HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

CHAPITRE VII. — GRÉGOIRE XVI. LES MISSIONS ÉTRANGÈRES (1831-1846).

 

 

Lorsqu'il n'était encore que cardinal, Grégoire XVI s'était beaucoup préoccupé de la propagation de la foi dans les pays infidèles, hérétiques et schismatiques. Son élévation à la dignité suprême de l'Eglise lui permit de donner à cette œuvre une plus grande expansion. La Turquie d'Europe et la Turquie d'Asie, l'Extrême-Orient, l'Afrique, l'Amérique et l'Océanie, furent l'objet de ses sollicitudes.

 

I

Au moment où Grégoire XVI prit possession du trône pontifical, la rivalité de la Russie et de l'Angleterre en Asie donnait une importance particulière à la situation de la Turquie. La puissance politique de l'empire ottoman était en décadence. C'était bien l'homme malade, dont la succession était ardemment convoitée. Mais il importait souverainement à l'Europe que cette succession ne s'ouvrit pas. Le contrebalancement des deux puissances, russe et anglaise, en Orient, formait un équilibre dont l'Europe profitait, et qu'une lutte ouverte pour la prise de possession de Constantinople eût brisé. D'ailleurs, la question des Dardanelles était, alors plus qu'aujourd'hui, une question européenne, bien plus, une question universelle. Prolonger la vie de la Turquie fut la grande préoccupation de l'Europe. Toutes les questions secondaires qui se rattachèrent à cette préoccupation principale, constituèrent dès lors ce qu'on appelle la Question d'Orient, dont la pensée devait conditionner presque toujours, et dominer plus d'une fois, au cours du siècle, les combinaisons de la politique internationale.

La gravité d'une pareille question n'échappait point à l'attention de Grégoire XVI ; mais son esprit, peu porté vers les problèmes de pure politique, s'attachait plus naturellement aux problèmes d'ordre religieux. De ce point de vue, il avait aperçu une autre question d'Orient, d'une importance non moins grave. Dans l'empire ottoman, ce n'étaient pas seulement les institutions et les mœurs qui se désagrégeaient : c'était la religion officielle, l'islamisme. La religion de Mahomet se vantait encore de compter 200 millions d'adeptes ; mais, dans les pays où la civilisation européenne avait pénétré, en Egypte, aux Indes, et même dans une grande partie de l'empire turc, à mesure que l'éducation des esprits et des âmes se développait, la fidélité religieuse au Coran faiblissait. L'esprit guerrier, âme de la propagande islamique, était éteint depuis longtemps. La foi aux dogmes étranges de l'impeccabilité de Mahomet, de la divinité du Coran, d'un Dieu plutôt maître que père, sorte de despote oriental distribuant arbitrairement ses châtiments et ses récompenses, apparaissait de plus en plus inadmissible. Les esprits cultivés s'appliquaient à interpréter ces dogmes en les déformant ; les âmes élevées commençaient à rougir des encouragements donnés par le Prophète au divorce, à la polygamie, aux pires formes de l'esclavage, et de cette prétendue perfection de l'Islam, engendrant chez ses adeptes l'orgueil, l'intolérance et la stagnation. Pour un observateur perspicace, l'Islam semblait en voie de devenir la religion de quelques fanatiques et des masses populaires appartenant aux derniers degrés de la civilisation. Sans doute, aucun musulman ne faisait l'aveu de ces choses. Les plus lettrés se montraient tout aussi rebelles à l'évangélisation chrétienne que les plus ignorants. Mais il était évident que leur opposition tenait à d'autres motifs qu'à une conviction religieuse profonde. Une indomptable fierté de race et de nation et le scandale produit chez eux par les mœurs relâchées de beaucoup des chrétiens établis dans l'empire ottoman, expliquaient facilement leur irréductible hostilité à toute tentative de prosélytisme.

Un homme d'une intelligence supérieure, d'un zèle ardent pour la propagation de la foi, et qui avait été l'un des disciples préférés de La Mennais, Eugène Boré, l'homme de France et peut-être d'Europe le plus versé dans la connaissance des langues orientales vivantes, avait longtemps médité sur les moyens de faire profiter la foi catholique de la dissolution lente mais fatale de l'Islam. Pour l'instant, la politique européenne favorisait ses aspirations, en empêchant la Russie schismatique et l'Angleterre hérétique de s'emparer de l'empire ottoman ; mais cc n'était là qu'un résultat négatif. Eugène Boré, chargé d'une mission scientifique en Perse par l'Académie des Inscriptions, envoyait alternativement des mémoires à l'Institut et des rapports à l'œuvre de la Propagation de la foi. Il lui sembla, après mure réflexion, et après avoir longtemps conféré de ses idées avec un zélé prêtre de Saint-Lazare, que deux moyens indirects d'apostolat devaient être simultanément employés : la diffusion de l'instruction, pour détacher les musulmans de leurs fausses croyances, et l'évangélisation des chrétiens d'Orient, pour rendre le catholicisme respectable et désirable à l'esprit de ces infidèles, une fois désabusés. Boré fonda et dirigea lui-même des écoles à Ispahan et à Djoulfa. Plus tard, il se consacra plus spécialement à l'évangélisation des chrétiens d'Orient comme lazariste[1].

Grégoire XVI était fait pour comprendre les sages vues d'apostolat préconisées par Eugène Boré. Aucune œuvre d'évangélisation directe des musulmans ne fut organisée en Orient ; mais les œuvres d'éducation y furent multipliées, et une grande impulsion y fut donnée à l'évangélisation des chrétiens, tant européens qu'orientaux unis ou orientaux séparés. En 1840, M. Daviers, lazariste, ouvrait à Smyrne et confiait aux Filles de la Charité un ensemble d'œuvres comprenant un orphelinat, une crèche, un dispensaire, en un mot toutes les œuvres qui constituent habituellement le ministère charitable des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. En 1841, un Père de la Congrégation de Picpus fonda, dans la même ville, un collège destiné aux enfants des familles aisées. En même temps, les jésuites, spécialement encouragés par le souverain pontife lui-même, développaient leurs œuvres de Syrie. Dès la première année de son pontificat, Grégoire XVI, très informé de l'état des missions par ses fonctions de préfet de la Propagande, qu'il venait de remplir, avait mis à la disposition de Mgr Mazloum, évêque grec-catholique, trois religieux de la Compagnie de Jésus, le P. Riccadonna, de Plaisance, le P. Planchet, de Gap, et le Frère coadjuteur Henze, de Hanovre, pour diriger un séminaire fondé, vingt ans auparavant, à Aïn-Tras, dans le Liban. Par suite de diverses circonstances, le but projeté ne put être atteint ; mais les trois religieux, à qui vinrent se joindre bientôt plusieurs de leurs frères, exercèrent un fécond apostolat auprès des chrétiens résidant en Syrie, donnèrent des retraites aux laïques et aux prêtres, explorèrent la province, à peu près inconnue alors, du Hauran, y découvrirent une population chrétienne à peu près délaissée, et préparèrent les voies à un apostolat plus fructueux.

Leur ministère personnel s'étendit jusqu'à la Mésopotamie, où, dès 1832, Grégoire XVI avait institué une Délégation apostolique dont la juridiction s'étendait jusqu'en Perse. Le P. Riccadonna fut chargé d'y apaiser certains différends qui s'étaient élevés entre le délégué apostolique et le clergé indigène. Le P. Planchet présida, au nom de la Propagande, à la réorganisation de la mission, confiée en 1841 aux dominicains français. Après la mort du P. Riccadonna, son successeur, le P. Ryllo, Polonais, put acheter, aux portes de Beyrouth, un vaste terrain où il construisit une résidence ; mais sa grande œuvre fut la fondation, en 1845, du séminaire de Ghazir, dénommé par la Propagande Séminaire central asiatique. Cette maison, plus tard, se dédoubla en deux établissements florissants : un séminaire, et un collège où les riches européens d'abord, puis les notables indigènes, les cheiks, les émirs, vinrent demander le bienfait d'une éducation distinguée pour leurs enfants.

