HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

DEUXIÈME PARTIE. — L'ÉGLISE CHEZ LES PEUPLES BARBARES

CHAPITRE VII. — L'ÉGLISE CHEZ LES SLAVES.

 

 

En 711, au moment où l'Espagne visigotique succombait à la bataille de Xérès, Constantinople était menacée par de nouveaux barbares[1]. Une armée bulgare campait sous ses murs. Derniers venus des grandes invasions, les Bulgares étaient mêlés à ces bandes slaves, ces slavinies, comme on les appelait, qui, vers la fin du vie siècle et le début du VIIe, s'étaient insensiblement glissées dans la péninsule balkanique, au milieu de la population thraco-illyrienne. Celle-ci, on le sait, avait été depuis longtemps romanisée et convertie au christianisme. Mais Slaves et Bulgares avaient peu à peu supplanté les anciens habitants du sol, détruit leurs églises et remplacé presque partout le culte chrétien par le culte idolâtrique qu'ils avaient apporté d'au-delà du Danube. Les Bulgares, race pratique et faite pour le gouvernement, avaient donné à la race rêveuse des Slaves, dispersée en multiples tribus, la cohésion et l'unité. En 678, le roi Ispérich avait fondé, entre le Danube et l'Hémus, l'Etat bulgare, qui, depuis ce temps, n'avait cessé d'inquiéter Byzance ; en 708, il avait fait reculer une armée de Justinien II ; en 711, sous Philippe Bardanès, il lançait à son tour une armée jusque sous les murs de la capitale de l'empire.

Pour l'empire et pour l'Église, il y avait de quoi trembler, d'autant plus que, par delà le royaume bulgare, dans l'immense plaine qui s'étend du Caucase à la mer Blanche et de la Baltique à l'Oural, une multitude d'autres tribus slaves s'agitait, émiettée sans doute par ses divisions, et comme coupée en deux, de l'est à l'ouest, par le passage répété des invasions de peuples ouralo-altaïques, mais inquiète, menaçante, terrible. Le peuple magyar était resté, ainsi qu'on l'a dit, comme un coin de fer planté dans sa chair vivante. Mais la race slave demeurait unie par le souvenir d'une commune origine et par le rêve d'une universelle domination ; et ce double lien était plus fort que le patriotisme particulier des divers groupes nationaux.

 

I

Les Slaves, ainsi appelés de slawa, la gloire, ou de slawo, la parole, appartenaient à la race indo-européenne. Les empereurs et les Papes avaient tout fait, dès le début de leurs relations avec eux, pour hâter leur assimilation au monde romain et pour les convertir au christianisme. Héraclius avait permis aux Serbes et aux Croates de se fixer dans l'Illyricum, puis sollicité le pape Jean IV, dont le patriarcat s'étendait à cette province, de leur envoyer des missionnaires. Les résultats de cette mission, faite en quelque sorte par ordre impérial, et dans laquelle derrière le prédicateur latin marchait l'officier byzantin, furent rapides mais peu durables[2]. C'est par l'armée, où les Slaves aimaient à servir en qualité de mercenaires, que l'influence du christianisme les pénétra. , dit un historien, une atmosphère toute chrétienne les saisissait. En devenant soldats impériaux, ils devenaient les frères d'armes de ceux pour qui la Sainte Vierge combattait à Constantinople, saint Démétrius à Thessalonique, saint André à Patras. Dans les camps, ils coudoyaient sans cesse les nombreux clercs qui emplissaient les fonctions d'aumôniers militaires auprès des contingents byzantins[3]. Aussi, quand sonnait l'heure de leur congé, plusieurs d'entre eux avaient-ils abandonné l'idolâtrie, et c'est en néophytes, parfois en apôtres, qu'ils retournaient dans leurs foyers[4]. Mais l'ensemble de la nation, ses chefs surtout, demeuraient païens et païens féroces. Saint Théodore Studite trouvait que c'était un sacrilège que de leur donner des otages[5]. Ils forçaient souvent les captifs chrétiens à apostasier ou les immolaient sans pitié[6].

Les choses changèrent de face avec la conversion au catholicisme du chef des Bulgares, Boris ou Bogoris, en 864. On manque de détails précis sur les circonstances de cette conversion. On a parlé de l'influence d'une sœur de Boris, qui, convertie à Constantinople, aurait, à son retour, convaincu son frère de la vérité de la religion chrétienne. Elle serait la sainte Clotilde des Bulgares et le moine saint Méthode en serait le saint Remi. En tout cas, il ne peut être question, comme on l'a cru longtemps, du saint Méthode qui a été l'apôtre de : la Moravie et dont nous aurons à parler bientôt[7]. En se convertissant, le roi Bulgare ne céda-t-il qu'à la puissance de la vérité ? Ne fut-il pas guidé par un calcul politique, le désir Caractère de d'opposer à la magnificence des empereurs byzantins, la pompe du culte catholique, avec ses théories de prêtres et de lévites rangés autour de sa personne sacrée ? N'y eut-il point là la première manifestation de ce grand rêve ambitieux de la race slave, que nous verrons prendre corps successivement en Bulgarie avec le tsar Syméon, en Moravie avec le grand. Swatopluck, en Russie avec Iaroslaw le Grand, et qui donne peut-être la clef de toute l'histoire de cette race, du moins dans le haut Moyen Age ? Ce motif ambitieux a dû tout au moins coexister avec des raisons plus élevées et plus intimes dans l'âme du roi bulgare[8].

Ceux qui le comparent à Clovis et les Bulgares qui l'honorent comme un saint sont bien obligés de reconnaître que, pas plus que Clovis, le roi Boris ne dépouilla au baptême les mœurs cruelles de la barbarie. Baptisé en 864[9] de la main d'un évêque byzantin, avec l'empereur Michel l'Ivrogne pour parrain, un de ses premiers actes fut de donner l'ordre à ses sujets de se convertir à leur tour. Plusieurs de ceux-ci s'étant révoltés à cette occasion, Boris fit massacrer cinquante-deux familles de boiards ou seigneurs, y compris les femmes et les enfants. Le pape Nicolas Ier blâma hautement cet acte de cruauté sauvage[10].

Rien de plus étrange que la vie de ce barbare converti, dont le christianisme, a-t-on dit, à certains moments sentait plus le steppe que l'Évangile[11]. Il se plaît à parader dans les fêtes, à donner de grands coups de lance, mais souvent, le soir, on le voit se couvrir d'un sac, se glisser furtivement dans une église et y passer la nuit sur les dalles[12]. Non content de se livrer à ces mortifications et à ces prières, un jour Boris abandonne le pouvoir à son fils aîné, se rase la tête et se fait moine[13]. Mais voici que tout à coup il jette le froc. Il vient d'apprendre que son fils Vladimir, ivrogne et débauché, a abandonné le christianisme pour le vieux culte des ancêtres et l'Eucharistie pour des festins où l'on boit le vin dans le crâne d'un ennemi mort. Le moine Boris quitte sa cellule, reprend la lourde épée et la ceinture de bronze des guerriers bulgares, pourchasse son fils, s'empare de lui, lui fait crever les yeux, puis revient dans son monastère reprendre en paix la série interrompue de ses oraisons[14].

