HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

DEUXIÈME PARTIE. — Le catholicisme, religion d'État

CHAPITRE III. — DE LA MORT DE VALENTINIEN II À LA MORT DE THÉODOSE LE GRAND. LA VIE CHRÉTIENNE À LA FIN DU IVe SIÈCLE. (392-395).

 

 

I

Eugène était chrétien par son baptême et par la profession extérieure de sa foi ; mais il était chrétien à la manière de la plupart des rhéteurs de cette époque, nourrissant uniquement son esprit des leçons de l'antiquité païenne, y puisant à la fois les formules de son style et les inspirations de sa vie. C'était Ausone, moins le talent, la courtoisie des manières et la dignité de vie. Il avait assez de christianisme pour se faire accepter d'une société désormais convertie à la loi du Christ ; assez d'ambition pour se plier à toutes les compromissions que lui dicterait un conseiller sans scrupules. Aucun choix ne pouvait mieux servir les desseins d'Arbogast.

Un des premiers actes du nouveau gouvernement fut de décider que le corps de Valentinien serait immédiatement transféré à Milan. On craignait les manifestations d'une population qui, au spectacle d'une fin si cruelle, avait déjà mêlé à l'expression de sa compassion de sourds murmures à l'égard de ceux qu'elle rendait responsables de ce malheur. Le funèbre cortège avait à peine franchi les Alpes, quand il rencontra Ambroise. L'évêque était parti de Milan, accompagné des vœux de toute la population, et en particulier des hauts magistrats de la capitale, qui l'avaient chargé de leur ramener l'empereur. Il ne put leur rapporter que ses restes mortels.

La rentrée de l'évêque à Milan, avec la dépouille du jeune souverain, donna lieu à des scènes douloureuses, dont Ambroise nous a laissé lui-même le récit ému : Tout le monde pleurait, dit-il. Ceux qui ne le connaissaient pas, ceux qui le craignaient, ceux mêmes qui ne l'aimaient pas, versaient des larmes. Les barbares étaient émus malgré eux. La foule éplorée s'en prenait à moi, hélas ! disant que si j'avais été là, le malheur ne serait pas arrivé. Mais étais-je un Elie étais-je un prophète pour deviner l'avenir ?[1]

Aux obsèques solennelles de l'infortuné prince, l'Eglise devait faire entendre sa voix. Ambroise était désigné pour se faire son interprète.

Mais comment allait-il s'acquitter de sa tâche ? Le peuple attendait à la fois un écho de sa douleur et un écho de son indignation ; et, certes, l'évêque de Milan partageait l'une et l'autre ; mais comment exprimer de tels sentiments sans indiquer et sans maudire la main qui avait frappé dans l'ombre ? Jamais, a-t-on dit, l'art oratoire ne fut mis à une épreuve plus délicate et n'en sortit plus heureusement[2]. Quoi de plus profondément et de plus discrètement ému que cet exorde : Valentinien nous arrive, mais non pas tel que nous nous étions promis de le revoir. Il avait voulu, en entendant dire que les Alpes étaient menacées par les barbares, venir partager nos périls. Il est tombé, frappé par la mort, dès ses premiers pas dans la vie. Je parle de la promptitude et non du genre de mort, car je pleure et n'accuse pas... Ah ! qu'il vaut mieux pour les évêques, être persécutés qu'aimés par les empereurs ! Que j'étais plus heureux quand c'était moi qui risquais ma vie pour toi, qu'aujourd'hui que j'ai à pleurer ta mort ! [3] Pendant une heure entière, l'orateur tint suspendue à ses lèvres une foule immense, anxieuse, passionnée, lui faisant comprendre que son âme vibrait avec la sienne, sans qu'un mot offensant pût être relevé dans son discours contre le nouveau souverain[4].

Celui-ci, ou plutôt Arbogast, en son nom, venait de faire une double démarche : l'une auprès de Théodose, pour lui demander, en termes timides, pour le nouvel empereur, au moins la tolérance dont avait joui l'empereur Maxime ; l'autre, à Ambroise lui-même, pour lui notifier, en des formules embarrassées, la nouvelle élection impériale. Je ne fis point de réponse, dit Ambroise, parce que je prévoyais ce qui devait arriver[5].

Ce que prévoyait l'évêque de Milan, c'était l'intervention victorieuse de Théodose. Sa prévision ne devait se réaliser que deux ans plus tard. Théodose, accablé d'affaires, cruellement affligé par des deuils récents, n'avait plus, sans être déjà vieux, la prompte ardeur de sa jeunesse ; il n'eut pas le courage de courir le risque d'une campagne lointaine. Arbogast, pour relever le prestige du nouveau souverain, l'entraîna à sa suite dans une expédition militaire ; il fit contre les barbares cette campagne que rêvait Valentinien à la veille de sa mort. La victoire couronna l'habileté du général. Mais il fallut qu'au milieu de son triomphe, son impérial protégé rencontrât encore le souvenir importun d'Ambroise. Un historien raconte que, le traité de paix conclu, comme il recevait à dîner les principaux chefs de l'armée vaincue, un de ceux-ci lui dit : Connais-tu celui qui se nomme Ambroise ?Oui, répondit-il, je suis même de ses amis. — Ah ! reprit le barbare, je comprends ce qui t'a fait vaincre. Tu es l'ami d'un homme qui peut tout. Il dirait au soleil : arrête-toi ; le soleil suspendrait sa marche. Dans les tentatives que l'usurpateur allait faire pour restaurer le paganisme, il devait plus d'une fois encore rencontrer l'évêque de Milan, et trouver en lui un adversaire non moins redoutable que l'empereur de Constantinople.

 

II

Arbogast persuada facilement à Eugène qu'il devait s'appuyer sur un parti. Le parti païen, sourdement irrité par la destruction d'un grand nombre de ses temples et surtout par la suppression de l'autel de la Victoire, semblait prêt à se détacher de la cause de Théodose et à se rallier à une nouvelle dynastie. Une habile politique était de lui donner promptement des gages.

L'occasion s'en présenta d'elle-même. Le chef de la députation chargée d'aller en Gaule apporter au nouvel empereur les hommages de la Ville Eternelle, était un des plus importants personnages du parti païen, Nicomaque Flavien, cousin et gendre de Symmaque. Lui promettre nettement le rétablissement de l'autel de la Victoire parut trop osé. On prit un biais. Eugène s'engagea à faire restituer aux sénateurs païens tous les traitements, tous les revenus cultuels qui avaient été confisqués ou supprimés par les derniers édits. Les sénateurs en feraient tel usage qui leur conviendrait. Personne ne se méprit sur le sens de cette mesure, dès qu'elle fut connue en Italie, Ambroise moins que tout autre.

Peu de temps après, l'empereur le prévint de sa prochaine arrivée à Milan. C'était une nouvelle situation critique pour le grand évêque. Il ne pouvait ni ne voulait contester la légitimité de l'élection d'Eugène, laquelle d'ailleurs ne violait, à la rigueur, aucun principe du droit constitutionnel des Romains[6]. D'autre part, le saluer à la tête du peuple chrétien, participer à son entrée triomphale dans la capitale de l'Occident, au lendemain d'une mesure qui ruinait l'œuvre patiemment accomplie par les empereurs chrétiens, était une attitude qui révoltait l'âme du saint évêque. Il prit le parti de quitter la ville, en expliquant au souverain, dans une lettre, le motif de son départ.

Ambroise, évêque, au très clément empereur Eugène. Ne cherchez pas d'autre cause à mon départ que la crainte de Dieu. Je dois vous tenir le même langage que j'ai fait entendre à d'autres empereurs. Considérez que Dieu voit le fond des cœurs et pénètre l'intérieur des consciences. Peu nous importe que vous fassiez des largesses avec les revenus enlevés aux temples. Nous n'envions pas vos libéralités Mais personne ne regardera ce que vous avez fait, tout le monde verra ce que vous avez voulu faire. Ce que feront ceux à qui vous avez attribué ces biens, c'est vous-même qui l'aurez fait. Je me suis tu jusqu'ici, j'ai imposé silence à ma douleur, mais il ne m'est plus permis de me taire[7]. Une fois de plus, Ambroise faisait entendre à un empereur un langage digne d'un évêque.

Le voyage d'Ambroise à travers l'Italie donna lieu, à Bologne, à Florence, partout où il passa, à de touchantes manifestations. Ici c'était un sanctuaire à consacrer, là des vierges à bénir. Des malades lui étaient amenés, afin qu'il priât sur eux. Partout on voulait entendre sa parole d'évêque, de père, réconfortant les âmes contre le suprême assaut du paganisme expirant. Eugène, au contraire, recevait à Milan, de la population chrétienne, un accueil glacial ; on faisait le vide dans les églises où il entrait ; les prêtres refusaient les présents qu'il leur offrait. Les efforts de quelques fonctionnaires zélés aboutissaient à peine à soulever les maigres acclamations de quelques groupes païens, sans échos dans l'ensemble de la ville.

Mais le paganisme, humilié à Milan, prit sa revanche à Rome. Les souvenirs du vieux culte national y étaient plus vivants que partout ailleurs. Le sénateur Symmaque y jouissait d'une influence considérable. L'activité du préfet du prétoire, Nicomaque Flavien, put s'y déployer à l'aise. Non seulement l'autel de la Victoire fut solennellement rétabli, mais les biens des temples furent employés à faire célébrer des fêtes populaires, où tous les rites païens furent publiquement restaurés. Un document découvert en 1867 à la Bibliothèque nationale de Paris par Léopold Delisle[8] donne de curieux détails sur cette restauration du paganisme à Rome pendant les années 393 et 394. Nous y voyons que Flavien employa trois mois entiers à la lustration ou purification de la ville. Cette cérémonie avait pour but de bien montrer que la religion publique de l'empire était toujours la vieille idolâtrie[9]. Toutes les fêtes du calendrier païen furent célébrées, et, pour impressionner plus profondément le peuple, on y ajouta ces rites étrangers, d'origine égyptienne et asiatique, dont les cérémonies étranges et mystérieuses avaient le don d'émouvoir les imaginations. Flavien se soumit lui-même au sacrifice expiatoire du taurobole. Des sénateurs païens portèrent sur leurs épaules, à travers la ville, la statue de Cybèle, mère des dieux. Le préfet du prétoire osa même offrir des honneurs et des présents aux chrétiens pour les déterminer à renoncer à leur foi[10].

Quand la nouvelle de ces abominations parvint à Constantinople, l'ardeur de Théodose se réveilla. La résurrection du polythéisme à Rome, c'était la ruine de toute son œuvre. Ambroise avait rempli son devoir d'évêque en refusant de communiquer avec Eugène ; Théodose pensa que son devoir d'empereur lui commandait de prendre les armes pour sauver l'unité religieuse de l'empire. Secouant la tristesse où les derniers événements l'avaient plongé, il déclara la guerre au protégé d'Arbogast.

La lutte prit aussitôt un caractère religieux.

Théodose se disposa au combat en cherchant le secours non pas tant des armes, que des jeûnes et des prières. Sozomène raconte qu'en sortant de Constantinople, il s'arrêta dans une église qu'il avait fait bâtir en l'honneur de saint Jean-Baptiste, et qu'il confia sa cause au saint Précurseur du Christ[11]. De son côté, Arbogast, qui prit le commandement de l'armée d'Eugène, plaça les étendards païens à la tête des légions. Une colossale statue d'Hercule fut érigée au sommet des forts qui défendaient l'entrée de l'Italie. Les auspices furent consultés. Nous reviendrons vainqueurs, disait Arbogast, et nous ferons des écuries de leurs églises.

