HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

PREMIÈRE PARTIE. — LA RENAISSANCE CATHOLIQUE

CHAPITRE IV. — LA RENAISSANCE CATHOLIQUE EN FRANCE. - LA RÉNOVATION DU CLERGÉ.

 

 

I

Triste état du Malgré les grands efforts tentés depuis le concile de Trente, l'état monastique, dit le P. d'Avrigny dans ses Mémoires, était encore, au début du XVIIe siècle, extrêmement déchu de son ancienne ferveur. Les cloîtres, autrefois les dépositaires des plus éminentes vertus, n'étaient plus guère habités que par des hommes oisifs, ignorants, amateurs de la bonne chère. Et c'étaient encore là les plus gens de bien. Il n'y en avait que trop lui donnaient dans les plus honteux excès. On en avait souvent porté des plaintes à Louis XIII. Le roi lui-même, un jour qu'il entendait la messe dans l'abbaye de Marmoutiers, proche de Tours, an 1619, fut très peu édifié de la conduite des religieux, trop peu chrétiens pour que le respect dû à la majesté royale les fit assez penser à celui qu'ils devaient à la Majesté divine. Henri de Gondi, cardinal de Retz, évêque de Paris et chef du conseil, prit cette occasion pour représenter au roi qu'il ne pouvait rien faire qui fût plus digne de sa piété ni plus agréable à Dieu que de rétablir la discipline dans les couvents qui l'avaient perdue, et que si l'on mettait cette affaire entre les mains du cardinal de Larochefoucauld, on en pourrait espérer une bonne issue.[1].

Il n'y avait pas en effet, auprès du roi, parmi les membres du haut clergé, d'homme plus capable d'entreprendre cette œuvre difficile, que le cardinal François de Larochefoucauld[2]. Né en 1558, il avait eu le bonheur, dans un voyage en Italie, de voir saint Charles Borromée, et le souvenir des entretiens qu'il avait eus avec ce grand homme de Dieu, était resté profondément gravé dans son âme. C'est à son instigation qu'à la suite des Etats-Généraux de 1614, les membres de l'assemblée du clergé avaient pris la résolution de recevoir et d'observer, autant qu'il était en eux, les canons du concile de Trente[3]. Il fallait du courage pour prendre une pareille initiative, alors qu'on savait que la volonté formelle du roi et du parlement, si disposés qu'ils fussent à favoriser la réforme du clergé, était de s'opposer à la réception du concile[4]. Mais le cardinal avait autant d'énergie que de piété. Ce fut considération de ces qualités qui décidèrent le pape Grégoire XV à le charger, par un bref du 8 avril 1622, de travailler à la réforme des monastères de France. Le roi Louis XIII, pour lui donner plus d'autorité, lui conféra le titre de ministre d'Etat. Le cardinal, prévoyant que ses nouvelles fonctions l'empêcheraient souvent de résider dans son diocèse, et voulant donner l'exemple de son attachement aux règles de l'Eglise, se démit alors de l'évêché de Senlis et se livra tout entier au soin d'encourager les réformes. Par lettres patentes du 11 juillet 1622, le roi lui adjoignit une commission d'évêques et de magistrats pour l'aider de leurs lumières et lui prêter main forte au besoin[5]. Lui-même se forma un conseil composé d'un chartreux, d'un bénédictin, d'un jésuite, d'un feuillant, d'un dominicain, d'un minime et de quelques autres personnes d'une vertu reconnue, et, le 11 mars 1623, il rédigea les règlements qu'il jugeait nécessaire de proposer aux monastères qu'il aurait à réformer.

L'œuvre fut pleine d'entraves et de difficultés de toutes sortes. Le cardinal commença la réformation par le couvent de Saint-Etienne du Mont, dont il était abbé. Pour vaincre l'opposition de quelques religieux, il fit venir douze chanoines de Saint-Vincent de Senlis, connus par leur vertu éprouvée, puis il donna sa démission d'abbé, laissa la communauté choisir, pour lui succéder un moine de vie édifiante, et la vie régulière s'y rétablit peu à peu.

La réforme fut plus laborieuse à Clairvaux et à Cîteaux. Plus de 3.000 religieux y vivaient en dehors de tout idéal monastique. Ces terres autrefois si fécondes en fruits de sainteté, dit le P. d'Avrigny[6], ne portaient guère, au temps dont nous parlons, que des ronces et des épines. Toutes les branches du grand arbre monastique se sentaient de la corruption de la racine. En 1625, la mort presque simultanée de Denis Largentier, abbé de Clairvaux et de Nicolas Boucherat, abbé de Cîteaux, tous les deux favorables à la réforme, précipita la crise. Denis Largentier avait fait élire en 1621, dans une excellente intention, mais non sans quelque pression, disait-on, son neveu Claude Largentier. Celui-ci, contrairement aux prévisions de son oncle, commença par donner des gages aux adversaires de la réforme. Quinze jeunes religieux, pleins d'ardeur pour la restauration de la vie monastique, attaquèrent l'élection du nouvel abbé. Mais un certain nombre de moines anciens, moins soucieux d'une réforme qui contrarierait leurs vieilles habitudes, et malheureusement plus accrédités à Rome et à Versailles, surprirent le Pape et le roi. Ils calomnièrent leurs jeunes confrères, qui pratiquaient l'abstinence le jour, disaient-ils, et faisaient tourner la broche pendant la nuit. Ils parvinrent à faire casser une sentence que le cardinal de Larochefoucauld avait prise pour le bien de Clairvaux et à faire confirmer l'élection de Claude Largentier. Les efforts persévérants du cardinal aboutirent cependant à faire pénétrer dans le monastère une réformation mitigée.

A Cîteaux, les intrigues et les violences du Président de la Berchère avaient fait élire un candidat favorable aux abus, Pierre Nivelle. Vingt-huit religieux, soutenus par le cardinal de Larochefoucauld, firent appel au Pape et demandèrent la cassation de l'élection. Rome se contenta de diminuer l'autorité de Pierre Nivelle : la juridiction qu'exerçait l'abbé sur les monastères de femmes, en particulier sur Port-Royal, lui fut enlevée. Si ces maisons ne reprirent pas l'esprit de saint Benoît et de saint Bernard, dit à ce propos le P. d'Avrigny[7], du moins le libertinage en fut banni. Si les bois consacrés par la pénitence de ces fameux patriarches et de leurs premiers enfants ne devinrent pas encore l'objet de la vénération publique, du moins ils cessèrent d'être la retraite de ces satyres dont l'impudicité alarmait les pays d'alentour.

Parmi les autres réformes d'ordres religieux[8], celle de la Trappe par l'abbé de Rancé mérite une mention toute spéciale. Armand-Jean le Bouthillier de Rancé est un des hommes les plus représentatifs de l'époque à laquelle nous sommes parvenus. Sa jeunesse a toute la fougue de l'homme de la Renaissance ; son âge mur et sa vieillesse ont presque l'austérité du janséniste. En nul homme de ce temps la réaction contre le naturalisme du XVIe siècle ne s'accusa d'une manière plus forte. Fils d'un président à la Chambre des Comptes, neveu d'un surintendant des finances et de deux évêques, filleul du cardinal de Richelieu, il avait d'abord ébloui le monde par l'éclat de son esprit et le luxe de sa vie mondaine. Chasse, plaisirs, intrigues, études : Rancé mène tout de front, suffit à tout, excelle en tout. Mais la mort de quelques personnes chères[9] lui ouvre tout à coup les yeux sur la frivolité des plaisirs et sur l'instabilité des grandeurs humaines. La pensée de l'éternité le saisit ; elle ne le quittera plus. Sainte-Beuve l'a justement remarqué[10] : Toutes les petites raisons que l'on a essayé de donner dans le temps et encore de nos jours, pour rabaisser dans son principe la résolution de Rancé, s'évanouissent devant cette idée d'éternité bien comprise ; elle s'élève et résulte de toute sa vie et de toute son âme. Dès lors, la perfection de la vie chrétienne lui apparaît dans la règle monastique, et la règle monastique se présente à lui comme un crucifiement continuel ; il rêve de moines qui auraient à la fois la mortification du Crucifié, la sainteté des apôtres et la pureté des anges[11]. A la suite d'un séjour solitaire dans sa terre de Véretz, et après avoir consulté des hommes graves, entre autres Pavillon, évêque d'Aleth, et Caulet, évêque de Pamiers, il prend une résolution courageuse, donne tout son bien aux pauvres, se démet de ses bénéfices, ne garde que l'abbaye de la Trappe, dans le Perche, et s'y retire dans le désir d'y établir la réforme la plus complète. Il y fait profession le 26 juin 1664, change son titre d'abbé commendataire pour celui d'abbé régulier ; puis il s'applique à remettre peu à peu en usage. à la Trappe les pratiques les plus austères, le jeûne, le travail des mains, le silence, les veilles. Il retranche de son monastère tout ce qui n'est pas conforme à la pauvreté la plus rigoureuse, et s'astreint le premier à la vie de pénitence qu'il impose aux autres. Un si grand changement et l'hospitalité que le zélé réformateur a établie dans son abbaye attirent de toutes parts vers ce désert des ecclésiastiques et des gens du monde. On y vient par curiosité, par désir d'édification, pour s'y recueillir, pendant quelques jours de retraite, du tumulte du monde et de l'embarras des affaires. Bossuet s'y rend jusqu'à huit fois, tantôt seul, tantôt accompagné de quelqu'un de ses amis, tels que M. de la Broue, évêque de Mirepoix, l'abbé Fleury, l'abbé de Langle, l'abbé de Langeron. On y voit le maréchal de Bellefonds et Jacques II, roi d'Angleterre. L'impression que tous en ressentent est si grande, que tout le monde en parle, à la cour et dans la ville. Les partis les plus opposés cherchent à attirer à eux la nouvelle réforme. Jansénistes, bénédictins, jésuites mêlent à leurs controverses le nom de Rancé. Mais celui-ci s'élève, par la pureté de sa foi, au-dessus de toutes ces disputes. Je dirai, écrit Bossuet[12], mon sentiment sur la Trappe avec beaucoup de franchise, comme un homme qui n'a d'autre vue que celle que Dieu soit glorifié dans la plus sainte, Maison qui soit dans l'Eglise, et dans la vie du plus parfait directeur des âmes dans la vie monastique, qu'on ait connu depuis saint Bernard. Si l'histoire du saint personnage n'est écrite de main habile, et par une tête qui soit au-dessus de la terre, tout ira mal. Tous les partis voudront tirer à soi le saint Abbé. La simplicité doit être le seul ornement de son histoire. — Je ne puis dire autre chose de lui, ajoutait Bossuet dans une autre lettre[13], sinon que c'était un autre saint Bernard, en doctrine, en piété, en mortification, en humilité, en zèle et en pénitence, et la postérité le comptera parmi les restaurateurs de la vie monastique.

Cependant, à côté des vieux ordres réformés, plusieurs congrégations nouvelles se fondaient en France. Dès les premières années du siècle, une nièce de Montaigne, Jeanne de Lestonnac, instituait à Bordeaux, pour l'éducation des jeunes filles, la congrégation des Filles de Notre-Dame, confirmée par un bref de Paul V à la date du 7 avril 1607. Vers la même époque, à Paris, une femme de la plus haute vertu, Mme Acarie de Villemar, après avoir été intimement mêlée à tout ce qui se faisait de bien dans la capitale, introduisait en France, avec l'aide de l'abbé de Bérulle, l'Ordre des Carmélites, puis, secondée par une de ses amies, Mme de Sainte-Beuve, et par une jeune fille d'Avignon. Françoise de Bermond, favorisait la diffusion dans notre pays de l'institut des Ursulines. Une autre congrégation, destinée à l'instruction chrétienne des jeunes personnes, s'établissait à Mattaincourt, grâce au zèle de saint Pierre Fourier et d'Alix Le Clerc : c'était celui des Chanoinesses de Notre-Dame, qui devait, avant la fin du siècle, compter plus de quatre-vingts maisons en France, en Lorraine, en Allemagne et en Savoie. Mais toutes ces œuvres n'étaient que la continuation et l'extension du mouvement de réforme que nous avons étudié au XVIe siècle. Avec le Bienheureux Jean Eudes, Adrien Bourdoise, le Père de Bérulle, saint Vincent de Paul et Jean-Jacques Olier, nous allons nous trouver en présence de créations plus originales et tout à fait caractéristiques de ce temps.

 

II

Solidement constitué dans l'Etat, au point de vue social et politique, le clergé séculier de la France se trouvait, au point de vue religieux, vers les premières années du XVIIe siècle, dans une situation non moins déplorable que le clergé régulier des monastères.