Quelle a été l'inspiration politique de ce Clovis des Bulgares ? On n'en trouve pas d'autre que le désir, naïf et violent, d'être un grand roi, d'éblouir le monde, de devenir comme un empereur d'Orient. Il est victime, lui aussi, de cette fascination byzantine, dont les peuples de race gothique ont presque tous souffert et qui fut pour beaucoup dans leur adhésion à l'arianisme. Aussi voit-on Boris s'adresser en même temps au Pape, au patriarche de Constantinople Photius, à l'empereur Louis le Germanique, à tous ceux dont il peut espérer une aide pour s'élever avec éclat. Finalement, c'est au Pape qu'il se rallie. Il le fait même avec énergie. Saisissant avec force une poignée de ses cheveux, il s'écrie : Je jure que toute ma vie je serai le serviteur de saint Pierre. Sa conscience de chrétien, que l'ambition n'a pas éteinte, le porte alors à interroger l'Église de Rome sur diverses questions de doctrine et de liturgie. Il sait que Rome est stricte sur ces points. Il expose ses scrupules. Le questionnaire du roi Boris a donné lieu à un des documents les plus précieux du droit canonique les célèbres Responsa Nicolaï ad Bulgaros. Nous aurons occasion d'y revenir. Entre autres questions, Boris demande au Pape saint Nicolas Ier par quoi il conviendrait de remplacer le serment sur l'épée qui était en usage en Bulgarie, la queue de cheval qu'on arborait en guise de drapeau ou de fanion, et le large pantalon national que portaient les femmes bulgares[15]. Mais ce scrupuleux a soudain des audaces inouïes. On le voit modifier tout à coup la langue liturgique et l'organisation des diocèses de son royaume, en un mot, dit un historien, traiter son église comme si Rome n'existait pas[16]. C'étaient là des signes graves. Ils devaient s'accentuer sous les successeurs de Boris et conduire finalement la Bulgarie au schisme grec.

Le successeur de Boris, Vladimir, fut ce que ses débuts avaient fait prévoir. Son frère Syméon, qui lui succéda et régna de 892 à 927, n'évita la brutalité de son aîné que pour tomber dans des habitudes de mollesse et de luxe. Le désir d'imiter le basileus de Byzance fut chez lui comme une obsession. Il est le premier qui ait pris le titre fastueux de tsar. Il aimait aussi qu'on l'appelât le demi-grec. Il revêtit le manteau de pourpre, et il paraît bien que la chancellerie de Constantinople le traita comme un empereur[17]. Ce fut l'apogée de la puissance bulgare. Mais la décadence ne se fit pas attendre. A la fin du Xe siècle, le second successeur de Syméon, Borisès, permettait l'annexion de la Bulgarie à l'empire grec et, nous dit Léon Diacre, quittait le manteau royal pour le costume de magister byzantin[18]. En 1015, l'empereur Basile, le Bulgaroktonos ou tueur de Bulgares, s'emparait de la capitale Achrida et peu après asservissait complètement la Bulgarie.

Un réveil d'ambition et d'autonomie secouera encore la nation bulgare au XIIe siècle. Elle obtiendra du pape Innocent III une hiérarchie indépendante ; mais en même temps on verra sortir de Bulgarie l'hérésie des Bogomiles, qui, dérivée du manichéisme antique, donnera naissance aux erreurs des Cathares et des Albigeois[19] ; et, peu de temps après, la nation bulgare se jettera dans le schisme grec. Plus tard, en 1453, abandonnée par l'Occident qu'elle a dédaigné et par l'Orient impuissant à la défendre, la Bulgarie tombera sous le joug musulman, et une grande partie de la noblesse du pays embrassera l'islamisme[20].

 

II

Le rêve ambitieux de la race slave, qui échouait en Bulgarie, sembla un moment se réaliser en Moravie.

Si l'on ne considérait que la durée de la nation convertie et de l'Église constituée, la conversion des Moraves occuperait le dernier rang dans l'histoire des origines chrétiennes de l'Europe. L'Église slave de Moravie n'eut qu'une existence éphémère. Elle n'existait pour ainsi dire pas avant l'arrivée de saint Cyrille et de saint Méthode, et on peut dire qu'elle n'exista plus après leur mort. Quant à la Moravie, ce n'était au milieu du IXe siècle qu'une petite tribu slave soumise à la domination de l'Allemagne et si, à la fin du le siècle, sous le grand Swatopluck, elle devint un grand empire, cet empire s'effondra au Xe siècle sous les coups de l'invasion magyare. Mais l'histoire de la conversion de la Moravie prend une importance capitale si l'on considère l'œuvre des deux apôtres, saint Cyrille et saint Méthode, et la portée de cette œuvre sur l'avenir de la race slave tout entière. Aucun des autres héros de notre race, dit un historien russe, Hilferding[21], ne saurait être comparé à Cyrille et à Méthode à ce point de vue : leur action a été panslave ; on ne peut dire cela que d'eux seuls.

Avant eux, des missionnaires de race latine et grecque, mais surtout de race germanique, avaient évangélisé les bords de la Morava. C'est là dans le bassin du Danube, que se trouvaient les Avars, dont la tribu slave était vassale. Des missions organisées par Charlemagne à l'intention des Avars et dirigées, dit-on, par un frère d'Alcuin, nommé Arno, atteignirent le peuple tributaire en même temps que le peuple dominateur. En 824, une bulle d'Eugène II félicita les Moraves et leur prince de leur fidélité à la religion. Ce prince s'appelait Moïmir. Mais en ce moment même la nation venait de s'affranchir des Avars, dont l'empire s'était effondré. N'allait-elle pas changer simplement d'oppresseurs ? Les missionnaires impériaux, qui ne connaissaient pas leur langue, avaient l'air de leur importer, avec leur religion, des mœurs et des lois étrangères. D'ailleurs les princes francs ne s'étaient pas contentés de leur envoyer des prêtres et des moines pour les convertir ; c'est d'eux que leur venaient aussi les soldats qui les pillaient, les comtes qui les rançonnaient, les colons qui prenaient leurs meilleures terres. Le roi Moïmir, très bon chrétien, protestait au nom de l'indépendance nationale. En 846, Louis le Germanique le déposa de force et imposa aux Moraves le neveu de Moïmir, Rastiz, espérant trouver en celui-ci un instrument plus docile. Il se trompa. Rastiz et son peuple voulaient bien rester chrétiens, mais non devenir sujets des Germains. C'est alors que le roi et les chefs du peuple morave conçurent un projet hardi et habile, qui concilierait leur attachement à la foi chrétienne et leurs instincts d'indépendance : ce fut de s'adresser à l'empereur d'Orient pour lui demander des missionnaires. En 862, le roi Rastiz envoya à Michel III une ambassade chargée du message suivant : De nombreux prédicateurs chrétiens sont arrivés chez nous d'Italie, d'Allemagne, de Grèce, nous apportant diverses doctrines. Mais nous autres, Slaves, nous sommes un peuple simple, et nous n'avons personne pour nous enseigner où est la vérité. Désigne-nous donc, généreux monarque, un homme capable de nous parler suivant la raison, car c'est de vous que part la bonne foi, pour se répandre dans l'univers entier. Michel III, qui, malgré le défaut qui lui a valu le surnom de Michel l'Ivrogne, ne manquait pas de sagesse, désigna, pour évangéliser la Moravie, deux hommes que tout semblait avoir préparés à bien remplir cette importance mission, deux frères, Constantin et Méthode, dont le premier devait prendre plus tard le nom de Cyrille.