Le premier choc des deux armées eut lieu devant la place forte d'Aquilée. Il fut terrible. Arbogast, habile général, avait admirablement dirigé l'élan de ses troupes. Plusieurs officiers de Théodose parlaient déjà de se replier pour attendre des renforts. Mais le grand empereur, au milieu du danger, avait repris son énergie d'autrefois. La croix, s'écria-t-il, ne doit pas reculer, même un instant, devant l'image d'un faux dieu. On verra demain ce que fera le Dieu de Théodose. Le lendemain, sous un choc formidable de l'armée chrétienne, Arbogast lâcha pied. Eugène, surpris dans sa tente, fut amené, tout étourdi, aux pieds du vainqueur. Au moment où il fléchissait le genou pour demander grâce, un soldat l'abattit d'un coup de sabre. Pour échapper à un pareil sort, Arbogast se frappa lui-même de son épée.

Le premier soin de Théodose fut de notifier à Ambroise la victoire qui lui semblait assurer pour toujours le salut de l'empire et celui de l'Eglise dans le monde romain. Il prit ensuite, à l'égard de tous ceux qui avaient soutenu son adversaire, et en particulier à l'égard des familles de Flavien et d'Arbogast, des mesures pleines de générosité, les garantissant contre toutes les représailles possibles.

Mais on remarqua bientôt un dépérissement rapide dans la santé de l'empereur. Les fatigues de la campagne l'avaient affaibli, Le souvenir du massacre de Thessalonique lui pesait toujours sur le cœur comme un remords que tout spectacle sanguinaire ravivait. Nous avons versé trop de sang, disait-il. Rentré à Milan, il appela auprès de lui ses deux fils, Arcadius et Honorius, et fit entre eux un partage de l'empire. Il attribua l'Orient à Arcadius et l'Occident à Honorius. Le 10 janvier 395, il présida une fête solennelle célébrée en son honneur, mais il dut se retirer avant la fin de la cérémonie, et expira dans la nuit.

Les éminents services que ce grand homme avait rendus à 1'Eglise furent dignement célébrés par son saint ami, l'évêque de Milan, qui prononça son oraison funèbre devant une foule immense, montrant en Théodose le restaurateur de l'Eglise et de l'empire.

Un historien du siècle dernier, après avoir reproduit les principaux passages de ce discours, les a fait suivre des éloquentes lignes qui suivent :

Jamais l'union de l'Eglise et de l'empire, du Christ et de Rome, n'avait été proclamée dans un plus ferme langage. Mais si Ambroise à ce moment promena ses regards sur l'assistance, il put distinguer dans la foule brillante des officiers un jeune Goth, qui avait pris part à la dernière campagne de Théodose et qui s'en retournait en Germanie avec son escouade de cavaliers. C'était celui que ses compatriotes nommaient Alaric et surnommaient le Bal, le hardi par excellence. Le destructeur futur de Rome était là, inconnu et pensif, tandis que l'empire ensevelissait son dernier héros... Dieu pourtant n'avait pas suscité en vain des ouvriers tels qu'Ambroise et Théodose. En consacrant au Christ les derniers jours de Rome mourante, Ambroise et Théodose avaient prolongé à peine de quelques instants l'existence de l'empire, mais ils avaient préservé pour les générations futures son héritage. En aidant l'Eglise à couvrir de sa protection toutes les œuvres de la raison et de la conscience humaine que Rome, pendant dix siècles de puissance, avait ou produites ou conquises, ils n'avaient pas donné à la puissance romaine la force de revivre, mais à la civilisation de Rome la force de survivre à sa domination[12].

 

III

Parmi ceux qui avaient le plus contribué à recueillir les trésors de la civilisation romaine pour les transmettre au monde moderne, trois hommes s'étaient particulièrement distingués pendant la période du gouvernement personnel de Théodose, de 392 à 395 : Augustin, Jérôme et Chrysostome.

D'Augustin, le protestant Harnack a été jusqu'à dire que l'existence misérable de l'empire romain en Occident semble n'avoir été prolongée jusqu'à lui que pour permettre l'action exercée par lui sur l'histoire universelle[13]. Dans la période précédente, Augustin s'était déjà révélé puissant apologiste. Par la publication de ses traités Contra Fortunatum en 392 et Contra Adimantum vers 394, il se manifesta redoutable polémiste, tandis que dans ses commentaires des psaumes et dans son Liber imperfectus de Genesi ad litteram, il se montrait profond commentateur des Livres saints.

Fortunat était un prêtre manichéen, Adimante était le plus illustre des disciples de Manès. Le livre contre Fortunat n'est que le procès-verbal d'une discussion publique qui avait duré deux jours entre Augustin et Fortunat, à la fin du mois d'août 392. L'argumentation d'Augustin fut si concluante, que le second jour Fortunat déclara n'avoir rien à répondre et quitta Hippone. L'hérétique soutenait l'existence d'un principe du mal coéternel à Dieu et limitant sa puissance. Augustin lui démontra qu'un Dieu ainsi limité ne serait ni infiniment puissant ni infiniment bon, et que le mal s'explique suffisamment par la liberté de la créature. Augustin devait compléter plus tard sa théorie en montrant que Dieu a préféré tirer le bien du mal plutôt que de ne pas permettre le mal en refusant à la créature la liberté[14]. Adimante s'était efforcé de prouver l'existence des deux principes contraires du bien et du mal en les montrant en lutte dans de prétendues contradictions entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Augustin lui répondit en expliquant qu'il n'y a nulle contradiction entre les deux Testaments, mais parfaite harmonie, que le Nouveau est caché dans l'Ancien, et que l'Ancien est à découvert dans le Nouveau. Les deux livres, Contra Fortunatum et Contra Adimantum marquaient une époque. Trop longtemps, dans le monde gréco-romain, le sophiste avait employé l'art de raisonner à la propagation de l'erreur ; en présence d'Augustin, force était de reconnaître que le christianisme ne possédait pas seulement la vérité, mais aussi toutes les ressources de la dialectique pour la défendre.

Le grammairien avait été également, dans le monde antique, une puissance. Avec Augustin et Jérôme, il fallut bien se convaincre que l'Eglise s'était assimilé toute la science nécessaire à l'interprétation littérale et figurée des textes. L'un et l'autre s'acquittèrent de leur tache avec une pénétration sans précédent ; Augustin avec plus de préoccupation du but moral et de l'actualité pratique, Jérôme avec une connaissance plus approfondie des langues orientales[15] et un plus grand souci du sens littéral ; celui-là plus philosophe, et celui-ci plus savant. En 392, Jérôme, à la demande de Paula, entreprit de commenter les Prophètes. Nous connaissons sa méthode de travail. Il commençait par se procurer, grâce aux ressources que lui fournissait Paula, tous les commentaires publiés jusqu'alors. Il les étudiait avec attention, puis les fondait avec son interprétation personnelle, et enfin donnait les résultats de son travail en une exposition simple et aussi claire que possible ; car, disait-il, un commentateur ne doit pas avoir besoin de commentaires pour être bien compris. Il s'attachait avant tout à exposer le sens historique, mais en plus d'un endroit on le voit s'élever tout à coup à une interprétation morale, qu'il expose toujours avec chaleur, parfois avec une grande éloquence. Tandis qu'il commente la prophétie de Nahum contre Ninive, sa pensée se porte vers les épreuves des saints, qui après avoir été pressurés dans ce monde, trouveront leur récompense dans le ciel. Cette prophétie, dit-il, nous apprend à détacher nos cœurs de toutes les choses périssables, et qui périront en effet au jour où se lèvera le véritable vengeur du peuple de Dieu contre le véritable Assyrien. Dans le commentaire de Sophonie, se lit la page célèbre sur la ruine de Jérusalem, l'une des plus éloquentes qu'ait écrites le solitaire de Bethléem[16]. Ses petits commentaires, Commentarioli, sur les Psaumes, sont aussi de cette époque[17]. On en fixe aujourd'hui la composition en l'année 393. C'est en cette même année que s'établirent les premières relations entre Jérôme et Augustin, par l'intermédiaire d'Alype, venu en Palestine. Alype était cet ami d'Augustin dont les Confessions nous donnent un portrait touchant. Il vit Jérôme, écrit Tillemont, et lui parla d'Augustin. Augustin avait déjà quelque connaissance de Jérôme par ses ouvrages. Mais ce voyage d'Alype les unit beaucoup davantage. Jérôme aima Augustin sur ce qu'il apprit de la bouche d'Alype, et Augustin, qui souhaitait extrêmement de voir Jérôme, crut avoir satisfait en quelque sorte son désir en le voyant par les yeux d'Alype, qui ne faisait avec lui qu'un cœur et qu'une âme[18].

Jérôme avait emprunté au vieux monde gréco-romain les méthodes les plus sévères de sa science. Chrysostome lui dérobait les secrets de la plus haute éloquence. Il nous est difficile de nous représenter ce qu'était, dans les vieilles cités de Rome et d'Athènes, où la majeure partie de la vie se passait sur le forum ou l'agora, l'homme doué de la parole publique, l'orateur. Il joignait au prestige de l'homme de lettres celui de l'homme politique, et quelque peu, dans les crises sociales, celui du directeur de conscience. Lettré, politique et directeur d'âmes, bref, orateur à la manière antique dans toute la force du terme, Chrysostome le fut au suprême degré. Sous le gouvernement personnel de Théodose, de 392 à 395, il donna ses Homélies sur l'Epître aux Ephésiens, son Commentaire de l'Epître aux Galates, ses Homélies sur l'Epître aux Philippiens et sur la seconde Epître à Timothée, son Exposition sur les Psaumes.

De la culture antique, Chrysostome possédait tout ce que pouvait connaître un homme de son temps. Le célèbre Libanius, son maître, disait à son lit de mort : Hélas ! j'aurais laissé le soin de mon école à Chrysostome, si les chrétiens ne nous l'avaient ravi. Si le grand orateur ne fut pas un politique à la manière d'Ambroise, s'il ne fut mêlé à aucune négociation diplomatique, s'il n'intervint que rarement dans les affaires de l'Etat, il ne négligea aucune occasion de faire pénétrer la morale chrétienne dans les mœurs publiques. La partialité des juges, les exactions des agents du fisc, les violences des soldats, trouvèrent en lui un censeur sévère[19]. Mais il fut surtout, comme on l'a dit, le directeur de conscience de la cité d'Antioche, de l'Orient, et, en un sens, de toute l'Eglise de sou temps. Nul ne connut mieux les mœurs de son époque ; nul n'en discerna plus finement le fort et le faible, nul n'indiqua les maux et les remèdes en un langage plus saisissant et plus convaincant. Dans une de ses homélies sur l'épître aux Ephésiens, il flétrit ainsi l'avarice : L'avarice est une idolâtrie. Elle veut des sacrifices ; elle immole des victimes. Approchez des autels des idoles, vous les trouverez imprégnés du sang de chevreaux et de bœufs ; venez à l'autel de l'avarice, vous sentirez une forte odeur de sang humain. Vous apprenez que celui-ci s'est jeté, de misère, dans un précipice ; que celui -là, de désespoir, s'est coupé la gorge... Victimes de l'avarice ! C'est peu. Il faut à l'autel de l'avarice, non seulement le corps, mais l'âme de l'homme ; il lui faut l'âme du sacrificateur avec celle de la victime[20]. Dans une autre homélie sur la même épître, l'orateur signale et flagelle l'odieuse conduite de certaines matrones romaines envers leurs esclaves. Est-ce que la pensée de l'enfer ne vous hante pas, quand vous accablez de mille injures votre esclave, quand, comme un tyran, au milieu de vos autres serviteurs, vous présidez à son châtiment, votre mari debout à vos côtés, en guise de licteur ? Est-ce que pareilles scènes devraient se passer dans la maison d'une chrétienne ?C'est une insolente, me dites-vous. — C'est possible, mais ne peut-on corriger l'insolence par des moyens moins honteux ?Mais elle se conduit mal. — Ôtez-lui d'abord les occasions de pécher. — Mais elle est voleuse. — Surveillez-la. — Ô exagération ! Je serai la gardienne de mon esclave !Ô folie ! Pourquoi ne le seriez-vous pas ? Cette jeune fille est votre sœur si elle est chrétienne. En tout cas, elle a une âme comme vous. — Mais elle est médisante, bavarde, querelleuse. — Que de femmes libres le sont aussi ! Et il faut que leurs maris les supportent... Horreur ! On a vu des femmes romaines aller jusqu'à ce degré de cruauté, qu'elles découvrent la tête de leurs servantes et qu'elles les traînent par les cheveux. A ces mots, il y eut un frémissement dans l'auditoire. Toutes les femmes baissaient la tête. Pourquoi rougissez-vous ? s'écria l'orateur. Ceci ne s'adresse qu'à celles qui se portent à de telles infamies[21].

