HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

TROISIÈME PARTIE. — LE SAINT EMPIRE ROMAIN

CHAPITRE III. — CHARLEMAGNE ET L'ÉGLISE.

 

 

Charlemagne a défini lui-même sa mission envers l'Église. Mon rôle, écrivait-il au pape Léon III[1], c'est, avec le secours de la bonté divine, de défendre la sainte Église du Christ contre les attaques des infidèles au dehors, et de la soutenir au dedans par la profession de la foi catholique. Cette phrase pourrait servir d'épigraphe à son règne.

 

I

Au dehors, Charlemagne a donné à l'Église la sécurité territoriale, politique et sociale, dont elle avait besoin pour remplir sa mission divine. Quand il monta sur le trône, on peut dire que, malgré les efforts persévérants de Pépin le Bref, le désordre et l'insécurité étaient partout. Les pirateries des Normands et les incursions des Saxons sur les frontières du nord, les mouvements incessants des peuples slaves et mongols du côté de l'est, les invasions sarrasines sur les côtes méridionales, mettaient à chaque instant en péril l'existence de quelque chrétienté. Les admirables campagnes de Charlemagne, couronnées par l'établissement de marches militaires  le long des frontières, rassurèrent bientôt l'Europe contre ces dangers. Mais les ferments d'anarchie, qui persistaient dans les institutions politiques et sociales, créaient d'autres obstacles à la vie chrétienne[2]. Le pouvoir des rois était mal défini ; en principe, rien ne le limitait[3]. Il est vrai que celui des assemblées, des seigneurs et des simples sujets n'était pas plus déterminé[4]. Le vieil esprit individualiste des peuples germains suscitait fréquemment des cabales et des révoltes. Des inégalités sociales, où la vieille distinction du romanus homo et du francus homo[5] se compliquait avec les titres et distinctions créés par la féodalité naissante[6], un enchevêtrement inextricable dans les droits de propriété[7], le chaos des lois et des coutumes : autant de nouvelles entraves à l'action de l'Église. Heureux encore quand les pouvoirs publics n'abusaient pas de leur puissance pour mettre le trouble dans sa hiérarchie[8].

Le clairvoyant et ferme génie de Charlemagne sut bientôt démêler tous ces maux, dont soutirait la société chrétienne et y apporter les remèdes convenables.

Un de ses premiers actes, après son élévation à la dignité impériale, fut de demander à tous ses sujets un nouveau serment de fidélité, non plus en qualité de roi, mais en qualité de César, comme il s'exprimait. Il expliqua lui-même que ce nouveau serment impliquait des devoirs plus étendus que ceux qu'on avait pu lui prêter auparavant : ce qu'on doit lui promettre, c'est, dit-il, avant tout, de vivre en bon chrétien[9]. Charlemagne qui, depuis longtemps, faisait ses lectures préférées dans la Cité de Dieu de saint Augustin et qui avait trouvé là l'idéal de son empire, pensait que la meilleure garantie d'un loyal et fidèle service envers son roi et son pays était un loyal et fidèle service envers son Dieu. On le vit toujours faire passer la réforme des mœurs avant la réforme des lois. Même lorsqu'il eut à réprimer une aristocratie remuante ou révoltée, il essaya, suivant les paroles d'un contemporain, de dompter les cœurs farouches par une terreur mesurée[10], tempérée de charité chrétienne. Il rendit plus fréquentes les assemblées nationales, auxquelles il convoqua le peuple entier[11]. Ce contact avec la nation fut un des principaux moyens de gouvernement employés par Charlemagne. C'est là qu'il tâtait l'opinion, qu'il se rendait compte de l'état d'esprit de son peuple. On le voyait, raconte son cousin Adalard, circuler de groupe en groupe, s'égayant avec la jeunesse, s'associant aux regrets des vieillards, parlant à tous avec une extrême affabilité[12]. Il n'existait aucune loi, dit Godefroid Kurth, qui fixât les limites du pouvoir, mais le pouvoir s'en fixa à lui-même qu'il sut respecter. Charlemagne ne voulut agir en toute chose qu'avec le consentement du peuple... Dans sa pensée, la loi ne devait être que le résultat d'un accord entre le souverain et les sujets et l'expression de leur volonté collective. C'est son esprit à lui qui a dicté à un de ses successeurs cette belle formule : lex consensu populi fit et constitutione regis[13]. En rapprochant cette parole si chrétienne de la célèbre définition du Digeste : quod principi placuit, legis habet vigorem[14], on peut se faire une idée des progrès réalisés par la liberté humaine, sous les auspices de l'Évangile, depuis les sombres jours où Ulpien codifiait à l'usage du despotisme les axiomes de la politique païenne[15].

C'est de ces assemblées que sortirent les célèbres Capitulaires de Charlemagne. Pour qui est habitué à la rigoureuse  systématisation des codes modernes, c'est, au premier abord, un amas informe de règlements, de conseils et de maximes, dont la prodigieuse diversité étonne. Mais il faut se souvenir que les contemporains trouvèrent dans ces lois la fin de bien des conflits, la solution de bien des problèmes d'ordre pratique. C'est par la multitude de ces décisions concrètes, visant les besoins de la vie journalière, que les mœurs chrétiennes se fixèrent dans la nation. Quand on se transporte dans le milieu social de cette époque, parmi ces guerriers germains, si prompts à transformer leurs discussions en luttes sanguinaires, si jaloux de ne laisser à personne le droit de venger une injure personnelle, on peut apprécier l'influence de l'Église, en voyant de tels hommes accepter, dans un champ de mai, l'interdiction absolue du port des armes[16], et acclamer cette maxime d'une inspiration si chrétienne : Nul ne sera mis à mort qu'en vertu de la loi[17].

On sait comment l'application de ces lois et règlements fut surveillée par des commissaires royaux appelés missi dominici.

 

II

Dans les capitulaires proprement dits, comme dans les instructions données aux missi, on peut trouver que l'empereur s'occupe beaucoup des affaires ecclésiastiques, qu'il surveille et censure trop la vie du clergé, qu'il règle les cérémonies du culte d'une façon parfois indiscrète. Mais, d'une manière générale, les clercs acceptèrent volontiers l'intervention de celui qui s'intitulait le défenseur et l'auxiliaire de la sainte Église dans tous ses besoins[18], et qui ne perdit jamais de vue le principe de l'indépendance du pouvoir spirituel. Alcuin, son conseiller, écrivait : Absolument distinctes sont la puissance temporelle et la spirituelle ; l'une porte à la main le glaive de la mort, l'autre a sur la langue les clefs de la vie ; aux prêtres de prêcher, aux autres d'écouter humblement et de suivre ; aux princes séculiers de vous défendre, à vous d'attirer sur eux les grâces de Dieu[19]. Charlemagne conforma généralement sa conduite à ces principes. Voulant attacher à sa personne, en qualité de chapelain, un évêque de son royaume, il ne le fit qu'après en avoir obtenu l'autorisation du pape Hadrien Ier[20]. Respectueux des franchises ecclésiastiques, jamais, dit Thomassin[21], il n'institua de nouveaux évêchés, ne transforma des évêchés en archevêchés, ne permit à un évêque d'exercer des fonctions pontificales en dehors de son diocèse, sans l'autorisation de l'évêque du lieu. Lui-même demandait des autorisations en pareil cas. Si ses discours au peuple ont parfois l'allure de vrais sermons, c'est que le grand politique pense que la paix sociale serait aux trois quarts résolue si chacun vivait en fidèle chrétien. Plusieurs de ses capitulaires se terminent par l'exhortation à la foi au Père Tout-Puissant, au Verbe Incarné, à l'Esprit illuminateur, à l'Église catholique. Mes bien-aimés frères, s'écrie-t-il à la grande assemblée d'Aix-la-Chapelle tenue en 802, mes bien-aimés frères, écoutez ! Nous avons été envoyé ici pour votre salut, afin de vous exhorter à suivre exactement la loi de Dieu et à vous convertir, dans la justice et la miséricorde, à l'obéissance aux lois de ce monde. Et, après avoir rappelé, dans un exposé rapide et clair, le sommaire de ce qu'il faut croire et pratiquer pour être sauvé, après avoir énuméré les principaux devoirs des pauvres et des riches, des évêques et abbés, des comtes et des ducs, il termine ainsi son discours : Cette vie est courte, et l'heure de la mort est incertaine... Seigneur, accordez-nous les prospérités de cette vie, et l'éternité de la vie future avec vos saints. Que Dieu vous garde, frères bien-aimés ![22]

Charlemagne s'attribuait, nous l'avons vu, une mission au-dedans de l'Eglise, mais il la comprenait comme une mission d'aide respectueuse et dévouée. Dans les capitulaires qu'il promulgue, dans les décisions des conciles qu'il a convoqués, dans les instructions qu'il donne à ses missi, Charlemagne a souvent à s'occuper de l'organisation intérieure de l'Église, de sa hiérarchie, de son culte, de ses biens, de ses œuvres d'assistance et d'éducation, et même de ses discussions théologiques. Il le fait, la plupart du temps, avec une discrétion admirable.

Il rend aux Papes les plus grands honneurs, s'incline devant leur souveraineté spirituelle et ne se reconnaît en matière de foi que le devoir de faire respecter celle qui vient de Rome. Il restitue la nomination des évêques à l'autorité ecclésiastique. N'ignorant pas les sacrés canons, dit-il en son Ier capitulaire de 803, et afin qu'au nom de Dieu la sainte Église jouisse librement de ses privilèges, nous avons donné notre assentiment à ce que les évêques soient élus, suivant les statuts canoniques, par le choix du clergé et du peuple, dans le diocèse même, sans aucune acception de personnes ni de présents, pour le seul mérite de leur vie et de leur sagesse, afin que, par leurs exemples et leurs discours, ils puissent diriger complètement ceux qui leur sont soumis[23]. Il est vrai que, même après ce décret, l'empereur ne se désintéresse pas du choix des évêques : l'élection a lieu devant un missus impérial et souvent celui-ci désigne un candidat au nom du souverain ; en tout cas, l'élu n'est jamais sacré qu'après l'approbation impériale[24]. Mais l'empereur abusera rarement de son influence pour se faire des créatures au détriment de la discipline ecclésiastique[25]. Aussi l'Église ne proteste-t-elle pas contre l'intervention de Charlemagne. Elle accepte même qu'il use de sa grande autorité pour corriger les abus qui se sont introduits dans le corps épiscopal. Nos missi, dit un capitulaire, doivent rechercher s'il s'élève quelque plainte contre un évêque, un abbé, une abbesse, un comte ou tout autre magistrat et nous en instruire. Un capitulaire de 812 ajoute que les évêques, abbés, comtes et que tous les puissants, s'ils ont entre eux quelques débats et ne se peuvent concilier, viennent en notre présence[26].

Les actes d'ingérence de Charlemagne dans les affaires ecclésiasti9ues, bien que provisoirement favorables aux intérêts de l'Eglise et, à ce titre, tacitement approuvés par celle-ci, lui ont été funestes, il faut l'avouer, par leurs conséquences. Ils créaient des précédents, dont des souverains, moins bien disposés envers la Papauté, devaient abuser. Louis XIV et Napoléon Ier invoqueront, pour justifier leur conduite, celle de Charlemagne.

Au-dessous du corps épiscopal est celui des simples prêtres. Ils vivent ordinairement en communauté, quelques-uns avec l'évêque, d'autres sous la conduite d'un ancien, dans un presbyterium[27]. Le nombre des paroisses rurales s'est multiplié et des paroisses urbaines se sont fondées[28]. Le chorévèque consacre les églises des campagnes les plus éloignées de la ville épiscopale, y confirme les enfants et les adultes, y réconcilie les pénitents[29]. Les paroisses rurales sont réparties en archidiaconés, gouvernés par des archidiacres et probablement déjà subdivisés en doyennés[30].