Quand, en 1835, l'Egypte s'ouvrit aux influences de la civilisation européenne, le délégué apostolique, Mgr Guasco, demanda l'envoi de nouveaux missionnaires pour l'aider à grouper autour de lui les Coptes catholiques. Les Filles de la Charité, au prix de bien des difficultés, parvinrent, en 1845, à ouvrir à Alexandrie un hôpital et une école ; et les Frères des Ecoles chrétiennes, en 1847, y commencèrent pour les garçons les œuvres déjà entreprises pour les filles. Le régime relativement libéral inauguré en Egypte favorisa également l'évangélisation des Melkites. Ce nom de Melkites (royalistes ou impériaux) fut donné, au cours du Ve siècle, aux chrétiens orientaux qui, conformément à l'édit de l'empereur Marcien, suivirent la doctrine du concile œcuménique de Chalcédoine, reconnaissant en Jésus-Christ une personne et deux natures. Longtemps soumis à la dépendance des patriarches schismatiques d'Antioche et de Jérusalem, ils avaient, au VIIIe siècle, énergiquement refusé de suivre le mouvement venu de Constantinople et de rompre avec Rome. Les Melkites furent, par suite, l'objet de nombreuses vexations de la part de leurs compatriotes syriens, et ils durent résister au gouvernement de la Porte, qui voulait les soumettre à l'autorité du patriarche arménien. Mais les efforts persévérants de Grégoire XVI aboutirent à leur émancipation de toute tutelle étrangère et à la reconnaissance officielle de leur patriarche[2]. Grégoire XVI se préoccupa aussi du sort des Maronites, et, en 1845, fit en leur faveur, auprès du sultan Abdul-Medjid, une démarche, qui obtint une réponse bienveillante de la part du souverain musulman.

La Turquie d'Europe ne fut pas oubliée par le vigilant pontife. En 1838, dans une audience accordée à Fieschi-Pacha, ambassadeur de la Porte à Paris, il exprima la joie que lui causait l'attitude bienveillante du sultan, qui avait permis aux catholiques d'élever de nouvelles églises à Constantinople et dans les provinces ; et le sultan, sensible à cette démarche, accentua sa politique relativement libérale envers l'Eglise. On comptait alors, en Turquie d'Europe, 613.000 catholiques, dont 180.000 vivaient à Constantinople. L'indépendance de la Grèce permit, par ailleurs, au pape de donner une impulsion nouvelle à l'évangélisation de ce pays. Par un Bref du 9 août 1834, il établit une délégation apostolique en Grèce ; et bientôt de nouvelles églises s'élevèrent au Pirée, à Patras, à Nauplie, à Navarin.

Telle fut l'action évangélisatrice de l'Orient sous Grégoire XVI. Vers la fin de son pontificat, le supérieur général des lazaristes, M. Etienne, pouvait écrire ; Le Coran a encore des disciples, parce qu'il proscrit toute éducation... Mais les grands, parmi ses adeptes, commencent à n'avoir plus d'égard à cette défense... Dès lors, la cause de l'Islam est perdue... Une fois autorisés à fréquenter nos écoles, les Turcs abandonneront leurs préjugés. Aussitôt qu'ils jouiront de la liberté de conscience et des bienfaits de l'éducation, l'Eglise sera à la veille de les compter parmi ses enfants[3]. Des obstacles divers sont venus, depuis, entraver le mouvement dont le vénéré religieux indiquait si nettement l'orientation ; mais ses vues n'ont point perdu leur valeur et autorisent toujours des espérances.

 

II

Les difficultés rencontrées par la propagation de la foi en Extrême-Orient furent, par certains côtés, plus pénibles au cœur du souverain pontife, parce que plusieurs des obstacles qui lui furent suscités lui vinrent, non plus de potentats infidèles, comme en Turquie, mais de souverains chrétiens et même catholiques.

Nous avons vu la triste situation faite aux missions des Indes par les événements qui précédèrent, accompagnèrent et suivirent la Révolution française. Or, non seulement, pendant soixante ans, de 1760 à 1820, les missions catholiques de l'Inde durent être délaissées, faute de sujets et de ressources, mais les Anglais et les Hollandais, sous prétexte d'observer à l'égard des indigènes une politique de stricte neutralité religieuse[4], entravèrent de toutes façons la propagande chrétienne. La Compagnie des Indes-Orientales refusait de transporter sur ses vaisseaux tout missionnaire, catholique ou protestant, en destination pour la Chine ou pour l'Inde[5]. Par une ordonnance gouvernementale de 1814, les chrétiens nés dans le pays furent exclus de toutes les fonctions publiques un peu importantes[6]. Il y eut plus. Le gouvernement anglais ne déploya pas moins d'énergie à encourager le culte des idoles qu'à opposer des entraves à la prédication de l'Evangile. Les actes de faiblesse commis par des hommes se disant anglais et fonctionnaires, écrit un protestant anglais[7], dépassent toute idée. A la fin du XVIIIe siècle, les pagodes de la présidence de Madras tombaient en ruine ; le gouvernement anglais s'empressa d'arrêter leur décadence[8]. Le culte ignoble et sanglant de Juggernauth fut non seulement approuvé, niais patronné et pratiqué par les autorités anglaises[9], et le célèbre général sir Perregrine Maitland fut forcé de revenir en Angleterre pour avoir refusé de donner à des soldats anglais l'ordre de tirer des salves en l'honneur de l'idole infâme[10]. Si l'on ajoute à ces faits le scandale produit sur les indigènes par la mauvaise conduite de la plupart des Européens, on est obligé de reconnaître, avec un écrivain protestant, que cette conduite était faite pour porter les indigènes au mépris de la religion du Christ[11].

Dieu cependant veillait sur les régions évangélisées par les François-Xavier, les Britto, les François Laynez, et leurs héroïques compagnons ; et le pontificat de Grégoire XVI devait être marqué par un remarquable développement de l'apostolat catholique dans les Indes.

Bien des causes favorisèrent ce développement. Le mouvement catholique qui se manifestait en 1830 dans la jeunesse suscita un certain nombre de vocations apostoliques ; et la Congrégation des Missions étrangères, réorganisée en 1826, vit ses membres se multiplier. L'Œuvre de la Propagation de la Foi, fondée à Lyon en 1822, fournissait aux missionnaires des secours pécuniaires de plus en plus abondants. Les communications par mer devenaient plus faciles. Depuis la construction, en 1814, du premier steamer à roues, l'art de la navigation s'était développé. Dès 1824, le Sinzs faisait en dix-sept jours le trajet de Londres à New-York. D'autre part, les longs travaux, en apparence stériles, des missionnaires catholiques avaient porté leurs fruits. L'infatigable dévouement de ces hommes de Dieu, et (les œuvres scientifiques comme celles de l'abbé Dubois, avaient contribué à faire considérer les missionnaires non plus comme des parias, mais comme des hommes de haute valeur morale et intellectuelle, et, par ce résultat d'une importance énorme, avaient préparé les esprits à accepter la prédication de l'Evangile. Le zèle exceptionnellement éclairé d'un missionnaire, Mgr Bortnaud, de la Société des Missions étrangères, sut mettre à profit, avec la grâce de Dieu, tous ces éléments de succès[12]. Missionnaire aux Indes depuis 1824, nommé coadjuteur de l'évêque de Pondichéry en 1833, puis vicaire apostolique des Indes en 1836, Mgr Bonnaud révéla, dans ces diverses missions, les plus hautes qualités du missionnaire et de l'administrateur : la prudence unie à la fermeté, une intelligence très perspicace servie par une activité très souple.

