, province ouverte et isolée, succomber, et avec l'Anjou toute la tête du parti ? Que si, au contraire, la reine-mère se décide à passer en Guyenne sous la protection des forces recueillies sur sa route en Poitou, en Angoumois et en Saintonge, il y aura là pour elle l'avantage d'une province régie, en la personne du duc de Mayenne, par un des ennemis les plus invétérés de Luynes, et qui a déjà recruté pour elle dix-huit mille hommes. Elle trouvera dans la Guyenne un pays hérissé de cours d'eau ; un pays qui, dans les sécurités de la distance et au centre du soulèvement, correspond au nord avec les Rohan et les d'Épernon, et au sud avec les ducs de La Force et de Chatillon, que dis-je ? peut-être — car Marie de Médicis, en dépit des résistances du Parlement de Toulouse, ne renonça jamais à se l'accaparer —, peut-être avec l'incertain duc de Montmorency. Au reste, concluait adroitement Rohan, la reine-mère peut croire au désintéressement de son avis. Que gagne-t-il, en effet, lui duc de Rohan, à voir la reine-mère passer d'Angers à Bordeaux ? Une fois l'Anjou absolument dégarni par cette retraite, ne se verra-t-il pas, vu la contigüité de ses domaines de Poitou au regard de l'armée royale franchissant librement la Loire, à découvert sans être pour cela, d'ailleurs, moins inébranlable en son nouveau poste d'avant-garde ?[58]

En entreprenant aussi chevaleresquement d'acheminer sous son égide Marie de Médicis vers ses sécurités les plus centrales avant de la relancer de là contre Paris, le duc de Rohan songeait à l'éloigner moins encore, si c'est possible, de l'armée royale que du prélat qu'il soupçonnait d'attirer cette armée, et avec elle Louis XIII en personne, au cœur de l'Anjou. Mais Richelieu, bien loin de songer à livrer la reine-mère à Louis XIII, ne la lui voulait ramener que réconciliée dans sa force et dans sa liberté. A cet effet, jaloux de disputer à Rohan la possession de Marie de Médicis autant qu'il lui avait déjà fait l'introduction à Angers des députés de Loudun et le libre passage de la Loire à Saumur, il opposa aux accaparements de l'hérésie la vigilance de ses revendications tutélaires, sous la persévérante forme des débats d'un conseil de guerre. En échangeant, objectait-il directement à Rohan, en échangeant dans son projet d'émigration méridionale son ancien asile d'Angoulême contre les rives plus lointaines de la Gironde, la reine-mère ne craint-elle pas d'offenser le duc d'Épernon, qui verra là comme une désertion de son hospitalité ? Et même ne provoque-t-elle pas dangereusement la jalousie seigneuriale de cet avantageux potentat, qui, en comparant son titre d'ancien organisateur de l'évasion de Blois avec ce qu'offre de solidité l'établissement voisin du duc de Mayenne, croit la préférence due aux initiatives de la protection plutôt qu'à l'inviolabilité du refuge ? Au point de vue même du public, a-t-on calculé l'effet démoralisateur de l'évacuation actuelle de l'Anjou, envisagé comme le siège officiel de la puissance de la reine-mère et comme le foyer originaire de sa propagande insurrectionnelle ? Même au point de vue stratégique et au regard de la reine-mère qui, pour la direction de son parti, à bon droit se soucie d'une assiette centrale, l'Anjou est-ce un quartier général si déshérité ? Pour la reine-mère, principalement assistée dans sa révolte à la fois par la comtesse de Soissons et par le duc de Mayenne, quoi de plus souhaitable comme base de ses opérations qu'une province accédant par le Maine à la Normandie aussi bien que par le Poitou à la Guyenne ? Il est vrai que le passage de la Loire, qui assure la perméabilité de cette zone insurrectionnelle allant de la Seine à la Garonne, n'est protégé contre une marche en Anjou des troupes royales que par le faible château des Ponts-de-Cé. Mais pour écarter de l'Anjou les troupes royales accourant de Paris ou de la Champagne, encore une fois, est-ce rien pour la reine-mère, adossée d'ailleurs à toutes ses agglutinations méridionales, que les diversions d'avant-garde que tenteront à la fois en Normandie, dans le Perche et dans le Vendômois les Soissons, les Longueville et les Vendôme ? Est-ce rien surtout, poursuivait Richelieu, encore moins soucieux d'affermir en Anjou sa domination que d'en dissimuler la sollicitude, est-ce rien pour la reine-mère qu'un ensemble de protections lui conférant toute la sécurité conciliable avec son indépendance ? Car dans la diversité des accaparements actuels, où peut-elle ailleurs que chez elle s'appartenir à elle-même ? Au surplus, concluait à son tour fort adroitement Richelieu — car, par cette suggestion finale, il achevait à la fois de couvrir sa louable ambition de protecteur ; et sans rien risquer pour lui-même, il éteignait autour de lui mille jalousies d'accaparement, en promenant devant tout le groupe des adhérents méridionaux de Marie de Médicis une fuyante perspective de sa possession —, au surplus, que n'invite-t-on nominativement chacun des ducs d'Épernon, de Rohan, de Retz, de Roannais et de Mayenne à ménager d'avance à la reine-mère, éventuellement décidée à passer la Loire, au sein de leurs gouvernements respectifs une prompte et sûre retraite ?[59]

Mais encore une fois l'hypothèse d'une évacuation de l'Anjou par Marie de Médicis nous semble là trop vaguement énoncée par l'évêque de Luçon pour que nous nous méprenions sur son ardent désir de voir Marie de Médicis, dans l'incommutabilité de son quartier général, demeurer maîtresse de ses destinées. S'appartenir à elle-même, ou pour mieux dire appartenir aux plus saines influences, tel était en effet l'idéal qu'au nom de Marie de Médicis Richelieu ne cessait d'envisager, en poursuivant d'ailleurs l'affranchissement de sa souveraine vis-à-vis de la comtesse de Soissons aussi bien que des ducs de Rohan et de Mayenne. C'est dire à quel point Richelieu, faute d'avoir pu fermer à Rohan ou aux députés de Loudun l'entrée de l'Anjou, eût souhaité s'y reprendre à l'égard de cette Anne de Montafié qui, à la naissance même du parti de Marie de Médicis, et au Louvre aussi bien qu'à Vincennes et à Cousières, nous est apparue si impérieuse en ses insufflations pestilentielles. Malheureusement nous avons vu la comtesse de Soissons, au début de l'année 1620 et dès le lendemain de l'échec des pourparlers du mariage de son fils avec Henriette de France, expédier en Anjou son agent Senneterre, afin de s'entendre avec la reine-mère sur l'époque de son voyage et de son installation près d'elle. Et comme si, à cet égard, l'amertume du grief de la mère du jeune Louis de Soissons n'eût pas semblé une suffisante garantie de l'indéfectibilité de tels engagements, la reine-mère en assura la consécration dans une clause expresse de l'État général interdisant à la remuante comtesse, une fois décidée à fuir Paris, tout autre établissement qu'au sein de son propre apanage[60]. Sans pouvoir abolir l'énoncé d'un tel pacte, qui enracinait si fort en Anjou auprès de Marie de Médicis son plus mauvais génie, au moins Richelieu, en vue de l'imminence du voyage d'Anne de Montafié, s'ingénia d'avance à conjurer ses maléfices. Il fallait, il est vrai, que le prélat débordé par l'irruption en Anjou des députés de Loudun et le développement de la cabale de Chanteloube, se résignât à voir apparaître en dominatrice sur le théâtre de l'insurrection angevine celle qui l'avait principalement fomentée. Et à première vue c'en serait à se demander à quoi bon Richelieu eût retenu sur le chemin de Bordeaux Marie de Médicis pour la livrer à la seule qui eût réussi à armer séditieusement le duc de Mayenne. Heureusement que pour reculer la date de l'invasion au Logis Barrault de la plus pernicieuse complice de Marie de Médicis, Richelieu se voyait justement favorisé en ses médicatrices temporisations par les précautionneuses expectatives d'Anne de Montafié. Elle que nous avons vue déjà se détacher si soigneusement de toute apparence de complicité dans la fuite prématurée du duc de Mayenne ; elle si résolue à ne s'acheminer vers l'Anjou qu'avec la certitude de s'y adosser à une vraie organisation militaire, à coup sûr visait surtout à la sécurité dans la distillation de son fiel. Aussi à cet égard, et par un raffinement de sollicitude personnelle, on conçoit que, tout en acceptant d'avance pour son fils, des mains de Marie de Médicis, le titre de généralissime[61], elle ait subordonné son voyage, aux termes mêmes de cet état général qui enchaînait ses pas, à l'expresse condition de le voir d'abord revêtu de toutes les signatures du parti[62]. Or, c'est de ces délais contre lui-même si hostilement calculés qu'a l'inverse Richelieu s'attacha à corroborer autour de la reine-mère le régime d'influence médiatrice inauguré dès l'origine en Anjou par ses inféodations de famille et de clientèle. Du moins plus les Soissons, les Mayenne et les Rohan s'ingénient de près ou de loin à circonvenir dans son apanage Marie de Médicis, en y exploitant tour à tour lé levain permanent de la cabale de Chanteloube, et plus on voit au Logis Barrault se resserrer discrètement autour de la reine-mère l'état-major de l'opposition préservatrice organisée par l'évêque de Luçon, et s'accentuer dans la pénombre les attributions des Bouthiller, des d'Argouges et des Marillac. Il n'y a pas jusqu'à Richelieu dont on ne voie, dans les conseils les plus secrets de Marie de Médicis, se caractériser le rôle innomé à travers toute son industrie pour dépister les soupçons les plus contraires. En poursuivant, sous la surveillance des ambassadeurs de cour ou des propitiateurs ecclésiastiques aussi bien que des agents dé cabales se croisant dans l'antichambre de la reine-mère, fine œuvre à la fois de réconciliation et de défense ; en s'y évertuant autour d'elle, avec son alternance d'aptitudes, tour à tour à alimenter et à contenir sa force, à nos yeux et sur la foi du groupe intime qui l'assiste en sa tâche aussi ingrate que complexe, il s'y spécialise dans la haute direction des préparatifs militaires et de la diplomatie, dans le maniement du personnel et dans la surintendance des finances[63]. Il a l'œil sur les levées militaires, les mouvements de troupes et les travaux de défense. On rencontre sa main dans tous les recouvrements de deniers qui, en vertu d'une clause insérée sans doute par lui-même à l'État général, passent tous par les mains de la reine-mère, c'est-à-dire par les siennes. S'agit-il de pourvoir à de nouveaux postes, ce sont ses désignations qui prévalent. Dans la correspondance épistolaire entretenue tour à tour par Marie de Médicis avec les mécontents et avec la cour, c'est invariablement lui qui tient sa plume et parfois même celle de ses pamphlétaires à gages. C'est à lui seul que Marie de Médicis donne la parole dans les colloques avec les Montbazon et les Blainville.