Trouve-t-on, dans les annales de l'éloquence de la Grèce et de Rome, parole plus vivante, plus pathétique, plus humaine et plus efficace ?

 

IV

Ce n'est pas seulement par quelques grands hommes, c'est par l'ensemble de ses institutions, de ses rites, de ses coutumes, que l'Eglise catholique s'était assimilé, au cours du IVe siècle, tous les éléments du monde antique capables de s'adapter à sa doctrine et d'en assurer la propagation dans le monde.

Il importe ici de se garder d'une exagération. Dans l'impossibilité d'expliquer l'admirable développement du christianisme par une force intérieure, les historiens rationalistes ont souvent, depuis l'auteur de la Vie de Jésus[22], essayé de montrer l'Eglise catholique comme l'œuvre de l'empire romain : Rome faisant la papauté ; les cadres administratifs de l'empire créant l'épiscopat ; la théologie naissant du platonisme ; la liturgie chrétienne, des rites païens ; le culte des saints, du culte des dieux. Toute l'histoire de 1'Eglise, telle qu'on vient de la voir, dément une telle hypothèse. Le catholicisme, avec tous ses organes essentiels, remonte au Christ, et n'a que lui pour auteur. Le merveilleux discernement avec lequel il a su s'assimiler dans le monde gréco-romain (comme plus tard dans le monde barbare) les éléments susceptibles de fortifier et d'agrandit son action, sont, au contraire, ainsi que l'a montré le cardinal Newman[23], une nouvelle preuve de sa propre vitalité.

C'est ce qu'il nous sera facile de constater en étudiant le développement de sa hiérarchie, de son culte et de ses œuvres.

Pour ce qui concerne la hiérarchie ecclésiastique en général, aucun Père du IVe siècle ne met en doute son origine divine. Pour saint Grégoire de Nysse, comme pour saint Ephrem et pour saint Ambroise, l'Eglise catholique, principe et raison de toutes choses[24], est bien la Jérusalem céleste qui descend du ciel[25] ; ses évêques tiennent leurs clefs de Pierre, qui les tient du Christ[26] ; leur chef est le Christ, et le chef du Christ est Dieu[27]. Les empereurs eux-mêmes ne parlent pas autrement. Toutes les ordonnances de la puissance civile en faveur de l'autorité de l'Eglise ne sont jamais que la reconnaissance d'un droit antérieur de l'Eglise, bien loin d'être la transmission ou la délégation à l'Eglise d'un nouveau droit. Souvent on y lit textuellement que le pouvoir spirituel, la prééminence des papes doit son établissement à une main plus élevée, à celle de Dieu, et que le choit sur lequel ils reposent échappe ainsi à l'influence du pouvoir temporel [28]. L'empire, devenu chrétien, reconnut une dignité plus haute à l'Eglise qu'à lui-même, à cause de son origine divine et de son divin objet ; le spirituel, disait-on, a préséance d'honneur sur le matériel, l'éternel sur le temporel, le ciel sur la terre. Aussi le monogramme du Christ et le signe de la croix prennent une place d'honneur sur les monnaies impériales[29].

Il n'en est pas moins vrai que l'intime union établie entre l'Eglise et l'Etat fortifia considérablement le pouvoir de l'Eglise[30]. En même temps que la puissance spirituelle prêchait le devoir de rendre à César, et surtout à un César chrétien, l'obéissance et le respect dus à un César chrétien, la puissance civile rappelait le devoir de rendre à Dieu et à son Eglise ce qui est dû à Dieu et à son Eglise. Des soldats armés protégèrent le monogramme devenu l'ornement du labarum. La croix, surmontant le globe terrestre, fut présentée aux peuples chrétiens par la Victoire chrétienne, sous l'aspect d'un ange ; elle brilla sur la couronne du souverain. Le Christ, que les monuments de l'art de cette époque représentent comme seigneur et souverain, fut reconnu comme législateur dans la vie publique. Valentinien désigna les détenteurs de la puissance ecclésiastique sous le nom de fonctionnaires du grand Roi[31].

Entre les deux législations de l'Etat et de l'Eglise, une influence réciproque s'opéra. Les lois de l'Etat s'imprégnèrent de plus en plus de l'esprit chrétien, et les canons de l'Eglise devinrent lois de l'Etat. La législation ecclésiastique prit, en même temps, dans ses formules, quelque chose de l'admirable précision et de la netteté du droit romain. Cette heureuse collaboration rendit possible une amélioration notable de la vie politique et sociale. On lui doit l'adoucissement du sort des prisonniers et des esclaves, la suppression des jeux des gladiateurs, de l'exposition des enfants nouveau-nés, et de certains spectacles immoraux passés en coutume[32]. Les fêtes chrétiennes purent se célébrer dans toute leur solennité, la charité chrétienne s'exercer sans entrave, l'apostolat se développer plus rapidement sur toutes les routes de l'empire ; et la voix du chef de l'Eglise put se faire entendre plus souvent et plus haut dans toutes les provinces de l'Orient et de l'Occident.

L'autorité du Pontife romain ne fut pas la seule à profiter de cette union féconde. L'autorité des évêques, fondée, comme celle du pape, sur le droit divin, grandit en efficacité par son adaptation à la savante organisation de l'empire. Les grandes divisions judiciaires de l'Etat furent comme le cadre où se plaça, pour s'exercer plus commodément, la hiérarchie de l'Eglise.

Au point de vue judiciaire[33], l'empire, à la fin du IVe siècle, était divisé en préfectures, diocèses, provinces et cités. Les quatre préfectures étaient sous la juridiction de préfets du prétoire, les diocèses avaient à leur tête des vicaires du préfet, appelés en Orient éparques ; les provinces dépendaient des gouverneurs ; de plus, chaque ville était placée sous la dépendance de plusieurs magistrats pris dans son sein, dont l'un, supérieur aux autres, les présidait, sous le nom de dictateur ou de défenseur de la cité. A la mort de Théodose, les divisions ecclésiastiques se trouvèrent à peu près calquées sur ces divisions civiles. Dès les origines, quand une ville comptait un certain nombre de chrétiens, les apôtres y établissaient une magistrature religieuse correspondant à la magistrature de la cité. Ce fut la magistrature des évêques. Plus tard, quand l'empire fut devenu chrétien, l'usage s'établit de donner à l'évêque résidant au chef-lieu de la province, ou métropole, une juridiction sur la province entière. Ce fut l'origine de la juridiction métropolitaine[34]. Enfin, une juridiction supérieure, appelée patriarcale, tendit à se modeler sur celle du vicaire ou chef du diocèse civil, mais le parallélisme des deux ressorts, ecclésiastique et civil, ne parvint jamais à s'établir.

Ainsi encadré, l'épiscopat ne perdit pas son autonomie essentielle. La règle de l'élection des évêques était toujours le choix fait par le clergé et le peuple. Divers conciles du IVe siècle avaient même particulièrement insisté sur la nécessité de l'intervention d'un certain nombre d'évêques à cet acte important[35]. Mais suivant les lieux, les temps, les coutumes, les passions du jour, l'élection d'un évêque prenait diverses formes. Ici, le métropolitain, ou plus généralement les évêques de la province, se contentaient de consacrer le choix fait par le peuple et le clergé. Là, les évêques proposaient au clergé et au peuple trois candidats, ou bien, à l'inverse, faisaient leur choix entre trois candidats proposés par le corps électoral. D'autres fois, comme à Milan, pour la nomination de saint Ambroise, l'élection se faisait par acclamation populaire, avec l'assentiment du clergé. Dans certaines circonstances, on s'écarta plus encore des coutumes normales. On vit des synodes s'ingérer dans la nomination des évêques, des empereurs s'arroger le droit de les choisir à leur gré, ou du moins d'imposer au clergé le candidat de leur choix[36]. Ce dernier abus était une suite de la situation officielle faite à l'épiscopat. Les honneurs publics et les avantages temporels attachés aux fonctions d'évêque furent aussi l'occasion de brigues regrettables. L'examen des élections contestées était soumis au métropolitain, qui jugeait en s'aidant des conseils d'un synode. Du reste, l'institution d'un évêque n'était valable que par sa consécration donnée, à la suite de l'approbation du métropolitain, par trois prélats[37].

Une fois intronisé, l'évêque devenait un personnage marquant dans l'empire. Depuis Constantin, il n'avait pas seulement compétence pour juger les questions d'ordre religieux, mais aussi les causes civiles toutes les fois que les parties voulaient bien s'en remettre à son tribunal. En dehors du nom d'évêques (episcopi, inspecteurs) qui leur fut donné d'abord par analogie avec certains magistrats athéniens, le peuple les nommait pontifes, souverains prêtres. Ce dernier mot ne fut exclusivement réservé à l'évêque de Rome qu'à partir du Ve siècle[38]. Certaines marques d'honneur n'étaient données qu'aux seuls évêques. Nous savons, par les témoignages de saint Hilaire, de saint Jean Chrysostome. que les fidèles de leur temps s'inclinaient devant un évêque pour solliciter sa bénédiction, et que les prédicateurs leur demandaient aussi de les bénir avant de commencer un discours[39]. Le costume des évêques les distinguait aussi des simples prêtres. La mitre était leur attribut tellement spécial, qu'au dire de saint Augustin ils juraient par elle[40]. La mitre n'était d'ailleurs à cette époque qu'une sorte de bandelette ou lame étroite de métal liée autour de la tête. Saint Jérôme l'appelle la couronne, corona[41] ; saint Grégoire de Nazianze, le diadème[42]. Le bâton pastoral et l'anneau épiscopal étaient aussi des insignes de la dignité épiscopale[43].

