HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

TROISIÈME PARTIE. — LA RÉFORME CATHOLIQUE

CHAPITRE II. — LA RÉFORME CATHOLIQUE ET LE CONCILE DE TRENTE.

 

 

Dans le mouvement de la révolution protestante, tout annonce ou suit Luther ; dans le mouvement de la réforme catholique, tout prépare le Concile de Trente ou en dérive. La folle insurrection d'un homme, au nom de la liberté individuelle, et la sage restauration de la foi et des mœurs par une assemblée hiérarchiquement organisée, au nom de la tradition : tels sont les deux faits générateurs des temps modernes.

 

I

Premières La réforme de l'Église, la réforme par un concile, la réforme universelle, depuis la tête jusqu'au plus petit des membres, in capite et in membris : ces réclamations qui s'élevaient de toutes parts vers le milieu du x-ve siècle, jusqu'à couvrir parfois le bruit des controverses théologiques et des luttes internationales, l'Église catholique romaine avait été la première à les faire entendre. Sans remonter jusqu'à saint Bernard, à saint Pierre Damien et plus loin encore, — car tous les saints ont été des réformateurs à leur manière et tout concile a été une œuvre de réformation, — c'est au concile de Vienne, en 1311, nous l'avons vu, qu'un évêque, chargé par le Pape de dresser le programme des délibérations de l'assemblée, avait mis en tête la formule célèbre : réformer l'Église clans son chef et dans ses membres. Cette formule, les Légistes, les principaux docteurs du XVe siècle et les protestants du XVIe siècle l'avaient répétée, et l'empereur Charles-Quint venait de la reprendre pour son propre compte. Les Légistes et les docteurs gallicans y voyaient l'occasion de renouveler dans un concile les déclarations de Constance et de Bâle ; les protestants rêvaient d'opposer à l'autorité personnelle du Pape celle d'une assemblée représentative des fidèles, qui consacrerait leurs doctrines[1] ; l'empereur espérait trouver dans les réformes d'une future assemblée un terrain d'entente entre les deux fractions, catholique et protestante, qui brisaient l'unité morale et la solidité politique de son empire.

Le Saint-Siège ne se prêtait : qu'à regret à l'exécution d'un projet poursuivi avec de pareilles intentions. Ce dessein rencontrait même dans l'entourage du Pape, auprès de ceux dont une réforme menaçait la tranquillité[2], et dont les intérêts couraient le risque d'être compromis, des oppositions systématiques. Mais le besoin de remédier aux périls qui menaçaient l'Église se faisait de plus en plus urgent. A la nécessité de la réformer se joignait celle de la préserver d'une fausse réforme, cent fois pire que les abus auxquels elle prétendait remédier. Le 22 mai 1542, Paul III lança la bulle de convocation d'un concile universel pour le 1er novembre de la même année[3]. Après s'être mis sous la protection de Dieu, le Pape sollicitait le concours de tous pour assurer l'intégrité de la religion chrétienne, la réformation des mœurs, la concorde des princes et des peuples chrétiens et le moyen de repousser les entreprises des infidèles. C'était le magnifique programme du concile. A partir de ce moment, pendant plus de vingt ans, jusqu'a la clôture définitive de l'assemblée en 1563, les trois Papes qui se succéderont, Paul III, Jules III et Pie IV, poursuivront, à travers mille obstacles, la sainte entreprise avec une énergie persévérante qui tient du prodige.

la Après quelques hésitations, le Pape, d'accord avec l'empereur, désigna comme lieu de réunion du concile la ville de Trente. Cette ville, située sur l'Adige, dans le Tyrol italien, gouvernée par un prince-évêque. Madrucci, de concert avec un délégué du comte de Tyrol (Ferdinand, frère de Charles-Quint), était au débouché du col le moins élevé des Alpes, par suite facilement accessible du côté de l'Allemagne, ce qui devait inspirer quelque confiance aux protestants... Lorsqu'on se rendait de France en Italie, Trente n'était pas éloignée de la grande route Turin-Milan-Venise. Quant aux Espagnols, toute ville italienne était pour eux à peu près équivalente sous le rapport de la longueur du voyage[4].

Cependant, au jour fixé pour l'ouverture du concile, quelques évêques d'Italie et des régions voisines de l'Allemagne se trouvèrent seuls présents au rendez-vous. Les trois légats envoyés par le Pape attendirent en vain, pendant sept mois, l'arrivée des autres membres de l'épiscopat et les ambassadeurs des princes catholiques. La cause du concile sembla perdue. Des hostilités qui s'étaient rouvertes entre François Ier et Charles-Quint, étaient le principal obstacle. Après la paix de Crespy, Paul III, par une bulle du 19 novembre I544, convoqua de nouveau l'épiscopat pour le 14 mars 1545. Ce délai ne devait pas être le dernier. Charles-Quint, obsédé par les protestants, paraissait maintenant hésiter ; il aurait voulue reprendre un simple congrès, pareil à celui de Ratisbonne, où catholiques et hérétiques chercheraient à s'entendre librement au moyen de concessions réciproques. L'infatigable Pontife, malgré son grand âge et ses fatigues, redoubla d'activité et fixa par ordre au 3 mai l'ouverture de l'assemblée. Cette fois-ci, ce fut la France qui fit défaut. François Ier, vexa de tous les atermoiements obtenus par son adversaire, venait de rappeler d'office les quatre évêques français qui avaient répondu à l'appel. Après de nouvelles négociations et de nouvelles convocations, le 13 décembre 1515, la session solennelle d'ouverture fut célébrée par quatre cardinaux, quatre archevêques, vingt-deux évêques, cinq généraux d'ordre, trois abbés et trente-cinq théologiens. Paul III avait enjoint de passer outre, quel que fût le nombre des présents et de commencer les travaux.

Le Pape ne vint point en personne présider le concile, et ses deux successeurs devaient imiter sa prudente réserve. Mais il avait choisi, pour parler en son nom et agir à sa place en qualité de légats, trois cardinaux éminents : Jean Marie del Monte, qui fut depuis son successeur sous le nom de Jules III, Michel Cervini, qui ceignit la tiare sous le nom de Marcel II, et Reginald Pole, l'intelligent et actif diplomate, qui, exilé de l'Angleterre, sa patrie, pour l'indépendance de son dévouement, devait montrer la même fierté courageuse dans la défense de l'Église romaine.

Au lendemain des cérémonies solennelles qui ouvrirent le concile, les prélats réunis à Trente se rendirent compte de l'extrême gravité de leur mission. Les regrettables retards apportés à leur réunion avaient donné le temps aux malentendus de s'aigrir, aux passions de se déchaîner, à la révolution protestante de gagner du terrain. Toutes les vieilles hérésies du Moyen Age, celles des Vaudois, des Albigeois, des Béghards, des Frères du Libre-Esprit, des Wicleffites et des Hussites, semblaient s'être donné rendez-vous dans le protestantisme ; tous les abus ecclésiastiques, autrefois réprimés par Grégoire VII et par Innocent III, paraissaient être ressuscités dans l'Eglise : c'était tout l'ensemble du dogme et de la discipline qu'il fallait défendre ou reconstituer.

En faisant les processions liturgiques et les prières solennelles qui ouvrirent leurs travaux, les Pères de Trente virent sans doute, par les yeux de la foi, planer au-dessus d'eux l'Esprit de Sagesse et de Science qui avait assisté les Pères de Nicée, d'Ephèse et de Latran. Ils se souvinrent aussi que, depuis trois siècles, le génie d'un grand saint avait donné à la théologie catholique des formules d'une précision et d'une clarté admirables. Ils placèrent au milieu de leur salle de délibération, comme un trésor où tous iraient puiser la saine doctrine, la Somme de saint Thomas[5]. La théologie scolastique s'était rajeunie depuis quelque temps. Le besoin de lutter contre les protestants lui avait fait abandonner les discussions abstraites et futiles où elle s'était trop complue au siècle précédent. Elle était dignement représentée au concile. La jeune et vaillante compagnie de Jésus y avait envoyé l'éloquent Salmeron, un des premiers compagnons de saint Ignace, le savant Claude le Jay, que l'archevêque d'Augsbourg avait choisi pour son procureur, et l'illustre Lainez, futur général de son Ordre, qui devait tenir dans le concile une si grande place. L'Ordre de saint Dominique était représenté par son vicaire général, Dominique Soto, la lumière de la théologie de son temps, par le célèbre Melchior Cano, professeur à l'université d'Alcala, qui unissait en lui l'érudition et l'élégance de l'humaniste à la science du théologien, et par l'ardent Ambroise Catharin, à la piété si fervente, à la science si profonde, à la pensée hardie jusqu'à la témérité. Louis Carvajal, philosophe et théologien, André de Véga, professeur à Salamanque, le général des capucins, Bernardin d'Asti, et l'éloquent évêque de Bitonto, Corneille Musso, représentaient les fils de saint François.