Trente-trois conciles s'occupent, d'accord avec Charlemagne, de la discipline du clergé. Ils rappellent aux prêtres l'obligation de donner au peuple des instructions simples et familières, de visiter les malades, de traiter paternellement les pénitents au confessionnal, de veiller au maintien de la pénitence publique, à l'exécution de laquelle, au besoin, les magistrats civils prêteront leur concours. L'empereur ne craint pas d'intervenir en personne, lorsqu'il le juge utile, pour rappeler aux clercs les obligations de leur état. Mais lors même qu'il s'adresse au clergé d'ordre inférieur, qui n'a pas d'autre prestige que celui de ses fonctions spirituelles, Charlemagne le fait avec une déférence religieuse : Mes frères et mes enfants, écrit-il en tête d'un capitulaire adressé aux prêtres de ses États[31], je recommande à votre attention ces quelques chapitres que j'ai fait rédiger. S'il s'agit de mesures graves à prendre, il consulte le Souverain Pontife. En 799, à propos d'une accusation portée contre des prêtres, il informe les évêques qu'il a consulté le Pape et qu'il se conformera aux décisions qui lui viendront de Rome[32].

La plus efficace de ces mesures de réforme fut la haute protection donnée par Charlemagne à la règle de saint Chrodegang. Issu d'une des plus nobles familles franques, qui devait plus tard s'allier aux Carolingiens, ancien chancelier de Charles-Martel, ancien ambassadeur de Pépin le Bref auprès d'Astolphe roi des Lombards, Chrodegang, évêque de Metz, avait réussi à grouper autour de sa cathédrale le clergé de sa ville épiscopale et à l'organiser en communauté religieuse. Récitation en commun de l'office divin, clôture de la demeure, repos dans le même dortoir, emploi du temps laissé libre par le ministère à l'étude et à l'enseignement, pratique en toutes choses de la sainte vertu d'humilité, telles furent les principales prescriptions de la Règle rédigée en trente-quatre chapitres par le saint réformateur de la vie cléricale au VIIIe siècle. On appela les clercs qui vivaient dans cette règle réguliers (canonici, chanoines)[33], et leur manière de vivre vita canonica.

Une telle institution attira vivement l'attention de Charlemagne. Il aurait désiré que tous les ecclésiastiques se fissent moines ou chanoines[34]. A l'exemple de saint Chrodegang, des évêques de France, d'Allemagne, d'Angleterre, d'Italie, instituèrent des chapitres de chanoines réguliers dans leurs cathédrales. La règle de saint Chrodegang, complétée par Amalaire, prêtre de Metz, fut approuvée et recommandée par le concile d'Aix-la-Chapelle en 816[35].

 

III

Plus encore que les chanoines, Charlemagne aima les moines. Éginhard raconte qu'il aurait désiré finir ses jours sous l'habit de saint Benoît. Il réalisa du moins l'heureuse pensée d'introduire la règle bénédictine dans tous les monastères de son empire. L'empereur fut moins bien inspiré quand il voulut pourvoir au gouvernement des abbayes dans un but politique. C'est ainsi qu'après sa victoire sur Tassilon, duc de Bavière, il confia à des évêques francs les abbayes bavaroises. On le vit distribuer à des amis, à des officiers qu'il voulait récompenser, de riches monastères. Alcuin eut pour sa part cinq abbayes[36].

Ces hommes de guerre, ces gens du monde, ne donnaient pas toujours aux moines des exemples conformes aux devoirs de leur saint état. Parmi ces moines, plusieurs étaient venus là pour échapper aux charges de la vie militaire et civile. Au diocèse d'Orléans, le saint évêque Théodulphe se lamentait de voir le monastère de Mici ou de Saint-Mesmin se dépeupler de vrais moines et se peupler de séculiers à la vie scandaleuse[37]. Les moines de l'Île-Barbe, près de Lyon, que le pieux archevêque Leidrade édifiait par sa science et par ses vertus, s'étaient laissé séduire par les erreurs de l'Espagnol Félix d'Urgel sur la divinité de Jésus-Christ[38]. Ceux de Saint-Denis, près de Paris, avaient quitté l'habit monastique et adopté la règle des chanoines, la trouvant plus commode[39]. Dans son précieux ouvrage, De laudibus virginitatis, saint Adhelme fait un portrait peu flatteur de la vie d'une abbesse de son temps[40]. Un capitulaire de Charlemagne, publié en 789, fait allusion à de plus graves abus : vocations forcées ou insuffisamment éprouvées, vagabondage des moines, avarice des cellériers, etc.[41] De tels désordres ne pouvaient être efficacement réprimés par des sanctions disciplinaires ; une réforme intérieure était seule capable d'en triompher.

C'est de l'entourage même de Charlemagne, du sein de sa remuante noblesse, que devait surgir le réformateur.

Il y avait alors, parmi les grands dont Charlemagne avait fait ses familiers, un jeune seigneur, descendant des nobles comtes de Maguelonne. Il s'appelait Benoît Witizza et remplissait auprès de l'empereur les fonctions d'échanson. Brave à la guerre, brillant à la cour, il était l'espoir des armées et l'ornement de l'académie palatine. Un événement providentiel vint tout à coup changer l'orientation de sa vie. En 774, pendant la campagne de Lombardie, un de ses frères, soldat comme lui, ayant voulu imprudemment traverser un fleuve, fut entraîné par les eaux. Benoît, voyant le danger, lance son cheval dans le courant, et arrache son frère à la mort. Mais il venait de courir lui-même le plus grand péril. Emporté à son tour, submergé, se voyant près de mourir, la vanité des choses terrestres lui était tout à coup apparue, et il avait promis à Dieu, s'il était sauvé, de se consacrer à Lui dans la vie monastique. Il tint parole. A partir de ce moment, ses austérités tiennent du prodige. Elles nous ont été racontées par son fidèle disciple et successeur, Smaragde, qui a tracé un vivant portrait de cette mâle figure, digne d'être placée entre celle de saint Benoît de Nursie et celle de saint Bernard. Nous nous contenterons de traduire quelques passages de ce récit. Il y avait alors, dit le biographe, un saint religieux, nommé Vidmare, qui était privé de la lumière du jour, mais qui resplendissait de celle du cœur. Benoît lui confia son secret et reçut de lui des conseils salutaires. Il se mit en voyage avec ses gens, comme s'il voulait retourner à Aix-la-Chapelle, mais arrivé au monastère de Saint-Seine, il congédia sa suite et entra dans le cloître pour y servir Jésus-Christ. On lui coupa les cheveux et on le revêtit de l'habit monastique. Alors, pendant deux ans et demi, le nouveau moine se mit à macérer son corps par des jeûnes effroyables. Il luttait contre sa chair comme contre une bête féroce... Il dormait sur un grabat. Parfois, épuisé, il s'étendait sur la terre nue, repos qui devait le fatiguer davantage... Pendant que ses frères dormaient, il allait tout doucement nettoyer leurs chaussures et les remettait à leur place... Ses longs jeûnes l'avaient rendu pâle et maigre ; sa peau touchait à ses os ou pendait ridée comme le fanon des bœufs... Il était doux et bon envers tous ; il avait le don des larmes ; il s'empressait auprès des voyageurs, des enfants et des pauvres. L'abbé du monastère étant mort, les moines élurent Benoît à l'unanimité. Mais lui, redoutant cet honneur, regagna son pays, et là, dans ses biens, sur les bords du ruisseau d'Aniane, se construisit une demeure étroite avec Vidmare, le saint aveugle.

Or, voici que l'on accourut autour de lui, pour partager sa vie sainte. De nouveau, l'humble moine s'effraya. Il voulut encore fuir, mais Vidmare l'en détourna en le grondant. Le nombre de ses disciples augmenta. La vallée devint trop petite ; on fut obligé de bâtir un monastère non loin de là. Lui-même y travaillait avec ses frères ; d'autres fois il préparait leur manger. Entre temps, il écrivait des livres. Faute de bœufs, les moines furent souvent obligés de porter sur leurs épaules du bois de construction. Des serfs se présentaient pour se joindre aux travailleurs, mais le saint abbé refusait de les prendre à son service et ordonnait qu'on les mît en liberté. Cependant, les novices affluaient, et la vie des frères était un perpétuel amour[42].

On ne pourrait qu'affaiblir par des commentaires les fortes teintes et les grâces naïves de ce tableau. Bientôt Benoît, le saint abbé d'Aniane, devint célèbre. Le bruit de sa renommée arriva aux oreilles de l'empereur, qui le fit venir auprès de sa personne, profita de ses sages conseils et l'envoya, en 799, combattre en Espagne l'hérésie de l'adoptianisme. Plusieurs évêques, également touchés de sa réputation de sainteté, lui demandèrent des moines pour servir d'exemple dans leurs monastères. Il en envoya vingt à Leidrade, archevêque de Lyon, pour réformer le monastère de l'Ile-Barbe. Théodulphe, évêque d'Orléans, obtint de lui quatre moines, qui rendirent à l'abbaye de Saint-Mesmin son ancienne renommée. Alcuin, qui s'était lié d'amitié avec saint Benoît d'Aniane, fonda, avec vingt de ses disciples, l'abbaye de Cormery, en Touraine. Pour assurer les fruits de son œuvre, Benoît rédigea le Codex Regularum, ou Concordantia regularum[43], recueil composé de la règle primitive de saint Benoît et des diverses règles données aux monastères depuis les origines de la vie monastique. La Concordantia regularum devint plus tard aussi célèbre que la règle première de saint Benoît. Louis le Débonnaire appela saint Benoît d'Aniane au concile d'Aix-la-Chapelle et le chargea de visiter tous les monastères de son empire. Son œuvre s'étendit ainsi à la plupart des abbayes d'Occident.

Une des plus illustres colonies d'Aniane fut le monastère de Gellonne où de Saint-Guillaume du Désert, fondé par le fameux Guillaume d'Aquitaine, le vainqueur des Sarrasins, l'ami et, dit-on, le parent de Charlemagne. Quand le vaillant capitaine, touché de la grâce, annonça à son souverain qu'il allait lui-même finir ses jours dans la paix du cloître, l'empereur se jeta à son cou en fondant en larmes. Mais le duo resta fidèle à l'appel divin, et se retira à Gellonne, où il édifia tous les moines par son esprit de pauvreté et d'humilité[44]. La noblesse franque, à qui incombait une grande part de responsabilité dans la décadence de la vie monastique, avait une dette à payer à l'Église : Benoît d'Aniane et Guillaume d'Aquitaine la payèrent noblement.

 

IV

Les hauts dignitaires ecclésiastiques devenaient de plus en plus de vrais seigneurs eux-mêmes. Au VIIIe siècle, évêques et abbés administrent des biens considérables, que les prémices, les dîmes, diverses redevances établies par l'usage et surtout les dons spontanés des fidèles ont mis entre leurs mains. Charlemagne croit devoir réglementer les sources de ces biens, leur administration et les droits qui en dérivent. Il laisse tomber d'elle-même l'antique coutume des prémices, offrandes en nature que font les fidèles à l'offertoire. Cette institution est en pleine décadence au IXe siècle[45]. Mais il règle la perception et la répartition des dîmes et les impose aux nouveaux convertis. Il déclare que, suivant un décret du Pape Gélase, le produit en sera réparti, par portions égales, entre l'évêque, les prêtres, les fabriques de chaque diocèse et les pauvres. Il laisse subsister la pratique des oblations des fidèles faites à propos des funérailles, des ordinations et des messes. A propos des funérailles, Hincmar de Reims défendra au clergé de rien exiger, mais leur permettra d'accepter une libre offrande. L'attention de Charlemagne se porte surtout sur la quatrième source des biens d'église, les dons et legs des fidèles. Avec une sollicitude pleine d'équité, il veille à ce que les personnes pieuses ne fassent pas de libéralités excessives au préjudice de leurs héritiers, et défend sévèrement d'autre part aux ecclésiastiques de détourner les biens de l'Église de leur destination primitive au profit de leurs familles. Il organise avec un soin particulier deux formes spéciales des dons faits aux églises : le bénéfice royal et le précaire.