A de si grands honneurs correspondaient d'immenses charges. Nous avons eu plus d'une fois l'occasion de constater l'héroïque dévouement avec lequel les grands évêques du IVe siècle exercèrent leurs fonctions. Qu'il nous suffise d'en donner ici l'énumération sommaire. Les principales fonctions de l'évêque étaient : 1° l'instruction religieuse de son peuple, soit par lui-même, soit par des prêtres expressément approuvés par lui[44] ; 2° la collation des saints ordres[45] ; 3° la visite de son diocèse[46] ; 4° l'administration du sacrement de confirmation[47] ; 5° la réconciliation des pénitents[48] ; 6° la bénédiction des vierges[49] ; 7° un ensemble de fonctions se rattachant aux pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif qui lui étaient conférés[50]. Il appartenait enfin à l'évêque de délivrer des lettres de communion aux clercs et laïques qui entreprenaient un voyage, de nommer aux charges ecclésiastiques, de punir les contraventions et les délits d'ordre religieux, d'administrer en un mot toute son Eglise. Aussi ne lui était-il pas permis de s'absenter de son diocèse pour plus de trois semaines[51]. Les voyages à la cour ne purent même s'effectuer sans l'approbation du métropolitain ; en Italie, du pape[52]. C'est ce qu'on appela de bonne heure l'obligation de résidence.

Pour satisfaire à ses diverses fonctions, l'évêque avait autour de lui plusieurs auxiliaires. L'archidiacre, dont il n'est pas fait mention avant le IVe siècle, tenait le second rang dans l'Eglise. Il était choisi parmi les diacres, et n'était point, comme aujourd'hui, revêtu de la prêtrise. Il assistait l'évêque à l'autel, veillait sur la conduite des clercs inférieurs, gérait les biens du diocèse et pourvoyait à l'entretien des pauvres, des veuves et des vierges[53]. A côté de l'archidiacre, on trouve, à la fin du IVe siècle, l'archiprêtre. Saint Jérôme est le premier écrivain qui fasse mention de cette dignité[54]. On appela d'abord de ce nom le prêtre le plus ancien par son ordination. Il eut pour fonction de présider les assemblées du clergé et de remplacer l'évêque empêché par la célébration des saints mystères dans l'église principale. Plus tard, cette dignité fut donnée au mérite. L'Eglise grecque et l'Eglise latine ne paraissent pas avoir eu exactement la même discipline sur ce point[55]. Nous avons déjà parlé des chorévèques qui, en Orient, pendant le IVe siècle, secondèrent utilement les évêques dans le ministère des campagnes. Le 13e canon du concile d'Ancyre, tenu en 314, et le 10e canon du concile d'Antioche, tenu en 341, semblent reconnaître aux chorévèques le caractère épiscopal, puisqu'ils leur attribuent le droit d'ordonner des diacres et des prêtres, en présence de l'évêque et sur son ordre. En l'absence de l'évêque, ils conféraient les ordres mineurs, ils assistaient aux conciles et en souscrivaient les actes[56].

Dans l'entourage plus immédiat de l'évêque, on remarquait, surtout en Orient : les syncelles, commensaux du chef du diocèse, qui les choisissait parmi les clercs les plus distingués et avait recours à eux dans les affaires importantes ; les notaires, chargés de la rédaction et de la garde des documents authentiques ; les avocats ou défenseurs, qui soutenaient les droits des Eglises, même devant les tribunaux civils ; les archivistes, les sacristains, enfin les mansionnaires, chargés de la garde de certaines églises ou chapelles. Le personnel des évêques d'Occident fut plus restreint ; mais en Orient, où il était très nombreux, on vit souvent des intrigues s'y former, des ambitions s'y agiter. Des syncelles ne briguaient rien de moins que l'épiscopat ; des protosyncelles prétendaient dans les conciles marcher de pair avec les évêques ; et le primicier des notaires fut souvent une puissance avec laquelle il fallut compter[57].

L'importance de ce personnel se faisait surtout remarquer autour des grands métropolitains, à qui fut réservé plus tard le nom de patriarches. Ceux-ci, nous l'avons vu, tenaient leur autorité de l'apôtre Pierre et non de l'importance d9 leur ville épiscopale. On n'en reconnaissait qu'un seul en Occident ; c'était l'évêque de Rome, chef de l'Eglise ; mais l'Orient se montrait fier de ses patriarches d'Alexandrie, d'Antioche, de Jérusalem et de Constantinople.

Le patriarche d'Alexandrie avait sous sa dépendance l'Egypte, la Thébaïde et la Libye ; celui d'Antioche, la Cilicie, l'Isaurie, la Syrie, la Phénicie, l'Arabie, la Mésopotamie et l'Osrhoène. Le patriarche de Jérusalem n'avait sous sa juridiction que les trois Palestines[58] ; ce fut en considération de la dignité incomparable de la Ville sainte que les Pères de Nicée l'élevèrent au rang de siège patriarcal, tout en maintenant dans leurs anciens droits les métropolitains de Césarée. Enfin, nous savons dans quelles circonstances les Pères de Constantinople, en 38i, conférèrent la dignité patriarcale à la capitale de l'Orient, dont les droits s'étendirent sur les provinces de l'Asie, du Pont, de la Thrace, et dont les prérogatives, en s'augmentant sans cesse, finirent par inspirer à ses patriarches la prétention de s'égaler au Pontife romain[59].

Ce dernier, en tant que patriarche, avait sous sa juridiction l'Italie, la Gaule, l'Espagne, la Bretagne, la Germanie, les deux provinces de l'Illyricum, oriental et occidental[60] (Macédoine, Crète, Thessalie, les deux Epire, les deux Dacie, la Dardanie et la Prévalitane). Mais il était difficile de préciser la différence et les limites de ses deux qualités de patriarche et de Pontife suprême en Occident. L'Eglise romaine, déclare le pape Damase, est au-dessus de toutes les Eglises, non point en vertu d'un décret d'un concile, mais en vertu de la parole du Seigneur : Tu es Pierre[61]. Sous l'autorité souveraine du pape, des métropoles s'organisèrent en Occident au IVe siècle, entre autres celle de Milan en Italie et celle d'Arles en Gaule.

En principe, le patriarche donnait l'institution canonique aux métropolitains, et ceux-ci aux simples évêques. Au Ve siècle, Théodoret protestera contre la prétention du patriarche Jean d'Antioche, de se réserver la consécration des évêques, et lui reprochera de violer ainsi les droits des métropolitains[62]. Mais de telles protestations ne pouvaient s'élever contre le Pontife de Rome. Le pape Sirice, nous l'avons vu, promulguait des décisions canoniques ayant force obligatoire pour les Eglises d'Espagne et d'Afrique.

Nous avons vu quelle était aussi la place du pontife romain dans les conciles Il confirmait les décisions des conciles œcuméniques ou universels. Les conciles particuliers eux-mêmes, qu'ils fussent diocésains, provinciaux ou même généraux pour l'Orient ou pour l'Afrique, perdaient toute autorité si l'évêque de Rome s'y opposait. Aucun autre évêque n'a pu prétendre à un pareil droit[63].

 

V

Patriarches, métropolitains et évêques encadraient, à la fin du IVe siècle, une innombrable milice de clercs de tout ordre : prêtres, diacres, sous-diacres, lecteurs, acolythes, exorcistes, portiers[64].

Les fonctions des prêtres avaient passé par trois phases distinctes. Pendant les trois premiers siècles, les prêtres n'avaient pas eu d'autres missions que de célébrer les saints mystères en même temps que l'évêque dans sa cathédrale, et de le seconder dans le gouvernement de son Eglise, dont il avait seul la responsabilité directe. Au IVe siècle, quand d'autres églises que la cathédrale furent bâties dans les grandes villes, des prêtres y furent attachés en qualité de titulaires ou de cardinaux ; mais leurs fonctions se bornaient à informer l'évêque de ce qui intéressait le gouvernement de l'Eglise, à présider aux sépultures, à veiller à la garde des cimetières[65], à donner aux fidèles l'instruction nécessaire à la réception du baptême et à l'absolution de leurs péchés[66] ; car l'administration des sacrements et la liturgie du sacrifice étaient réservées à l'évêque[67]. Quand le chef de l'Eglise voulait célébrer les mystères en l'honneur d'un saint spécialement honoré dans une église de sa ville épiscopale, il se transportait avec son clergé dans cette église. Peut-être les prêtres titulaires avaient-ils déjà le pouvoir d'administrer, dans le ressort de leur circonscription, le sacrement de l'extrême-onction, de réconcilier les pénitents en cas de nécessité et les hérétiques en danger de mort, de choisir des psalmistes ou chantres pour psalmodier dans leur église ; mais les textes qui font allusion à ces diverses fonctions sont douteux ou d'une époque postérieure au IVe siècle. Une troisième phase du ministère sacerdotal s'ouvrit lors de la création des paroisses rurales. Au début, le prêtre préposé au gouvernement de la paroisse, le curé proprement dit, se borna peut-être, pour ce qui concerne la célébration des fonctions liturgiques, à aller chercher l'Eucharistie consacrée Par l'évêque dans l'église de la cité pour la distribuer aux fidèles de son district, et à servir l'évêque quand il venait officier dans la paroisse rurale. Mais à la fin du IVe siècle, les prêtres des campagnes furent autorisés à baptiser, à prêcher, à célébrer la messe dans leur église. Aux grandes fêtes seulement, le curé de campagne, entouré de ses ouailles, se rendait à l'église de la ville, où l'évêque, assisté de tous ses clercs, officiait devant tout son peuple[68].

Au-dessous des prêtres, les diacres occupaient, comme aux premiers siècles, une place importante. On les voyait, dans les offices liturgiques, recevoir les offrandes des fidèles et les placer sur l'autel[69], puis monter à l'ambon pour lire l'Evangile[70], enfin distribuer au peuple la sainte Eucharistie[71]. Ils avaient aussi la charge de diriger les mouvements des assemblées des fidèles pendant la célébration des saints offices. C'est la voix des diacres qui, au milieu de la cérémonie, disait au peuple : Flectamus genua, fléchissons les genoux ; Procedamus in pace, marchons en paix ; Ite, missa est, allez, c'est l'heure de partir[72]. Les diacres pouvaient aussi, avec la permission de l'évêque, prêcher, baptiser solennellement, et même, en cas d'extrême nécessité et en l'absence de tout prêtre, entendre la confession d'un pécheur et lui imposer une pénitence. C'est ce qui résulte d'un texte fameux de saint Cyprien[73], mais sans qu'on puisse pourtant déduire de ce texte que les diacres aient jamais eu le pouvoir d'administrer le sacrement de pénitence.

Les sous-diacres, dont l'origine parait remonter au début du IIIe siècle, ou peut-être à la fin du IIe dans l'Eglise latine, et un peu plus tard dans l'Eglise grecque[74], occupaient dans la hiérarchie ecclésiastique des fonctions beaucoup plus modestes[75]. Le concile de Laodicée leur recommande de ne pas prendre place dans le diaconicum, ou lieu réservé aux diacres, de ne pas toucher aux vases sacrés pendant l'office divin et de ne pas porter l'orarium ou étole, ornement propre des ordres majeurs[76]. Leurs principales fonctions se bornaient à préparer les vases sacrés avant l'office[77], puis à garder les portes de l'église, à faire sortir en temps voulu les catéchumènes et les pénitents et à veiller d'une manière générale à l'observation du bon ordre pendant la cérémonie. Plusieurs passages de saint Cyprien nous apprennent aussi que les évêques les chargeaient de porter leurs lettres[78]. L'usage de faire lire l'épître par le sous-diacre à la messe solennelle paraît être né en Espagne au IVe siècle ; de là il se répandit dans les autres nations[79].