Le premier soin des Pères fut de fixer l'ordre des travaux. Le Pape désirait, pour parer le plus tôt possible au péril protestant, que le concile commençât par les questions de foi. L'empereur, voulant donner une satisfaction à ses sujets luthériens, faisait demander par le cardinal de Trente, Madrucci, que l'on traitât d'abord de la réformation de l'Église. Les Pères, dans un esprit de conciliation, décidèrent que les deux ordres de questions, dogmatiques et disciplinaires, seraient discutées simultanément[6]. Trois grandes congrégations furent créées, qui seraient présidées chacune par un des trois légats[7]. La raison qui fit adopter cette mesure par la congrégation générale, dit Pallavicini[8], fut le désir de traiter plus de matières en moins de temps et de discuter avec moins de confusion ; mais les légats, au fond de leur cœur, se proposaient de rompre, par cette division, les factions et les ligues dans lesquelles les évêques auraient pu se laisser entraîner en cédant à l'influence de quelque esprit remuant, véhément et éloquent.

Tout faisait craindre, en effet, dès le début, que les discussions ne fussent animées, que divers courants, difficiles plus tard à maîtriser, ne se formassent parmi les Pères du concile. Des questions d'école divisaient entre eux les fils de saint François et ceux de saint Dominique, ou, comme on disait, les Cordeliers et les Jacobins. De plus, les évêques des quatre grandes nations représentées, Allemagne, France, Espagne et Italie, formaient volontiers quatre groupes distincts. Les prélats allemands, sous l'influence de l'empereur, réclamaient avant tout la réforme de l'Église ; les français, trop dominés par la politique de bascule de Catherine de Médicis, penchaient plutôt vers les mesures agréables aux protestants ; les espagnols tenaient pour les prérogatives de l'épiscopat : les italiens étaient prêts à défendre ardemment les privilèges de la cour de Rome. Ceux-ci d'ailleurs se trouvaient être de beaucoup les plus nombreux. Les Pères décidèrent sagement que la liberté la plus grande serait laissée à la discussion, mais que le Concile ferait lui-même sa police et que les définitions de dogme auraient lieu à l'unanimité.

 

II

Les trois premières sessions avaient été consacrées à l'organisation et au règlement du concile. Dans les IVe, Ve et VIe sessions, les Pères abordèrent la question protestante dans ce qu'elle avait de plus fondamental.

Ne reconnaître d'autre règle de foi que la Sainte Ecriture interprétée par le sens individuel, tenir la nature humaine comme essentiellement corrompue dans son fond, et n'espérer son salut que de l'application extérieure des mérites du Christ, indépendamment de toute bonne œuvre : telle était, nous l'avons vu, dans ses éléments essentiels, la doctrine luthérienne.

Les principales conséquences de ce système avaient été la révolte contre l'autorité de l'Église et de la Tradition, le rejet du libre arbitre et la négation de toute rénovation intérieure dans l'âme du justifié.

Attaquer du premier coup la thèse protestante dans ses principes fondamentaux, était d'une tactique hardie. Le Pape y poussait vivement. Mais l'empereur s'y opposait avec non moins d'énergie. Il écrivit au cardinal Pacheco et chargea Dandini, nonce du Pape auprès de lui, de mander aux légats qu'il fallait procéder lentement dans cette affaire, et ne prononcer aucun anathème contre les protestants, dans la crainte qu'ils ne devinssent encore plus furieux[9].

Quelques Pères étaient ébranlés, et demandaient qu'on eût des ménagements pour l'erreur protestante. La majorité passa outre. On aborda alors la question de l'autorité de la Sainte Ecriture et de la Tradition, et la discussion s'engagea, vive et approfondie. Les opinions les plus extrêmes s'y firent entendre. Les uns trouvaient que c'était une tyrannie spirituelle que d'empêcher les fidèles d'exercer leur esprit suivant les talents que Dieu leur a donnés, et de les obliger à demeurer attacher au seul sens des Pères. Le cordelier Richard du Mans prétendit, au contraire, que les scolastiques avaient si bien démêlé les dogmes de la foi, qu'on ne devait plus les apprendre de l'Écriture[10]. Corneille Musso déclara qu'entre l'Écriture et la Tradition, paroles de Dieu au même titre, il n'y a qu'une différence accidentelle[11]. Le jésuite Claude Le Jay et le dominicain Dominique Soto firent sagement remarquer qu'il y avait à distinguer la matière de la foi et des mœurs, sur lesquels il était nécessaire de recourir à l'interprétation traditionnelle, mais que, pour tout le reste, il n'y avait point d'inconvénient à laisser à chacun la liberté de penser et d'écrire, sans blesser la piété et la charité[12]. Le résultat de ces discussions théologiques, qui furent résumées dans une congrégation générale du 1er avril 1546, ainsi que les observations des canonistes et exégètes sur le canon des Livres Saints, fut l'important décret De canonicis Scripturis, du 8 avril 1546, où le Concile, après avoir fixé le canon des Saints Livres, et déclaré que la traduction dite Vulgate, devait être tenue comme texte officiel et authentique dans les leçons, disputes, prédications et exposés du dogme, proclama, pour réprimer la pétulance des esprits, que nul ne doit, dans les matières concernant la foi ou les mœurs, attribuer à l'Écriture un autre sens que celui que lui a donné et que lui donne notre sainte Mère l'Église[13]. Les protestants, comme on l'a dit fort justement, en essayant de renfermer tout le christianisme dans la foi aux Livres Saints, n'avaient réussi qu'à mettre en péril et la religion chrétienne et la Bible : l'Église romaine, en proclamant au concile de Trente l'autorité de la Tradition, avait sauvé l'une et l'autre[14].

Quand, à la Ve session, se présenta la question du péché originel, l'empereur renouvela ses instances. Il fit savoir au Pape, par l'intermédiaire du cardinal de Trente, qu'on le désobligerait si l'on proposait cet article[15]. Mais les légats pontificaux maintinrent l'ordre déjà fixé. Le 21 mai 1546, la discussion la plus libre s'engagea entre les théologiens sur la nature du péché originel, le mode de sa transmission, ses effets et son remède. Saint Thomas avait approfondi ces questions, que les longues controverses contre l'hérésie pélagienne avaient soulevées depuis longtemps. Mais les interprétations du Docteur angélique étaient diverses. Les trois écoles, dominicaine, franciscaine et augustinienne, professaient sur l'état du premier homme, sur sa faute et sur la manière dont cette faute atteint sa postérité, des théories explicatives différentes. Tandis que les disciples de saint Thomas soutenaient que notre premier ancêtre a été créé dans l'état de justice originelle, l'école de saint Bonaventure enseignait que cette justice surnaturelle n'avait pu lui être communiquée par Dieu qu'après un acte de volonté fait par Adam. Malgré l'autorité de saint Thomas, faisant surtout consister le péché originel dans la privation de la justice originelle, les fils spirituels de saint Augustin continuaient à le voir dans le fait de la concupiscence et expliquaient sa transmission par une espèce de traducianisme. Peu de temps avant l'ouverture du Concile, le dominicain Catharin n'avait pas craint d'attaquer à la fois toutes les théories émises jusqu'à lui. Comment, s'était-il dit, pouvons-nous être responsables d'une faute qui ne nous serait point personnelle ? Et, pour justifier le dogme du péché originel, il avait soutenu que notre volonté avait été impliquée d'une certaine manière, aux yeux de Dieu, dans la volonté de notre premier père[16]. A un moment donné, l'éloquence de Catharin, sa dialectique pressante, semblèrent emporter l'adhésion des Pères du concile. Ils ne cédèrent pas à ce mouvement. La théorie de l'ardent dominicain n'avait aucun appui dans la tradition patristique.

