HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

TROISIÈME PARTIE. — LA LUTTE CONTRE L'INCRÉDULITÉ

CHAPITRE II. — LE DÉVELOPPEMENT DE L'INCRÉDULITÉ AU XVIIIe SIÈCLE.

 

 

I

En Allemagne, l'échec de la tentative syncrétiste avait déterminé une triple orientation des protestants : quelques-uns allèrent individuellement au catholicisme, tels que le duc Christian-Auguste de Holstein en 1705, Ulric de Brunswich en 1710, le comte de Nassau-Siegen en 1729, le duc Charles-Alexandre de Wurtemberg en 1733, le margrave Guillaume du Palatinat rhénan en 1769, et le margrave Charles-Guillaume en 1771[1] ; d'autres, découragés, laissèrent s'affaiblir leur foi ; d'autres enfin, pour satisfaire leur intime besoin d'appartenir à une Eglise organisée, se groupèrent pies étroitement autour de leurs princes. Le plus remarquable de ces groupements se forma en Prusse, sous le roi Frédéric-Guillaume Ier. De 1713 à 1740, le monarque prussien administra et réglementa l'Eglise nationale, revendiqua les fonctions d'évêque suprême, et les exerça avec cette raideur militaire, méticuleuse et despotique, qui était le trait le plus caractéristique de son tempérament[2]. Sous son impulsion, on travailla à fondre toutes les confessions protestantes en une seule religion officielle. Le régime des consistoires luthériens, dépendants du roi, tendit à remplacer, même chez les calvinistes, le régime des synodes. Les pasteurs furent considérés comme des fonctionnaires royaux. Frédéric-Guillaume Ier écrivait, le 24 décembre 1729 : Les princes protestants d'Allemagne, en vertu du summum jus circa sacra, doivent être considérés comme Papes sur leur territoire. En parlant ainsi, le roi luthérien rendait un hommage involontaire à l'organisation catholique, qu'il profanait en l'imitant. Mais son pouvoir suprême devait se tourner contre le christianisme lui-même ; car son fils et successeur, Frédéric II, prince dénué de tout principe religieux, allait se servir de son autorité pour favoriser dans ses Etats le rationalisme anti-chrétien.

Un dualisme dissolvant ruinait d'ailleurs, dans sa doctrine même, le protestantisme germanique. Supernaturalisme et rationalisme, tels furent les deux frères ennemis, dit M. Georges Goyau[3], qui, jusqu'à la fin du XVIIe siècle, se disputèrent en Allemagne la maîtrise de la théologie protestante. Entre ces deux instincts théologiques, les divergences étaient notables, puisqu'il semblait que le premier conduisît à la foi intégrale et le second à l'absolue négation ; ils se ressemblaient pourtant par leur façon d'envisager le problème religieux. Supernaturalistes et rationalistes s'installaient en face d'un bloc extérieur à eux. Les premiers avaient pour ce bloc des ménagements protecteurs ; les seconds songeaient à l'amincir... Les débats théologiques se résumaient en des questions de plus ou de moins ; on marchandait avec la révélation chrétienne. Quelques penseurs, Semier (1725-1791) et Lessing (1729-1781), s'alarmèrent de cette décadence. Mais le remède qu'ils prétendirent apporter n'était qu'un dissolvant de plus. Qu'importe, écrivit Lessing, que la religion ne puise pas répondre aux objections de la raison, si elle laisse au cœur des chrétiens un sentiment intime des dogmes qu'elle annonce. Un protestant rationaliste du XIXe siècle, Adolphe Harnack, a célébré cette phrase émancipatrice[4], qui, développée et poussée à ses dernières conséquences, pourrait être la devise du protestantisme libéral du XXe siècle. En 1679, Lessing lui-même donna un commentaire des plus significatifs à sa pensée, en établissant que toutes les religions sont aussi Lusses les unes que les autres[5].

Les issues du piétisme n'étaient pas plus rassurantes que celles du syncrétisme. Le représentant le plus marquant du piétisme au XVIIIe siècle, fut le voyant suédois, Emmanuel Svedenborg, homme remarquable à certains égards par l'étendue de ses connaissances et par la vigueur de son esprit, mais que sa tendance à l'illuminisme jeta dans les plus étranges rêveries. Pour lui, le centre et le foyer de toute religion est l'Incarnation. La foi de l'homme, dit-il en une formule susceptible d'un sens très profond[6], la foi de l'homme ressemble au regard qui se perd dans les profondeurs du ciel ; le Dieu fait homme lui a donné des limites et un objet. Et cependant le monde actuel est dans la nuit. Depuis le concile de Nicée, dit Svedenborg[7], l'Église est dans les, ténèbres... elle n'est plus chrétienne que de nom... il ne s'y trouve plus rien de spirituel. Mais la nouvelle Jérusalem va descendre du ciel aussitôt que Svedenborg aura achevé son grand ouvrage, la Vera christiana religio. Ainsi, dit Mœhler[8], Svedenborg est le centre de l'humanité, le couronnement des temps ; c'est Svedenborg et non le Fils dri Très-haut, qui est le Sauveur du monde ! Les traductions de Svedenborg se multiplièrent ; le nombre de ses partisans s'accrut de jour en jour... Telle fut la triste destinée de ce siècle : des esprits malades, exaltés, se nourrirent de pareilles chimères ; et le fanatisme le plus funeste menaça d'envahir le monde.

 

En Angleterre, à l'avènement de Guillaume d'Orange, la cause de l'anglicanisme sembla perdue, ou du moins bien compromise. Guillaume, dit Macaulay[9], n'était qu'un latitudinaire ; personnellement, il n'éprouvait aucun scrupule à communier d'après le rite anglican, mais il se souciait fort peu de savoir dans quel rite ses sujets communieraient. D'autre part, la dynastie qui succéda aux Stuarts possédait un titre parlementaire plutôt qu'héréditaire. La suprématie du roi signifia désormais la suprématie du parlement ; et le parlement se composait de dissidents, de sceptiques, ou d'indifférents, prêts à décider les questions religieuses par des considérations politiques[10]. Mais l'Eglise établie et l'Etat avaient un ennemi commun, la dynastie déchue, qui cherchait à ressaisir le pouvoir : c'est ce qui les unit. L'Eglise anglicane eut donc dans de pures raisons politiques une nouvelle raison d'être. En 1701, la Chambre basse de la convocation de Cantorbéry dénonça les dangereuses tendances de l'évêque de Bangor, Hoaldey, qui prêchait en faveur de la liberté religieuse. Le gouvernement refusa au clergé anglican le droit de se réunir en convocations ou assemblées. Le clergé, répondit-il[11], possède assez d'influence par ses richesses ; il a d'ailleurs assez de défenseurs dans la personne des évêques siégeant à la Chambre des lords. Ainsi organisée, l'Eglise anglicane continua à lutter contre l'influence catholique. Au milieu du XVIIIe siècle il se trouva un tribunal anglais pour déclarer que la loi ne reconnaissait point de catholiques dans le royaume, et ce n'est qu'en 1779 que les catholiques furent assimilés aux autres dissidents, pour l'exercice de leurs droits privés ; ils furent toujours exclus des fonctions politiques, municipales et judiciaires[12]. L'Eglise établie se montra. moins sévère pour les tendances latitudinaires ou rationalistes de ses propres membres ; et plusieurs d'entre eux profitèrent de cette tolérance pour professer des doctrines qui s'éloignaient des bases mêmes du christianisme.

En France, la situation des protestants était toute différente. Le pouvoir royal, qui voyait en eux non seulement des dissidents en religion mais encore des adversaires toujours prêts à devenir des conspirateurs en politique, surveillait leurs menées, et : au moindre signe de rébellion, sévissait impitoyablement. Ces exécutions terrifiaient les uns, exaltaient les autres. Traqués dans leurs montagnes, les huguenots des Cévennes attendaient le prophète libérateur. Les expatriés, que la révocation de l'Edit de Nantes avait jetés hors des frontières, formaient désormais les naturels traits d'union entre leurs frères persécutés de France et les gouvernements étrangers. L'Ancien Régime ne devait pas avoir de plus farouches ennemis que les protestants de France.

En 1698, le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, écrivit au nom du roi à tous les évêques de France pour leur demander, dans le plus bref délai possible, un mémoire sur les moyens qu'ils jugeaient propres à convertir les protestants ou, du moins, à les retenir dans leur devoir[13]. Nous possédons ces Mémoires. Tous reconnurent que les protestants, même convertis, formaient comme un corps encore uni par leur ancienne créance, par les promesses qu'ils s'étaient faites... en un mot par un esprit de cabale qui régnait dans leurs consistoires secrets[14]. Mais, unanimes sur la nécessité de maintenir l'unité de foi et de culte dans le royaume, les évêques ne le furent plus sur les moyens à employer pour réaliser cette unité. Les évêques du Nord demandèrent l'emploi de la douceur : Le moyen le plus propre à ramener les protestants, disait l'archevêque de Reims[15], est celui de les tolérer et de travailler à les instruire avec douceur et charité. Bossuet s'élevait avec indignation contre la pénalité qui consistait à traîner le coupable sur une claie : Cette coutume, écrivait-il, cause plus d'horreur contre les catholiques qu'elle ne fait de bons effets pour les Réunis[16]. Mais les évêques du Midi demandèrent tous que les moyens évangéliques fussent accompagnés d'un certain emploi de la force publique. Je reconnais, écrivait Fléchier, comme saint Augustin le reconnut de son temps, que la prédication, la raison, les conférences et tous les offices de la charité n'avancent guère leur conversion, s'ils. ne sont pas soutenus de la crainte des lois et des ordonnances des Princes... La crainte seule révolterait les esprits ; mais l'instruction seule ne les remuerait pas assez[17].

Les intendants des provinces furent consultés en même temps que les évêques. Inspirés surtout par des considérations politiques, les intendants furent unanimes pour demander une sévère répression de tous les actes qui seraient de nature à porter atteinte à la tranquillité publique ou aux lois de l'Etat, réclamant de fortes amendes, les galères perpétuelles, et, dans certains cas, la peine de mort, contre ceux qui prendraient part à des assemblées secrètes, ou tenteraient de sortir du royaume sans permission[18].

De 1700 à 1715, aucune mesure spéciale ne fut édictée contre les protestants. On se contenta d'appliquer, avec plus ou moins d'atténuation, les lois existantes. On favorisa seulement la multiplication des prédications et des écoles catholiques. On chercha à changer le sentiment intérieur[19]. Et, finalement, l'illusion qui avait fait hâter la révocation de l'Edit de Nantes, se renouvela. Le 8 mars 1715, Louis XIV, supposant qu'il n'y avait plus eu France que des catholiques, déclara passibles de la peine des relaps tous ceux qui voudraient désormais vivre ou mourir dans la Religion prétendue réformée, leur séjour seul dans le royaume étant une preuve plus que suffisante qu'ils avaient embrassé la religion catholique. Cette fiction légale devait persister, au moins en principe, dans la législation française jusqu'en 1787. Le 15 août de la même année, les huguenots du Midi répondirent à la Déclaration royale en tenant leur premier synode du désert.

Après la mort de Louis XIV (1er septembre 1715), le gouvernement du Régent, Philippe d'Orléans, prince ami des plaisirs et assez indifférent aux choses religieuses, laissa d'abord à l'hérésie une tranquillité relative. Les protestants s'assemblèrent sans obstacle. Leurs ministres visitaient leurs troupeaux, répandaient des écrits, levaient des sommes et délivraient des actes de mariage et de baptême comme par le passé[20]. Duclos, dans ses Mémoires, parle d'assemblées tenues en Poitou, en Languedoc et en Guyenne. Il dit que l'inquiétude du gouvernement augmenta par la découverte d'un grand amas de fusils et de baïonnettes près d'un lieu où les protestants s'étaient assemblés[21]. Le 29 août 1723, l'Assemblée générale du clergé de France, dans une remontrance au roi Louis XV, se plaignit de l'agitation croissante des nouveaux convertis : Ils tiennent des assemblées, disait-on[22] ; ils font des mariages sans observer les lois de l'Eglise et de l'Etat... ils déclarent hautement qu'ils sont prétendus réformés, en sorte que cette secte se multiplie tous les jours.