Une de ses premières préoccupations fut de publier plusieurs ouvrages d'exposition et d'apologie de la foi catholique, capables de détruire les préjugés des Hindous à son endroit. Le principal de ses ouvrages fut un exposé du catholicisme sous forme d'une histoire de l'humanité. Il résumait l'Ancien Testament, les Évangiles, l'histoire de l'Eglise, en notant soigneusement l'apparition des hérésies, et surtout de l'hérésie protestante, qu'il réfutait, chemin faisant, en quelques pages brèves et décisives. L'ouvrage se terminait par le tableau de la doctrine et de la vie chrétiennes, telles que les professe et les pratique l'Eglise du XIXe siècle, avec ses fêtes, ses sacrements, ses œuvres de piété et de charité, défendues contre les objections que lui opposent ses adversaires. La seconde préoccupation du grand missionnaire fut la formation d'un clergé indigène. Il fonda à Pondichéry un grand et un petit séminaire, séparant nettement le premier du second, et déchargeant les professeurs de l'un et de l'autre établissement de tout service étranger à leurs fonctions. Les séminaristes commençaient par être complètement séparés du monde, pour se donner tout entiers à la formation d'une vie intérieure solide ; mais, avant d'être appelés aux ordres majeurs, ils étaient chargés d'accompagner et d'aider les prêtres dans leurs courses apostoliques. La réunion de plusieurs synodes, où furent convoqués tous les missionnaires séculiers et réguliers, fut aussi l'objet des sollicitudes du zélé prélat. Le plus important de ces synodes fut celui de 1844, qui se tint à Pondichéry et fut pour les Indes ce que le synode de Se-Tchuen avait été pour la Chine[13]. Enfin l'éducation de la jeunesse fut l'objet des soins particuliers de Mgr Bonuaud, qui fonda plusieurs écoles, dirigea lui-même, à la demande du gouvernement français, le séminaire colonial[14], et inaugura en 1846, à l'encontre des préjugés les plus vivaces des populations de l'Inde[15], des collèges de jeunes filles, confiés à une congrégation de Religieuses.

Il est facile de suivre, d'après les Annales de la Propagation de la Foi, les progrès de la mission.des Indes depuis 1820. Vers 1821, un missionnaire écrivait : Je suis étonné de la foi des chrétiens que je rencontre[16]. En 1829, le P. Bonnaud, depuis évêque, faisait une constatation pareille[17]. En 1838, le P. Garnier, jésuite, relatait que, malgré beaucoup d'ignorance et bien des pratiques superstitieuses, les chrétiens des Indes étaient bien disposés, disant en commun les prières du matin et du soir, accompagnant cette dernière d'une lecture spirituelle, et s'approchant des sacrements à l'arrivée du missionnaire[18]. En 1819, le P. Louis de Saint-Cyr constatait que dans un certain rayon autour de la résidence des missionnaires, presque tous les villages étaient chrétiens[19] ; et, l'année suivante, Mgr Borghi, vicaire apostolique d'Agra, disait : Bien qu'environnée par les sectes, notre Eglise progresse, au milieu d'elles, d'un pas lent et ferme[20].

Les missions de l'Inde furent toutefois pour le souverain pontife une cause de tristesse ; et cette tristesse fut d'autant plus grande, que la responsabilité pouvait en être attribuée aux agissements d'une puissance catholique, le Portugal.

Pour combler les vides qui s'étaient produits dans le clergé de leurs colonies, en particulier dans le diocèse de Goa, les Portugais avaient fait ordonner, sans préparation sacerdotale suffisante, des prêtres indigènes ou métis, dont la conduite peu édifiante avait donné au clergé goanais une fâcheuse réputation et pouvait discréditer gravement la religion catholique. En prenant possession du Siège apostolique, Grégoire XVI, déjà mis au courant de la situation par la charge de préfet de la Propagande qu'il venait de remplir, pensa que la première mesure à prendre pour rendre leur ancien lustre aux missions d'Extrême-Orient, était de mettre fin aux scandales que le gouvernement de Lisbonne ne savait pas empêcher. Il commença donc à instituer dans l'Inde des vicariats apostoliques, et les confia à diverses sociétés de missionnaires. Ainsi furent établis, en 1834 et 1835, les vicariats de Ceylan, de Sirdhana, de Bengale, et, en 1836, ceux de Madras et de Pondichéry. Le gouvernement portugais protesta. Le pape répondit à cette protestation par la bulle Malta præclare, du 14 août 1838, qui supprima la juridiction des évêques portugais sur les territoires attribués aux vicaires apostoliques. Les Portugais refusèrent de se soumettre, contestèrent la valeur de l'acte pontifical par des arguties juridiques, et finalement organisèrent un schisme formel. Ce fut le schisme de Goa. Le conflit parut apaisé quand, en 1843, Grégoire XVI, d'accord avec la reine Marie, préposa au gouvernement du diocèse de Goa, Jean de Silva Torrès. Mais, à peine arrivé à Goa, le nouvel élu, soutenu par l'autorité civile, manifesta l'intention d'exercer, malgré les ordres du pape, toute la juridiction dont avaient joui ses prédécesseurs. Ce fut la reprise du schisme de Goa, qui devait affliger l'Eglise jusqu'au pontificat de Léon XIII[21].

 

III

Cependant, de cruelles persécutions ensanglantaient l'Indo-Chine. Le 17 octobre 1833, le P. Gagelin, prêtre des Missions étrangères de Paris, subit la mort avec une piété si calme, que la foule païenne, en le voyant, ne put contenir son émotion[22]. Plusieurs de ses fidèles, de ses néophytes, endurèrent le même sort avec un pareil courage. Quelques-uns, avant de subir le dernier supplice, furent battus de verges jusqu'à voir leurs chairs tomber en lambeaux. On entendit un de leurs bourreaux s'écrier : Vraiment cette religion chrétienne est une bonne religion. Le 21 septembre 1838, le P. Jaccard, confrère et ami du P. Gagelin, reçut à son tour la couronne du martyre. Les exécuteurs lui brisèrent dix bambous sur le corps sans lui arracher une plainte. Mgr Tabert, vicaire apostolique au royaume d'Annam, écrivait : Dans mon vicariat seul, 90.000 chrétiens errent çà et là dans la plus profonde détresse... Près de 400 églises, créations de leurs labeurs et de leurs aumônes, sont détruites de fond en comble[23]. Le P. Marchand, sous l'action de tenailles rougies au feu, rendit témoignage à la vérité jusqu'à son dernier soupir. Le 24 novembre 1838, Mgr Borie, vicaire apostolique du Tonkin occidental, fut décapité, après sept tentatives inutiles faites par le bourreau, que le martyr encourageait, taudis que les mandarins se cachaient le visage avec horreur. Le 11 septembre 1840, le P. Perboyre, Lazariste, mourut après avoir subi pendant un an un des plus longs et des plus cruels martyres qu'un homme' ait jamais enduré.

Ce n'était pas seulement en Indo-Chine, c'était en Chine que la persécution sévissait avec fureur. Quand Grégoire XVI monta sur le trône pontifical, la persécution déchaînée en 1814 durait encore. Des missionnaires, des prêtres chinois, des catéchistes, de simples fidèles furent mis à mort, jetés en prison, envoyés en exil au fond de la Tartarie. Il n'y a pas, dit un historien des missions[24], de date plus illustre dans les annales des missions de Chine que l'année 1840.