Les rois mérovingiens avaient souvent concédé aux églises des biens en pleine propriété ; Charlemagne préfère les leur donner à titre de bénéfice, c'est-à-dire avec défense d'aliéner, de disposer, de transmettre sans contrôle. Sous les derniers Mérovingiens, de simples particuliers, gênés dans leurs affaires ou menacés par les invasions, avaient donné la nue propriété de leurs biens à de puissants protecteurs, en s'en réservant l'usufruit à titre de précaire ; sous Charlemagne, ces contrats de précaire sont souvent faits au profit des églises, dont les chefs se montrent particulièrement paternels et généreux. Des églises pauvres avaient constitué des précaires à des seigneurs puissants ; Charles veut empêcher l'aliénation des biens d'église sous cette forme et interdit les contrats de ce genre. Le précaire prenait parfois une autre forme. Un particulier demandait à un évêque ou à un abbé une terre à mettre en culture ; à sa mort, ou bien après dix, vingt ans, suivant les termes du contrat, la terre revenait à l'Église[46]. Des biens considérables sont ainsi acquis par l'Église. Certains prélats, tels que Leidrade, archevêque de Lyon, ont en bénéfices plusieurs abbayes ; Théodulphe, évêque d'Orléans, possède les abbayes de Fleury et de Saint-Benoît-sur-Loire ; Alcuin, simple clerc, reçoit de Charlemagne les abbayes de Ferrières, de Saint-Loup de Troyes, de Saint-Martin de Tours et de Saint-Josse, dans le comté de Ponthieu ; Éginhard est abbé de Saint-Pierre de Gand, de Saint-Servais de Maëstricht et de Fontenelle. On a calculé qu'au Ir siècle le tiers du territoire est bien d'église[47].

Mais n'oublions pas que ces biens sont sacrés par leur destination comme par leur origine. Ce sont les biens des pauvres, res pauperum. Nous savons, dit un capitulaire de Charlemagne, que, suivant la tradition des Saints Pères, les biens d'église, dons de la piété des fidèles et prix de la rédemption de leurs péchés, sont les patrimoines des pauvres. Nous statuons donc que jamais, ni sous notre règne, ni sous celui de nos successeurs, il ne sera permis de rien soustraire, de rien aliéner de ces biens sacrés[48]. Des lois ecclésiastiques règlent l'emploi des revenus d'église. Un concile d'Aix-la-Chapelle, tenu en 816, porte qu'un hôpital sera fondé à côté de chaque monastère, et qu'on y préposera un homme à qui l'avarice soit odieuse et chère l'hospitalité, capable de faire donner aux pauvres tous les soins et tous les soulagements dont ils ont besoin[49]. Charlemagne rappelle, à plusieurs reprises, aux prêtres et aux moines, l'obligation qu'ils ont de nourrir les pauvres et..es voyageurs et de les admettre à leur table[50] ; le crime qu'ils commettraient en dilapidant les biens d'église, serait un crime abominable, car celui qui ne nourrit pas le pauvre est son meurtrier[51].

Ces immenses propriétés des évêchés et des abbayes ne sont pas seulement, aux VIIIe et ixe siècles, de grands établissements d'assistance publique ; elles stimulent l'agriculture par les contrats de précaires et les baux emphytéotiques perpétuels consentis aux ouvriers des champs[52]. Elles encouragent aussi puissamment l'industrie. L'industrie, dit M. Kleinclausz, prospère surtout dans les abbayes. A Saint-Pierre de Corbie, sous l'administration d'Adalard, plusieurs chambres sont occupées par différents ouvriers ; dans la première il y a trois cordonniers, deux selliers, un foulon ; dans la seconde, six forgerons, deux orfèvres, deux cordonniers, un armurier, un parcherninier ; dans les autres, des maçons, des charpentiers, etc. Ces ateliers furent d'abord situés à l'intérieur des monastères, et ils fournissaient seulement ce qui était nécessaire aux besoins de ceux qui les habitaient. Mais bientôt les abbés s'aperçoivent des profits qu'ils peuvent tirer d'une production supérieure à la consommation faite dans leurs maisons, et ils organisent en dehors de l'enceinte de véritables bourgs industriels. Le plus ancien, à notre connaissance, est celui de Saint-Riquier, dont les forgerons avaient acquis, dès la fin du Ville siècle, une grande réputation. En 831, il est divisé en onze quartiers, dont chacun est habité par les ouvriers d'une même profession. Certaines agglomérations comptèrent plusieurs milliers d'âmes, et, parmi nos villes, plusieurs doivent leur origine à cette intéressante évolution. Les artisans sont groupés en corporations ; l'existence de communautés appelées gildes (geldoniæ) ou confréries (confratriæ) est prouvée par plusieurs capitulaires et par les décrets des conciles. Elles sont des institutions charitables et des sociétés d'assurance mutuelle : leurs membres s'engagent par serment à faire des aumônes et à s'entraider, dans le cas de perte de leurs biens par naufrage ou par incendie ; chacune d'elles a son jour de fête[53].

Les transactions commerciales ne sont pas moins favorisées par les abbayes, par le mouvement de population dont ces maisons sont le centre, et par les fêtes qui s'y célèbrent. Dans le voisinage des villes, des abbayes et des villas importantes, se tiennent des marchés publics (mercata publica), n'importe quel jour, sauf le dimanche. Les foires coïncident avec les pèlerinages les plus célèbres, et commencent en même temps que la fête du saint. Il n'est pas encore question de celles de Champagne et de Flandre ; mais la foire de Saint-Denis, confirmée par une charte de Pépin du 3 octobre 759, est florissante. On l'appelle forum indictum, d'où est venu le mot lendit. Sa durée est de quatre semaines pour permettre aux marchands d'Espagne, de Provence, de Lombardie et d'autres régions d'y assister... Les pèlerins anglo-saxons qui traversaient la France sous la protection de l'empereur furent d'utiles agents commerciaux. Les principaux ports par lesquels ils passaient étaient Gand, Duerstade, l'Écluse, Boulogne, dont le phare éclairait au loin les navigateurs, et surtout Quentovic, qui est aujourd'hui ou Etaples, sur l'Estuaire de la Canche, ou Saint-Josse-sur-Mer. Un bureau de douanes, centralisant les sommes reçues dans les divers ports et cités maritimes, y était installé sous la direction de Gervold, abbé de Saint-Wandrille[54].

Parmi les bienfaits que le peuple retira de ces grands patrimoines du clergé, il faut aussi mentionner ceux qui résultaient du droit d'asile et de la juridiction ecclésiastique.

De tous les privilèges que les rois mérovingiens avaient accordés aux biens d'église, le principal était l'immunité. L'immunité n'était pas seulement la dispense, partielle ou totale, des obligations fiscales et du service militaire ; c'était aussi le droit de rendre la justice sur les terres ecclésiastiques[55]. Charlemagne généralise ce qui, sous les Mérovingiens, avait été concédé à titre exceptionnel ; il prend l'habitude d'ajouter à toute donation faite aux églises le privilège de l'immunité. La première conséquence de cette coutume est l'extension du droit d'asile. De tout temps les accusés réfugiés dans les temples avaient été reconnus inviolables ; désormais devant toute terre d'évêché ou d'abbaye, doublement sacrée par la sainteté de sa destination et par l'immunité impériale, la justice laïque s'arrête. Les pauvres gens poursuivis y affluent. Ce droit d'asile est d'abord un frein salutaire à bien des violences trop promptes ; il devient bientôt un abus. Charlemagne y remédie. Il restreint le droit d'asile à l'église seule et à ses dépendances ; il décide que le criminel réfugié sur les terres ecclésiastiques pourra en être expulsé, que le comte laïque aura le droit de venir l'arrêter et que l'évêque qui s'y opposerait sera soumis à une amende[56]. Il déclare les homicides indignes de ce bénéfice et ordonne qu'on les force à sortir des églises mêmes, en leur refusant des vivres. L'asile arrachait à la mort l'accusé, mais ne l'exemptait ni de la pénitence canonique ni de la juridiction épiscopale. Le but de Charlemagne parait avoir été de faire contrôler et adoucir par la justice des évêques la justice trop dure et trop passionnée des comtes laïques[57]. Ce but fut en partie atteint par le droit d'asile tel qu'il le régla ; il le fut surtout par l'ampleur qu'il donna à la compétence de la juridiction épiscopale. Par suite d'une coutume féodale qui s'introduisait à cette époque, le droit de juger devenait inhérent à la propriété foncière. A ce seul titre les évêques[58] pouvaient prétendre à un droit de justice sur leurs terres ; Charlemagne ratifie et élargit cette juridiction. Il l'étend jusqu'aux crimes entraînant la peine capitale. Les évêques avaient dû s'entourer d'officiers de police et de sortes de juges auxiliaires, qu'on appelait judices privati, villici, advocati ; Charlemagne s'empresse d'utiliser ce personnel, en qui il trouve des garanties de science et d'équité et à qui les plaideurs et les accusés donnent volontiers leur confiance ; les advocati des églises pourront tenir un plaid annuel et y rendre la justice, assistés de notables appelés bons hommes, boni homines[59]. Ainsi, dit Thomassin, les évêques et les autres ecclésiastiques ayant la plus grande autorité dans les cours de justice... la douceur et l'humanité des lois ecclésiastiques l'emporta sur la rigueur des lois civiles, et au lieu de supplices sanglants on commença à n'imposer que des peines salutaires[60].

 

V

Sur la terre ecclésiastique, les deux foyers principaux de la civilisation sont l'école et l'église. En 789, Charlemagne, renouvelant une prescription d'un concile de Vaison tenu en 529, ordonne aux prêtres de tenir une école dans leurs paroisses, de l'ouvrir non seulement aux enfants des serfs, mais aussi aux enfants des hommes libres, et de leur apprendre le psautier, le chant, le comput et la grammaire[61]. Au-dessus de ces écoles paroissiales, qui se multiplient assez irrégulièrement, assez nombreuses dans certains diocèses, presque nulles dans d'autres, sont les écoles épiscopales et les écoles monastiques, où, jusqu'au concile d'Aix-la-Chapelle tenu en 817, on admet les étrangers à participer à l'instruction donnée aux novices. A partir de 817, il y a deux sortes d'écoles monastiques, les unes intérieures, réservées aux novices et aux oblats, les autres extérieures, pour les clercs et les laïques[62]. Les plus célèbres parmi les écoles épiscopales et monastiques sont celles que dirigent Théodulphe à Orléans, Leidrade à Lyon, Gewold à Saint-Vandrille, Angilbert à Saint-Riquier, saint Benoît à Aniane. On connaît la célèbre école palatine, où se rencontraient, à côté des membres de la famille de Charlemagne, les hommes les plus célèbres de l'époque. Ces écoles possèdent une grande quantité de livres. Il est prouvé que sous Charlemagne, les bibliothèques contenaient beaucoup d'ouvrages de l'antiquité classique[63]. Charlemagne veut fonder une nouvelle Athènes, plus belle que l'ancienne, l'Athènes du Christ.