Le gouvernement crut nécessaire de réprimer cette licence. Par sa déclaration du 14 mai 1724, Louis XV renouvela et, sur certains points, aggrava les sévères pénalités édictées par Louis XIV. Cependant, l'esprit qui dicta cette loi nouvelle, dit Picot[23], ne paraît pas avoir été un esprit de persécution. Ce qui le prouve, c'est que l'édit de 1724 ne fut pas observé. On n'y tint pas la main. Les parlements et les intendants étaient également éloignés des mesures de rigueur. Le ministère n'avait voulu qu'inspirer plus de réserve aux non-catholiques. Le cardinal de Fleury, qui fut au pouvoir de 1726 à 1743, inclinait aux mesures pacifiques. Les protestants en profitèrent pour se développer. Ils établirent de nouveau des écoles et des consistoires, distribuèrent des livres et des catéchismes, convoquèrent des assemblées, et reprirent peu à peu l'exercice de leur culte. Ils firent plus : ils tinrent, au mois d'août 1741, un synode national. Des députés de toutes les provinces se rendirent près de Sommières, sur les confins du diocèse d'Uzès[24]. L'article X des Résolutions portait : Comme il y a plusieurs provinces où l'on fait encore des exercices de religion pendant la nuit, le synode... pour manifester de plus en plus la pureté de nos intentions... charge les pasteurs et les anciens de se conformer, autant que la prudence le permet, aux Eglises qui font leurs exercices en plein jour[25]. L'assemblée ne se sépara point sans avoir ordonné un jeûne solennel pour la conservation de la personne sacrée de Sa Majesté et pour le succès de ses armes[26]. L'Assemblée du clergé de 1745 appela l'attention du roi sur les entreprises des religionnaires ; niais le ministère, où l'influence du marquis d'Argenson, ami de Voltaire, était prépondérante, était favorable aux Réformés. La Beaumelle, dans ses lettres, parle d'assemblées de vingt mille âmes qui se tenaient en Dauphiné, en Poitou, en Vivarais, en Béarn, et de soixante temples érigés dans la seule province de Saintonge[27]. Il n'y eut guère, en somme, de 1724 à 1756, que des persécutions locales, provoquées par des mouvements d'opinion publique ou par l'initiative d'intendants plus zélés que le gouvernement. Mais, en certains lieux, ces répressions furent d'une extrême sévérité. En deux ans, de 1745 à 1747, le parlement de Grenoble condamna 300 personnes au fouet, à la prison, à la dégradation de noblesse, ou même à la mort[28].

C'est alors que quelques Réformés s'adressèrent à Jean-Jacques Rousseau et à Voltaire, les suppliant de plaider leur cause. Jean-Jacques Rousseau se déroba : Je sens combien il est dur, répondit-il[29], de se voir sans cesse à la merci d'un peuple cruel, sans avoir même la consolation d'entendre la parole de Dieu ; mais cependant, Monsieur, cette même parole est formelle sur le devoir d'obéir aux lois des Princes... Je ne ferais, par un zèle indiscret, que gâter la cause à laquelle je voudrais m'intéresser. Vous avez pris un meilleur parti en vous adressant à M. de Voltaire ; mais je doute qu'il mette un grand zèle à sa recommandation... Mon cher Monsieur, la volonté lui manque, à moi le pouvoir.

Jean-Jacques Rousseau se trompait : Voltaire allait prendre en mains, avec toute la puissance de sa verve, la cause protestante et faire des deux procès de Calas et de Sirven, des événements dans l'histoire de France et même dans celle de l'Europe[30].

Un soir, le 13 octobre 1761, un jeune homme de 28 ans, Marc-Antoine Calas, fut trouvé pendu à une porte, dans sa propre maison, à Toulouse. Le bruit se répandit, parmi la foule assemblée dans la rue, que la famille du jeune homme, qui était protestante, l'avait tué pour l'empêcher de se faire catholique. Le capitoul de Toulouse, David de Beaudrigue, se laissa gagner par cette rumeur, et, sans enquête préalable, fit arrêter les Calas. Le parlement de Toulouse, saisi de l'affaire, condamna Jean Calas, le père, au supplice de la roue. La sentence fut exécutée le 10 mars 1762. Voltaire, sollicité d'intervenir, fut long à se décider. Les protestants ne lui étaient pas plus sympathiques que les catholiques. Il se moqua d'abord de cet Abraham, qui avait dû tuer son fils pour l'acquit de sa conscience. Mais bientôt, voyant que la cause était bonne, il s'en empara, et ce procédurier de premier ordre, comme l'appelle un historien[31], entreprit rn faveur de Calas une active campagne de réhabilitation, où sa serve, son activité, se déployèrent avec leurs incroyables ressources. Lamoignoin et Mme Pompadour furent mis en mouvement. Les libelles enflammés se succédaient, soulevant l'opinion publique. Dans la rue et dans les salons, bientôt on ne parla plus que de l'affaire Calas. Le 9 Mars 1765, le Conseil des Requêtes cassa le jugement du parlement de Toulouse et réhabilita la mémoire de Jean Calas.

Cette grande affaire n'était pas terminée, qu'une autre, toute semblable, se présentait à Saint-Alby, près de Castres. Le 2 janvier 1762, une jeune fille, Elisabeth Sirven, atteinte de démence, se précipita dans un puits. L'opinion publique accusa du meurtre les parents de la jeune fille, qui la persécutaient, disait-on, parce qu'elle voulait se faire catholique. Sirven et sa femme purent s'enfuir à temps, et gagnèrent Genève. Voltaire s'employa alors pour eux, ainsi qu'il l'avait fait pour Calas, et obtint la cassation de l'arrêt qui avait condamné Sirven, comme parricide, au supplice de la roue.

Voltaire triomphait. L'affaire du chevalier de la Barre acheva son triomphe.

En 1765, sur un pont d'Abbeville, un crucifix fut mutilé à coups de sabre par des inconnus. Les soupçons se portèrent sur un jeune homme, Jean-François de la Barre, connu par ses habitudes de débauche et par son impiété. Il fut arrêté avec quatre de ses compagnons. Il se trouva qu'un assesseur du procureur du roi à Abbeville était l'ennemi personnel de l'abbesse de Villaucourt, tante du chevalier de la Barre. Il est maintenant prouvé que cette inimitié joua un rôle décisif dans la conduite du procès[32]. Voltaire lui-même reconnaît que tout le procès fut l'effet d'une tracasserie de province et d'une inimitié de famille[33]. Rien, ni dans les dépositions des témoins, ni dans les réponses de l'accusé, ne prouva la culpabilité de celui-ci. Le grief d'outrages au crucifix fut donc abandonné. Mais plusieurs, en le disculpant du sacrilège commis, l'accusèrent de paroles impies, de propos obscènes et d'actes scandaleux. Il fut condamné de ce chef à la peine de mort et, malgré l'intervention de l'évêque d'Amiens, qui demanda au roi la commutation de la peine, il fut exécuté à Abbeville le 1er juillet 1766. Voltaire, qui avait essayé de le sauver, éclata en cris indignés contre les Busiris en robe qui faisaient périr des enfants de seize ans.

Le chevalier de la Barre n'était pas un huguenot ; mais par sympathie pour son défenseur, par haine de ses juges, par amour de la liberté de conscience dont il était censé le martyr, les protestants défendirent sa cause : dans la campagne menée contre les institutions traditionnelles de l'Eglise et de l'Etat, huguenots et philosophes eurent désormais partie liée. Ils trouvaient, d'ailleurs, pour le succès de cette campagne, un précieux auxiliaire dans un parti qui, venu d'un point de départ tout différent en apparence, prenait de plus en plus des allures révolutionnaires ; c'était le jansénisme.

 

II

Avec les Réflexions morales de Quesnel, et surtout avec le Problème ecclésiastique, libelle anonyme et violent qui, en 1699, opposait Louis-Antoine de Noailles, évêque de Châlons, à Louis-Antoine de Noailles, archevêque de Paris[34], un nouveau jansénisme était né, radical et factieux. Jamais l'hérésie jansénienne n'avait plus ressemblé au protestantisme par ses doctrines ; jamais elle ne s'était plus rapprochée de lui par son attitude et ses procédés. La publication, en 1702, d'un nouvel opuscule, intitulé Cas de conscience, réveilla brusquement toutes les controverses soulevées depuis les premières origines de la secte. Un pénitent, qui condamnait en théorie les cinq Propositions, mais gardait sur la question de fait un silence respectueux, qui croyait à l'efficacité de la grâce par elle-même et à la nécessité d'un commencement d'amour dans la contrition, qui pensait que les actions faites sans amour sont dès péchés, qui lisait enfin les Lettres de Saint-Cyran, la Fréquente Communion d'Arnauld, et la Bible de Mons, pouvait-il recevoir l'absolution[35] ? Quarante docteurs de Sorbonne répondirent : oui[36]. Le Pape Clément XI, par un bref du 12 février 1703, condamna le Cas de conscience avec les qualifications les, plus sévères, et signala à la Faculté de théologie de Paris la témérité de quelques-uns de ses docteurs. Fénelon, dans une éloquente Instruction pastorale[37], réfuta la doctrine du. Cas de conscience, relevant en particulier les inconséquences et le peu de bonne foi du silence respectueux en présence d'une condamnation portée par' l'Eglise infaillible. Cette vigoureuse protestation fut le point de départ d'un mouvement d'opinion, qui s'exprima par les lettres de plusieurs évêques. Louis XIV craignit alors de voir la faction janséniste relever la tête. Le Roi, dit Racine[38], était prévenu que les jansénistes n'étaient pas bien intentionnés pour sa personne et pour son Etat. Il redoutait ces sortes d'indépendants qu'on disait, au rapport de Saint-Simon, n'en vouloir pas moins à l'autorité royale qu'ils se montraient réfractaires à celle du Pape : parti républicain dans l'Eglise et dans l'Etat[39]. Louis XIV supplia le Souverain Pontife d'envoyer, pour déjouer les dernières subtilités des jansénistes, une bulle précise, énergique, qui, enregistrée par les parlements, deviendrait loi de l'Etat et serait mise à exécution par- les magistrats du royaume. Ainsi fut provoquée la bulle Vinearn Domini Sabaoth, qui parut le 15 juillet 1705. Le Pape condamnait le silence respectueux comme un voile trompeur dont on se servait pour se jouer de l'Eglise, au lieu de lui obéir[40] et, rappelant toutes les condamnations de ses prédécesseurs, demandait qu'on lui obéît par une soumission intérieure, non tacendo solum, sed et interius obsequendo[41].

Rien n'égale la clarté, la précision de cet acte de l'autorité souveraine, si ce n'est l'accord avec lequel il fut accueilli[42]. Il n'y avait peut être jamais eu, dit d'Aguesseau, d'exemple plus remarquable du concert entre les deux puissances, spirituelle et civile. L'Assemblée du clergé la reçut avec une soumission parfaite ; le parlement l'enregistra sans réclamation ; tous les évêques sauf un seul, l'évêque de Saint-Pons, la publièrent sans restriction. La cause du jansénisme semblait perdue.

Une seule difficulté restait à vaincre : obtenir la soumission des religieuses de Port-Royal des Champs, dernier groupe officiel subsistant du jansénisme. Pour aplanir les obstacles, ménager les susceptibilités, on décida de s'adresser simplement au confesseur des religieuses, M. Marignier. Cet ecclésiastique reçut, le 18 mars 1706, communication de la bulle Vineam, de l'ordonnance épiscopale qui la publiait dans le diocèse, et de la formule suivante, qu'on le pria de signer : La bulle et l'ordonnance ci-dessus ont été lues et publiées à la grille de Port-Royal par nous, prêtre soussigné, préposé à la conduite des religieuses, et reçues avec le respect dû à Sa Sainteté et à Son Eminence par les religieuses.