Le clergé de France (en entendant par ces mots le régulier comme le séculier), était, dit M. Lavisse[14], le plus grand propriétaire du royaume. Sa richesse ne peut être comptée avec précision ; mais on voit, par les mémoires des commissaires à l'enquête de 1663, que ses revenus dépassaient de beaucoup ceux de la noblesse dans chaque généralité. Et le clergé gouvernait bien bon gros avoir. Toute une administration financière, — receveur général, receveurs et contrôleurs provinciaux et diocésains, environ 700 officiers, — était à son service et ne relevait que de lui. Le clergé, quand il empruntait, le faisait à bon compte. Plus honnête que le roi, son crédit était meilleur. En 1675, le prévôt de Paris le remerciait solennellement, dans une harangue, de l'exactitude de ses paiements. La Même année, en pleine guerre de Hollande, le roi lui-même, reconnaissant du don gratuit de. 4.500.000 livres que l'Assemblée du clergé venait de lui faire[15], témoignait sa reconnaissance, en termes plus chaleureux encore, à ce premier corps du royaume.

Le clergé constituait en effet, en même temps qu'une grande puissance sociale, un véritable ordre politique. Il était représenté auprès du roi par l'assemblée du clergé, qui se tenait, tous les cinq ans, pour voter une contribution. Dans l'intervalle de ces réunions, deux agents généraux du clergé avaient entrée au Conseil des parties, pour y présenter des requêtes, et au parlement en toute cause où le clergé se portait partie civile.

De cette haute situation sociale et politique résultait pour le clergé une influence considérable. Il avait des appuis dans les grandes et moyennes familles où il se recrutait. Des milliers de paysans cultivaient ses terres. Il était le juge féodal de tout ce qui relevait de ses seigneuries[16]. Des multitudes de mendiants tendaient les mains aux portes de ses maisons et vivaient de ses aumônes.

Mais, dans cette prépondérance temporelle, l'Eglise avait trouvé une cause de décadence spirituelle. La nomination des évêques et des grands bénéficiers était, en fait, entre les mains du roi. Henri IV veillait sans doute à ne pas nommer des personnages notoirement ignorants et scandaleux, mais il les choisissait trop exclusivement parmi les grands seigneurs ; et la noblesse, féodale ou financière, de robe ou d'épée, s'habituait à considérer les biens d'Eglise comme l'espérance des cadets, l'apanage naturel des grandes fortunes, ou la providence secourable des maisons ruinées. Les évêchés étaient quelquefois donnés à des enfants qui, comme le disait, en 1614, l'évêque de Lisieux, Cospéan, étaient encore entre les bras de leur nourrice ou régentés dans les collèges ; ils étaient livrés à des hommes qui n'avaient d'ecclésiastique que l'habit. Souvent le roi assignait des pensions sur les évêchés et les bénéfices, comme il l'aurait fait sur une recette générale[17]. Et ces grands seigneurs, ces hauts bourgeois, dont la volonté royale avait contribué à faire des prélats, continuaient, dans leurs diocèses, lorsque par hasard ils y résidaient, à faire bonne chère, à donner des chasses, à vivre au milieu des plaisirs mondains. Le mal était si universel, si profondément enraciné, qu'il ne soulevait plus de scandales[18]. L'aspect politique et social de l'épiscopat, voilait tellement, aux yeux des meilleurs, son caractère sacré, qu'au moment d'engager un enfant dans l'état ecclésiastique, la question de vocation ne se posait presque plus. Rien n'est plus significatif, à cet égard, que la manière dont la pieuse famille des Gondi, au moment même où saint Vincent de Paul y exerçait une influence si religieuse, décida de l'entrée d'un de ses fils, le futur cardinal de Retz, dans les ordres sacrés. Lorsque son frère aîné, qui devait être d'Eglise, fut tué, par accident en 1622, on changea subitement de dessein à l'égard du cadet, et il fut décidé qu'il serait prêtre, pour recueillir la succession, le mot est peut-être un peu rude, mais nous n'en trouvons pas d'autre, de son grand-oncle, puis de ses deux oncles, successivement évêques et archevêque de Paris[19]. Je ne crois pas, écrivait, près de cinquante ans plus tard, le cardinal de Retz dans ses fameux Mémoires, qu'il y eût au monde un meilleur cœur que celui de mon père, et je puis dire que sa trempe était celle de la vertu ; cependant et mes duels et mes galanteries ne l'empêchaient pas de faire tous ses efforts pour attacher à l'Eglise l'âme peut-être la moins ecclésiastique qui fût dans l'univers[20].

La situation du bas clergé n'était guère meilleure. Pauvres, certes, ils l'étaient, ces curés à portion congrue, ces prêtres de paroisse, que de hauts décimateurs pressuraient, réduisaient parfois jusqu'à la mendicité au profit des commandataires laïques et des prélats de cour. Mais la misère n'est pas plus morale que l'opulence. Le premier biographe de saint Vincent de Paul a inséré, dans son récit, deux Mémoires que des prêtres de la Mission avaient envoyés au saint sur l'état du clergé à Paris et en Bretagne. Il y est question de bénéficiers, qui ont été obligés de convenir qu'ils ont longtemps vécu dans les désordres, qu'ils ont détenu de grosses sommes appartenant à l'Église, qu'ils ont possédé des bénéfices incompatibles, qu'ils n'ont jamais catéchisé et instruit leurs paroissiens. On y voit que dans certains diocèses il était inouï que l'on confessât les jours de férie, qu'on ne pouvait avoir qu'un seul prêtre pour prêcher le carême en cinq ou six paroisses fort écartées, et que, dans des diocèses entiers, à peine se trouvait-il un ecclésiastique de la campagne qui fût habillé de noir, la plupart étant vêtus de gris et travaillant après leurs messes comme des laïques[21].

D'où pouvait venir la réforme de pareils abus ? de la Papauté ? Dans un pays dont le roi refusait obstinément, malgré les instances du clergé[22], de recevoir le concile de Trente, où les parlements se plaignaient chaque jour des empiètements de la cour de Rome, où le prévôt des marchands défendait par sentence à tous clercs d'innover aucune chose dans la police ecclésiastique sans la permission du roi, à peine de la saisie du temporel[23], l'action de la Papauté était liée. De l'épiscopat ? Mais on a calculé que, vers 1625, sur les chefs de cent-vingt-sept diocèses français, il y en avait bien près de dix à qui leurs mœurs ou leur réputation interdisaient toute idée de réformer autrui[24]. Dans le reste, les uns, devenus riches propriétaires et hauts seigneurs par leur prélature avaient assez à faire de plaider contre leurs vassaux et redevanciers, les autres cumulaient des charges d'État peu compatibles avec la résidence ou même avec leur caractère sacré[25]. La royauté, qui se refusait à recevoir les canons réformateurs du concile de Trente, paraissait bien mal venue, de son côté, à intervenir, comme elle l'avait fait par les Ordonnances de Blois et de Puvis, en 1579 et en 1624, pour faire pénétrer la réforme dans l'Eglise. D'ailleurs il est bien évident qu'on ne pouvait espérer, sous un pouvoir conservateur par essence, comme l'était la monarchie absolue, détruire les institutions séculaires dans lesquelles le mal trouvait sa source principale. C'est de la féodalité ecclésiastique, en effet, que devaient venir les principaux obstacles opposés à la réforme du clergé. D'où viendrait donc la réforme désirée ? Les hommes pieux qui cherchaient des remèdes à une pareille décadence se. rendirent compte que les institutions valent plus par l'esprit avec lequel on les applique que par leur forme légale : ils ne tentèrent pas de renverser la structure extérieure de l'Eglise de France ; ils s'appliquèrent à lui insinuer un esprit nouveau, grâce auquel plus tard peut-être les institutions nuisibles tomberaient d'elles-mêmes. Richelieu, avec un sens profondément politique, l'avait compris. Il faut surtout, écrivait-il dans son testament politique, qu'un évêque soit humble et charitable, qu'il ait de la science et de la piété, un courage ferme et un zèle ardent pour l'Eglise et pour le salut des âmes.

Ce que Richelieu voyait peut-être surtout en politique, les saints prêtres de cette époque, les Condren, les Eudes, les Bourdoise, les Vincent de Paul, les Olier, le sentirent au fond de leurs âmes d'apôtres ; et les moyens d'infuser au corps ecclésiastique cet esprit d'humilité, de charité, de science, de piété et de zèle, dont le grand ministre apercevait l'urgente nécessité, ils les virent dans un ensemble d'œuvres et d'institutions dont la première leur parut être l'institution de séminaires pour la formation du clergé selon les prescriptions du concile de Trente.

 

III

Les quatre La rénovation du clergé de France au XVIIe siècle s'opère autour de quatre centres principaux : l'Oratoire, Saint-Nicolas du Chardonnet, Saint-Lazare et Saint-Sulpice. A l'Oratoire, le Père de Bérulle et le Père de Condren, par l'ascendant personnel qu'ils exercent sur leurs disciples et par la haute idée du Sacerdoce qu'ils savent leur donner, sont les inspirateurs de ce grand mouvement. Leur œuvre personnelle toutefois, par suite de diverses circonstances, n'aboutit guère qu'à fonder des séminaires intérieurs à l'Oratoire et destinés à son recrutement. A Saint-Nicolas du Chardonnet, l'austère Bourdoise est bien convaincu que la fondation d'écoles cléricales diocésaines est l'œuvre nécessaire et urgente ; mais, scrupuleusement respectueux de la hiérarchie, il ne fonde qu'un séminaire paroissial. A Saint-Lazare, Vincent de Paul, âme débordante de zèle, ouverte à toutes les misères physiques et morales, ne perd jamais de vue l'œuvre essentielle de la rénovation du clergé, et il y consacre tout le temps que lui laissent des besoins plus urgents à secourir. Son œuvre principale dans cet ordre d'idées est la fondation des retraites d'ordinands. Finalement Jean-Jacques Olier, disciple et ami de ces saints prêtres, dirigé par Condren, stimulé par Bourdoise, encouragé par Vincent de Paul, poussé surtout par des inspirations intérieures surnaturelles, fonde à Vaugirard, puis à Saint-Sulpice, le premier grand séminaire proprement dit.

Pierre de Bérulle, né le 4 février 1573, d'une ancienne et illustre famille de Champagne[26], avait été élevé au collège de Bourgogne, puis au collège de Clermont par les jésuites : Ses maîtres déclaraient n'avoir jamais vu un esprit plus mâle, un jugement plus sûr et une dévotion plus tendre[27]. Le jeune gentilhomme, en se retirant, à la fin de ses études, auprès de sa mère veuve, avait écrit les résolutions suivantes, qui devaient rester les règles invariables de toute sa vie : Je concevray en moi tous les soirs et tous les matins et souvent dans la journée un grand désir de tendre à la plus grande perfection et de passer dessus tous les empêchements qui se rencontreront... Je m'humilieray en toutes choses... Je feray peu d'estime de mes élévations d'esprit, si sublimes qu'elles soient, si, hors de là je ne suis plus prompt qu'auparavant au travail de la vertu et de l'abnégation[28]. En 1599, après quarante jours d'une austère retraite chez les capucins de la rue Saint-Jacques, il fut ordonné prêtre. Tout, dans ses relations extérieures comme dans ses aspirations à la vie parfaite, semblait porter le pieux jeune homme à embrasser la, vie religieuse : les jésuites avaient été ses maîtres ; un chartreux, Dom Beaucousin, était son directeur spirituel ; un capucin, le Père Pacifique, était l'ami et le confident intime de son âme. Mais, dit-il, bien que j'estimasse toutes les congrégations établies, néanmoins aucune n'allait ni à mon esprit de grâce ni à mon esprit de nature[29]. Sur l'avis de Dom Beaucousin et du P. Magius, provincial des jésuites, qu'il consulta, Pierre de Bérulle ne demanda que le sacerdoce, réservant sa liberté pour suivre, au moment voulu, les desseins de la Providence.

Deux ans plus tard, un jour qu'il récitait l'office divin, le jeune prêtre se sentit saisi d'une très vive émotion à la lecture de ce verset du psaume IX Annuntiate inter gentes studia ejus. Publiez, parmi les peuples, les hauts faits de l'Eternel. Et, comme il faisait part de cette impression à une carmélite fort versée dans les voies intérieures, la Mère Madeleine de Saint-Joseph, cette sainte femme s'écria Oh ! que je vois de grandes choses en ce que vous venez de me dire !

