HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

DEUXIÈME PARTIE. — L'ÉGLISE CHEZ LES PEUPLES BARBARES

CHAPITRE II. — L'ÉGLISE CHEZ LES FRANCS.

 

 

Sur le territoire qui devait constituer plus tard la France, trois principaux peuples se trouvaient fixés à la fin du Ve siècle : les Francs, les Burgondes et les Visigoths ; les Francs au nord, les Burgondes au sud-est, les Visigoths au sud-ouest. Les Francs, de race teutonique, avaient généralement gardé le culte national d'Odin ; les Burgondes et les Visigoths, de race gothique, avaient, dans leur ensemble, embrassé l'arianisme[1].

 

I

Les premiers ne constituaient pas, comme les autres, un groupe ethnique proprement dit. On rencontre ce nom de franc, dont il est difficile d'établir l'étymologie, à partir du IIIe siècle. Il est indistinctement donné à tous les peuples qui habitent origine la rive droite du Rhin, depuis le Mein jusqu'à la mer. Ces peuples s'étaient trouvés, depuis le IIIe siècle, en rapports fréquents avec l'empire, soit comme esclaves, soit comme soldats fédérés, soit même comme consuls, tels que Rikomer. On avait vu, sous Valentinien II, le franc Arbogast diriger en fait le gouvernement impérial.

La loi salique déclare que les Francs ont porté le dur joug des Romains. Ces contacts fréquents avec la civilisation romaine n'avaient eu, chez ce peuple très fier de sa race, qu'une influence superficielle. Sans doute l'institution monarchique semble avoir pris chez eux un accroissement subit et démesuré : mais la modification paraît s'être faite surtout dans les formules de protocole, dans les qualificatifs de Dominus gloriosissimus, d'Excellentia, de Sublimitas, que les greffiers de l'entourage royal empruntèrent à la langue romaine et aux usages de la cour impériale[2]. Les assemblées nationales, sous les noms de campus, de placitum ou de conventus, continuèrent, au moins dans une grande mesure, les libres traditions de la vieille Germanie. Un autre caractère des institutions franques était cet étrange régime du statut ou droit personnel, qui faisait dépendre l'application de la loi du lieu de la naissance, tant ce peuple avait le culte du droit de l'individu, fut-ce au détriment du bon ordre dans l'État[3].

Les Francs, qui, depuis le IIIe siècle, n'avaient pas cessé de se déplacer vers le sud et vers l'ouest, se divisèrent en deux groupes ; ceux qui habitèrent la rive du Rhin ou Ripuaires, et ceux qui se fixèrent vers l'embouchure du Rhin, près de l'Issel ou Sala, ce furent les Saliens.

Les Saliens comme les Ripuaires, se divisaient en tribus, et, lors de la chute de l'empire, en 476, le chef d'une des tribus des Saliens était le roi Childéric, qui, par sa large bienveillance pour la religion chrétienne, s'était attiré la reconnaissance et la confiance des représentants de l'Eglise.

Childéric étant mort prématurément à Tournai, en 481, les guerriers acclamèrent son jeune fils Clodowech ou Clovis, âgé de quinze ans[4]. Majeur depuis trois ans, d'après la loi des Saliens[5], initié à la vie publique et portant la framée depuis cette époque, le jeune monarque avait su déjà se concilier l'estime publique. Le hasard nous a conservé la lettre que lui écrivait à cette occasion l'évêque de Reims, le métropolitain de la Gaule Belgique, le plus grand personnage ecclésiastique de ce pays : Une grande rumeur est arrivée jusqu'à nous, écrivait le prélat, on dit que vous venez de prendre en mains l'administration de la deuxième Belgique... Veillez à ce que le jugement de Dieu ne vous abandonne pas... Soyez chaste et honnête. Montrez-vous plein de déférence pour vos évêques. Si vous vous entendez avec eux, votre pays s'en trouvera bien. Relevez les affligés, protégez les veuves, nourrissez les orphelins, faites que tout le monde vous aime et vous craigne. Que la voix de la justice se fasse entendre par votre bouche... Avec ce que votre père vous a légué, rachetez les captifs du joug de la servitude... Si vous voulez régner, montrez-vous en digne[6].

C'était tout un plan de gouvernement chrétien. L'évêque qui le traçait avait quarante-deux ans à peine[7]. Il s'appelait Remigius ou Remi. Issu d'une famille noble du pays de Laon, formé dans les célèbres écoles de la ville de Reims, ayant dépassé de bonne heure, au témoignage de Sidoine Apollinaire et de Grégoire de Tours, par la maturité de son esprit comme par l'étendue de sa science, tous ses contemporains[8], il avait été élevé, à l'âge de vingt-deux ans, sur le siège épiscopal de Reims[9]. Mais ce noble, ce lettré, cet orateur accompli n'était pas de ceux qui, comme Sidoine, obstinés dans les regrets de l'antique Rome, ne pouvaient supporter la langue du barbare, et sa démarche, et son odeur[10] ; comme Salvien et Paul Orose, l'évêque Remi fut de ceux qui, selon l'expression de Godefroid Kurth, oublièrent leur noblesse et leur littérature et leur vieille Rome, pour aller à cette plèbe barbare qui arrivait, qui allait avoir le sceptre du monde et qui tiendrait dans ses mains les destinées de l'Eglise catholique[11].

L'Eglise catholique était restée plus prospère dans le pays occupé par les Francs que dans les autres régions peuplées par la race germanique. Les terribles invasions du Ve siècle n'avaient pu détruire les chrétientés du nord de la Gaule et l'arianisme n'avait pas franchi la Loire. Les souvenirs de saint Germain d'Auxerre, de saint Loup de Troyes, de saint Aignan d'Orléans et de leurs miraculeuses interventions, étaient encore vivants, et la plus pure sainteté se personnifiait alors, à Paris même, dans sainte Geneviève. Née à Nanterre, vers 423, la vénérable vierge avait près de soixante ans quand le roi Clovis succéda à son père. Elle devait survivre quelques mois au roi franc. La sainte amie de l'évêque de Reims, la pieuse confidente de sainte Clotilde, la libératrice de Paris, ne devait pas être mêlée, d'une manière ostensible, aux grands événements de l'histoire que nous allons raconter. Mais, dans son ombre discrète, l'influence de Geneviève ne doit pas être oubliée. Par l'influence bienfaisante qu'elle exerça sur la reine Clotilde et sur le roi Clovis, non moins que par son dévouement héroïque au milieu de l'invasion barbare, sainte Geneviève de Paris doit conserver devant l'histoire ces titres de mère de la patrie, de mère de la France chrétienne, que la vénération populaire lui a décernés.

Vers 492, quand il eut étendu ses conquêtes jusqu'à la Loire, le roi des Francs à qui le puissant roi des Ostrogoths, Théodoric, venait de demander une de ses sœurs en mariage, voulut s'unir, à son tour, à une princesse de sang royal. Son choix se porta sur la fille de Gondebaud, roi des Burgondes, Clotilde.