Sur un autre point la tradition était invoquée de part et d'autre. La transmission du péché originel a-t-elle été universelle ? La Sainte Vierge en a-t-elle été préservée ? Les franciscains, appuyés par les jésuites Laynez et Salmeron, soutenaient énergiquement la seconde opinion ; les dominicains invoquaient l'autorité de saint Thomas pour défendre la première. Autre sujet de controverse : une vieille formule, qui remontait au Vénérable Bède, voulait que l'homme eût été, par le péché originel, blessé dans ses facultés naturelles, vulneratus in naturalibus. Cette expression plaisait à ceux qui désiraient heurter le moins possible le dogme luthérien.

La dispute fut ardente. Les procès-verbaux des congrégations conciliaires et les relations des ambassadeurs à leurs princes, respirent l'ardeur et la fièvre des combats. Mais qu'on poursuive la lecture et qu'on aborde le décret du Concile. Rien de plus calme et de plus mesuré. Avec une délicatesse parfaite, les Pères se gardent de trancher aucune des questions librement discutées dans les écoles catholiques. Ils se sont réunis, disent-ils, pour réprimer une hérésie redoutable et ouvertement déclarée, et non pour restreindre la liberté de penser des loyaux défenseurs de l'Église. Sur la croyance à l'Immaculée Conception seulement, tout en jugeant que la question n'est pas encore mûre, ils expriment d'une manière manifeste leur intime sentiment. Ils déclarent donc et définissent : 1° que le premier homme, déchu par sa désobéissance de l'état de sainteté et de justice dans lequel il avait été constitué, tant à l'égard de l'âme qu'à l'égard du corps, a transmis à ses descendants, non-seulement des peines corporelles, mais ce péché même ; 2° que ce péché, transmis à tous, non par imitation, mais par propagation, ne peut être effacé que par les mérites de Jésus-Christ, appliqués à chacun, qu'il soit adulte ou enfant, par le sacrement du baptême ; 3° que le baptême remet et enlève de l'âme tout ce qui a caractère de péché, y laissant pourtant subsister la concupiscence, laquelle n'est pas un péché, sinon en ce sens qu'elle vient du péché et qu'elle incline au péché ; 4° que, dans ce décret sur le péché originel, le Concile n'entend pas parler de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu[17].

Restait la question de la justification. C'était le point le plus fondamental de la doctrine luthérienne. C'est en attaquant la prétendue doctrine pélagienne du libre arbitre et des bonnes œuvres, c'est en glorifiant la suprême miséricorde d'un Dieu justifiant l'homme par ses seuls mérites et couvrant la lèpre des péchés inexpiables du manteau de son infinie bonté, que le moine de Wittemberg avait trouvé ses plus pathétiques accents d'éloquence. Quand il en parlait, c'était comme l'écho de toute sa vie intérieure, si tourmentée, qu'on entendait vibrer en lui. Nulle doctrine d'ailleurs ne portait au dogme catholique de plus rudes coups ; car, ainsi que l'a reconnu Adolphe Harnack[18], en faisant cette démonstration, Luther ne frappait pas seulement les scolastiques, mais aussi les Pères de l'Eglise et même Augustin.

Les Pères tremblèrent un moment devant la grandeur de leur tâche. Les scolastiques, saint Thomas lui-même, qui leur avait été, sur la question du péché originel, d'un si grand secours, leur offraient peu de lumières sur ce point précis. Vingt ans de controverses ardentes avaient illuminé tour à tour les diverses faces de la question ; mais personne n'en avait encore élaboré la synthèse. C'est ce que fit remarquer, avec beaucoup de raison, le cardinal Michel Cervini. Le cardinal ajouta qu'il ne fallait pas se contenter de dire : Luther a dit telle chose, donc elle est fausse ; mais qu'il fallait chercher et examiner l'erreur sans prévention ; qu'il importait aussi de ne pas tomber dans un excès contraire, comme il était arrivé à Pighius qui, pour combattre l'hérésie luthérienne sur le péché originel, était tombé dans l'hérésie pélagienne. Le cardinal Pacheco proposa de faire étudier la question dans des commissions spéciales de théologiens. Le grand cardinal Pole demanda surtout que l'on implorât l'assistance divine avec d'autant plus de ferveur que la question paraissait plus difficile. Dans la congrégation du 21 juin 1546, une commission de théologiens réduisit à six points les questions principales qui se rattachaient à la doctrine de la justification[19]. Dans les séances qui suivirent, les deux tendances qui partageaient l'assemblée eut thomistes et en scotistes, les premiers semblant accorder davantage à l'action de Dieu et les seconds paraissant donner plus à l'action libre de l'homme, se firent jour. A certains moments, la vivacité de la discussion fut à son comble. Pallavicini raconte, d'après les actes mêmes du Concile et le journal de son secrétaire Massarelli, comment, le 17 juillet, l'évêque de la Cava, San Félice, s'emporta jusqu'à saisir à la barbe son interlocuteur[20].

Le résultat de ces travaux, si passionnés mais si profonds, fut le célèbre Decretum de justificatione, comprenant 16 chapitres et 33 canons, où tous les théologiens s'accordent à voir le chef-d'œuvre du Concile de Trente. Sa rédaction est, en grande partie, l'œuvre du savant cardinal Michel Cervini. Après avoir affirmé avec force l'inexprimable faiblesse de l'homme (ch. Ier) et l'infinie miséricorde de Jésus-Christ (ch. II et III), le Concile décrit d'une manière saisissante et précise la marche et l'œuvre de la grâce dans l'âme du pécheur qui revient à Dieu (ch. IV, V et VI), les éléments essentiels de la justification (ch. VII), sa gratuité (ch. VIII), condamne la fausse notion de la foi qu'ont les protestants (ch. IX), et déduit de la doctrine catholique quelques conséquences importantes relatives à l'observation des commandements, au don de la persévérance, aux mérites des bonnes œuvres, etc. (ch. X à XVI). Autant que Luther, les Pères affirment que la rémission des péchés et de la peine qui leur est due, ne peut venir que des mérites de Jésus-Christ ; mais ils ajoutent que ces mérites sont assez puissants pour opérer dans l'homme qui se repent une rénovation intérieure, et que c'est là le seul sens admissible des expressions de saint Jean et de saint Paul, lorsqu'ils décrivent les effets de la grâce, comme un affranchissement du péché[21], une paix inaltérable[22], une force invincible[23], une rénovation[24] et une résurrection de l'âme[25].

 

III

On était arrivé à la fin de l'année 1546, et le décret sur la Justification n'était pas encore promulgué. Des événements d'une gravité exceptionnelle menaçaient d'amener la dissolution du concile. Les protestants avaient pris les armes, et Charles-Quint, craignant que la condamnation du dogme fondamental des novateurs ne les exaspérât, pesait de toute son autorité sur les évêques allemands pour empêcher la publication des décrets de la VIe session. On parlait de suspendre le concile, de le transférer. Mais le Pape s'était opposé à la première solution, et l'empereur s'était emporté quand on lui avait parlé de la seconde. L'écrasement des luthériens par les troupes impériales trancha la question. Le 13 janvier 1547, le décret sur la justification fut promulgué au milieu des acclamations unanimes dans une congrégation générale publique, et la VIIe session s'ouvrit.

On y commença l'étude des sacrements en général. La question des sacrements, par lesquels la grâce justifiante s'obtient, s'augmente et se répare, était le premier corollaire de la question de la justification. Or, sur ce point encore, comme le reconnaît Harnack[26], Luther s'était tourné aussi bien contre Augustin que contre les scolastiques. Luther, dit le même auteur[27], avait mis en pièces la doctrine catholique des sacrements. Il avait fait cela au moyen des trois thèses suivantes : 1° les sacrements servent au pardon du péché et à rien d'autre ; 2° les sacrements n'atteignent pas leur but en étant célébrés, mais en étant crus ; 3° ils reçoivent leur efficacité, non de l'opus operatum ou des dispositions nécessaires, mais du Christ historique. En 30 canons, le Concile affirma et précisa la doctrine traditionnelle sur les sacrements en général, puis sur le baptême et la confirmation en particulier.