Les acolythes étaient, comme l'étymologie de leur nom l'indique, les compagnons des évêques et des prêtres. En Afrique, leurs fonctions consistaient seulement à allumer les cierges et à présenter le vin pour la célébration de la messe. A Rome, ils furent, dès leur origine[80], chargés de porter aux absents, non seulement les eulogies ou pains bénits, mais aussi l'Eucharistie[81]. Voici quelles étaient leurs fonctions pendant la messe, du moins à Rome. Quand le moment de la communion était venu, les acolythes, portant chacun, suspendu au cou, un petit sac, montaient à l'autel. Ils se plaçaient, les uns à droite, les autres à gauche. Les sous-diacres venaient alors se mettre devant eux et maintenaient ouverts avec leurs mains les petits sacs, où l'archidiacre déposait les pains consacrés pour le peuple. Cela fait, les acolythes se séparaient. Les uns portaient leurs sacs aux évêques placés à la droite du pape, s'il y en avait ; les autres présentaient les leurs aux prêtres qui étaient à gauche et qui étaient chargés de rompre les pains sur deux patènes, que deux sous-diacres tenaient devant les acolythes[82]. Cette fonction était regardée comme tellement essentielle à l'ordre des acolythes, qu'on leur remettait un sac en les ordonnant[83].

Les exorcistes. Les fonctions des exorcistes étaient étroitement attachées à la préparation du baptême. Ces clercs chassaient le démon en imposant les mains sur les possédés et en récitant des prières publiques. Les portiers, considérés comme les plus humbles clercs de la hiérarchie, étaient, comme leur nom l'indique, préposés à la garde des portes de l'église. Ils étaient encore chargés de faire ranger les pénitents et les catéchumènes à leurs places respectives ; ils annonçaient aux fidèles les jours et heures des assemblées ; enfin ils avaient la garde des objets appartenant à l'église ; c'est pourquoi un logement leur était généralement assigné dans des cellules ménagées à l'extérieur des basiliques[84].

L'office des lecteurs consistait à lire publiquement dans l'église les saintes Ecritures. On choisissait souvent pour remplir ces fonctions des jeunes gens ou même des enfants. On confia aussi cet honneur, au temps des persécutions, aux chrétiens qui avaient confessé leur foi devant les bourreaux. Pour remplir leur office, les lecteurs montaient à l'ambon, appelé parfois pour cela la tribune des lecteurs. Ils étaient aussi chargés de la garde des Livres saints. Au IVe siècle, c'était par excellence l'ordre de début et de formation. C'est par lui que commençaient les jeunes clercs. Ils demeuraient lecteurs jusqu'à l'âge adulte, nécessaire pour exercer les ordres supérieurs. La plupart des carrières ecclésiastiques dont on connaît le détail ont commencé par le lectorat. C'est le cas de saint Félix de Nole, de saint Eusèbe de Verceil, du père du pape Damase, des papes Libère et Sirice. Il y avait parmi les lecteurs beaucoup de jeunes enfants. Leurs voix argentines perçaient les immenses espaces des basiliques, et portaient jusqu'aux rangs les plus lointains de l'assemblée. De bonne heure on les forma en corporations. Ce fut l'origine de la Schola cantorum, dont l'existence à Rome n'est, il est vrai, attestée par aucun document direct ; mais il y avait de ces scholæ dans d'autres églises ; et, à Rome, la Schola cantorum, très apparente depuis le VIIe siècle, était composée surtout de lecteurs[85].

L'ordination aux ordres mineurs se faisait par la tradition des insignes de l'ordre accompagnée de certaines formules que les Statuta Ecclesiæ antiqua nous ont conservées[86]. Les jeunes clercs se formaient à l'école de leurs évêques respectifs. Quelques-uns étudiaient dans les monastères, suivaient les cours de quelques grandes écoles, telle que l'Ecole exégétique d'Antioche. Mais jusqu'à saint Augustin on ne trouve pas d'organisation spéciale pour la formation spirituelle et l'éducation intellectuelle des jeunes clercs.

Pour avancer aux ordres majeurs, les candidats avaient besoin d'un témoignage public du peuple, qui les acclamait ordinairement par ces mots : Tu es digne ![87] L'ignorance religieuse, la qualité de néophyte, le fait de s'être marié en secondes noces, et à plus forte raison d'avoir commis quelque grave délit, étaient des causes d'exclusion. L'ordination des sous-diacres s'accomplissait dans les mêmes formes que celle des clercs mineurs. Les diacres et les prêtres étaient ordonnés par l'imposition des mains des prêtres présents à la cérémonie[88]. Ni les Statuta ni le Pontifical donné par saint Isidore de Séville ne parlent de l'onction des mains, dont l'usage paraît être né plus tard, en Angleterre[89]. Nul ne pouvait être admis à l'ordination sacerdotale avant l'âge de trente ou au moins de vingt-cinq ans[90].

Depuis les temps apostoliques, toute la tradition établit une distinction essentielle entre les fidèles et le clergé ; mais aucun signe extérieur dans le vêtement ne distinguait dans la vie civile les ecclésiastiques des personnes laïques. Les plus anciennes mosaïques nous représentent les évêques du IVe siècle vêtus d'un long et large manteau, assez ample pour envelopper tout le corps et dont les pans sont relevés par les bras ou même rejetés sur les épaules. C'est la pænula, forme primitive de la chape et de la chasuble. Or, des monuments d'une authenticité incontestable montrent des laïques vêtus d'un costume identique[91]. Ce vêtement ne devait avoir un caractère liturgique que plus tard, lorsque la pænula disparut progressivement du costume profane.

Semblable à l'homme du peuple par le vêtement, le clerc se mêlait aux classes populaires par le travail des mains. Le travail manuel, dit le P. Grisar, était habituel dans le clergé, plus encore que chez les moines. Le clergé vivait au milieu du pauvre peuple, partageant ses peines. On avait, dans les temps païens, abandonné aux esclaves les occupations des champs ; on les avait jugées indignes d'un homme libre. Aristote n'avait pas cru que la noblesse intellectuelle pût se rencontrer chez des hommes livrés aux travaux corporels[92]. Mais le divin Sauveur, dans son long séjour à Nazareth, avait donné l'exemple du travail ; les apôtres avaient rendu au labeur sa dignité primitive. Le christianisme consacrait le foyer familial par un travail joyeusement consenti. Si le clergé travaillait, il le faisait bien en partie par nécessité, mais en partie aussi par un sacrifice volontaire, pour mettre en honneur chez ses contemporains les principes évangéliques sur le travail et la pauvreté. Dans l'Eglise franque notamment, les serviteurs de l'autel se distinguaient par leur zèle au travail et par leurs efforts pour y amener le peuple. Le christianisme obtint ainsi en Occident un double résultat : il réagit contre les idées fausses du paganisme, et il orienta l'activité désordonnée des peuples nouveaux et leur génie puissant, mais inconstant, en les pliant à une vie d'ordre et de renoncement[93].

Il est un point cependant par lequel le clergé, du moins celui qui était entré dans les ordres majeurs, se distinguait généralement du peuple laïque : c'est par la loi du célibat. A la fin du IVe siècle, cette loi était assez universellement suivie pour que saint Jérôme pût écrire dans son livre contre Vigilance : Que font donc les Eglises d'Orient, celle d'Egypte et celle du Siège apostolique, qui n'admettent à la cléricature que des vierges, ou des continents, ou des hommes mariés qui ont renoncé à l'usage du mariage ?[94] Ce fut surtout la considération des relations intimes des évêques, des prêtres et des diacres[95] avec le saint sacrifice de la messe qui porta l'Eglise à leur faire une loi de ce qui avait été, dès le début du christianisme, une inspiration évangélique. Les ministres de l'Agneau sans tache devaient s'élever aussi haut que possible au-dessus des biens terrestres et des inclinations des sens. La loi qui astreignait ces ministres à la chasteté répondait à l'esprit le plus intime de l'Eglise.

 

VI

Le culte divin s'était magnifiquement développé au cours du IVe siècle. Les basiliques s'étaient multipliées. La prospérité relative de l'Orient, au moment où tout s'effondrait en Occident, avait permis de leur donner des proportions gigantesques, de les orner de décorations splendides[96]. Sans doute depuis Constantin jusqu'à Justinien, le type de la basilique civile prévalut en Occident et en Orient pour les édifices religieux[97]. Mais ce serait une erreur de faire naître au VIe siècle seulement l'art byzantin, si l'on entend par là la substitution des voûtes et des coupoles à la toiture à charpente des basiliques romaines. Ce type architectural existait en Asie Mineure dès le IVe siècle. Saint Grégoire de Nysse, dans une lettre adressée à Amphiloque, évêque d'Iconium, décrit avec précision les détails d'une église en forme de croix, bâtie sur un plan octogonal et couronnée d'une coupole[98]. D'autres innovations caractérisent l'art qui prévaut dès lors et qui s'épanouira dans toute sa magnificence à Sainte-Sophie. C'est le remplacement des peintures par les mosaïques, c'est la profusion des dorures, c'est la décoration polychrome des statues et des monuments. L'art chrétien des trois premiers siècles, timide et naïf, avait été celui d'une société persécutée et tremblante celui du IVe siècle, de Constantin à Théodose, fut, dans des proportions grandissantes, celui d'une société que l'Etat protège, qui triomphe avec l'empire, et qui lui emprunte quelque chose de son faste somptueux. Les ornementations de la basilique byzantine et les cérémonies qui s'y déroulèrent eurent quelque analogie avec ces longues théories de fonctionnaires et d'officiers, aux vêtements éclatants, que le basileus de Byzance groupait autour de son trône aux jours des grandes fêtes.

Sous la direction d'évêques tels qu'un saint Basile, un saint Grégoire de Nazianze ou un saint Grégoire de Nysse, le caractère religieux de la liturgie ne pouvait pas souffrir de ces innovations. Il y prit seulement une splendeur nouvelle.

Le centre de la liturgie chrétienne était toujours le sacrifice de l'Eucharistie.

Un fait saillant semble marquer le développement de la liturgie au IVe siècle. S'il était permis, dit dom Cabrol, d'anticiper sur les démonstrations futures et sur une connaissance plus approfondie des faits liturgiques, on pourrait dès maintenant formuler ainsi cette hypothèse : aux trois premiers siècles, unité liturgique relative, ou, si l'on veut, absence de caractéristiques ; à partir du IVe siècle, application de méthodes différentes, qui vont affirmer les diversités liturgiques[99]. La plus connue des variétés liturgiques est la syriaque, usitée à Antioche et dans les églises dépendant du patriarcat de cette antique métropole ; les liturgies de Constantinople, de Césarée, ainsi que les formulaires arméniens et persans, paraissent se rattacher à cette source. En Occident, la liturgie romaine prévalut.

Pourtant, à côté d'elle, la liturgie gallicane, née peut-être à Milan, et passée de là en Gaule, offrit maintes ressemblances avec la liturgie de l'Orient. Malgré tout, l'étude des ouvrages de saint Jean Chrysostome, de saint Cyrille de Jérusalem et des autres écrivains de Ce temps, permet de reconstituer les traits essentiels de la liturgie de la messe ; et ces traits ont des formes si parfaitement identiques, que leur étude amène à en rechercher les origines beaucoup plus haut. On y a même vu, non sans raison, une preuve en faveur d'une certaine uniformité primitive de la liturgie[100].

La distinction de la messe des catéchumènes et de la messe des fidèles se maintint au IVe siècle ; elle devait durer aussi longtemps que l'institution du catéchuménat[101].