Le projet de Pierre de Bérulle fut bientôt fixé dans ses grandes lignes. Il ne s'agissait pas, dit un des héritiers de son esprit[30], d'établir un ordre religieux semblable aux grands instituts monastiques du Moyen Age, ni même aux congrégations régulières fondées au XVIe siècle, et reposant, comme les ordres monastiques, sur la triple base des vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. La pensée de M. de Bérulle était à la fois plus simple et plus complexe. Le fondement de la nouvelle société devait être exclusivement sacerdotal et nullement monastique : les vœux du sacerdoce, mais non ceux de la religion, seraient les uniques liens qui rattacheraient les uns aux autres les membres de l'association. En d'autres termes, elle devait se composer de prêtres séculiers demeurant soumis à l'autorité et à la juridiction des évêques et ne jouissant d'aucun privilège d'exemption[31].

Le 11 novembre 1611, date importante pour l'histoire du clergé de France, dans une maison du faubourg Saint-Jacques[32], six prêtres, réunis sous la présidence de Pierre de Bérulle, se constituèrent en communauté, se proposant de pratiquer le plus parfaitement possible les devoirs du Sacerdoce. Le Sacerdoce, disait le pieux fondateur, c'est l'Ordre fondé par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même. Il est le premier, le plus essentiel et le plus nécessaire à l'Eglise, puisque l'état de prêtrise est non seulement un état saint et sacré, mais encore l'origine de toute la sainteté qui doit être en l'Eglise de Dieu[33]. Bossuet devait plus tard magnifiquement résumer l'esprit de la nouvelle congrégation. L'amour immense de Pierre de Bérulle, dit-il[34], lui inspira le dessein de former une compagnie à laquelle il n'a pas voulu donner d'autre esprit que l'esprit même de l'Eglise, ni d'autres règles que ses canons, ni d'autres liens que sa charité, ni d'autres vœux solennels que ceux du Baptême et du Sacerdoce.

Des lettres patentes, confirmées le 2 janvier 1612 et enregistrées au Parlement le 4 septembre 1613, donnèrent au nouvel institut la sanction de l'approbation royale. Une bulle de Paul V, datée du 10 mai 1613, lui traça, en l'approuvant, le plan de vie suivant : Vivre ensemble dans une société soumise à des règles ; et, dans un esprit de continuelle humilité, se conduire comme les serviteurs du Tout-Puissant, en cherchant par-dessus tout à réaliser dans toutes ses actions la perfection de l'état sacerdotal ; demeurer soumis aux évêques pour les travaux du saint ministère ; s'appliquer à la formation des clercs, et leur faire cultiver la science, moins pour la science elle-même que pour les services qu'on peut rendre au prochain[35].

Le P. Coton, jésuite, déclara que l'Oratoire lui paraissait nécessaire à l'Eglise et qu'il regardait cet institut comme une nouvelle création qui manquait à la perfection de ce second et divin univers. Saint François de Sales s'écria que s'il pouvait choisir d'être quelqu'un, il voudrait être M. de Bérulle, et qu'il eût volontiers quitté son état pour vivre sous la conduite de ce grand homme.

Des prêtres vinrent en grand nombre se ranger autour du pieux fondateur, les uns pour faire partie de sa congrégation, d'autres simplement pour s'édifier de ses leçons et se pénétrer de son esprit. En quelques années, de nombreuses maisons de l'Oratoire s'ouvrirent dans diverses villes de France. Bientôt, la réputation de sainteté du Père de Bérulle[36] franchissant les frontières, de nouvelles colonies d'oratoriens furent envoyées à Louvain, à Madrid, en Savoie et à Rome, où le Pape Paul V, d'accord avec Louis XIV, leur confia- l'église de Saint-Louis des Français. Au nombre de ces établissements se faisait remarquer, au faubourg Saint-Jacques, le collège de Saint-Magloire, dont Bossuet[37] a pu dire : Allez à cette maison, où reposent les os du grand saint Magloire ; là dans l'air le plus pur et le plus serein de la ville, un nombre infini d'ecclésiastiques respirent un air encore plus pur de la discipline cléricale ; ils se répandent dans les diocèses, et portent partout l'esprit de l'Eglise.

L'idée de Bérulle était d'appliquer uniquement les prêtres de l'Oratoire à la direction des séminaires. Mais, par une permission singulière de la Providence, le Saint-Siège n'approuva pas ce dessein exclusif. Le zèle de l'Oratoire se déploya alors dans toutes les fonctions du ministère sacerdotal. Le jeune institut ne tarda pas à s'y couvrir de gloire. Il devait bientôt donner à l'érudition Jean Morin, Richard Simon, Abel-Louis de Sainte-Marthe, Houbigant et Thomassin ; à la théologie mystique, Condren ; à la philosophie, Malebranche ; à la chaire chrétienne, Mascaron, Lejeune et Massillon. Ses collèges allaient rivaliser avec ceux des jésuites[38]. Dès lors, l'œuvre des séminaires de théologie ne put être poursuivie comme le zélé Fondateur de l'Oratoire se l'était promis. Il eut cependant la joie de voir se fonder à Paris, en 1620, grâce à la bienveillance du cardinal Henri de Gondi, évêque de Paris, le séminaire de Saint-Magloire[39]. Son digne successeur, Charles de Condren, et quatre prêtres formés à son école[40], Adrien Bourdoise, Vincent de Paul, Jean Eudes et Jean-Jacques Olier, devaient continuer son œuvre et réaliser pleinement ses vues.

Charles de Condren[41], dont le P. de Bérulle disait avec étonnement qu'il avait reçu l'esprit de l'Oratoire dès le berceau[42], était bien digne d'une pareille mission. Sa réputation de sainteté était extraordinaire. Si Dieu a donné à l'Eglise notre bienheureux fondateur pour instruire les hommes, disait sainte Chantal, il me semble qu'il a rendu le P. de Condren capable d'instruire les anges[43] ; et saint Vincent de Paul, lorsqu'il apprit sa mort, se jeta à genoux, en se frappant la poitrine et en s'accusant, les larmes aux yeux, de n'avoir pas honoré ce saint homme, comme il méritait de l'être[44]. C'est surtout du Père de Condren que les réformateurs de la vie cléricale au XVIIe siècle, reçurent ces hautes vues sur le Sacerdoce qui devaient inspirer toutes leurs œuvres. Ce saint personnage, écrit l'un d'eux, avait compris l'idée sublime du dessein que Dieu lui a manifesté. Il nous fit employer les matériaux à cet ouvrage, en nous découvrant peu à peu et faiblement ce qu'il savait être utile... Tout cela se faisait petit à petit[45].

 

IV

C'est une retraite faite en 1611 à l'Oratoire, sous la direction du P. de Bérulle, qui parait avoir décidé de la vocation d'Adrien Bourdoise[46]. Il était né le 1er juillet 1584, à Brou, petite ville du diocèse de Chartres, d'un magistrat subalterne[47]. Le dénuement dans lequel se trouva sa mère après la mort prématurée de son père l'obligea à servir comme gardien de bestiaux, puis comme domestique, jusqu'au jour où un charitable curé, ami de sa famille, l'initia aux études nécessaires pour parvenir aux saints ordres[48]. L'idée de la grandeur du sacerdoce le hantait depuis sa première enfance. Je commençai dès l'âge de quatre ans à chanter au lutrin, écrivait-il en 1639 ; et, depuis ce temps-là je ne pensais qu'aux moyens de voir dans l'Eglise des prêtres qui prissent le chemin du ciel en y conduisant les peuples. Dire de lui qu'il était original et rustique n'eût pas été sans doute pour le fâcher. Mon principe, aimait-il à dire, a toujours été de voir ce qui se faisait ordinairement, et de faire le contraire[49]. Je ne suis que rusticité et brutalité, répétait-il, ayant passé ma jeunesse en des exercices indignes d'Un ecclésiastique[50]. Les portraits que nous avons de lui nous le représentent le front légèrement fuyant et comme barré, les yeux perçants sous des arcades sourcilières proéminentes, les traits durs et vulgaires[51]. L'absence de moustache est comme une protestation contre l'usage général des ecclésiastiques de ce temps. Les biographes de ce prêtre intrépide l'ont souvent appelé un nouvel Elie, un second Jean-Baptiste. Il fut le plus rude des précurseurs. Sa manière, dit un de ses contemporains[52], paraissait parfois choquer la prudence humaine ; mais tout en excitant à rire, elle ne laissait pas d'avoir de très bons effets. Un jour, il alla jusqu'à traiter saint Vincent de Paul de poule mouillée[53]. L'idéal de ce grand serviteur de l'Eglise, dit M. Letourneau[54], c'était de restaurer la paroisse et l'esprit paroissial ; il avait une horreur invincible de toutes les chapelles domestiques ; il ne pouvait admettre qu'un chrétien n'assistât pas à la grand'messe ; il estimait que le service de la paroisse devait être fait par des prêtres vivant en communauté, comme des moines, dans une pauvreté et une humilité parfaites. Il voulait même que les ecclésiastiques fussent plus parfaits que les moines. Le moine est à lui, disait-il, par une de ces antithèses paradoxales qu'il aimait, le clerc est à l'Eglise. Le moine se sauve en fuyant et l'ecclésiastique en combattant[55]. Il ne comprenait pas d'ailleurs la possibilité de la vie commune et de la sainteté du sacerdoce sans le séminaire. Il n'y a qu'un remède au désordre général de l'Eglise, disait-il[56], c'est à savoir le rétablissement des séminaires. Ce qui fait un bon capucin ou un bon jésuite, c'est un bon noviciat... Il n'y a pas de noviciat pour les prêtres ! Il concevait le séminaire comme diocésain, fondé et dirigé par l'évêque[57] ; et c'est précisément pour respecter ce caractère qu'il ne fonda pas de séminaire diocésain proprement dit, ne voulant pas, disait-il, travailler en dehors de la hiérarchie. Il se contenta de former à Saint-Nicolas du Chardonnet, sa paroisse, un séminaire paroissial[58].

Par cette œuvre, par le zèle qu'il déploya clans l'établissement à Paris des Exercices des ordinands[59], et surtout par la fondation de sa communauté paroissiale de Saint-Nicolas du Chardonnet, Adrien Bourdoise fit beaucoup pour la restauration du clergé de France. Peu de temps avant sa mort, qui arriva en 1665, il put écrire : Nos yeux sont heureux de ce qu'ils voient... C'est le commencement d'une réforme... Ce que l'on voit dans l'Eglise est de l'argent, en comparaison du passé, qui était du plomb. Mais, ô mon Dieu, en comparaison de l'or qui serait à désirer, cet argent n'est que du plomb[60].

 

V

Adrien Bourdoise n'avait fait que passer à l'Oratoire ; Jean Eudes y resta vingt ans. A l'influence du P. de Bérulle, qui s'exerça sur lui durant six années, s'ajouta l'influence du P. de Condren pendant douze ans, puis, durant deux ans, celle du P. Bourgoing. Jean Eudes, né en 1601, au petit village de Ri, en Normandie, dans une humble famille, fut l'ainé de sept enfants, dont l'un devait être l'historien Mézeray. Tout comme Adrien Bourdoise, il fut frappé, dès son enfance, par le spectacle de l'indifférence avec laquelle prêtres et laïques traitaient les choses les plus saintes. Il n'y a plus de sanctuaire ni de lieu réservé aux sacrés ministres du Saint des saints, s'écriait-il[61]. C'est une caverne de larrons, une retraite de bêtes... Voulez-vous voir le peu de vénération que la plupart des chrétiens Ont pour la maison de Dieu ? Allez-vous en dans les maisons des grands : vous n'y verrez rien qui ne soit net et en bon ordre. Allez dans les églises : vous en verrez plusieurs environnées d'ordures, tapissées de toiles d'araignées, pavées de boue. 0 Dieu, ô grand. Dieu, où est la foi des chrétiens ? En entrant dans l'Oratoire, Jean Eudes avait espéré travailler à porter remède à ces maux par la fondation des séminaires. Les missions qui lui furent confiées par ses supérieurs et qu'il prêcha en divers diocèses, surtout, en Normandie, le confirmèrent dans sa conviction, que la réforme des mœurs des fidèles serait impossible si l'on ne commençait par réformer celles des prêtres. Le refus que le P. Bourgoing lui opposa, lorsqu'il forma le projet d'organiser, de concerte avec quelques ecclésiastiques, une œuvre proprement sacerdotale, semble avoir déterminé sa sortie de l'Oratoire[62].