Il allait poursuivre ses travaux, quand un nouvel obstacle surgit. Une subite épidémie se déclare à Trente. Deux évêques meurent subitement. Les légats, en vertu des pouvoirs spéciaux qu'ils ont reçus du Pape, déclarent le concile transféré à Bologne. De là, un vif mécontentement de Charles-Quint, qui retient à Trente les prélats de sa dépendance. Les Pères restés à Trente n'osent pas faire un acte synodal, et les Pères réunis à Bologne se contentent, dans les sessions VIIIe, IXe, Xe, XIe et XIIe, de préparer des matériaux et ne publient aucun décret. L'empereur, mécontent de cette inaction, prend alors la résolution d'agir par lui-même. Il convoque à Augsbourg deux docteurs catholiques et le protestant Agricola, et leur fait rédiger un symbole en trente-six articles, qu'il entend imposer au monde chrétien en attendant les décisions définitives du concile : c'est l'Intérim d'Augsbourg[28]. Cet acte ne fait qu'augmenter le désordre, et Paul III enjoint au cardinal légat Del Monte, de dissoudre le concile.

Mais deux mois après, au mois de décembre 1549, Paul III mourait et le conclave lui donnait pour successeur le cardinal del Monte, qui prenait le nom de Jules III. Le changement de pontificat permettait un changement de tactique. Le premier acte du nouveau Pape fut de convoquer le concile à Trente.

Il s'y réunit le 1er mai 1551, sous la présidence du cardinal-légat Crescenzio, assisté de deux évêques. Grâce aux longs et patients travaux des théologiens Cano, Laynez et Salmeron pendant les cinq sessions de Bologne, le travail paraissait devoir être fécond et rapide. L'empereur favorisait la reprise du concile. Un nouvel incident faillit tout compromettre.

Les difficultés vinrent cette fois-ci du côté de la France. Henri II, brouillé avec le Pape à la suite de démêlés relatifs à la ville de Parme, interdit aux évêques français de prendre part à l'assemblée de Trente et annonce la prochaine réunion d'un concile national. Une lettre que Jacques Amyot, abbé de Bellozane, présente au concile au nom du roi, soulève une tempête. A la seule lecture de la suscription, qui porte ces mots : A la sainte assemblée, sacro conventui, les Pères se récrient. Ils sont un vrai concile, et non une vague assemblée ! Et ce n'est pas au roi de France qu'il appartiendrait de traiter ainsi les représentants de l'Eglise universelle ! En vain le fin et souple ambassadeur essaie-t-il de démontrer que le mot conventus est, en bonne latinité, un terme d'honneur. Quelque chose que je sceusse dire, raconte Amyot, ils s'attachaient opiniâtrement à ce mot de conventus... Je filais le plus doux que je pouvais, me sentant si mal, et assez pour me faire mettre en prison si j'eusse un peu trop avant parlé[29]. Finalement l'incident est clos par la lecture de la lettre royale et par la promesse d'une réponse au roi de France à la prochaine session[30].

Le 2 septembre 1551, les discussions dogmatiques furent reprises. La question de l'Eucharistie venait à l'ordre du jour. Cette question n'avait pas seulement soulevé, dans les écoles, un grand nombre de controverses, elle avait divisé, nous le savons, les protestants eux-mêmes. Il fallait, dans les condamnations, savoir atteindre à la fois le symbolisme de Zwingle et le réalisme hétérodoxe de Luther ; il importait en même temps d'éviter, dans l'exposé de la doctrine, toute formule qui blesserait quelqu'une des écoles catholiques, auxquelles on entendait laisser leur complète liberté. On se trouvait d'ailleurs en présence du dogme central de la religion, du mémorial de tous les mystères, de la source de toute vie chrétienne, et non pas, à vrai dire, d'un sacrement comme les autres, donnant la sainteté par un signe sensible, mais de Dieu lui-même, auteur de toute sainteté, se manifestant sous le signe sensible. Les Pères, impressionnés, se recueillirent. Pour éviter le renouvellement de scènes pénibles de vivacité entre les tenants des diverses écoles, ils décidèrent que les théologiens, en donnant leurs avis, les appuieraient uniquement sur l'autorité de l'Écriture sainte, de la Tradition apostolique, des conciles approuvés, des constitutions des Souverains Pontifes, des saints Pères et du consentement de l'Église catholique[31]. Afin d'atteindre plus sûrement les erreurs protestantes, ils réglèrent qu'après chaque erreur à condamner, on mettrait exactement les endroits des livres hérétiques d'où elle serait tirée.

Ces résolutions furent tenues ; et, dans sa XIII8 session, le 11 octobre 1551, après le chant d'une grand'messe solennelle et l'audition d'un sermon prononcé à la louange de la sainte Eucharistie, l'archevêque Sassati donna lecture du décret sur l'Eucharistie. Dans un langage dont la religieuse majesté s'accordait admirablement avec la sublimité du dogme, le saint concile de Trente, général et œcuménique, légitimement assemblé sous la conduite du Saint-Esprit, ayant pour dessein d'exposer la doctrine ancienne et véritable sur la foi et les sacrements, et d'arracher jusqu'à la racine cette ivraie de l'hérésie et du schisme que l'ennemi a semée dans le culte de cette adorable Eucharistie, instituée pourtant par Jésus-Christ comme un symbole d'union et de Charité clans son Église, déclarait ouvertement et simplement que, dans l'auguste sacrement de l'autel, après la consécration du pain et du vin, Notre Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, est contenu véritablement, réellement et substantiellement sous l'espèce des choses sensibles[32]. Puis parce qu'il ne suffit pas, ajoutait le Concile, d'exposer la vérité, si on ne découvre et si on ne rejette aussi les erreurs, il portait l'anathème contre les formes diverses de l'hérésie protestante.

Au mois d'octobre, on aborda l'étude du sacrement de Pénitence. On se trouvait ici en présence d'une doctrine longuement étudiée par les scolastiques et fortement exprimée par saint Thomas d'Aquin. Mais il en est peu contre lesquelles Luther se fût acharné avec autant de passion. En réduisant toutes les conditions du pardon à la contrition intérieure, et celle-ci à la foi, en niant par conséquent la valeur de toute œuvre extérieure du prêtre et du pénitent, Luther, suivant une expression de Harnack, avait cherché à renverser complètement l'arbre de l'Église[33]. Le concile, en un décret de neuf chapitres et de quinze canons, exposa la doctrine traditionnelle et condamna les erreurs protestantes.

Un nouveau décret venait de fixer le dogme catholique sur le sacrement de l'extrême-onction, quand, vers la fin de l'année 1551 et aux premiers jours de l'année 1552, un certain nombre de députés protestants, cédant aux instances de l'empereur, se présentèrent à Trente. Charles-Quint espérait beaucoup de la présence de ces délégués au concile pour la pacification politique et religieuse. Mais il dut bientôt reconnaître son illusion. Les protestants apportaient à Trente de grandes exigences et de hautaines prétentions. Ils demandaient, entre autres choses, que la plupart des décrets précédemment rendus fussent remis en question, que le Pape ne présidât le concile ni par lui-même ni par les légats et que tout se décidât uniquement d'après l'interprétation rationnelle de la Bible.

Pendant que les pourparlers traînaient en longueur, tout à coup, Maurice de Saxe, le plus ardent protecteur des protestants, jette le masque, fond sur le Tyrol. Il a failli surprendre Charles-Quint à Insprück, et menace de très près la ville de Trente. La députation protestante s'empresse de disparaître. Plusieurs prélats, terrifiés, prennent la fuite. Le Pape, aussitôt prévenu de la situation, publie, le 28 avril 1552, une bulle de suspension d l'assemblée.