Clotilde était catholique. Cette union réalisait les vœux de l'épiscopat des Gaules, en particulier de l'évêque de Reims, saint Remi, et de l'évêque de Vienne, saint Avit. Mais supposer, comme on l'a fait, que ce mariage a été l'ouvrage de la politique des évêques[12], c'est une hypothèse qu'aucun document ne justifie, et, si l'on entend par politique une basse intrigue, c'est une calomnie que dément le caractère des deux grands prélats[13]. Si quelques calculs politiques intervinrent, ce furent, de la part de Clovis, l'espoir de s'attacher davantage, par son mariage avec une princesse catholique, ses sujets d'origine romaine, peut-être aussi le désir de se faire des Burgondes des alliés contre les Visigoths ; du côté de Gondebaud ce pouvait être la pensée d'avoir un gage de paix et de sécurité du côté des Francs et de compter en Clovis un allié futur contre son frère, dont il avait à se plaindre[14].

Il ne parait pas que Clotilde ni Remi aient usé d'exhortations directes pour porter Clovis à se convertir. Mais on comprend sans peine que l'influence quotidienne, pendant quatre années consécutives, des vertus admirables de la jeune reine, s'ajoutant à l'ascendant qu'avaient déjà exercé sur Clovis les hautes qualités de l'évêque de Reims[15], ait ébranlé l'âme du roi barbare et qu'un jour, dans la mêlée d'une grande bataille, voyant ses troupes fléchir sous le choc des Alamans, il ait invoqué le Dieu de Clotilde et promis de se faire baptiser s'il remportait la victoire[16]. Victorieux, Clovis tint sa promesse. Le fier Sicambre courba la tête, promit d'adorer ce qu'il avait brûlé et de brûler ce qu'il avait adoré[17]. C'est alors que saint Avit lui écrivit : Votre foi, c'est notre victoire à nous tous... Vos aïeux vous avaient préparé de grandes destinées : vous avez voulu en préparer de plus grandes à ceux qui viendront après vous... L'Orient ne sera plus seul désormais à avoir un empereur partageant notre foi[18]. C'est en effet ce baptême catholique, dit un historien, qui a permis la fusion entre Germains et Romains... qui a lié la royauté mérovingienne avec l'épiscopat, préparé l'alliance des carolingiens avec Rome... amené l'établissement du saint empire romain, clef de voûte de tout le Moyen Age[19].

 

II

Tout était préparé, en effet ; mais rien n'était fait. Tout restait à faire. Rien ne ressemblait moins à la France de saint Louis, ou même à la France de Charles le Chauve, que la France du roi Clovis. Ni la rapide conquête des royaumes des Burgondes et des Visigoths[20], ni le transfert à Paris de la capitale, ni les nombreuses conversions des Francs, qui avaient suivi celle du roi, n'avaient changé bien sensiblement l'aspect de la nation, qui restait celui d'une nation barbare, c'est-à-dire d'un état permanent de violences individuelles, de superstitions religieuses et d'instabilité sociale. Ces désordres ne disparaitraient vraisemblablement qu'à la faveur de solides institutions politiques. D'autre part celles-ci ne deviendraient possibles et acceptables que par une réforme profonde des individus. La nécessité de cette double tâche simultanée du progrès social ne fut jamais plus évidente qu'au lendemain de la conversion des barbares. Réprimer les instincts brutaux et les tendances dissolvantes par une lutte de chaque jour, en prévenir le retour par l'établissement de bonnes coutumes et de sages institutions : ce fut la mission de l'Eglise. Après l'œuvre de l'évangélisation, l'œuvre de la civilisation chrétienne s'imposait.

Le récit des meurtres qui ensanglantèrent les dernières années de Clovis, les scènes de violence qui bouleversèrent les règnes de ses successeurs, présentent sans doute, dans l'Histoire des Francs de saint Grégoire de Tours, les caractères de légendes dramatisées par l'imagination populaire[21] ; mais tout fait supposer que ces légendes ont eu pour base des faits réels. Les pénalités édictées par la Loi salique révèlent un peuple violent et brutal, où les attaques par bandes contre les personnes et les biens sont fréquentes, où les routes sont peu sûres, où l'on vole les moissons, les animaux, les esclaves, les hommes libres eux-mêmes. Mais ce qui n'est pas moins incontestable, c'est que toutes les fois qu'un barbare, fut-il le roi lui-même ou la reine, commettait un de ces crimes, il s'exposait à voir se dresser devant lui la figure courroucé d'un représentant de l'Eglise. Un jour, raconte la chronique de Frédégaire, il arriva que saint Colomban se rendit auprès de Brunehaut. La reine, l'ayant vu venir dans la cour, lui amena les enfants que son petit-fils Thierry avait eus de ses désordres. Le saint demanda ce qu'ils voulaient. Brunehaut lui dit : Ce sont les fils du roi, donne leur la faveur de ta bénédiction. Colomban répondit : Sachez qu'ils ne porteront jamais le sceptre royal, car ils sortent d'un mauvais lieu. Elle, furieuse, ordonna aux enfants de se retirer, et se prépara à tendre au saint des embûches[22]. Le chroniqueur ajoute que le roi Thierry n'osa pas poursuivre le saint de peur de provoquer la colère de Dieu en offensant un de ses serviteurs.

Pas plus que les instincts de violence, les habitudes de superstition n'avaient été abolies par la conversion de Clovis et de ses Francs. Grégoire de Tours raconte qu'un anachorète priait et jeûnait pour décider les gens du pays de Trèves à renverser une statue de Diane[23]. L'auteur ancien de la vie de saint Waast rapporte que le roi Clotaire, reçu à dîner par un de ses leudes, aperçut d'un côté les vases de bière bénits pour les chrétiens et de l'autre ceux qui étaient préparés pour les libations païennes. Il arrivait parfois, dit le biographe de saint Amand, qu'une chrétienté, frappée par un présage, une terreur panique, une inspiration du démon, quittait tout à coup le prêtre, l'église et retournait à ses anciennes superstitions. Les sortilèges paraissent avoir été fréquents, les sorciers nombreux, même parmi les populations converties au christianisme. La Loi salique condamne à une amende de 100 sous celui qui aura fait périr une personne par un breuvage d'herbes magiques. Des chrétiens portaient en secret des amulettes, sacrifiaient au bord des fontaines, s'assemblaient sur les places en poussant des cris terribles quand la lune s'éclipsait. L'Eglise, patiente, lutta contre ces restes de barbarie comme elle avait lutté contre les vestiges du paganisme romain. Le culte des saints locaux, qu'elle propagea sur tout le territoire[24], la dévotion à leurs saintes reliques, les pèlerinages multipliés au tombeau de saint Martin de Tours, la construction de basiliques et de chapelles, telles que la basilique de Saint-Denis à Paris, bâtie par les ordres de Clovis et sur les instances de sainte Geneviève, les splendeurs de la liturgie se déployant dans les églises et faisant demander à ces barbares si ce n'était pas là le ciel qu'on leur avait promis, tels furent les moyens principaux par lesquels évêques, prêtres et moines détournèrent peu à peu les fidèles de leurs pratiques superstitieuses. Gardons-nous cependant de croire que l'Église ait, le moins du monde, dans ces circonstances, abandonné son idéal primitif ou changé son organisation traditionnelle. Elle fut condescendante, comme elle l'avait toujours été ; elle se résigna à voir ses fidèles s'élever peu à peu et par degrés à la perfection de la sainteté. Elle pardonna beaucoup à ceux qui avaient fait beaucoup pour venir à elle. Elle redit souvent cette parole qu'adressait saint Rémi aux détracteurs de Clovis : Il faut beaucoup pardonner à celui qui s'est fait le propagateur de la foi et le sauveur des provinces. Qui oserait prétendre qu'en agissant ainsi, l'Eglise a répudié l'esprit de l'Evangile[25] ?

