MARIE-ANTOINETTE, DAUPHINE

 

SOURCES.

 

 

LE public trouvera peut-être en ce livre quelques informations qui lui sembleront nouvelles et quelques points de vue qui ne lui ont pas encore été présentés. Toutefois, la mise en œuvre des documents inédits y est relativement peu considérable. II a paru en ces derniers temps des séries de pièces importantes, qui rendaient aisé de rectifier ou de compléter les anciens récits, et l'on sait d'autre part que, dans les sources les plus connues, il y a bien des façons différentes de puiser. Il y aura longtemps à prendre, par exemple, dans la correspondance de Mercy-Argenteau avec Marie-Thérèse (recueil D'Arneth-Geffroy), qui reste le principal guide pour écrire sur Marie-Antoinette. On y joint aujourd'hui la nouvelle correspondance du même ambassadeur avec Joseph II et le prince de Kaunitz (recueil D'Arneth-Flammermont), où j'ai recueilli plus d'un curieux renseignement. Quant aux lettres mêmes de Marie-Antoinette, elles ont été réunies à part par MM. de la Rocheterie et de Beaucourt, dont la récente édition est destinée à exclure les recueils d'apocryphes indignement fabriqués, qu'on lit encore.

Sur madame du Barry, qui tient nécessairement une grande place en face de la Dauphine, je n'aurais eu à ajouter que peu de détails ignorés, sans les traits plus notables fournis par les lettres de Mercy à Kaunitz. L'ensemble des témoignages sur la favorite est discuté utilement dans la singulière compilation de Vatel, qui a été écrite avec la prétention de réfuter les erreurs nombreuses du livre des Goncourt, mais qui n'en est pas elle-même exempte. J'ai relu sans grand profit la série des pamphlets ; le lecteur remarquera à mon silence quelles anecdotes connues je considère comme légendaires. Par exemple, il y trouvera décrit en quelques lignes, d'après les inventaires Goncourt et Vatel, l'ameublement de madame du Barry à Versailles — la jolie description des historiens de la Du Barry est placée dix-huit mois trop tôt —, mais il n'y rencontrera point le Charles Ier de Van Dyck, acheté, a-t-on dit, pour inquiéter Louis XV sur son Parlement : c'est qu'en réalité un tableau de telles dimensions n'aurait pu trouver place sur aucun panneau de l'appartement. [On a aujourd'hui un excellent livre sur le sujet, Madame du Barry, d'après les documents authentiques, par Claude Saint-André.]

Ailleurs, le récit suffira à réfuter quelques-unes des traditions fausses si multipliées sur l'époque. Ainsi, on répète, sur la foi des Goncourt, que madame Geoffrin a caressé à Vienne la petite archiduchesse Marie-Antoinette, la trouvant belle comme un ange, etc. Or, le voyage de la dame en Pologne est de 1766 ; Marie-Antoinette avait près de onze ans, et la lettre de madame Geoffrin dit en propres termes : Il y a la fille de l'Empereur, arrière petite-fille du roi de France ; elle a deux ans ; elle est belle comme un ange. L'Impératrice m'a recommandé d'écrire en France que j'avais vu cette petite et que je la trouvais charmante. Les Goncourt, qui ont publié la lettre dans les Portraits du XVIIIe siècle, n'ont pas reconnu l'archiduchesse Thérèse, fille de l'empereur Joseph, et ont mis en note que cette enfant était Marie-Antoinette. Puis ils se sont servi du fait dans leur Histoire, et tout le monde après eux. Cet exemple dispense sans doute d'en citer d'autres.

Pour essayer de juger M. de Choiseul, après tant de dépositions dues à ses amis — Besenval, Gleichen, madame du Deffand, madame de Beauvan, etc. —, il est difficile de ne pas tenir compte aujourd'hui du cruel portrait tracé par le prince de Talleyrand et paru au dernier volume de ses Mémoires. Choiseul s'est peint aussi lui-même involontairement dans des fragments de mémoires publiés au tome I de Vatel, qui dressent, je crois, le réquisitoire le plus grave existant contre le caractère de Louis XV et celui de son ministre. Le texte de ces fragments reste à établir par endroits ; toutefois l'authenticité me semble en avoir été contestée à tort : le ton soutenu, les détails personnels, la concordance avec les documents parus depuis, tout éloigne l'idée d'une fabrication.