La situation était décisive. Un acte de filiale obéissance, accompli en toute sincérité et simplicité, eût marqué la fin de toute querelle. Les religieuses de Port-Royal demandèrent à réfléchir, et consultèrent leurs amis.

Or, si l'apaisement se faisait en France, l'agitation était extrême en Hollande. Quesnel, réfugié, y excitait les esprits. Des écrits violents, dirigés contre la bulle, parvenaient à Paris. L'esprit de révolte et l'esprit de paix durent se livrer un vif combat dans l'âme des jansénistes consultés. Finalement, l'esprit de révolte l'emporta. Mettre en avant des religieuses pouvait être une tactique habile. L'autorité ne leur demandait, il est vrai, aucun acte explicite et personnel de soumission elles décidèrent de faire un acte explicite de révolte. Elles protestèrent hautement qu'elles n'accepteraient la bulle que moyennant l'addition de la formule suivante : Sans déroger à ce qui a été fait à leur égard, à la Paix de l'Eglise, sous le pape Clément IX. C'était, par l'exigence d'une formule qu'un historien favorable à Port-Royal ne peut s'empêcher de trouver singulière et ridicule[43], mettre les autorités ecclésiastiques et civiles en demeure, ou de reculer devant des femmes, ou de sévir contre elles avec rigueur. Dans l'un comme dans l'autre cas, c'était courir la chance de retourner l'Opinion publique en faveur d'une cause dont on serait les triomphateurs ou les martyrs.

L'avenir donna raison à ces calculs. Le caractère impressionnable et mobile du Cardinal de Noailles le fit tomber dans le piège[44]. L'exaspération de Louis XIV, qui était alors à son paroxysme, le porta aux extrêmes répressions. A cette tactique, les jansénistes perdirent Port-Royal, mais ils reconquirent une popularité.

Les esprits s'échauffaient. Devons-nous livrer nos consciences ? s'écriaient les religieuses. La seule pensée que je souffrirai pour la vérité, disait une des plus anciennes, me remplit de joie. Quesnel, du fond des Pays-Bas, écrivait à ces futures martyres pour soutenir leur courage. Mais bientôt les événements se précipitent. Sous l'influence de Noailles, Louis XIV interdit aux religieuses de Port-Royal des Champs d'élire une abbesse, de recevoir des novices ; l'officialité diocésaine les dépouille de leurs biens, qu'elle réunit à ceux de Port-Royal de Paris[45]. Les religieuses protestent. En novembre 1707, Noailles lance contre elles l'excommunication. Les protestations redoublent. On dirait que le parti veut forcer l'archevêque et le roi à aller jusqu'aux dernières extrémités. Noailles s'adresse au Pape qui, dans un sentiment de pacification, propose une transaction : les biens de Port-Royal des Champs seront unis aux biens de Port-Royal de Paris, comme le roi et l'archevêque le demandent ; mais les religieuses réfractaires pourront rester en paix à Port-Royal des Champs jusqu'à leur mort. Cette mesure, qui ne contente pas le roi, ne satisfait pas davantage les jansénistes. En mars 1709, le Pape se décide à publier une bulle accordant le transfert des religieuses des Champs en divers monastères.

C'est dans l'exécution de cet ordre par les agents royaux que la mesure fut surtout dépassée. Le 29 octobre 1709, d'Argenson se présente à la grille avec une escorte d'archers, prêts à lui prêter main-forte, et des voitures destinées au transport des religieuses récalcitrantes. La grille est forcée, la communauté est aussitôt rassemblée dans la salle du chapitre ; chacune des religieuses reçoit la lettre de cachet qui lui assigne sa future résidence. C'est alors une scène émouvante. Quand d'Argenson voit ces filles s'agenouiller devant leur supérieure pour en recevoir une dernière bénédiction, puis se donner rendez-vous dans l'éternité ; quand il lui faut aider à sortir, soutenir, faire porter même sur des litières les plus âgées et les infirmes, il ne peut contenir son émotion ; il demande pardon aux religieuses de la mission qu'il est obligé d'accomplir. Des gens du voisinage, amis du monastère, accourent, se groupent autour des archers, réclament leurs bienfaitrices et leurs mères. L'émotion, après avoir gagné le voisinage, gagne l'opinion publique. Le 24 novembre 1709, Fénelon, si opposé au jansénisme, ne peut s'empêcher d'écrire au duc de Chevreuse : Un tel coup d'autorité ne peut qu'exciter la compassion pour ces filles et l'indignation contre leurs persécuteurs[46].

Pendant les jours qui suivent la dispersion, les pèlerinages se succèdent autour –du monastère désert. Les parents de ceux et de celles dent les corps reposent dans la chapelle, demandent au roi d'enlever leurs ossements. Le marquis de Pomponne, petit-fils d'Arnauld, supplie le monarque de lui accorder de transporter dans ses terres les corps de ses parents ensevelis à Port-Royal. La rumeur a couru, en effet, que Louis XIV songe à détruire la chapelle du couvent[47]. Mais le bruit même des démarches faites par les jansénistes semble avoir pressé le roi de hâter l'exécution de ce projet. Un arrêt du conseil du 22 janvier 1710 ordonne la démolition des bâtiments de Port-Royal.

L'exécution fut prompte, dit un historien de Port-Royal. Le vénérable monastère fut démoli ainsi que tous les édifices qui y avaient été successivement ajoutés. On vendit les matériaux, et on tâcha d'effacer jusqu'aux vestiges des constructions. Mais ce sol nu restait une relique sacrée ; il renfermait les dépouilles des Le Maistre, des Arnauld, des Racine, et tant d'illustres personnages dont les malheurs de Port-Royal relevaient encore la mémoire. En 1711 on ouvrit les sépultures, on exhuma ces morts gui avaient voulu être éternellement réunis, et on les dispersa dans les églises de Paris et dans les cimetières des villages voisins[48].

On le voit par l'amertume même de ces plaintes ; le coup d'autorité de Louis XIV n'était pas une solution. Bien au contraire. C'est précisément après la ruine de Port-Royal qu'on vit les jansénistes se serrer les uns contre les autres et se constituer dans la capitale comme une petite cité à part. Saint-Jacques du Haut-Pas avait reçu en dépôt le corps de Saint-Cyran et le cœur de Mme de Longueville ; Saint-Etienne du Mont renfermait la dépouille mortelle du grand Pascal, de Boileau, de Racine, de M. Le Maistre et de M. de Saci ; Nicole dormait sous la voûte de Saint-Médard. C'est dans le triangle formé par ces trois églises qu'ils habitèrent de préférence[49].

De ce centre, le jansénisme rayonna. Il avait déjà pénétré Jans les séminaires. Tous ceux qui étudient en Sorbonne, écrivait Fénelon, excepté les séminaristes de Saint-Sulpice et quelques autres en très petit nombre, entrent dans les principes de Jansénius[50]. Les imprudences et les incroyables irréflexions de M. de Noailles, archevêque de Paris, ne firent qu'accélérer ce mouvement. A l'encontre de son prédécesseur François de Harlay, dont la conduite morale était sujette à critique et dont le gouvernement fut sage et prudent, Louis-Antoine de Noailles, prélat sincèrement pieux, doué de qualités estimables, donna l'exemple d'une versatilité déplorable. Son grand malheur, dit M. de Noailles, un évêque de son temps, fut d'écouter trop de faux amis et de s'écouter trop lui-même[51]. Depuis la mort de Bossuet[52] qui avait été son bienfaisant modérateur, Noailles, livré à sa propre volonté, devait trop souvent donner le spectacle d'un caractère sans consistance ni fermeté. Nous n'avons pas à raconter ici l'histoire de ses démêlés avec Louis XIV et avec la Compagnie de Jésus[53], ni à faire le récit complet de ses tergiversations à propos des Réflexions morales du P. Quesnel. En 1711, par une série d'incroyables abus d'autorité, il condamne une Instruction pastorale des évêques de Luçon et de la Rochelle dirigée contre le livre de Quesnel, enjoint au supérieur du séminaire de Saint-Sulpice, M. Leschassier, l'ordre d'expulser de son établissement deux neveux de ces prélats. Soupçonnant les jésuites d'être de connivence avec ses ennemis, il retire les pouvoirs de confesser à la plupart d'entre eux[54]. Sommé de condamner les Réflexions morales, il hésite sans fin ; si bien que Louis XIV, impatienté, révoque par un arrêt le privilège accordé pour cet ouvrage, et ordonne d'en saisir tous les exemplaires[55]. Une intervention directe et formelle du Pape pouvait seule mettre fin à tant de conflits. Telle fut l'origine de la bulle Unigenitus.

Cette bulle, qui devait soulever de si longues et de si ardentes discussions pendant tout le cours du XVIIIe siècle, fut publiée le 8 septembre l713. Elle condamnait cent une propositions de Quesnel[56]. L'assemblée du clergé de 'France la reçut avec soumission et respect le roi en ordonna l'exécution par lettres patentes le parlement, après avoir formulé quelques réserves sur les libertés de l'Église Gallicane, l'enregistra, et le cardinal de Noailles révoqua par un mandement l'approbation qu'il avait donnée au livre des Réflexions morales.

Les jansénistes eurent un moment de stupeur. Mais la mort de Louis XIV, arrivée le 1er septembre 1715, et l'avènement du Régent, Philippe d'Orléans, dont l'indifférence religieuse était connue, ranima leur courage. Ils commencèrent alors une résistance désespérée. Il n'entre point dans le plan d'une histoire religieuse de suivre dans tous ses détails cette campagne d'intrigues, de disputes, de menées sourdes et bruyantes, où aucun grand problème théologique ne s'agite, où aucun grand homme n'apparaît. Le jansénisme du XVIIe siècle ne se reconnaît plus, comme parle Sainte-Beuve, dans ce jansénisme amaigri, séché, comme un bras de fleuve détourné daims les sables et perdu dans des pierres ; il se retrouve encore moins dans ce jansénisme tout politique, qui permettra à bien des gens d'être du parti sans être du dogme ni même de la religion[57].

Dès 1717, quatre évêques, Soanen de Senez, Colbert de Montpellier, de la Broue de Mirepoix, et de Langle de Boulogne, en appellent de la bulle au futur concile général. Seize évêques, sur cent-trente-trois, adhèrent à cet appel ; quatre-vingt-dix-sept docteurs votent la radiation de la bulle des registres de la Faculté ; plusieurs religieux et prêtres séculiers, oratoriens, genovéfains, bénédictins de Saint-Maur, curés de Paris, en tout trois mille ecclésiastiques sur cent mille, suivent le mouvement. Les opposants ou les appelants, comme on les nommera, seront toujours une infime minorité, mais une minorité remuante, obstinée, qui, par ses interminables discussions sur l'authenticité de la bulle, par ses recours incessants aux parlements de France et à des alliés étrangers, par ses publications ininterrompues, par les prétendus miracles et les convulsions de quelques-uns de ses adeptes, agitera l'opinion, troublera l'Etat, affligera l'Eglise.

En 1718, Clément XI, par sa bulle Pastoralis officii, sépare de l'Eglise les appelants. Ils font appel contre cette nouvelle bulle. C'est alors que le Régent, et surtout son ancien précepteur, devenu son premier ministre, le fameux Dubois, commencent à ouvrir les yeux sur la portée de ces manœuvres. Une vigilance plus sérieuse s'inaugure sous le ministère du vieux cardinal de Fleury, qui, en 1727, autorisé M. de Tencin, alors archevêque d'Embrun, à tenir un concile provincial. L'évêque de Senez, Soanen, y est déclaré suspendu de ses fonctions, et, sur le nouvel appel qu'il fait au futur concile, il est exilé, par lettre de cachet, à l'abbaye de la Chaise-Dieu[58]. Le parti janséniste se désagrège. Noailles déclare accepter la constitution Unigenitus et termine, par cet acte de soumission, en 1729, sa vie de tergiversations perpétuelles[59]. Le 15 décembre, sept cents docteurs de la Faculté de Paris, dont trente-neuf évêques, ratifient l'acceptation de la bulle[60]. Il ne reste plus désormais que Colbert, évêque de Montpellier, Caylus d'Auxerre, et Bossuet de Troyes, indigne neveu du grand évêque.