 

Grâce surtout à l'impulsion aussi hardie que mesurée de l'évêque de Luçon, le parti qu'il eût souhaité de maîtriser toujours, et à qui il avait du moins imprimé son caractère originaire et maintenu définitivement son siège, acquérait par cela même tant soit peu de discipline et de concentration. On voyait affluer déjà au Logis Barrault comme en une cour plénière, il est vrai pour y accaparer distinctement Marie de Médicis, mais en reconnaissant au moins par cette collectivité dans l'orientation angevine la suprématie du seul chef incontesté par où se pût autoriser une influence contrebalançant un peu la leur ; on voyait, dis-je, affluer au Logis Barrault l'élite des grands seigneurs mécontents. En attendant la comtesse de Soissons, c'étaient pêle-mêle le duc et le grand-prieur de Vendôme, les ducs de Longueville, de Rohan, de la Trémouille, de Rohannais et de Retz, le maréchal de Boisdauphin, le comte d'Aubeterre, le cardinal de Guise, l'archevêque de Toulouse Lavalette, troisième fils du duc d'Épernon et escorté de ses deux frères Candale et Lavalette[64]. En même temps se dessinait dans cette foule compacte un vaste état-major. En première ligne c'était, avec le titre de généralissime dont se renforçait sa qualité de second prince du sang, le jeune Louis de Soissons. Immédiatement après lui, le duc de Vendôme, avec sa qualité de lieutenant général rehaussant en lui le sang d'Henri IV, ainsi que le faisait en la personne du grand-prieur, son frère, le titre de général de la cavalerie. Après les Soissons et les Senneterre, et comme pour les surveiller de plus près, venait Marillac, en somme trop inféodé aux calculs modérateurs de Richelieu et à sa fortune (car la journée des Dupes est encore loin) pour qu'en un état-major où de tels noms s'imposaient en première ligne Richelieu n'ait pas étendu le plus possible sa situation militaire, en lui conférant, avec la charge de commandant en chef de l'artillerie, celle de maréchal général, qui l'appelait à ordonnancer la distribution des finances, et qui l'autorisait au-dessus des quatre maréchaux de camp du Bellay, Saint-Aignan, Montsoreau et Senneterre. Ensuite, et à côté de Marillac, c'était l'ingénieur italien Gamorino, qui, plus tard, sous les ordres de Thoiras, se distinguera dans la défense de Cassel, et que, dès aujourd'hui, Marie de Médicis préposait en Anjou à ses travaux de fortifications. En sortant de l'Anjou pour embrasser toute la zone insurrectionnelle, on voyait le commandement supérieur se partager en deux lieutenances répondant aux deux régions divisées par la Loire : au nord, le maréchal de Boisdauphin, le duc de Longueville et le cardinal de Guise, lui-même préposé aux ducs de Bouillon, de Joinville et de Lavalette ; et au midi le duc de Mayenne ayant sous ses ordres les ducs de Rohan, d'Épernon, de Châtillon et de Nemours[65].

Pour mieux éclairer, même en Anjou, ce vaste état-major de rebelles sur une marche d'ensemble à suivre, il s'établit, d'un camp à l'autre, au moyen d'un système régulier d'espionnage installé aux portes du Louvre sous la direction de La Cochère et relié à l'Anjou par des courriers hebdomadaires, un courant continu d'informations presque aussitôt recueillies et distribuées. En même temps, partout les agents de Marillac allaient dénombrer les ressources, sonder les passages, scruter les refuges[66]. Bref, partout se propageait la cohésion du parti de la reine-mère autour des deux grands noyaux d'insurrection qui s'étaient le plus originairement formés aux deux' extrémités opposées de son apanage et sur les deux rives de la Loire.

La Normandie, on se le rappelle, avait été, depuis l'avènement de Louis XIII, le premier apanage de Marie de Médicis[67]. De là, dans cette vaste province, en sa faveur et jusqu'après l'avènement de Luynes, de persistantes avances, entretenues par la comtesse de Soissons grâce à l'intermédiaire et à titre de belle-mère du gouverneur actuel le duc de Longueville ; car le duc de Longueville à son profit y rehaussait le nom de Dunois et la considération territoriale de tout le prestige de sa magnificence et de son affabilité. C'est en opérant sur ce fond, sinon très solide, au moins très engageant, qu'au début de l'organisation du parti de la reine-mère Marillac, assisté de l'agent Casteljaloux et de Rouville, secrétaire encore fidèle du duc de Longueville, s'était assuré un solide point d'appui central en une notable fraction du Parlement de Rouen. Nous voulons parler de la forte cabale du président à mortier Leroux de Bourgthroude.

Justement, à quelques mois de là, le jeune roi Louis XIII, pressé de battre monnaie en vue des menaces d'une guerre civile, était apparu à l'improviste, avec une fidèle escorte de princes et de pairs, au Parlement de Paris, pour y imposer en lit de justice, hors la forme habituelle des présentations et remontrances, et, au mépris d'engagements donnés dans la dernière assemblée de notables, l'enregistrement d'édits bursaux sur de nouvelles créations ou transmissions héréditaires d'offices. En vain le premier président Verdun et l'avocat général Servin, au nom de collègues habitués, durant l'anarchie des guerres de religion, à s'ériger en modérateurs politiques, protestèrent hautement. Il leur fallut céder, mais en déclarant qu'ils obéissaient sans consentir,

Bientôt l'irritation causée par d'aussi arbitraires procédés gagna tout le corps judiciaire. Et vite informée de cette mauvaise humeur générale, la reine-mère l'attisa soigneusement pour se créer un point d'appui dans les parlements, sauf à les renvoyer, une fois grâce à eux satisfaite — à cet égard, il suffit de rappeler qu'elle avait Richelieu auprès d'elle —, à ses strictes fonctions judiciaires. A cet effet, tout en proposant ces mêmes parlements à l'ambassadeur Blainville comme cautions des engagements de la cour vis-à-vis d'elle, elle envoya d'abord La Cochère à l'intègre et austère procureur général Molé pour l'attirer à sa cause. Puis, et en conformité des clauses de l'État général, elle adressa, sous son seing, à toutes les cours du royaume des remontrances formées des mémoires rédigés sur les avis ou revêtues de la signature de tous les princes mécontents. Avec eux aussi l'on convint que si ces remontrances générales, autorisées de la recommandation des parlements, étaient accueillies, aussitôt on licencierait les levées militaires. Au cas d'une remise de leur examen à la conclusion d'une paix, la reine-mère y serait représentée par des ambassadeurs au choix de tous les alliés, sans que pour cela les garnisons se rompissent. Enfin, au cas d'un refus réitéré d'y obtempérer, toutes les levées entreraient en campagne[68].