Un malaise social était venu s'ajouter, après la mort de Clovis, aux troubles intérieurs qui tourmentaient les âmes. Dans le désordre qui suivit la disparition du grand conquérant, des mouvements divergents s'étaient manifestés parmi les populations qu'il avait rangées sous sa puissance. Par dessus les petites rivalités de peuple à peuple, deux tendances s'étaient surtout fait jour parmi ces barbares, les uns attirés par l'éclat de la civilisation romaine, les autres retenus par ce culte jaloux de leur indépendance individuelle qu'ils tenaient de leurs ancêtres germains. Et peut-être que la lutte terrible qui s'éleva entre la Neustrie et l'Austrasie, et où l'on vit deux femmes, Frédégonde et Brunehaut, jouer un rôle tristement célèbre, ne fut si longue, si acharnée, que parce qu'elle se trouva être l'expression de toutes les haines sourdement suscitées par les deux tendances rivales. Or, à ces tendances dissolvantes l'Eglise apportait encore le remède suprême dans son principe d'unité spirituelle. Fait glorieux et puissant, s'écrie M. Guizot : l'unité de l'Eglise a seule maintenu quelques liens entre des pays et des peuples que tout tendait à séparer. Du sein de la plus épouvantable confusion politique s'élevait l'idée la plus étendue et la plus pure qui ait jamais rallié les hommes, l'idée de cette société spirituelle[26]. L'idée de cette société spirituelle était telle, en effet, qu'elle apportait à ces hommes tout ce qui était de nature à satisfaire les deux grandes tendances qui les divisaient entre eux : par son organisation, ses lois, son culte, l'Eglise leur donnait tout ce que la civilisation romaine pouvait leur promettre de sagement et de grandement ordonné ; par son respect de l'âme individuelle, par sa doctrine sur l'indépendance de la conscience chrétienne, elle offrait à leur légitime souci des droits de la personne humaine,  la plus sûre des sauvegardes.

 

III

Mais un simple lien des intelligences ne suffit pas, quoi qu'en semble dire M. Guizot, à faire l'unité d'une société humaine. Tant que l'unité spirituelle ne s'est pas incorporée dans une coutume, fixée dans une institution, elle ne peut créer qu'un groupement instable, à la merci de tous les hasards.

Rien ne pouvait être assuré, tant qu'on n'aurait pas donné à la nation nouvellement convertie, avec des habitudes de travail corporel et intellectuel, la fixité au sol des groupes familiaux et villageois. Les moines se chargèrent de cotte tâche.

Ils vinrent du sud de la Gaule, de l'Italie, et de l'Irlande. Les dures conditions imposées par la fiscalité romaine avaient rendu difficile la culture du sol : les incursions des barbares avaient achevé sa ruine. A la fin du Ve siècle, les forêts, gagnant de plus en plus du terrain, avaient fini, çà et là par se rejoindre. Des moines irlandais, formés à l'austère règle de saint Colomban, venaient y chercher, dans une hutte de branchages, dans une grotte, à l'abri des ruines de quelque castrum romain[27], un endroit solitaire pour y prier. Ces moines trouvaient déjà sans doute, comme saint Bernard, que la forêt parle parfois à l'âme religieuse mieux qu'un livre, que l'arbre et le rocher ont des accents plus pénétrants que ceux des maîtres rhéteurs[28]. Un voyageur égaré, un paysan errant rencontraient l'anachorète, et, frappés de sa sainteté, lui demandaient la faveur de vivre sous sa conduite. L'anachorète devenait cénobite et abbé. Des hommes, des familles entières, craignant les attaques des brigands, venaient chercher auprès du petit groupement un peu de sécurité. Le moine se transformait en chef de village. Sous sa direction, d'humbles habitations s'élevaient, des clairières s'ouvraient au milieu des forêts, de grossières charrues défrichaient le sol. Le village devenait parfois une ville. Quand, à la fin du Vile siècle, la règle trop rude de saint Colomban eut été supplantée par la règle plus souple de saint Benoît, les moines multiplièrent et varièrent leurs travaux ; le village s'entoura de jardins. On a compté que les trois huitièmes des villes et des villages de la France doivent leur existence à des moines[29]. C'est par milliers, dit M. Giry[30], que se chiffrent sur la carte de France les noms de lieux d'origine religieuse. La plupart de ces lieux doivent leur nom au séjour des moines bénédictins. Le biographe de saint Théodulphe, qui, de grand seigneur s'était fait moine cultivateur et architecte, raconte qu'un village, fondé par lui, avait gardé sa charrue après sa mort, suspendue dans l'église comme une relique[31]. Noble et sainte relique, dit Montalembert, que je baiserais aussi volontiers que l'épée de Charlemagne ou la plume de Bossuet[32].

Les biographies des saints moines de cette époque sont pleines de récits merveilleux, où le désir d'édifier et d'intéresser a pu faire ajouter quelques broderies, d'ailleurs charmantes, mais où se révèle, dans toute sa force, le prodigieux ascendant exercé par ces héros de la vertu et de la foi sur le monde barbare.

Saint Laumer, d'abord berger, puis étudiant, est venu chercher dans les forêts du Perche la paix et la liberté. Mais la hutte de feuillage qu'il a construite a attiré l'attention des brigands qui hantent ces forêts. Sa présence les gêne. Ils décident d'assassiner le solitaire. Quand il les voit apparaître devant sa hutte, le saint, éclairé peut-être par Dieu, devine leur dessein : Mes enfants, leur dit-il, que venez-vous faire ? Sa voix est si douce et si tranquille, son attitude si majestueuse, que les brigands, consternés, hésitent. Le saint leur sourit, et son sourire, aidé de la grâce divine, gagne ces âmes incultes, qu'un rien exaspère et qu'un rien attendrit. Que Dieu ait pitié de vous, dit le moine. Allez en paix. Renoncez à vos brigandages, afin de mériter le pardon de Dieu. Pour moi, je n'ai pas de trésor ; car j'ai choisi le Christ pour mon seul héritage. A ces mots, dit le biographe, les brigands tombèrent aux pieds du solitaire en lui demandant merci[33].

Saint Evroul s'enfonce dans la forêt d'Ouche, comprise dans le diocèse actuel de Bayeux. Il est ainsi amené devant le chef d'une des bandes de brigands qui occupaient le pays.

Moine, lui dit celui-ci, qu'est-ce qui peut vous amener dans cet endroit ? Ne voyez-vous pas qu'il est fait pour des bandits et non pour des ermites ? Pour habiter ici il faut vivre de rapines et du bien d'autrui ; nous n'y souffrirons point ceux qui veulent vivre de leur propre travail, et d'ailleurs le sol est trop stérile, vous aurez beau le cultiver, il ne vous donnera rien.

J'y viens, lui répond le saint, pour y pleurer mes péchés. Sous la garde de Dieu, je ne crains les menaces d'aucun homme, ni la rudesse d'aucun labeur. Le Seigneur saura bien dresser dans ce désert une table pour ses serviteurs, et toi-même tu pourras, si tu veux, t'y asseoir avec moi.

Le brigand se tait, mais il revient le lendemain, avec trois pains cuits sous la cendre et un rayon de miel, rejoindre Evroul. Lui et ses compagnons deviennent les premiers moines du nouveau monastère, depuis célèbre sous le nom du saint fondateur[34].

Montalembert, qui a traduit cet épisode de la biographie de saint Evroul, nous raconte aussi le trait suivant de la vie de saint Marcoul.