Parmi les ouvrages qu'on a profit à lire, quand on traite de pareils sujets, il en est que la reconnaissance oblige à citer, pour le contrôle et les directions qu'on y rencontre sur des questions spéciales de politique. Tels sont la Geschichte Maria Theresia's de D'Arneth, Le Secret du Roi de M. le duc de Broglie, La Question d'Orient au XVIIIe siècle de M. Albert Sorel, le Gustave III d'Auguste Geffroy, Le Chancelier Maupeou et les Parlements de M. Jules Flammermont, l'Histoire de Marie-Antoinette de M. de la Rocheterie. Quelques recueils périodiques m'ont fourni des documents isolés : aux chapitres I et II, des lettres de Marie-Thérèse et de Marie-Antoinette viennent de la Revue historique, tome XXV ; au chapitre I, le projet de mariage du Dauphin avec une princesse de Saxe est raconté d'après les Archives historiques, tome I ; au chapitre V, p. 214, le morceau du Père Desnoyers est emprunté à la Revue d'histoire littéraire de la France, tome I ; enfin j'ai tiré parti des articles de M. Flammermont sur les portraits de Marie-Antoinette, parus dans la Gazette des Beaux-Arts de 1897.

 

Je dois surtout mention des pièces inédites utilisées. Les lettres de Louis XV et de Joseph II citées au chapitre I sont au Ministère des Affaires étrangères, négligées, je ne sais comment, quand on a dépouillé, sur le mariage, les dépêches de l'ambassade de Vienne. Les lettres du Roi et de madame de Villars au Dauphin, utilisées dans le chapitre IV, sont aux Archives nationales (cartons des Rois), où le classement les rapporte à tort au Dauphin, fils de Louis XV. Celles de M. de Marigny et de Gabriel, mentionnées au chapitre V, viennent des mêmes Archives (Maison du Roi, Correspondance du Directeur général des Bâtiments) ; cette correspondance et les cartons de plans du service de Versailles ont fourni d'autres détails sur les appartements du Château et sur la vie intérieure encore si mal connue de la famille royale.

Pour le voyage de Marie-Antoinette et les fêtes du mariage, les récits de la Gazette, du Mercure, des Mémoires secrets, m'ont paru moins sûrs que celui qu'on peut tirer de sources manuscrites, telles que sont le registre de l'intendant des Menus (Bibliothèque Mazarine) complétant le journal publié de Papillon de la Ferté, les papiers provenant du maitre des cérémonies ou des Premiers gentilshommes de la Chambre (Archives nationales), les consignes des Suisses du Roi (Archives du Musée de Versailles). L'acte de mariage, dont les signatures sont données en fac-similé dans le chapitre II, est au registre de la paroisse Notre-Dame (État civil de la ville de Versailles). Sur les fêtes et sur quelques points particuliers de l'histoire de la Cour, j'ai consulté et cité les parties encore inédites des Mémoires du duc de Croÿ (Bibliothèque de l'Institut). [Ces mémoires ont été publiés par MM. de Grouchy et Paul Cottin.] A la Bibliothèque nationale, peu reste à prendre sur la Cour dans le Journal manuscrit de Hardy ; il en va autrement des Nouvelles à la main, dites de la Maison de Penthièvre, conservées à la Bibliothèque Mazarine. Quelques menus renseignements proviennent des états de paiement ou des brevets de la Maison de la Dauphine (Archives nationales). Enfin, aux récits déjà connus de la maladie et de la mort de Louis XV — Liancourt, Croÿ, Besenval, Soulavie, Genlis, etc. —, j'ai pu ajouter un minutieux journal inédit tenu au nom des Premiers gentilshommes de la Chambre.