 

IV

Le concile, ainsi dispersé, ne devait reprendre ses travaux que dix ans plus tard. Les incidents malheureux créés par le népotisme et la politique inconsistante de Jules III, l'imprudente campagne de Paul IV contre la domination espagnole en Italie et le refroidissement de rapports qui s'ensuivit entre le Pape et Philippe II, les progrès politiques des protestants, et, par suite, les étranges concessions demandées par l'empereur et par le roi de France en faveur des réformés[34], retardaient de jour en jour la réouverture du concile de Trente. Le temps pressait cependant. Les princes ne parlaient plus que de conciles nationaux, de conférences, de colloques[35], ou bien de concile universel, libre et chrétien, entendu au sens protestant. Le successeur de Paul IV, Pie IV, élu en 1560, vit le péril, et, bravant toutes les difficultés, publia, le 29 novembre 1560, une bulle de convocation au Concile.

Plus de cent évêques répondirent à cet appel, et, le 18 janvier 1562, s'ouvrit à Trente la XVIIe session.

La situation était bien changée depuis dix ans. L'empereur Charles-Quint, après s'être retiré de la scène du monde en 155g était mort au monastère de Saint-Just en 1558. Ferdinand Ier, son successeur, n'avait en Italie aucune autorité. On ne pouvait plus espérer sérieusement une réunion des protestants. Dans l'Allemagne du nord et en Angleterre, leur cause était à peu près identifiée avec celle du pouvoir politique. D'autre part, les divergences existant entre les Espagnols, les Allemands, les Italiens et les Français s'étaient accentuées. Les Français plaisantaient les prétentions des prélats italiens ; les Italiens parlaient de maladie française et de lèpre espagnole. Plusieurs fois, à la suite de discussions, des attroupements se formèrent et des rixes éclatèrent dans les rues aux cris de : Espagne ! Italie ! France ! A Rome, on commençait à se demander si la réunion d'un concile n'était pas un remède trop violent pour le corps affaibli de l'Église. On ne pouvait pourtant pas renoncer à l'œuvre entreprise. La question des indulgences, qui avait soulevé les premiers troubles extérieurs du protestantisme, celle du Sacrifice de la Messe, à propos de laquelle Luther avait publié ses plus violents pamphlets, celles des sacrements de l'Ordre et du Mariage, où tant de questions délicates demandaient à être fixées, n'avaient pas encore été abordées. La grande question de la réformation de l'Église, qu'on voulait complète, et qui n'avait été qu'ébauchée dans les seize premières sessions, ne pouvait rester en suspens. Le Souverain Pontife, Pie IV, avait dit un jour, dans un moment de découragement, que la Papauté ne pouvait plus se maintenir qu'en s'unissant fortement aux princes. Il eut, paraît-il, la pensée de se mettre en relation avec les cours et, moyennant leur appui, de faire, en son propre nom, la réforme ; il se rendit bientôt compte que ce ne serait là qu'une demi-mesure, inefficace et peut-être irréalisable. Le seul moyen pratique était de continuer le concile, en s'assurant de l'adhésion des trois grandes puissances, Allemagne, Espagne et France. L'habile cardinal Morone, qui jouissait depuis longtemps de la sympathie de la maison d'Autriche, entra en négociations avec Ferdinand. Moyennant la promesse qu'on laisserait les théologiens s'assembler par nations pour préparer les décrets, et que l'œuvre de la réforme serait activement conduite en tenant le plus grand compte possible des désirs de l'empereur, Ferdinand promit son concours.

Dans la XVIIIe session, on se borna à publier un décret sur la rédaction d'un catalogue des livres défendus et un sauf-conduit pour les protestants. Dans les XIXe et XXe sessions, il fallut se borner à rendre un décret de prorogation. Les princes mettaient partout des entraves : la France demandait que l'assemblée fût considérée comme un concile nouveau ; l'Espagne voulait au con, traire qu'elle déclarât continuer le concile précédent. L'opposition de ces deux nations ne fut pourtant pas irréductible. Philippe II, très préoccupé des difficultés soulevées contre la couronne par un clergé très puissant, qui se plaignait des lourdes charges accumulées sur ses biens, finit par adhérer purement et simplement au concile : il espérait en obtenir la limitation des pouvoirs de son épiscopat. Les Guise, qui gouvernaient alors la France et que leur propre intérêt politique portait à soutenir toute œuvre destinée à combattre le parti protestant, se laissèrent facilement gagner. Le cardinal de Lorraine se rendit même à Rome pour y proposer les conditions d'entente entre le Pape, l'empereur et les rois de France et d'Espagne. Les difficultés extérieures étaient aplanies. On n'avait plus qu'à poursuivre les discussions conciliaires avec décision et énergie[36].

Les questions purement dogmatiques furent traitées avec un calme relatif. Les théologiens qui avaient espéré, au début, gagner les protestants par des formules conciliantes, avaient perdu leurs illusions et ne cherchaient plus à faire atténuer l'expression du dogme catholique. Le décret relatif à la sainte communion, publié le 16 juillet 1562, à la XXIe session, déclara que l'Eglise, ayant reçu de Dieu le pouvoir de changer, dans les sacrements, tout ce qui ne touche pas à leur substance, approuvait officiellement désormais la communion sous une seule espèce et en faisait une loi pour ses fidèles. La XXIIe session fut consacrée au sacrifice de la messe. On y proclama que la messe est un vrai sacrifice expiatoire pour les vivants et pour les morts, ne dérogeant point au sacrifice de la croix, mais le renouvelant sous une autre forme. On y condamna ceux qui rejetaient, dans la célébration de la messe, l'usage de la langue latine et ceux qui y introduisaient une musique non religieuse. Le 15 juillet 1563, à la XXIIIe session, le décret sur le sacrement de l'Ordre fût publié en quatre chapitres et huit canons. On y exposait la nature sacramentelle de l'Ordre, son caractère indélébile, la prééminence des évêques sur les prêtres, et les divers degrés de la hiérarchie, qu'on faisait dépendre du Pape seul, à l'exclusion de toute intervention du peuple ou des princes séculiers. La question dogmatique du Mariage fut le principal objet de la XXIVe session. On y affirma le pouvoir qu'a l'Église d'établir des empêchements dirimants ; on y définit l'indissolubilité du mariage, même en cas d'adultère, mais on prit soin de rédiger le canon de telle sorte qu'on évitait de jeter l'anathème sur les Grecs, tout en condamnant leur erreur[37]. On y institua les bans de mariage. On y établit enfin, après de longs débats, l'empêchement de clandestinité dans des conditions qui ont subsisté jusqu'au décret du 2 août 1907.

Ce fut sur les questions de discipline et sur les questions dogmatiques qui touchaient de quelque manière à la discipline, que les discussions les plus vives s'élevèrent pendant cette dernière période. Les questions de réforme traitées pendant les seize premières sessions avaient eu trait à la prédication (Ve session), aux devoirs des évêques, à l'autorité des chapitres pendant la vacance du siège épiscopal (VIIe session), à la juridiction épiscopale (XIIIe et XIVe sessions), et n'avaient pas soulevé de graves réclamations, ou du moins les questions brûlantes du droit divin de la résidence des évêques et de la suprématie du Pape et de ses légats sur le concile avaient été prudemment écartées[38]. Les discussions éclatèrent avec une violence inouïe dès le début de la XVIIe session.

Le haut clergé espagnol, fier du rôle important qu'il remplissait dans la monarchie, soupçonnait Philippe II, à qui sa puissance faisait ombrage, de s'entendre avec le Souverain Pontife pour restreindre ses pouvoirs dans de justes bornes. L'habitude de lutter contre le roi lui avait donné une haute idée de ses prérogatives et l'avait préparé à entrer en lutte contre le Pape. Au premier rang des prélats espagnols se plaçait, par la dignité de sa situation comme par l'étendue de ses connaissances théologiques, l'archevêque de Grenade, le bouillant Pierre Guerrero. Dès la XVIIe session, qui inaugurait la reprise des travaux, Guerrero, prenant prétexte d'une expression employée dans la promulgation d'un décret du concile : proponentibus legatis, sur la proposition des légats, commença, dit Pallavicini[39], à faire du bruit, et le bruit étant arrivé à l'oreille des présidents, ils ordonnèrent au secrétaire Massarelli d'aller calmer le turbulent évêque. Guerrero s'emporta, déclara que la formule employée était nouvelle, inusitée dans les conciles précédents, de nature à faire croire que le concile n'était pas libre, et propre à écarter sans raison les protestants de bonne foi. La majorité du Concile passa outre[40] ; mais, aux sessions qui suivirent, l'archevêque da Grenade reprit la question sous une autre forme.