Par la sainteté de leur vie, par leur science, par leurs malheurs, par l'échec apparent de leur mission et par l'immensité des résultats lointains de leur œuvre, saint Cyrille et saint Méthode doivent être comptés parmi les hommes les plus noblement et simplement grands de l'histoire. Les deux frères étaient nés à Thessalonique, ville maritime célèbre par son commerce, sa population active et cosmopolite. Thessalonique, dit le P. Lapôtre[22], était l'une des meilleures écoles de l'Orient pour s'initier aux langues et aux mœurs des Occidentaux et des Slaves. Du côté de la terre, dans quelque direction qu'il portât ses pas, le Thessalonicien ne pouvait marcher une heure sans se trouver au milieu de populations de race slave. Partout des slavinies, ou sujettes ou vassales de l'empire. Fils d'un haut fonctionnaire impérial, Constantin et Méthode reçurent une éducation des plus distinguées. Méthode, l'aîné, esprit grave, actif, avisé, d'un bon sens robuste, d'une ténacité indomptable, avait d'abord suivi la carrière paternelle et administré pendant plusieurs années une slavinie. Puis on l'avait vu abandonner ses hautes fonctions, se retirer dans une laure et y mener la vie d'un ascète. Chargé de la direction et de la réforme d'un important monastère, il avait eu l'occasion d'y révéler, plus encore que dans l'administration civile de son district, les infinies ressources de son caractère. Tout autre était la nature de Constantin. Doux, pensif, mystique, il aimait l'étude et la solitude. On l'appelait et il se plaisait à ce qu'on l'appelât le philosophe. Compagnon d'études du jeune prince Michel, le futur empereur Michel III, il avait étudié sous les premiers maîtres la poésie, l'histoire, les mathématiques, la dialectique. Pour échapper aux honneurs que lui offraient l'impératrice mère Théodora, qui l'aimait comme un fils, et le grand logothète[23] Théoctistos, qui voulait lui donner sa fille en mariage, Constantin avait fui dans une ile de la mer de Marmara. On l'y retrouva caché au fond d'un monastère. Ordonné prêtre, il dut accepter de son impérial ami. Michel III, une chaire de philosophie à Constantinople, où il charma ses auditeurs par la précision de sa dialectique, l'élégance de sa parole et l'élévation de son enseignement.

Il n'y avait peut-être entre les caractères des deux frères qu'un trait commun, mais ce trait chez l'un comme chez l'autre était profondément marqué : c'était un zèle ardent pour le salut des âmes.

Or, au milieu du IXe siècle, un double péril menaçait l'Eglise sur les frontières de l'empire byzantin : le péril musulman et le péril juif. L'audace des fils de l'Islam s'était accrue avec l'affermissement de la dynastie des Ommiades. En 838, la cité anatolienne d'Amorion avait succombé sous le flot d'une armée musulmane. Aux ruines matérielles s'ajoutaient des ruines morales. Le prestige de la science arabe égalait alors celui de la science byzantine et déterminait des défections parmi les chrétiens. Pour le combattre, l'empereur fit appel au brillant professeur de philosophie de sa capitale. Sur les terres du calife de Bagdad, Constantin rencontra un adversaire dont la culture intellectuelle était à la hauteur de la sienne, le savant calife Mutawakil. S'il ne parvint pas à le convertir il soutint du moins devant lui l'honneur de la religion chrétienne.

Le péril juif était un peu partout dans l'empire. La guerre aux images avait enhardi les Israélites. Revenus en faveur, ils avaient abusé de leur influence pour déterminer des apostasies parmi les chrétiens. En 812, le patriarche Nicéphore accusait leur doctrine d'envahir l'empire comme une gangrène[24]. Un mouvement d'ardent prosélytisme s'était principalement manifesté chez les Israélites riverains de la mer Noire[25]. La nation des Khazares était sur le point d'être gagnée au judaïsme. Il fallait des hommes de science et de courage pour conjurer le péril. Michel s'adressa à Constantin et à Méthode, qui non seulement préservèrent la foi de ce peuple voisin de l'empire, mais le décidèrent aussi à conclure une alliance avec Byzance.

C'est au moment où Constantin revenait de cette mission, accablé de fatigue, déjà attaqué par la maladie qui devait l'emporter plus tard, que les ambassadeurs de Rastiz, duc de Moravie, arrivaient à Constantinople sollicitant des missionnaires. Une fois de plus, l'empereur fit appel au dévouement de Constantin et de Méthode.

Constantin seul était prêtre. Méthode, simple moine, n'avait encore reçu que la tonsure cléricale. Les deux apôtres furent l'objet, à leur arrivée en Moravie, d'un accueil enthousiaste. Tout les recommandait à la sympathie du peuple morave : leurs mœurs douces et polies qui contrastaient si fort avec la rudesse des convertisseurs allemands[26], la grave solennité de leurs chants et de leurs cérémonies liturgiques où le génie hellénique avait laissé son harmonie, enfin surtout l'emploi de la langue slavonne que Constantin et Méthode connaissaient à fond et dont ils se servaient non seulement dans leurs prédications, mais aussi dans les offices liturgiques. La parfaite connaissance qu'ils avaient de cette langue leur permit même de composer en quelques jours un système pratique d'écriture du slavon et de commencer à traduire les Livres sacrés. Des rives du Danube, a-t-on dit[27], jusque dans les hautes vallées de la Moravie, ce fut comme un enchantement et une délivrance. Hélas ! l'œuvre de Dieu n'allait pas tarder à être marquée du sceau de l'épreuve.

L'autorité impériale, à la nouvelle des succès des deux missionnaires, s'alarma. Elle eut peur que ces Orientaux ne vinssent à supplanter le clergé allemand et que l'empire ne se trouvât ainsi privé de ses meilleurs auxiliaires. Une armée allemande, conduite par Louis le Germanique en personne, passa sur la rive.gauche du Danube, et mit le siège devant la grande forteresse de la Moravie, la Dowina. Le duc Rastiz n'échappa à une ruine complète qu'en renouvelant à l'empereur son serment de vassalité[28]. D'autres difficultés, d'autres conflits, plus douloureux aux cœurs des deux apôtres, les attendaient. Cyrille et Méthode s'étant rendus en Italie pour faire ordonner prêtres quelques-uns de leurs collaborateurs — nous savons que ni l'un ni l'autre n'avaient le caractère épiscopal — s'arrêtèrent à Venise, où leur habitude de célébrer la messe en slavon scandalisa fort le clergé latin. Des canonistes et des théologiens prétendirent que, de droit divin, trois langues seulement avaient le privilège de servir aux offices liturgiques, à savoir celles qui avaient été représentées sur l'écriteau de la croix, l'hébreu, le grec et le latin. Les missionnaires eurent beau exposer qu'ils avaient cru faire une chose toute naturelle, venant d'Orient, où l'on voyait la messe se célébrer, suivant les contrées, en grec, en persan, en arménien, en syriaque et en copte. Dénoncés au Pape, ils furent obligés de se rendre à Rome pour se disculper auprès de Nicolas Ier. Ils y furent reçus par le pape Hadrien II, qui venait de succéder à Nicolas Ier, et qui écouta avec bienveillance les deux suspects. Touché de leur piété, de leur zèle et des fruits obtenus en Moravie par leur apostolat, Hadrien II, sans égard pour la théorie trilingue des théologiens de Venise, autorisa les missionnaires à garder leurs livres sacrés en langue slavonne, ordonna prêtre Méthode et s'apprêtait même à sacrer évêque Constantin, quand celui-ci mourut de la maladie qu'il avait contractée dans sa mission auprès des Khazares. Avant de mourir le saint prêtre avait voulu faire profession de moine et c'est à cette occasion qu'il prit le nom de Cyrille sous lequel il est honoré dans les Eglises d'Orient et d'Occident. Le Pape conféra alors l'ordination épiscopale à Méthode, à qui il assigna comme circonscription non seulement la Moravie, mais aussi la Pannonie. Les troubles politiques de la Moravie, où le vieux duc Rastiz avait été déposé et livré aux Allemands par son neveu Swatopluck, obligèrent Méthode à se rendre directement en Pannonie, où de nouvelles tribulations l'attendaient.