Marcoul, ou Marculphe, était issu d'une race riche et sante, établie dans le pays de Bayeux, et tout, dans le récit de sa vie, témoigne de l'union contractée en lui par la fière indépendance du Franc avec la rigoureuse austérité du moine. Il avait consacré la première moitié de sa vie à prêcher la foi aux habitants du Cotentin, puis on le voit partir, monté sur son âne, pour aller trouver Childebert, en un jour de grande fête, au milieu de ses leudes, et lui demander un domaine à l'effet d'y construire un monastère, où l'on prierait pour le roi et pour la république des Francs.

Ce ne fut point à l'adulation habituelle aux Romains du Bas-Empire qu'il eut recours pour se faire écouter.

Paix et miséricorde à toi, de la part de Jésus-Christ, lui dit-il, prince illustre, tu es assis sur le trône de la majesté royale, mais tu n'oublieras pas que tu es mortel, et que l'orgueil ne doit pas te faire mépriser tes semblables. Sois juste jusque dans ta clémence, et aie pitié jusqu'à dans tes justices.

Childebert exauça sa demande. Mais à peine eut-il achevé cette première fondation, que, pour mieux goûter les attraits de la solitude, Marculphe alla se réfugier dans une île du littoral de la Bretagne, à peine habitée par une poignée de pêcheurs.

Une bande nombreuse de pirates saxons étant venue s'abattre sur cette île, les pauvres Bretons accoururent tout épouvantés aux genoux du moine franc.

Ayez bon courage, leur dit-il, et, si vous m'en croyez, prenez vos armes et marchez à l'ennemi, et le Dieu qui a vaincu Pharaon combattra pour vous.

Ils l'écoutèrent, mirent en fuite les Saxons, et une seconde fondation marqua cette victoire de l'innocence et de la foi, enflammées par le courage d'un moine, sur la piraterie païenne[35].

Ce n'était pas seulement contre les brigands, c'était contre les bêtes féroces que les moines protégeaient les populations et les animaux domestiques eux-mêmes.

Saint Martin de Vertou, dit la légende, força l'ours qui lui avait dévoré son cheval de prendre la place de sa monture et de le mener ainsi jusqu'à Rome[36]. Saint Hervé, le patron des chanteurs populaires de la Bretagne, demanda de même à un loup qui lui avait mangé son chien de remplacer ce dernier, et la bête féroce, subitement adoucie, suivit en laisse, à partir de cet instant, le barde ambulant sur toutes les routes de l'Armorique[37]. Saint Laumer, voyant une biche poursuivie par des loups, en pleura de pitié, et obligea les loups à abandonner leur victime[38]. Les Bollandistes ont soin de mettre en garde contre une interprétation trop littérale de pareilles légendes[39]. Les érudits en ont signalé la véritable origine. Lors de la disparition graduelle de la population gallo-romaine, dit Montalembert[40], les bœufs, les chevaux, les chiens étaient retournés à l'état sauvage, et ce fut dans les forêts que des missionnaires durent aller chercher ces animaux pour les employer de nouveau aux usages domestiques. Le miracle 'était de rendre à l'homme l'empire et la jouissance des créatures que Dieu lui avait données pour instruments. Cette domestication des espèces animales revenues à l'état sauvage est un des épisodes les plus intéressants de la mission civilisatrice des anciens cénobites.

Pendant que les moines défrichaient le sol, des évêques de race latine[41] propageaient le goût des lettres. Saint Avit, de Vienne, compose sur la chute du premier homme un poème que Guizot a rapproché du Paradis Perdu de Milton, en donnant la supériorité, pour plus d'un passage, à l'évêque gallo-romain ; saint Fortunat, de Poitiers, devient comme le poète officiel des rois mérovingiens, et saint Grégoire de Tours fait revivre, dans son Histoire des Francs, toute la Gaule de vie siècle, tandis que des chants populaires, dans une langue inculte mais vibrante, préludent aux épopées nationales de la France.

 

IV

C'est dans un latin fourmillant de barbarismes et de solécismes, mais plein de tours de phrase savants et d'épithètes recherchées, qu'écrit Grégoire de Tours et que chantent parfois les poètes. C'est en latin aussi que les rois mérovingiens, qui se piquent de beau langage, font rédiger leur loi. La loi des Francs Saliens ou Loi Salique est la plus ancienne et la plus originale de toutes celles qui ont régi les peuples de Germanie. C'est la rédaction, commencée par Clovis, d'un corps de coutumes jusque là non écrites et réglant le droit privé. Elle paraît avoir pris sa dernière forme sous le roi Dagobert. L'influence du christianisme se fait peu sentir dans ce monument juridique, qui devait avoir aux yeux des Francs un caractère presque sacré. L'Eglise se contenta de faire appliquer autant que possible dans un esprit chrétien les règles traditionnelles.

Mais que de coutumes du Moyen Age s'éclairent à la lecture de ce premier document de notre législation nationale ! Tout le symbolisme, parfois bizarre, des redevances féodales semble apparaître dans ces pittoresques prescriptions portées pour la donation d'une terre ou pour l'émancipation des liens de la parenté. Celui qui voulait donner la totalité ou une partie de son bien jetait dans le sein du donataire ou lui mettait dans les mains une branche de verdure, un jonc, un brin d'herbe ou tout objet pareil en nommant et en spécifiant la chose donnée[42]. Quiconque désirait se soustraire aux droits et obligations de la parenté se présentait devant le tribunal avec trois baguettes d'aulne, qu'il brisait sur sa tête et qu'il jetait de quatre côtés[43].

Un autre symbolisme est empreint de cette horrible poésie dont parle Tite-Live à propos de la loi des XII Tables[44]. Le meurtrier trop pauvre pour payer la compensation avait un moyen de contraindre ses parents à payer pour lui. Entré dans leur maison, il y ramassait, dans chacun des quatre coins, un peu de terre ou de poussière, comme pour les inviter à recueillir leurs dernières économies ; il serrait cette poussière dans son poing, puis la jetait par-dessus l'épaule de trois de ses proches. Il se dépouillait ensuite de ses chaussures et de presque tous ses vêtements, et montait sur la haie ou la clôture quelconque qui entourait la demeure de ses parents. Si ceux-ci ne payaient pas son wergheld, on le mettait à mort[45]. D'autres articles démontrent avec évidence, semble-t-il, l'origine germanique des ordalies ou jugements de Dieu. Les procès pouvaient se résoudre par l'épreuve du chaudron plein d'eau bouillante, par celles du fer incandescent ou de l'eau froide, par celle des bras en croix, ou encore par le combat singulier[46]. Enfin la taxation des diverses blessures à une compensation de six sous, de trente sous, de quarante-cinq sous, etc., nous fait mieux concevoir les taxations similaires des livres pénitentiels.

La loi salique ne donne que des indications indirectes et vagues sur l'organisation politique et les institutions sociales[47]. Dans ce domaine, l'Eglise se sentit plus libre d'agir. Les changements des conditions d'existence du peuple franc exigeaient d'ailleurs des transformations correspondantes. Les rois eux-mêmes demandèrent à l'Eglise de les aider à gouverner. Le fondateur de la dynastie mérovingienne, dit M. Jacques Flach, ne pouvait se passer de l'Eglise pour gouverner la Gaule romaine ; il n'en avait pas un moindre besoin pour discipliner les Francs eux-mêmes et les peuples germaniques, ses auxiliaires ou ses vaincus[48]. L'Eglise répondit à cet appel. Sous son influence, le caractère et le rôle de la royauté et des assemblées nationales se transformèrent, la condition des personnes et des biens subit des modifications importantes.