Désespérés, les sectaires se cherchent partout des appuis. En 1728, douze docteurs de Sorbonne chargent un M. Jubé, curé d'Asnières, de négocier une entente avec l'Eglise russe sur la base des principes gallicans[61]. Les doctrines de l'Eglise anglicane elle-même ne les épouvantent pas, et le docteur Ellies Dupin entre en pourparlers avec l'archevêque Wake de Cantorbéry, pour négocier une union ayant pour base l'abolition des vœux de religion, de la confession auriculaire, et du célibat ecclésiastique[62]. Ces tentatives n'ont aucun résultat ; mais le parti trouve un appui efficace dans le parlement de Paris, où l'indépendance à l'égard du Pape est une vieille tradition. En 1732, le nouvel archevêque, Gaspard de Vintimille, ayant ordonné dans un mandement l'obéissance à la bulle, le parlement déclare qu'il y a abus. Quatre conseillers, des plus acharnés, sont alors condamnés à l'exil. Le parlement proteste tous les magistrats, à l'exception de ceux de la Grand'Chambre, signent leur démission ; le 20 juin, ils sortent deux par deux du palais, au nombre de cent cinquante, au milieu d'une foule qui crie : Voilà de vrais romains et les Pères de la patrie ![63]

Pour propager leurs idées, les jansénistes ont, depuis 1727, un journal clandestin, les Nouvelles ecclésiastiques, qui, en dépit de la police, paraîtra en France jusqu'en 1794, en Hollande jusqu'en 1805, sans qu'on y rencontre jamais, suivant l'expression de Sainte-Beuve, une seule lueur d'impartialité[64]. Ils ont aussi la fameuse boîte à Perrette, ainsi appelée, dit-on, du nom de la gouvernante de Nicole, qui en versa les premiers fonds ; mystérieux trésor de guerre, qui, de 40.000 francs à la mort de Nicole, fut porté à plus d'un million[65].

Mais Dieu lui-même ne semblait-il pas favoriser la propagande des idées jansénistes, recommander les appelants ? Des scènes étranges se passaient au cimetière de Saint-Médard. Un diacre, du nom de Pâris, y avait été inhumé en 1727. C'était un fervent disciple de Port-Royal. Il n'avait jamais voulu, par humilité, disait-on, s'élever jusqu'à la prêtrise ; il était même resté deux ans sans communier. Toute sa vie il avait partagé avec les pauvres son revenu de dix mille francs par an, et était mort dans une baraque en planches du faubourg Saint-Marceau. On apprit que des malades, en se couchant sur son tombeau, retrouvaient la santé. On y accourut en foule. Les guérisons furent bientôt accompagnées de scènes singulières. Des hommes et des femmes y tombaient en convulsion, des épileptiques y écumaient. Puis ce furent des secours donnés par les frères à leurs sœurs convulsionnaires. De jeunes garçons, nommés secouristes, frappaient leurs victimes à coups de poing, à coups de bûche, sur la tête, sur le ventre ; on leur tordait les chairs, on les crucifiait ; et elles prétendaient ressentir une ineffable volupté. Le 29 septembre 1732, la police ferma le cimetière ; les abominables scènes continuèrent en cachette, dans des greniers ou dans des caves, chez les initiés. Elles devaient se continuer dans ces conditions jusqu'à la fin du siècle[66].

La renaissance des erreurs gallicanes en Allemagne, sous le nom de fébronianisine et de joséphisme, allait aggraver les difficultés de l'Église.

 

III

Le gallicanisme avait passionné l'opinion, au moins autant à l'étranger qu'en France. Toutefois, jusque vers le milieu du XVIIIe siècle, les théories gallicanes semblèrent cantonnées dans les pays gouvernés par les princes de la Maison de Bourbon. L'Espagne, en restreignant la juridiction du Pape et de l'épiscopat, par les concordats de 1737 et 1743, et en faisant de plus en plus de l'Inquisition un pouvoir d'État ; le Portugal, en attribuant aux officiers de son armée les biens d'Église ; Gênes et la Savoie, en profitant de divers prétextes pour rappeler de Rome leurs ambassadeurs ; Naples, en proclamant l'origine divine immédiate de la puissance des rois ; Parme, en refusant de payer son tribut au Saint-Siège ; Venise, en lui suscitant des querelles sans fin, préludaient à la conspiration des cours latines qui devait aboutir à l'expulsion des jésuites. Les ouvrages du Français Ellies du Pin et du Flamand Van Espen, qui opposaient la prétendue origine divine du pouvoir des rois à la prétendue origine ecclésiastique du pouvoir des Papes, se répandaient avec la faveur des monarques absolus[67].

Au milieu du XVIIIe siècle, cette théorie pénétra en Allemagne par la publication, faite en 1743, d'un ouvrage intitulé De præsenti statu Ecclesiæ deque legitima potestate romani Pontificis. L'auteur, qui se cachait sous le pseudonyme de Justinus Fébronius, ne faisait que reproduire les doctrines d'Ellies du Pin et de Van Espen. Le Christ, disait-il, a transmis son autorité à la masse des fidèles, en qui elle repose radicalement et en principe, radicaliter et principaliter. Les évêques ont l'usage et l'usufruit de cette autorité. Ils tiennent d'ailleurs ce pouvoir de Dieu lui-même et sans intermédiaire. Le Pape n'a d'autre prééminence sur eux que celle d'un métropolitain sur ses suffragants. Il peut commander à chaque évêque en particulier ; mais l'ensemble des évêques est au-dessus de lui. Sans doute, dans la suite des temps, les Pontifes de Rome ont obtenu, soit par la concession des évêques, soit par extorsion, toutes sortes de droits ; mais il est temps de les en dépouiller, et de ramener l'Eglise à sa constitution primitive. Si les Papes refusent de se prêter à cette réforme, il est du devoir des princes catholiques de les y amener de force.

Le livre de Fébronius produisit une agitation énorme. L'esprit allemand a une double tendance : il est difficile d'égaler sa minutieuse précision lorsqu'il s'adonne à l'analyse d'un texte ; mais, qu'il s'élance dans la conception d'une vaste synthèse, on ne sait jusqu'où sa hardiesse le poussera. On avait vu jusque-là les canonistes d'outre-Rhin, consciencieusement outillés d'une science traditionnelle, interpréter fidèlement le texte des Décrétales, sans y voir le germe ou le fruit d'une évolution historique[68]. La conception nouvelle de Fébronius, montrant les origines de la constitution romaine de l'Eglise dans les faits contingents de l'histoire, l'opposant au christianisme primitif, et faisant entrevoir sa ruine dans le christianisme de l'avenir, changea totalement leur point de vue. La science allemande s'éprit de cette idée d'un droit canonique mouvant, dont le dernier terme devait réaliser toutes les revendications anti-romaines de la Germanie depuis plusieurs siècles. Il semblait en effet, que les vieux griefs historiques de la nation contre la fiscalité du Saint-Siège, reprenaient une voix et retrouvaient un écho. Entre l'ambition des princes-évêques et la jeune école des canonistes, l'alliance était toute naturelle. C'est, d'ailleurs, de l'entourage d'un électeur ecclésiastique, celui de Trêves, qu'était sorti, masqué d'abord et puis visière levée, le plus illustre théoricien du droit nouveau[69].

Celui qui avait signé du nom mystérieux de Fébronius[70] son manifeste, n'était autre que le coadjuteur de l'évêque de Trêves, Nicolas Hontheim, qui remplissait aussi les fonctions de conseiller du prince électeur Georges de Schönborn. Il n'était pas moins connu par sa science que par ses hautes fonctions ; il avait publié sur les antiquités du pays trévire des 'études puisées aux meilleures sources ; en lui s'alliaient les rancunes du féodal et les utopies du canoniste.

Le but assigné par Hontheim à son œuvre était de nature à lui donner un retentissement dans le monde protestant lui-même. Se posant en successeur de Bossuet, il entrevoyait, disait-il, après la ruine de la centralisation romaine, un vaste épanouissement de l'unité religieuse[71]. Que la réforme de Fébronius s'exécute, s'écriait un jésuite fébronien[72], et toute l'Allemagne redeviendra catholique. C'était faire bon marché des graves divergences dogmatiques qui séparaient la doctrine de Luther de celle de Rome.

En fait, le protestantisme traditionnel combattit les doctrines fébroniennes aussi bien que l'orthodoxie romaine. Lessing et Jean de Muller les répudièrent hautement. Clément XIII, Clément XIV et Pie VI les condamnèrent[73]. Mais le terrible ouvrage, patronné plus ou moins ouvertement par les gouvernements, faisait le tour de l'Europe. La France en publiait rapidement deux traductions successives ; Venise le rééditait sous le patronage du Sénat ; le Conseil de Castille faisait les frais d'une édition spéciale ; en Portugal il se distribuait gratuitement et à profusion ; en moins d'un an plus de 700 exemplaires s'en vendaient à Vienne. Choiseul écrivait : Si le livre de Fébronius a put répandre la doctrine de l'Église gallicane dans les autres Etats catholiques, c'est une obligation immortelle que ces prélats auront à Mgr. l'électeur de Trêves[74]. Mais c'est dans l'empire allemand que le fébronianisme devait porter tous ses fruits.

On ne peut refuser à l'impératrice Marie-Thérèse, qui présidait aux destinées de l'empire depuis 1740, les plus hautes qualités d'une souveraine le courage, l'activité, l'intelligence, une vertu sans reproche. La vaillante héroïne qui, menacée par toute l'Europe, avait fait face à l'Europe et soulevé, pour la défense du pays, son peuple de Hongrie en élevant son jeune fils dans ses bras, mérite k nom de Mère de la patrie, qui lui fut donné par la reconnaissance de ses sujets ; et l'épouse fidèle, la chrétienne généreuse et compatissante fut, à bien des égards, digne du titre de Majesté catholique, que lui décerna le Souverain Pontife. Mais la faveur trop grande qu'elle accorda aux disciples de Fébronius, jette une ombre sur son grand règne. Marie-Thérèse avait conçu le louable projet de régler la condition légale des biens d'Eglise, d'établir un statut civil des religieux et de favoriser le progrès des études ecclésiastiques. Malheureusement, pour l'exécution de ces réformes elle eut recours à des hommes imbus des idées nouvelles. Ses deux principaux collaborateurs furent le bénédictin Raustenstrauch, abbé de Braunau, et son médecin hollandais, Van Swieten. Le premier était un disciple de Fébronius ; le second était en relations suivies avec les jansénistes de Hollande et les philosophes de Berlin. Bous leur influence, les biens d'Eglise furent soumis à l'administration de l'Etat, et les conditions de la profession religieuse furent réglées par des décrets impériaux. Les études des clercs doivent sans doute à l'abbé de Braunau des améliorations notables. C'est grâce à lui que l'étude de la patrologie et de la théologie pastorale devint plus familière au clergé autrichien ; mais son aversion pour la scolastique et surtout ses efforts pour soustraire l'éducation des séminaires à la direction des évêques et pour les soumettre à celle de l'Etat, eurent des conséquences déplorables, et préparèrent la funeste politique religieuse de l'empereur Joseph II.

Celui-ci n'était point dépourvu de réelles qualités. Sa volonté sincère, quoique maladroite, de procurer le bien de ses sujets, et sa prétention ingénue de réformer par lui-même l'Eglise d'Autriche, paraissent incontestables. Mais son éducation l'avait muni d'idées fausses dont il ne sut pas se défaire, dans lesquelles il s'obstina, au contraire, jusqu'à la fin. Le jésuite Frantz, mi-cartésien, mi-scolastique, avait rempli son esprit de vagues abstractions[75] ; un professeur anti-chrétien, Martini, lui avait enseigné le droit naturel d'après des principes plus dangereux encore ; et, au sortir de ces études, une active influence de francs-maçons et d'illuminés avait circonvenu le jeune prince[76]. Une fois parvenu au pouvoir, il poussa le fébronianisme jusqu'à ses conséquences les plus extrêmes. On a donné à son système un nom spécial : le joséphisme.