A peine avait-il quitté l'Oratoire, qu'il fondait à Caen, le 25 mars 1643, une société nouvelle, sous le nom de Congrégation de Jésus et de Marie[63]. Comme l'institut établi par Bérulle, celui de Jean Eudes se constituait sans autres vœux que ceux du Baptême et du Sacerdoce ; mais il restreignait son activité à deux fonctions seulement : la sanctification des ecclésiastiques par les séminaires et l'évangélisation des fidèles par les prédications. Le saint fondateur entendait d'ailleurs que l'œuvre des séminaires fût toujours le principal objectif de sa congrégation. Il répétait souvent cette maxime : Les intérêts des séminaires sont préférables à tout ce que l'on peut faire en dehors[64]. Le programme que se traçait la nouvelle société fut persévéramment suivi, à travers mille obstacles. Dès le mois d'octobre 1642, le cardinal de Richelieu, dans plusieurs conférences qu'il avait eues avec le Père Eudes, lui avait promis son appui pour la fondation d'un séminaire à Caen. L'établissement, généreusement doté par la duchesse d'Aiguillon, nièce du grand ministre, put s'ouvrir en 1643 ; et, de 1650 à 1667, quatre autres séminaires se fondèrent à Coutances, Lisieux, Rouen et Evreux. Un mémoire présenté par Jean Eudes à l'Assemblée du clergé de 1615, pour une organisation générale des séminaires de France sous une direction unique, rencontra, il est vrai, de vives oppositions, et le projet du serviteur de Dieu fut finalement écarté par l'assemblée[65] ; mais celle-ci encouragea les prêtres du séminaire de Caen à marcher dans la voie où ils étaient entrés[66] ; et, trois ans plus tard, une autorité plus haute, celle de la Congrégation de la Propagande, déclara formellement, en réponse à des accusations malveillantes, que le séminaire établi à Caen par Jean Eudes était érigé suivant l'intention du concile de Trente et n'avait nul besoin de confirmation[67].

 

VI

Au moment où Jean Eudes se séparait de l'Oratoire pour instituer une société nouvelle, Saint-Lazare et Saint-Sulpice étaient déjà fondés. A Saint-Lazare, la vie sacerdotale trouvait en saint Vincent de Paul son modèle achevé, et à Saint-Sulpice les séminaires de France recevaient de M. Olier leur forme définitive.

Le monde ne connaît guère saint Vincent de Paul que comme l'apôtre par excellence de la charité ; ceux qui ont étudié de près la vie de ce grand homme de Dieu voient surtout en lui le Prêtre, ou, pour parler comme le premier et le plus pénétrant de ses biographes, un grand amateur du Sacerdoce de Jésus-Christ[68]. Oh ! que vous êtes heureux, écrivait-il à un de ses confrères, de servir à Notre-Seigneur d'instrument pour faire de bons prêtres ! Il n'y a aucun emploi au monde plus nécessaire et plus désirable que le vôtre ; pour moi, je n'en connais point[69]. Il concevait, du reste, le sacerdoce comme un foyer de charité, débordant sur le monde entier. Il n'aimait pas ces âmes, qui bornent, disait-il, leur amour en Dieu seul, ces âmes qui sont, si l'on veut, élevées en contemplation, mais qui s'arrêtent à savourer cette source infinie de douceur, sans se mettre en aucune peine de leur prochain. Notre vocation, ajoutait-il, est d'aller non en une seule paroisse, ni en un seul diocèse, mais par toute la terre, pour embraser les cœurs des hommes. Il ne nous suffit pas d'aimer Dieu, si notre prochain ne l'aime aussi[70]. Toute la vie de saint Vincent de Paul est dans ces paroles. Il se donnera au soulagement de toutes les misères du corps' et de l'âme, mais c'est dans son âme de prêtre qu'il ira chercher la source de son dévouement, et c'est à former de saints prêtres qu'il donnera le meilleur de son âme.

Comme Adrien Bourdoise et comme Jean Eudes, Vincent de Paul était issu de souche paysanne[71]. Il s'humilia toute sa vie, comme d'un crime, d'avoir, dans sa première enfance, rougi de son père, pauvre et mal vêtu. Hélas ! Messieurs, disait-il à ses prêtres[72], à qui rendez-vous obéissance ? A un homme rempli de péchés. J'y pensais tantôt ; car je me ressouviens qu'étant petit garçon, comme mon père me menait avec lui dans là Ville, j'avais honte d'aller avec lui et de le reconnaître pour mon père, parce qu'il était mal habillé et un peu boiteux. Oh ! misérable !... J'en demande pardon à Dieu et à toute la Compagnie. Toute sa vie, devant les gens du peuple comme devant les gens de cour, il s'appliqua à rappeler ses pauvres origines[73]. La Providence devait conduire ce fils de paysans à travers les milieux les plus divers et les plus brillants de son siècle. Né en 1580, au village de Pouï, près de Dax, dans les Landes de Gascogne, il garda, pendant sa première enfance, les brebis de son père. Mais les premières études qu'il fit chez les Cordeliers de Dax révélèrent la vivacité et la pénétration de son esprit. La libéralité d'un avocat, qui le prit pour répétiteur de ses enfants, lui permit de suivre l'appel au sacerdoce qui venait de se faire entendre à son âme. Etudiant à l'université de Toulouse, où il reçut le sacerdoce en 1600, puis à l'université de Saragosse, où les subtiles discussions qu'il y entendit sur le concours divin, effrayèrent bientôt son clair génie et son humeur pacifique, il acquit une science théologique des plus solides[74]. Cinq ans plus tard, capturé par des pirates barbaresques, fait esclave d'un médecin renégat, il arrivait à Tunis, discutait au milieu des infidèles musulmans et s'initiait à leurs connaissances médicales[75]. Quelque temps après, la Providence l'amenait à Rome. On le trouvait au milieu de la cour pontificale, observant avec attention les usages de ce inonde nouveau pour lui. Il n'avait pas encore atteint l'âge de trente quatre ans, quand le pape Paul V, frappé de la sagesse de son esprit, le chargea d'une mission confidentielle auprès d'Henri IV. L'avisé Béarnais n'eut garde de laisser passer à sa cour sans l'y retenir ce fin et souple esprit, qui n'était pas sans analogie avec le sien : et voilà l'humble prêtre aumônier de la reine de France. Dans cette sorte d'Académie que Marguerite de Valois tient en son palais du faubourg Saint-Germain et à son château d'Issy[76], le bon M. Vincent coudoye chaque jour les plus beaux esprits de ce temps : le prélat humaniste Coeffeteau, l'érudit grammairien Dupleix, l'annaliste Palma-Cayet, le libre poète Mathurin Régnier. Peu de temps après, dans la maison du grand seigneur Emmanuel de Gondi, général des galères, frère de l'évêque de Paris, qui, en 1613, le charge de faire l'éducation de son fils, le futur cardinal de Retz, il trouve le même goût des belles-lettres et des savantes discussions ; et ce n'est pas là une des moindres singularités de la vie de cet homme, qui fut l'esprit le plus humble et le plus simple de son siècle et peut-être de tous les temps. Un pas encore, et M. Vincent devient l'âme de ce conseil de conscience que la reine Anne d'Autriche et son premier ministre Mazarin ont créé pour aider le gouvernement royal clans l'expédition des affaires ecclésiastiques, et en particulier dans la nomination aux bénéfices. Partout l'ascendant du saint prêtre s'impose à tous. Quand, pour se rendre au conseil du roi, le fils du paysan landais traverse, de son pas lent et un peu lourd, les rangs des courtisans, quelques grands seigneurs peuvent sourire de sa soutane rapiécée et de son chapeau tout usé ; tout à l'heure, sa parole ardente et convaincue, l'expression franche de son regard pénétrant auront le don de toucher les cœurs les plus égoïstes, de subjuguer les hommes les plus endurcis au maniement des affaires d'État[77].

La vertu de ce prêtre, en effet, était vraiment singulière. De longues années de silence et de prière, de terribles épreuves intérieures[78], avaient forgé cette âme d'apôtre. Une étonnante élévation d'idéal dans la conception de ses œuvres, se joignait en lui à une circonspection merveilleuse dans l'exécution ; une lenteur de décision, qui exaspérait parfois ses amis, tant que la volonté de Dieu ne lui paraissait pas manifeste, se combinait avec une chaleur de zèle, une persévérance obstinée, que rien n'arrêtait dès que la volonté divine s'était fait entendre. L'évangélisation des pauvres et la sanctification du clergé furent, les deux objectifs de son zèle ; mais aucun des besoins matériels, moraux ou religieux de son époque ne pouvait laisser insensible son âme charitable. La charité, sous toutes ses formes, remplit la vie du saint prêtre. L'histoire de la renaissance catholique doit une mention spéciale à trois de ses œuvres les Missions, les retraites des ordinands et les séminaires.

 

VII

Dans la première de ces entreprises, le Saint eut pour auxiliaire dévouée la pieuse marquise de Gondi. Marguerite de Silly, femme de Philippe Emmanuel de Gondi, est, dit M. de Broglie[79], une des plus pures et des plus suaves figures de ce temps. Pleine de charme et d'attrait, elle sut faire admirer dans le premier rang les vertus chrétiennes les plus austères, sans rien perdre de sa grâce et de son exquise distinction. Cette noble femme mérite de figurer parmi les personnages qui furent les artisans de la rénovation catholique au XVIIe siècle. Saint Vincent de Paul se plut toujours à lui attribuer l'inspiration de l'œuvre des Missions. Touchée de la misère morale des paysans de ses domaines, Mine de Gondi supplia M. Vincent de les prêcher et de les exhorter particulièrement à faire des confessions générales. Dieu, dit le Saint, eut tant d'égards à la confiance et à la bonne foi de dette dame, et toutes ces bonnes gens furent si touchés de Dieu, qu'ils venaient tous pour faire la confession générale. Le Saint garda toute sa vie le souvenir de la journée du 25 janvier 1617, où il lui fut donné de prêcher pour la première fois ces pauvret paysans ; il en célébrait pieusement l'anniversaire, comme celte, de la première et lointaine origine de ses œuvres d'apostolat. C'est encore avec l'aide de la pieuse dame de Gondi et de sa digne belle-sœur, la marquise de Maigneki, que Vincent de Paul fonda, en 1018, la première confrérie des Dames de Charité. L'œuvre

Avant de paraître devant Dieu, Mme de Gondi eut la consolation de voir les charitables entreprises de son saint précepteur consolidées par la fondation d'une institution stable. Le 17 avril  1625, en l'hôtel de Gondi, rue Pavée, fut signé le contrat de fondation de ce qui devait s'appeler la Mission. M. et Mme de Gondi y figurent en première ligne, et Vincent de Paul y est à peine nommé, mais son inspiration remplit tout cet admirable document, célèbre dans l'histoire religieuse du XVIIe siècle[80]. Le but de la nouvelle Société est de venir en aide au pauvre peuple de la campagne en réunissant quelques bons prêtres de doctrine, piété et capacité connues, qui iraient de village en village, aux dépens de la bourse commune, instruire, exhorter et catéchiser les pauvres gens, sans en prendre aucune rétribution, afin de distribuer gratuitement les dons qu'ils ont reçus gratuit eurent de la main libérale de Dieu. Mme de Gondi mourut deux mois à peine après la signature du contrat, assistée à sa dernière heure par le saint prêtre à qui elle avait confié la direction de sa conscience. La nouvelle Société, approuvée par l'autorité royale deux ans plus tard, fut érigée en Congrégation régulière, sous le nom de Société des Prêtres de la Mission, par une bulle d'Urbain VIII, datée du 12 janvier 1632[81]. A la fin de cette année son siège fut transféré au prieuré de Saint-Lazare[82], d'où le nom de Prêtres de Saint-Lazare ou de Lazaristes, donné aux missionnaires institués par saint Vincent de Paul.

Saint-Lazare devint désormais le centre des œuvres fondées par saint Vincent. C'est là qu'il donna la plupart des retraites pour les ordinands, destinées à la préparation immédiate des jeunes gens qui allaient recevoir la prêtrise.