La province de Pannonie, située sur les bords du lac Balaton près de la Bavière, avait déjà été convertie par les Allemands. Quand Méthode y célébra la messe en slavon, il y souleva le même scandale qu'à Venise. Seulement, en présence de ces seigneurs-évêques et de ces seigneurs-abbés, qui sentaient, a-t-on dit[29], plus le harnais que l'autel, et qui s'entendaient mieux à manier la masse d'armes que le syllogisme aristotélicien, il ne pouvait être question, comme en Italie, d'essayer de vider la question par une argumentation scolastique ou d'attendre une réponse de Rome. Les prélats bavarois eurent tôt fait de réunir, en 870, un concile national en présence de Louis le Germanique ; et ce qui se passa dans ce pseudo-concile, la nature des arguments auxquels eurent recours les évêques de Passau, de Salzbourg et de Freising contre l'évêque de Moravie et Pannonie, nous le savons par des lettres authentiques. Imperturbable sous les coups de poing et les soufflets[30], Méthode exaspérait ses adversaires. Le pape Jean VIII, dans une de ses lettres, nous apprend qu'on vit un jour l'évêque de Passau, Ermenrich, entrer dans la salle du concile en costume de cheval, le fouet à la main, et se précipiter sur l'évêque de Pannonie pour le cingler au visage. Ses collègues l'arrêtèrent à temps[31]. Bref, Méthode fut jeté dans une prison ouverte à tous les vents, où pendant deux ans il subit d'horribles tortures[32]. Ce fut sans préjudice, d'ailleurs, d'une dénonciation en forme, portée à Rome, sous le double chef d'introduction dans la liturgie d'une langue nouvelle et d'omission dans la récitation du symbole de la formule Filioque, que l'Occident tout entier avait adoptée à cette époque.

On était arrivé à l'an 872. Au pape Hadrien II venait de succéder Jean VIII. Une fois de plus, Rome, plus large que les prétendus défenseurs de ses droits, donna raison à l'évêque de Moravie et Pannonie. Elle lui demanda toutefois de ne se servir de la langue slavonne que dans ses prédications[33]. Quelles furent les circonstances qui permirent, six ans plus tard, à Méthode de se croire autorisé à célébrer la messe dans la langue nationale ? Nous l'ignorons. Nous savons seulement que, dénoncé pour ce fait, mandé à Rome par le pape Jean VIII, il fit valoir de telles raisons, que le Souverain Pontife, rendant hommage à la parfaite orthodoxie de Méthode, déclara solennellement, dans une lettre adressée au roi Swatopluck en juin 878, que rien ne s'opposait à ce qu'on chantât la messe en slavon, Dieu étant aussi bien l'auteur de cette langue que de toutes les autres langues[34].

La Moravie était alors près d'atteindre l'apogée de sa puissance. Swatopluck, après s'être appuyé sur les Allemands pour détrôner son oncle, s'était affranchi d'eux. Son empire allait bientôt s'étendre au nord sur toute la Bohême, au sud sur toute la Pannonie jusqu'au Danube. Ce grand homme paraît avoir été doué d'un remarquable sens politique. Il avait compris de quelle importance était l'œuvre de Méthode pour le maintien de l'indépendance nationale et de l'autonomie de sa race. Sa perspicacité semble avoir vu plus loin encore. Comme s'il avait l'intuition du rôle prépondérant que la Papauté allait jouer dans l'organisation du Moyen Age, Swatopluck voulut mettre son empire sous la dépendance immédiate du Saint-Siège, soustrayant ainsi son Etat à la domination éventuelle de' toute mitre suzeraineté. L'histoire doit retenir le nom du monarque slave qui fut le premier des princes chrétiens à placer son peuple sous la vassalité directe du Pontife romain. On sait, du reste, que cet acte ne put avoir que la portée d'un grand exemple. L'empire morave ne survécut pas au grand Swatopluck. La Moravie, attaquée l'année même de sa mort, en 894, par les troupes impériales, à l'ouest et par les hordes hongroises à l'est, déchirée à l'intérieur par les rivalités des deux fils du roi défunt, Moïmir II et SwatopIuck II, devint peu de temps, après la proie de l'a Hongrie et de la Bohême.

A la veille même de cette catastrophe nationale, l'œuvre du saint évêque venait d'être frappée d'un : malheur plus grand encore, semble-t-il, parce qu'il parut atteindre l'avenir religieux de la race slave tout entière. Et c'est par suite d'un incident des plus vulgaires que le résultat de tant d'efforts allait sombrer !

Le parti allemand n'avait pas désarmé. Dans son acharnement à exclure l'emploi liturgique de la langue slavonne, un indigne prélat, d'origine allemande, Wiching, arrivé par l'intrigue à l'évêché de Passau, ne recula pas devant un faux. Par des manœuvres qu'il serait trop long de raconter[35], Wiching était parvenu à substituer à la lettre authentique de Jean VIII une fausse lettre, laquelle proscrivait absolument la liturgie slavonne, ordonnait le retour à tous lès rites et usages de l'Église latine, soustrayait Wiching à la juridiction de Méthode et le chargeait de faire exécuter les lettres pontificales en Moravie. L'imposture eut d'abord un plein succès. Swatopluck, habilement circonvenu par Wiching, tomba dans le piège. Ce fut pour Méthode le commencement d'une série d'humiliations, d'angoisses, de tribulations, qu'une nouvelle lettre de Jean VIII, trop vague, mal comprise, mal interprétée, ne parvint pas à dissiper définitivement. En 885, l'apôtre de la Moravie rendit son âme à Dieu, craignant les pires catastrophes pour son œuvre. En effet, un an plus tard, le pape Etienne V, trompé à son tour par Wiching, qui avait obtenu la succession de Méthode, proscrivait formellement la liturgie slave en s'appuyant sur la fausse lettre de Jean VIII. Pendant quatre siècles, les Papes, victimes de la même erreur, continuèrent à interdire l'emploi de la langue nationale dans la liturgie slave. Ils ne revinrent partiellement sur leurs prohibitions qu'à partir du mue siècle, lorsque le Registre des lettres de Jean VIII, revenu du Mont-Cassin à la bibliothèque pontificale, leur eut permis de constater la criminelle supercherie de Wiching.

L'œuvre des apôtres de la Moravie avait été, malgré tout, extraordinairement féconde. L'historien russe Hilferding a pu dire que nul héros de sa race n'a plus fait que Cyrille et Méthode pour l'avenir des peuples slaves. Ils ont fixé la langue que parlent aujourd'hui des millions d'hommes. Leur action civilisatrice s'est également étendue sur la race tout entière ; ils l'ont exercée à un moment où, la distinction des divers peuples n'étant pas encore bien marquée, leur influence a pu facilement se faire sentir dans toute la grande famille slave. L'histoire de l'Eglise doit constater que presque tous les chrétiens qui, dans le monde slave, se rattachent à l'Eglise romaine, remontent, d'une manière directe ou indirecte, à l'Église de Moravie. La Bohême, dont saint Méthode avait converti le duc Borcivoy, beau-frère de Swatopluck, la Pologne, qui reçut des Moraves fugitifs, après la chute de leur patrie, les premiers rudiments de la foi, et la Hongrie, chez qui l'influence des missionnaires bohémiens et polonais fut prépondérante, durent à ces origines latines d'échapper à l'influence byzantine qui devait entraîner les autres nations slaves dans le schisme grec.