L'idée-mère de sa doctrine est ce principe, que le soin d'harmoniser l'Eglise avec le siècle appartient exclusivement à l'Etat. C'est l'Etat qui est chargé de régler, de modifier, de limiter au besoin les modes d'activité de l'Eglise. La doctrine de Fébronius était dépassée. Pour l'auteur du De statu præsenti Ecclesiæ, l'épiscopat du moins restait debout et avait son mot à dire sur la discipline et sur le dogme ; l'empereur théologien ne voulait qu'un épiscopat silencieux et courbé devant lui. Le fébronianisme aurait voulu promouvoir parmi les fidèles une vie chrétienne puissante et autonome ; le joséphisme ne laissait place ni pour la vie contemplative, ni pour l'ascétisme. C'étaient là, disait-on[77], jeux de fanatiques ou spéculations d'oisifs. Quant à régler le culte, l'ordre des cérémonies, le nombre des messes à dire dans les églises et les chapelles, c'est l'empereur lui-même qui s'en chargeait. Frédéric II appelait l'empereur d'Autriche mon frère le sacristain. Ces réglementations, il faut l'ajouter, étaient, la plupart du temps, des suppressions et des confiscations. Joseph II fit ôter aux statues des saints leurs bijoux, vendit à des juifs les trésors, reliquaires et vases sacrés, fit fermer et couvents et interdit les pèlerinages, institua le mariage civil et le divorce[78]. Son christianisme prétendu épuré se rapprochait beaucoup du déisme des philosophes. Voltaire avait désormais raison le saint Empire romain-germanique n'était plus ni saint ni romain. Au fond, l'Empereur Joseph II était un révolutionnaire. On l'a dit avec raison : De même que Nicolas de Hontheim, pour attirer dans l'édifice catholique la foule des dissidents, avait disloqué cet édifice par la base, Joseph II, pour améliorer la religion et la remettre en crédit, la bouleversait. Il agissait avec la société religieuse comme d'autres, bientôt, allaient agir avec la société civile[79]. En poussant le gallicanisme à ses extrêmes limites, le joséphisme préparait la Révolution.

 

IV

C'est pour la Révolution que travaillait aussi, dans sa dernière phase, le parti janséniste, et un historien a pu dire que les disciples de saint Cyran et de Quesnel, en prenant, au XVIIIe siècle, une attitude de factieux, posaient le principe générateur de 1789[80].

En effet, la lutte était devenue de plus en plus aiguë entre le parlement et le clergé à l'occasion de l'affaire dite des billets de confession ou des refus de sacrements.

Christophe de Beaumont, élevé au siège de Paris en 1748[81], avait, dès le début de son épiscopat, prescrit à ses prêtres d'exiger de tout malade qui demandait le viatique ou l'Extrême-Onction, un billet constatant qu'il avait été assisté par un prêtre approuvé[82]. C'était se conformer à une tradition ancienne dans l'Eglise et spécialement sanctionnée par un des conciles tenus à Milan, de 1565 à 1582, sous la présidence de saint Charles Borromée[83]. Or, en 1752, l'Oratorien Lemère n'ayant pas voulu donner le billet demandé, et le curé de Saint-Etienne du Mont ayant, malgré une sommation du parlement, refusé d'administrer les sacrements au malade, un arrêt de règlement du 28 avril défendit à tous les ecclésiastiques de faire aucuns actes tendant au schisme, et notamment aucuns refus de sacrements sous prétexte du défaut de présentation de billets de confession ou d'acceptation de la bulle Unigenitus, à peine contre les contrevenants d'être poursuivis comme perturbateurs du repos public et punis suivant la rigueur des Ordonnances[84]. Cet arrêt ouvrait le plus grave des conflits.

Christophe de Beaumont du Repaire, né le 26 juillet 1703 au château de La Roque, en Périgord, devait être une des plus majestueuses figures de la France catholique au XVIIIe siècle. On a dit de ce vigoureux champion des droits de l'Eglise, que jamais plus grand prélat n'était monté sur le siège de saint Denis, de Goslin et de Sully. Jamais, du moins, au cours d'un épiscopat de plus longue durée (1711-1781), prélat ne se vit aux prises avec des difficultés plus complexes, ourdies par des adversaires plus résolus. Mais jamais aussi prélat n'accepta plus généreusement la lutte, ne batailla avec plus d'intrépidité et d'audace, ne tint tête plus obstinément et, somme toute, avec plus de bonheur[85].

Le roi Louis XV essaya de résister au parlement. Il prononça la nullité de l'arrêt d'avril 1752 et d'un second arrêt qui confisquait les biens du curé de Saint-Etienne du Mont. Mais, en face de cette magistrature qu'on avait appelée naguère à casser le testament de Louis XIV, la royauté était désormais impuissante. Le roi finit par céder, interdit le refus de sacrements, et, en 1754, exila M. de Beaumont à Conflans. Le 16 octobre 1756, le Pape Benoît XIV, dans un esprit de paix, adoucit, tout en les maintenant, les ordonnances de l'archevêque et déclara qu'elles ne s'appliqueraient plus qu'à ceux qui seraient publiquement réfractaires à la bulle Unigenitus[86]. Mais le parlement, intraitable supprima, par un arrêt du 7 décembre, le bref du Pape comme attentatoire aux lois et maximes du royaume[87]. Enfin, en 1765, l'Assemblée du clergé ayant rédigé une Exposition sur les droits de la puissance spirituelle, où elle proclamait la bulle Unigenitus jugement dogmatique de l'Eglise universelle, le parlement annula les actes de l'Assemblée.

Ainsi, par la voie d'une politique mesquine et tracassière, le parti janséniste de France marchait ouvertement au schisme.

Aux Pays-Bas, le dernier pas venait d'être fait. L'oratorien Pierre Codde, qui y était venu comme vicaire apostolique en 1688, y avait favorisé la diffusion du parti. Son refus de signer le Formulaire le fit suspendre définitivement de ses fonctions en 1704. La présence de Quesnel en Hollande excita les esprits. En 1723, un pseudo-chapitre, réuni à La Haye, élut comme archevêque d'Utrecht, Corneille Steenoven, qui, excommunié par le Pape, loin de se soumettre, consacra deux évêques suffragants. Le schisme était consommé.

Ainsi finissait, en Hollande comme en France, dans de misé- ?ables querelles, et dans la révolte déclarée, le grand mouvement où les Saint-Cyran, les Arnauld, les Nicole et les Quesnel avaient montré le renouvellement de l'Eglise, la restauration du pur esprit chrétien.

 

V

De tels événements ne pouvaient que favoriser les progrès de l'incrédulité qui, depuis la Renaissance, se propageait dans les diverses nations de l'Europe et surtout en France. Deux autres causes y contribuaient en même temps ; le mouvement philosophique et la licence des mœurs[88].

Secouer le joug de la théologie et se libérer d'Aristote : tel avait été le double mot d'ordre de Descartes et de ses disciples. En réalité, la philosophie cartésienne s'était trop séparée de la religion et de la tradition ; en un mot, elle s'était trop isolée de la vie. Cette philosophie s'était imposée, pourtant, aux plus fermes esprits du grand siècle. Par sa théorie fondamentale des idées claires et distinctes, et par son mécanisme universel, elle donnait satisfaction aux intelligences éprises d'ordre et de clarté ; par son doute méthodique et par son culte de la raison individuelle, elle favorisait l'indépendance ; par ses démonstrations nouvelles de l'immortalité de l'âme et de l'existence de Dieu, elle fondait à côté du christianisme, respectueusement laissé au domaine de la foi, une sorte de religion naturelle, simple et noble, mais sèche et abstraite. On s'aperçut peu à peu que sa base était étroite et sa constitution peu solide. Les uns l'attaquèrent au nom de la religion, qu'elle rapetissait, les autres au nom de l'expérience individuelle et sociale, qu'elle dédaignait.

Le positivisme réaliste de Locke et de Condillac se présenta comme une réaction contre l'intellectualisme idéaliste de Descartes. De ce double mouvement naquit Voltaire, fils de Locke par son positivisme sensualiste, et de Descartes par sa trompeuse clarté[89].

Comme Voltaire le démolisseur, Rousseau le constructeur est déiste. La croyance à l'existence de Dieu et à l'immortalité de l'âme, prouvées par la raison, et la foi à la suffisance de la nature : tel est le fond de la Profession de foi du vicaire savoyard, le point de départ du Contrat Social. En même temps, un souffle d'enthousiasme calviniste traverse le rêve inquiet de ce malade, que la licence des mœurs de son époque a singulièrement dépravé.

La société du XVIIIe siècle, qui se reconnaît en ces deux hommes et en leurs disciples, les accueille avec empressement, les fête avec transport. La réaction contre les dogmes et la morale déprimants du vieux jansénisme s'exprime dans leurs œuvres avec fougue qui ravit leurs contemporains. L'optimisme naturaliste de la Renaissance paraît justifié par la raison : il s'épanouira donc librement à la cour et à la ville. C'est le propre des doctrines exagérées d'aggraver, par le choc en retour qu'elles provoquent, les maux qu'elles ont prétendu guérir.

Les salons du grand monde s'ouvrent aux philosophes. C'est le nom que se donnent, en effet, ces prétendus penseurs qui, avec de vagues extraits du naturalisme de la Renaissance, des résidus équivoques de toutes les philosophies et de toutes les religions du passé ou des négations arbitraires de l'opinion traditionnelle, se croient autorisés à se mettre au-dessus de l'observation, à se prononcer à priori, à vouloir que la vue idéale des choses détermine la réalité[90]. Chez Mme de Tencin, les philosophes coudoient les représentants de la plus haute noblesse, de la plus grave magistrature, de l'Eglise même. On y fait la critique de toutes les institutions, de toutes les croyances. On croit au progrès, et l'on veut que ce progrès soit un fait. On démolit toutes les autorités qui veulent encore asservir les esprits, ou qui s'opposent à l'accroissement du bien-être. La même philosophie décide sur une question de voirie et sur l'existence de Dieu[91].

Et cette philosophie se propage par tous les genres littéraires : lettres, romans, poésie, dissertations, histoire, drames, pamphlets, contes, et surtout par cette immense publication qui, pendant près d'un demi-siècle, remue si profondément l'opinion publique en France et à l'étranger : l'Encyclopédie. Ce dernier ouvrage est comme la Somme de la philosophie rationaliste ; elle condense et elle vulgarise ; elle fournit au peuple et à la bourgeoisie ce que ses auteurs ont répandu à profusion dans les salons : des opinions, des solutions, des plans, des espérances et des rêves pour tous les objets de la pensée et de l'activité humaines. Dès lors l'Ancien Régime apparaît comme une institution condamnée à périr.