L'Eglise épura et transforma la conception païenne de la royauté. Elle fit prévaloir l'idée d'une institution divine. Mais elle n'écarta pas pour cela l'idée populaire d'élection ; elle ne le pouvait pas et n'avait pas d'intérêt à le vouloir. Si le pouvoir émane de Dieu, le choix divin peut revêtir des formes variables. Il peut s'accommoder aussi bien de la pure démocratie que de la monarchie absolue et héréditaire. Dans celle-ci, Dieu manifeste sa volonté en faisant naître l'héritier du trône, dans le gouvernement populaire ou oligarchique en inspirant les électeurs[49]. Tels, dira Hincmar de Reims, sont institués chefs directement par Dieu comme Moïse ; tels autres également par Dieu, mais indirectement et sur la désignation des hommes, comme Josué ; d'autres le sont par les hommes eux-mêmes, mais non sans une approbation divine[50]. Le sacre vint plus tard corroborer le caractère sacré de la royauté, mais ne le créa pas[51].

Le pouvoir des rois mérovingiens était-il primitivement limité par des assemblées ? Des longues discussions établies à ce sujet, il paraît résulter que les premiers rois de la race mérovingienne ne subirent pas le contrôle régulier d'une consultation nationale. Les textes qu'on oppose à cette opinion[52] s'expliqueraient soit par l'institution accidentelle de commissions consultatives, soit par la mutinerie d'une armée en révolte voulant imposer sa volonté au roi[53]. C'est l'influence du clergé qui paraît avoir établi, vers les derniers temps de la royauté mérovingienne, la régularité des assemblées nationales. Les réunions périodiques des conciles nationaux, où les évêques s'occupèrent non seulement de questions de dogme et de discipline ecclésiastique, mais aussi d'œuvres d'éducation et d'assistance populaire, donnèrent l'idée aux seigneurs laïcs de se réunir de leur côté. Les évêques se joignirent à eux. Par leur culture intellectuelle et par l'élévation de leur caractère, les évêques devinrent bientôt les principaux personnages de ces assemblées[54]. C'est en eux que les rois trouvèrent, en cas d'abus de pouvoir, les adversaires les plus redoutés. Les seigneurs laïcs étaient pour la plupart des fonctionnaires révocables à la merci du roi. L'évêque était en principe inamovible[55].

 

V

En même temps que l'Église tempérait le pouvoir royal et faisait pénétrer l'influence chrétienne dans les assemblées nationales, elle élevait et adoucissait la condition du peuple.

Elle trouva chez les Francs, comme chez les Romains, l'institution de l'esclavage. Le mot esclave paraît même nous être venu de cette époque, parce que beaucoup de ces malheureux appartenaient à la race slave. L'Eglise eut soin de rappeler aux esclaves les droits et les devoirs de leur âme, aux maîtres leur responsabilité devant Dieu. En 517, un concile d'Epaone prononça une excommunication de deux ans contre celui qui aurait tué un esclave non condamné par le juge, déclara légitimes les unions d'esclaves, défendit de séparer, dans les ventes, le mari de sa femme et de ses enfants[56]. L'Eglise accueillit volontiers dans sa hiérarchie les esclaves affranchis. Saint Grégoire de Tours raconte avec fierté l'histoire de cet esclave du pays d'Auvergne, Porcianus, qui s'était réfugié dans un couvent. Son maître vient pour l'en arracher, mais, frappé de cécité, il y renonce. L'esclave devient moine, puis abbé, et le roi Thierry, se préparant à dévaster l'Auvergne, rencontre dans sa marche Porcianus, qui le réprimande et le force à rebrousser chemin[57]. L'Eglise a placé Porcianus sur ses autels. La ville de Saint-Pourçain, dans l'Allier, conserve le souvenir de l'ancien esclave, devenu, par le bienfait de l'Eglise, le sauveur de son pays.

L'adoucissement progressif de la condition des serfs et des colons[58], l'évolution de la jurisprudence, qui effaça en fait l'inégalité légale entre l'homme d'origine salienne et l'homme d'origine romaine[59], la transformation qui substitua à la vieille noblesse de caste des Francs[60] et à l'aristocratie gallo-romaine une hiérarchie sociale nouvelle, fondée sur la recommandation[61], et dans laquelle entrèrent les évêques et les abbés[62] ; tous ces progrès sociaux, sans être l'œuvre exclusive de l'Eglise, furent grandement aidés par elle et n'auraient probablement pas été possibles sans elle à cette époque. L'Eglise d'ailleurs fournissait à l'Etat ses principaux fonctionnaires, avait accès au conseil, à la cour, y tenait le premier rang, et, dans les grandes assemblées annuelles, exerçait une influence prépondérante[63].

L'église franque, c'était surtout l'épiscopat franc. Les physionomies de deux grands hommes, de deux grands saints se détachent plus particulièrement parmi les figures des évêques de l'époque mérovingienne : ce sont celles de saint Eloi, évêque de Noyon, et de saint Léger, évêque d'Autun. Né aux environs de Limoges, Eligius, ou Eloi, fut d'abord membre de cette école du palais, qui paraît bien n'avoir été autre chose, à cette époque, que l'ensemble des fonctionnaires attachés à la cour[64]. Il fit donc partie de cette sorte de capitale mouvante, de ce gouvernement itinérant, pour parler comme M. Fustel de Coulanges, qu'était la cour des rois de la première race. En dehors de ses travaux précieux d'orfèvrerie, on le vit négocier au nom du roi un traité de paix avec le roi des Bretons, Judicaël, fonder des monastères, se dévouer à l'œuvre de la rédemption des esclaves, prendre une part active au concile de Châlons, organiser des œuvres d'hospitalisation pour les pauvres et les pèlerins, aller en missionnaire évangéliser les Frisons et les peuples barbares du littoral. Son influence, déjà prépondérante sous Clotaire et Dagobert, devint plus grande sous la régence de sainte Bathilde. L'éclat de ses vertus, les miracles qui suivirent sa mort ne tardèrent pas à faire ranger son nom à côté de ceux de saint Martin de Tours et de sainte Geneviève de Paris, parmi les noms des grands saints populaires de la France.

Plus mêlée aux agitations politiques, plus dramatique fut la vie de saint Léger, plus vives furent les admirations et les haines qu'il suscita. Ministre de Chilpéric II, le courage avec lequel il reprocha au roi son mariage incestueux, la sainte hardiesse avec laquelle il combattit la politique du cruel Ebroïn, amenèrent son emprisonnement et sa mort, au milieu de terribles souffrances. Les églises de France se disputèrent les reliques de ce martyr mort pour ses concitoyens[65], de cet homme céleste que le monde vieilli n'avait pu supporter[66], de ce patron tutélaire du royaume de France[67]. Son culte égala presque, un moment, celui de saint Martin[68].

Sur un moindre théâtre, on peut signaler deux autres évêques des Gaules, saint Ouen et saint Amand, qui, le premier à Rouen et le second à Bourges, à Gand et à Tournai, travaillèrent avec un zèle infatigable à la civilisation chrétienne de la France.