C'est dans ces dispositions générales si favorables à ses vues, que durant ses premiers voyages à Rouen, Marillac, à l'aide de Rouville, avait tiré du président à mortier Leroux de Bourgthroude, bien plus vite qu'il n'avait fait du duc de Longueville, de formels engagements en faveur d e la reine-mère[69]. Par contre-coup, ce magistrat y avait puissamment autorisé sa cause dans son parlement, avec ce que lui conféraient d'ascendant et de chaleureux dehors de franchise, et une opulence accusée par le splendide hôtel portant encore aujourd'hui son nom, et par la solidité des appuis de famille. C'étaient, d'un côté, son fils, le lieutenant du baillage, Leroux de Saint-Aubin, qui, par sa détermination et par son influence, lui avait acquis un groupe imposant de sa compagnie judiciaire. C'était, d'autre part, son gendre Blancquemare du Mesnil, gouverneur du vieux palais, qui, du haut de cette citadelle, régentait avec son énergie d'ancien ligueur l'hôtel de ville. Assurément, au moyen de cette pression morale doublée d'intimidation militaire, les Bourgthroude eussent englobé vite dans le parti de la reine-mère tout le chef-lieu de la Normandie, sans l'antagonisme érigé contre eux au nom de la cause royale par le courageux premier président de Ris, de ce digne successeur des Croulant. Avec ce que sa prééminence hiérarchique et sa loyauté communicative lui valaient d'empire sur la compagnie dont ses deux collègues lui disputaient la domination, et en dépit des griefs de corps, il en rallia autour de lui les plus sûrs éléments, et par cette vigilante attitude réussit à tenir tête à la cabale adverse.

En regard d'une aussi capitale scission au sein de sa première cour de justice, et même après que sa signature, il est vrai à si grand'peine obtenue, et encore sous de craintives réserves, eût paru au pied de l'État général, on conçoit les perplexités de l'incertain duc de Longueville, et même, et vis-à-vis des deux forces rivales qui devant lui longtemps s'équilibrèrent, ses alternatifs ménagements[70]. Mais dès que, avec l'affluence des signatures au pied de l'État général, s'enhardit auprès de lui Anne de Montafié, qui n'avait pas plus retenti qu'entraîné le duc de Mayenne sur le chemin de Paris à Bordeaux, et qui n'avait qu'ajourné à Rouen les irrévocables déterminations de son gendre, sous son impulsion désormais plus accusée celui-ci s'engagea chaque jour plus avant dans le parti des Bourgthroude. Que dis-je ? une fois acculé aux dernières extrémités, et mû par ce principe de faiblesse la timidité confine à la violence, le duc de Longueville, importuné des suggestions temporisatrices de son secrétaire Liouville, qui d'ailleurs tranchaient trop sur son initiative originaire pour ne couvrir pas une trahison — et, en effet, on apprit bientôt qu'il livrait à la cour les correspondances du duc avec Marie de Médicis et le duc de Mayenne —, n'hésita pas à le poignarder de sa propre main. Puis, en convoquant à l'hôtel de Bourgthroude environ mille spadassins des plus déterminés, sous prétexte d'accompagner en sa solennelle entrée à Rouen sa jeune femme, il tenta de réduire au silence l'inébranlable groupe du premier président de Bis par un coup de main dont le succès eût été décisif, car par là toute la ville de Rouen se rangeait à l'unisson du reste de la Normandie universellement soulevée.

En effet, partout autour du duc de Longueville se multipliaient les foyers et les arsenaux de l'insurrection. Il tenait en ses mains le château de Dieppe. La ville de Caen surtout s'organisait séditieusement sous la surveillance encore lointaine de son gouverneur le grand prieur de Vendôme, aussi primordialement attaché avec son frère au duc. de Longueville, que les Soissons t'étaient aux ducs de Mayenne et de Savoie. Avant de s'acheminer en personne vers ce boulevard de la haute Normandie, le grand prieur y expédia, le 1er juillet, son lieutenant Prudent, qui en chassa le lieutenant du roi, puis occupa le château avec dix-huit cents hommes, le mit en état de défense et le remonta en munitions et en vivres. A Alençon, le parti de Marie de Médicis avait imposé en son nom la domination du gouverneur Belin. Dans la basse Normandie, Thorigny, parent du duo de Longueville et l'un de ses plus braves lieutenants, avait soulevé Granville, Cherbourg et Saint-Lô. Au Havre, Villars achevait d'assurer à la reine-mère l'occupation du cours de la Seine ; et sur tous les points de la Normandie au nom du due de Longueville, son homme-lige Matignon pressant les recrutements. En même temps, à toutes les extrémités d'une province aussi généralement révolutionnée, on voyait s'étendre l'épidémie de rébellion issue de l'hôtel des Bourgthroude. Au nord, entre les deux bassins de la Seine et de la Somme, le duc de Longueville ravivait d'anciennes accointances en son gouvernement originaire de Picardie, limitrophe de la Champagne[71]. Au sud de la Normandie et au centre du Perche, où elle accourait de Paris entre deux conciliabules, sauf à n'y apparaître que furtivement pour ne se pas compromettre avant l'heure sur la route d'Angers, la comtesse de Soissons, en se ralliant par les citadelles de Dreux et de la Ferté-Bernard aux Vendôme, autant qu'eux-mêmes par Caen et le Vendômois se ralliaient à la fois à la Normandie et au Maine, et par le Maine à l'Anjou, affermissait par eux sa domination, et déversait son venin dans toute la zone allant des rives de la Seine aux rives de la Loire[72].

Au noyau insurrectionnel ainsi condensé et agrandi sur la rive droite de la Loire par les Soissons, les Bourgthroude et les Vendôme, répondait à l'extrémité opposée de l'apanage de Marie de Médicis la confédération méridionale groupée autour du bassin de la Garonne sous les auspices du duc de Mayenne. A peine rendu le 29 mars au chef-lieu de son gouvernement de Guyenne, envisagé par lui dès l'abord comme la dernière étape de sa fuite : que dis-je ? encore haletant de la fausse alerte qui, du Louvre, l'avait jeté sur la route de Bordeaux et qu'entretenaient de malignes insinuations sur le vrai objectif de l'armée de Champagne reporté encore bien au-delà des rives de la Loire, ce chaleureux lieutenant d'Anne de Montafié brusqua par l'intermédiaire de Chanteloube consécutivement expédié d'Angers vers lui, l'alliance formelle avec Marie de Médicis, aussitôt notifiée par celle-ci à la comtesse de Soissons. Puis, grâce sans Boule à la même entremise, et après l'audience donnée par Marie de Médicis à Angers aux députés de Loudun. il consomma avec leur habile introducteur cette alliance hybride où nous nous sommes étonnés de voir s'accoupler les deux noms de Mayenne et de Rohan. Une fois même cette monstrueuse alliance contractée au grand bénéfice des accaparements de l'hérésie, et dès qu'on eut apprécié l'infériorité stratégique du bassin de la Loire comparé au bassin de la Garonne, il ne tint pas au duc de Mayenne, appuyé surtout en ses offres d'hospitalité par les sollicitations du duc de Rohan, que la reine-mère n'ait transporté jusqu'à Bordeaux son quartier-général. Et même, si à ce moment l'interposition de Richelieu retint Marie de Médicis sur le chemin de Bordeaux, à Bordeaux il ne put y conjurer le développement de sou organisation insurrectionnelle. Car, dans un intervalle des colloques avec Chanteloube, et en attendant les séditieuses remontrances préparées par la reine-mère à l'adresse du parlement bordelais, le duc de Mayenne le saisit de ses justifications pour le révolutionner au même degré que les Bourgthroude avaient fait, ou peu s'en faut, le parlement de Rouen. Mais aux rives de la Gironde.il en alla tout autrement qu'à l'hôtel des Bourgthroude. Car l'énergique magistrat normand de Ris avait à Bordeaux un digne collègue, et un collègue bien plus universellement écouté que lui-même n'avait pu l'è.tre à Rouen, en la personne du premier président de Courges, qui maintint sa compagnie judiciaire dans l'unanimité de l'obéissance. Aussi, sur l'initiative de leur chef, les magistrats de Bordeaux ne pouvaient hésiter à renvoyer à la cour sans les décacheter, les remontrances séditieuses que leur adressa Marie de Médicis, et même à décréter des poursuites contre les armements séditieux de la Guyenne. Mais à de telles intimidations le duc de Mayenne avait à opposer son lieutenant-général Roquelaure, ancien et vaillant compagnon d'armes d'Henri IV, et qu'aujourd'hui les ingratitudes réactionnaires de la régence avaient tourné vers le fils du lieutenant-général de la ligue, avec la liberté gasconne et les lucratives rancunes d'un condottieri tour à tour enrichi et négligé. Grâce aux avances de Roquelaure, le duc de Mayenne s'assujettit la ville de Bordeaux par la possession de la citadelle du Château-Trompette, et y gagna toute la noblesse de la Guyenne. Puis, en nourrissant les mécontentements qu'une frustration des honneurs du cordon bleu avait éveillés chez le vicomte d'Aubeterre, gouverneur de Blaye, il .s'assura avec lui de l'embouchure de la Gironde. Puis, au moyen du gouverneur de Fronsac, François d'Orléans, comte de Saint-Paul et oncle du duc de Longueville, il occupa le cours de la Dordogne. Et après s'être assuré avec les commissions de la reine-mère la levée d'un effectif militaire de douze cents fantassins et mille cavaliers, il les répartit dans toute la Guyenne, en colloquant spécialement dans le Quercy et surtout dans la ville de Moissac, les régiments de son neveu le comte de la Suze. En même temps, et sous les auspices de Marie de Médicis, il correspondait par Montauban, Castres et Nîmes avec le duc de Montmorency, aussi bien que, sous les auspices du duc de Rohan, il correspondait avec le groupe protestant des Chatillon et des La Force[73].