L'âme de tout ce mouvement de réforme scolaire est un clerc d'Angleterre, Alcuin, que Charlemagne a rencontré à Parme en 781 et attaché à sa personne. Né à York en 735, il avait fait ses études à l'école épiscopale au temps d'Egbert, disciple de Bède le Vénérable. Il apporta aux écoles gauloises les traditions et les méthodes éprouvées des écoles anglaises. Alcuin n'est pas, à proprement parler, un littérateur, ni un philosophe, ni un savant, ni, à aucun point de vue, un esprit original. C'est un pédagogue, mais un pédagogue qui sait admirablement s'adapter à son époque et à ses élèves, dont le premier est Charlemagne lui-même. Comme on l'a dit fort justement, il devance en toutes choses son époque, sans jamais s'en séparer[64]. Sa méthode consiste à donner à ces esprits curieux, mais peu familiarisés avec le travail intellectuel, une foule d'idées, de faits, d'aperçus, et de les expliquer d'une manière claire, brève, facile à retenir, dût-on pour y réussir employer une forme paradoxale, énigmatique ou pédantesque. On a donné à ce mouvement le nom de Renaissance. C'est surtout une Renaissance grammaticale. Les esprits sont encore si peu préparés aux spéculations philosophiques ! D'ailleurs aurait-on le moyen de les faire ? Il est probable qu'Alcuin ne savait pas le grec ou ne le savait que très peu. On ne connaissait Aristote que par la traduction de Boèce et il n'est pas sûr que Boèce ait connu tout Aristote. En tout cas on ne paraît pas s'être assimilé sa philosophie. Mais on se passionne pour saint Augustin. C'est par l'étude de ce grand docteur que la réflexion métaphysique s'éveillera. L'histoire est un genre plus accessible ; Éginhard, ancien élève de l'abbaye de Fulda, s'y distinguera par sa Vie de Charlemagne.

Mais pour Alcuin, comme pour Charlemagne, l'école ne doit être que le vestibule de l'église. C'est dans les églises, c'est par les sermons qu'on y entendra, c'est par les cérémonies liturgiques qui s'y accompliront, par les peintures et les sculptures qu'on y contemplera, que se fera l'éducation complète des esprits et des cœurs. Charlemagne construit, répare, orne, relève de leurs ruines un grand nombre d'églises. L'architecture religieuse n'a pas de style propre qui la caractérise à cette époque. L'église carolingienne marque la transition entre l'antique basilique, soit romaine, soit byzantine, et l'église romane. Sur un plan rectangulaire ou en forme de croix, rarement circulaire ou polygonal, on élève un édifice à fenêtres cintrées, qu'on embellira souvent d'ornements byzantins On conserve et on développe la tour-lanterne de l'époque des églises purement mérovingienne, et on y suspend les cloches, dont l'usage est emprunté à l'Italie. Les fenêtres restent béantes, ou fermées par des claires-voies de pierre ou de bois, comme à l'église Saint-Germain-des-Prés de Paris. Les vitraux mettront bientôt un ornement nouveau et original à ces ouvertures[65]. A l'intérieur, le maître-autel s'avance jusqu'au milieu du chœur et s'entoure d'autres autels adossés aux pilastres.

On ne conçoit plus une église sans relique. Un concile tenu en 816 ordonne de déposer dans les églises, à défaut de reliques, une hostie consacrée[66]. La fusion est désormais opérée entre l'église cémétériale des premiers siècles, bâtie sur le tombeau d'un martyr pour l'honorer, et l'église lieu de culte, construite pour les besoins des fidèles, On a pris l'habitude de faire dans les églises cémétériales des assemblées régulières, et de ne plus consacrer d'église pour les besoins du culte sans y déposer un souvenir quelconque d'un martyr ou de Notre-Seigneur, fût-ce un fragment d'évangile ou la sainte Eucharistie.

 

VI

Origines du Dans ces églises, où une foule respectueuse et familière va et vient, s'installe pour prier ou pour causer, et parfois, malgré les canons, pour vendre ses marchandises, officient et prêchent des clercs, dont le costume journalier se distingue maintenant tout à fait de celui des laïques. On ne peut plus dire, comme au temps de saint Jérôme, que devenir prêtre c'est changer de mœurs et non d'habits[67]. La tunique et la toge romaine, portées avec modestie, pouvaient convenir à la gravité des clercs des premiers siècles. Il n'en était plus ainsi du costume des Francs, qui consistait en un justaucorps de laine ou de. fourrure, une culotte d'étoffe ou de cuir et une tunique à manches courtes et serrées, par-dessus laquelle on jetait le sagum ou la saie, court manteau retenu par une agrafe. Déjà saint Boniface avait interdit aux ecclésiastiques le port du sagum, vêtement de guerre[68]. Il fallut, au milieu du IXe siècle, en 844, des décisions de conciles pour forcer les prêtres et les moines à se tondre, au lieu de porter la longue chevelure, signe de noblesse chez les Francs. Certains clercs de la Gaule narbonnaise et viennoise avaient pris le manteau noir d'étoile grossière et la ceinture de corde des moines d'Orient. Le pane saint Célestin les en avait repris, leur conseillant plutôt la toge romaine, que commençaient à porter les clercs les plus graves dans les pays francs. Finalement le costume des clercs, à l'époque de Charlemagne, paraît avoir consisté en quatre pièces principales : la soutane, qui rappelait à la fois la vestis talaris dont se revêtait le prêtre dans les offices sacrés et le costume des jeunes filles gauloises[69] ; l'aube, dont parle Alcuin dans son De officiis divinis et qui était portée hors de l'église comme dans l'église[70] ; le manteau, appelé aussi chasuble ou chape, casula, qui couvrait tout le corps et que les conciles s'appliquèrent à substituer au sagum[71] ; enfin, sur la tête et les épaules, le camail au capuchon pointu, qui paraît avoir été emprunté, au moins quant à la forme, soit à l'habit des guerriers, qui se servaient du camail comme d'une arme défensive[72], soit au costume des clercs d'Orient[73].

Les principales fonctions du prêtre sont l'administration des sacrements, les cérémonies liturgiques et la prédication. Dans chacune de ces fonctions des modifications importantes se produisent à l'époque carolingienne.

Jusqu'au VIIIe siècle le baptême s'était administré, en Occident comme en Orient, par immersion, sinon totale, au moins partielle, accompagnée d'infusion. La cérémonie se faisait soit dans les fleuves, soit dans les baptistères. On voit maintenant des prêtres se contenter d'une simple infusion ; l'immersion partielle est de plus en plus abandonnée ; il n'est plus question d'immersion totale[74]. Au lieu des baptistères antiques, on élève dans les églises des fonts baptismaux ou putei sacri.

La pénitence publique des temps antiques disparaît à son tour. Les esprits conservateurs, tels qu'Hincmar de Reims, protesteront, non sans motifs, contre l'esprit de relâchement qui la fait abandonner, disent-ils. Mais leur protestation n'est point appuyée officiellement par l'Église, et, peu à peu, le mouvement qu'ils déplorent aboutira à la suppression définitive de la pénitence publique. Ces conservateurs sont plus complètement dans le vrai quand ils s'élèvent avec force contre l'abus qui est fait, à propos du sacrement de pénitence, des livres pénitentiels. La coutume germanique du Wergeld, ou composition pécuniaire, avait donné à quelques-uns l'idée de tarifer les pénitences canoniques imposées à certains péchés. Dès lors, l'usage s'était introduit d'éviter la pénitence en payant la somme portée au tarif. L'Église hiérarchique protesta. Les conciles de Cloveshoë en 747, de Châlon-sur-Saône en 813 et de Mayence en 847 ordonnèrent même la destruction des livres pénitentiels[75].

Une évolution analogue se produit dans l'administration du sacrement de l'Eucharistie. Dans les antiques basiliques, des messes publiques solennelles étaient seules célébrées. Tandis qu'en Orient cet usage persiste, voici qu'en Occident des prêtres, de plus en plus nombreux, célèbrent à toute heure de la matinée, en dehors de toute préoccupation d'assistance, des mesc.es privées. A ce spectacle, plus d'un fidèle s'étonne, plus d'un évêque promulgue des prohibitions, tenant pour essentielle la participation du peuple au sacrifice. Mais la coutume des messes privées, tolérée par l'Église, se propage. En même temps, malgré les protestations des orientaux, l'usage du pain azyme pour les hosties se généralise ; un cérémonial spécial se fixe pour la messe des morts ; on communie encore sous les deux espèces, en prenant le Précieux-Sang au moyen d'un chalumeau, mais les inconvénients de cette pratique font prévoir qu'elle sera un jour abolie.

La législation canonique du mariage se précise, dans le sens d'une affirmation plus nette de son indissolubilité, mais au milieu de combien d'obstacles de la part de la société barbare ! La plupart des vieilles lois franques, visigothes, burgondes, admettaient le divorce[76]. Le célèbre formulaire de Marculfe, découvert en 1613 par Jérôme Bignon, donne, au milieu du vile siècle, une formule de divorce par consentement mutuel[77]. Un siècle plus tard, les conciles particuliers ou plutôt les diètes de Verberie en 753 et de Compiègne en 756 ou 758, présidées par le roi Pépin, et où l'élément laïque est mêlé à l'élément ecclésiastique, semblent bien, en cas d'adultère incestueux, permettre à l'époux innocent de se remarier du vivant de son conjoint[78]. Mais, conformément aux plus anciennes traditions, les organes les plus authentiques de l'Église ne cessent de proclamer l'indissolubilité absolue du lien conjugal[79]. Un capitulaire de Charlemagne, publié en 789, défend au mari et à la femme, bien que séparés l'un de l'autre, de contracter un nouveau mariage[80]. Un autre capitulaire, de 802, renouvelant une loi de Pépin, de 755, décide que tous les mariages se contracteront publiquement, après une enquête sérieuse sur les degrés de consanguinité des futurs époux[81].

Charlemagne se préoccupe avec zèle du plain-chant et de la liturgie. Il appelle des chantres de Rome pour introduire en Germanie les traditions grégoriennes. Les premières orgues, présent de la cour de Constantinople à Pépin le Bref, avaient été apportées en France au milieu du VIIIe siècle ; Charlemagne en fait construire pour la cathédrale d'Aix-la-Chapelle, et le nouvel instrument est pour beaucoup dans la splendeur liturgique des fêtes chrétiennes. Celles-ci se multiplient. Le grand développement du culte des saints, qui a sa justification théologique dans le dogme de la communion des saints, s'explique en outre à cette époque par le besoin de combattre les nombreuses superstitions locales et les fêtes païennes. Les sanctuaires de Saint-Martin de Tours, de Saint-Denis, de Saint-Rémi, de Saint-Jacques de Compostelle sont les buts de nombreux pèlerinages. L'Église et l'empereur sont même obligés de mettre un frein à l'enthousiasme populaire. De nouveaux saints, canonisés par la voix de leurs  concitoyens, surgissent de toutes parts, leurs statues s'élèvent partout sur les voies publiques, leurs vertus et leurs miracles sont célébrés dans des récits hyperboliques. Dans un capitulaire de 794, Charlemagne, d'accord avec l'épiscopat, défend d'honorer de nouveaux saints, de leur élever des monuments le long des rues, à moins qu'ils ne soient tout particulièrement connus par leurs souffrances ou leurs vertus[82]. Quelques années plus tard, ce capitulaire ayant été sans doute inefficace, l'empereur décrète qu'aucun nouveau saint ne sera honoré, sans l'approbation de l'évêque, et sauf le respect dû à tous les canons de l'Église[83].

On sait quel fut le succès de l'œuvre de réforme liturgique commencée sous les auspices de Pépin, continuée par Charlemagne et complétée pal Louis le Débonnaire. Elle s'imposa à l'Église presque entière. Voici comment, d'après Mgr Duchesne, le fait se produisit. Les personnes que les rois francs, Pépin, Charlemagne et Louis le Pieux, chargèrent d'assurer l'exécution de la réforme liturgique, ne se crurent pas interdit de compléter les livres romains et même de les combiner avec ce qui, dans la liturgie gallicane, leur parut bon à conserver. De là naquit une liturgie quelque peu composite, qui, propagée de la chapelle impériale dans toutes les églises de l'empire franc, trouva le chemin de Rome et y supplanta peu à peu l'ancien usage[84]. Milan paraît seul avoir échappé à la réforme carolingienne.