 

III

Au début du Xe siècle, tandis que la Moravie disparaissait de la carte politique de l'Europe, partagée entre les Bohémiens et les Hongrois, plus au nord et plus à l'est, au milieu d'une vaste plaine qui commençait à s'appeler le pays de la Rous ou la Russie, un nouveau centre de puissance slave se fondait. L'entreprenant conquérant Oleg, fils de Rourik, ayant pris d'assaut la ville de Kiew, sur le Dniéper, avait dit : Cette ville sera la mère des villes russes[36]. Celui qui parlait ainsi était un Scandinave, de la tribu des Varègues. Mais la nation dont il fixait la capitale était bien une nation slave. Il semblait dans la destinée de cette race de ne trouver l'organisation et l'unité que par des hommes de race étrangère. Qui avait fait l'unité des Slaves dans la presqu'île des Balkans sinon le Bulgare Boris, et l'empire de Moravie sinon les Macédoniens Cyrille et Méthode ? Le père d'Oleg, le Varègue Rourik, avait fait à son tour la Russie. Plus grand besoin avait cette nation d'un élément étranger et dominateur, s'il est vrai, comme on l'a dit, que la plaine vaste et nue qu'il habitait, ajoutant son influence à celle de la race, avait incliné l'imagination de ce peuple à des rêves vagues et vides comme elle-même, plutôt qu'à des conceptions puissantes et à de vivantes images[37]. Les Varègues étaient païens comme les Slaves. En se mêlant, la tribu dirigeante et la vaste nation fondirent leurs cultes. Thor, le dieu scandinave, devint identique au dieu slave, Péroun. Le christianisme s'y était cependant propagé dès le début parmi le peuple. Quand, sous le successeur d'Oleg, Igor, les Russes conclurent un traité avec l'empereur d'Orient, les uns se rendirent sur la colline de Péroun et jurèrent à la manière antique ; les autres allèrent à la chapelle de Saint-Elie et mirent la main sur l'Evangile[38]. Mais les chefs étaient réfractaires à la doctrine chrétienne. Quand un des guerriers du grand Prince voulait se convertir, dit le vieux chroniqueur russe, Nestor, on ne l'en empêchait pas, mais on se moquait de lui. La veuve d'Igor, Olga, reçut pourtant le baptême à Constantinople en 955, mais son influence ne paraît avoir déterminé aucun mouvement de conversion parmi les grands.

Le mouvement s'opéra, brusque et complet, du moins en apparence, sous Vladimir, en 998. Une crise religieuse travaillait la Russie. Du mélange du culte des dieux slaves avec celui des dieux scandinaves était né un scepticisme pratique, contre lequel l'âme profondément religieuse des Slaves protestait. Où trouver la vraie religion ? Vladimir fit une enquête. Le tableau que lui firent ses députés de la majesté religieuse des offices de Sainte-Sophie et le souvenir de son aïeule Olga triomphèrent de ses doutes. Il résolut de se faire chrétien. Mais le fier Varègue ne voulait pas, dit-on, mendier le baptême. Il résolut de le conquérir. Il envoya déclarer aux empereurs grecs, Basile et Constantin, que s'ils ne lui accordaient pas la main de leur sœur Anne, il marcherait sur Constantinople. Les empereurs, ayant mis pour condition que Vladimir se ferait baptiser, Vladimir reçut le baptême et ramena de Constantinople, avec son épouse, des prêtres chrétiens, des reliques de saints et des ornements d'église, comme on ramène des captifs, comme on rapporte un butin après une victoire. Puis, il fit fouetter publiquement et précipiter dans le fleuve l'idole de Péroun.

Il est difficile de juger, à travers les vieux récits recueillis par Nestor et peut-être déjà altérés par l'imagination populaire, quel fut le vrai caractère de celui qu'on appelle le Clovis de la Russie. Comme notre Clovis, il ne parait pas avoir du premier coup dépouillé le barbare. Une fois chrétien, il crut pouvoir commander le baptême à son peuple, ainsi qu'il aurait commandé une évolution militaire à son armée. On vit, sur l'ordre du prince, disent les vieilles annales, les Kiéviens se plonger dans les ondes du fleuve, tandis que les prêtres grecs, rangés autour de Vladimir, debout sur le rivage, lisaient sur eux les promesses du baptême[39].

Au milieu de cette scène, où des prêtres grecs baptisent par ordre un peuple qui défile au commandement, on regrette de de pas apercevoir, dans l'entourage du nouveau Clovis, un saint Remi, une sainte Clotilde et une sainte Geneviève, modèles vivants des plus pures et des plus douces vertus chrétiennes.

La grâce paraît avoir cependant opéré, plus tard, des merveilles dans l'âme du roi converti. Nestor est en admiration devant cette transformation intime. On vit le monarque distribuer ses biens aux églises et aux pauvres ; il fut fidèle à sa femme grecque, il n'aima plus la guerre. Il hésitait à sévir, même pour punir les criminels, et les évêques furent obligés de lui rappeler ses devoirs envers la justice. Il en est souvent du caractère russe, dit M. Anatole Leroy-Beaulieu[40], comme du climat de la Russie : tous deux sont outrés, tous deux vont aisément d'un extrême à l'autre. Vladimir fonda des écoles où les enfants du peuple vinrent étudier les Livres Saints dans la traduction slavonne de saint Cyrille et de saint Méthode. Mais il fallait les y traîner. Les parents les en détournaient, regardant l'écriture comme une espèce de sorcellerie. La croyance aux devins et aux sorciers persista en effet longtemps dans le peuple. Au XIIe siècle, on la trouvait encore mêlée aux pratiques de la foi chrétienne.

Le Charlemagne russe, Iaroslaf le Grand, devait, au commencement du XIe siècle, compléter l'œuvre du Clovis russe. L'œuvre législative de Iaroslaf est remarquable. Il rédigea le premier code de sa nation, la Rouskaïa Pravda (le droit ou la vérité russe). On y remarque partout l'empreinte scandinave. Cette législation consacre le jugement de Dieu, le duel judiciaire, la composition pécuniaire ou wergheld, que les Russes appellent vira. L'œuvre politique d'Iaroslaf est plus importante encore. Il fit entrer sa dynastie dans la famille des princes chrétiens. Il maria sa sœur à Casimir, roi de Pologne, et ses trois filles à Harold le Brave, roi de Norvège, à Henri Ier, roi de France et à André Ier, roi de Hongrie.

La Russie cependant devait rester isolée de l'Occident. Le christianisme et la civilisation lui étaient venus de Byzance et non de Rome. Ce fut sa faiblesse. C'est de Byzance qu'elle reçut sa culture intellectuelle. Les nombreuses écoles établies par Vladimir et Iaroslaf furent fondées par des Grecs sur le type byzantin. Ce fut ce qu'un des écrivains de la Russie appelle le premier de ses servages intellectuels[41]. C'est aussi de Byzance qu'elle reçut le type de son organisation sociale.

C'était le bas empire et l'autocratie, un État sans droits politiques, régi par l'omnipotence impériale à l'aide d'une hiérarchie de fonctionnaires[42]. C'est de Byzance enfin qu'elle reçut la forme de son Église. Le premier personnel de son sacerdoce et de son épiscopat furent grecs. Or, dans l'Église byzantine, la tendance au schisme était partout. Le jour où le schisme sera ouvertement déclaré, l'Église russe s'y laissera entraîner comme d'elle-même.