D'un autre point de vue, on pourrait dire qu'il n'est pas de date plus honteuse dans l'histoire de la civilisation en Extrême-Orient.

Plusieurs puissances chrétiennes s'émurent et jugèrent le moment venu d'intervenir, ne fût-ce que pour protéger leurs intérêts matériels. En 1842, l'Angleterre, se bornant à ces préoccupations, obtint de la Chine l'ouverture d'un certain nombre de ports pour son commerce. En 1844, les Etats-Unis stipulaient, par un article spécial, la liberté de la religion chrétienne dans les ports ouverts. Vers la fin de cette même année, le 23 octobre, M. de Lagrenée, ministre plénipotentiaire du roi Louis-Philippe, signa, à Canton, avec le ministre chinois Ki-Ying, un traité semblable, mais plus explicite dans ses clauses. Ce ne fut pas tout. Dépassant ses instructions premières, mais non sans en avoir référé à M. Guizot, alors premier ministre, qui l'approuva, M. de Lagrenée obtint du négociateur chinois que deux édits fussent rendus, au nom et sous le sceau de l'empereur, en faveur des chrétiens indigènes. Le premier, en date du 28 décembre, leur accordait le libre exercice de leur religion. Le second, daté du 20 février 1846, leur promettait la restitution de leurs anciennes églises[25].

Un autre empire, voisin de la Chine et son vassal, la Corée, était aussi le théâtre de persécutions violentes. Nous avons raconté son évangélisation merveilleuse, et comment, pendant un demi-siècle, l'Eglise de Corée, fondée sans prêtres, s'était conservée et propagée sans prêtres, sauf l'apostolat de cinq années du prêtre chinois Jacques Tsiou. De 1784 à 1835, elle avait subi quatre grandes persécutions, n'avait jamais joui d'une sécurité pleine, et avait donné plus de mille martyrs. Mgr Bruguière, nommé vicaire apostolique de la Corée par le pape Léon XII en 1827, n'avait pu réussir à y pénétrer. Il était mort sur les frontières de l'empire, au début de l'hiver de 1835, après avoir renouvelé pendant plusieurs années ses tentatives infructueuses. Le premier missionnaire qui y pénétra fut le P. Maubant, des Missions étrangères, qui y arriva en 1836, bientôt suivi du P. Chastan et de Mgr Imbert, missionnaire au Se-Tchouan depuis dix ans. La présence de ces trois missionnaires, zélés, courageux, expérimentés, fut un immense bienfait pour la chrétienté, qui commençait à s'organiser sur le modèle des Eglises européennes ; mais, en 1839, le gouvernement de la Corée passa aux mains d'un ennemi juré des chrétiens. Les trois missionnaires, trahis par un faux frère, furent arrêtés, et, le 21 septembre, furent mis à mort, avec deux cent cinquante de leurs disciples, dont soixante-dix furent décapités et cent quatre-vingts étranglés. Quelques années plus tard, en 1844, l'amiral français Cécilie, abordant sur les côtes de la presqu'île, fit parvenir au souverain une lettre le menaçant de la vengeance de la France si la persécution continuait. Pour toute réponse, le despote fit mettre à mort un prêtre indigène, André Kim. La Corée ne devait être ouverte librement aux missions qu'en 1910, après la guerre russo-japonaise.

Le plan de l'amiral Cécilie, encouragé par le succès en Chine de M. de Lagrenée, était d'ouvrir aux missionnaires catholiques la Corée et le Japon. Son échec auprès du gouvernement coréen ne le découragea point. Son projet, d'ailleurs, était le résultat d'une entente avec les autorités ecclésiastiques. Quand, en 1832, le Saint-Siège avait érigé la Corée en vicariat apostolique, en y joignant les îles Riou-Kiou, c'était dans l'espoir que ces îles, voisines et dépendantes du Japon, seraient la porte par où le christianisme pénétrerait de nouveau dans ce pays. Ni Mgr Bruguière ni Mgr Imbert ne purent aborder aux îles Riou-Kiou ; mais en 1844 l'amiral français proposa au Procureur des missions en Chine, le P. Libois, de favoriser l'entrée au Japon d'un ou deux de ses missionnaires. Le P. Forcade, le futur archevêque d'Aix, se proposa, et, accompagné d'un catéchiste intelligent et courageux, ancien confesseur de la foi en Chine, Augustin Ko, fut présenté aux autorités de Nafa, capitale de l'île principale, comme un interprète de l'amiral français, désirant étudier à fond la langue japonaise.

L'empire du Japon était encore, à cette époque, systématiquement fermé aux étrangers. Les Russes, les Anglais, les Américains avaient déjà essayé de pénétrer à Yeddo et à Nagasaki, et avaient été éconduits. De longues et pénibles négociations, poursuivies avec persévérance par les amiraux Cécille et Guérin, aboutirent à l'autorisation donnée aux missionnaires d'acheter une petite maison à Nafa. Mais l'œuvre de l'évangélisation n'en parut pas plus avancée. Sous prétexte de protéger les deux étrangers, le roi de Nafa les faisait accompagner partout par des mandarins, leur défendait d'entrer dans les villes, écartait d'eux les gens du peuple, ordonnait de fermer les habitations à leur approche. Toutefois le P. Forcade put faire quelques constatations rassurantes. Le peuple japonais lui apparut comme un peuple doux, bienveillant„ poli, intelligent, très désireux d'entrer en relation avec les Européens ; il eut même de sérieuses raisons de croire, d'après certains indices, qu'un groupe de chrétiens cachés subsistait au Japon. L'avenir devait justifier ces pressentiments ; mais, en attendant, les mandarins multipliaient les précautions pour empêcher le P. Forcade et son compagnon de faire la moindre propagande religieuse auprès des indigènes[26].

 

IV

Les missions d'Afrique. Parmi les terres que Grégoire XVI désirait le plus ardemment arracher au joug de l'infidélité, il en était une dont l'antique Eglise avait jadis rivalisé d'éclat avec celle d'Alexandrie. Evangélisée dès le premier siècle du christianisme, illustrée par de grands évêques et par de glorieux martyrs, la région septentrionale de l'Afrique, la patrie de saint Cyprien et de saint Augustin, de sainte Félicité et de sainte Perpétue, était tombée, à la fin du VIIe siècle, au pouvoir de l'Islam. Les vingt basiliques de l'Eglise de Carthage avaient été converties en mosquées, et, depuis ce temps, le christianisme n'avait guère été représenté dans les Etats barbaresques que par les esclaves européens capturés par les musulmans et abandonnés à leur sort par les princes chrétiens[27]. Cependant, grâce à une mission fondée à Tunis, au XIIIe siècle, à la suite de l'expédition de saint Louis, grâce au zèle des Frères Prêcheurs, des Frères Mineurs, des Trinitaires, des Religieux de la Merci et, plus tard, des fils de saint Vincent de Paul, la lumière de la foi ne s'était point éteinte complètement sur ces plages[28].

Nous avons vu l'enthousiasme religieux excité parmi le clergé en France par la conquête de l'Algérie en 1830. Les lys, suivant les expressions d'un historien, parurent les précurseurs du signe de la Rédemption. Effectivement, dès le lendemain de la victoire, le comte de Bourmont, général en chef de l'armée expéditionnaire, se hâta de faire planter une croix sur le monument le plus élevé de l'Algérie[29]. Malheureusement, le gouvernement de Juillet, par un respect mal entendu d'une prétendue liberté de conscience, ne fit rien pour faire connaître aux indigènes de l'Algérie la vérité religieuse, rien pour affirmer la foi catholique de la nation conquérante.