La messe des catéchumènes commençait par la lecture de quelques passages de la Bible et par le chant de quelques psaumes. Au début, le choix de ces passages était réservé au jugement de l'évêque. Plus tard, il fut fixé par des règlements. Il fut statué, par exemple, que les Actes des Apôtres se liraient de Pâques à la Pentecôte, la Genèse pendant le carême, Job et Jérémie au temps de la Passion[102]. Certaines Eglises faisaient lire aussi les Actes des martyrs et même des lettres de personnages illustres ou d'évêques. Des décisions de concile mirent un terme à cette extension abusive[103]. Après un salut au peuple et une prière, la prédication avait lieu. C'était tantôt une simple exposition du passage scripturaire qui venait d'être lu, tantôt une explication suivie d'un livre de la Bible, tantôt un discours libre sur la fête du jour, la vie d'un saint, au sujet de quelque événement extraordinaire ou à propos de quelque devoir de la vie chrétienne. Les discours des prédicateurs les plus goûtés étaient transcrits par des sténographes, appelés alors tachygraphes. En Orient, les discours étaient assez longs et fréquemment interrompus par des applaudissements. On en a le témoignage tout particulièrement dans les œuvres de saint Chrysostome, qu'on voit adjurer ses auditeurs de mettre un terme à leurs bruyantes manifestations. La prédication était le devoir propre des évêques ; mais ils étaient secondés dans ce ministère par leurs prêtres. Dans les églises de campagne, cette fonction était aussi confiée à des diacres. Après la prédication et le congé donné aux infidèles, catéchumènes et énergumènes[104], les portes de l'église étaient fermées. La messe des fidèles commençait[105].

La messe était toujours le drame liturgique, ayant pour base le récit évangélique de la Cène, renouvelé et amplifié en une action grandiose, où le célébrant, le clergé, le peuple, l'Eglise entière, intervenaient tour à tour, par des dialogues, par des prières, par des chants l'un intérêt pathétique et d'une majestueuse ampleur.

D'une manière générale, en mettant à part les différences accidentelles qui distinguaient la messe occidentale de l'anaphore orientale[106], les phases diverses de l'action liturgique se déroulaient dans l'ordre suivant[107].

De même que la messe des catéchumènes, la messe des fidèles commençait ordinairement par un salut au peuple et par une invitation à la prière : Dominus vobiscum, Oremus. La prière était d'abord secrète et silencieuse, puis se formulait, soit en un dialogue à haute voix entre le célébrant et le peuple, soit en une récitation faite par un chantre et entrecoupée d'acclamations populaires telles que : Amen, Alleluia, Kyrie eleison, Quoniam in æternum misericordia.

En quoi consistait cette psalmodie chorale alternative, qui, venue d'Antioche, s'était introduite à Constantinople, et de là à Milan, où saint Ambroise l'avait acclimatée ? Un des premiers auditeurs de ces chants, saint Augustin, a raconté l'impression que produisirent sur lui ces accents qui vivifiaient des paroles chantées par une voix douce et savante, où les affections de l'âme et leurs nuances variées retrouvaient chacune sa note dans les inflexions de la voix. L'émotion musicale d'Augustin fut même si vive que, plus tard, il se demandait s'il ne serait pas plus sûr de s'en tenir à ce que disait Athanase d'Alexandrie, qui préférait faire réciter les prières avec une légère inflexion de voix, plus semblable à une lecture qu'à un chant[108]... Cependant, ajoute-t-il dans ses Rétractations, quand je me rappelle, ô mon Dieu, ces larmes que les chants de votre Eglise me firent répandre aux premiers jours où je recouvrai la foi, et qu'aujourd'hui je me sens encore ému, non de ces accents, mais des paroles modulées avec une expression juste par une voix douce et pure, je reconnais de nouveau toute l'utilité de cette institution[109].

Mais voici que tout le peuple se mettait en mouvement pour l'offrande. Lentement, religieusement, chaque fidèle venait apporter à l'autel, du pain et du vin pour le sacrifice, de l'huile pour le luminaire, de l'encens, ou même des épis de blé fraîchement récoltés. A la fin du IVe siècle, l'oblation était encore silencieuse. Mais au temps de saint Augustin, un chant appelé Offertorium s'introduisit à Carthage pendant l'oblation, pour occuper les fidèles durant cet exercice. Un chantre entamait quelques versets d'un psaume, auxquels le peuple répondait par la répétition de quelques paroles du même psaume en forme de refrain. L'offrande terminée, un signal du diacre faisait cesser la psalmodie. En Orient, l'apport des offrandes et leur dépôt sur l'autel se faisait, par une sorte de procession, d'une manière plus solennelle qu'en Occident. C'était notre Offertoire.

La part faite par le diacre du pain et du vin destinés au sacrifice et des offrandes réservées aux pauvres, une nouvelle invitation à prier était adressée au peuple : Orate, fratres, disait le prêtre.

Comme à la messe des catéchumènes, la prière était d'abord silencieuse, ainsi que notre Secrète actuelle ; mais elle se changeait bientôt en un dialogue à haute voix. Que le Seigneur soit avec vous ! Et avec votre esprit. En haut les cœurs. Nous les avons vers le Seigneur. Rendons grâces au Seigneur notre Dieu, C'est digne et juste.

Le célébrant alors commençait, sur un ton d'une solennité particulière, une prière, appelée prière eucharistique ou action de grâces, dont la formule, à peu près invariable en Orient, s'adaptait en Occident aux diverses fêtes. Le fond était partout identique. La prière débutait toujours par ces mots : Il est vraiment digne et juste, équitable et salutaire, que nous vous rendions grâces toujours et partout, ô Seigneur saint ! Telle est l'origine de notre Préface actuelle. On y remerciait Dieu pour ses œuvres, pour la création, pour la rédemption de l'homme après son péché, et surtout pour l'institution du sacrement du corps et du sang de Jésus-Christ.

Une acclamation populaire au Dieu trois fois saint, — notre Sanctus actuel, — formait ensuite, dans toutes les liturgies de l'Orient et de l'Occident sans exception, le trait d'union entre les prières dont nous venons de parler et l'acte de la consécration liturgique.

Cette partie essentielle du saint Sacrifice se composait de paroles et d'actes manuels. Les paroles étaient le simple récit de la Cène. Dans la Préface, le célébrant avait pu improviser, développer le thème traditionnel, y ajouter même ses propres intentions. Il n'avait plus ici la même liberté. Après avoir prié le Seigneur de jeter sur l'oblation un regard favorable et de faire descendre sur elle la vertu de son Esprit-Saint[110] pour en faire le corps et le sang du Christ, il se bornait à réciter, suivant la formule acceptée dans son rite, le récit de la Cène où le Sauveur s'était donné à ses disciples, récit efficace qui, par la répétition des paroles du Sauveur, fait descendre, sous les espèces du pain et du vin, le corps, le sang, l'âme et la divinité du Christ immolé. Le Sauveur, présent sur l'autel, était alors adoré par l'Oraison dominicale. Les actes manuels comprenaient d'ordinaire l'élévation de l'hostie, la fraction, le mélange du corps et du sang et une dernière bénédiction. Dans les Eglises orientales, pendant cette partie de la messe, les saintes espèces étaient voilées. Les liturgies de l'Orient ajoutaient à ces rites de la consécration une prière au Saint-Esprit, qu'elles ont appelée épiclèse et que quelques-unes de ces liturgies considéraient comme essentielle[111]. L'absence presque complète d'épiclèse dans l'Eglise romaine la fera accuser par l'Eglise grecque, après son schisme, de ne pas consacrer validement.

Les rites de la consécration achevés, les Orientaux écartaient les voiles de l'autel, et faisaient adorer solennellement la sainte Eucharistie. Puis la communion commençait. Les fidèles communiaient encore sous les deux espèces. D'ordinaire un prêtre offrait l'Hostie consacrée ; un diacre, le précieux Sang. Le communiant recevait les saintes Espèces debout, la tête inclinée. Aux paroles du célébrant Voici le corps du Christ, Voici le sang du Christ, il répondait Amen. Pendant la distribution de la sainte Eucharistie, des versets appropriés des psaumes étaient chantés par le peuple. Un des versets les plus habituellement entonnés à cette occasion était celui-ci, du psaume XXXIII : Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux.

Après une prière d'action de grâces et la bénédiction donnée au peuple par le célébrant, le diacre congédiait l'assemblée en disant, en Orient : Allez en paix, en Occident : Allez, c'est l'heure de partir, Ite, missa est.

Telle était la messe solennelle, la seule célébrée aux origines du christianisme. Mais nous avons la preuve, par des témoignages précis de saint Ambroise, de saint Grégoire de Nazianze, dé saint Paulin de Nole et d'autres Pères, qu'au cours du IVe siècle les prêtres et les évêques célébraient aussi des, messes privées[112]. Ces messes étaient dites ordinairement dans des chapelles particulières ; les laïques n'y communiaient pas. Les anciennes agapes, maintenues aux fêtes des martyrs, sous forme de repas funéraires, furent interdites à cause des abus auxquels elles avaient donné lieu[113]. Après le IVe siècle, on ne les rencontra plus qu'à Rome et en Gaule, et elles y furent très rares.

 Les fidèles communiaient ordinairement toutes les fois qu'ils assistaient à une messe solennelle. La pratique d'emporter les saintes Espèces dans sa maison ou en voyage était devenue, à la fin du IVe siècle, très exceptionnelle. On ne portait guère la communion qu'aux malades ou aux solitaires, et, dans ce cas, ils ne communiaient que sous l'espèce du pain, le Sauveur étant considéré comme entièrement présent sous une seule espèce.

 

VII

Les modifications apportées aux rites du baptême après la paix de l'Eglise affectèrent surtout le cérémonial du catéchuménat. L'usage de réserver aux deux fêtes de Pâques et de la Pentecôte les baptêmes solennels parait remonter au IVe siècle[114]. Cependant le pape Sirice, en indiquant ces deux solennités, fait exception pour les enfants en danger de mort et les moribonds en général, qui peuvent être baptisés en tout temps[115].

Nous sommes amplement renseignés sur les cérémonies du baptême au IVe siècle par trois documents importants : les Catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem, les Constitutions apostoliques et la Peregrinatio Silviæ.

Avec saint Cyrille, nous pouvons suivre toute la série des rites préparatoires et de ceux de l'initiation elle-même. Ses catéchèses se divisent en deux groupes, suivant qu'elles précèdent l'initiation ou qu'elles la suivent. La première, sorte de discours préliminaire, appelée Procatéchèse, nous montre les catéchumènes se présentant au commencement du carême, pour se faire inscrire comme candidats au baptême. C'est aussi ce que nous apprend la Peregrinatio Silviæ. Les noms inscrits, on prenait jour, et l'évêque, assisté de ses prêtres et de tout son clergé, procédait à une sorte de scrutin général. Les candidats comparaissaient un à un devant lui, accompagnés de leurs parents. L'évêque interrogeait les voisins de chacun d'eux, s'enquérant de leur conduite. Si le candidat était étranger, il exigeait des certificats. Au cas où le candidat n'était pas jugé digne de se présenter au baptême, on le remettait à une autre fois. Si les renseignements étaient favorables, on l'acceptait, et dès lors il était rangé au nombre des compétents, competentes.

Pendant tout le carême, les compétents étaient convoqués chaque matin à l'église pour subir les exorcismes et entendre la prédication de l'évêque ou de son délégué. Les exorcismes étaient faits par des clercs inférieurs ; ils étaient accompagnés d'exsufflations. Saint Cyrille semble dire que pendant que l'on prononçait des formules de conjuration, les candidats avaient le visage couvert.