On a légitimement fait honneur a Charlemagne de la réforme opérée au IXe siècle dans la prédication. Le clergé, recruté en majorité parmi les barbares, n'est pas encore assez instruit pour suffire par lui-même aux exigences de la prédication journalière. Il a besoin d'emprunter et d'apprendre par cœur des sermons tout faits. Par les ordres de Charlemagne, Alcuin, Paul Diacre, Florus de Lyon et plusieurs autres composent des recueils d'homélies, dans lesquels ils ajoutent aux œuvres des Pères quelques compositions plus modernes. L'empereur fait répandre ces recueils dans les différents diocèses de son empire. Ces collections ont l'avantage de ramener les prédicateurs à l'imitation des modèles de l'antiquité[85]. D'autre part, le peuple a besoin qu'on lui parle en sa langue usuelle, qui est le roman ou le francique. On continue à précher en latin devant les clercs, mais on emploie la langue francique ou romane devant les simples fidèles[86]. D'une chaire élevée de plusieurs degrés, et non plus in plano comme dans les premiers siècles, l'orateur donne au peuple, tantôt l'homélie familière, tantôt le discours solennel. Une phase nouvelle s'ouvre dans l'histoire de la prédication populaire.

 

VII

Parfois le ton de ces prédicateurs populaires doit s'élever à des considérations théologiques. Le moment n'est pas encore venu où Hincmar, Gottescalc et Scot Érigène soulèveront les problèmes les plus ardus relatifs à la présence réelle et à la prédestination. Mais, dès le règne de Charlemagne, trois questions d'ordre théologique préoccupent les esprits : celle du culte dû aux images, celle de l'adoptianisme et celle de la procession du Saint-Esprit ou du Filioque.

Nous avons vu comment les attentats de Léon l'Isaurien contre le Pape pendant la querelle iconoclaste avaient eu pour résultat direct la rupture de la Papauté avec Constantinople et son alliance avec les Francs. La persécution, quelque temps suspendue, s'était ravivée en Orient sous Constantin V Copronyme. En 754, un conciliabule de 338 évêques iconoclastes, presque tous du patriarcat de Constantinople, avait proscrit de nouveau toute image, et promulgué, contre quiconque ferait, vénérerait, exposerait ou décèlerait la moindre icone, la peine de la déposition pour les clercs et de l'excommunication pour les laïques, sans préjudice des poursuites du bras séculier[87]. Celui-ci n'avait pas tardé à sévir. Avec une brutalité sauvage, le Copronyme, non content de brûler les images et de jeter les reliques à la mer, avait saccagé les églises, détruisant les unes de fond en comble, transformant les autres en casernes et en écuries, déclarant surtout une guerre sans merci à ceux qu'il n'appelait que les abominables, c'est-à-dire aux moines. Plusieurs de ceux-ci avaient payé de leur vie leur fidélité à la tradition catholique. Cependant, hors de l'empire, les trois patriarches d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem protestaient contre ces violences, et montaient en chaire pour anathématiser l'hérésie des Byzantins[88] ; le pape Étienne III, dans un concile tenu à Rome, condamnait les doctrines du conciliabule iconoclaste[89] ; finalement, en 787, à la demande de l'impératrice régente Irène, et du patriarche saint Taraise, le pape Hadrien Ier approuvait la réunion d'un concile général. Trois cent cinquante évêques, tous de l'empire byzantin, réunis à Nicée, sous la présidence des légats du Pape, condamnèrent une fois de plus l'hérésie iconoclaste. Ils distinguèrent nettement toutefois la vénération des images, προσκύνησις, qu'ils déclarèrent permise, de l'adoration, λατρεία, qu'ils proscrivirent absolument[90].

La distinction n'était pas superflue. Plus d'un oriental avait pu tomber dans des excès blâmables en rendant un culte aux icones vénérées. Par suite d'une liturgie singulièrement expressive qui multipliait les prostrations devant les objets du culte, et en vertu d'une tendance métaphysique qui les portait à voir dans les saintes images une puissance mystérieuse, quelques orientaux avaient pu donner l'impression d'une adoration proprement dite là où une simple vénération convenait, et donner ainsi prise au surnom qui leur fut donné d'adorateurs d'images. De là, la réaction violente des briseurs d'images, que le contact des musulmans, ennemis de toute représentation de la Divinité, avait pu exciter, ou que le désir de rendre le christianisme plus acceptable à leurs voisins infidèles avait pu encourager.

Mais c'était là des conditions spéciales, faites par les mœurs orientales. Comment la querelle iconoclaste put-elle, après la décision si nette du second concile de Nicée, se renouveler en Occident, y déterminer la tenue de divers conciles, l'intervention de Charlemagne et le scandale de luttes violentes ?

Ce fut le résultat de malentendus regrettables, auxquels la perfidie des hérétiques orientaux ne fut pas étrangère. Bien différente de la mentalité des fidèles d'Orient était celle des Occidentaux à l'égard du culte des images. Loin de leur prodiguer ces marques extérieures de vénération qui avaient fourni un prétexte au scandale des iconoclastes, ou d'attribuer aux représentations des saints une mystique vertu, les Occidentaux paraissent les avoir simplement appréciées au point de vue de leur valeur artistique, et honorées à cause du souvenir religieux qu'elles leur rappelaient.

Leur étonnement fut donc grand, lorsque, recevant communication des actes du concile de Nicée, ils y lurent que le culte prescrit relativement aux saintes images était celui de l'adoration. C'est en effet par le mot latin adoratio que les traducteurs grecs des actes du concile avaient traduit le mot προσκύνησις, vénération. On y faisait dire à l'évêque de Chypre, Constantin, la phrase suivante : De même que j'adore la Trinité, j'adore les images, tandis que le texte grec porte : J'adore la Trinité et j'aime les images[91]. Charlemagne et l'épiscopat franc s'émeuvent alors. Un grand concile de trois cents évêques, tenu à Francfort, en 791, déclare nettement prendre le milieu entre le concile des iconoclastes, qui a ordonné de détruire les images, et le concile de Nicée, qui commande de les adorer à l'égal de la Trinité. De là, les fameux livres carolins, mémoires rédigés par Charlemagne ou par son ordre, où l'on proclame, dans un style plein de passion, que rendant à Dieu seul le culte d'adoration, et ne voulant pas plus adorer les images avec un concile que les prohiber avec l'autre, on rejette l'écrit de l'inepte synode, ineptissimæ synodi[92]. Le pape Hadrien, voyant sans doute que la divergence ne portait nullement sur une question de doctrine, mais reposait uniquement sur un malentendu, eut la sagesse de ne rien préciser dans sa réponse et de laisser au temps le soin de faire la lumière.

Une recrudescence de la querelle iconoclaste en Orient, en réveillant quelques  années plus tard la susceptibilité des Francs, retarda l'apaisement.

Sous le règne de Léon l'Arménien (813-829), un nouveau conciliabule hérétique détermina une ère nouvelle de persécutions, d'exils, de tortures, qui se poursuivirent sous Michel II le Bègue (820-829) et sous Théophile (829-842). Les catholiques fidèles ne respirèrent que sous la régente Théodora, qui, à l'exemple de la régente Irène, rétablit le culte des images en 812. Le nouveau patriarche de Constantinople, élu en 843, saint Méthode, acheva l'œuvre de restauration, qui se fit au milieu des acclamations populaires et rien plus ne resta, comme on l'a dit, de l'iconoclasme en Orient, sauf un surcroît d'amolli, pour les images et même une exagération de culte à leur endroit[93].

Deux grands saints s'étaient illustrés pendant cette querelle, saint Jean Damascène et saint Théodore Studite ou de Stoudion. Le premier, que le Concile de Nicée proclama un des protagonistes du culte des images[94], est à la fois poète, mystique, orateur, théologien et polémiste ; la postérité a surtout admiré et étudié ses deux livres, La source de la connaissance et L'exposition exacte de la foi catholique, où il résume en un tableau d'ensemble toute la tradition théologique des Pères d'Orient : œuvre capitale qu'on a pu comparer à la Somme de saint Thomas d'Aquin. Théodore Studite, poète à ses heures et polémiste quand la défense de l'Église le demande, est avant tout un mystique, un admirable directeur d'âmes, le recueil de ses lettres, dont plus de 500 nous ont été conservées, est une mine inépuisable de renseignements pour la connaissance des choses et des hommes de son temps. C'est lui qui, sous la persécution de Michel le Bègue, demanda que pour mettre fin à la querelle s'en rapportât, comme l'a toujours voulu la tradition, à la déclaration de l'Église romaine, suprema ecclesiarum Dei[95]. L'empereur essaya de gagner à sa cause Louis le Débonnaire et lui écrivit en ce sens. Des évêques francs, réunis en 825 à Paris, répondirent qu'à leur avis, les images étaient seulement, dans les églises, pour les gens instruits un ornement et un souvenir pieux, pour les illettrés un moyen d'apprendre, mais ils protestèrent en même temps qu'ils voulaient être libres de les honorer ou non, de les posséder ou non, in colendo vel non colendo, in habendo vel non habendo. C'était s'en tenir aux décisions du concile de Francfort. Dans le même temps, l'évêque de Turin, Claude, gagné à l'hérésie iconoclaste, allait jusqu'à faire déchirer les images et briser les croix. Mais, condamné par le Pape, il ne fut pas suivi.

On finit pourtant par s'entendre. A la fin du ixe siècle, après de longues controverses, auxquels se mêlèrent Agobard de Lyon[96], Jonas d'Orléans[97], Hincmar de Reims[98], et Walafrid Strabon[99], les malentendus et les préjugés qui avaient égaré l'épiscopat franc se dissipèrent, et le lie concile de Nicée fut accepté partout et sans réserve

 

VIII

A cette question du culte des images s'était intimement mêlée celle de l'adoptianisme. Claude de Turin, l'iconoclaste, était en même temps un adoptianiste, et le Concile de Francfort eut à se prononcer en 791 sur les deux questions.

La nouvelle hérésie était née en Espagne. Vers l'année 782, un certain Migetius, renouvelant l'erreur de Sabellius sur la Trinité, avait enseigné que la Divinité s'était successivement révélée aux hommes, comme Père par David, comme Fils par le Christ et comme Saint-Esprit par saint Paul. Le Christ d'ailleurs se confondait avec le Verbe, lequel était né à un moment donné du temps, à savoir au jour même de l'Incarnation[100].

Deux évêques espagnols, Élipand de Tolède et Félix d'Urgel entreprirent de réfuter cette hérésie trinitaire, en distinguant la filiation éternelle du Verbe de la filiation temporelle du Christ. Mais ils ne surent pas se prémunir eux-mêmes contre une erreur christologique non moins funeste.

Élipand, qui parait avoir été surtout un dialecticien, mais un dialecticien d'une logique étroite et rigide, distingue les deux filiations en ceci, que la première doit être dite naturelle, puisque le Verbe, consubstantiel à son Père, possède la même nature, tandis que la seconde ne peut être appelée qu'adoptive, puisque le Christ est homme, et que Dieu n'a pu qu'élever à lui, qu'assumer, qu'adopter l'humanité. Finalement, il admettait deux Fils de Dieu, l'un par nature et l'autre par adoption ; oubliant qu'il ne peut y avoir dans le Verbe incarné qu'un seul centre d'attribution, comme parle l'École, qu'une seule Personne, et que cette Personne est celle du Verbe.

Ce qu'Elipand de Tolède prétendait prouver en logicien, Félix d'Urgel le défendait en critique. Le soin de la correction des manuscrits commençait à développer en Espagne, comme en France, le goût de la critique textuelle. Félix d'Urgel faisait d'abord remarquer que le qualificatif d'advocatus est plusieurs fois attribué à Jésus-Christ. Or, ce mot, disait-il, est synonyme d'assumptus, d'adoptatus, et il s'efforçait d'en apporter des preuves par l'étude des textes[101]. Il invoquait aussi des passages de l'Écriture Sainte, qu'il donnait comme décisifs contre la théorie de la filiation naturelle appliquée au Christ. Il est inadmissible, prétendait-il, que celui qui est Fils de Dieu par nature ait eu les ignorances du Christ. Car le Christ, en tant que tel, a ignoré le jour du jugement, n'a pas su de quoi s'entretenaient les disciples d'Emmaüs, ni où avait été déposé le corps de Lazare, ni s'il était aimé de Pierre plus que des autres, etc.[102] La critique de Félix était aussi étroite que la dialectique d'Élipand. Car il s'agissait de savoir si cette ignorance du Christ en tant qu'homme, ignorance dont l'existence, la nature et la cause ont du reste besoin d'être déterminées, ne peut pas se concilier avec l'unité d'une Personne divine, centre d'attribution de toutes les qualités et actions de Jésus-Christ.