Sous la direction des évêques et à côté des moines, nous ne pouvons oublier l'humble clergé séculier des campagnes. Au IVe siècle un fait très important s'était produit dans l'histoire de l'Eglise : la paroisse rurale était née. Elle avait fait son apparition dans la Gaule Narbonnaise[69], et s'était propagée de là chez les Burgondes et chez les Francs. Auprès d'une chapelle élevée à la mémoire d'un saint, un prêtre avait fixé sa résidence ; avec les offrandes déposées sur l'autel, un patrimoine avait été constitué au saint vénéré[70]. Les fidèles avaient pris l'habitude de venir à la chapelle pour y recevoir les sacrements y entendre la prédication et y assister au saint sacrifice. Elle était devenue le centre de leurs réunions. La paroisse était fondée. Au VIe siècle, les évêques reconnurent l'autonomie de cette organisation nouvelle. Le desservant de la chapelle, qu'on appela, dès lors, le prêtre recteur, le prêtre diocésain, le prêtre du peuple[71], fut presque toujours, à partir de cette époque, désigné au milieu d'une assemblée publique par l'archidiacre, avec l'assentiment des habitants[72]. Il appartenait lui-même à la classe populaire. Les chroniques du temps parlent peu de lui. Les annalistes des monastères racontent surtout les travaux des moines. Les œuvres des évêques, qui appartenaient pour la plupart à de grandes familles gallo-romaines, et qui étaient mêlées aux affaires publiques de la nation. ne pouvaient passer inaperçues. Mais nul ne songeait à transmettre à la postérité les noms de ces curés de village, qui, dans un ministère obscur et monotone, administraient les sacrements, réformaient les mœurs populaires par la rude discipline de la pénitence, distribuaient avec discrétion et sagesse le pain de la parole apostolique et celui de l'Eucharistie, tandis que les moines, simples tonsurés pour la plupart, se bornaient à instruire les barbares et à les édifier par leurs vertus. Ces humbles prêtres furent aussi les premiers artisans des libertés publiques. C'est dans les assemblées de paroisse, présidées par le curé, que le peuple s'initia à la gestion des deniers publics et à la discussion des intérêts généraux de la communauté. Le mouvement communal du Moyen Age doit plus à la paroisse chrétienne qu'au municipe romain. Héros inconnus, dont les noms ne figurent pas même au catalogue des saints, comme si l'humilité devait les envelopper dans la vie et dans la mort, ces pasteurs laborieux des VIe, VIIe et vine siècles, qui, eux aussi, à leur manière, ont fait la France, ne méritent-ils pas que le clergé du XXe siècle se tourne vers eux comme vers les plus nobles des ancêtres et leur offre avec émotion l'hommage que l'histoire a trop souvent oublié de leur rendre ?

 

VI

Au-dessus de l'œuvre des moines, des prêtres et des évêques, nous ne saurions oublier celle de la Papauté. La période qui précéda l'avènement de saint Grégoire le Grand nous offre, il est vrai, peu de témoignages directs attestant l'intervention des Papes dans la discipline de l'Eglise de France. Mais on connaît la pénurie des documents concernant celte époque. On sait que toutes les lettres adressées au Saint-Siège par l'épiscopat franc et la royauté ont péri[73], et on ne peut mettre en doute la perte d'un grand nombre de lettres pontificales de cette époque. Il est naturel, du reste, que la publication faite aux Ve et vie siècles de plusieurs codifications de règles canoniques ait rendu pendant un ou deux siècles moins fréquentes les demandes d'intervention disciplinaire adressées au Saint-Siège. Quelques traits cités par saint Grégoire de Tours montrent toutefois suffisamment dans quels rapports de respectueuse dépendance se trouvait l'épiscopat franc à l'égard du Saint-Siège[74]. Des considérations analogues doivent être faites sur la période mérovingienne qui a suivi la mort de saint Grégoire le Grand. Après Grégoire de Tours, on ne trouve plus d'histoire à vues quelque peu générales. Quelques chroniqueurs et quelques hagiographes à l'horizon très borné par la province ou par le monastère où ils écrivent : telles sont les seules sources auxquelles nous pouvons nous renseigner[75]. D'ailleurs le VIIe siècle est marqué par une action puissante des moines bénédictins sur la société, et l'on sait les liens étroits qui ont toujours relié l'ordre bénédictin au Saint-Siège.

Mais la correspondance de saint Grégoire le Grand, malgré ses grandes lacunes, montre surabondamment combien fut efficace l'action de la Papauté sur l'Église franque. Saint Grégoire, dit M. Vaes, exerce les pouvoirs qui avaient affirmé l'autorité du siège apostolique au Ve siècle, et avaient été précisés encore au début du vie dans le sud des Gaules[76]. Il veille à la stricte observation des lois ecclésiastiques[77] ; il rappelle dans une lettre adressée à l'épiscopat franc les lois concernant les nominations épiscopales, la cohabitation des femmes avec des clercs, et la tenue des conciles provinciaux[78]. Il juge et censure la conduite de plusieurs membres de l'épiscopat[79].

La paternelle sollicitude de saint Grégoire ne contribua pas seulement à faire de la nation franque une nation chrétienne, elle réussit à en faire une nation apôtre. Quand, en 596, il envoya le moine Augustin évangéliser l'Angleterre, saint Grégoire le recommanda aux évêques d'Aix, de Lyon, d'Autun, de Tours, et demanda pour lui la protection des princes francs[80] ; c'est en Gaule qu'Augustin reçut la consécration épiscopale ; c'est avec l'aide de prêtres francs qu'il affronta les nations barbares de la Grande-Bretagne, dont le langage incompréhensible l'effrayait, et saint Grégoire put écrire plus tard à la reine Brunehaut et à ses petits-fils que le triomphe de la foi en Angleterre était dû, pour la plus grande part, à l'aide prêtée par les Francs[81]. Ainsi commençait à se réaliser le vœu formé par saint Avit, lorsqu'il écrivait au roi Clovis : Puissiez-vous porter ce trésor de la foi, que vous avez dans le cœur, à ces peuples qui sont assis au delà des frontières !

 

 

 



[1] La religion des Celtes, le druidisme, s'était introduite dans la Gaule du nord et du centre. César, dans ses Commentaires, parle beaucoup de la religion des druides. Ceux-ci, cependant, ainsi qu'on l'a remarqué, auraient moins apporté en Gaule une religion nouvelle que donné un rituel et une théologie à la religion existante. (Maurice BLOCH, dans l'Histoire de France de LAVISSE, t. I, 2e partie, p. 25 et suivantes).

[2] Il y a toutefois sur ce point des opinions divergentes. Cf. FUSTEL DE COULANGES, Institutions, t. VI, p. 640. MŒLLER, Hist. du Moyen Age, p. 330, 331.

[3] In judicio interpellatus, sicut lex loci continet obi natus fuit, respondeat. Lex Ripuaria, XXI, 3. Quod si damnatus fuerit, secundum legem propriam, non secundum ripuariam, damnum sustineat. Lex Rip., XXXI, 4.

[4] Le lecteur nous permettra de l'appeler tout simplement Clovis. Je prie qu'on me pardonne d'écrire Clovis, disait Fustel de Coulanges ; je pourrais, tout comme un autre, écrire Clodowech, et j'en paraitrais plus savant ; mais nous ne savons pas comment Clovis écrivait son nom et nous savons encore moins comment il le prononçait. La forme convenable a cela de bon, que  tout le monde sait de quel personnage je veux parler. (Achille LUCHAIRE, Leçon d'ouverture du cours d'hist. du Moyen Age, donnée le 10 janvier 1890).