C'est ainsi qu'autour de Marie de Médicis les deux grands foyers insurrectionnels les plus immédiatement éveillés aux deux rives de la Loire, et parallèlement en Normandie et en Guyenne, allaient de là s'étendant de proche en proche, ou peu s'en faut, jusqu'aux confins de l'Anjou. Car, au nord, à travers les places de Sablé et du Mans, qui commandaient les bassins de la Sarthe et du Loir, Marie de Médicis communiquait par le gouverneur du Maine Boisdauphin avec tes Vendôme, aussi bien que par les Vendôme avec les Soissons[74]. Au nord-ouest, à travers les places de Château-Gontier et de Laval, commandant le bassin de la Mayenne, elle communiquait par le même gouverneur Boisdauphin et par les ducs de la Trémouille et de Rohannais avec la Bretagne, où le maréchal de Brissac pratiquait le Parlement de Rennes, en lui assurant à Nantes le passage de la Loire, où le duc de Vendôme ressuscitait dans la vaste clientèle de Mercœur les effervescences de la Ligue, où les Rohan contreminaient l'influence collatérale des Montbazon, et où le duc de Retz offrait à la reine-mère l'inexpugnable poste maritime de Belle-Isle[75].

Au sud de la Loire, par delà les ducs de la Rochefoucauld, de la Trémouille, d'Aubigné et de Rohan, de Rohannais et de Retz, échelonnés en Poitou devant elle, et sous le bénéfice des recrutements du frère de Rohan Soubise, et à travers les citadelles de Thouars, de Saint-Maixent, de Saint-Jean-d'Angély et de la Rochelle, Marie de Médicis donnait les mains au duc d'Épernon[76]. D'autre part, grâce au duc d'Épernon, fort d'une levée de six mille fantassins et de cinq cents cavaliers, qui portait à trois mille hommes l'effectif de la rive gauche de la Loire, et à travers les citadelles de Chinon, de Loches et d'Angoulême, commandant les bassins du Cher, de l'Indre et de la Charente, et à la fois par l'Angoumois, la Saintonge et le Limousin, elle communiquait avec le duc de Mayenne[77], aussi bien que le duc de Mayenne avec les ducs de la Force et de Châtillon. Enfin à l'orient et par delà l'enclave du Saumurois, Marie de Médicis, à la faveur de ce même poste de Chinon que lui gardait Chanteloube, et grâce à l'indéniable connivence de Sully avec les Rohan, étendait sa libre disposition du cours de la Loire, à travers l'Orléanais jusqu'aux confins de la Champagne et de la Bourgogne.

Ainsi de jour en jour, et du bassin de la Somme aux Pyrénées, la grande armée de Marie de Médicis acquérait plus de consistance et de liaison. Chaque jour elle déployait plus librement son front et ses ailes en face de l'armée royale cantonnée en Champagne, et concurremment aux diversions orientales préparées sur ses flancs à la fois par les ducs de Bouillon et de la Valette et par la maison de Savoie. Mais à cet égard, c'est surtout vers la Moselle que s'attachaient aux forces comminatoires de la Champagne les plus énergiques révulsifs sous les auspices du fils du duc d'Épernon, La Valette. Nous avons déjà vu, dès les préliminaires de la guerre civile allumée au sein de la famille royale, et durant le blocus d'Angoulême, le marquis de la Valette, en filial complice de l'organisateur de l'évasion de Blois, et en vertu d'héréditaires prétentions d'autonomie, s'assujettir au nom de Marie de Médicis le chef-lieu de son gouvernement patrimonial de Metz. Aussi, dès la reprise des hostilités traversées par la paix d'Angoulême, vit-on l'armée de Champagne, sans démentir par là d'ailleurs l'ostensible mission qui l'attachait diplomatiquement aux confins de l'Allemagne, se concentrer préventivement autour du plus solide boulevard de la Lorraine. Sur ces entrefaites, un triste rejeton d'une maison qui justement s'est immortalisée sous ce beau nom de Lorraine, un très indigne petit-fils du glorieux libérateur de cette même cité de Metz aujourd'hui, comme nous l'allons voir, révolutionnée par sa propre race, le frivole et inconsidéré cardinal de Guise, outré d'une sentence arbitrale de cour dépossédant son fils naturel d'un prieuré litigieux de ses fiefs de Champagne, et par ce honteux grief précipité dans la révolte[78], y déversa à Angers et à Metz tout le fond des secrets d'abord enlevés à Luynes sur le double objectif de l'armée de Champagne. Éclairé par cette trahison, La Valette, avisant parmi les officiers de cette ligne d'investissement se resserrant chaque jour autour de Metz et y multipliant ses intelligences, d'anciennes créatures du duc d'Épernon, s'autorisa sur eux de ces liens naturels d'inféodation militaire accrus du prestige de l'office paternel de colonel de l'infanterie française ; et, aussitôt débauchés, ceux-ci, s'introduisant nuitamment dans la citadelle de Metz, y coulèrent à leur suite environ dix-huit cents hommes. En vain les Messins, pour refouler ce flot montant d'insurrection, envoyèrent signaler à l'armée de Champagne, afin de hâter son entrée dans le reste de leur ville, ce qui y gisait des intactes ressources d'un arsenal clandestin. Mais une interception de courriers éventa cette mine. Aussitôt La Valette au profit de la reine-mère consomma le 30 juin la réduction de Metz, en effectuant au pied de la citadelle, sous l'intimidation de sa présence et sous le bénéfice d'un remaniement de la police urbaine, un désarmement universel. Puis, une fois confirmé par cette exécution militaire en ses sécurités domaniales, La Valette n'hésita plus à s'y entourer de toutes les complicités limitrophes. C'étaient, d'une part, et dans l'horizon même des remparts de Metz, ainsi que nous avons vu, le cardinal de Guise. Sans sortir de la maison dont les Guise n'étaient que les cadets, à Nancy c'était la duchesse de Lorraine, nièce de Marie de Médicis, et que cette parenté, jointe aux insinuations d'un favori des Vaudemont Bole, entrainait vers l'insurrection angevine. Plus loin et dans la principauté de Sedan, c'était le duc de Bouillon, que le développement du parti de Marie de Médicis et des pourparlers de mariage entre sa fille et le marquis de La Valette, enhardissaient chaque jour en ses dernières phases d'évolution insurrectionnelle, au point d'adresser au commandant de l'armée de Champagne, Bassompierre, un agent de corruption. De ces divers côtés, assisté avec la même ardeur sinon avec la même efficacité, ce fut à La Valette chose aisée d'assurer dans les deux villes de Metz et de Sedan d'inexpugnables asiles aux recrutements de Belgique et de Lorraine, sauf à ne les lancer de là sur les quartiers du roi qu'après leur jonction concertée avec le prince de Piémont et son jeune collatéral Henri de Savoie, duc de Nemours. Car, arrivant de Savoie tous les deux par le Dauphiné et la Bourgogne, avec les levées que le secrétaire du duc de Nemours Pasquier racolait à Genève, et en route recueillant dans le Bourbonnais les contingents de l'Auvergne, ils se devaient réunir à Mâcon, et de là ensemble par Châtillon-sur-Seine s'acheminer sur Metz[79].

A la faveur de cette diversion préparée aux rives de la Moselle sur le flanc gauche de l'armée de Champagne, l'armée de Marie de Médicis espérait se concentrer tout entière sur la Loire et marcher de là librement sur Paris. Une fois rendus à Paris, les mécontents comptaient y renverser Luynes et y rétablir, sous le nom du roi, l'autorité de la reine-mère ; et puis, sous cette autorité se partager le royaume. Et tout cela avec ces vagues promesses de délivrance du roi et de suppression du favoritisme, de réforme de l'État et de soulagement du peuple, prodiguées alors dans tous les pamphlets à l'adresse de Luynes (car Luynes a eu aussi lui ses Mazarinades)[80], et qui, dans nos vicissitudes sociales, ont encore moins agité que déçu nos populations depuis la Ligue du bien public jusqu'à la Fronde. Mais depuis la Ligue du bien public nulle insurrection n'avait encore semblé aussi formidable. Car jamais la royauté n'avait encore vu se dresser en face d'elle un parti embrassant les deux tiers de la France, muni d'alliances extérieures et s'autorisant du nom d'une reine-mère et d'un second prince du sang ; un parti amalgamé de protestantisme et de fronde, et comptant dans son sein un futur grand ministre et un grand capitaine, sept ducs et pairs, dix-sept grands officiers de la couronne et dix mille gentilshommes ; un parti occupant autour d'un siège central, et grâce à un réseau de forteresses par où tous les cours d'eau se communiquaient, une lisière de provinces maritimes de deux cents lieues, allant de Dieppe à Bayonne et de la Seine à l'Adour ; un parti enfin qui s'avançait par Rouen jusqu'à trente lieues de la capitale[81], et qui pour s'ébranler n'attendait plus que l'arrivée en Anjou des Soissons.

 

 

 



[1] Le dénouement de cette première grossesse fut la venue d'un enfant qui n'a pas vécu. Mais une seconde grossesse aboutit à la naissance, au donjon de Vincennes, de la célèbre duchesse de Longueville.

[2] Ou celle d'une dernière fille récemment entrée en religion. Cette offre alternative était nécessairement subordonnée à la non-réalisation du projet de mariage connu à Angoulême par Marie de Médicis pour le duc de Mayenne, avec une de ses nièces de la maison de Mantoue.