Déjà, à la IVe session, à propos de la prédication des évêques, la question du droit divin de la résidence avait été soulevée. Les légats avaient prudemment écarté cette occasion de controverses brûlantes. Mais elle était devenue dès lors l'objet des conversations des Pères[41]. La résidence des évêques dans leurs diocèses était-elle de droit divin ou simplement de droit ecclésiastique ? Plusieurs théologiens s'étaient hautement prononcés pour le droit divin, ne pouvant se résoudre, disaient-ils, à considérer comme dépendant de la volonté d'un supérieur un devoir si essentiel à. l'organisation ecclésiastique. L'évêque n'est-il pas, d'ailleurs, l'époux mystique de son église ? Une pareille opinion, répliquaient les adversaires, est inadmissible. Déclarer la résidence de droit divin, ce serait anéantir l'autorité du Souverain Pontife, lequel a eu de tout temps la faculté d'employer les évêques selon les besoins de l'Église. Les premiers évêques n'étaient-ils pas errants et sans siège déterminé[42] ? Le Pape avait prescrit au cardinal Simonetta d'éviter à tout prix une controverse toute spéculative, car, disait-il, que la résidence soit de droit divin ou de droit Ecclésiastique, tout le monde sait qu'elle est de commandement strict et nécessaire, et il vaut mieux s'occuper des moyens de la faire observer que de disserter sur l'origine de cette obligation. Tel n'était pas l'avis des Pères. Quand certaines questions spéculatives ont une fois divisé les esprits, elles les obsèdent avec une force et une persistance qu'obtiennent rarement les questions d'un ordre purement pratique ; les disputes d'idées sont souvent plus acharnées que les discussions d'intérêts. Dans les intervalles des sessions, dit Pallavicini, on ne parlait plus que de résidence, et l'on eût regardé comme un stupide celui qui ne se serait pas prononcé chaudement pour l'une ou l'autre de ces deux opinions[43].

Le 7 avril 1562, à propos d'un article proposé par les légats sur les devoirs de résidence des évêques, Guerrero prit la parole. La question est posée, s'écria-t-il ; ne pas la définir serait maintenant un scandale !L'article, dit Pallavicini[44], fut comme un gouffre, où tous se jetèrent à corps perdu, sans plus regarder le rivage. Les légats se partagèrent sur la question. Désespérant d'arriver à une entente, on ajourna la solution au moment où l'on traiterait du sacrement de l'Ordre.

A la XVIIIe session, Guerrero se fit encore l'interprète des prérogatives épiscopales et conciliaires, en demandant l'insertion dans les décrets des mots : Le concile, représentant de l'Église universelle[45]. Il ne fut pas suivi. A la XIXe session, un de ses collègues espagnols l'ayant engagé à écrire au Pape pour l'assurer de son obéissance au Saint-Siège, il répondit : Que le Pape nous donne ce qui nous appartient, et nous lui donnerons ce qui est à lui[46]. Au fond de toute cette opposition était la vieille question de la supériorité du concile sur le Pape. On ne l'aborda pas de front. Dans les entrevues du cardinal Morone avec Philippe II, il avait été entendu qu'on écarterait cette question irritante[47]. Grâce à ces mesures de prudence, l'œuvre de réformation put se poursuivre par la promulgation de plusieurs importants décrets sur la visite des diocèses[48], sur la vie des clercs[49], les devoirs des prélats[50], la tenue des synodes[51], le cumul des bénéfices[52], les provisions et expectatives[53], les concours[54] et la vie des régulier[55]. La plus orageuse de toutes les sessions avait été la XXIIIe ; ce fut peut-être la plus féconde, à cause du décret sur l'institution des séminaires, qui la termina, et qui, à lui tout seul, disait-on, aurait valu tous les labeurs du concile[56].

Depuis trois siècles, catholiques et hérétiques avaient répété la formule : réforme de l'Église dans ses membres et dans son chef, in membris et in capite. Le Concile ne se sépara pas sans avoir réalisé tout son programme. Dans la XXIIIe session, l'impétueux archevêque de Grenade, Guerrero, réclamait avec force la réforme du Sacré Collège. Il allait compromettre la justice de sa cause par la violence de ses paroles, quand on vit, dit-on, le saint évêque de Braga, Barthélemy des Martyrs, se lever. C'était l'ami de saint Charles Borromée. L'austérité de ses mœurs, ses dons mystiques lui faisaient comme une auréole de sainteté. Pour moi, dit-il, je pense que les illustrissimes cardinaux ont besoin d'une illustrissime réforme[57]. Déférant à cet avis, le concile déclara appliquer aux cardinaux eux-mêmes les peines pestées contre les non résidents[58], abolit les réserves et les expectatives même pour les cardinaux[59], leur appliqua les règles relatives au train de vie des prélats et au népotisme[60], et leur donna à méditer ces belles paroles du second décret de la XXVe session : Les cardinaux assistant de leurs conseils le Très Saint Père dans l'administration de l'Eglise universelle, ce serait une chose bien étrange si, en même temps, il ne paraissait pas en eux des vertus si éclatantes et une vie si réglée, qu'elle pût attirer justement sur eux les yeux de tout le monde[61]. Le Saint Père fut déclaré engagé par le devoir de sa charge à veiller sur l'Église universelle[62], et à prendre soin des universités placées sous sa protection[63]. En revanche, on déclarait que rien de nouveau et d'inusité ne pouvait être décidé dans l'Église sans qu'on l'eût consulté[64] et qu'il règlerait lui-même tout ce qui serait expédient pour l'extirpation des abus[65].

L'Église avait donc courageusement porté la réforme dans ses membres et dans son chef. Mais, avant de se séparer, elle ne pouvait oublier que les plus grands abus ne venaient pas d'elle-même. La plupart étaient dus à l'ingérence abusive, dans les choses d'Église, de ces princes, qui réclamaient si haut le retour à la pureté des mœurs ecclésiastiques.

Le protestantisme, dit Janssen, avait déclaré que la puissance temporelle est seule de droit divin. Les princes catholiques ne pouvaient naturellement admette une pareille doctrine ; mais, bien longtemps avant Luther, ils avaient travaillé, selon les principes que les juristes romains leur avaient inculqués, à remettre au pouvoir laïque les intérêts temporels des évêchés. Ils s'étaient arrogé d'abord le droit de disposer à leur gré du bien d'Église, puis de pourvoir à tous les emplois, enfin d'exercer leur contrôle sur toutes les ordonnances du clergé... Le duc catholique de Saxe, Georges le Barbu, disait brutalement : Nous briguons pour nos frères et nos amis les sièges épiscopaux ; nous ne cherchons qu'à faire pénétrer les nôtres dans le bercail ; que ce soit par le seuil ou par le toit, peu nous importe... L'abaissement des mœurs monastiques, l'étrange et coupable frivolité de la plupart des princes avaient fait prévaloir l'usage de donner entrée dans les couvents aux chasseurs, fauconniers, palefreniers et autre valetaille. Le clergé s'en plaignait continuellement. En 1528, les ducs de Bavière avaient bien interdit toute licence et bouffonnerie dans les cloîtres ; mais leurs ordres n'avaient été que poussière au vent[66]. En France, en Espagne, dans le royaume de Naples, l'Église n'était pas moins asservie

Dans sa XXVe session, le Concile de Trente porta la cognée à la racine du mal. Sous peine d'excommunication, le concile interdit aux princes de s'immiscer dans les affaires ecclésiastiques, exigea d'eux le respect des antiques prérogatives du clergé, leur dénia le droit de conférer des bénéfices, leur défendit de toucher aux biens et aux privilèges ecclésiastiques, adjura l'empereur, les rois, les républiques et tous les princes, de tout ordre et de toute dignité, de veiller à faire respecter les droits et la liberté de l'Église[67].