 

IV

Bien différentes furent les circonstances qui amenèrent la conversion de la Pologne. Le lent travail d'évangélisation que des Moraves exilés y avaient commencé parmi les classes populaires n'aboutit à de réels progrès qu'à la fin du Xe siècle, à la suite du mariage du duc Mieczyslas ou Miesko, en 965, avec une jeune princesse bohême, Dombrowka. Elle était fille du roi Boleslas, et nièce de saint Wenceslas[43]. Dombrowka, ou Dubrawka (la Bonne), fut l'ange bienfaiteur de la Pologne. C'est elle qui, par sa douceur et par une condescendance infatigable, parvint à toucher le cœur de son mari, encore engagé dans les erreurs du paganisme. Le plus ancien et le plus important témoin de ces événements, Ditmar de Meresbourg[44], raconte qu'ayant commencé par faire des pénitences très austères pour obtenir la conversion de son mari, et voyant que la vie qu'elle menait n'avait fait qu'épouvanter son époux et lui rendre odieux le christianisme, la pieuse princesse changea de tactique. Elle résolut de le vaincre par la bonté, cédant aimablement à toutes ses demandes toutes les fois que sa conscience le lui permettait. Or, un jour, il sembla qu'elle était allée vraiment trop loin. Elle avait consenti à manger de la viande un jour de jeûne. Tu viens d'apprendre sa faute, ô lecteur ! s'écrie ici le bon chroniqueur. Apprends maintenant le fruit de sa bonne volonté. Elle avait travaillé avec bonté à la conversion de son mari et elle fut exaucée par la bonté de son Créateur, dont l'ineffable miséricorde fit rentrer en lui-même un ennemi ardent, qui, obéissant aux remontrances de sa femme, rejeta le poison de son incrédulité héréditaire et lava le péché de son origine dans les eaux de son baptême[45]. Le successeur de Mieczyslas, Boleslas Chrobry, ou le Fort, qui régna de 992 à 1025, assura le triomphe complet du christianisme, en appelant dans ses États les Bénédictins et les Camaldules, qui répandirent autour d'eux une sérieuse vie chrétienne. A partir de ce moment, deux caractères signalèrent l'Église de Pologne : une tendre dévotion à la Sainte Vierge et un ardent dévouement au Saint-Siège. Le célèbre cantique à la Vierge, attribué à saint Adalbert de Prague, enthousiasmait les Polonais. On sait, d'autre part, que l'union intime de la l'église de Pologne et de la Cour pontificale est restée un des signes particuliers de l'histoire de ce peuple[46]. Si, plus tard, au milieu de malheurs sans nombre, dont les vices de son régime constitutionnel ne furent pas les seules causes, la Pologne, en devenant le boulevard invincible de l'Europe contre les invasions, a témoigné d'une vitalité et d'une noblesse qui ont peu d'exemples dans l'histoire, il n'est pas téméraire d'en attribuer le mérite à ces deux caractères de sa foi. La Russie et la Pologne, a dit un auteur non prévenu en faveur de l'Église, M. Alfred Fouillée, la Russie et la Pologne, de même race, ont eu cependant des religions et des civilisations opposées. L'une avait reçu de Byzance sa religion, prêchée par des missionnaires grecs ; l'autre avait reçu le catholicisme romain, prêché par des missionnaires venus de Rome... d'où un double courant de civilisation : là byzantin et infécond ; ici, gréco-romain et de fécondité infinie. Tant il est vrai que les influences morales et sociales sont supérieures aux influences ethniques[47].

 

V

Un peuple de race toute différente, celui-là même qui, en s'emparant de la Moravie et en poussant ses incursions de tous côtés, avait séparé le monde slave en plusieurs tronçons dont la Russie et la Pologne étaient les deux principaux, les Hongrois ou Magyars, entrèrent dans l'Église catholique en même temps que les Polonais, à la fin du Xe siècle. Nul peuple ne fut plus terrible dans les babilles ; nul ne devait professer envers la Sainte Vierge une dévotion plus tendre, envers le Souverain Pontife un plus chevaleresque dévouement.

Le duc magyar qui, à la fin du IXe siècle, descendit des Karpathes pour envahir la Pannonie, se disait issu du noble et farouche Attila[48]. Cinq siècles auparavant, racontait-on, tandis qu'Attila, non content du vaste empire qu'il s'était taillé avec son épée dans l'Europe orientale, se dirigeait vers la Ville Éternelle, un ange du ciel lui était apparu et lui avait dit : Écoute ce que le Seigneur Jésus-Christ te commande : N'entre pas dans la Cité sainte où reposent les corps de mes apôtres. Retourne sur tes pas, et un jour, à Rome même, pour prix de ton obéissance, je donnerai à l'un de tes descendants la couronne d'un royaume qui durera éternellement. C'est cette couronne que venait chercher le duc Almos, avec ses 20.000 guerriers, sur la terre que son ancêtre Attila avait jadis conquise. Le pays qu'occupèrent les Magyars du duc Almos prit dès lors le nom de Magyarie ou de Hongrie. Ils y apportèrent la religion de leurs ancêtres, le culte du dieu Isten, qu'ils appelaient plus spécialement le dieu des Magyars, et de plusieurs divinités secondaires, dont la principale était celle de la guerre, Hadur, la croyance aux fées, la pratique de la divination et de la sorcellerie. En temps de paix, chaque tribu était indépendante. Au moment de la guerre, on élisait un chef. Autour d'une coupe sacrée, les chefs des sept tribus, le bras gauche tendu en avant, s'ouvraient une veine avec leur poignard, et tandis que leur sang coulait dans la coupe, ils prêtaient un serment terrible : Qu'ainsi coule jusqu'à la dernière goutte le sang de quiconque se révoltera conte le chef choisi par les tribus ! Qu'ainsi coule le sang du chef s'il viole les conditions de notre pacte ! Ensuite le chef élu, debout sur son cheval, brandissait son sabre vers les quatre points cardinaux, signifiant ainsi qu'il défendrait son pays de quelque côté qu'on l'attaquât[49].

Or, un siècle après l'occupation de la Hongrie par les troupes magyares, au jour de Noël de l'an 973, le duc Geiza, descendant du duc Almos, recevait le baptême des mains de saint Adalbert de Prague, avec 5.000 de ses guerriers. Cette conversion était surtout l'œuvre de sa femme Sarolta, fille du duc de Transylvanie Gyula, lequel, s'étant fait baptiser à Constantinople, avait élevé sa fille dans la religion chrétienne. La duchesse La foi au Christ n'avait en rien éteint les énergies natives et un peu sauvages de la jeune princesse. Les Hongrois aimaient à la voir, amazone intrépide, dompter sans frein et sans selle les chevaux les plus rétifs, vider les coupes écumantes et se jeter dans la bataille, où sa vaillance égalait celle du plus brave des guerriers[50]. Elle eut sur son peuple et sur son époux une influence considérable[51]. Le duc, saisi lui-même par la grandeur des dogmes et de la morale du christianisme, laissait sa femme bâtir des églises et appeler en Hongrie des missionnaires chrétiens. Un saint, à l'âme tendre et pieuse, acheva l'œuvre que la vaillante amazone avait commencée. Saint Adalbert de Prague, qui devait mourir martyr de la foi, près de Kœnigsberg, en 997, tué à coups de lance par un prêtre idolâtre, était fils d'un magnat de Bohême. Il avait été, dès son enfance, consacré d'une manière spéciale à la Vierge Marie. Elevé sur le siège de Prague à vingt-sept ans, doué d'un zèle ardent pour la gloire de Dieu, mais pénétré d'une grande défiance de lui-même, avait cru devoir céder à un auxiliaire son siège épiscopal, ne se croyant pas capable de gagner à Dieu ses rudes compatriotes tchèques. Il s'était retiré à Rome dans le couvent de Saint-Alexis, pour y mener une vie de pénitence et de prière. Une députation des Bohémiens et l'ordre du Pape l'avaient fait retourner dans son pays. Il devait être l'apôtre, non seulement de la Bohême, mais de la Hongrie et de la Prusse[52].

L'évangélisation du peuple fut l'œuvre de Pilgrim de Passau, du moine Wolfgang et de quelques autres missionnaires grecs et latins.