On affecta de ne pas dire un mot de religion, de ne pas accomplir un rite religieux devant les Arabes. En quoi, loin de les impressionner favorablement, on les scandalisa. Ils méprisèrent ces Français, qui vivaient comme des impies, et, suivant les expressions d'un de leurs chefs, ces chiens, qui ne priaient jamais Dieu[30]. Aussi, lorsque, deux ans après la conquête, il fut question de bâtir une église dans la ville d'Alger, un Maure fit la réponse suivante à un magistrat, qui lui demandait de quel œil la population musulmane verrait cet édifice : Hâtez-vous de l'élever, car alors seulement nous croirons que vous avez un Dieu, et qu'on peut se fier à votre parole[31]. En 1838, le gouvernement finit par comprendre qu'il serait utile pour bien des raisons, entre autres pour conquérir l'estime des indigènes, d'organiser en Algérie le culte catholique. Des pourparlers engagés avec la cour de Rome aboutirent à l'érection à Alger d'un évêché, qui dépendrait de l'autorité métropolitaine de l'archevêque d'Aix. Une bulle de Grégoire XVI, datée du 9 août 1838 et promulguée en France par le Moniteur du 5 août, consacra officiellement cette érection. Peu de temps après, le pape désignait, pour occuper le nouveau poste, un jeune vicaire général de Bordeaux, l'abbé Antoine Dupuch.

Né dans l'ancienne capitale de la Guyenne en 1800, d'une honorable famille de négociants, Antoine Dupuch avait d'abord été, comme étudiant en droit et comme avocat, un des membres les plus zélés de la Congrégation que dirigeait alors le P. Ronsin. Comme pour plusieurs de ses jeunes camarades, la pratique des œuvres de charité avait été pour lui le prélude d'une vocation plus haute. En 1822, il était entré au séminaire de Saint-Sulpice, et, une fois prêtre, il avait dépensé, dans son diocèse d'origine, soit comme missionnaire, soit comme directeur d'œuvres, soit comme vicaire général, une activité apostolique qui le désignait pour les plus hautes et les plus délicates fonctions. M. l'abbé Dupuch, disait, au lendemain de sa nomination, l'Ami de la Religion, est très propre à créer à Alger tout ce qui manque. Or les lacunes du nouveau diocèse étaient immenses. Quand Mgr Dupuch débarqua en Algérie, il ne trouva à Alger qu'une seule église, desservie par un seul prêtre, dépourvue des objets nécessaires au culte, et un établissement de Sœurs ; à Oran, un prêtre âgé et épuisé ; à Bône, une chapelle misérable ; un prêtre zélé, mais sans ressources, et le commencement d'une communauté de Sœurs. Rien autre dans toutes ces possessions[32]. Evêque sans clergé, au milieu d'un peuple infidèle ou incrédule ; appuyé à Paris par le roi, à Alger par le gouverneur général, mais ayant contre lui une bureaucratie intraitable ; repoussé par l'indifférence des riches ; trop pauvre, malgré les dons nombreux des fidèles de France, Mgr Dupuch ne fut d'abord que le plus tracassé des administrés[33]. Mais son zèle fut infatigable. Un an après son arrivée, il avait vingt-cinq prêtres, huit églises, sept chapelles, un séminaire, huit écoles, deux orphelinats et un hôpital indigène. En 1840, une mosquée lui fut concédée pour être transformée en cathédrale. La fondation de plusieurs maisons d'enseignement et de charité par les Religieuses Trinitaires de Valence, dans la ville d'Oran ; celle d'une maison du Bon-Pasteur aux environs d'Alger en 1843 ; celle d'un pensionnat des Dames du Sacré-Cœur à Mustapha, peu de temps après ; et la bienfaisante fondation de la Trappe de Staouéli en 1845[34], comptent parmi les œuvres les plus fécondes du zélé prélat. Quand, abandonné par le gouvernement, il dut, au bout de dix ans d'apostolat, rentrer en France, il laissait derrière lui quatre-vingts prêtres, cent quarante religieuses, soixante églises ou chapelles, un séminaire. des écoles chrétiennes, des hôpitaux militaires, des pénitenciers, des associations de dames de charité, toute une floraison d'œuvres évangéliques, et il avait posé les bases des principales fondations auxquelles ses deux grands successeurs, Mgr Pavy et le cardinal Lavigerie, devaient donner un si grand éclat.

Pendant l'année qui suivit l'entrée de Mgr Dupuch en Algérie, une autre vieille terre chrétienne d'Afrique, l'Abyssinie, perdue pour l'Eglise et tombée dans le schisme depuis deux siècles, recevait à son tour un grand missionnaire, le P. de Jacobis.

Un explorateur français, Antoine d'Abbadie, qui avait pu, en 1837, pénétrer au cœur de l'Ethiopie[35], et qui avait été frappé de la profondeur et de la délicatesse des sentiments religieux des habitants, s'était rendu à Rome afin de communiquer à la Congrégation de la Propagande le résultat de ses observations. La création d'une mission en Abyssinie fut décidée, et la direction en fut confiée à un prêtre de la Mission, originaire de Naples, le P. de Jacobis, qui débarqua à Massaouah, en 1839, avec le titre de préfet apostolique. La douceur, la patience, l'inépuisable charité de ce véritable apôtre, ne tardèrent pas à lui gagner la sympathie du peuple et même de plusieurs chefs. Malgré les multiples obstacles élevés par le respect humain et les liens de famille, deux petites communautés de fidèles se formèrent bientôt près de Massaouah et dans la ville d'Adoua. En 1846, un modeste séminaire fut fondé à Gouala, et quatre églises paroissiales furent érigées dans l'Agamié. Un souffle de grâce irrésistible passait sur cette région. De plus, des aides arrivaient au secours de l'ouvrier faiblissant sous le surcroît de labeur : le P. Biancheri, lazariste, et, en 1846, Mgr Massaia, vicaire apostolique de la nouvelle mission galla, avec plusieurs Pères Capucins, qui lui prêtèrent leur concours, en attendant que la route des pays galla leur fût ouverte[36]. Mais, à ce moment, un évêque copte, l'abouna[37] Salama, connu par la dissolution de ses mœurs et la violence de son fanatisme, avait déjà, par ses critiques, soulevé une persécution contre les missionnaires. Poursuivies, traquées par des hordes de brigands, les communautés catholiques furent obligées de se disperser. Toutefois les efforts des ennemis de l'Eglise romaine furent impuissants à détacher des missionnaires la sympathie respectueuse des populations. De nouveaux centres d'apostolat se formèrent, qui furent la consolation de Mgr de Jacobis, sacré évêque par Mgr Massaia, en 1851.

L'Algérie et l'Abyssinie furent les points de départ d'où les missionnaires du 'Luce siècle, suivant ou devançant les explorateurs et les armées d'Europe, s'élancèrent à la conquête du continent africain. Le pape Grégoire XVI n'en vit pas les résultats ; mais il put en saluer les prémices.