Les Pères ne se dissimulaient pas l'opposition que de pareilles injonctions devaient soulever. L'empereur avait déjà menacé de graves désordres si on ne retirait pas les articles relatifs à la réforme des princes[68]. Le jeune roi Charles IX, en entendant parler de ces articles s'était écrié : Les Pères de Trente veulent rogner les griffes aux rois tout en aiguisant les leurs ; nous ne souffrirons jamais qu'ils touchent à nos prérogatives[69]. Mais le Pape avait été inflexible. Sa Sainteté pense, écrivait le cardinal Otto le 17 septembre 1563, que la réforme du clergé porterait peu de fruits si les princes n'acceptaient pas une réforme complète[70].

La XXVe session, dernière du concile, avait dû être avancée. Pie IV, malade depuis quelque temps, venait d'être atteint d'une attaque grave. Il était désirable qu'il survécût à l'assemblée, que des conflits pour l'élection d'un nouveau Pape risquaient de troubler. Le bruit se répandait d'ailleurs qu'en France le projet d'un concile national, dans lequel les pasteurs protestants siégeraient à côté des évêques catholiques, n'était pas abandonné[71]. Heureusement les questions dogmatiques qui restaient à traiter, sur le purgatoire, les indulgences et le culte des saints, avaient été soigneusement préparées par les théologiens à Bologne. Le décret sur les indulgences, qu'on n'avait pu encore aborder faute de temps, fut rédigé dans la nuit du 3 au 4 décembre 1563. On ne pouvait l'omettre, sans paraître esquiver la question qui avait été le point de départ du protestantisme militant.

Le 4 décembre, le secrétaire Massarelli, après avoir donné lecture des décrets s'avança au milieu de l'assemblée. Deux cent cinquante cinq prélats étaient présents. Illustrissimes seigneurs et Révérendissimes Pères, leur dit-il, trouvez-vous bon que l'on mette fin à ce saint concile œcuménique et qu'au nom de ce même saint concile les Présidents demandent au Saint-Père la confirmation de tout ce qui, en général et en particulier, y a été ordonné et défini ?

Chacun des Pères, interrogé à son tour, donna son assentiment par la formule consacrée : Placet. Seul, Guerrero, l'éternel opposant, répondit : Il me plaît que l'on mette fin au concile, mais je ne demande que la confirmation[72]. Il pensait sans doute que cette confirmation résultait suffisamment de l'ensemble des actes.

Ainsi, dit Ranke, ce concile, si impétueusement réclamé et si longtemps ajourné, deux fois dissous, ébranlé par tant d'orages, se terminait dans la concorde universelle[73]. Le catholicisme, se dressait désormais devant le monde protestant avec une force doublée et rajeunie[74].

 

 

 



[1] Si Luther et les protestants ont plusieurs fois réclamé un concile, ils ont toujours exigé qu'il fût national, allemand, comme ils le déclarèrent à Smalkalde en février 1537 ; ils ont toujours mis pour condition le rejet de la primauté du Pape, comme ils le firent à Ratisbonne en 1531, lorsque Paul III, par condescendance pour les désirs de Charles-Quint, chargea son légat Contarini de ménager avec eux un terrain d'entente. On les verra fidèles à la même tactique dans le cours du Concile. SARPI, l. II, ch. XXII, PALLAVICINI, l. III, ch. XV.

[2] A la première mention sérieuse qu'on fit d'un concile, le prix de toutes les fonctions vénales de la cour romaine baissa considérablement. Cf. Girolanio RUSSELLI, Delle Lettere di Principi, Venise, 1581, ou la traduction par BELLEFOREST, Epistres des Princes, t. III, l. V.

[3] RAYNALDI, ann. 1542, n° 13.

[4] P. DESLANDRIE, Le concile de Trente et la reforme du clergé catholique au XVIe siècle, p. 8-9.

[5] Une tradition dominicaine, très souvent invoquée, rapporte que la Somme de saint Thomas fut placée sur l'autel par les Pères du concile de Trente, à côté de la Bible et des bullaires des Papes. Nous n'avons trouvé la mention de ce fait dans aucun document contemporain. Ni les dominicains Soto et Cano, qui ont assisté au Concile, ni le dominicain Gravina, qui a énergiquement défendu la doctrine de saint Thomas au commencement du XVIIe siècle, ne font la moindre allusion à un pareil hommage rendu au docteur angélique. M. l'abbé Sabatier dans le Bulletin critique du 25 octobre 1902, p. 587, a contesté la valeur de la tradition. Le R. P. Déodat Marie, franciscain, et plusieurs de ses frères en religion, ont repris la question dans la Bonne Parole des 25 octobre et 10 novembre 1908, 10 janvier, 10 février, 10 mars, 25 mars, 25 avril et 10 juin 1909. De ces études, il semblerait résulter que la tradition dominicaine est une légende, dont le premier témoignage écrit se trouverait dans le Clypeus thomisticus de GONET, paru à la fin du XVIIe siècle. Gonet déclare, dans sa dixième édition, qu'il a parlé sine teste, sur la seule foi de la tradition de Frères Prêcheurs. Il se réfère ensuite au clerc régulier Thomas d'Aquin de Naples, lequel déclare, dans son De politia christiana, l. II, c. VI (Lyon, 1647), qu'il tient de témoins dignes de foi qu'il y avait dans la salle du concile une table chargée d'un saint poids de livres et entre autres de la Somme de saint Thomas. Voir sur cette question la Revue du clergé français du 1er août 1909, p. 367-374.

[6] THEINER, Acta genuina concilii tridentini, t. I, p. 41-42.

[7] THEINER, I, 43.

[8] PALLAVICINI, Hist. du Conc. de Trente, tract française, édit. MIGNE, t. II, col. 62.

[9] PALLAVICINI, Hist. conc. de Trente, l. VI, c. VII, n° 17 ; SARPI, Hist. cons. Trente, trad. AMELOT DE LA HOUSSAYE, Amsterdam, 1686, l. II, p. 152.

[10] FLEURY, Hist. ecclés., l. CXLII, n° 73, 74.

[11] PALLAVICINI, l. VI, ch. XIV, 3.

[12] FLEURY, Hist. ecclés., l. CXLII, 74. Sur l'intervention de Lejay, voir PALLAVICINI, l. VI, ch. XI, 8.

[13] DENZINGER-BANNWART, 783-786. Cf. THEINER, Acta genuina concilii tridentini, t. I, p. 49 et s.

[14] A. LOISY, Histoire du canon de l'Ancien Testament, Paris, 1890, p. 256. Voir particulièrement dans cet ouvrage le chap. X, du livre III, intitulé : Le concile de Trente et le canon de l'Ancien Testament, p. 189 et s.

[15] SARPI, l. II, p. 152 ; PALLAVICINI, l. VII, n° 1-3.

[16] Ambrosius CATHARINUS, De casu homini et percato originali, Disp. V, p. 183. Cette doctrine, admise par Salmeron, critiquée par Bellarmin, est aujourd'hui complètement abandonnée.

[17] DENZINGER-BANNWART, 787-792.

[18] Adolphe HARNACK, Précis de l'histoire de, dogmes, trad. Choisy, 1 vol. in-8°, Paris, 1893, p. 437. On peut ajouter que le système de Luther frappait saint Paul lui-même, ainsi que le reconnaissent plusieurs protestants de nos jours, par exemple, Auguste SABATIER, L'apôtre Paul, p. 319-321. Le P. DENIFLE, dans le premier appendice de son ouvrage Luther und Luthertum, Mainz, 1905, a montré, avec une prodigieuse érudition, par des textes vérifiés sur les manuscrits les plus sûrs, que, jusqu'à Luther, tous les auteurs sans exception, ont entendu la justitia Dei comme la définit le concile de Trente, non qua ipse (Deus) justus est, sed qua nos justos facit. — On voit par là le cas qu'il convient de faire d'assertions pareilles à celle de M. Harold HÖFFDING : Le christianisme fut ramené réellement au principe dont il était issu... Luther prit pour base la théorie de saint Paul sur la justification par la foi. H. HÖFFDING, Histoire de la philosophie moderne, trad. BORDIER, Paris, 1906, t. I, p. 42.

[19] THEINER, I, 159.

[20] THEINER, I. 192. PALLAVICINI, l. VIII, c. VI, n° 1 et 2. L'évêque de la Cava, excommunié pour ce fait, fut, dans la suite, relevé des censures qu'il avait encourues et admis à reprendre sa place au concile.