Six ans après le baptême de son époux, Sarolta donnait le jour à un fils qui reçut au baptême le nom d'Étienne et que l'Église devait placer au nombre des saints. Le zèle que déploya saint Étienne de Hongrie à bâtir des églises et des monastères, la vigoureuse promptitude avec laquelle il écrasa un mouvement de révolte des vieux tenants du paganisme, la sagesse et la mesure qu'il mit en toutes choses dans le gouvernement de son pays, la noble simplicité avec laquelle on le vit rendre la justice à ses sujets et catéchiser les pauvres[53] l'esprit de justice et de loyauté qu'il apporta dans ses relations diplomatiques avec les autres peuples, sa piété filiale envers la Sainte Vierge, à qui il voua son royaume et qu'il aimait à appeler la Grande Darne des Hongrois, les admirables conseils qu'il rédigea pour l'instruction de son fils, permettent de le ranger parmi les plus grands rois chrétiens, non loin de saint Louis, roi de France. Mais ses deux principaux titres de gloire sont son œuvre législative et l'orientation qu'il donna à la politique générale de la Hongrie.

Que les lois et les traditions de nos pères, disait Étienne, soient pour nous choses sacrées, car il est difficile à un peuple d'exister et de se maintenir s'il renie ceux qui l'ont précédé. Mais pour lui ce culte de la tradition semble n'avoir été que la condition d'une marche plus assurée vers le progrès. D'aucuns, en effet, lui ont reproché, tandis que d'autres lui en ont fait honneur, d'avoir voulu devancer son siècle. Dans la constitution qu'il rédigea pour son pays, Étienne ne craint pas de rompre, quand il le juge à propos, avec les usages les plus chers à sa race. Hardiment, inexorablement, il interdit les combats singuliers et les guerres privées. Quiconque tirera son sabre pour venger une offense sera condamné à périr par le glaive. Il apporte à la constitution de son pays des modifications importantes. De ce qui n'était qu'une sorte de commandement militaire, il fait une monarchie. Mais il repousse en même temps la conception antique de la monarchie, qui absorbait dans l'État toute initiative privée. Par le développement de l'institution des comitats, ou provinces autonomes, il établit une sage décentralisation administrative et sociale. Il veut qu'on respecte dans chaque province la langue, les mœurs, le costume. Faible est l'État, disait-il, qui n'a qu'une langue et des mœurs uniformes[54]. Entre la haute noblesse et le peuple il favorise la formation d'une petite noblesse, facilement accessible, celle des chevaliers, dont il espère beaucoup pour la défense des libertés publiques et de l'indépendance nationale. Il veut que la royauté soit élective, mais se maintienne dans la même famille. Il entend que les étrangers jouit sent dans ses États de libertés étendues et qu'on les appelle non des étrangers, mais des hôtes, hospites. Pour faciliter les relations de ses sujets avec les autres nations, il fonde à Jérusalem, à Rome, à Constantinople et à Ravenne des hôtelleries destinées à recevoir les voyageurs hongrois. Il professe un respect absolu de la propriété privée. Nul ne pourra être dépossédé de ses biens, même au profit de l'État, par mesure de confiscation. En cas de désertion, de trahison ou de lèse-majesté, les biens du criminel passeront à ses enfants pour que le fils innocent ne soit pas privé de patrimoine à cause du père coupable.

Plusieurs des réformes de ce grand législateur n'eurent pas le résultat qu'elles semblaient promettre. On ne comprit pas assez les unes ; on ne fut pas assez mûr pour supporter les autres. Mais la Hongrie a le droit d'être fière qu'un de ses rois et l'Église qu'un de ses saints ait proclamé, il y a neuf siècles, des principes d'une si haute portée morale et sociale.

Par les relations du grand-père maternel de saint Étienne, le duc de Pensylvanie Gyula, qui avait été converti à Constantinople, et par les missionnaires que sa mère Sarolta en avait fait venir, la Hongrie chrétienne s'était trouvée d'abord orientée du côté de l'Église byzantine. Le grand sens chrétien du saint roi lui fit comprendre que la pleine vérité et l'avenir étaient du côté de Rome. Il s'y tourna franchement. Le Pape Sylvestre II, qui vit quels éminents services pourrait rendre à la Chrétienté un royaume catholique situé à l'est de l'Europe, plaça sur la tête d'Étienne, en l'an 1000, la couronne de roi, lui décerna le titre d'apostolique, et lui accorda des droits exceptionnels relatifs à l'organisation des diocèses et à la collation des bénéfices.

Les destinées de la Hongrie étaient fixées. Pendant tout le Moyen Age, la nation hongroise, fidèle à son poste de combat, sera le rempart de l'Europe contre les invasions tartares et turques. Pour les Occidentaux, dit M. Sayous[55], ce qui doit dominer, c'est la reconnaissance des services que la Hongrie a rendus à la civilisation en mettant son corps au travers du chemin de la Barbarie. — Quand donc, disait Michelet, quand donc paierons-nous notre dette de reconnaissance à ce peuple béni, sauveur de l'Occident ?

 

Par la conversion de la Hongrie s'achevait la formation de l'Europe chrétienne. Après mille ans d'efforts, le paganisme n'était pas seulement vaincu partout en Europe ; il était atteint dans les autres parties du monde. Le christianisme débordait sur l'Afrique par l'Afrique romaine, l'Egypte et la Nubie[56] ; il s'étendait en Asie jusqu'à l'île de Socotora, à Ceylan et à la côte de Malabar ; quelques missions s'échelonnaient même à travers la Tartarie jusqu'au cœur de la Chine[57] ; par l'Islande, devenue chrétienne en l'an mille, et par le Groenland, il allait bientôt gagner l'Amérique[58].

Mais, tandis que des évêques et des moines missionnaires travaillaient à cette grande expansion, les Papes et les princes chrétiens n'étaient pas restés inactifs. L'idée d'une vaste fédération des peuples convertis avait pris corps, le domaine temporel du Saint-Siège s'était juridiquement constitué, Charlemagne avait fondé le Saint-Empire, la Féodalité était née, le pape saint Nicolas Ier avait proclamé le droit chrétien de la société nouvelle, et, après de violentes secousses dont le Siège de Saint-Pierre avait été terriblement ébranlé, un prince allemand venait de reprendre l'œuvre de Charlemagne.

Ce sont les faits qu'il nous reste à raconter[59].

 

 

 



[1] PARGOIRE, L'Eglise byzantine, p. 177.

[2] Constantin PORPHYROGÉNÈTE, De administrando imperio. P. G., CXIII, 284.

[3] Acta Maximi, P. G., XC, col 136-172.

[4] PARGOIRE, L'Eglise byzantine, p. 178.

[5] Acta sanctorum, janvier, t. III, p. 54.

[6] Vita Germani patriarchæ, n° 29, dans Μαυροκορδάτειος βιβλιοθήκη. L'Eglise byzantine, p. 363.

[7] Acta sanctorum, octobre, t. XI, p. 120. P. LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège, p. 102, 103.

[8] R. P. LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège à l'époque carolingienne, p. 50.

[9] D'après les Acta Sanctorum, octobre, t. XI, p. 120, ce serait en 866. Le P. Lapôtre préfère la date 864.

[10] HINCMAR, Annales, a. 866, p. 473, 474. P. L., t. CXIX, col. 988.

[11] P. LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège, p. 50.

[12] Acta sanctorum, octobre, t. XI, p. 120.

[13] Acta sanctorum, octobre, t. XI, p. 120.

[14] Acta Sanctorum et LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège, p. 51.