Au bout d'un certain temps, avait lieu la tradition du symbole. Comme partout ailleurs, le symbole était enseigné de vive voix et non par écrit. Cyrille, pour cette raison, s'est abstenu d'en insérer le texte dans ses catéchèses. Après la tradition, l'enseignement suivait les articles du symbole, et se continuait jusqu'au commencement de la semaine sainte. Alors avait lieu la reddition du symbole. Chacun des candidats se présentait devant l'évêque, et lui récitait le symbole appris par cœur. Dans les catéchèses du carême, on réservait la doctrine sur les mystères de l'Eucharistie et du baptême ; elles formaient le thème des instructions que les néophytes recevaient pendant la semaine de Pâques.

A Jérusalem, les solennités de la Passion avaient trop d'importance et prenaient trop de temps pour que l'on pût s'occuper des candidats au baptême pendant la semaine sainte. Ils reparaissaient dans la nuit de Pâques, pour les cérémonies de l'initiation. On les recevait dans le vestibule du baptistère, et la cérémonie commençait par l'abjuration de Satan. Le candidat se tournait vers l'Occident, la région des ténèbres, étendait la main et prononçait la formule de reniement, en s'adressant à Satan comme s'il eût été présent : Je renonce à toi, Satan, à toutes tes œuvres, à toutes tes pompes, à tout ton culte. Il se retournait ensuite vers l'Orient, le côté de la lumière, et récitait, pour la seconde fois, la formule du symbole. Cette cérémonie, avec ses deux parties symétriques, formait ce que l'on appelle en grec l'apotaxis et la suntaxis.

Le candidat quittait alors ses vêtements, et pénétrait dans l'intérieur du baptistère. Il recevait ensuite une onction d'huile exorcisée. Après cette onction, le néophyte entrait dans la piscine, préalablement bénite par l'évêque. II confessait encore sa foi, en répondant à une triple interrogation de l'officiant, et par trois fois il était plongé dans l'eau sainte[116].

A peine sorti de la piscine, le nouveau baptisé recevait le sacrement de confirmation. A l'imitation du Christ, qui, après son baptême au Jourdain, reçut le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe, le néophyte était oint, au sortir des fonts baptismaux, du chrême, huile parfumée, symbolisant et produisant efficacement la présence de l'Esprit-Saint dans l'âme du confirmé[117]. Celui-ci revêtait alors de nouveaux habits, de couleur blanche, et, assisté de ses parrain et marraine, se représentait devant l'évêque, qui, suivant la Peregrinatio Silviæ [118], lui imposait les mains, et prononçait sur lui une oraison. Le pontife faisait ensuite le signe de la croix sur le front de chaque néophyte en disant : In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti : Pax tibi. Par ce nouveau rite, dit saint Cyrille, le Saint-Esprit marque l'âme d'un sceau céleste, qui fait trembler les démons ; il arme pour le combat ; il donne la force ; et il est prêt à veiller désormais sur le chrétien comme sur son propre soldat[119].

La réconciliation solennelle des pécheurs par le sacrement de pénitence était encore, au IVe siècle, comme le baptême solennel du samedi saint, comme la consécration du chrême le jeudi saint, une fonction réservée à l'évêque. Saint Jérôme le dit à propos de Fabiola, et le concile de Carthage, de 418, dans son 3e canon, interdit aux simples prêtres de consacrer le chrême aussi bien que de réconcilier personne solennellement[120]. Il importe d'ailleurs de bien distinguer la procédure pénitentielle, suivant qu'il s'agissait de péchés très graves (graviora) ou de péchés moindres (leviora). A tous ces péchés l'Eglise accordait la réconciliation après une pénitence variable[121]. Pour les fautes très graves, telles que l'idolâtrie, l'homicide et la fornication, on infligeait en règle générale une pénitence appelée pénitence plénière. C'est la pénitence qui fut imposée à Fabiola après sa chute. Saint Jérôme nous en a fait la description suivante : Elle voulut, pour confesser publiquement sa faute, se couvrir d'un sac, et, à la vue de toute la ville de Rome, avant le jour de Pâques, elle se mit au rang des pénitents devant l'église du Latran. Elle voulut, les cheveux épars, la tête, le visage et les mains souillés de cendre, en présence du pape, des évêques et du peuple entier fondant eu larmes avec elle, courber son front sous la discipline de l'Eglise... Elle découvrit sa blessure à tout le monde, et Rome ne put voir sans pleurs les marques de sa douleur imprimées sur son corps si pâle et si exténué de jeûnes. Elle parut avec des habits déchirés, la tête nue et la bouche fermée. Elle n'entra point dans l'église du Seigneur, mais demeura hors du camp, séparée des autres, comme Marie, sœur de Moïse, en attendant que le prêtre qui l'avait mise en dehors la fît revenir[122].

Cette pénitence solennelle, ordonnée et présidée par l'évêque, pour l'expiation des grandes fautes, constituait, à la fin du IVe siècle, une cérémonie du jeudi saint, comme le baptême solennel était une cérémonie du samedi saint. Mais, de même qu'à côté du baptême solennel existait le baptême privé, de même à côté de la pénitence publique, une pénitence privée était possible ; elle était destinée aux péchés moins graves et aux péchés secrets ; elle avait pour ministres des prêtres spécialement délégués à cet effet avec le titre de prêtres pénitenciers.

L'historien Socrate raconte en effet qu'au temps de la persécution de Dèce, les évêques avaient ajouté au canon ecclésiastique à prêtre chargé de la pénitence, ou pénitencier, afin que les chrétiens faillis après leur baptême confessassent audit prêtre leurs péchés[123]. Ce prêtre était choisi parmi les plus excellents par leurs mœurs, leur discrétion, leur sagesse. A lui, dit Sozomène, appartenait de fixer à chacun une satisfaction selon sa faute et d'absoudre le pécheur qui satisferait ensuite par devers soi-même[124].

Or, en 396, à la suite du scandale produit par la confession solennelle d'une femme de qualité, qui avait cru devoir révéler au public la faute grave d'un diacre, son complice, le patriarche de Constantinople, Nectaire, supprima les fonctions de prêtre pénitencier dans son diocèse. Cet événement eut une influence sur l'organisation générale de la discipline pénitentielle. La confession publique fut de plus en plus délaissée ; et, en l'absence du prêtre pénitencier, les fidèles s'adressèrent, pour l'absolution de leurs péchés, à n'importe quel prêtre de leur choix, dont ils reçurent leur pénitence. Cependant les prêtres pénitenciers se maintinrent en Italie et dans plusieurs autres régions de l'Occident[125], où les antiques règles de la pénitence furent conservées, tandis qu'elles se relâchaient en Orient.

Ces faits, ceux que nous avons cités en racontant l'histoire des trois premiers siècles, et de nombreux témoignages patristiques qu'on trouvera dans les auteurs spéciaux[126], expliquent suffisamment le développement disciplinaire de l'administration du sacrement de pénitence. Aucun protestant ne soutient plus aujourd'hui que la confession a été introduite au XIIIe siècle par le pape Innocent III. Mais quelques-uns prétendent encore que le sacrement de l'extrême-onction ne date que du moyen âge[127]. Il leur est impossible de nier que les premiers chrétiens aient employé, pour le soulagement des malades, l'onction d'huile bénite. Les témoignages apportés en faveur de cette pratique abondent en Orient et en Occident[128]. Il est vraisemblable d'ailleurs que des onctions d'huile bénite ont été faites dès ces premiers temps, en dehors du rite sacramentel, comme pratique de pure dévotion privée. Mais l'existence du rite sacramentel proprement dit, accompli par le prêtre et ayant pour effet de produire la grâce, est attesté par des témoignages qui ne souffrent pas de discussion. Les canons dits de saint Hippolyte, antérieurs, suivant la plupart des savants, au IVe siècle[129], parlent d'une cérémonie liturgique faite par l'évêque sur les malades (canons 199, 200)[130]. Les constitutions apostoliques, qui donnent la pratique du IVe siècle, parlent d'une prière que prononce l'évêque sur l'eau et sur l'huile, pour accorder à ces éléments la force de produire la santé, de faire fuir les démons, et de repousser toute embûche[131]. L'Anaphore de Sérapion et le Testament du Seigneur[132] donnent le texte de cette prière, par laquelle l'évêque demande à Dieu d'accorder, par cette huile, bonne grâce et rémission des péchés. Ces témoignages paraissent concluants ; et, quelle que soit l'imprécision d'autres textes patristiques, imprécision qui s'explique à une époque où la distinction des sacrements d'avec les rites secondaires et les pratiques de dévotion privée n'était pas encore bien déterminée dans le langage, l'onction des malades pour la rémission des péchés apparaît comme un rite parfaitement déterminé au IVe siècle ; et, comme saint Chrysostome[133], à la suite d'Origène, rappelle, à propos de ce rite, le texte connu de saint Jacques sur l'onction des malades, il n'y a pas de doute qu'il ne s'agisse là du sacrement de l'Extrême-Onction, institué par Jésus-Christ[134].

La liturgie du mariage entoura ce sacrement de rites gracieux et expressifs. L'Eglise, dit Dom Cabrol, fit preuve en ceci d'un éclectisme délicat et judicieux. Quelques-unes des cérémonies qu'elle adopta avaient cours chez les Gentils ; elle n'en exclut que celles qui avaient un caractère grossier et impur. Elle garda le voile, l'anneau, la couronne même ; et elle eut, pour bénir ces divers ornements, des prières qui en exprimèrent le caractère symbolique[135]. L'anneau était bénit par ces mots : Bénis, Seigneur, cet anneau, afin que celle qui le portera dans le mariage se maintienne dans ta paix et qu'elle vieillisse dans ton amour. Sur la couronne, le prêtre prononçait cette prière : Que cette servante de Dieu, une telle, soit couronnée pour le serviteur de Dieu, un tel, Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. La longue oraison que le prêtre récite aujourd'hui encore pour les époux après le Pater remonte aux premiers siècles[136]. La cérémonie du mariage se terminait par une litanie liturgique chantée alternativement par le diacre et par le chœur. Prions le Seigneur en paix, disait le diacre. — Seigneur, ayez pitié, reprenait le chœur. — Prions le Seigneur pour la paix de ces époux et pour leur salut. — Seigneur, ayez pitié. — Prions pour la paix de l'univers entier, prions pour la prospérité des Eglises de Dieu, prions pour l'union de tous. — Seigneur, ayez pitié.

 

VIII

La paix, le salut, l'union de tous dans la charité du Christ, ce sont bien là comme les notes dominantes qui résonnent dans toute la liturgie catholique. Or, le IVe siècle marque une période des plus importantes dans le développement de la vie liturgique. On lui doit trois innovations principales : 1° la distinction de deux sortes de liturgies, l'une pour l'ensemble des fidèles, l'autre pour les ascètes et les vierges ; 2° l'organisation, pour ce dernier groupe, d'un service psalmodique quotidien ; 3° une transformation profonde de la psalmodie ecclésiastique.