[3] Surtout lors des pourparlers en vue des négociations d'Angoulême, qui tenaient en suspens l'assiette du douaire de Marie de Médicis.

[4] En ce qui est de l'acquisition de la Provence, les tentatives de Luynes échouèrent absolument devant la résistance du duc de Guise.

[5] Où Marie de Médicis, dit-on, l'aurait même alléché par l'offre de sa propre main.

[6] Dès le lendemain de la clôture de l'entrevue de Cousières, le prince Victor-Amédée et son épouse prirent congé du roi pour s'en retourner en Piémont. Mais le prince partit le premier pour aller se mettre en mesure d'y recevoir son épouse, qui dut le suivre à petites journées. Avant le départ de Christine, on avait jeté les yeux sur le maréchal de Lesdiguières, en sa qualité de gouverneur du Dauphiné contigu à la Savoie, pour accompagner jusqu'au terme de son voyage plus honorablement cette fille de France. Mais les princes et les grands ayant pris ombrage d'un tel choix, on en vint à commettre cet office au grand prieur en sa qualité de prince du sang royal ; et c'est dans cette délégation que nous apparaît l'œuvre de la comtesse de Soissons, pressée de lier les Vendôme avec la cour de Savoie. Le grand prieur de Vendôme s'achemina vers l'Italie en société de sa belle-sœur, la duchesse de Vendôme, et nécessairement tous les deux séjournèrent quelque temps à la cour de Turin.

D'après les mémoires de Brienne, le prince de Piémont Victor-Amédée se serait arrêté à Angers pour y voir Marie de Médicis une fois installée au chef-lieu de son apanage. Cette attestation concorde avec celle de Duplessis-Mornay qui, dans ses correspondances, mentionne vers la même époque le passage à Saumur du prince Victor-Amédée, sous le prétexte d'y accomplir ses dévotions au sanctuaire des Ardilliers.

[7] Peut-être à leur tour les Vendôme songèrent-ils à attirer à eux leur oncle, le turbulent marquis de Cœuvres, ambassadeur à Rome, et ami des Soissons et des Mayenne. On dit même que ce dernier songea à céder au commandeur de Sillery son poste diplomatique, afin de venir rejoindre ses deux neveux, à la veille d une guerre civile où il y aurait à gagner pour lui un béton de maréchal.

[8] Richelieu, t. XXII. p 61, et t. XXI, notice de Petitot, p. 33. Pontchartrain, pp. 411-113. — Fontenay-Mareuil, p. 141. — Rohan, pp. 516-517. — Brienne, eod., p. 136, et t. XXXVI, p. 7. — Deageant, p. 48. — Mém. de Matthieu Molé (publ. de la Société d'histoire de France), p. 242. — La nunz di Fr., 22 mai, 9-17 juillet 1619 et 17 janvier 1620. — Vitt. Siri, eod., pp. 79, 105-106, 140, 193-194, 271-273. — Marillac. p. 5. — Coll. Dupuy 72, pp. 136 r. et v. — Disparc. degl. amb. venez., 17 mars, 8 août, 17 septembre, 2 et 17 octobre 1819. — Arch. des aff. étr., fr. Fr., n° 773, f° 15. — Roncoveri, pp. 289, 305. 308 et 312. — Mourgues, Lumières pour l'histoire de France, p. 39. — Levassor, pp. 837-838, 407-109. — Bazin, p. 25.  — Henri Martin. pp. 112-119. — Mme d'Arconville, pp. 20-22. — V. Cousin, 7 septembre 1861, pp. 127-129 : janvier 1862, p. 348. — Avenel, p. 91. — Hist. du connétable de Lesdiguières, p. Louis Vidal (Paris, 1666, p. 103).

[9] Bibl. nat., F. fr., 98, 3811, 3818. — Levassor, t. III, 1re partie, p. 401. — Arch. des aff. étr., F. fr., eod., 15 février 1620.

[10] Vitt. Siri, t. XXXV, pp. 78, 79, 81, et 20e partie, p. 181 et 188. — Rev. de pièces, etc., par Matth. de Mourgues, p. 31. — Marillac, p. 45. — Dispacc. deql. amb. venez., 26 novembre et 21 décembre 1619 et 17 mars 1620. — Arch. des aff. étr., F. fr., n° 772, f° 193 et 215 ; n° 773, f° 1. — Arch. nat., carton 232. f° 19. — Roncoveri, p. 196. Henri Martin, p. 143. — Dariste, p. 60. — Mme d'Arconville, eod., pp. 31 et 34-36. — Vie du cardinal duc de Richelieu, pp. 57 et. 61. V. Cousin, juin, pp. 347, 360 et 531 ; octobre, passim. — Avenel, p. 101.

[11] Richelieu, pp. 33 et 34, passim. — Marillac, p. 2. — Arch. des aff. étr., F. fr., n° 772, f° 141, 146. 150, et n° 773, f° 4 et 5. Arch. nat., carton M, 233. — Hervé, p. 211. — Advis à la Royne Mère du Roy, sur les présentes occurrences, 1630 (Mazarine, 36-82), pp. 3-8. — Batterel, n° 42 et 76. — L'abbé Gouzet, n° 13. — Mme d'Arconville, p. 30. — L'abbé Houssaye, p. 291. — Le P. Griffet, p. 253, — V. Cousin, eod., mai 1861, passim. — Avenel, p. 401.

[12] Le médecin Vauthier, après la journée des Dupes et toujours de concert avec Chanteloube, contribua fort à brouiller définitivement Louis XIII et Richelieu avec Marie de Médicis. Dès 1620, il était à Angers auprès d'elle, ainsi que l'atteste au livre du trésorier d'Argouges une mention d'honoraires figurant sous son nom.

[13] Marie de Médicis se plaignait surtout de l'ordre donné au marquis de la Valette de transférer à Verdun les poudres de Metz et du sursis imposé dans l'organisation annuelle de cette dernière ville.

[14] Marillac : Après les voyages à Angers de Marossani et de l'abbé de la Cochère, conviant la reine-mère de la part de son fils de le venir rejoindre à Paris, et sur les conseils de Richelieu, celle-ci n'attendait plus que le duc de Montbazon pour la conduire à Paris. — Mais il succéda autrement, les chevaux du bon duc se trouvant enclouez, la Choisy lui refusa congé, ou quelques autres empêchements... intervinrent, tant y a que les belles paroles de Marossan n'eurent pas de suite, et celles du sr de la Cochère point d'advis, ainsi il parut très-clairement que la Royne feroit déplaisir au Roy et à Mons. de Luynes d'aller à la cour, et qu'elle eu desuit retirer sa pensée.

[15] Richelieu, pp. 64-65, 191. — Pontchartrain, p. 411. — Journal d'Arnaud d'Andilly, f° 90. — Mercure français, t. IV, pp. 268-269. — Vitt. Siri, 2e partie, pp. 211-212. — La nunz. Fr., 2 janvier 1620. — Coll. Dupuy, eod., p. 131 v. — Dispacc. degl. amb. venez., 7 janvier 1620 et 3 septembre 1619.— Marillac, p. 4. — Matth. de Mourgues, passim. — Vérités chrétiennes au Roy très chrétien (Bibl. nat., imprimé L b2, attribuée par le P. Lelong à Matth. de Mourges). — Essai sur la vie et les œuvres de Matthieu de Mourgues, abbé de Saint-Germain (1582-1670), p. M. Perraud Le Puy. — Dupleix, p. 130. — Levassor, pp. 636-637. — Bazin, p. 331. — Avenel, p. 95.

[16] Au dire même de l'ambassadeur vénitien, qui en cela d'ailleurs n'est qu'un écho des rumeurs de cour, il n'eût pas tenu aux pratiques du duc de Mayenne que, au cas échéant, dès l'année 1620, le Parlement ne se fût opposé à la vérification des titres conférés à Luynes.

[17] Suivant l'ambassadeur vénitien, Condé n'avait fait que mettre en circulation les sinistres rumeurs concernant la liberté du duc de Mayenne, afin de le pousser par là lui-même à la fuite, et de s'assurer ainsi autour de lui le champ libre, une fois débarrassé du turbulent personnage. Mais, encore une fois, nous nous en tenons à notre manière de voir, qui nous semble se conformer davantage au caractère du prince de Condé. Sur ce point, d'ailleurs, les informations de l'ambassadeur vénitien sont trop contradictoires pour qu'elles nous inspirent une sérieuse confiance. Cette dernière information, d'ailleurs, n'est donnée que comme un on-dit.

[18] Cette lettre est insérée tout entière dans le Mercure français.

[19] La lettre du roi était suivie de lettres conformes de Luynes et de Pontchartrain. — Le duc de Mayenne répondit à la lettre du roi par un renouvellement des fleuries protestations obséquieuses.