[5] PARDESSUS, Loi salique, p. 451 et suivantes.

[6] Monum. Germ. hist. Epistolæ merwoingici et Karolini œvi, t. I, p. 113. KURTH, Clovis, p. 240, 241.

[7] C'est la conclusion raisonnée de l'Histoire littéraire, t. III, p. 156, qui, s'appuyant sur une lettre de saint Remi écrite en 512 et sur un témoignage de saint Grégoire de Tours, place la naissance de saint Remi en 439.

[8] SIDOINE APOLLINAIRE, Epist. IX, 7. GRÉG. DE TOURS, II, 31.

[9] C'était une exception aux canons, qui défendaient d'ordonner un évêque avant l'âge de trente ans. Hist. litt., t. III, p. 136.

[10] SIDOINE APOLLINAIRE, XII, 13.

[11] God. KURTH, Clovis, p. 302, 303.

[12] Aug. THIERRY, Hist. de la conquête de l'Angleterre, t. I, p. 41-44. Henri MARTIN, Hist. de France, t. I, p. 430.

[13] Abbé GORINI, Défense de l'Eglise, t. I, p. 291.

[14] G. KURTH, Sainte Clotilde, p. 30, 31.

[15] Les chroniqueurs croient savoir que c'est Remi qui se fit restituer par le roi un vase précieux dérobé à son église : rien n'est plus vraisemblable. KURTH, Sainte Clotilde, p. 42.

[16] G. KURTH, Clovis, p. 312 et suivantes. La tradition qui place à Tolbiac, c'est-à-dire à Zulpich, près de Cologne, la fameuse bataille ne date que du XVIe siècle.

[17] GRÉGOIRE DE TOURS, Hist. des Francs, I, 31. Suivant l'usage de ce temps, Clovis reçut, aussitôt après la triple immersion de son baptême, le sacrement de confirmation. Une légende que l'on rencontre au IXe siècle, a confondu l'onction de la confirmation avec l'onction royale et y a ajouté le récit de la merveilleuse apparition d'une colombe portant l'ampoule du saint chrême. C'est cette légende qui a valu aux évêques de Reims l'honneur de sacrer tous les rois. KURTH, Clovis, p. 848.

[18] S. AVIT, Ep. 46 (41). On cite quelquefois à côté de cette lettre de saint Avit une lettre du pape Anastase (par ex. dans l'Histoire générale de LAVISSE et RAMBAUD, t. I, p. 122, et l'Hist. de l'Eglise, par HERGENRŒTHERS, t. I, p. 626, note du traducteur français), M. Julien HAVET, dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, année 1885, tome XLVI, p. 205 et suivantes, a montré le caractère apocryphe de cette lettre. Elle est de la fabrication de Jérôme Vignier († 1661), auteur de huit autres pièces fausses se rapportant à la période de l'antiquité et du haut Moyen Age, savoir : une épitaphe en vers de sainte Perpétue, les actes d'un colloque tenu en présence de Gondebaud par les prélats catholiques et ariens du royaume en 499, une lettre de saint Léonce, évêque d'Arles, à saint Hilaire en 462, une lettre de saint Loup de Troyes à saint Sidoine Apollinaire en 472, une lettre de saint Gélase, pape, à saint Rustique de Lyon en 494, une lettre de saint Symmaque, pape, à saint Avit de Vienne en 501, le testament de sainte Perpétue, un diplôme de Clovis donnant des terres à deux évêques. Ce sont les anachronismes et les erreurs juridiques de cette dernière pièce qui ont mis M. Julien Havet sur les traces de la supercherie.

[19] Histoire générale de LAVISSE et RAMBAUD, t. I, p. 121.

[20] Les mêmes auteurs qui ont accusé l'épiscopat des Gaules d'avoir négocié par pure politique le mariage de Clovis avec la fille du roi des Burgondes, n'ont vu dans ces premières démarches que les préliminaires d'une tactique plus perfide, ayant pour but de soumettre à Clovis, roi catholique, les royaumes ariens des Burgondes et des Visigoths. En conséquence de cc dessein, ces évêques, et en particulier saint Avit, auraient favorisé la conquête de leur pays par le roi de France. Le caractère des évêques des Gaules et tout spécialement celui de saint Avit proteste contre cette accusation. Qui ne voit, dit M. Kurth, ce qu'aurait perdu l'archevêque de Vienne à passer sous le joug des Francs, restés aux trois quarts païens, lui qui était l'ami de ses souverains et qui voyait les Burgondes, conquis par l'exemple de leur prince royal, revenir chaque jour plus nombreux à sa foi (Clovis, p. 363). L'abbé Gorini dans ses Etudes pour la défense de l'Eglise, t. I, p. 256-376, a réfuté par des textes les assertions d'Augustin Thierry à ce sujet.

[21] KURTH, Histoire littéraire des Mérovingiens.

[22] Chronique de Frédégaire, c. XXXI.

[23] GRÉGOIRE DE TOURS, Histoire des Francs, VIII, 15.

[24] Saint GRÉGOIRE DE TOURS dans ses livres, De gloria martyrum, De gloria confessorum.

[25] M. MARIGNAN dans ses Etudes sur la civilisation française, t. I, p. 13, 249 et passim, accuse l'Eglise d'avoir, à cette époque, abandonné son idéal primitif et son organisation première. Elle serait devenue idolâtrique et hiérarchique. Non, réplique M. Kurth, la foi chrétienne, l'Eglise chrétienne restèrent ce qu'elles avaient été dans les catacombes, sauf, bien entendu, ce qu'on peut appeler les progrès de croissance. Le résidu païen fermenta longtemps encore dans les bas-fonds. Mais ce n'est pas la barbarie relative des néophytes qu'on est fondé à invoquer, pour prétendre que l'Eglise se fît barbare comme eux. Revue des Questions historiques, t. LXVIII, p. 212.

[26] GUIZOT, Histoire de la civilisation en France, tome I, p. 341.

[27] Saint Colomban s'arrêta d'abord lui-même dans les Vosges, en un lieu où se trouvaient les ruines d'un castrum romain.

[28] S. BERNARD, Epist. CVI.

[29] Abbé MARTIN, Les Moines et leur influence sociale, t. I, p. 82.

[30] GIRY, Manuel de diplomatique, p. 394 et suivantes.

[31] Bollandistes, 1er mai, p. 95 et suivantes.

[32] MONTALEMBERT, Les moines d'Occident, II, 401.

[33] Vita Launemari. Bollandistes, 19 janvier. MABILLON, Act. sanct., O. S. B., I, 335 et s. ; Hist. littéraire, III, 411, 412. Saint Laumer est mort en 590, suivant les uns, 594, suivant les autres.

[34] MABILLON, Act. sanct., O. S. B., I, 360. Saint Evroul est mort en 596.

[35] MONTALEMBERT, Les moines d'Occident, t. II, p. 306 et 8. Cf. Bollandistes, 1er mai ; MABILLON, Act. sanct., O. S. B., I, 128. Saint Marcoul est mort vers 560. Hist. littéraire, III, 550.

[36] MABILLON, Act. sanct., O. S. B., I, 362.

[37] H. DE LA VILLEMARQUÉ, Légende celtique, p. 264.

[38] MABILLON, Act. sanct., O. S. B., I, 319, 324.

[39] Bolland. Comment. prœv., n° 9.

[40] MONTALEMBERT, Les moines d'Occident, t. II, p. 445.