[15] Responsa Nicolas ad Bulgaros, num. 33, 59, 67. P. L., CXIX, 1006. Le sage pontife répond qu'il ne convient de jurer ni sur une épée ni sur quelque autre objet créé, mais seulement sur Dieu et les choses saintes telles que l'Evangile. La queue de cheval serait bien remplacée, dit-il, par la croix. Quant à la troisième question, quod de femoralibus sciscitomini, ajoute-t-il, supervacaneum esse putamus. Nam sive vos, sive feminæ vestræ, sive deponatis, sive induatis femoralta, nec saluti officit, nec ad virtutum proficit incrementum. Sane quoniam diximus jussa fuisse femoralia fieri, notandum est, quia nos spiritualiter induimur femoralibus, cum carvis libidinem per continentiam coarctamus.

[16] P. LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège, p. 73.

[17] A. RAMBAUD, Histoire de l'empire grec au Xe siècle, p. 342, 343.

[18] Léon DIACRE, Hist., l. IX, P. G., CXVII, 885.

[19] L'opinion de Bossuet, faisant descendre l'hérésie des Albigeois du manichéisme par les Bulgares, bien que contestée par M. RÉBELLIAU (Bossuet historien du protestantisme, p. 475), est maintenant admise par la critique. V. Bulletin critique, 1895, p. 109. Les mots Bulgari, Bulgri, Bulgres commencent dès lors à être employés pour indiquer les hétérodoxes. S. Louis recommande à son fils de se méfier des mauvais Boulgres.

[20] En 1860, un mouvement de retour à l'Eglise s'est manifesté dans la Bulgarie. On y compterait actuellement plus de 60 000 catholiques (P. MICHEL, L'Orient et Rome, p. 22). Mais le vice national, la subordination de la religion à la politique, y persiste plus que jamais. Voir le discours prononcé le 2/15 mal 1907, à l'occasion du millénaire de la mort du roi Boris par M. Apostolof, ministre de l'Instruction publique. Echos d'Orient, 1907, t. X p. 249 et suivantes. Cf. Echos d'Orient, IX, p. 373 et suivantes.

[21] HILFERDING, Cyrille et Méthode, Œuvres complètes, t. I, p 299.

[22] LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège, p. 95.

[23] Le mot français qui répond le mieux au mot grec de logothète est celui de ministre. Le grand logothète était une sorte de premier ministre (Ch. DIEHL, Grande Encyclopédie, au mot logothète.)

[24] Vita Nicephori, cité dans PARGOIRE, L'Eglise byzantine, p. 283.

[25] A. RAMBAUD, L'empire grec au dixième siècle, p. 273.

[26] Ces évêques allemands, dit le R. P. Lapôtre, ces abbés qui se posaient en convertisseurs, les Moraves les avaient vus sur les champs de bataille et connaissaient mieux la force de leur masse d'armes que celle de leur prédication. En 849, ce sont des abbés qui mènent l'expédition contre les Bohèmes. En 871, c'est Arno, le belliqueux évêque de Wirzbourg, Arno, qui reparait encore l'année suivante, guerroyant contre les Moraves, en compagnie du non moins belliqueux abbé de Fulde, Sigehard. L'Europe et le Saint-Siège, p. 93.

[27] R. P. LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège, p. 106, 107.

[28] Annales de Fulda, a 864, Historiens des Gaules, VII, 171.

[29] R. P. LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège, p. 107.

[30] Colaphis affligentes, JAFFÉ, I, 2976.

[31] In episcoporum concilium tractum equino flagello percuteres, nisi prohibereris ab aliis. Lettre de Jean VIII à Ermenrich de Passau. Newes Archiv., t. V, p. 303. JAFFÉ, I, 2977.

[32] Sub dito, acerrima hiemis immanitate, dit Jean VIII. Lettre de Jean VIII à Ermenrich de Passau, Newes Archiv., t. V, p. 303. JAFFÉ, I, 2978.

[33] JAFFÉ, I, 2970, 2975-2980.

[34] P. L., CXXVI, 906.

[35] Voir le détail dans l'ouvrage du R. P. LAPÔTRE, L'Europe et le Saint-Siège, p. 136 et suivantes.

[36] A. RAMBAUD, Histoire de la Russie, p. 45. La Rous était le nom d'une bande de Varègues qui avait pénétré en Russie vers 862, appelée, dit-on, par les Slaves.

[37] A. FOUILLÉE, Esquisse psychologique des peuples européens, p. 396.

[38] A. RAMBAUD, Histoire de la Russie, p. 48.

[39] A. RAMBAUD, Histoire de la Russie, p. 58.

[40] A. LEROY-BEAULIEU, L'empire des tsars, t. I, p. 174.

[41] M. Kavéline, cité par A. LEROY-BEAULIEU, L'empire des tsars, t. I, p. 234.

[42] M. Kavéline, cité par A. LEROY-BEAULIEU, L'empire des tsars, t. I, p. 234.

[43] MŒLLER, Hist. du Moyen Age, p. 792, note.

[44] Ditmar ou Thietmar, évêque de Meresbourg, né en 976, a rendu les plus précieux services à l'histoire du Moyen-âge par la publication de son Chronicon. V. Monum. Germ. Hist., t. V, p. 723 et suivantes.

[45] DITMAR, Chron., IV, 35. M. G. H., t. V.

[46] E. DENIS, dans L'Histoire Générale, I, 726.

[47] A. FOUILLÉE, Esquisse psychologique des peuples européens, p. 421.

[48] Les Hongrois, dans leurs traditions, donnent à Attila un caractère très noble et très généreux.

[49] Gesta Hungarorum, VI. Cité par HORN, Saint Étienne de Hongrie, p. 12 et 13. La coutume de brandir l'épée vers les quatre points cardinaux s'est conservée dans le cérémonial du sacre des rois de Hongrie.

[50] E. HORN, Saint Étienne de Hongrie, p. 31.

[51] Totum regnum viri manu tenebat, dit de Sarolta le biographe de saint Adalbert de Prague. Bollandistes, avril, t. III.

[52] Sur saint Adalbert de Prague, voir Acta Sanctorum, avril, t. III.

[53] Le pape Sylvestre II disait : Je suis apostolique, mais le roi Etienne, par la grâce du Christ, est apôtre. Ego sum apostolicus ; ille vero, merito Christi, est apostolus.

[54] Unius linguæ uniusque moris regnum imbecille et fragile est. Sancti Stepitani Decret. LI, Monit. IV.

[55] E. SAYOUS, Histoire Générale des Hongrois.

[56] DUCHESNE, Eglises séparées, p. 281 et suivantes.

[57] La fameuse pierre de Si-ngan-tou, découverte en 1625, ne laisse aucun doute sur l'évangélisation de la Chine au VIIe siècle. Cf. R. C. HAVRET, La stèle chrétienne de Si-ngan- fou, Shangaï, 1895.

[58] GAFFAREL, Etudes sur les rapports de l'Amérique et de l'Ancien Continent avant Colomb, Paris, 1889. GRAVIER, Découverte de l'Amérique par les Northmans au Xe siècle, Paris, 1894.

[59] Sur les origines des Églises et de la liturgie slaves, voir PETROVIC, O. F. M., Disquisitio historica in originem usus slavici idiomatis in liturgia apud Slasos ac prœcipue Croatos, 1 vol., Moster, 1908. Les conclusions du P. Petrovic, conformes à celles du P. Lapôtre, ont été cependant contestées, voir J. ZEILLER, dans la Revue des quest. hist. du 1er juillet 1909, p. 374. Sur l'Eglise bulgare en particulier, voir S. VAILHÉ, Formation de l'Église bulgare, dans les Echos d'Orient de mars 1911, p. 80-89, et de mai 1911, p. 152-161.