La Providence, en effet, écrit un des apôtres de ce pays, Mgr Le Roy, préparait une ère nouvelle pour le grand continent noir. En même temps que les puissances d'Europe allaient se le partager, il fallait que de nouveaux apôtres surgissent pour les précéder ou pour les suivre. Ce mouvement, qui allait marquer la fin du XIXe siècle, fut des plus modestes à son origine, et partit du séminaire de Saint-Sulpice. 11 y avait alors en cette maison deux jeunes créoles, Frédéric Le Vavasseur, originaire de l'île Bourbon, et Eugène Tisserand, d'Haïti. Ayant vu de près le lamentable abandon dans lequel vivait la race noire, ils firent part de cette situation à l'un de leurs aînés, François Libermann, né à Saverne en 1803 et récemment converti du judaïsme à la foi chrétienne. Peu après, en 1841, une nouvelle congrégation se fondait, la Société du Saint-Cœur de Marie, qui, réunie sept ans plus tard à celle du Saint-Esprit, a depuis porté ce double titre. Le premier soin du fondateur, mort en 1852 et depuis déclaré Vénérable, fut d'évangéliser les noirs des colonies, alors encore soumis à l'esclavage, et de les préparer doucement à la liberté. L'apostolat du P. Laval à l'île Maurice est resté justement célèbre. Plus tard, par les soins du P. Libermann, les colonies françaises de la Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique furent érigées en diocèses, et la nouvelle Société fit son entrée sur la terre africaine. Cette entrée se fit sous le patronage de l'évêque de Charlestown, Mgr England. Ce prélat, excité par l'activité des protestants d'Amérique, qui venaient de fonder Liberia, avait appelé, dès 1833, l'attention de la Propagande sur cet état de choses, et le concile de Baltimore avait appuyé sa démarche. Sept ans après, son vicaire général, M. Barron, visita lui-même la côte d'Afrique, et fut nommé, à son retour, vicaire apostolique des Deux-Guinées. Mais où trouver des missionnaires ? Ce rut alors que, dans le sanctuaire de Notre-Dame-des-Victoires, à Paris, il fut mis providentiellement en relations avec le P. Libermann, qui se demandait où envoyer ses fils, et lui fournit immédiatement sept coopérateurs. Les missions d'Afrique étaient reprises, et ne devaient plus être abandonnées[38].

 

V

L'Amérique elle-même avait alors grand besoin d'être évangélisée.

Le Native Americanism, dont nous avons parlé plus haut, essayait de soulever, contre les catholiques des Etats-Unis, une véritable persécution. On tenta de les exclure des charges civiles. A Philadelphie, en 1843, des églises furent détruites et le sang coula ; à Boston, en 1844, le couvent des Ursulines fut livré aux flammes et la ville menacée de guerre civile. La même année, New-York n'échappa qu'à grand'peine à de sanglantes collisions. Une presse haineuse répandait partout les soupçons et les calomnies. La question des écoles surexcitait encore davantage les sentiments anticatholiques de la population protestante. L'Eglise se trouvait sérieusement menacée dans son existence sociale ; elle avait besoin de réunir toutes ses forces contre les dangers, sans cesser pour autant de se développer au milieu du prodigieux accroissement de la nation[39]. Trois moyens principaux furent employés pour remédier à la situation : la réunion de fréquents conciles provinciaux, la création de nouveaux sièges épiscopaux et l'organisation de nouvelles missions, généralement confiées à des religieux. De 1833 à 1849, six conciles provinciaux se tinrent à Baltimore. C'est dans la seconde de ces assemblées que fut adopté, avec l'approbation de Rome, un mode de nomination des évêques, complété, en 1884, par les décrets du troisième concile national[40]. Les principaux évêchés érigés aux Etats-Unis par Grégoire XVI furent ceux de Vincennes, de Détroit, de Pittsburg, de Nashville, de Dubuque, de Natchez, de Little-Rock, de Chicago, de Milwaukee, de Hartford, de Buffalo, d'Albany, de Cleveland. Le premier évêque de Vincennes fut Mgr Bruté de Rémur, prêtre de Saint-Sulpice, qui avait accompagné Mgr Flaget en Amérique en 1808. Quand Mgr Bruté prit possession de son siège, tout était à créer. Son clergé se composait de quatre ou cinq prêtres. Il n'avait qu'une cathédrale en bois, non achevée, une autre église en planches et quelques chapelles provisoires. Son peuple, composé de 25 à 30.000 catholiques, était dispersé sur un territoire vaste comme le quart de la France[41]. Grâce à son zèle, à celui de son digne successeur, Mgr de la Hailandière, et au dévouement des missionnaires qui se firent les collaborateurs de l'un et de l'autre, les Pères Petit, Desseville, Buteux, Benoît, Schœffer, la statistique du diocèse de Vincennes put énumérer, à la fin de l'année 1842, trente-six missionnaires, cinquante-trois églises ou chapelles, un collège tenu par les eudistes, trois écoles dirigées par les Sœurs de la Providence, deux écoles fondées par les Frères de Saint-Joseph. En 1844, l'évêque avait le bonheur de constater que presque tous les catholiques remplissaient leur devoir pascal et assistaient aux offices de l'Eglise[42]. Dans les autres diocèses récemment fondés, les nouveaux évêques eurent à remplir des missions semblables. Parmi les religieux qui évangélisèrent les Etats-Unis sous le pontificat de Grégoire XVI, nous pouvons citer : les religieux de la Congrégation de Sainte-Croix, appelés en 1841 par Mgr de la Hailandière ; les Pères de la Miséricorde, établis à New-York en 1842 ; les jésuites, arrivés à la Nouvelle-Orléans dès 1837 ; les sulpiciens, chargés de l'instruction de la jeunesse et des missions en attendant de pouvoir se charger de la direction des séminaires, objet propre de leur institut ; enfin, les Dames du Sacré-Cœur, les Filles de la Charité et les Religieuses de Saint-Joseph du Puy.

Les années du pontificat de Grégoire XVI furent très fécondes pour l'Eglise du Canada. En 1840, Mgr de Forbin-.Lanson y organisa des missions, dont les fruits merveilleux furent confirmés par l'établissement de retraites paroissiales[43]. En 1841, Mgr Bourget, premier évêque de Montréal, appela dans son diocèse les Oblats de Marie, qui réalisèrent sur le sol canadien leur évangélique devise Evangelizare pauperibus misit me. L'année suivante, il fit appel aux jésuites, qui, disparus depuis la conquête, rentrèrent avec émotion sur la terre que leurs Pères avaient fécondée de leurs travaux et de leur sang[44]. Plusieurs congrégations de religieuses furent fondées. Les évêchés furent multipliés. Grégoire XVI érigea, en i84I, l'évêché de Toronto, qu'il confia à Mgr de Charbonnel ; en 1842, celui de Saint-Jean, avec Mgr Dollard pour titulaire. En 1844, il créa la province ecclésiastique de Québec, et nomma Mgr Signay archevêque, en lui assignant comme suffragants les évêques de Montréal, de Kingston et de Toronto. L'accroissement de la population demandait aussi la multiplication des écoles. Un homme religieux et dévoué, M. Meilleur, devenu en 1842 surintendant de l'éducation pour le Bas-Canada, donna une vigoureuse impulsion à l'instruction publique, tandis que, conformément aux règlements de 1841, assurant aux catholiques et aux protestants des écoles primaires séparées, les évêques créaient de nombreux établissements confessionnels.

Nous avons vu comment le mouvement révolutionnaire avait brisé les liens de plusieurs pays de l'Amérique latine avec l'Espagne et le Portugal, et comment Grégoire XVI, soucieux avant tout du bien des âmes, avait jugé opportun de traiter directement avec les nouvelles autorités de ces pays pour y organiser les hiérarchies. Pour qu'aucune Eglise n'échappât à sa sollicitude, le pontife établit, en 1836, à la Nouvelle-Grenade, un chargé d'affaires, qui veillerait aux intérêts religieux des républiques américaines dépourvues de toute représentation du Saint-Siège.