Sans doute la ruine de l'ancienne société a d'autres causes profondes. Ce ne sont pas les philosophes qui ont, sous Richelieu et sous Louis XIV, centralisé à l'excès le pouvoir absolu, attiré à la cour la noblesse de province, mal équilibré l'assiette des impôts et mal réglé leur perception. Ce n'est pas à la philosophie que sont dus l'entêtement d'une magistrature frondeuse et la prépondérance trop grande des gens de finance dans l'Etat. Ce ne sont pas les philosophes qui ont fait passer le pouvoir de Louis le Grand au voluptueux Louis XV, et qui, sous ce dernier roi, l'on laissé tomber aux mains d'une Pompadour et d'une du Barry, tristes personnages dont on ne sait comment, disait Chateaubriand[92], élever les noms à la dignité de l'histoire. Les philosophes n'ont pas tari le trésor public, apporté la famine et le froid rigoureux, écrasé le peuple de charges excessives. Mais, ainsi qu'on l'a fort bien dit, ils se sont admirablement entendus, après avoir réquisitionné tous les genres littéraires, à réquisitionner toutes les classes de la nation. Au roi, ils ne pouvaient demander son appui ; ils ont obtenu du moins sa neutralité... A Mme de Pompadour, ils ont réclamé aide et protection, et ils ont eu la bonne fortune de l'avoir pour alliée puissante. Parmi les grands, ils ont eu l'habileté de se faire les adeptes précieux entre tous ; ils ont conquis les uns, désarmé les autres devant le peuple. Les parlementaires leur ont fourni des auxiliaires de premier ordre ; les financiers leur ont prêté l'appui d'un pouvoir neuf, mais important ; dans la plupart des salons ils se sont installés en maîtres, et de là ils ont pu rayonner sur la société polie de France et de l'étranger. Ils ont gagné la bourgeoisie, qui s'est transformée sous leur influence. Enfin, ils ont conquis les masses populaires, qu'ils ont attirées à eux grâce à des revendications généreuses exprimées sous une forme simple et frappante[93].

Et de Paris, de la France, la philosophie du XVIIIe siècle s'est Leur influence bientôt répandue sur l'Europe entière. Paris attire les étrangers européenne qui veulent vivre de sa vie, être admis dans ces salons que toute l'Europe connaît, dont ils gardent toute leur vie l'éblouissement. Paris leur fait fête avec magnificence ; un large cosmopolitisme ouvre les portes et les cœurs. Le comte de Creutz, ambassadeur de Suède, le marquis de Caraccioli, ambassadeur de. Naples, le prince de Ligne, Stedingk, Fersen, sont tous français de goût, de langue, d'intelligence... Ceux qui ne peuvent venir, la France va les trouver par ces correspondances manuscrites ou imprimées, dont la Correspondance de Grimm est le chef-d'œuvre[94]. En Allemagne, Lessing dépend de Bayle, de Voltaire et de Diderot ; Schiller et Kant doivent beaucoup à Rousseau. En Italie, Goldoni imite Molière ; Alfieri, Voltaire ; et Condillac instruit le prince de Parme. Par Naples, les relations se sont facilement établies avec l'Espagne. Elles sont plus étroites que partout ailleurs en Angleterre qui a fourni aux philosophes, sinon leurs principes, au moins des exemples, des vérifications, et l'impulsion initiale[95].

 

VI

D'autre part, depuis le commencement du XVIIIe siècle, une puissante association favorise singulièrement la concentration des forces anti-catholiques : c'est la Franc-Maçonnerie.

En tant qu'institution corporative professionnelle, la Franc-Maçonnerie remonte incontestablement à la plus haute antiquité.

A l'époque où les hommes quittèrent la vie nomade, l'art de la construction acquit bientôt dans la société une importance prépondérante. Il demandait des connaissances techniques qui, avant les progrès des sciences exactes, ne pouvaient être qu'empiriques ; ces connaissances furent secrètement transmises aux initiés. Les constructeurs formèrent bientôt ainsi une mystérieuse aristocratie, organisée et hiérarchisée, comme le demandait la nature même des divers travaux de leur art. Et il est vraisemblable qu'avec les arcanes de leur profession, les maîtres de la pierre se soient, de bonne heure, transmis les uns aux autres des croyances religieuses façonnées à leur point de vue.

Les tribus nomades avaient regardé le ciel et conçu la religion sous la forme d'une mythologie sidérale ; les maçons regardèrent la terre et l'imaginèrent sous la forme d'un ouvrage idéal, incessamment construit, réparé et conduit à sa perfection par un Grand Architecte.

L'histoire de ces associations de constructeurs dans l'antiquité est purement légendaire. Mais, au lendemain des invasions barbares, lorsque les peuples d'Occident se furent fixés définitivement au sol dans des groupements stables, on vit des corporations de maçons se répandre dans toute l'Europe, bâtissant cathédrales, palais, routes et canaux. Des diplômes de Nicolas III, en 1277, et de Benoît XII, en 1334, leur confirmèrent certains privilèges de juridiction et certaines exemptions d'impôts, en considération de leurs services publics : d'où leur nom de maçons affranchis, ou francs-maçons[96].

Une telle institution apparaissait dès lors comme pouvant jouer, le jour où des circonstances favorables le permettraient, un rôle politique considérable.

Ce rôle politique, elle le remplit surtout en Angleterre et en Ecosse, où on la vit, à la fin du XVIe et au XVIIe siècle, se placer sous la protection de personnages influents. Il parait certain que Guillaume III d'Orange y fut initié vers 1694, ou mieux, que certaines loges de maçons anglais se mirent à cette époque sous sa protection, et qu'en cette qualité il présida plusieurs fois des assemblées à Hampton-Court... Lorsque la lutte s'engagea entre la royauté des Stuarts et le Parlement, et plus tard entre les Stuarts et la maison d'Orange ou celle de Hanovre, les partis politiques groupèrent autour d'eux les corporations. Les Stuarts, depuis Jacques Ier jusqu'à Charles III, copièrent même l'organisation maçonnique pour l'introduire dans les régiments. En 1689, on vit les régiments écossais et irlandais débarquer en France avec leurs ordres maçonniques... Lorsque le temps consacra le loyalisme des partisans de Hanovre, lorsque les Stuarts perdirent tout crédit, les régimes séparés eurent intérêt à signer une trêve... Mais, en même temps ou à peu près, s'introduisit dans la franc-maçonnerie corporative un élément philosophique qui, plus tard, devait faire naître et cimenter la fusion des loges jacobites avec les loges orangistes sur le terrain égalitaire[97].

En 1646, les free-massons de Londres admirent dans la salle de leurs assemblées un groupe d'hommes étrangers à leur profession, qui se donnaient le nom de Rose-Croix. Qu'étaient-ils au juste ? On ne peut le dire avec précision. Ils formaient une société secrète ayant pour but de chercher la transmutation des métaux, l'art de prolonger la vie et certaines pratiques occultes sur lesquelles la lumière ne s'est pas faite. Descartes avait tenté en vain d'entrer en rapports avec eux[98]. Nous connaissons au moins les théories philosophiques de celui qui, en 1617, s'était fait l'apologiste de la société, Robert Fludd. D'abord militaire, puis médecin et théosophe, dans son Apologie[99] de la Rose-Croix, il donne une interprétation de la Révélation chrétienne qui aboutit à un véritable panthéisme, inclinant plutôt vers la matière que vers l'esprit[100]. Décidément la maçonnerie abandonnait la préoccupation des constructions matérielles pour celle de la construction d'une société idéale. Les maçons philosophes, dit le franc-maçon Ragon, se trouvèrent bientôt assez puissants pour opérer bientôt la transformation tant désirée. Parmi ces philosophes ou prétendus tels, on a cité le chancelier Bacon, à qui on a attribué parfois un rôle prépondérant[101], Bayle, Svedenborg, Willermoz et Saint-Martin, le célèbre philosophe inconnu, cette figure originale de chrétien théosophe, isolé, à l'écart de tous les systèmes, décidément révolutionnaire, mais profondément désintéressé, romanesque et mystique, qui devait séduire Joseph de Maistre[102].

C'est à la date de 1717 que les historiens fixent généralement la naissance de la franc-maçonnerie spéculative ou philosophique. Un règlement de cette époque montre qu'elle comprenait alors des maîtres, des compagnons et des apprentis ; qu'il fallait subir une initiation pour y entrer, et qu'on devait fidèlement garder le secret sur la tenue des loges[103]. Quant à la philosophie qui était devenue l'âme de la société, s'il faut en croire Findel[104], c'était le sentiment religieux, mais un sentiment religieux tel que son essence consistait dans l'expansion de la personnalité de chacun en l'être d'autrui et des choses ; selon Ragon[105], c'était une fraternité universelle ; Condorcet dit que l'objet de la franc-maçonnerie était de suppléer le prosélytisme philosophique, alors dangereux, en répandant sans danger les vérités essentielles de la philosophie parmi quelques adeptes[106]. Tel paraît bien avoir été, dès cette époque, le vrai caractère de la société. Le maçon, disent les Constitutions générales de la Maçonnerie publiées à Londres en 1723, est obligé en tant que vrai Noachite (c'est-à-dire fils de Noé, placé dans un état antérieur à toute révélation), le maçon est obligé de se conformer à la règle des mœurs... Après cela il est permis à chacun de demeurer dans sa confession ou persuasion religieuse. Une vague religion déiste, dont la Divinité vaporeuse et inerte se perd dans l'abstraction ou se fond dans le monde ; une morale souple et accommodée aux circonstances : telles paraissent avoir été les doctrines fondamentales de la maçonnerie spéculative à ses débuts. Les maçons, dit le document cité plus haut[107], doivent demeurer paisiblement soumis aux autorités civiles ; cependant un frère qui s'est engagé dans une révolte contre l'Etat, et n'a pas d'ailleurs commis d'autre faute, doit rester attaché à la loge. Quant aux moyens d'action de la Société, ils devaient lui être indiqués par un de ses plus fameux chefs, Weishaupt, que Louis Blanc appelait le plus profond conspirateur qui ait jamais paru. Quand il se passe quelque chose de grand, disent les Ecrits originaux[108], il faut suggérer le soupçon que cela nous est dû. S'il se trouve un homme d'une grande réputation, faites croire qu'il est des nôtres. — Lorsqu'on s'est emparé quelque part du gouvernement, on fait semblant de n'avoir aucun crédit, pour ne pas donner l'éveil ; au contraire, là où vous ne pouvez rien, vous prendrez l'air d'un homme qui peut tout. — Il faut trouver une explication du christianisme qui rappelle les superstitieux à la raison. Il ne s'agit pour cela que de citer divers textes de l'Ecriture, et de donner des explications vraies ou fausses, peu importe, pourvu que chacun trouve un sens d'accord avec la raison[109].

Tandis que la franc-maçonnerie évoluait en Angleterre, devenant de professionnelle politique, et de politique spéculative, elle s'était répandue dans les principaux Etats de l'Europe. On la trouve en Hollande en 1725, en Espagne en 4726, en Portugal en 1727, en Suède en 4736, en Suisse en 1737, en Italie en 1739. Le plus profond mystère règne sur l'époque de son introduction en Autriche ; on sait seulement qu'en 1797 elle y était en grande faveur.

C'est en France qu'elle paraît s'être le plus rapidement répandue. C'est là que, par sa pénétration dans la haute société et dans le monde philosophique et littéraire, elle exerça la plus puissante influencé. Un brevet maçonnique, du 7 juin 1760, publié par M. Gustave Bord, porte les signatures du marquis de Seignelay, colonel du régiment de Champagne, du comte de Choiseul, colonel des grenadiers de France, de M. de Gourgue, président à mortier, des marquis d'Evry et de Clermont[110]. On trouvait en même temps dans les loges beaucoup de petits commerçants. Aucune règle précise n'y présidait. Jusqu'à l'installation du Grand Orient, en 1773, chacun faisait dans sa loge ce qui lui plaisait, ne retenant de la réglementation anglaise que les cérémonies initiatiques et les réunions gaies, suivies de banquets souvent tumultueux... On jouait à la maçonnerie comme on allait chez Ramponneau ou au Soleil d'Or. Pendant 'que le duc d'Aumont pontifiait dans la loge qui porta son nom avec les Luxembourg et les Noailles, le plus grand nombre allait se divertir chez Chapelot, à la Râpée, ou chez Landelle, rue de Buci[111]. Le premier Grand Maître, élu le 21 juin 1738, fut le duc d'Antin, fils du marquis de Gondrin et de Marie-Victorine de Noailles ; son successeur fut Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont[112].