[21] S. JEAN, VIII, 24 et s.

[22] S. JEAN, XIV, 27.

[23] S. JEAN, XVI, 23.

[24] Tit., III, 5.

[25] Col., III, 1.

[26] A. HARNACK, Précis de l'histoire des dogmes, p. 438.

[27] A. HARNACK, Précis de l'histoire des dogmes, p. 438.

[28] Sur l'Intérim d'Augsbourg, ses origines, sa proclamation, ses adversaires, ses résultats, voir JANSSEN, L'Allemagne et la Réforme, t. IV, p. 672-681.

[29] Lettre de Jacques Amyot, du 1er sept. 1551. — Mémoires de DUPUY, Paris, 1654, p. 26 et s.

[30] Sur cet incident voir THEINER, I, 486-487 ; RAYNALDI, ann. 1551, n° 29, 32, PLAT, Monumenta ad hist. cons. trid., IX, 237-242.

[31] THEINER, I, 489.

[32] Conc. trid., sessio XIII.

[33] A. HARNACK, Précis, p. 439.

[34] L'Empereur et la cour de France demandaient : 1° que la nouvelle assemblée fût un nouveau concile et non la continuation du précédent ; 2° que l'on accordât la communion sous les deux espèces aux laïques et le mariage aux prêtres. RAYNALDI, 1560, n° 55, 56.

[35] On préparait en France le fameux colloque de Poissy.

[36] Les négociations diplomatiques de Pie IV, dans ces circonstances, ont été soigneusement exposées par Ranke, d'après des documents d'archives, notamment d'après une Relation de Morone, que Sarpi et Pallavicini n'avaient pas connue. RANKE, Hist. de la Papauté pendant les XVIe et XVIIe siècles, t. II, p. 340-354.

[37] Les ambassadeurs de Venise avaient demandé ce ménagement en faveur des Grecs soumis à leur domination. Cf. PALLAVICINI, l. XXII, c. IV, n° 27.

[38] Notamment à la IVe session (PALLAVICINI, l. VII, c. IV, 9, et l. VI), à la VIe (PALLAV., l. IX, c. I et II), et à la préparation de la XIIIe (PALLAV., l. XII, c. III). Cf. aussi PALLAVICINI, l. XV, c. XVI et XVII et l. XVI, c. IV. Il y avait pour le Pape, remarque un récent historien, de grands dangers à courir si certaines questions étaient inopportunément soulevées... Au moins fallait-il que l'assemblée fût dirigée par des personnages entièrement dévoués. Tous ceux qui furent choisis étaient des hommes de grande valeur. Le premier légat avait la présidence du concile et chacun des autres celle des congrégations particulières dont il a été question. Par la force des choses leur rôle devait être prépondérant. En face d'une assemblée de notions diverses, d'intérêts souvent contraires, ils savaient ce qu'ils voulaient ; ils étaient au courant de toutes les questions à soulever ou à éviter ; à chaque instant ils demandaient des instructions à Rome. Paul DESLANDES, Le Concile de Trente et la réforme du clergé catholique au XVIe siècle, p. 18-19.

[39] PALLAVICINI, l. XV, c. XVI.

[40] En fait, les légats avaient proposé presque tous les sujets soumis à la discussion. Dans les circonstances, vu la diversité des nations et des intérêts représentés, alors que l'écho des grandes controverses sur la suprématie du Pape ou du concile n'était pas éteint, cette pratique était sage. Mais il était peut-être imprudent de faire insérer, en termes exprès, la formule nouvelle : proponentibus legalis. C'était réveiller des passions mal assoupies. Il serait d'ailleurs exagéré de prétendre que, dans la seconde période du concile, les légats seuls proposèrent les questions à étudier. A mesure que l'assemblée se prolongeait, les Pères devenaient plus expérimentés. En fait, bien des questions furent discutées, dont les légats n'avaient nullement pris l'initiative.

[41] PALLAVICINI, l. XVI, ch. IV, 1.

[42] PALLAVICINI, l. XVI, ch. XIII.

[43] PALLAVICINI, l. XVI, ch. IV, 2. Sur cette question difficile, voir PRAT, Histoire du concile de Trente, p. 515-522. Les théologiens sont encore divisés sur la question. Une troisième opinion s'est fait jour, d'après laquelle la résidence serait de droit divin quant à la substance, mais non quant au mode.

[44] PALLAVICINI, l. XVI, ch. IV, 5.

[45] PALLAVICINI, l. XV, ch. XXI, 5.

[46] PALLAVICINI, l. XX, ch. IX, 11.

[47] Summarium eorum, quæ dicuntur inter Cœs. majestatem et ill. card. Moronum. Cité par RANKE, I, 350.

[48] Sess. XXI.

[49] Sess. XXII.

[50] Sess. XXIII.

[51] Sess. XXIV.

[52] Sess. XXIV.

[53] Sess. XXIV.

[54] Sess. XXIV.

[55] Sess. XXV.

[56] PALLAVICINI, l. XXI, ch. VIII, 3.

[57] Illustrissimi cardinales indigent, ut mihi quidem videtur, illustrissima reformatione. Cette parole, rapportée dans la Vie de Barthélemy des Martyrs, t. II, ch. VIII, ne se trouve ni dans Pallavicini, ni dans Sarpi, Cf. BALUZE, Miscellanea, t. IV, p. 316 et Revue quest. hist., juillet 1869, p. 60.

[58] Sess. XXIII.

[59] Sess. XXIV.

[60] Sess. XXV.

[61] Sess. XXV.

[62] Sess. XXIV, ch. I.

[63] Sess. XXV, ch. II.

[64] Décret sur l'invocation des saints.

[65] Décret sur les Indulgences.

[66] JANSSEN, t. IV, p. 165-169 ; Cf. t. II, p. 331-365 et SUGENHEIM, Baierns Zustände, p. 265-266.

[67] Sess. XXV, De reform., cap. XX. Cf. sess. VII.

[68] JANSSEN, t. IV, p. 171.

[69] Lettre du 28 avril 1563, voir LE PLAT, t. VI, p. 194-198,

[70] Lettre du cardinal Otto au P. Jean de Reidt, à Cologne, citée par JANSSEN, t. IV, p. 165. On voit combien est inexacte l'opinion de Harnack sur le Concile de Trente. A Trente, dit-il, le dogme fut transformé en une politique dogmatique. Précis de l'hist. des dogmes, p. 404. L'histoire impartiale montre au contraire que, si la majorité du concile se montra respectueuse de toutes les opinions d'école, elle fut inflexible, même et l'égard des princes, des rois et de l'empereur, toutes les fois que les intérêts supérieurs de la justice et de la foi lui parurent être en jeu.

[71] RAYNALDI, a. 1563 ; PRAT, Histoire du Concile de Trente, p. 230.

[72] PALLAVICINI, l. XXIV, ch. VIII, 8.

[73] RANKE, Histoire de la Papauté, t. I, p. 357.

[74] On a quelquefois prétendu que, si l'Eglise, au concile de Trente, s'est dégagée bel l'influence des princes, elle s'est fâcheusement asservie à la scolastique et à l'aristotélisme. De là, un arrêt, dit-on, ou une déviation dans le marche de la pensée chrétienne. Un examen attentif des définitions dogmatiques du concile montrerait sans doute combien les Pères de Trente ont profité du travail théologique du Moyen Age et en particulier de l'incomparable synthèse de saint Thomas d'Aquin ; combien aussi ils ont su utiliser les admirables richesses de langage et de pensée que la philosophie d'Aristote avait mises il la disposition de la théologie. Mais, cet examen prouverait en même temps que la pensée authentique de l'Eglise, loin de s'asservir à la théorie d'un philosophe, celui-ci fût-il l'auteur génial de la Métaphysique et de l'Ethique à Nicomaque, l'a dominée au contraire. Si les Décrets du concile emploient, par exemple, les mots de substance, d'espèce, de matière et de forme, il serait aisé de montrer que ces mots y prennent un sens autonome, plus profond et plus précis que celui que la philosophie aristotélicienne leur avait donné, et que nulle part peut-être plus qu'à Trente, la philosophie n'a été, suivant la formule du Moyen-Age, l'humble servante de la théologie, ancilla theologiæ.