Dans l'Amérique du Sud comme dans l'Amérique du Nord, il était un abus qui ne pouvait laisser indifférent le Chef suprême de l'Eglise c'était le trafic des esclaves. Le 3 décembre 1839, Grégoire XVI éleva la voix pour rappeler la doctrine de l'Eglise à ce sujet. Après avoir montré comment le christianisme, par des mesures prudentes, avait peu à peu fait disparaître l'esclavage de tous les pays où il s'était établi, le pontife ajoutait : Toutefois, nous le disons avec douleur, même parmi les chrétiens d'aujourd'hui, des hommes honteusement aveuglés par le désir d'un gain sordide n'hésitent pas à réduire en servitude, sur des terres éloignées, d'autres hommes, leurs semblables, ou bien encore aident à cet indigne forfait, en organisant le commerce de ces malheureux, que d'autres ont chargés de chaînes... En vertu de notre autorité apostolique, nous réprouvons toutes ces pratiques comme absolument indignes du nom chrétien, et nous interdisons à tout ecclésiastique ou laïque d'enseigner, en public ou en particulier, de manière ou d'autre, quoi que ce soit de contraire à ces Lettres apostoliques[45].

L'évangélisation de l'Océanie, c'est-à-dire de cette multitude d'îles disséminées sur la vaste mer du Sud, qui occupe, à elle seule, un tiers du globe, présentait des difficultés dont il était impossible de prévoir la nature et la gravité, mais qui paraissaient devoir être considérables. Elles n'effrayèrent ni le pape Grégoire XVI ni les courageux ouvriers auxquels il s'adressa. Par son Bref Omnium gentium du 29 avril 1836, le souverain pontife confia à la jeune Société de Marie la mission de porter en Océanie la lumière de l'Evangile. Un groupe de sept missionnaires, composé de quatre Pères et de trois Frères coadjuteurs, se mit aussitôt en route. Le plus âgé de ces Pères, né au village de Cuet, dans le département de l'Ain, en 1803, s'appelait Pierre Chanel. Jeune encore, en gardant les troupeaux, il avait soupiré après les missions d'outre-mer. A peine avait-il prononcé ses vœux de religion dans la Société de Marie, que ses désirs furent comblés. Le 1er novembre 1837, une troupe apostolique avait abordé aux îles Wallis, dont la conquête à la foi chrétienne coûta quatre années de prières, de travaux et de tribulations de tout genre à son premier apôtre, le P. Bataillon[46]. La seconde mission, celle de Futuna, coûta plus cher encore au doux et saint P. Chanel, qui, après quelques années d'un apostolat difficile et à peu près stérile en apparence, succomba sous le fer des ennemis de la religion qu'il prêchait[47]. La mission de la Nouvelle-Zélande fût également fondée par Mgr Pompalier au milieu des souffrances et des humiliations. En quelques années, six missionnaires furent massacrés, cinq périrent en mer, d'autres furent dévorés par les anthropophages. Mais bientôt les survivants purent écrire : La religion gagne ici le terrain qu'elle semble perdre en Europe. Regnavit Dominas, lætentur insulæ multæ. L'anthropophagie avait disparu de partout. Certaines îles se constituaient en une sorte de communauté religieuse. D'autres se groupaient entre elles sous la forme d'une confédération chrétienne. Tous ensembles formaient comme un collier de pierres précieuses à l'Epouse du Christ. L'Océanie insulaire, avec ses 180.000 fidèles disséminés, offrira, au déclin du me siècle, un spectacle que n'a connu peut-être aucun des âges précédents.

Cependant les œuvres auxiliaires des Missions étrangères se multipliaient. L'Œuvre de la Propagation de la Foi, fondée en 1822, recueillait, en 1840, plus de deux millions de francs. L'Eglise voyait naître en 1832, à Aix-la-Chapelle, la Société de Saint-François-Xavier ; en 1839, en Autriche, le Leopoldsverein ; en 1843, en Bavière, le Ludwigsverein, et en la même année, en France, l'Œuvre de la Sainte-Enfance, fondée pour le rachat et le baptême des petits enfants chinois abandonnés, et dont l'objet, rendu plus général dans la suite, est désormais l'apostolat des enfants chrétiens auprès des enfants des pays infidèles[48].

Cependant la vue des progrès de l'Eglise dans les pays infidèles ne faisait pas oublier au Saint-Père les épreuves dont elle était l'objet en Europe. Les agissements des sociétés secrètes, les équivoques du libéralisme, les empiétements des souverains sur le domaine religieux, les audaces d'une littérature impie et frivole, étaient pour lui de constants sujets de tristesse. Les soucis et les années courbaient sa haute taille. En 1846, en entrant dans sa quatre-vingt-unième année et la seizième de son pontificat, il eut un pressentiment de sa fin prochaine. Il écrivit dans son testament : Nous, Grégoire XVI, indigne héritier de la chaire de saint Pierre, ayant devant l'esprit l'heure de notre mort et de l'appel au tribunal divin... nous recommandons notre pauvre âme à Notre-Seigneur Jésus-Christ... Nous recommandons au même divin Rédempteur l'Eglise, son Epouse bien-aimée, dans les nombreuses tribulations et persécutions dont elle est assiégée. Le 26 mai 1846, un érysipèle d'aspect assez bénin l'empêcha de présider une cérémonie religieuse. Bientôt le mal prit un caractère très grave, et l'emporta de ce monde le 1er juin 1846. Il mourut comme un pauvre religieux, répondant à quelques-uns qui lui rappelaient les grandes œuvres de son pontificat : Je veux mourir en moine et non en souverain, lo voglio morire da frate, non da sovrano. Telles furent les dernières paroles du pontife[49]. Le journal la Quotidienne se fit l'interprète des catholiques en publiant, au lendemain de sa mort, les lignes suivantes : Le monde catholique perd un grand pape, un de ces esprits sages et conciliateurs qu'il faut à des temps de transition. Quelquefois on s'est étonné de ne pas voir Grégoire XVI prendre l'initiative en certaines questions d'ordre général, de transformation sociale ou de liberté politique, qui préoccupent les peuples et travaillent les Etats. Mais l'histoire dira qu'il est intervenu dans toutes ces questions avec toute la mesure qui convient à la situation présente de l'Eglise ; que, s il a respecté le droit des couronnes, il a proclamé le droit des consciences, et qu'en présence de tant de faits violents, révolutionnaires, accrédités par l'Europe, il a maintenu, autant qu'il le pouvait, l'empire des idées et la sainteté des maximes chrétiennes[50].

 

 

 



[1] Eugène Boré, ordonné prêtre en 1850, entra peu de temps après au noviciat des Prêtres de la Mission, ou lazaristes, et fut envoyé en Orient, aussitôt après ses vœux prononcés, comme missionnaire. Il y exerça les fonctions de supérieur de la mission de Bébek, puis de préfet apostolique. Appelé à Paris comme secrétaire de son supérieur général, M. Etienne, il lui succéda en 1874, et mourut en 1878, après avoir mérité le titre qui lui fut donné d'apôtre de l'Orient.

[2] Voir Cyrille CHARON (P. Cyrille Karalevsky), Histoire des patriarcats melkites, 3 vol. in-8°, Paris, 1910, t. II, p. 162-207.

[3] MARSHALL, les Missions chrétiennes, trad. L. DE WAZIERS, t. II, p. 25.

[4] Asiatic Journal, vol. XVIII, p. 8.

[5] MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 244.

[6] MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 244.

[7] COLIN MACKENSIE, Six Years in India, t. I, ch. VII, p. 313.

[8] MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 246.

[9] MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 248.

[10] Voir le Times du 14 octobre 1863. Cf. MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 245.

[11] COLIN MACKENSIE, Six Years in India, t. I, p. 333.

[12] Sur Mgr Bonnaud, voir LAUNAY, Hist. de la Société des Missions étrangères, t. III, p. 10.

[13] LAUNAY, Hist. de la Société des Missions étrangères, t. III, p. 142-147.