[20] Les villes de Saunier et de La Flèche ne furent-elles pas mime au nombre de celles dont les garnisons, dépassant les instructions royales, prirent les armes et montèrent la garde ? C'est très possible ; néanmoins, on ne saurait l'affirmer. — Richelieu, t. XXII, pp. 42-43. — Pontchartrain, p. 411. — Fontenay-Mareuil, p. 145. — Arnaud d'Andilly, t. III, f° 4. — La nuit ; di Fr., 31 mars et 8 avril. — Mercure français, t. IV. pp. 263-1270. — Vitt. Siri, t. XXXV. pp. 88. 97 : 20e partie, pp. 206-207. — Marillac. pp. 5. 8 et 9. — Dispacc. degl. amb. venez., 31 mars, et 14 avril, ti mai 1620. — Chartrier de Thouars (dont nous devons la communication à la gracieuseté de M. de la Trémouille) : Lettres de Marie de la Tour, duchesse de la Trémouille (1604-1662) ; A Thouars, ce 6 avril 1621. — Roncoveri, p. 305. — Gramond, p. 281. — Griffet. p. 265. — Levassor, p. 5472. Dupleix, p. 133. — Bazin. p. 361. — Henri Martin, p. 159. — Dariste, p. 65. — Mme d'Arconville. p. 37. — V. Cousin, septembre 1861, pp. 532-533. — Hist. des ducs de Guise, p. Bouillé, p. 386.

[21] Richelieu, t. XXI, pp. 195-196. et t. XXII, p. 64. — Pontchartrain, pp 411-413. — Fontenay-Mareuil, pp. 144-145. — Mercure français, p. 170. — La nunz di Fr., 20 janvier, 12 et 26 février, 8 avril, 20 mai, 17 juin, 1er, 7 et 9 juillet 1620. — Vitt. Siri, t. XXXV, pp. 105, 127 et 146. — Arnaud d'Andilles, p. 3. — Marillac, Etat général, p. 21. — Dispacc. degl. amb. venez., 17 décembre 1619 ; 31 mars, 18 février, 11 avril, 2 juillet 1620. — Arch. des aff. étr., 15 février, f° 12. — Marillac, p. 4. — Gramond, p. 281. — Levassor, t. III, 2e partie, pp. 541 et 627. — Griffet, p. 258. — Bazin, p. 365. — Henri Martin, p. 150. — Mme d'Arconville, pp. 44 et 51. — V. Cousin, septembre 1861, pp. 527 et 529 ; octobre, pp. 626 et 627. — Rec. andeg. Pandictæ, de cl. Ménard (mss. 875 de la Bibl. d'Angers), t. II, p. 94 v.

[22] Voir, aux pièces justificatives, n° IV, la teneur de l'Etat général et la formule du serment d'union avec quelques spécimens d'adhésions.

[23] Ces dépêches chiffrées ou n'existent plus ou sont devenues introuvables ; mais il est certain que le prince de Piémont les exhiba à son intime confident l'ambassadeur vénitien.

[24] Richelieu, t. XXII, p. 58. — Pontchartrain, pp. 412-413. — Rohan, pp. 516-517. — La nunz di Fr., 20 mai, 3 et 17 juin, 20 juillet 1620. — Dispace. degl. amb. venez., 31 mai, 9 et 24 juin 1620. — Arch. des aff. étr., n° 773, f° 187 et 189. — Arch. nat., carton 232. — Levassor, t. III, 2e partie, pp. 539-540. — Le duc et connétable de Luynes, octobre 1861, passim.

[25] Marillac : Le seing de Mons. du Mayne sur les articles de la liaison, lequel il avoit donné à yeux clos.

[26] Pontchartrain, pp. 402-413. — Fontenay-Mareuil, p. 41.

[27] Quelles que fussent néanmoins les dispositions du duc d'Epernon à l'égard de Luynes au moment de l'arrivée en Anjou de Marie de Médicis, il s'abstint de publier dans son gouvernement la Déclaration du 9 novembre, en faveur du prince de Condé, avant d'avoir là dessus consulté sa souveraine. Nous ignorons la réponse de Marie de Médicis.

[28] Marillac : Mons. d'Epernon se trouva avoir mal à la main dont on écrit.

[29] Pontchartrain, pp. 412-413 — Bassompierre, pp. 127-128. Rohan, p. 514. — Brienne, passim. — Coll. Dupuy, extrait, etc., passim. — Marillac, p. 16. — Despacc. degl. amb. venez, 17 mars 1620. — Arch. des aff. étr., n° 772, p. 163-164. — Dupleix, pp. 116-117, 133. — Levassor, t. III, 1re partie, pp. 596 et 638 ; 2e partie, pp. 166 et 173. — Dariste, p. 57. — Mme d'Arconville, t. III, p. 46. — Batterel, t. I, L III, n° 10. — Gerard, Vie du duc d'Epernon, pp. 291-295 ; 346-347.

[30] Pontchartrain. pp. 409 et 412-414. — Rohan, p. 516. — Marillac, pp. 6 et 15. — Coll. Dupuy, eod., p. 135. — Roncoveri, p. 317. — Gramond, pp. 285, 291-295. — Hist. de la maison de Montmorency, p. M. Desormeaux (Paris, 1764, t. III), p. 213.

[31] Pontchartrain, pp. 412,-413. — Bassompierre, p. 132. — Marillac, pp. 7 et 15. — Coll. Dupuy, eod., pp. 134 v. et 135 r. — Despace. degl. amb. venez, 7 et 16 juillet 1619. — Dupleix, p. 140. — Levassor, t. III, 2e partie, p. 589. — d'Arconville. t. III, p. 54. — V. Cousin, novembre 1861, p. 706. — Le duc de Bouillon, d'après des documents inédits, p. Auguste Lauduel, t. II (Revue des Deux-Mondes, janvier-février 1877, passim).

[32] Il y était d'ailleurs appelé par des difficultés pendantes devant le présidial d'Angers, au sujet de son acquisition du fort du Dognon.

[33] Telle nous apparaît du moins, ainsi qu'à l'excellent historien Gramond, la seule manière de concilier, sur cet incident des relations de Marie de Médicis avec l'assemblée de Loudun, les absolues dénégations de Richelieu, si sévèrement appréciées par Cousin, avec le récit accusateur du duc de Rohan : il faut admettre à la fois, de la part de Marie de Médicis, et la réalité d'un engagement verbal, et le défaut d'une signature. — Richelieu, t. XXI, p. 178, et t. XXII, p. 41 ; et notice de Petitot, p. 33. — Rohan, pp. 515-516. — Deageant, p. 126. — La nunz. di Fr., 7 septembre. 24 octobre et 7 novembre 1619 ; 17 janvier, 10 avril et 1er juillet 1620. — Vitt. Siri, 20e partie, passim. — Phil. de Mornay, Lettres et Mém., pp. 271-311. — Marillac, pp. 6 et 7. — Dispacc. degl. amb. venet., 1er et 31 mars. — Manifeste de Mme la duchesse de Rohan (Fond St-Victor), 1081. Pl 220. — Roncoveri, pp. 297, 303, 322 et 323. — Gramond, p. 289. — Dupleix, p. 133. — Levassor, p. 471 et passim. — Bazin, p, 365. — Henri Martin, pp. 157-160. — Mme d'Arconville, pp. 32, 93, 43, 46. — Vie du cardinal-dut de Richelieu, pp. 54 et 60. — V. Cousin, juin, p. 349 : juillet, pp. 446, 448, 452 ; septembre, pp. 526- 527, 531 ; novembre, p. 706. — Arch. de la maison de Condé (dont Monseigneur le duc d'Aumale a bien voulu nous octroyer la gracieuse communication) : Recueil de Lettres, t. 296. — Bibl. nat. Z, 2184, k. 15. Recueil Z, p. 75. — Hist. de Henry, duc de Rohan, pair de France (elzévir attribué à Fauvelet du Toc), pp. 31, 33, 39, 40. La France illustrée, ou le Plutarque français, p. M. Turpin, t. II (Paris, 1780). — Henri de Rohan, pp. 28 et 31. — Henry de Rohan, p. Auguste Laugel (1889), pp. 87-90. — Hist. de l'Edit de Nantes (Deft, 1693), t. II, pp. 272, 288-289, 291 et passim. — Vie de messire Philippes de Mornay, p. 529. Louis XIII et le Béarn, p. l'abbé Puyol (Paris, 1872), pp. 481-482. — Journal de Jehan Louvet (Rev. d'Anj., 1855), t. II, p. 5.

[34] Même à raison du silence gardé sur lui par les mémoires contemporains de la coll. Petitot.

[35] Marillac : La liaison fut arrestée avec deux sortes de gens, les uns pour servir à des couvert... au delà de la Loire... de Sully (p. 12).

[36] Marillac, p. 27. — Lettres et Mém. de messire Philippes de Mornay, t. II, p. 256. — Vie de messire Philippes de Mornay, p. 530.

[37] Mémoires authentiques de Jacques Nompar de Caumont, duc de la Force (publ. La Grange, t. II), pp. 106-108, et t. IV : Mémoires du marquis de Montpouillan, pp. 39-63. — V. Cousin, novembre, 1861, p. 705).

[38] Arch. des aff. étr., F fr., 773, f° 67, 84, 165-166.

[39] Œuvres complètes de Théodore Agrippa d'Aubigné (publ. Beaume et de Caussade, Paris, Lemerre), t. 1 (1873) : Sa vie à ses enfants, pp. 95-96. — Histoire du sieur d'Aubigné (Cologne, 729), pp. 135-136. — Henry de Rohan, p. A. de Langel, p. 90.