Or, dans ces mêmes loges, où des représentants de la vieille société française venaient chercher un amusement douteux, les philosophes ourdissaient sourdement la conspiration qui devait briser l'ancien ordre de choses. Après la fusion de la franc-maçonnerie française avec l'illuminisme, Voltaire s'était fait agréger à la loge des Neuf Sœurs. Immédiatement après sa réception, il fut installé à l'Orient où le Vénérable, qui était l'alliée Lalande, le salua. On lui réserva le tablier d'Helvétius, que la loge conservait comme une relique. Avant de le ceindre, Voltaire le baisa. Depuis lors, dans la correspondance du patriarche de Ferney, dont Sainte-Beuve a si bien dit qu'elle sent la secte et le complot, la confrérie et la société secrète[113], allusions à la franc-maçonnerie se rencontrent plusieurs fois. Que les philosophes véritables, écrivait-il à d'Alembert le 20 avril 1771, fassent une confrérie comme les francs-maçons, qu'ils s'assemblent, qu'ils se soutiennent, qu'ils soient fidèles à la confrérie, et alors je me fais brûler pour eux. Il écrivait au même, en 1766 : Grimm m'a appris que vous aviez initié l'empereur à nos saints mystères ; et, en 1763, il avait écrit : Les mystères de Mythra ne doivent pas être révélés. Le P. Deschamps, dans son ouvrage sur Les Sociétés secrètes et la Société, s'est appliqué à rapprocher de la correspondance intime des philosophes les doctrines de la maçonnerie ; et cet examen justifie pleinement la déclaration suivante d'un franc-maçon : La maçonnerie avait préparé les esprits à une grande révolution morale, lorsque les ouvrages des philosophes, Helvétius, Voltaire, Rousseau, Diderot, d'Alembert, Condorcet, Cabanis, apportèrent leur puissante et vive lumière, comme le soleil vient se confondre avec le jour pour en augmenter[114].

En 1737, le cardinal de Fleury avait interdit, au nom du roi, les réunions des francs-maçons ; mais Louis XV, croyant peut-être que ceux qui se mettaient à la tête de la Société allaient supprimer le danger, permit aux loges de se reconstituer librement en 1772 et 1773[115]. L'Espagne et le Portugal les toléraient ; toutes les autres nations les protégeaient[116]. La Papauté seule vit nettement le péril. Nous avons vu comment Clément XII, par sa bulle In eminenti du 4 mars 1738, et Benoît XIV, par sa bulle Providas du 15 juin 1751, avaient mis en garde les fidèles contre les assemblées des francs-maçons. L'avenir devait pleinement justifier leurs craintes, et les travaux les plus récents viennent corroborer les graves paroles que prononçait à Vienne, en 1827, l'illustre Frédéric de Schlégel[117] : Le XVIIIe siècle a vu éclater à la fois et d'une façon si soudaine tant d'événements mûris au même jour, que, bien qu'une réflexion attentive puisse leur trouver un motif et une cause suffisante dans leurs précédents, on est cependant disposé à croire qu'ils avaient été préparés d'avance et dans le secret. Maintes circonstances donnent sur ce complot des indications qui ont toute l'autorité de l'histoire.

 

 

 



[1] HERGENRŒTHER, Hist. de l'Eglise, VI, 505.

[2] C'est à une réclamation de la Faculté de théologie de Halle, se plaignant de l'enlèvement en plein jour d'un de ses étudiants, dont le roi voulait faire un de ses grenadiers, que celui-ci fit la réponse fameuse : Pas de raisonnement, nicht raisonnieren.

[3] G. GOYAU, L'Allemagne religieuse, Le protestantisme, p. 72-74.

[4] HARNACK, Das Christentum und die Geschichte, p. 18.

[5] LESSING, Nathan le Sage, 1779.

[6] Cité par MŒHLER, Symbolique, trad. LACHAT, t. II, p. 363.

[7] Cité par MŒHLER, Symbolique, t. II, p. 365.

[8] MŒHLER, Symbolique, t. II, p. 369-370.

[9] MACAULAY, Hist. d'Angleterre, t. II, p. 462.

[10] VILBERFORCE, De l'autorité de l'Eglise, p. 365-366.

[11] HALLAM, Constifutional history of England, cité par Albert DU BOYS, L'Eglise et l'Etat en Angleterre, 1 vol. in-12, Paris, 1887, p. 365.

[12] G. BLONDEL, dans l'Histoire générale de LAVISSE et RAMBAUD, t. VII, p. 341.

[13] J. LEMOINE, Mémoires des évêques de Francs sur la conduite à tenir envers les Réformés, 1 vol. 1902, p. 361.

[14] Mémoire de Fléchier, J. LEMOINE, Mémoires des évêques de France, p. 201.

[15] Mémoire de Le Tellier, arch. de Reims, J. LEMOINE, Mémoires des évêques de France, p. 28.

[16] J. LEMOINE, Mémoires des évêques de France, p. 13. Une ordonnance royale condamnait à traîner sur une claie le cadavre des protestants convenus qui avaient repoussé le prêtre à leurs derniers moments.

[17] J. LEMOINE, Mémoires des évêques de France, p. 200-201.

[18] Jean LEMOINE, Mémoires des évêques de France, p. XXXVIII-XXXIX.

[19] Cf. LAVISSE, Hist. de France, t. VIII, Ire partie, p. 385.

[20] PICOT, Mémoires, 3e édition, t. II, p. 132.

[21] DUCLOS, Mémoires secrets sur les règnes de Louis XIV et de Louis XV, t. I, p. 271.

[22] Cahier des Remontrances de l'Assemblée de 1723, § 17.

[23] PICOT, Mémoires, II, 132-133.

[24] PICOT, Mémoires, II, 134.

[25] G. DE FÉLICE, Hist. des protestants sn France, 8e édit., p. 303.

[26] G. DE FÉLICE, Hist. des protestants sn France, 8e édit., p. 303.

[27] PICOT, Mémoires, II, p. 134.

[28] DESDEVISES DU DÉZERT, L'Eglise et l'Etat en France, t. I, p. 228-229.

[29] Cité par E. BERSIER, Quelques pages de l'histoire des huguenots, 1891, in-12.

[30] H. CARRÉ, dans l'Hist. de France de LAVISSE, t. VIII, IIe partie, p. 342.

[31] H. CARRÉ, dans l'Hist. de France de LAVISSE, t. VIII, IIe partie, p. 339.

[32] Voir Jean CRUPPI, Linguet et le procès du chevalier de la Barre, dans la Revue des Deux-Mondes du 1er mars 1895, t. CXXVIII, p. 123 et s.

[33] VOLTAIRE, Lettre à la marquise du Deffand, du 24 septembre 1766, Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, 1833, t. LXIII, p. 353.

[34] M. de Noailles, qui avait approuvé à Châlons, le livre des Réflexions morales, venait de condamner à Paris le livre janséniste de M. de BARCOS, Exposition de la foi.

[35] M. Bertrand a démontré que ce fameux cas de conscience était bien historique et réel, et non pas supposé et imaginaire, comme l'ont dit ou insinué la plupart des historiens. Le curé de Notre-Dame du Port à Clermont, nommé Frèche, confessait Louis Périer, neveu de Pascal parfait honnête homme, mais franc janséniste. De son côté, M. Fréhel se confessait à M. Gay, supérieur du séminaire, qui, voyant que le curé de Notre-Darne du Port ne faisait pas son devoir à l'égard de l'abbé Périer, avait fini par refuser de l'entendre en confession. M. Fréhel, homme d'esprit, mais entêté pour le parti s'avisa alors de proposer aux docteurs le cas de conscience sur le silence respectueux. L. BERTRAND, Histoire littéraire de la Compagnie de Saint-Sulpice, t. III, p. 122 et s.

[36] PICOT, Mémoires, 3e édition, t. I, p. 44 et s.

[37] FÉNELON, Œuvres, édit. Gosselin, t. II p. 105 et s.

[38] RACINE, Abrégé de l'hist. de Port-Royal, IIe partie, Œuvres de Racine, édition Lahure, t. II, p. 72.

[39] Les papiers de Quesnel, saisis en 1703, avaient paru révéler bien des entreprises suspectes. Une pièce curieuse, que Sainte-Beuve a reproduite (Port-Royal, VI, 268-271), contient des propositions de paix que les jansénistes, sous le nom de Disciples de Saint-Augustin, auraient faites en 1684, au, comte d'Aveux, lorsque ce négociateur fut chargé de conclure avec les puissances la Trêve de vingt ans. La faction janséniste aurait demandé à y être comprise et à être traitée sur le pied d'un souverain. Plusieurs historiens, entre autres Sainte-Beuve, sans nier l'authenticité de la pièce, n'y ont vu qu'une mystification. Le célèbre historien de Port-Royal reconnaît cependant que, dans l'ensemble des papiers saisis, un air de cabale était répandu, qu'il y avait des preuves d'une grande activité clandestine et souterraine. (Port-Royal, VI, 179). Quoi qu'il en soit, la découverte de ces pièces, sérieuses ou non, dut renouveler dans l'esprit de Louis XIV le souvenir des guerres religieuses déchaînées par le protestantisme. C'est à cette époque qu'il aurait déclaré, suivant Saint-Simon et Duclos, préférer un athée à un janséniste. Voir l'anecdote dans SAINTE-BEUVE, Port-Royal, IV, 489-490.

[40] CLEMENTIS XI, Bullarium, édit. Mamardi, Rome, 1735, p. 148.

[41] CLEMENTIS XI, Bullarium, p. 148 ; DENZINGER-BANNWART, n. 1350.

[42] GAILLARDIN, Hist. du règne de Louis XIV, t. IV, p. 623.

[43] SAINTE-BEUVE, Port-Royal, VI, 184.

[44] Bossuet disait de lui : M de Paris craint M. de Cambrai et me craint également... Je le contrains, car sans moi tout irait à l'abandon. Lettre du 10 juin 1697 à l'abbé Bossuet. Fénelon écrit : Il varie, il recule, il retombe finalement du côté où son goût, sa confiance et ses préjugés le font pencher. Lettre au P. Le Tellier du 9 octobre 1712.

[45] Les religieuses de Port-Royal de Paris ne professaient plus le jansénisme et avaient rompu toute relation avec Port-Royal des Champs.

[46] FÉNELON, Œuvres, t. III, p. 815.

[47] Mémoires chronologiques et historiques sur Port-Royal, année 1712, p. 134.

[48] Trois auteurs jansénistes, BESOIGNE (Hist. de l'abbaye de Port-Royal, l. XIV, t. III, p. 214) ; GUILBERT (Mémoires historiques et chronologiques sur Port-Royal, t. V, p. 363), et CLÉMENCET (Hist. générale de Port-Royal, IIIe partie, t. X, p. 5 et p. 8), ont, en termes à peu près identiques, mêlé les prêtres de Saint-Sulpice à cette affaire de la destruction de Port-Royal. Suivant eux, le bruit avait couru que. les jésuites, très influents sur les religieuses de Port-Royal de Paris, avaient formé le projet de les faire transférer à Port-Royal des Champs et de s'installer eux-mêmes à la maison du faubourg Saint-Jacques, pour y fonder un séminaire. Les sulpiciens s'alarmèrent, craignant une concurrence redoutable, et obtinrent, par Mme de Maintenon, le décret du 22 janvier 1710 ordonnant la destruction de Port-Royal des Champs. SAINTE-BEUVE (Port-Royal, 4e édition, t. VI, p. 235-236), et, plus récemment, le R. P. BLIARD (Les Mémoires de Saint-Simon et le P. Le Tellier, 1891, p. 80-81), M. GAZIER (Port-Royal des Champs, notice historique, 4e édition, 1905, p. 12), et M. André HALLAYS, Pèlerinage de Port-Royal, 1909, p. 127-128), ont reproduit le récit des trois auteurs jansénistes. Qu'au milieu des circonstances tragiques de la ruine de Port-Royal mille bruits, mille suppositions mystérieuses aient circulé, que les noms des deux compagnies qui s'étaient montrées le plus nettement hostiles aux e appelants b, ceux des jésuites et des sulpiciens, se soient mêlés comme d'eux-mêmes à ces bruits : rien de plus naturel. On savait que les jésuites avaient une réelle influence sur les religieuses de Port-Royal de Paris. On n'ignorait pas sans doute que M. de la Chétardye, curé de Saint-Sulpice, avait agi sur M. de Noailles pour l'engager à condamner les Réflexions morales, et que, depuis 1709, il dirigeait la conscience de Mme de Maintenon (voir HAMEL, Histoire de l'Eglise Saint-Sulpice, p. 180-181). Tout cela suffisait pour donner naissance aux bruits rapportés par Besoigne, Guilbert et Clémencet. Mais aucun document historique ne les corrobore, et tout porte à les considérer comme dénués de tout fondement. Que les jésuites aient songé à reléguer les religieuses du monastère de Paris dans celui des Champs pour prendre leur place, c'est peu vraisemblable. Mais ce qui dépasse les limites de toute vraisemblance, c'est que les sulpiciens, croyant à la réalité d'un pareil projet, s'en soient alarmés au point de demander la démolition de Port-Royal des Champs. Un séminaire ne pouvait se fonder à Paris qu'avec l'autorisation expresse de l'archevêque ; et l'on connaissait assez les dispositions de M. de Noailles par rapport aux jésuites pour être assuré qu'une pareille autorisation ne serait jamais donnée. Aussi Sainte-Beuve, après avoir longuement rapporté les récits des trois jansénistes, ne peut-il s'empêcher d'ajouter : Je donne ces récits sans y attacher plus d'importance qu'il ne faut : bien des raisons concouraient à ce qu'on rasât Port-Royal et qu'on cherchât à en abolir le souvenir : le nom en était malsonnant, la vue on était importune, elle était trop chère aux amis pour ne pas être insupportable aux ennemis. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. VI, p. 236.