Le saint gémissait depuis longtemps sur les conditions déplorables dans lesquelles se faisaient les ordinations des ecclésiastiques. Clercs mondains des villes, cadets de famille munis de diplômes universitaires en vue de bénéfices convoités, et pauvres clercs de village, sans culture, ignorants et grossiers[83] : les uns et les autres se valaient au point de vue de la préparation religieuse. Le droit canonique exigeait bien qu'on s'assurât des qualités du candidat et la piété de celui-ci le portait souvent à se préparer aux ordres par une retraite. Mais pratiquement rien n'était réglé. On voyait parfois des jeunes gens, sans examens, ni retraites, ni instructions ou conseils d'aucune sorte, recevoir, un jour, sur leur demande, de leur évêque, l'ordre qui les fixait définitivement à l'Église par le sous-diaconat ; un autre jour, celui qui leur conférait les pouvoirs redoutables du sacerdoce. On pleure, dit un biographe de saint Vincent de Paul, en lisant l'histoire de ce saint évêque[84], qui, pénétré de zèle pour la sainteté du sacerdoce, avait exigé que les ordinands de son diocèse eussent l'après-midi de la veille de l'ordination pour s'y préparer par une confession générale. Vers trois heures il leur faisait une exhortation commune, et le soir il envoyait des visiteurs pour parcourir les lieux où les ordinands étaient logés, afin de connaître ceux qui s'y comportaient mal et de les rayer de l'ordination pour cette fois'[85].

Or, raconte Abelly, il arriva un jour que M. l'Evêque de Beauvais[86], menant avec lui M. Vincent dans son carrosse, au mois de juillet de l'année 1628, ce bon prélat demeura quelque temps les yeux fermés sans parler, méditant quelque chose dans son esprit ; et ceux qui l'accompagnaient s'étant retenus dans le silence, croyant qu'il sommeillait, il ouvrit les yeux et leur dit qu'il ne dormait pas, mais qu'il venait de penser quel serait la moyen le plus court et le plus assuré pour bien dresser et préparer les prétendants aux saints ordres ; et qu'il lui avait semblé que ce serait de les faire venir chez lui, et de les y retenir quelques jours, pendant lesquels on leur ferait faire quelques exercices convenables, pour les informer des choses qu'ils devaient savoir et des vertus qu'ils devaient pratiquer : alors M. Vincent, qui lui avait déjà représenté en général la nécessité de cette préparation, en approuva grandement la manière, et, élevant la voix, lui dit : Ô Monseigneur, voilà une pensée qui est de Dieu ; voilà un excellent moyen pour remettre petit à petit tout le clergé de votre diocèse en bon ordre[87]. Dès l'ordination suivante, qui eut lieu aux quatre-temps : de septembre, M. Vincent se rendit à Beauvais, et se mit aux ordres de l'évêque pour y organiser et pour y prêcher sa première retraite d'ordinands, étant plus assuré, disait-il, que Dieu demandait ce service de lui, l'ayant appris de la bouche d'un évêque, que s'il lui avait été révélé par un ange[88]. L'exemple donné par l'évêque de Beauvais devint heureusement contagieux. Dès le commencement de l'année 1631, l'archevêque de Paris, Jean-François de Gondi, publia une ordonnance réglant que tous les sujets de son diocèse qui aspireraient aux saints ordres devraient, dix jours avant de lei recevoir, se retirer chez les Prêtres de la Mission, pour s'y disposer, par les exercices d'une retraite spéciale. Ces exercices spirituels, qui furent organisés, 'd'abord au collège de ; Bons-Enfants, puis à Saint-Lazare, par le génie pratique de saint Vincent de Paul, eurent un succès prodigieux en France et hors de France. Nombre d'évêques les adoptèrent. Les Oratoriens les dirigèrent en beaucoup d'endroits. En 1639, ils recevaient la consécration de l'autorité suprême Au mois de novembre de cette année, par les ordres du Pape Alexandre VII, un mandement du cardinal vicaire obligea tous ceux qui aspireraient aux ordres sacrés de s'y préparer par une retraite de dix jours faite chez les Prêtres de la Mission.

Ces dix jours de retraite, passés dans la méditation des grandeurs et des graves responsabilités du sacerdoce, préparaient les jeunes ordinands à recevoir plus abondamment les grâces de leur saint état et à en aborder les fonctions avec une plus grande générosité ; mais ces impressions ne viendraient-elles pas bientôt s'affaiblir ? Vincent y songeait, priant Dieu de l'aider à écarter un tel malheur, réfléchissant aux moyens d'y porter remède et, suivant son habitude, toujours défiant de ses propres lumières, attendait un signe de la Providence pour les mettre en œuvre.

Or, dit Abelly[89], voilà que, comme il était dans ces pensées, un vertueux ecclésiastique, qui avait assisté aux exercices des ordinands à Paris, vint le trouver. Il lui proposa de faire quelque sorte d'union entre les ecclésiastiques qui auraient la volonté de vivre conformément à la sainteté de leur vocation ; et, pour cet effet, qu'il trouvât bon de les faire assembler quelquefois à Saint-Lazare pour conférer ensemble des vertus et des fonctions propres à leur ministère. M. Vincent reçut cet avis comme venant de Dieu.

Le 25 juillet 1633 s'ouvrirent à Saint-Lazare les conférences ecclésiastiques destinées à devenir célèbres sous le nom de Conférences du *Mardi. Parmi les trois cents prêtres environ qui y furent admis du vivant de saint Vincent, on trouve ce que l'Eglise de France avait alors de plus éminent par la naissance, le talent, la doctrine et la vertu : Abelly, le futur évêque de Rodez et historien du saint fondateur ; Pavillon, Godeau, Fouquet, Vialart, Perrochel, futurs évêques d'Alet, de Vence, de Bayonne, de Châlons et de Boulogne ; l'abbé de Coulanges, oncle de Mme de Sévigné, M. Olier, fondateur de Saint-Sulpice, et, le plus illustre de tous, Bossuet, qui garda toute sa vie le souvenir ému de ces conférences. Cinquante ans plus tard, en 1702, déposant en faveur du serviteur de Dieu, il écrivait : Nous avons eu la consolation de voir de nos yeux la personne et les actions de cet de  homme apostolique, et d'entendre de n' os oreilles les paroles da vie qui sortaient de sa bouche, ayant eu le bien, durant les six dernières années de sa vie, d.'être admis dans la compagnie de Messieurs les ecclésiastiques qui s'assemblaient pour la conférence spirituelle des mardis, où grand nombre de prélats et de docteurs se trouvaient ; et nous étions extrêmement édifiés de sa conduite, et nous le regardions comme un saint, qui pratiquait toutes les vertus chrétiennes et ecclésiastiques dans un degré héroïque[90]. D'autres associations analogues se fondèrent, sur le modèle de celle de Saint-Lazare, dans un grand nombre de diocèses. Les résultats ne tardèrent pas à s'en faire sentir. On est souvent tenté de se demander comment, dans la société frivole du XVIIe siècle, tant de prêtres et de prélats, mêlés au monde et à la cour, ont pu conserver une dignité de vie si contrastante avec celle de leur entourage. Le secret de leurs vertus sacerdotales, de leur zèle pour le salut des âmes et pour le service des pauvres, est en grande partie dans l'œuvre des retraites d'ordinands, et surtout dans l'influence personnelle du saint fondateur de la Mission, dans l'ascendant de son exemple et de ses entretiens. Et qui sait si la parole sincère et émue de l'humble prêtre n'a pas contribué, plus que toute autre cause ; à dégager le génie naissant de Bossuet de la rhétorique pompeuse de l'époque, et à lui donner cet accent simple et noble qui allait atteindre bientôt les plus hauts sommets de l'éloquence[91] ?

 

VIII

Par l'œuvre des Retraites des Ordinands, la Providence préparait l'œuvre capitale des séminaires, demandée par le concile de Trente. Les évêques avaient désormais sous la main une maison et un personnel tout préparés : il ne s'agissait plus que d'élargir et d'affermir l'œuvre première. Le saint, cependant, ne se hâtait pas de mettre- la main à-l'œuvre. Son humilité, dit Abelly[92], ne lui permettait pas de s'ingérer lui-même en cette sainte entreprise. Il fallut l'intervention du cardinal de Richelieu pour le décider. Un jour dune que le ministre de Louis XIII l'avait fait appeler pour le consulter sur les affaires du clergé de France, M. Vincent profita de, la circonstance pour lui dire qu'après les exercices des ordinands et l'usage des conférences spirituelles entre les ecclésiastiques, qui se pratiquaient déjà en plusieurs lieux, il semblait qu'il ne restait plus rien à désirer sinon l'établissement des séminaires dans les diocèses[93]... M. le cardinal, l'ayant écouté avec satisfaction, l'exhorta efficacement d'entreprendre lui-même la fondation d'un séminaire ; et, pour lui donner les moyens de le commencer, il lui envoya mille écus, qui furent employés à l'entretien des premiers ecclésiastiques que M. Vincent reçut au collège des Bons-Enfants au mois de février 1612... Depuis ce temps-là plusieurs prélats de ce royaume ont établi de semblables séminaires et en ont confié la conduite aux prêtres de la Congrégation de la Mission, comme à Cahors, Saintes, Saint-Malo, Tréguier, Agen, Montauban, Agde, Troyes, Amiens, Noyon, et en plusieurs autres lieux, non seulement de la France, mais aussi de l'Italie et des autres provinces étrangères[94].

Mais à cette époque, et dès le mois de décembre de l'année 1611, un véritable grand séminaire, réservé' aux seuls jeunes gens qui avaient terminé leurs études d'humanités, avait été fondé par un des plus fidèles disciples de saint Vincent de Paul et du père de Condren, par un des meilleurs amis d'Adrien Bourdoise et de Jean Eudes, Jean-Jacques Olier.

Jean-Jacques Olier était une conquête de la grâce. Né le 20 septembre 1603 de Jacques Olier de Verneuil, conseiller au Parlement et secrétaire d'Henri IV, apparenté aux premières familles de la magistrature de Paris, pourvu à dix-huit ans de l'abbaye de Pébrac, prieur de Bazainville et de Clisson., chanoine-comte honoraire de l'illustre chapitre de Saint-Julien de Brioude, on l'avait vu d'abord mener la vie mondaine de la plupart des ecclésiastiques de sa condition. Il avait un grand train, deux carrosses et une maison nombreuse. La vivacité de son esprit, ses manières nobles et aisées, les agréments de sa personne, le faisaient rechercher dans les sociétés[95]. Jean-Jacques Olier, dit un contemporain, avait la physionomie fine, le front large, les yeux vils, le nez aquilin, les lèvres vermeilles, une voix argentine et flexible, le geste naturel, le port libre et dégager[96]. Dans le monde des jeunes ecclésiastiques de qualité qui, à cette époque, scandalisaient les âmes pieuses de la capitale en consommant les revenus de leurs bénéfices à se donner des équipages et des valets, à faire bonne chère, à jouer et à faire toutes sortes de folles, dépenses, le jeune abbé de Pibrac tenait le premier rang. Or, un jour, raconte un annaliste de ce temps[97], qu'un groupe de ces jeunes clercs revenaient de la foire de Saint-Germain, une humble femme les aborda dans fa rue et leur dit : Hélas ! Messieurs, que vous me donnez de peine il y a longtemps que je prie pour votre conversion : j'espère qu'un jour Dieu m'exaucera. Jean-Jacques Olier, qui était l'un de ces jeunes ecclésiastiques, ne devait jamais oublier cette rencontre ni la sainte femme qui venait de les interpeller ainsi. Elle s'appelait Marie de Gournay, veuve de David Rousseau, l'un des vingt-cinq marchands de vin de Paris devant la cour[98]. Dès son bas âge, elle s'était sentie portée à demander à Dieu la grâce de travailler pour le bien de l'Église et avait déjà obtenu, dit-on, par ses prières, la réforme de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Pour moi, écrit M. Olier[99], je reconnais être redevable ma première conversion à cette sainte âme... Je commençai de naître à Dieu par désir et par affection légère ; mais je retombais toujours, malgré tous les attraits de  Dieu, jusqu'au temps que j'allai à Notre-Dame de Lorette, où le fus entièrement conçu à la grâce. C'est en effet dans un pèlerinage à Notre-Dame de Lorette que la conversion du jeune abbé de Pébrac se consomma. Il se trouva, dès lors, comme tout changé.

Il prit saint Vincent de Paul pour confesseur et, sous sa conduite, fut initié aux œuvres les plus excellentes de la charité et du zèle apostolique. Il suivit les exercices des ordinands à l'occasion de sa promotion aux ordres sacrés en 1633 et fut un des premiers prêtres qui fréquentèrent les célèbres conférences de Saint-Lazare.

Les missions, que les disciples de saint Vincent organisaient dans les diverses provinces de la France, le comptèrent parmi leurs plus fidèles ouvriers. Ces exercices apostoliques occupèrent M. Olier pendant dix années environ et marquèrent sur son âme une empreinte qui ne s'effaça jamais. On peut dire en toute vérité que jusqu'à la fin de sa vie il demeura missionnaire, même au temps où il prêchait à ses séminaristes les plus hautes maximes de la vie intérieure et où il s'appliquait à s'ensevelir dans l'enceinte de sa communauté : alors encore il rêvait de missions en France, au Canada, en Cochinchine, en Mésopotamie. La longue expérience qu'il avait acquise dans les missions lui donnait une grande autorité pour diriger les clercs et les prêtres qui recherchaient ses conseils[100].