L'erreur espagnole, comme on l'appela, souleva les protestations d'Alcuin, qui écrivit sept livres contre Félix d'Urgel, et celles d'Agobard, archevêque de Lyon, qui composa un savant traité sur la question.

Rien n'est plus intéressant que de constater la position prise, du premier coup, par le bon sens et l'instinct catholique d'Alcuin. Et quoi ! écrit-il à Charlemagne à la première nouvelle de l'hérésie, le Christ, fils de la Vierge, ne serait pas le propre Fils de Dieu ! quelle témérité dans cette assertion ![103] Jamais, en discutant pied à pied avec son adversaire, il ne perdra de vue l'économie générale de la religion ; il y ramènera toutes les conclusions de ses raisonnements. Il termine ainsi une longue controverse avec Félix d'Urgel : Voici, en définitive, ce que je voudrais savoir de toi : oui ou non, consens-tu à adorer comme Dieu Celui qui a été crucifié, qui est mort et qui est ressuscité ?[104]

Au concile de Francfort, tenu en 791, l'hérésie adoptienne fut l'objet d'un examen approfondi, à la suite duquel les évêques d'Italie rédigèrent un exposé des preuves fournies par la Bible contre les théories d'Élipand et de Félix[105]. Les évêques de Germanie, des Gaules et d'Aquitaine, discutèrent, dans une lettre synodale, les textes patristiques invoqués par les novateurs et établirent nettement la thèse catholique[106]. Le Concile, dans le premier de ses canons, déclara hérétique la théorie adoptienne, et Charlemagne envoya une lettre à Élipand et aux autres évêques d'Espagne, où, après leur avoir proposé une belle profession de foi, il les exhortait à abandonner leurs opinions particulières pour se ranger aux doctrines de l'Église universelle[107].

 

IX

La question dite du Filioque n'avait rien en soi de connexe avec celles de l'iconoclasme et de l'adoptianisme. Mais le même esprit d'opposition s'y révéla. Plusieurs hommes de ce temps professèrent à la foi les trois erreurs relatives à ces questions.

C'est au concile de Tolède, tenu en 589, au moment où l'Espagne faisait abjuration publique de l'arianisme, que nous avons vu apparaître avec une solennité particulière, comme un chant de triomphe sur l'hérésie vaincue et comme une affirmation de la consubstantialité du Père et du Fils, l'addition au Credo du mot Filioque[108]. Cette addition liturgique, qui correspondait à une doctrine dogmatique traditionnelle, avait passé d'Espagne en France, et peut-être non sans y soulever quelques protestations, car Éginhard mentionne que, dans un concile tenu en 767 à Gentilly, il fut question de la Sainte Trinité en même temps que du culte des images[109]. La querelle s'enflamma en 808, à la suite d'un regrettable incident. Dans un monastère palestinien, situé sur le Mont des Oliviers, des moines occidentaux, ayant, suivant l'usage de la chapelle de Charlemagne, chanté le Filioque dans le symbole, furent assaillis par des moines, grecs, qui tentèrent de les expulser comme hérétiques. Ils étaient doublement coupables, disait-on, d'introduire dans le Symbole de Nicée une formule nouvelle contrairement à une décision du Concile d'Éphèse, et de laisser entendre par cette nouvelle formule une grave hérésie, à savoir l'existence en la Trinité d'un double principe, d'une double spiration. L'accusation était sans fondement, l'interdiction portée par le Concile d'Éphèse n'ayant jamais été considérée par l'Église comme une défense perpétuelle[110], et l'unité de principe et de spiration se trouvant parfaitement conciliable avec la formule incriminée[111]. L'erreur pourtant n'était pas sans excuse. Les Pères Grecs, notamment les trois grands docteurs cappadociens, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze et saint Grégoire de Nysse, n'avaient pas envisagé absolument sous le même point de vue que les Pères latins le dogme de la vie divine. Les premiers avaient considéré avant tout la distinction et la hiérarchie des trois Hypostases divines, qu'ils cherchaient ensuite à concilier dans l'unité et la consubstantialité ; les Latins, au contraire, partaient précisément du point de vue de l'unité et de la consubstantialité divines. D'où des manières diverses d'exprimer leur foi. Les Orientaux, habitués à considérer la hiérarchie des Personnes, préféraient la formule qui fait procéder le Saint-Esprit du Père par le Fils, et les Occidentaux, accoutumés à contempler dans les Personnes ce qui leur est commun, faisaient procéder le Saint-Esprit du Père et du Fils. Le malentendu était donc explicable. Le premier tort des Orientaux fut de procéder par la violence ; leur second tort devait être plus tard, (et c'est encore, hélas ! celui de nos frères séparés d'Orient), de refuser leur soumission à l'autorité du Pontife suprême et à l'évidence d'une tradition depuis longtemps établie[112].

L'attitude du pape Léon III, devant qui la cause avait été aussitôt portée par les moines latins, fut des plus conciliantes. Celle de Charlemagne, à qui les moines s'adressèrent aussi comme à leur suzerain[113], fut aussi ferme que sage. L'empereur chargea Théodulphe, évêque d'Orléans, de recueillir les principaux textes patristiques en faveur de l'usage latin, afin de permettre à ses protégés palestiniens de se défendre contre les accusations d'hérésie. Il assembla ensuite, en 809, à Aix-la-Chapelle, un grand synode, qui approuva l'écrit de Théodulphe. Deux députés furent chargés de porter à Rome les actes de ce concile. Au mois de janvier 810, le pape Léon III donna sa décision. Il distingua nettement la question dogmatique et la question liturgique, si malheureusement confondues par les Orientaux. Au point de vue dogmatique, il approuva pleinement la doctrine de la procession du Saint-Esprit par le Père et le Fils. Celui qui ne croira pas suivant cette foi, dit-il, est condamné par la sainte, catholique et apostolique Église. L'encyclique qui contient ces mots et que le Pape adresse à toutes les Églises orientales, pour les instruire, aussi bien que le monde entier, de la vraie foi catholique, a tous les caractères intrinsèques et extrinsèques d'un acte donné ex cathedra. Quant à la querelle liturgique, le Pape, supposant sans doute, qu'il était imprudent de l'envenimer par une décision trop prompte, jugea bon de temporiser. Il déclara aux ambassadeurs de Charlemagne que, si on lui avait demandé conseil, il aurait dit de ne pas introduire le Filioque. Maintenant, le mieux serait, ajouta-t-il, de ne plus chanter le symbole dans le palais impérial, puisqu'on ne le chante pas à Rome. Ensuite, pour donner au monde chrétien un témoignage ostensible de la communauté de foi entre l'Orient et l'Occident, il fit graver sur deux tables d'argent, sans le mot Filioque, les textes identiques en grec et en latin du symbole de Nicée. Ces tables furent placées dans la basilique de Saint-Pierre[114].

L'addition du Filioque, que le Pape n'avait pas formellement interdite aux églises franques, se propagea lentement, par une sorte de poussée populaire à laquelle Charlemagne ne s'opposa pas. En 1014 l'empereur saint Henri obtint par ses instances et comme une protestation contre la négation obstinée des Grecs, qu'on chantât le Filioque à Rome même dans la messe solennelle. On le retrouve admis par les Grecs et par les Latins aux conciles œcuméniques de Lyon et de Florence.

Ici encore l'attitude de Charlemagne ne semble pas avoir dépassé la juste mesure qui convenait à un fils respectueux de l'Église, dans la mission qu'il s'était proposée, de la défendre au dehors contre ses ennemis et de la protéger au dedans dans sa hiérarchie, dans son culte et dans son dogme. Plus grand que Constantin, Charlemagne, dans sa vie publique, peut être regardé comme le type de l'empereur chrétien. L'admiration populaire est allée plus loin ; elle l'a canonisé : le décret d'un antipape a confirmé cette canonisation[115]. Mais l'Église n'a jamais proposé son culte aux fidèles, et l'histoire impartiale doit se contenter de considérer Charlemagne comme un des plus grands bienfaiteurs de l'Église et de la civilisation.

 

 

 



[1] M. G. H., Epistolæ Karolini œvi, t. II, p. 93.

[2] C'est un fait démontré aujourd'hui que les Institutions de l'Europe an ville siècle ont été comme un chaos de tous les éléments dont les sociétés futures allaient se former. Ce qui le prouve, observait déjà judicieusement Guizot (Hist. de la Civilisation en Europe, p. 76), c'est précisément le débat qui s'élève entre les historiens sur la question de savoir quel système d'organisation dominait à cette époque. Le débat que signalait M. Guizot au milieu du siècle dernier s'est poursuivi jusqu'à nos jours et a divisé des savants tels que Waitz, Fustel de Coulanges, Esmein, Viollet, lesquels apportent chacun des textes authentiques en faveur de leurs opinions. Que conclure, sinon que les éléments dont on parle coexistaient dans un équilibre instable et changeant, difficile à saisir, impossible à définir ? C'était sans doute la fermentation du régime féodal, des institutions monarchiques et des franchises communales, amalgamées avec le droit romain en décadence et le droit franc en formation.

[3] Sous les Mérovingiens la royauté n'a pas encore de caractère fixe. On a pu soutenir qu'elle était héréditaire (Fustel de Coulanges) et qu'elle était élective (Wilhem Sickel). La vérité parait être qu'il n'y avait rien de bien arrêté. M. Adrien Luchaire résume, semble-t-il, exactement les résultats des derniers travaux de Fustel, de Sickel, de Waitz, de Flach, en écrivant : Rien de moins déterminé et de plus flottant, pendant la période des origines, que les rapports de la royauté et de la féodalité au point de vue de l'élection du prince. Les institutions monarchiques de l'Ancienne France, I, 60, 61.

[4] Ozanam a soutenu que l'autorité des champs de mars ou de mai était réelle. Fustel de Coulanges a prétendu qu'elle était fictive, tout en reconnaissant que, lorsque le roi proposait une loi à son peuple assemblé, il ne se pouvait qu'il n'entendit ses vœux... Une sorte de vote tacite et inconscient se produisait au fond de cette foule... Il fallait compter avec ces hommes. Institutions politiques de l'ancienne France, I, p. 487. Revue des Deux-Mondes, 1er janvier 1876, p. 139. Il est possible d'ailleurs que le droit public ait varié. Ces champs de mars ont pu n'être parfois que de simples revues, comme le veut Fustel. D'autres fois ils ont pu légiférer réellement.

[5] Cette distinction du franc et du romain s soulevé des controverses (FUSTEL DE COULANGES, Institutions politiques de l'ancienne France, I, p. 548, 609). Peut-être faut-il admettre aven M. Paul Fournier, que les expressions de francus et de romanus homo ont eu un sens différent suivant les époques. Bref beaucoup d'inconsistance parait avoir existé sur ce point comme sur bien d'antres.

[6] La clientèle romaine (clientela, fidelitas, defensio) se combine avec le maimbourg germanique (Mundeburg). On distingue, au-dessous des marquis ou margraves, des comtes et des ducs, des hommes libres, des leudes, des affranchis et des esclaves. Mais on constate que ces classes ne sont pas fixes, que les hommes passent facilement de l'une à l'autre et que les relations de l'une à l'autre sont mal définies.