[14] Le séminaire colonial est confié, depuis 1879, aux Pères du Saint-Esprit.

[15] DURCIS, Mœurs des peuples de l'Inde, 2 vol. in-8°, Paris, 1825, t. I, p. 476.

[16] MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 231.

[17] MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 231.

[18] MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 231.

[19] MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 232.

[20] MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 233. Le P. Bertrand, écrivant du Maduré, en 1839, raconte ce fait, si souvent cité depuis : Parmi ces Hindous, il en est qui, lorsqu'on leur demande s'ils ont commis quelque faute, répondent : Autrefois j'en commettais, il y a longtemps. Je m'en suis confessé au Père ; il m'a défendu de recommencer, et depuis je n'en ai plus commis. (MARSHALL, ibid., p. 234).

[21] Voir, à ce sujet, la lettre de Grégoire XVI du 1er mars 1845, l'allocution consistoriale de Pie IX prononcée le 17 février 1851, le concordat conclu entre Pie IX et Pierre V de Portugal le 21 février 1857 et l'accord intervenu entre Léon XIII et la couronne de Portugal le 26 juin 1886. Cf. PIOLET, les Missions catholiques françaises, t. II, p. 200-207.

[22] JACQUENET, Vie de M. l'abbé Gagelin, Paris, 1850.

[23] MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 103.

[24] MARSHALL, les Missions chrétiennes, t. I, p. 118.

[25] PIOLET, les Missions catholiques françaises, t. III, p. 79 ; Annales de la Propagation de la foi, t. XVIII, p. 31-82 ; t. XXI, p. 23-25.

[26] Voir MARNAS, la Religion de Jésus au Japon, 2 vol. in-8°, Paris, 1896, t. I. p. 8° et s. Cf. Abbé MARBOT, Vie de Mgr Forcade, un vol. in-8°, Aix, 1886.

[27] Mgr LE ROY, au mot Afrique, dans le Dict. de VACANT, t. I, col. 543.

[28] Mgr LE ROY, au mot Afrique, dans le Dict. de VACANT, t. I, col. 543.

[29] PIONEAU, Vie de Mgr Dupuch, premier évêque d'Alger, un vol. in-8°, Paris, 1866, p. 87.

[30] Paroles d'Abd-el-Nader à l'un de ses prisonniers. (THUREAU-DANGIN, Hist. de la Monarchie de Juillet, t. III, p. 541).

[31] Moniteur du 1er août 1832. Le Journal des Débats avait dit gravement que, par suite de la conversion des Arabes, la couleur locale disparaîtrait, ce qui serait bien dommage. Il est sûr, répliqua Louis Veuillot, que nous y perdrions ces pittoresques coups de fusil qui accidentent La marche de nos troupes. Car on devrait comprendre que les Arabes ne seront à la France que lorsqu'ils seront Français ; ils ne seront Français que lorsqu'ils seront chrétiens ; et ils ne seront pas chrétiens tant que nous ne la serons pas nous-mêmes.

[32] THUREAU-DANGIN, Hist. de la Monarchie de Juillet, t. III, p. 541.

[33] Louis VEUILLOT, les Français en Algérie, un vol. in-8°, Paris, 6' édition, 1863, p. 297 Les soldats firent généralement bon accueil au nouvel évêque. Un capitaine quelque peu lettré lui adressa même un compliment en vers, qui débutait ainsi :

Illustre successeur du grand saint Augustin,

Qui fut martyrisé, dit-on, sous Constantin.

[34] BERSANGE, Dom François-Régis, fondateur de la Trappe de Staouéli, un vol n-8°, Paris.

[35] On sait que l'Ethiopie est le nom ancien de l'Abyssinie.

[36] COULBEAUX, dans les Missions catholiques de PIOLET, t. II, p. 21.

[37] Abouna, métropolitain dans l'Eglise éthiopienne.

[38] Mgr LE ROY, dans le Dict. de VACANT, t. I, col. 544-545. Pour plus de détails, voir Cardinal PITRA, Vie du R. P. Libermann, un vol. in-8°, Paris, 2e édition, 1872.

[39] G. ANDRÉ, dans le Dict. de VACANT, t. I, col. 1057-1058.

[40] Sur le mode de nomination des évêques aux Etats-Unis, voir G. ANDRÉ, dans le Dict. de VACANT, t. I, col. 1063-1064.

[41] PIOLET, les Missions, t. I, p. 205.

[42] PIOLET, les Missions, t. I, p. 207-208.

[43] PHILPIN DE RIVIÈRES, Vie de Mgr de Forbin-Janson, Paris, 1892, p 382-402.

[44] CHASSEGROS, Hist. du noviciat de la Compagnie de Jésus au Canada, Montréal, 1903.

[45] BERNASCONI, t. II, p. 387-388.

[46] MANGERET, Mgr Bataillon, 2 Vol. in-8°, Paris et Lyon, 1884.

[47] NICOLET, Vie du B. Chanel, un vol. in-8°, Lyon, p. 272. Le P. Chanel a été déclaré Bienheureux par Léon XIII le 17 novembre 1889.

[48] On a souvent attaqué l'œuvre de la Sainte-Enfance, sous prétexte qu'elle était sans objet, les Chinois ayant, dit-on, un grand respect de la vie humaine, surtout chez les enfants. Cependant il résulte, non seulement des lettres des missionnaires, mais aussi des déclarations authentiques de témoins impartiaux, tels que l'amiral Dumont-d'Urville, le baron de Hübner, le capitaine de la Jaille, M. Vade, ministre d'Angleterre à Pékin en 1871, que beaucoup d'enfants sont abandonnés par les Chinois. La police de Pékin, dit Dumont d'Urville, en ramasse chaque matin un bon nombre dans les rues. On trouve, il est vrai, des assertions qui paraissent contraires dans plusieurs observateurs sérieux, tels que Léon ROUSSET dans son livre A travers la Chine, et Eugène SIMON dans la Cité chinoise. J'affirme, dit Eugène Simon, que l'infanticide est beaucoup moins fréquent en Chine qu'en France. (Cité par MARÉCHAL, Hist. contemp., édition, t. II, p. 593.) Il est possible que ces voyageurs n'aient jamais vu ou aient rarement vu des enfants abandonnés. II est incontestable, en effet, que le Chinois regarde comme une bénédiction du ciel une famille nombreuse, et, en temps normal, ni riches ni pauvres ne songent à abandonner leurs enfants. Mais les famines sont fréquentes, subites et terribles en Chine (voir Maurice COURANT, Annales de l'Ecole des sciences politiques, juillet 1900, p. 526). C'est pendant ces périodes que les familles indigentes se débarrassent de leurs enfants, non point, comme en Europe, par des pratiques abortives ou criminellement préventives, mais par l'exposition et l'abandon sur les soutes ou même dans les rues. Le père de famille chinois ayant, comme le paterfamilias antique, droit de vie et de mort sur ses enfants, est à l'abri de toute poursuite judiciaire. Aussi les missionnaires déclarent-ils qu'on peut bien passer un an et plus en Chine sans voir d'enfant abandonné ; mais vienne une année d'inondation ou de sécheresse, partant de disette, les expositions redeviendront fréquentes. Voir sur ce sujet : LAUNAY, Hist. de la Soc. des Miss. étrangères, t. III, p. 125-129 ; PIOLET, les Missions cathol. françaises, t. III, p. 260-267 ; Annales de la propagation de la foi, t. XXVIII. p. 52-53.

[49] Ami de la Religion, t. CXXIX, p. 653. Cf. Correspondant, t. XIV, p. 801.

[50] Cité par l'Ami de la Religion, t. CLXIX, p. 595.