[49] Léon SÉCHÉ, Les derniers jansénistes, Paris, 1891, t. I, p. 36.

[50] FÉNELON, Mémoire au P. Le Tellier, 1710, n. 2.

[51] LAFITAU, Histoire de la Constitution Unigenitus, l. I.

[52] Bossuet était mort en 1704.

[53] Voir sur ce point BLIARD, S. J., Les mémoires de Saint-Simon et le P. Le Tellier, 1 vol. in-8°, Paris, 1891.

[54] Pour les détails de cette affaire, voir BLIARD, Les mémoires de Saint-Simon et le P. Le Telliers, p. 114-186.

[55] Lettre de Chevreuse à Fénelon, à la date du 27 novembre 1711.

[56] Voir une analyse de cette bulle dans PICOT, Mémoires, 3e édition, t. I, p. 55-61.

[57] SAINTE-BEUVE, Port-Royal, VI, 242.

[58] Il y mourut treize ans plus tard, en 1740, âgé de quatre-vingt treize ans.

[59] On lui fit cette épitaphe :

Ci-git Louis Cahin-Caha,

Qui dévotement appela ;

De oui de non s'entortilla ;

Puis dit ceci, puis dit cela ;

Perdit la tête et s'en alla.

[60] LAFITAU, Histoire de la Constitution Unigenitus, p. 507-509.

[61] Voir les détails de ces négociations dans PICOT, II, 19-23.

[62] LAFITAU, Hist. de la Constitution Unigenitus, L V, p. 413.

[63] BARBIER, Journal, t. II, p. 296.

[64] SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. III, p 130.

[65] Sur l'origine et le développement de la boite d Perrette, voir PICOT, Mémoires, V, p. 65-68.

[66] Sur les convulsions du cimetière de Saint-Médard, voir CARRÉ DE MONTGERON, La vérité des miracles opérés à l'intercession de M. de Paris, 3 vol. in-4°, avec gravures, 1737, 1741, 1747. Voir aussi F. MATHIEU, Histoire des miracles et des convulsionnaires de Saint-Médard ; A. GAZIER, Le frère de Voltaire, dans la Revue des Deux-Mondes du 15 avril 1906 ; J. DE BONNIOT, Le miracle et ses contrefaçons ; J. PAQUIER, Le Jansénisme, Paris, 1909, p. 467-523 ; GAGNOL, Le jansénisme convulsionnaire et l'affaire de la Planchette, un vol. in-8°, Paris, 1911.

[67] Cf. RANKE, Hist. de la Papauté, t. III, p. 314-315.

[68] G. GOYAU, L'Allemagne religieuse, le catholicisme, t. I, p. 8.

[69] G. GOYAU, L'Allemagne religieuse, le catholicisme, t. I, p. 8-9.

[70] Ce pseudonyme était emprunté au nom de religion de sa nièce, Fébronia, chanoinesse de Juvigny.

[71] L'ouvrage de Hontheim portait, en sous-titre, ces mots : Liber singularis ad reuniendos dissidentes compositus.

[72] Cité par G. GOYAU, L'Allemagne religieuse, le catholicisme, t. I, p. 13.

[73] Clément XIII en 1764, Clément XIV en 1769 et Pie VI en 1775.

[74] KUNTZIGEH, Fébronius et le fébronianisme, dans les Mémoires couronnés par l'Académie de Belgique, t. XLIV, 1891.

[75] P. WEHOFER, O. P., Das Lehrbuch der metaphysik fur Kaiser Joseph II, p. 112-120.

[76] G. GOYAU, L'Allemagne religieuse, le catholicisme, t. I, p. 25.

[77] Voir les références données par GOYAU, p. 415.

[78] Un système pareil était appliqué à Parme et en Toscane. Nous en verrons l'histoire au volume suivant, en parlant du concile de Pistoie et de sa condamnation par la bulle Auctorem fidei en 1794.

[79] G. GOYAU, L'Allemagne religieuse, le catholicisme, t. I, p. 22.

[80] AUBERTIN, L'esprit public au XVIIIe siècle, p. 260 et s.

[81] Il avait été évêque de Bayeux de 1744 à 1745, archevêque de Vienne de 1745 à 1748.

[82] E. RÉGNAULT, Christophe de Beaumont, 2 vol. in-8°, Paris, 1882, t. I, p. 158.

[83] RÉGNAULT, Christophe de Beaumont, t. I, p. 160.

[84] RÉGNAULT, Christophe de Beaumont, t. I, p. 216.

[85] RÉGNAULT, Christophe de Beaumont, t. I, p. 1.

[86] Voir les principaux passages du bref dans PICOT, III, 321.

[87] RÉGNAULT, Christophe de Beaumont, t. I, p. 205.

[88] Cette étude, à peine esquissée ici, sera reprise avec plus d'ampleur au tome VII de cette histoire, à propos des préliminaires de la Révolution.

[89] On sait que Descartes voulait mettre en garde ses lecteurs contre sa clarté trompeuse.

[90] LANSON, Histoire de la littérature française, 7e édition, p. 619-620.

[91] LANSON, Histoire de la littérature française, p. 619-620.

[92] CHÂTEAUBRIAND, Analyse raisonnée de l'histoire de France, dans les Œuvres de Châteaubriand, édit. Lefèvre, 1833, t. XVII, p. 455.

[93] M. ROUSTAN, Les philosophes et la société française au XVIIIe siècle, 1 vol in-12, Paris, 1911, p. 311-378.

[94] LANSON, Histoire de la littérature, p. 811-812.

[95] LANSON, Histoire de la littérature, p. 809.

[96] Gustave BORD, La Franc-Maçonnerie en France, Paris, 1909, t. I, p. 45.

[97] G. BORD, La Franc-Maçonnerie en France, p. 46-51.

[98] Max DOUMIC, Le secret de la Franc-Maçonnerie, Paris, 1905, p. 56 et s.

[99] G. BORD, La Franc-Maçonnerie en France, p. 27 et s.

[100] RAGON, Orthod. maç., p. 31.

[101] Max DOUMIC, Le secret de la Franc-Maçonnerie.

[102] Voir Frédéric de SCHLÉGEL, Philosophie de l'histoire, trad. LECHAT, 1836, t. II, p. 367. Sur l'affiliation momentanée de Joseph de Maistre à la franc-maçonnerie, voir François DESCOSTES, Joseph de Maistre avant la Révolution, Paris, 1893, p. 215-240.

[103] G. BORD, La Franc-Maçonnerie en France, p. 48-49.

[104] FINDEL, Hist. de la Franc-Maçonnerie, trad. de l'allemand par TANDEL, Paris, 1866, 2 vol. in-8°.

[105] RAGON, Orthodoxie maçonnique.

[106] Cité par d'ESTAMPES et Claudio JANNET, La Franc-Maçonnerie et la Révolution, p. 163-164.

[107] D'ESTAMPES et JANNET, p. 164.

[108] Un prêtre apostat, du nom de Lanz, ayant été frappé de la foudre pendant qui portait des instructions de Weishaupt à des initiés, on trouva sur lui des papiers qui donnèrent l'éveil. L'électeur de Bavière fit faire chez les francs-maçons de ses Etats des perquisitions, qui amenèrent la découverte des écrits publiés sous le titre d'Ecrits originaux.

[109] D'ESTAMPES et JANNET, p. 102, p. 96-97.

[110] G. BORD, 183-184.

[111] G. BORD, La Franc-Maçonnerie en France, p. 152-154. Findel cite l'acte authentique de la fondation de la loge établie chez le restaurateur Landelle, rue de Buci, en 1732. Elle fut peut-être la première loge fondée en France. Rebold pense, en effet, que l'introduction de la franc-maçonnerie dans notre pays doit être fixée à cette date. Findel hésite entre 1721, 1725, 1727 et 1732. L'Annuaire du Grand Orient se prononce pour 1725. Voir REBOLD, Histoire des trois grandes loges de francs-maçons en France, 1 vol. in-8° (avec Imprimatur du Grand-Orient, Paris, 1854) ; FINDEL, Hist. de la Franc-Maçonnerie, 1 vol. in-8°, 1866 (source maçonnique) ; Annuaire du Grand-Orient, Paris, rue Cadet, 11.

[112] Sur ces deux premiers Grands-Maîtres, voir G. BORD, p. 162-172. Le R. P. DESCHAMPS, dans son important ouvrage, Les Sociétés secrètes et la société, ou philosophie de l'histoire contemporaine, avec Introduction par Claudio JANNET, 2 vol in-8°, 6e édit., 1883, t. I, p. 546, publie une liste de francs-maçons où on lit les noms du prince de Broglie, du marquis de Latour-Maubourg, du comte de Castellane, du vicomte de Rochambeau, etc. M. de LESCURE, dans sa biographie de La princesse de Lamballe, p. 135, cite les noms de Mmes de Polignac, de Choiseul, de la Fare, de Loménie, de Genlis. Les grands éloges donnés au roi Louis XV par les francs-maçons ont porté les historiens à se demander si le monarque n'avait pas appartenu à la société. M. Gustave Bord étudie la question et aboutit à la conclusion suivante : Il est très probable que Louis XV ne fut jamais initié, mais on peut croire qu'il accepta le titre de protecteur insigne de l'Ordre. G. BORD, La Franc-Maçonnerie en France, t. I, p. 236.

[113] Journal des Débats, du 8 novembre 1852.

[114] BAZOT, secrétaire du Grand-Orient, Tableau historique, philosophique et moral de la Franc-Maçonnerie, p. 9-10.

[115] G. BORD, p. 64-65, 192.

[116] G. BORD, p. 193.

[117] Frédéric DE SCHLÉGEL, Philosophie de l'histoire, t. II, p. 361. Frédéric de Schlégel, né en 1772 à Hanovre, savant, philosophe et poète, lié avec les maîtres de la pensée allemande au XVIIIe siècle, Schleiermacher, Schelling, Wel, ami de Mme de Staël, se convertit au catholicisme à la suite de ses études historiques sur le Moyen Age. Sa Philosophie de l'histoire, recueil de dix-huit leçons publiques données à Vienne, résume ses travaux. Sur la franc-maçonnerie, voir l'article du P. THURSTON, dans The Month, de juin 1917, p. 529-542 ; celui du P. Paul DUDON, dans les Etudes du 20 décembre 1917, et l'article Masonry, du P. GRUBER, dans The catholic encyclopedia, t. IX, p. 773 et suivantes.