[40] Marillac, p. 27.

[41] Jehan Louvet, passim.

[42] Seconde partie de l'histoire de Sablé, p. Gilles Ménage (Le Mans, Monnoyer, 1844), p. 57. — Jehan Louvet, p. 4.

[43] Pontchartrain, p. 412. — Mém. fr., pp. 274-282. — Dispacc. degl. amb. venez., 12 mai, 22 juillet, 1er août. — Lettre mss. in-f° signée sur velin à Lesquille Bouchaire, Angers, 28 juillet 1620, dont nous devons l'obligeante communication à notre ami André Joubert. — Collection Dupuy, 92. — F. Colbert, 500. — F. fr., 3802, 57. — Jehan Louvet, t. II, f° 26 et 49. — Marillac, pp. 11. 16, 18, 27-29, 31, 37. — Arch. des aff. étr., F. fr., 773, f° 52. — Malingre, pp. 621 et 644. — Gramond, p. 288. — P. Griffet, p. 259. — Mairie d'Angers, Archives anciennes EE. Guerre entre Louis XIII et Marie de Médicis (feuilles volantes trouvées dans les greniers de la mairie par l'archiviste M. Aubert), pièce 2. — Archives historiques du Poitou, t. XIV, 1863, n° 161. — Louis XIII et le Béarn, p. l'abbé Puyol (Paris, 1872), p. 482.

[44] Cette démarche dans sa complexité ressort, suivant nous, des termes en apparence contradictoires du passage suivant de la vie de Duplessis-Mornay : Mr de Lusson, qui seul pouvoit tout auprès d'elle [Marie de Médicis] leur fit cet honneur de les visiter [les trois filles de Duplessis-Mornay] et vouloir qu'elles creussent qu'il s'ouvrait à elles. Mais les propos revenoient là, que M. du Plessis se gardait de mesprendre, et ne fairoit pas pour le service de la Royne tout ce qu'elle pouvait, mais qu'elle était tant persuadée de sa probité et ai resolue dailleurs à ne chercher que le bien du Roy et de son Estat, qu'elle signerait yeux clos tout ce qu'il en diroit et lui bailleroit carte blanche.

[45] Lettres et Mémoires de Duplessis-Mornay, pp. 239, 242, 250-251, 259, 261. — Vie de messire Philippes de Mornay (Leyde, Elz., 1647), pp. 499-501, 567, 529-531.

[46] Etat général. — Journal de Jehan Louvet : Rev. d'Anj., 1855, t I, pp. 314-318 ; t. II, pp. 2, 4-6, 8, 9-11 ; 15, 17-18 ; 24. 29 ; 35, 40, 46. — Rangeard, mss. 893, pp. 358-360, 366. — Descr. de la ville d'Angers, p. Péan de la Tuillerie (publ. C. Port), pp. 363, 364-366, 526-527. — Grandet, N.-D. Angevine, mss. 620 ; Le Calvaire d'Angers, p. 22 r. — Philandinopolis, de Bruneau de Tartifume, mss. 870, pp. 50 et 51. — Journal de Lehoreau, p. 818. — L'ami du Secrétaire, de Brossier (mss. 656), p. 162. — Album de l'Anjou et du Maine : le Logis Barrault, p. V. Pavie. — Bulletin historique et monumental de l'Anjou, p. Aimé de Soland (1re année, 1852), n° 14, p. 224. Rev. d'Anj. (nov. 1863) : L'Hôtel Lancreau, p. M. C. Port. Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire, t. XVI, 1864, p. 7.— Archives de Maine-et-Loire, supplément à la série E, arrondissement de la ville d'Angers, registre de la paroisse de Saint-Jean-Baptiste, pp. 89, 98, 118, 129, 141, 159, 221, 272, 284, 302, 313.

[47] C'étaient surtout Richelieu, Marillac, Pontcourlay, Sardini et Charmel.

[48] Cette diplomatie tournante du grand duc de Florence, à nos yeux, explique seule les contradictions par nous relevées sur son attitude dans la guerre intestine de 1620, entre les dépêches du résident florentin Gondi et les relations contemporaines de l'historien Roncoveri.

[49] En vertu d'ordonnances dont un échantillon est ci-joint aux pièces justificatives, n° V.

[50] Marillac : Par le bon soin de Monsieur de Lusson, plus de deux millions délivrés dans les coffres de la Royne où trois semaines auparavant il n'y avoit pas un escu. — On lit dans la Trésorerie générale, etc., à la clôture du compte de l'année 1620 : Et la recepte monte deux millions deux cent soixante treize mil montant quatre livres huit sols. — Richelieu. t. XXI. p. 194 ; t. XXII, pp, 32, 33, 31, 92. — Pontchartrain, p. 411. — Mercure français, p. 322. — La nunz di Fr., 15 juillet 1620. — Dispacc. degl. amb. venez., 21 janv., 9 juin. '7 septembre 1620. — F. Colbert, 500, t. II. pp. 47-48. Coll. Dupuv, 92. pp. 178, 179 y. — F. fr., 3812, f° 50. — Marillac, pp. 12, 17 -et 22. — Arch. des aff. étr. F. fr., 772, P 150 ; 773, f° 10, 41, 43, 46. 51, 52, 62 et 155. — Mss. de Godefroy, bibi. de l'Institut. — Trésorerie générale de la Rogne mère du roy, pour l'année finie le dernier décembre mil six cent vingt, Me Florent Dargouges, trésorier (Arch. nat., maison de Marie de Médicis, 1630, KK, 187. — Malingre, Hist. des Guerres de Louis XIII, passim. — Dupleix, passim. — Mathieu de Mourgues, Remontrances du Caton Chrestien, p. 20. — Œuvre d'Estienne Pasquier, Lettres de Nicolas Pasquier, t. II, Amsterdam. 1723 ; Lettre 16, p. 1355. — Le p. Griffet, p. 256. — Levassor. p. 562. — Dareste. p. 66. — Mme d'Arconville, t. III, pp. 34. 63. — V. Cousin, septembre 1861, p. 530 ; novembre 1861, p. 705. — Jehan Louvet, t. II, p. 42.

[51] Marillac : Dans l'étendue de son voysinage [il s'agit de la reine-mère], tous ceux qui pouvoient l'assister promptement furent mandez, les paroles prises et données à qui d'un régiment, à qui d'une compagnie de gens de pied, à qui de cavalerie, et à tous pour les pouvoir assembler à point nommé.

[52] Pontchartrain, p. 12. — Fontenay-Mareuil, p. 53. — Brienne, P. 341. — Mercure français, pp. 274 et 282. — Lettres du cardinal Bentivoglio, 9 juillet 1620. — Marillac, pp. 11 et 15. — Dispacc. degl amb. venez., 12 mai et 1er août 1620. — Arch. des aff. étr., F. France, 773. f° 52. — Levassor, p. 572. — P. Griffet, p. 259. Mme d'Arconville, p. 53. — Vie de messire Philippes de Mornay, p. 533.

[53] Marillac, p. 12 : Tout ce qui se put faire de préparatifs se fit soubz le soin de Mons. de Lusson qui sans doubte eut seu aussi bien courageusement manier les interests de la Reyne dans le trouble jusques au bout de sa carrière, qu'il avoit fait dans la tranquillité si la venue des grands auprès d'elle ne luy eust lié les mains... La Royne avoit besoin de ce serviteur ; son adresse, sa prévoyance, sa vigilance et son affection luy estoient nécessaires, sans luy elle n'eut pas fait la moitié de sa carrière.

[54] Marillac, pp. 8-11 : Les armes se dérouillèrent en Anjou avec trop grande discrétion... [On connut] la faute... de ne le pas prévenir [Luynes] aux conspirations qu'il alloit faire, chacun estoit bien d'accord qu'il reculoit pour mieux sauter, et opinoit de faire davantage, mais cette bonne mère ne pouvoir se resoudre à tourner les armes contre son fils, quoyque ce fut pour luy autant que pour elle qu'elle se préparoit à les prendre ; elle se contenta donc de disposer un armement pour ne s'en servir qu'en cas de necessité. Mons. de Lusson luy mesme fust contraint de crier aux armes... mais avec cette reserve pourtant de ne prétendre qu'à la deffensive. — Mercure français, p. 272.

[55] Marillac, p. 12 : Je n'oublieray pas à vous dire que la première condition qui fut mise en ce grand et misérable complot estoit que nul ne mettroit aux champs ny ses discours ny ses armes, que quand et comment il auroit l'ordre de Sa Majesté. Cette bonne et vertueuse mère ne pouvait avaler ce calice et faire seulement quelque chose qui eût semblant de révolte contre son fils.

[56] Etat général.

[57] Marillac : De toutes les places d'Anjou, Sablé seul estoit à la Reyne. Encore par le maréchal de Boisdauphin [ponctuation, sic] il falloit donc s'asseurer des autres ou par industrie ou autrement. A cela le mesme Mons. de Lusson sçeut si dextrement travailler que de toutes il s'asseura le moyen d'en devenir maistre pour elle [Marie de Médicis] quand il en seroit temps.