Un fait extraordinaire, qu'une enquête attentive de la Congrégation des Rites autorise à considérer comme miraculeux[101], de la Mère l'orienta définitivement vers l'œuvre des séminaires. En 1634, pendant que le serviteur de Dieu, en retraite à Saint-Lazare, faisait oraison, une religieuse, qui lui sembla être de l'ordre de Saint-Dominique, lui apparut tout à coup, tenant d'une main un crucifix et de l'autre un chapelet. Les yeux baignés de larmes, elle lui fit entendre qu'elle pleurait pour sa parfaite conversion.

Quelques semaines plus tard, M. Olier, au cours d'une mission qu'il prêchait en Auvergne, reconnut la religieuse qui lui était apparue, en la personne de la Mère Agnès, prieure du monastère de Sainte-Catherine de Langeac. Cette sainte fille, que l'Eglise a depuis proclamée Vénérable, lui déclara alors que Dieu l'avait destiné à jeter les fondements des séminaires du royaume de France[102]. Vers le 12 octobre, la sainte religieuse, convaincue qu'elle obéissait à une inspiration surnaturelle, écrivit au Père de Condren pour le prier de prendre la direction spirituelle de M. Olier. Quelques jours après, le 19 octobre 1634, la Mère Agnès rendit son âme à Dieu, laissant ici-bas le parfum des plus héroïques vertus[103].

Le second supérieur de l'Oratoire semblait alors avoir renoncé à tout espoir de diriger le zèle de sa congrégation vers la formation du clergé. Il réunissait autour de lui quelques ecclésiastiques et leur exposait ces vues profondes sur la spiritualité qui avaient ravi sainte Chantal et qui devaient exercer une grande influence sur le XVIIe siècle. Rien de plus sublime que les idées de ce saint homme sur l'Incarnation, la Mort et la Résurrection de Jésus-Christ, sur le sacerdoce et le sacrifice de l'autel, sur la vie du Sauveur en nous dans la plénitude de son esprit, dans la vérité de ses vertus et dans la communion de ses divins mystères. Pendant cinq années il ne parla jamais à ces jeunes prêtres, en termes clairs et précis, de leur vocation. Il appliquait leur activité aux prédications des missions, se contentant de leur dire : Dieu vous réserve pour une œuvre excellente, plus utile à l'Église que les fonctions mêmes de l'épiscopat. Mais peu de temps avant sa mort, il fit venir auprès de lui l'un de ses disciples, M. du Ferrier, et lui déclara que l'œuvre à laquelle il songeait était d'élever des jeunes gens dans l'esprit clérical, ce qui ne pourrait se faire que dans des séminaires, comme le concile de Trente l'avait sagement montré. Ne perdez point de temps, ajouta-t-il ; l'esprit malin suscitera des divisions ; évitez les combats de paroles et les contentions ; et ne prenez aucun parti que celui du Pape. Le lendemain, raconte le cardinal Perraud, le Père de Condren se mit au lit pour ne plus se relever. En jetant, par M. Olier et ses compagnons, les fondements de l'œuvre des séminaires et, par elle, d'une solide régénération du clergé de France, il consommait la mission pour laquelle Dieu l'avait envoyé en ce monde[104].

Après de ferventes prières, de longues conférences et de cruelles tentatives, trois de ses disciples, François de Caulet, abbé de Saint-Volusien de Foix, Jean du Ferrier et Jean-Jacques Olier, abbé de Pébrac, se décidèrent à suivre la voie indiquée par leur vénéré guide spirituel.

Les débuts furent aussi humbles que possible. Une pieuse femme, Marie Luillier, dame de Villeneuve, mit à leur disposition, dans le village de Vaugirard, aux environs de Paris, une petite maison, à un seul étage, qu'un des chroniqueurs de ce temps, M. Baudrand, qualifie de maison fort médiocre[105]. Il eût pu dire fort pauvre, ajoute l'éditeur de Baudrand, car c'est dans un vieux colombier qu'il fallut pratiquer les cellules des futurs séminaristes[106]. Dès le 29 décembre 1641[107], les trois solitaires purent s'y installer. Nous allâmes tous trois sans valet, dit M. du Ferrier, et nous vivions fort petitement. Mme de Villeneuve nous envoyait pour notre dîner, dans un petit chaudron, du potage et du bouilli[108]. M. Bourdoise, le rude supérieur de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, leur ayant écrit : Oh ! que ce serait une chose très excellente, s'il se trouvait trois prêtres assez remplis de l'amour de l'Eglise pour se déclarer contre le monde et ses coutumes... et pour procurer la réforme du clergé, je ferais volontiers cent lieues pour les voir ! les trois solitaires lui répondirent : Monsieur, pour voir les trois hommes que vous cherchez, vous n'avez pas besoin de faire cent lieues. Venez à Vaugirard[109].

Bientôt huit séminaristes[110] vinrent s'adjoindre à la petite communauté, dont la règle se forma peu à peu et comme d'elle-même. M. du Ferrier, M. de Caulet et M. Olier, restés seuls dans leur petite maison pendant plusieurs semaines, s'étaient facilement entendus pour diviser leurs journées en une série d'exercices qui faisait une part proportionnée à la prière, à l'étude et à l'apostolat. Quand de jeunes clercs vinrent à eux, ils furent simplement invités à s'asseoir à côté de leurs aînés et à s'associer en tout à leur vie. De là le caractère de la vie de Saint-Sulpice, qui, de tous ceux que M. Olier a donnés à son œuvre, est peut-être le plus original, à savoir que dans les séminaires sulpiciens il n'y aurait jamais deux règles, l'une pour les maîtres et l'autre pour les élèves[111]. Les successeurs de M. Olier ont toujours aimé à voir dans ce caractère un sûr garant des bénédictions de Dieu.

M. Olier, chargé dès les premiers jours de diriger la petite communauté, se préoccupa aussi de réaliser le vœu formé autrefois par le Père de Condren, d'avoir auprès de lui des docteurs animés à la fois de l'esprit scientifique et de l'esprit chrétien. Il se chargea du cours d'Écriture Sainte ; trois recrues providentielles, M. de Bassancourt, ancien compagnon de M. Olier dans les missions organisées par Saint-Lazare, un prêtre d'Orléans, M. Hou-main et le prévôt du chapitre de Brioude, M. de la Chassaigne, firent les cours de liturgie et de théologie. Ces cours divers n'étaient pas absolument fermés, pas plus que les entretiens de piété par lesquels la parole chaude du zélé supérieur enflammait chaque soir l'âme de ses disciples ; et un va-et-vient ne tarda pas à s'établir entre le faubourg Saint-Germain, où bon nombre de jeunes abbés étaient libres de leur temps, et la pauvre maison de Vaugirard[112]. Le séminaire de Vaugirard prenait peu à peu une importance considérable. Au mois de février, M. Bourdoise vint y passer trois semaines, et y reconnut une école de sainteté, où les clercs s'appliquaient à mourir totalement à eux-mêmes pour vivre de la vie de Jésus-Christ. Le cardinal de Richelieu, devinant que là se trouvait la source de la vraie réforme du clergé, proposa son château de Rueil aux solitaires de Vaugirard. Mais, le 10 août de la même année, M. Olier ayant été installé à la cure de Saint-Sulpice, le séminaire l'y suivit et y prit son nom définitif de séminaire de Saint-Sulpice.

Deux caractères le distinguaient de tous les séminaires fondés jusque-là : 1° il était uniquement destiné aux clercs qui avaient achevé leurs humanités, et formait par conséquent un grand séminaire proprement dit ; 2° il avait sa vie propre, indépendante du régime paroissial. La maison ne constituait pas même un séminaire diocésain ; elle ne relevait pas de l'Archevêque de Paris, mais de l'Abbé de Saint-Germain-des-Prés, lequel dépendait immédiatement du Pape.

Le saint fondateur se réjouit de ce fait, qu'il considéra comme providentiel. Le vrai supérieur du séminaire de Saint-Sulpice, disait-il, est notre Saint-Père le Pape... le séminaire de Saint-Sulpice est un lieu préparé pour y donner l'esprit de respect, d'amour et de servitude envers tout le clergé de l'Eglise, dont la souveraineté réside en la personne du successeur de saint Pierre[113]. C'était l'écho de la parole que le vénéré Père de Condren avait laissée à ses disciples comme son dernier testament : Ne prenez aucun parti que celui du Pape.

Telles furent les origines du séminaire de Saint-Sulpice, que le Père Hilarion de Nolay devait appeler, en 1691, une école de sainteté[114], et le duc de Saint-Simon, en 1709, une pépinière d'évêques[115]. Le premier but de M. Olier avait été de ne fonder que cette maison, tenue par douze membres associés, et d'y former des sujets qu'on donnerait aux évêques pour la direction de maisons semblables. Les circonstances l'amenèrent plus tard à prendre la supériorité des maisons ainsi établies ; et, par là ce qui n'avait été qu'un séminaire devint, selon l'expression de Saint-Simon, une manière de congrégation[116], la compagnie de Saint-Sulpice, dont le but essentiel a toujours été la formation et la sanctification du clergé[117].

 

 

 



[1] D'AVRIGNY, Mémoires, t. I, p. 152-153. Le couvent des Grands Augustins de Paris était devenu, suivant une expression discrète de M. l'abbé Houssaye, la table de Paris et de la France. En 1638, M. Olier, chargé de visiter le couvent de la Régripière, trouva porte close et fut obligé de passer la nuit sous un hangar. FAILLON, Vie de M. Olier, 1873, I, 242. Le 8 juillet de la même année, Richelieu demandait au roi trois régiments pour rétablir l'ordre chez les Carmes.

[2] PICOT, Essai historique sur l'influence de la religion en France pendant le XVIIIe siècle, t. I, p. 444-445.

[3] D'AVRIGNY, Mémoires, t. I, p. 212.

[4] François de Harlay, coadjuteur de Rouen, ayant porté au Louvre la nouvelle du vote de l'assemblée, une sentence du prévôt de Paris défendit à tous les ecclésiastiques du ressort de la prévôté de tenir le concile pour reçu, à peine d'être traités comme criminels de lèse-majesté. D'AVRIGNY, Mémoires, t. I, p. 212. Le roi et le parlement voulaient sincèrement la réformation de l'état ecclésiastique, mais ils se refusèrent obstinément à publier les décrets réformateurs du concile, c'est-à-dire à les faire lois de l'État, prétendant qu'un tel acte les engagerait dans une réforme totale et immédiate pratiquement inopportune et dangereuse.

[5] Cette commission était composée de quatre prélats : le cardinal de Retz, l'archevêque de Bourges, les évêques d'Angers et de Senlis ; de six conseillers d'Etat : Jeannin Châteauneuf, Caumartin, de Roissi, dé Marillac, d'Aligre ; et de deux maîtres des requêtes : la Poterie et de Lezeau. D'AVRIGNY, Mémoires, t. I, p. 153.

[6] D'AVRIGNY, Mémoires, t. I, p. 154.

[7] D'AVRIGNY, Mémoires, t. I, p. 153.

[8] On doit mentionner, entre autres, la réforme de l'Ordre de Prémontré par Servet de la Ruelle, celle des Feuillants par Jean de la Barrière, celle de Cluny par Richelieu, celle de l'abbaye de Sept-Fonts par Eustache de Beaufort et celle des Pénitents du Tiers-Ordre de Saint-François, qui s'opéra comme d'une manière spontanée.

[9] Surtout par la mort de Mme de Montbazon, avec qui il était particulièrement lié, et par celle de Gaston, duc d'Orléans, dont il était le premier aumônier. L'auteur d'un libelle publié à Cologne en 1685, Les véritables mobiles de la conversion de l'abbé de Rancé, a imaginé à ce propos une histoire romanesque, d'après laquelle Rancé aurait eu des relations coupables avec la duchesse de Montbazon. Voir la réfutation de ces assertions fantaisistes et calomnieuses dans SERRANT, L'abbé de Rancé et Bossuet, p. 42-47. Chateaubriand, dans sa Vie de Rancé, et Sainte-Beuve lui-même (Port-Royal, IV, 45) ont été trop influencés par le récit du libelle.

[10] SAINTE-BEUVE, Port-Royal, IV, 46.