[7] On trouve à cette époque trois types de propriétés : 1° la propriété collective d'origine germanique : mais elle est de plus en plus précaire au temps de Charlemagne, jusqu'à ne plus constituer, suivant les expressions de M. Esmein que des sortes d'ilots perdus au milieu d'un pays constitué à la romaine.  Hist. du droit français, 90, 91 ; 2° la propriété individuelle indépendante, d'origine romaine : ce sera l'alleu, le franc-alleu, qui se perpétuera à travers la société féodale comme une anomalie, une exception à la règle : nulle terre sans seigneur ; 3° la propriété dépendante ou féodale.

[8] L'Eglise, dit Kurth, avait trop de richesses et d'influence pour ne pas inspirer aux rois de la jalousie. Ils étaient alarmés de la prodigieuse croissance de l'Église. Il leur était impossible de la restreindre, c'eût été résister à la tendance universelle de la société... Ce qui était plus facile, ou du moins plus tentant, c'était de la mettre sous leur tutelle. Ce fut là la politique des rois mérovingiens, et l'Eglise ne courut pas de plus grand danger, durant cette période, que de devenir le joliet et l'instrument de leur despotisme. Les origines de la civilisation moderne, II, 144-145.

[9] Monum. Germ. Hist., Capitularia, éd. BORETIUS, p. 92.

[10] NITHARD, I, 1. Mon. Germ. H., Scriptores, II. Cependant Charlemagne n'hésita pas, quand il crut que le bien public y était intéressé, à prendre les mesures les plus énergiques. Il supprima les duchés de Bavière et d'Aquitaine, et les convertit en simples provinces de l'empire.

[11] Sur la présence et le rôle du peuple, il y a désaccord entre Waitz et Fustel de Coulanges. Waitz attribue un rôle actif à l'élément populaire. Fustel de Coulanges lui conteste toute influence. En fait, le roi ne pouvait pas, semble-t-il, ne pas tenir compte d'une opinion populaire qu'il sollicitait et dont il provoquait la manifestation.

[12] HINCMAR, De ordine palatii, cap. XXXV.

[13] La loi se fait par le consentement du peuple et la constitution du roi. Edit de Pistes, de Charles le Chauve, en 864. BALUZE, II, 177. Il est fait mention du consensus populi dans plusieurs autres documents. Cf. HINCMAR, De ordine, c. VIII. BORETIUS, Capitularienkritik, p. 53. Cette notion de la loi se trouve déjà dans les Etymologies de saint ISIDORE DE SÉVILLE, l. II, c. X ; l. V, c. X, XXI. On a prétendu que ce mot consensus ne doit pas être pris à la lettre car dans la langue du temps, dit-on, consentir signifie à peu près obéir. (Hist. de Fr. de LAVISSE, t. II, 1re partie, p. 312). Les documents semblent pourtant donner une réelle importance à ce consentement du peuple. Ainsi, quand tous les intéressés n'ont pu assister au capitulaire, les émissaires en tournée vont ensuite recueillir les adhésions sur place, ut populus interrogetur de capitulis quæ in lege noviter addita sunt (Cap. d'Aix. 803, Reg. Carol., n° 316). Si la notification n'est pas faite, le peuple refuse d'obéir et tient le capitulaire comme non avenu (Epist Carol, n° 27). D'autres fois, c'est le peuple qui prend l'initiative du capitulaire, que le roi accepte. Cap. de Pavie, en 831. Populus noster nobis quasdam petitiones obtulit, quas nos... capitula consoribi fecimus.

[14] Tout ce qu'il plaît au prince d'édicter a force de loi.

[15] G. KURTH, Les origines de la civilisation moderne, II, 256-257.

[16] BALUZE, I, 449 ; BORETIUS, I, 156.

[17] Non occidatur homo nisi jubente lege. M. G. H. BORETIUS, p. 99.

[18] BALUZE, I, 189 ; BORETIUS, I, 44.

[19] P. L., C, 155.

[20] Capital. reg. francor., c. LIII. BALUZE, I, 270 ; BORETIUS, I, 78.

[21] THOMASSIN, Anc. et nouv. discipl., VII, 303-304. Il nous semblerait donc exagéré de dire avec un savant historien : Charlemagne est le chef de l'Eglise comme il est le chef de l'Etat, il est le chef des évêques comme le chef des comtes. Entre l'Eglise et l'Etat, il ne distinguait pas. M. KLEINCLAUSZ, dans H. de Fr. de LAVISSE, I, 1re, p. 316.

[22] P. L., XCVII, 239-242.

[23] BALUZE, I, 779 ; BORETIUS, I, 276.

[24] THOMASSIN, Ancienne et nouvelle discipline de l'Église, IIe partie, l. II, ch. XX, Des élections épiscopales sous l'empire de Charlemagne, t. IV, p. 278 et s.

[25] Voir les anecdotes racontées par le moine de Saint-Gall, I, 4, 6. Hist. des Gaules, V, 107 109.

[26] Capitulaire de 812, BALUZE, I, 497 ; BORETIUS, I, 176.

[27] THOMASSIN, Anc. et nouv. disc., II, 482-483.

[28] On a soutenu jusqu'en ces derniers temps que les paroisses urbaines ne datent quo du XIIe ou du XIIIe siècle. M. H. K. Schöfer a prouvé par des textes, dans le Römische Quartalschrift, 1er et 2e trimestre de 1905, que les paroisses urbaines datent de l'époque franque. Cf. Revue des Questions historiques, oct. 1905, p. 645.

[29] La pénitence publique est encore en vigueur sous Charlemagne. Un demi-siècle plus tard, Hincmar proteste contre sa décadence. P. L., CXXV, 802.

[30] La première mention des doyens se trouve dans les œuvres d'Hincmar de Reims. Il est probable qu'ils existaient avant lui. P. L., CXXV, 777 et s.

[31] P. L., XCVII, 275.

[32] BALUZE, I, 327. Comment M. Guizot a-t-il pu écrire, sans restriction aucune : A vrai dire, de Pépin le Bref à Louis le Débonnaire, c'est le pouvoir temporel, roi ou empereur, qui gouverne l'Église. Histoire de la Civilisation en France, II, 294.

[33] On trouve pour ln première fois ce nom de canonicus pris en ce sens dans une constitution de saint Boniface, art. 15. MANSI, XII, appendix, p. 108. Saint Eusèbe de Verceil et saint Augustin avaient déjà réuni autour d'eux, dais la vie commune, le clergé de leurs villes épiscopales. Primitivement le mot canonicus signifiait simplement clerc inscrit dans le canon ou tableau d'une église. Concile de Nicée, c. XVI.

[34] Capitulaire de 805. BALUZE, I, 296.

[35] Sur la propagation de la vie canoniale et son développement, voir HÉFÉLÉ, Hist. des Conciles, trad. DELARC, t. V. L'institution des chanoinesses, approuvée par le même concile d'Aix-la-Chapelle, apparut, à peu près en même temps, comme une mitigation de la vie religieuse.

[36] Les Bénédictins français ont toujours soutenu que la règle de saint Benoît fut implantée à Glanfeuil l'année même de sa mort par son disciple saint Maur. M Aug. Molinier et M. Helphen ont combattu cette opinion. Suivant eux, le Maur dont le sarcophage a été découvert à Glanfeuil ne serait pas le disciple de saint Benoît. Cf. Revue Historique, juillet août 1905, Revue des Questions historiques, 1er octobre 1905.

[37] THEOD., Carmin., II, 6. P. L., CV, 312.

[38] ALCUIN, Epist. XC. P. L., C, 287-294.

[39] MABILLON, Annales, t. II, p. 548.

[40] P. L., LXXXIX. et s.

[41] BALUZE, I, 241-242 ; BORETIUS, I, 63.

[42] P. L., CIII, 353 et s.

[43] P. L., CIII, 703-1380.

[44] MABILLON, Acta Sanct. Ord. S. Bened., sect. 4, par. I, et Bollandistes, 28 mai.

[45] THOMASSIN, Ancienne et nouvelle discipline de l'Église, IIIe partie, t. Ier. DUCHESNE, Origines du culte chrétien, p. 537-538,

[46] ESMEIN, Hist. du droit français, 131-136. Ne pas confondre le précaire (precaria) du Moyen Age avec le précaire (precarium) du droit romain, acte par lequel une personne cédait une chose à une autre en se réservant de la retirer à volonté, ESMEIN, loc. cit., 132, 133.

[47] ROTH, Beneficiahresen, p. 250. WAITZ, Deutsche Verfassungsgeschichte, 2e édit., t. II, p. 219, note 2. Abbé LESNE, La propriété ecclésiastique en France aux époques romaine et mérovingienne, 1 vol. in-8°, Paris, 1910.

[48] BALUZE, I, 717-718.

[49] MANSI, t. XIV, col. 276-277.

[50] BALUZE, I, 503, 524, 534, 1171, 1293, etc. ; BORETIUS, I, 94, 96, 106, 332, 847, etc.

[51] BALUZE, I, 946, 1003, 1007, 1115. Un capitulaire énumère les principales institutions d'assistance publique établies auprès des cathédrales et des monastères. Ce sont le Xerodochium, où l'en reçoit les voyageurs, le Ptochotrophium. où l'on nourrit les pauvres, le Nosochomium, où l'on soigne les malades, l'Orphanotrophium, où l'on recueille les Orphelins, le Gérontoconium, où l'on donne asile aux vieillards indigents, et le Brephotrophium, où l'on donne des soins aux enfants eu bas âge. BALUZE, I, 446-447.

[52] ESMEIN, Les baux perpétuels des formules d'Angers et de Tours, Mélanges, p. 393 et suivantes. Voir surtout IMBART DE LA TOUR, Les colonies agricoles et l'occupation des terres disertes à l'époque carolingienne, dans les Questions d'hist. soc. et rel., Paris, 1907, p. 31-68.

[53] A. KLEINCLAUSZ, dans l'Histoire de France de LAVISSE, t. II, 1re partie, p. 336.

[54] Ibid., p. 337-338. Les Juifs, à qui la possession de la terre était interdite, rendirent à cette époque de réels services au commerce. Mais le trafic qu'ils faisaient des esclaves provoqua les protestations d'Agobard, archevêque de Lyon.

[55] Ce droit est exprimé dans les actes de la manière suivante : audire causas, de fredo exipere (fredum, c'est la composition pécuniaire, l'ancien Wergeld). Cf. Fustel de Coulanges, qui a fait la lumière sur ce point dans son Etude sur l'immunité mérovingienne, Revue historique, 1883, p. 249. M. Flach a complété l'étude de M. Fustel de Coulanges dans Les origines de l'ancienne France, I, 183, 437.

[56] Capitulaire de 803, art. 2 et 3. BALUZE, 388-389 ; BORETIUS, I, 113.

[57] C'est ce qu'il déclare dans son capitulaire de 779, art. 11. BALUZE, I, 197. Sur le droit d'asile, cf. BALUZE, I, 539, 729, 840, 854, 855, etc. Voir S. MANY, De locis sacris, p. 94 et s., et THOMASSIN, Anc. et nouv. disc., V, 482 et s.

[58] Les biens de chaque diocèse sont administrés par l'évêque. Dans chaque église particulière, les clercs de cette église ont seulement l'administration des revenus affectés à la réparation des églises (fabrica). Les bénéficiers ont un certain droit d'administration de leur bénéfice ; mais ils n'en sont que les usufruitiers. La seule personnalité juridique de droit commun, c'est l'évêque. Il se fait aider par ses prêtres et ses diacres ; mais, en principe, il ne doit de compte qu'à Dieu. Tel est le droit jusqu'en 800. Charlemagne décide que l'évêque ne pourra toucher an trésor de l'église sans le consentement du clergé, même pour assister les pauvres ou les serfs de l'église (Concile de Tours, can. XI, ap. BALUZE, I, 503). Dans des cas exceptionnels, les conciles provinciaux prennent connaissance de l'administration de l'évêque. THOMASSIN, V, 534 et s.