[58] Nous résumons ici le plaidoyer en faveur de la retraite sur Bordeaux, tel que nous l'a transmis l'historien Gramond, après l'avoir recueilli de la bouche même du duc de Rohan.

[59] Marillac : Avec Noss. d'Espernon, de Rohan, de Retz, de Roannais et de la Trémouille, il fut arresté qu'ils tiendraient leurs places et leurs amys en estat pour recevoir la Royne au cas qu'elle eut à repasser l'eau. — Rohan, p. 516. — Gramond, pp. 283-290. — Marillac, pp. 11 et 21. — Jehan Louvet. p. 15. — Hist. d'Henry, duc de Rohan, pair de France, p. Fauvelet du Toc (Elz., 1666), p. 43. — Levassor, pp. 572-573. — Bazin, p. 365. — Hist. de l'Edit de Nantes, pp. 291-292. — V. Cousin, 4e art., p. 626, et 6e art., p. 709. — Henry de Rohan, p. A. Laugel, p. 90.

[60] Etat général.

[61] Marillac : Mons. le Comte de Soissons fut déclaré général d'armée (p. 28). — La nunz di Fr., 13 juillet 1620. — V. Cousin, mai 1868, p. 315.

[62] Etat général.

[63] Marillac : Tout ce qui se peut faire de préparatifs se fit soubz le soin de Mons. de Lusson (p. 11)... Mons. de Lusson ne se voulait mettre que des recouvrances... Richelieu avoit pour la conduitte générale des affaires et pour le maniement des bons et mauvais esprits, tout le faix sur les épaules (p. 12). — Etat général. — Math. de Mourgues, Rec. de pièces, etc., pp. 12 et 13. — Lumières pour l'hist. de France, p. 33. — Vrais et bons advis du François fidèle, p. 24.

[64] Nous ne mentionnons pas dans ce groupe le duc d'Epernon lui-même, dont la présence à Angers, en 1620, n'est mentionnée dans aucun historien de première main. C'est qu'en effet la fière attitude d'aparté qu'il avait adoptée dès le début de l'insurrection, dut le tenir systématiquement éloigné de cette cour angevine où ne l'eût rehaussé nulle supériorité hiérarchique. — Brienne, p. 339. — La nunz di Fr., 20 mai 1620. — Lettres du cardinal Bentivoglio, 19 juillet 620. — Vitt. Siri, pp. 80 et 127. — Marillac, pp. 4, 6, 7, 28 et passim. — Dispacc. degl. amb. venez., 31 mai, 7 et 14 juillet 1620. — Arch. des aff. étr., F. fr., n° 773, f° 22 et 147. — Ludovici XIII Itinerarium (Boterius, Parisiis, 1621), p. 3. — Rec. andeg. Pand., pp. 94 r. et y. 195 y. — Math. de Mourgues, Rec. de pièces, p. 13. Gramond, p. 284. — Mme d'Arconville, passim. — Bazin, pp. 14 et 335. — Dareste, p. 66. — Lettres et Mém. de messire Philippes de Mornay, p. 369. — Girard, Vie du duc d'Epernon, passim.

[65] La nunz di Fr., 15 juillet 1620. — Marillac, pp. 28, 31 et 42. — Dispacc. degl. amb. venez., 2 juillet. — Arch. des aff. étr., F. fr., 773, P 182. — V. Cousin, mai 1862, f° 315. — H. Martin, p. 161.

[66] Etat général.

[67] Elle y avait même préposé le maréchal d'Ancre à titre de lieutenant général.

[68] Etat général. — Arch. des aff. étr., F. fr., n° 773. — Mém. de Math. Molé (publ. de la Soc. d'hist. de Fr.). p. Aimé Champollion-Figeac, pp. 236 et 237, et en n. Gramond, p. 287. — Dupleix, p. 124. — Levassor, p. 582. — V. Cousin, passim.

[69] Marillac : De luy, de son gendre et de son fils Marillac avoit eu la foy et la parole pour le service de la reyne.

[70] Marillac : Tous deux [le président à mortier Bourghtroude et le premier président de Ris] estaient nécessaires à Mons. de Longueville. Partant pour les conserver il ne se trouva pas de meilleur expédient que de les tromper en assurant l'un que l'autre n'avoir point de part en leurs entreprises, et l'on feroit avec chacun d'eux à part. — Floquet, Histoire du Parlement de Rouen (1815), t. IV, p. 337. — V. Cousin, mai 1861, pp. 301 et 302 : juin, p. 628 ; octobre, p. 635 ; novembre, pp. 606-607 ; novembre 1862, p. 301.

[71] Pontchartrain, p. 111. — V. Cousin, 9 novembre 1861, p. 706.

[72] Mercure français, p. 273. — Vitt. Siri, p. 149-150. — P. Griffet, p. 259. — Bazin, p 365. — V. Cousin, novembre 1861, p. 797.

[73] Pontchartrain, pp. 412-114. — Fontenay-Mareuil, p. 153. — Arnaud d'Andilly, f° 4. — Mercure français, p. 274. — Vitt. Siri, pp. 97-150. — Reg. secr. du Parlement, 16 avril, 18 et 20 juillet 1620. — Arch. des aff. étr. F. fr., 773, f° 187. — Roncoveri, p. 307. — Gramond, pp. 238, 281, 287-296. — Malingre, p. 642. — Dupleix, p. 133. — P. Griffet, p. 257. — Levassor, p. 563-572. — Ludovici XIII Itinerarium, p. 14. — V. Cousin, septembre, p. 533, et novembre, pp. 706-709. — Mme d'Arconville, p. 51. — Vie du duc d'Epernon, p. 349.

[74] Richelieu, p. 64. — Mercure français, p. 273. — Vitt. Siri, p. 150. — Dispacc. degl. amb. venez., 22 juillet 1620. — Levassor, p. 562. — V. Cousin, novembre, p. 707. — Jehan Louvet (1855), p. 47.

[75] Pontchartrain, p. 414. — Marillac, pp. 7 et 19. — Gramond, p. 295. — V. Cousin, octobre 1861, p. 626.

[76] Pontchartrain, p. 414 — Rohan. p. 515. — Mercure français, p. 273-274. — Vitt. Siri, p. 150. — Gramond. p. 288. — Malingre, p. 613. — P. Griffet, p. 259. — Bazin, p. 365. — V. Cousin, novembre 1861, p. 707. — Vie de messire Philippe de Mornay, p. 532. — Rev. and. Pand., f° 94 v.

[77] Sur la foi de Marillac nous pouvons mentionner encore à la suite de la reine-mère, au nombre de ses partisans d'outre-Loire, les sieurs de Saint-Geran, comte de Cramail, d'Estissau, de Polignac, sans compter un grand nombre d'autres que lui-même passe sous silence. — Pontchartrain, p. 414. — Rohan. p. 515. — Mercure français, p. 274. — Vitt. Siri, p. 277. — Gramond, p. 285. — Dupleix, p. 131. — P. Griffet, p. 250. — Levassor, p. 563. — Hist. du duc d'Epernon, p. 316. — Ludovici XIII Itinerarium, p. 14. — V. Cousin, p. 707. — Hist. de l'Edit de Nantes, p. 296.

[78] Dès la fin de 1619, le cardinal de Guise avait déjà trahi de mauvaises dispositions envers la cour, en refusant de figurer sur la liste de promotion de l'ordre du Saint-Esprit.

[79] Mém. de Richelieu, t. XXII, pp. 72-73. — Pontchartrain, p. 414. Fontenay-Mareuil, p. 148. — Brienne, p. 341. — Mercure français, pp. 214, 282, 322, 348. — Vitt. Siri, pp. 157-159. — Nunz di Fr., 11 avril 1619. — Dispacc. degl. amb. venez, 7, 22 juillet et 22 août 1620. — Marillac, p. 18. — Coll. Dupuy, 92. — Journal d'A. d'Andilly, f° 10. — Ludovici XIII Itinerarium, p. 14. — Gramond, p. 288. — Roncoveri, pp. 282-283. — Gramond, p. 288. — Griffet, p. 259. — Mme d'Arconville, p. 53. — Procez verbal de ce qui s'est passé à Metz entre les habitans et la garnison (Paris, chez Silvestre Moreau, 1620), pp. 7 et 81. — Vie du duc d'Epernon, pp. 352-353. — Deageant, pp. 135, 140-141. — V. Cousin, septembre 1861, p. 708. — Le duc de Bouillon, d'après des documents inédits, p. Auguste Laugel (Revue des Deux-Mondes), passim.

[80] On les peut feuilleter à la Bibliothèque de l'Institut.

[81] Pontchartrain, p. 413. — Mercure français, pp. 271-272, 274, 283. — Vitt. Siri, p. 149. — Marillac. p. 60. — Ludovici XIII Itinerarinm, pp. 13-14, 36. — Roncoveri, p. 313. — Gramond, pp. 285 et 291. — Griffet, pp. 261-263. — Levassor, pp. 561-563. — Basin, p. 365. — Henri Martin, p. 160. — Dareste, pp. 65-66. — Mathieu de Mourgues, Rec. de Lettres, etc., pp. 24 et 63. — Vie de messire Philippes de Mornay, p. 563. — Mme d'Arconville, pp. 53-54. — V. Cousin, novembre 1861, pp. 706-708.