[11] Cf. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, IV, 58.

[12] BOSSUET, Lettre à M. de Saint-André, du 28 janvier 1701. Œuvres complètes, t. XXVII, p. 204-205.

[13] BOSSUET, Œuvres complètes, t. XXVII, p. 113-114.

[14] E. LAVISSE, Hist. de France, t. VIII, Ire partie, p. 390.

[15] E. LAVISSE, Hist. de France, t. VIII, Ire partie, p. 389.

[16] E. LAVISSE, Hist. de France, t. VIII, Ire partie, p. 390-391.

[17] E. LAVISSE, Hist. de France, t. VIII, Ire partie, p. 376.

[18] Voir les témoignages recueillis dans les vies de saint Vincent de Paul, de M. Olier, de M. Bourdoise, de tous les saints personnages de l'époque. Voir un recueil de ces témoignages dans Saint Vincent de Paul et le sacerdoce (par M. MOTT), 1 vol. in-8°, Paris, 1900, p. 229-236. Cf. BOURDOISE, Sentences chrétiennes et ecclésiastiques, passim.

[19] E. DE BROGLIE, Saint Vincent de Paul, p. 79-80.

[20] M. l'abbé Degert, dans un remarquable article paru dans la Revue Le Recrutement sacerdotal, de juin 1910 et ayant pour titre : La théorie de la vocation, origines, histoire, applications, explique comment, au XVIIe siècle, les auteurs spirituels, en présence des abus que nous venons de signaler, furent naturellement amenés à insister sur les dispositions intérieures du sujet qui se destine à l'état ecclésiastique. Mais leur doctrine ne fut pas nouvelle, puisque en tout temps le Pontifical recommanda aux aspirants au sacerdoce d'examiner iterum atque iterum s'ils avaient les dispositions requises pour les ordres qu'ils souhaitaient de recevoir.

[21] ABELLY, Vie de Saint Vincent de Paul, liv. II, ch. V.

[22] G. PICOT, Histoire des Etats Généraux, t. IV, p. 327-330. — D'AVENEL, Richelieu et la Monarchie absolue, t. III, p. 379.

[23] D'AVRIGNY, Mémoires, t. I, p. 230.

[24] ALFRED RÉBELLIAU, Un épisode de l'hist. religieuse du XVIIe siècle, dans Rev. des Deux-Mondes du 1er août 1903, p. 542. — Cf. FAILLON, Vie de M. Olier, t. II, p. 1 à 9. — HOUSSAYE, Le cardinal de Bérulle et l'Oratoire, p. 2 à 12. — JULLIAN, Hist. de Bordeaux, p. 432 et s. — ALFRED MAURY, Les Assemblées du clergé, dans Rev. des Deux-Mondes, 1879, t. I. Parmi les prélats de qui on ne pouvait attendre une réforme, on peut citer MM. de Broc, Léonor d'Etampes, de la Rivière, de Lavardin, de Gondi, d'Eschaux, de Guise.

[25] Parmi les prélats qui passaient leur vie soit à la cour, soit dans les ambassades, soit même à la tête de l'armée ou des flottes, ou peut nommer Jacques et Jean du Perron, Gabriel de l'Aubespine, Henri Sponde, Nicolas Coeffeteau, Armand Jean du Plessis de Richelieu, d'Ossat, de Joyeuse, de Beauveau, de Sourdis, de la Valette, de Marquemont, de Rocheposay, Arnould de Pontac, Arnault Sorbon, François de Harlay, Octave de Bellegarde, André Frémyot, Paul Bondot, etc. Il est juste de reconnaitre que nombre de ces prélats eurent une vie digne et respectée.

[26] Petit-fils, par sa mère, du président Séguier, il était allié par son père, aux familles de l'Isle-Adam, de Prie et de Rochechouart. Les maréchaux de Montigny et de Castelnau étaient ses cousins. Abbé HOUSSAYE, M. de Bérulle et les Carmélites de France, 1 vol. in-8°, Paris, 1872, p. 76.

[27] CARRACIOLI, cité par PERRAUD, L'Oratoire de France au XVIIe siècle, p. 31.

[28] Archives Nationales, M. 220. Cité par HOUSSAYE, M. de Bérulle et les Carmélites de France, p. 105-107.

[29] Notes de retraite, citées par PERRAUD, loc. cit., p. 31.

[30] Le cardinal PERRAUD, supérieur général de l'Oratoire, dans L'Oratoire de France au XVIIe siècle, p. 42.

[31] Pierre de Bérulle s'écartait en un point de l'idée de saint Philippe de Néri, qui avait voulu faire de ses Oratoires des œuvres d'apostolat local, ayant chacun leur supérieur indépendant et leur noviciat. Le nouveau fondateur entendait centraliser l'autorité en un seul supérieur et destiner sa congrégation à un apostolat universel.

[32] Appelée la maison du Petit-Bourbon, plus tard démolie pour bâtir le Val-de-Grâce.

[33] L'Esprit de la Congrégation de l'Oratoire de Jésus, BÉRULLE, Œuvres, éd. Migne, col. 1270.

[34] BOSSUET, Oraison funèbre du Père Bourgoing.

[35] Bulle Sacrosanctæ, Bull. rom. Edit. Luxemburgi, 1727, t. III, p. 371.

[36] C'est en 1614 que le nom de Père fut substitué à celui de Monsieur, qu'on s'était donné jusqu'alors dans l'Oratoire. PERRAUD, loc. cit., p. 53.

[37] BOSSUET, Oraison funèbre du Père Bourgoing.

[38] PAUL LALLEMAND, Histoire de l'éducation dans l'Ancien Oratoire de France, 1 vol. in-8°, Paris, 1888.

[39] CLOYSEAULT, Notice du P. de Condren, ap. INGOLDT, t. I, p. 209. — G. LETOURNEAU, La mission de Jean-Jacques Olier et la fondation des grands séminaires de France, p. 34-38.

[40] FAILLON, Vie de M. Olier, 4e éd., Paris, 1873, t. I, p. 138-139.

[41] Né à Vaubuin, près de Soisson, en 1588, mort à Paris en 1641.

[42] AMELOTTE, Vie du P. de Condren, 1657, liv. II, ch. I, n. 1.

[43] CARACCIOLI, Vie du P. de Condren, p. 123-124.

[44] Mémoires autographes de M. OLIER, t. II, p. 255-254.

[45] OLIER, Mémoires autographes, liv. IV, p. 10-12.

[46] C'est pendant cette retraite que se serait passée la fameuse scène, racontée par le premier biographe de Bourdoise (PHILIBERT DESCOURVEAUX, d'après les Mémoires de COURTIN) La vie de M. Bourdoise, à Paris, chez François Fournier, in-4°, 1714, p. 55-58. Trois prêtres, M. de Bérulle, M. Vincent et M. Bourdoise, réunis à l'Oratoire, se mettent en prière pour consulter ce que leur suggérerait la volonté de Dieu par rapport à la restauration de l'Eglise. Après une longue méditation, M. de Bérulle se lève, et dit que ce qui vient de lui apparaitre est une communauté de prêtres savants et vertueux ; M. Vincent prend ensuite la parole : il a vu des prêtres prêchant des missions aux gens de la campagne ; le troisième, M. Bourdoise, prend le dernier la parole pour dire que rien ne lui a paru plus urgent que de rétablir la discipline et la régularité dans la cléricature. A partir de là, dit Sainte-Beuve, ces trois hommes ne tardèrent pas à fonder l'un l'Oratoire, l'autre la Mission, et le troisième la communauté de Saint-Nicolas. Port-Royal, t. I, p. 9-10. Rien de plus dramatique, et l'on comprend que la page du Port-Royal de Sainte-Beuve ait eu le plus grand succès dans le salon de Mme Récamier (Port-Royal, I, 518). Mais le récit nous parait avoir tous les caractères d'une légende. Les biographes du cardinal de Bérulle et de saint Vincent de Paul ne font aucune allusion à une réunion de ce genre. Le fond vrai de l'anecdote, c'est que les principales fondations de cette époque se rattachent à l'Oratoire.

[47] SCHŒNHER, Histoire du Séminaire de Saint-Nicolas, p. 11 et s.

[48] SCHŒNHER, Histoire du Séminaire de Saint-Nicolas, p. 18.

[49] SCHŒNHER, Histoire du Séminaire de Saint-Nicolas, p. 119.

[50] SCHŒNHER, Histoire du Séminaire de Saint-Nicolas, p. 118.

[51] SCHŒNHER, Histoire du Séminaire de Saint-Nicolas, p. 117-119.

[52] Cité par FAILLON, Vie de M. Olier, t. I, p. 225.

[53] Vie de M. Bourdoise, Paris, 1714, p. 548.

[54] G. LETOURNEAU, La mission de J.-J. Olier, p. 61.

[55] Sentences chrétiennes et ecclésiastiques de Messire Adrien Bourdoise, 1 vol. in-4°, Paris, 1714, p. 7, 9.

[56] Sentences chrétiennes et ecclésiastiques de Messire Adrien Bourdoise, p. 53.

[57] Sentences chrétiennes et ecclésiastiques de Messire Adrien Bourdoise, p. 55.

[58] Il n'est du moins pas prouvé, comme l'avoue M. Schœnher, que le séminaire fondé par M. Bourdoise ait été un séminaire vraiment diocésain. SCHŒNHER, Histoire du Séminaire de Saint-Nicolas, p. 175.

[59] LETOURNEAU, La mission de J.-J. Olier, p. 51-55.

[60] SCHŒNHER, Histoire du Séminaire de Saint-Nicolas, p. 197.

[61] Cité par H. JOLY, Le Bienheureux Jean Eudes, Paris, 1907, p. 11-13.

[62] Sur les défauts qui peuvent être reprochés au gouvernement du P. Bourgoing, voir PERRAUD, L'Oratoire de France, cité dans JOLY, Le Bienheureux P. Eudes, p. 78.

[63] P. D. BOULAY, Vie du Bienheureux Jean Eudes, Paris, 1906, t. II, p. 1 et 3.

[64] G. LETOURNEAU, La mission de J.-J. Olier, p. 91. — BOULAY, Vie du Bienheureux Jean Eudes, t. II, p. 25 et s. Un Oratorien, le P. de Valroger, a pu dire qu'au moment où le P. Eudes sortait de l'Oratoire et fondait la congrégation nouvelle, il restait beaucoup plus fidèle à l'esprit du P. de Bérulle et à l'Oratoire que ceux qu'il abandonnait. Cité par BOULAY, t. II, p. 2.

[65] BOULAY, II, p. 147-171.

[66] BOULAY, II, p. 169.

[67] Voir le décret de la Congrégation, daté du 23 mai 1648, dans BOULAY.

[68] ABELLY, Vie de saint Vincent de Paul, liv. III, ch. XI, § 5, édit. de 1839, t. II, p. 334. Quoi qu'en aient dit plusieurs historiens (A. VOGT, au mot Abelly dans le Dict. d'hist. et de géog. ecclés., t. I, col. 102-103), l'auteur de cette vie est bien Louis Abelly, ancien évêque de Rodez, et non point François Fournier, prêtre de la Mission. Voir l'étude publiée par M. P. COSTE, Quel est l'auteur de la vie de saint Vincent attribuée à Louis Abelly ? dans la Revue de Gascogne de juillet-août 1912.

[69] ABELLY, Vie de saint Vincent de Paul, liv. III, ch. XI, § 5, t. II, p. 330.

[70] ABELLY, Vie de saint Vincent de Paul, liv. III, ch. XI, t. II, p. 288.

[71] On sait que la particule n'était pas, au XVIIe siècle, un signe de noblesse : le frère cadet de Jean Eudes s'appelait Charles d'Honay ; en effet, dit un biographe vénérable, l'usage était, en certains pays que les puinés laissassent à leur aîné le nom de famille et prissent le nom d'un champ paternel ou tout autre surnom. Cf. JOLY, Le vénérable Jean Eudes, p. 3.

[72] Allocution du 21 septembre 1659, dans ABELLY, coll., III, 245.

[73] Voir de nombreux exemples dans ABELLY, liv. III, ch. XIII.

[74] Le parti janséniste, qui ne pouvait pardonner à Vincent de Paul d'avoir si habilement découvert et si courageusement dénoncé ses erreurs, s'est efforcé d'accréditer la légende d'un saint Vincent de Paul ignorant et incapable de haute spéculation dogmatique. Mais on sait l'impression que sa science et sa pénétration firent sur le prince de Condé et sur le cardinal de Richelieu. Des documents authentiques, trouvés après sa mort, prouvent que l'Université de Toulouse lui conféra le droit d'enseigner le Livre des Sentences de Pierre Lombard. Sur cette question de la science théologique de saint Vincent de Paul, voir Saint Vincent de Paul et Le Sacerdoce, par un prêtre de la Mission (M. MOTT), Paris, 1900, p. 49-56.