[59] J. FLACH, Les origines de l'ancienne France, I, 183, 347.

[60] THOMASSIN, Anc. et nouv. disc., V, 481.

[61] BALUZE, I, 237 ; BORETIUS, I, 50-60.

[62] BALUZE, I, 585 ; BORETIUS, I, 346.

[63] BOUTARIC, De la connaissance des auteurs de l'antiquité pendant le Moyen Age, Revue des Questions historiques, XVII, 20 et s.

[64] GUIZOT, Histoire de la civilisation en France, 3e édit., t. II, p. 180.

[65] On trouve la première mention de vitres peintes dans la notice sur saint Léon III au Liber Pontificalis (II, 25). Mais on a des verres peints qui paraissent remonter au IVe siècle. D. LECLERCQ, Manuel d'Arch., II, 499. La mise en plomb des verres ne se rencontre qu'au XIe siècle.

[66] DUCHESNE, Origines du culte chrétien, p. 391, note.

[67] Saint Jérôme à Népotien. Cf. THOMASSIN, I, 30 à 128.

[68] Epist. 101. DU CANGE, au mot sagum.

[69] DU CANGE, Glossarium, aux mots sottanum, soutane, subtaneum. Virgines, dit une chronique franque, ante nuptias tunica de pignolato, quæ dicebatur sottanum, erant contentæ. MURATORI, Script. rer. italic., XII, 1033.

[70] Promiscue in ecclesia et extra ecclesiam, dit DU CANGE, au mot alba. Saint Nicolas Ier l'appelle linea toga. Plus ou moins longue, elle ne différait pas essentiellement du surplis.

[71] Presbyteri vel diaconi, dit un concile de Leptines, non sagis, laicorum more, sed casulis utantur, ritu servorum Dei. Cité par DU CANGE, au mot casula.

[72] Froissart dit quelque part : L'arme coula outre le camail, qui était en bonnes mailles.

[73] L'usage du camail, camelaucum, avait passé de l'Orient à Rome. Le Liber Pontificalis, dans la vie de Constantin, dit : Apostolicus pontifex cum camelauco ut solitus est Roma procedere. — Liber Pontificalis, I, 390.

[74] L'iconographie n'offre plus un seul exemple d'immersion totale à partir du VIIIe siècle.

[75] HARDUIN, IV, 1038. En 760, la règle de saint Chrodegang parle de la confession faite proprio sacerdoti, ou plutôt suo sacerdoti, et plus tard l'évêque de Bâle, Otto (802-822) dit plus nettement que les fidèles a proprio episcopo aut sacerdote ligandi aut exsolvendi sunt, non ab extraneo (Rev. Qu. hist., 1er oct. 1905, p. 644). Il est vrai que, concurremment avec les confesseurs prêtres, on admet les diacres et les simples fidèles à entendre des confessions que saint Thomas appellera plus tard quodammodo sacramentales. Cf. MANSI, XVIII, 148, P. L., XC, 629 et s. ; XCIII, 39. Cf. Paul LAURAIN, De l'intervention des laïques dans l'administration de la pénitence, Paris, 1897, p. 15, 27 et s.

[76] Lex burgund., 34. BALUZE, IV, 265. Lex Visigot., l. III, a. 4. BALUZE, IV, 321-322.

[77] BALUZE, II, 423 ; ZEUMER, 94, 145, 248.

[78] HARDUIN, Acta conciliorum, III, 1990 et s., 2006.

[79] Conciles de Nantes (650), can. 2 ; d'Hereford (673), can.10 ; de Frioul (791), can. 10 ; de Paris (829), can. 2. — MANSI, XI, 130, XIII, 849, XIV, 596, XVIII, 169, 170.

[80] BALUZE, I, 231. — On a cité contre l'indissolubilité du lien conjugal, un prétendu décret du pape Zacharie, donnant la même solution que les conciles de Verberie et de Compiègne. — GRATIEN, Decret., c. XIII, taus. 32, quest. 7. Mais l'authenticité de ce prétendu décret est contestée. On en ignore la provenance. On en trouve la première mention au me siècle seulement, dans BURCHARD, P. L., CXL, 965. Il n'a pas d'ailleurs la forme d'un décret, mais plutôt d'un extrait de pénitentiel. On invoque aussi, coutre la doctrine de l'indissolubilité du mariage à cette époque, une réponse de Grégoire II à saint Boniface, d'après laquelle, le mari d'une femme malade au point de ne pouvoir rendre son devoir, pourrait se marier à une autre. P. L., LXXXIX, 524 525. Mais coulaient tirer un argument de la solution d'un cas de conscience dont nous ne connaissons pas l'exposé ? L'incapacité de la femme dont il s'agit ne serait-elle pas antérieure au mariage, et, par conséquent, cause de nullité ? Voir sur cette question A. BOUDINHON, Rev. du Cl. Fr., du 15 mai 1909, p. 410-474.

[81] Le mariage est interdit jusqu'au 4e degré seulement par GRÉGOIRE II, P. L., LXXXIX, 524-525. Mais la législation des causes de nullité de mariage est encore bien flottante. C'est peut-être ce qui explique que les unions irrégulières de Charlemagne aient si peu étonné les contemporains.

[82] BALUZE, I, 269.

[83] BALUZE, I, 427. — Ce n'est que plus tard, à la fin du Xe siècle, que la canonisation des saints fut réservée au Pape seul. La première canonisation faite par un Pape est celle de saint Ulrich, évêque d'Augsbourg, déclaré saint en 993 par Jean XV.

[84] L. DUCHESNE, Les origines du culte chrétien, p. 98.

[85] LECOY DE LA MARCHE, La chaire française au Moyen Age, p. 9.

[86] Adalhard, abbé de Corbie, prêchait en latin, en allemand et en langue vulgaire. Bollandistes, 2 janvier, I, 416. Cf. Hist. littéraire, t. IV, 8, 333. Introduction, X-XI.

[87] MANSI, XIII, 327-356.

[88] MANSI, XII, 680.

[89] MANSI, XII, 720, 722, 900 ; Liber Pontificalis, I, 476-477.

[90] Voir les actes dans MANSI, t. XII et XIII, et leur résumé dans HÉFÉLÉ, Histoire des Conciles (trad. Delarc), t. IV, p. 331-387.

[91] MANSI, XII, 1145. — HARDUIN, IV, 151. — HÉFÉLÉ, Hist. des Conciles, V, 129 (trad. Delarc). M. D. Serruys, maitre de conférences à l'École des Hautes Études, a retrouvé récemment, dans un ouvrage inédit de Nicéphore, patriarche de Constantinople, le texte grec original de certains témoignages communiqués à Charlemagne par les empereurs byzantins. Il en résulte que les textes d'origine iconoclaste avaient été choisis pour induire Charlemagne en erreur. D. SERRUYS, Comptes rendus de l'Acad. des Inscriptions et Belles-Lettres, 1904.

[92] P. L., XCVIII, 995 et s. Sur l'authenticité des livres carolins, voir HÉFÉLÉ, Hist. des Conciles, V, 118-143 et KRAUS, Hist. de l'Eglise, 8e édition, II, 90. — Les évêques francs et Charlemagne ne regardaient pas le second concile de Nicée comme œcuménique. Le pape Hadrien, dans sa réponse, déclare qu'il n'a pas encore donné une sanction à ce concile.

[93] R. P. PARGOIRE, L'Église byzantine, p. 271.

[94] MANSI, XIII, 357.

[95] THEOD. STUD., l. II, epist. 86, P. G., XCIX, 1331.

[96] Contra Tempestarios.

[97] De cultu imaginum.

[98] Nous n'avons plus son ouvrage.

[99] De exordiis et incrementis rerum ecclesiasticarum.

[100] Lettre d'Élipand à Migétius. P. L., XCVI, 859.

[101] P. L., CI, 194, 1333.

[102] P. L., CIV, 37.

[103] P. L., C, 168 et s.

[104] Le sens catholique d'Alcuin évita ainsi l'écueil si justement signalé par un critique de nos jours. Ne dirait-on pas que toutes les hérésies sont nées de déductions poursuivies dans un sens unique, en partant d'un principe, de tradition ou de science, isolé de tout le texte, érigé en vérité absolue et auquel on a rattaché, par voie de raisonnement, des conclusions incompatibles avec l'harmonie générale de la religion et de l'enseignement traditionnel. (Alfred LOISY, L'Évangile et l'Eglise, 1re édit., p. 143). Puisse l'auteur de ces lignes, séparé aujourd'hui de l'Église catholique pour avoir oublié ce principe, se ressouvenir que rien ne peut être vrai de ce qui est incompatible avec l'harmonie générale de la religion de l'enseignement traditionnel !

[105] P. L., CL, 1131.  MANSI, XIII, 873.

[106] MANSI, XIII, 883.

[107] P. L., XCVIII, 899 ; MANSI, XIII, 899 et s. L'adoptianisme devait ressusciter au XIIe siècle avec Abélard, au XIVe avec Durand de Saint-Pourçain et Gabriel Biel, au XVIIIe siècle avec Ysambert.

[108] Je crois au Saint Esprit, qui procède du Père et du Fils. Le mot Filioque se trouve dans un autre concile de Tolède, de 447.

[109] HÉFÉLÉ, Hist. des Conciles, trad. Delarc, IV, 320.

[110] Voir la preuve de ce fait dans DUCHESNE, Eglises séparées, p. 75-98.

[111] Au concile de Florence, nombre de Grecs furent étonnés d'apprendre que les Latins n'admettaient qu'un seul principe et qu'une seule spiration et que le Père et le Fils communiquent l'être au Saint-Esprit par ce qu'ils ont d' commun, et non par ce en quoi ils diffèrent.

[112] On sait que cette question du Filioque a été le principal prétexte d Photius pour déclarer le schisme, et qu'il est encore le premier des griefs articulés contre l'Église romaine par l'Église schismatique orientale. Voir l'Encyclique publiée le 29 septembre (11 octobre) 1895 par le patriarche Anthyme de Constantinople et par son synode.

[113] HÉFÉLÉ, Hist. des Conciles, V, 173-176.

[114] Liber Pontificalis, I, 43, note 110. HÉFÉLÉ, Hist. des Conciles, V, 177-178.

[115] L'antipape Guibert qui prit le nom de Pascal III. Depuis, l'Église a toléré le culte de Charlemagne à Aix-la-Chapelle et dans un certain nombre de diocèses. Mais Pie IX a prohibé son extension. V. Lettre de Pie IX au Cardinal de Geissel, archevêque de Cologne, en 1850 (KEITERER, Karl der Grosse und die Kirche, p. 256). Benoît XIV, dans son traité De servorum Dei beatif., I, 9, 4, pense que cette tolérance assure à Charlemagne le titre de Bienheureux. En tout cas, elle n'engage pas l'infaillibilité de l'Église. Le plus grave reproche fait à Charlemagne est celui qui concerne ses mœurs privées. Charlemagne a eu neuf femmes (ÉGINHARD, Vita Karoli, c. XVIII, P. L., XCVIII, 257). Lors même qu'on admettrait que celles qu'Éginhard appelle ses concubines étaient des épouses morganatiques, il serait difficile d'expliquer tant de veuvages. Il est plus naturel de supposer des répudiations, lesquelles d'ailleurs ont pu être faites avec une certaine bonne foi, tant les principes sur les empêchements de mariage étaient flottants à cette époque parmi les barbares. C'est un fait que nul contemporain n'a blâmé les mœurs de Charlemagne Le premier qui les attaque est Walafrid Strabon, au milieu du IXe siècle. Voir dans l'Ami du Clergé, du 22 septembre 1904, une longue discussion sur la sainteté de Charlemagne. — Voir surtout dans le Dictionnaire d'Archéologie chrétienne ; les deux articles de Dom CABROL sur : 1° le culte de Charlemagne, et 2° Charlemagne et la liturgie.