[41] Beaucoup de noms de moines, Marconi, Evroul, Laumer, Hervé, Thierry indiquent des origines germaniques ou celtiques.

[42] Tit. XLVIII, BALUZE, Copit., I, 313, 314. PARDESSUS, La loi salique, p. 309.

[43] Tit. LXIII, art. 1. BALUZE, Copit., I, 321. PARDESSUS, La loi salique, p. 318.

[44] Lex horrendi carminis. TITE-LIVE.

[45] Tit. LXI. BALUZE, Copit., I, p. 320, 321. PARDESSUS, La loi salique, 317, 318.

[46] La loi salique ne mentionne qu'une sorte d'épreuve, celle du chaudron d'eau bouillante (œneum, Tit. LV). Mais il ne serait pas exact de conclure, dit Pardessus, qu'on n'en pratiquait pas d'autres (PARDESSUS, La loi salique, Paris, 1843, p. 632, 633) Cf. DU CANGE, Glossarium. L'usage du combat singulier est attesté chez les Francs par le ch. XXVIII des Capita extravangatia et par saint GRÉGOIRE DE TOURS (PARDESSUS, p. 634). Cf. DE SMEDT, Les origines du duel judiciaire, Congrès des sav. cath. Sc. hist., p. 333 et s.

[47] C'est en vain qu'on a cherché dans la loi salique une règle pour la succession du trône.

[48] Jacques FLACH, Origines de l'ancienne France, tome III, p. 245. Cf. Revue d'histoire ecclésiastique, t. IV, p. 439.

[49] J. FLACH, Les Origines de l'ancienne France, t. III, p. 237. Revue d'hist. ecclés., t. IV, p. 433. Primitivement, dans la période antérieure à l'invasion, la royauté était elle héréditaire ou élective ? Wilhelm Sickel a essayé de démontrer qu'elle était élective. M. Achille Luchaire penche pour l'opinion contraire. A. LUCHAIRE, Institutions monarchiques de la France, t. I, p. 61.

[50] HINCMAR, De divortio Lotharii, quæst., VI, MIGNE, P. L., CXXV, col. 753.

[51] P. LAPÔTRE, L'Europe et le S. Siège, p. 233, 234.

[52] Par exemple GRÉGOIRE DE TOURS, Hist. Fr., III, 11.

[53] Ce sont les conclusions de M. FUSTEL DE COULANGES, III, 98, et de M. PFISTER, Hist. de France de LAVISSE, t. II, 1re partie, p. 174.

[54] PFISTER, dans l'Histoire de France de LAVISSE, t. II, 1re partie, p. 174.

[55] Cf. MŒLLER, Hist. du Moyen Age, p. 335.

[56] On n'a pu identifier cette ville d'Epaone. Mais le Concile qui porte ce nom est certainement de l'année 517, Hist. littéraire, t. LII, p. 91-93. Le concile d'Epaone n'est pas le seul qui se soit occupé des esclaves en France pendant la période mérovingienne. Il faut y ajouter les conciles d'Orléans (511), de Reims (525), d'Orléans (IVe et Ve, 541 et 549), de Paris (615), de Reims (625), de Châlons (647, 649), de Rouen (650). Voir les textes dans Sirmond, Conc. antiq. Galliæ, tome I.

[57] GRÉGOIRE DE TOURS, Vitæ Patrum, P. L., LXXI, col. 1026.

[58] FUSTEL DE COULANGES, Le colonat romain, dans les Recherches sur quelques problèmes d'histoire, Paris, 1855.

[59] PFISTER, loc. cit., p. 198, 199. La loi salique estimait le franc salien 200 sous, et le romain 100 sous seulement.

[60] D'après Roth, la vieille noblesse de caste aurait disparu après les invasions ou plutôt elle se serait réduite à une seule famille, celle de Mérovée. P. von ROTH, Geschichte des Beneficialwesens Erlangen, 1850, et Feudälitat und Unterthassen verband, Weimar, 1863.

[61] WALTZ, Ueber die Aufänge der Vassalität, Gottingue, 1856.

[62] Il ne faudrait pas en conclure que par là l'Eglise fut devenue comme une nationalité vassale de la nationalité franque. Je croirais plutôt, dit M. Flach, qu'elle était une Francie religieuse à côté d'une Francie laïque. Origines de l'ancienne France, t III, p. 244.

[63] J. FLACH, Origines de l'ancienne France, tome III, p. 245.

[64] VACANDARD, La schola du palais mérovingien, dans Revue des Questions historiques. Maurice PROU, Les monnaies mérovingiennes ; Paul PARSY, Saint Eloi, Paris, 1907, p. 74, 75.

[65] Martyr... non tantum sibi sed et civibus, S. Marc. Taurin., hom. 31.

[66] Virilitatem vivi cœlestis senescens mundus non valuit sustinere. Anon. œduens, Historiens de la Gaule, II, p. 614.

[67] Tanti sibi tutelaris patrociniunt demereri universum Galliarum regnum præcipua devotione ælaboravit. Benedict., 2 octobre.

[68] KURTH, Glossaire toponymique de la commune de Saint-Léger, dans les Comptes-rendus du congrès archéologique de Namur, de 1886, p. 302. Cf. Dom PITRA, Histoire de saint Léger.

[69] MANSI, II, 2175

[70] Voir les Conciles d'Orléans en 511, de Carpentras en 527, et d'Orléans en 538.

[71] Dictionnaire de Théologie de VACANT, au mot curé.

[72] IMBART DE LA TOUR, Questions d'histoire sociale et religieuse, p. 271.

[73] Le Registre de saint Grégoire signale plusieurs de ces lettres, V, 58 ; VI, 55 ; VIII, 4 ; XI, 10, 40, 44, 47, 49, 50 ; XIII, 7, 9.

[74] M. G. H., II, 1 ; V, 20 ; X, 1.

[75] MOLINIER, Les sources de l'histoire de France, tome V, p. VIII-XX. Dom PITRA, Hist. de saint Léger, p. VI, VII.

[76] VAES, La papauté et l'église franque, dans Revue d'hist. eccl., t. VI, p. 782 (1905). La page ci-dessus ne fait que résumer deux savants articles de M. Vaes, parus en 1905 dans la Revue d'histoire ecclésiastique, de Louvain.

[77] Il est généralement admis qu'au Ve siècle le Pape exerçait en Gaule une autorité législative et judiciaire suprême. LŒNING, Geschichte des deutschen Kirchenrechts, tome II, p. 62.

[78] M. G. H., Reg. IX, 218.

[79] Il juge la conduite de Menn de Toulon, de Virgile d'Arles, de Soacre d'Autun, de Theodore de Marillo, de Sorenus de Marseille, de Didier de Vienne, etc. Cf. M. G. H., Reg. I, 45 ; VI, 51 ; IX, 203, 223, 224 ; XI, 24, 33 ; XIII, 7. Voir aussi VIII, 4 ; IX, 213, 215, 218 ; XI, 10, 46.

[80] M. G. H., Reg., VI, 49, 57. JAFFÉ, I, 1132, 1433.

[81] M. G. H., Reg., XI, 48. — Sur l'œuvre civilisatrice de l'Eglise franque, voir particulièrement VACANDARD, Vie de saint Ouen, Paris, 1902 ; JAUD, Vie de saint Filibert, Paris, 1910 ; Paul ALLARD, L'esclavage au lendemain des invasions, dans la Revue des Questions historiques du 1er avril 1911.