[75] Saint Vincent de Paul a-t-il pris à Marseille les fers d'un forçat ? M. P. Costa (Revue de Gascogne de juillet-août 1910) ne le pense pas. Les invraisemblances de cette histoire devraient, selon lui, la reléguer dans le rang des légendes. Elle serait un dédoublement et un enjolivement de l'histoire authentique de la captivité du saint à Tunis.

[76] Le château d'Issy est devenu plus tard le séminaire d'Issy. Voir l'histoire de cette maison dans FAILLON, Vie de M. Olier, t. II, p. 227-231.

[77] La reine Anne d'Autriche ne pouvait résister aux sollicitations charitables du saint. Un jour, ayant vidé sa bourse, elle lui remit pour ses pauvres un diamant de sept mille livres, en lui demandant le secret. Votre Majesté, répondit Vincent, me pardonnera si en cela je ne lui obéis pas. Je ne puis cacher une si belle action de charité. Un autre jour, c'était durant les dernières années du cardinal de Richelieu, Vincent, attristé des malheurs de la guerre, va trouver le ministre et lui dit avec larmes : Mon, seigneur, donnez-nous la paix, ayez pitié de nous, donnez la paix à la France. — Ce qu'il répéta, dit le plus ancien biographe de saint Vincent de Paul, Abelly, avec tant de sentiment, que le grand cardinal en fut touché, et, ayant pris en bonne part sa remontrance, il lui dit qu'il y travaillait, et que cette paix ne dépendait pas de lui seul, mais aussi de plusieurs autres. — Cette scène, dit M. Emmanuel de Broglie, mériterait de tenter le pinceau d'un artiste. Ne voit-on pas le terrible homme d'État, ému malgré lui, une fois dans sa vie, par la chaleur communicative de celui qui aimait tant les pauvres parce qu'il aimait tant Jésus-Christ. EMM. DE BROGLIE, Saint Vincent de Paul, p. 163.

[78] On sait comment le saint prêtre, voyant l'impuissance de ses raisonnements pour Vaincre les doutes d'un docteur en Sorbonne, s'offrit héroïquement à Dieu pour supporter cette douloureuse épreuve de conscience, et comment, pendant quatre ans, cette âme si soumise de croyant subit la tentation d'incrédulité. Elle en fut subitement délivrée par le vœu de se consacrer entièrement à Jésus-Christ dans la personne-des pauvres.

[79] EMM. DE BROGLIE, Saint Vincent de Paul, p. 38.

[80] On voit comment les historiens seraient malvenus à diminuer la part de saint Vincent de Paul dans les œuvres du XVIIe siècle, sous prétexte que les actes authentiques de la Compagnie du Saint Sacrement (dont nous parlerons bientôt) omettent souvent son nom. Nous voici en présence d'une œuvre appartenant tout entière au saint, et sa modestie a agi de telle sorte qu'il y est à peine nommé.

[81] Voir un abrégé des Constitutions et Règles Communes de la Congrégation de la Mission dans Saint Vincent de Paul et le sacerdoce (par M. MOTT), p. 429-436. Sur l'histoire de la fondation de la Mission, voir le même ouvrage, p. 237-257.

[82] Devenu plus tard la prison de Saint-Lazare.

[83] Un bon homme, mon parrain, raconte M. Bourdoise, me disait en ce temps-là entre autres choses : Adrien, il te faut bien apprendre à lire pour bien chanter à l'église car c'est une belle chose quand un prêtre sait lire et écrire. Voilà l'état du clergé de mon âge. BOURDOISE, Sentences chrétiennes, ch. VIII, n° 22.

[84] M. de Donnadieu, évêque de Comminges.

[85] Mgr. BOUGAUD, Hist. de saint Vincent de Paul, t. I, p. 153-154. Cf. Vie de Messire de Donnadieu, évêque de Comminges, I, 3, ch. XXXIII.

[86] C'était Augustin Potier, aumônier de la reine.

[87] ABELLY, Vie de saint Vincent de Paul, liv. I, ch. XXV, Paris, 1839, t. I, p. 114.

[88] On aurait tort, dit M. Letourneau, de donner, ainsi que l'ont fait plusieurs historiens de saint Vincent de Paul, la pensée de l'évêque de Beauvais comme une sorte de révélation céleste, manifestant un projet tout nouveau. L'idée des exercices des ordinands avait déjà été préparée par plusieurs personnes. Le mérite d'Augustin Potier fut de s'y rallier et surtout de trouver un saint pour la féconder. G. LETOURNEAU, La mission de J.-J. Olier, p. 55.

[89] ABELLY, Collection des Lazaristes, II, 316, cité par MOTT, op. cit., p. 293.

[90] Témoignage de Bossuet, édité par ARMAND GASTÉ, 1 vol. in-18, Paris, Desclée, 1892, p. 12-14. Au sujet de l'authenticité de cet écrit de Bossuet voir Analecta Bollandiana de juin 1893, p. 332 et de juin 1894, p. 193. La lettre d'envoi de ce témoignage avait été déjà publiée dans les œuvres complètes de Bossuet, voir éd. Lebel, t. XXXVIII, p. 335-338.

[91] Sur la méthode de Saint Vincent de Paul dans la prédication, voir Abrégé de la méthode de prêcher, dite petite méthode, dans ABELLY, Collection des Lazaristes, VIII, p. 130-137, reproduit par MOTT, Saint Vincent de Paul et le sacerdoce, p. 478-486. Cf. l'excellente étude de M. J. CALVET, Saint Vincent de Paul réformateur dans la Revue des Pyrénées, 1905, 4e trimestre.

[92] ABELLY, Coll. des Lazaristes, I, 214.

[93] Le saint ne tenait donc pas compte de l'essai qu'il avait fait en 1635, en recevant au Collège des Bons-Enfants de jeunes enfants destinés à y être élevés selon les intentions du concile de Trente, Le succès n'avait pas répondu à ses bons désirs. Le 13 mai 1644, il parlait ainsi des jeunes clercs de ce premier séminaire : Nous en avons vingt-deux dans notre séminaire des Ecoliers des Bons-Enfants, entre lesquels l'on n'en voit que trois ou quatre qui soient passables, ni qu'on espère qu'ils persévèrent, quelque soin qu'on y apporte... L'ordonnance du concile est à respecter comme venant du Saint-Esprit ; l'expérience fait voir néanmoins que de la façon qu'on l'exécute à l'égard de l'âge des séminaristes, la chose ne réussit pas, ni en Italie ni en France. Le projet de saint Vincent ne se réalisa pleinement que quelques années plus tard, lorsqu'il retira du Collège des Bons-Enfants les jeunes humanistes et les transféra au Séminaire Saint-Charles, vrai petit séminaire qui donna d'excellents fruits. (ABELLY, liv. II, ch. V, éd. de 1839, t. I, p. 557-558.)

[94] ABELLY, Coll. des Lazaristes, I, 214-216.

[95] FAILLON, Vie de M. Olier, Paris, 1873, t. I, p. 23.

[96] BAUDRAND, Mémoire sur la Vie de M. Olier, reproduit par BERTRAND, Bibliothèque sulpicienne, t. III, p. 451.

[97] BESOIGNE, Vie des quatre Evêques engagés dans la cause de Port-Royal, 1 vol. in-12, t. II, p. 116.

[98] Il ne s'en suit nullement qu'on puisse dire, avec M. Faillon, que Dieu était allé choisir Marie de Gournay dans la classe la plus obscure et dans une des professions les plus avilissantes aux yeux du monde. FAILLON, t. I, p. 24. Ces sortes d'offices de marchand de vin devant la cour étaient attribués à des personnes que le gouvernement voulait gratifier et qui les faisaient souvent gérer par d'autres.

[99] OLIER, Mémoires autographes, t. II, p. 305-306.

[100] G. LETOURNEAU, La mission de J. J. Olier et la fondation des grands séminaires en France, p. 102.

[101] Summarium super introd. causæ et signat., n° 14, p. 45, test. 13 ; FAILLON, I, 99-103, 123-128.

[102] Summarium, test. 15, Déposition de la Mère Françoise des Séraphins.

[103] Un décret de Pie VII, daté du 17 mars 1808, déclare que la Mère Agnès a pratiqué les vertus dans un degré héroïque.

[104] Cardinal PERRAUD, l'Oratoire de France, p. 198.

[105] BAUDRAND, Mémoire sur la Vie de M. Olier, édité par BERTRAND, dans sa Bibliothèque sulpicienne, t. III, p. 391. Cette petite maison subsiste encore, à demi cachée sous un bouquet d'arbres, dans un enclos qui se trouve à l'extrémité méridionale de la rue de Vaugirard, en face de l'ancien collège de l'Immaculée-Conception.

[106] F. MONIER, Les Origines du Séminaire de Saint-Sulpice, brochure de 32 pages in-8°, Limoges, 1906, p. 13.

[107] C'est la date fixée par M. MONIER, Vie de M. Olier, t. I.

[108] DU FERRIER, Mémoires, dans les Ms de la Bib. Ste-Geneviève, n. 154.

[109] DU FERRIER, Mémoires, p. 156.

[110] M. E. LEVESQUE a publié les noms de ces huit séminaristes dans le Bulletin trimestriel des anciens élèves de Saint-Sulpice, de mai 1904.

[111] Ce ne fut qu'à une époque relativement tardive, vingt ou trente ans après la mort de M. Olier, que l'accroissement de la communauté obligea ses successeurs à consigner sur le papier, comme règle du séminaire, les usages qui s'y étaient établis.

[112] F. MONIER, Vie de M. Olier, t. I, p. 23.

[113] Divers écrits de M. Olier, t. I, p. 83, 129.

[114] Vie de M. Joly, chanoine de Saint-Etienne de Dijon, in-8°, p. 205.

[115] SAINT-SIMON, Mémoires, a. 1709, édit. Chéruel, t. VII.

[116] SAINT-SIMON, Mémoires, a. 1709, édit. Chéruel, t. VII.

[117] On a récemment discuté pour savoir à qui, de saint Vincent de Paul, du Père de Condren, de M. Bourdoise ou de M. Olier, revenait l'honneur d'avoir fondé les grands séminaires. Sans doute, le Père de Condren paraît en avoir été le premier inspirateur et M. Bourdoise le plus ardent apôtre. M. Olier, d'autre part, aimait à dire à ses confrères : M. Vincent et notre Père. Il semble cependant que le séminaire ouvert le 29 décembre 1641 à Vaugirard, ait été le premier en date des grands séminaires indépendants du régime paroissial. Discuter avec contention sur un pareil sujet nous paraîtrait souverainement irrespectueux pour la mémoire d'hommes dont la plus grande ambition fut celle d'être partout réputés les derniers. Voici toutefois les conclusions qui nous semblent résulter des faits que nous venons de rapporter. L'idée des grands séminaires proprement dits, c'est-à-dire d'écoles cléricales exclusivement réservées aux jeunes gens qui auraient terminé leurs humanités, est une idée qui à di, se faire jour après l'essai infructueux des autres séminaires. Qui fut le premier à l'exprimer ? On le saura difficilement. M. Olier fut le premier à la réaliser pratiquement le 29 décembre 1641. Mais cette conception n'était étrangère, à cette époque, ni à saint Vincent de Paul, ni à M. Bourdoise, ni aux Oratoriens, qui profitèrent des circonstances favorables pour la réaliser à leur tour. Il est possible que saint Vincent de Paul en ait été le père ; cependant, il semble qu'il ne l'avait pas encore lorsqu'il fonda son premier séminaire des Bons-Enfants, en 1635, puisqu'il fit cet établissement sur un autre plan. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle fut exprimée clairement à M. du Ferrier par le P. de Condren à la fin de décembre 1640. Voir FAILLON, Vie de M. Olier, t. I, p. 292. Voir sur cette question, M. PRUNEL, dans les Etudes du 5 février 1909, p. 344-355 ; SCHŒNER et PRUNEL, dans les Etudes du 5 mars 1909, p. 731-750, et F. MONIER, dans le Bulletin trimestriel des anciens élèves de Saint-Sulpice du 15 mai 1909, p. 193-207. Sur l'organisation des séminaires en général avant la Révolution, cf. DEGNET, Histoire des séminaires français jusqu'à la Révolution, Paris, 1912, deux vol. in-12.