Deux faits ressortent entre tous quand on lit les exhortations ascétiques des Pères de cette époque. D'une part, ils se plaignent que beaucoup de fidèles négligent les exercices religieux, même celui qui se célèbre avec une solennité toute spéciale le dimanche. D'autre part, ils constatent avec joie la formation de groupements de personnes plus zélées, qui, sans quitter le monde, s'engageaient, par une sorte de vœu, à rester chastes toute leur vie, à jeûner toute la semaine, à prier tous les jours. On les appelait vierges et ascètes ; ils formaient comme une confrérie sans hiérarchie et sans lien. Ils n'étaient pas des cénobites, ils étaient déjà des réguliers[137]. Leurs engagements relatifs à la chasteté et au jeûne ne requéraient pas, à la rigueur, une organisation spéciale. Mais la prière quotidienne à laquelle ils s'étaient voués, qui tendait à être, dans l'esprit de l'Eglise, une prière collective, et qui le fut bientôt en effet, demandait une réglementation. Les bases en furent facilement trouvées. Depuis longtemps la piété des chrétiens avait attaché des souvenirs religieux à certaines heures du jour. La troisième (neuf heures du matin) était l'heure de la condamnation du Sauveur ; la sixième (midi) était celle de son crucifiement ; et la neuvième (trois heures), celle de sa mort. Quand ces heures sonnaient aux horloges publiques, les fidèles fervents se recueillaient et priaient[138]. De cette pieuse pratique, les ascètes se firent une règle. Ce fut l'origine de leurs offices de jour : tierce, sexte et none. Ils empruntèrent leurs offices de nuit, vêpres et laudes, à l'ancien usage des vigiles. Aux veilles des dimanches, des anniversaires des martyrs et des jours de station, les chrétiens, réunis soit dans les églises, soit dans les cimetières où reposaient les corps des martyrs, récitaient, sous la présidence du clergé, des prières publiques. On appelait ces prières vêpres, nocturnes, laudes. Ces dénominations furent consacrées ; et les offices y correspondant furent célébrés par les ascètes, non plus seulement aux dimanches et jours de fêtes, mais tous les jours. Telle fut l'origine de ce qui a été appelé plus tard les heures canoniales[139].

Une pèlerine espagnole, qui visita Jérusalem vers 385-388, nous a laissé une description détaillée du service quotidien célébré dans la grande église de cette ville, l'Anastasis[140].

Voici comment elle décrit la célébration de la vigile quotidienne, c'est-à-dire des matines et des laudes. Chaque jour, avant le chant du coq (vers une heure ou une heure et demie de la nuit), les portes de l'Anastasis s'ouvrent, et tous les ascètes arrivent, et non seulement eux, mais encore des laïques, hommes et femmes, qui veulent faire vigile. De ce moment jusqu'au lever du jour, on psalmodie avec des antiennes et des répons, et, à la fin de chaque psaume, on récite une oraison. Ces oraisons sont dites par des prêtres et des diacres. Au moment où le jour point, on commence à dire les hymnes des matines. L'évêque fait en ce moment son entrée avec son clergé, et, debout derrière la balustrade, il dit une oraison pour tous, puis pour les catéchumènes, puis pour les fidèles. Il se retire ensuite. Chacun vient lui baiser la main et se faire bénir par lui. L'assemblée est congédiée au jour venu[141].

Voici maintenant la description des offices de sexte et de none. A la sixième heure (midi), on se rend de nouveau à la basilique de l'Anastasis. On dit les psaumes et' les antiennes, jusqu'à l'annonce de l'arrivée de l'évêque. Celui-ci ne s'assoit pas sur son trône, mais, debout derrière la balustrade, comme le matin, il y récite l'oraison, et bénit les fidèles, qui viennent lui baiser la main. A la neuvième heure a lieu un office semblable[142].

Dans la description des vêpres, on distingue également la psalmodie, exécutée par tous les fidèles, et l'oraison, prononcée par l'évêque seul. Seulement, entre la psalmodie et l'oraison se place une courte litanie, dite par un diacre, à qui répondent des enfants.

Dans cette description des offices de la journée chrétienne, la pieuse pèlerine emploie fréquemment le mot de psalmodie. La psalmodie ecclésiastique avait subi une transformation notable depuis la paix de l'Eglise. Elle n'était plus cette inflexion de voix se rapprochant plus de la prononciation que du chant, dont parle saint Augustin. Si une pareille psalmodie pouvait suffire à fixer l'attention d'une assemblée très restreinte et à remplir la capacité d'une petite église, il n'en allait pas de même d'une grande foule, ni d'une vaste basilique. Dans des assemblées que saint Ambroise compare à une mer mouvante et bruyante, il fallait que le chant devint plus puissant, puissant comme le bruit des grandes eaux elles-mêmes. Plus de solo désormais. Toute l'assemblée prend part au chant, partagée en deux chœurs. Ii y a plus. Le chant antiphoné apparaît tout de suite comme une mélodie variée, pathétique. Le chant des psaumes, après avoir commencé par être une déclamation, est devenu de la musique. Saint Jean Chrysostome, devenu évêque de Constantinople, y installera la musique, et donnera la direction des chœurs à un eunuque de l'impératrice, sorte de maître de chapelle de la cour. La simplicité des premiers temps n'était plus séante à la pompe du culte chrétien triomphant. L'art chrétien naissait sous toutes ses formes : architecture, peinture, cérémonial. A ces foules nouvelles de fidèles, il fallait l'attrait et le prestige d'une musique pénétrante et ornée, comme l'était l'éloquence de saint Jean Chrysostome et de saint Ambroise[143].

 

IX

Comme l'ordre de la journée liturgique, l'ordre de la semaine liturgique se précisa au IVe siècle. La Peregrinatio nous apprend que les mercredis et les samedis étaient, toute l'année, des jours de jeûne, même pour les catéchumènes, à moins qu'une fête de martyr ne tombât un de ces jours-là[144]. Le Testament du Seigneur, qui est de la même époque, nous apprend aussi que le repos du dimanche était alors partout définitivement substitué au repos du sabbat ; et nous savons par ailleurs que le repos dominical avait été sanctionné, depuis Constantin, par plusieurs décisions officielles. En vertu de diverses lois portées par Constantin, Théodose et les deux Valentinien, le dimanche, le service militaire était suspendu[145], tout procès, toute affaire cessaient, même s'il s'agissait d'actions engagées pour le recouvrement de dettes publiques[146], et tout spectacle était interdit[147]. Le chômage fut imposé aux travailleurs des villes, mais non pas encore aux travailleurs des champs. La misère apportée par les guerres et divers autres fléaux parut justifier cette exception[148]. On pouvait aussi, le dimanche, faire toutes les démarches, tous les actes relatifs aux émancipations et affranchissements d'esclaves. Pour tous, même pour ceux qui ne partageaient pas la foi chrétienne, le jour du Seigneur fut un jour de repos, de recueillement et de joie.

Pour les chrétiens, il fut de plus en plus le centre de la semaine, le jour liturgique par excellence. Le dimanche, la masse des fidèles, non contente d'assister à la célébration de la messe, chantait les psaumes de la vigile avec une grande solennité. Cet office se juxtaposait à l'office chanté par les ascètes. La pèlerine espagnole qui nous a renseignés sur les offices journaliers de Jérusalem à la fin du IVe siècle, nous décrit cet office du dimanche d'une manière vivante.

Le septième jour, avant le chant des coqs, une multitude de fidèles se réunit, aussi grande que celle qu'on voit ailleurs au jour de Pâques. Elle reste toutefois hors de l'église, à la clarté des lanternes. On s'assoit. On chante des psaumes. Chaque psaume est suivi d'une oraison dite par un prêtre ou par un diacre. L'usage veut que les portes de l'église restent fermées jusqu'au chant du coq. Mais sitôt qu'il a retenti, l'évêque arrive, les portes s'ouvrent, et la foule se précipite dans la basilique, où mille lampes étincellent. Cet office, dit Dom Cabrol, ne paraît correspondre à aucune des parties liturgiques aujourd'hui en usage[149]. Mgr Duchesne y voit un vestige de l'antique réunion qui, durant les premiers siècles, avait lieu dans la nuit du dimanche et des jours de station. Cet office, coordonné à une messe, se serait ensuite combiné avec celui de matines. Quoi qu'il en soit de cette conjecture, une fois le peuple entré, un prêtre, puis un diacre, puis un simple clerc récitent chacun un psaume, suivi d'une oraison. Les encensoirs sont alors allumés. La basilique s'emplit de leur parfum. L'évêque reçoit le livre des évangiles et y lit le récit de la résurrection du Sauveur. Après le chant d'un dernier psaume et la récitation d'une dernière oraison, le prélat se retire. Les ascètes restent seuls dans la basilique pour psalmodier jusqu'au jour. Quelques fidèles de bonne volonté, hommes et femmes, se joignent à eux.

L'année liturgique nous apparaît, à la fin du IVe siècle, enrichie d'un grand nombre de fêtes nouvelles, toutes groupées dans le double cycle de Noël et de Pâques[150]. A cette époque, la fête de la naissance du Sauveur, qui se célébrait en Orient au 6 janvier[151], et en Occident au 25 décembre, se solennisa partout à cette dernière date. La fête du 6 janvier, qui conserva son nom d'Epiphanie, ou manifestation, rappela les trois souvenirs de l'Adoration des mages, du baptême du Sauveur et de son premier miracle aux noces de Cana. Les fêtes de saint Etienne, premier martyr, de saint Jean l'apôtre, des saints Innocents et enfin de la Circoncision vinrent se ranger autour de la grande solennité de Noël.

Le jour de l'Epiphanie, le clergé fixait et annonçait au peuple la date de la fête mobile de Pâques. Cette dernière fête était précédée d'une période de jeûne, variable selon les Eglises. On cherchait généralement à imiter les quarante jours de jeûne du Sauveur. Mais les Orientaux, qui ne jeûnaient ni le dimanche ni le samedi, prolongeaient cette période pendant huit semaines pour parfaire la quarantaine[152]. La liturgie du carême avait d'abord été inspirée par la seule idée de la pénitence. Au IVe siècle, elle fut dominée également par l'idée de la préparation au baptême, qui se conférait solennellement le samedi saint, et par l'idée de la préparation à la réconciliation publique des pécheurs, qui se faisait le jeudi saint[153]. La liturgie actuelle conserve des traces remarquables de cette antique conception. Ainsi, toutes les prières du dimanche Lætare, antiennes, répons et lectures, ont été choisis pour célébrer la joie du catéchumène appelé par le baptême à la lumière et à la sainteté, et le rite qui a lieu aujourd'hui pour tous les fidèles au mercredi dés cendres n'est qu'un reste de la cérémonie à laquelle participaient, au début du carême, les pénitents publics, la tête couverte de cendres en signe d'humiliation et de deuil.

La semaine qui précédait la fête de Pâques, ou semaine sainte, ou grande semaine, était un temps de pénitence plus austère ; les offices y étaient plus longs, plus solennels, et contenaient des leçons appropriées au souvenir de ces grands jours.

La liturgie de la fête de Pâques était toute resplendissante du souvenir de la résurrection du Christ et de la joie des nouveaux baptisés, qui, sortis des fonts revêtus de leurs robes blanches[154], se rendaient en procession du baptistère à la basilique, au milieu des acclamations du peuple. Les huit jours qui suivaient, jusqu'au samedi in albis, où les baptisés portaient pour la dernière fois leurs vêtements blancs, et même les cinquante jours qui séparaient la fête de Pâques de celle de la Pentecôte, étaient considérés comme une fête continuelle.

Ainsi les souvenirs de la naissance, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, combinés avec les étapes de la vie chrétienne, baptême, pénitence, réconciliation, célébrés par des chants, des spectacles, des supplications, pénétraient l'âme des peuples chrétiens, les arrachaient aux influences malsaines que tant de siècles d'idolâtrie avaient imprimées sur la société païenne. La pieuse pèlerine de Jérusalem, dont nous avons plusieurs fois recueilli les précieux témoignages, raconte qu'aux moments les plus pathétiques des offices, quand les rites et les chants rappelaient, par exemple, la mort ou la résurrection du Christ, des sanglots éclataient, se mêlant à la liturgie, avec de tels accents d'émotion que le cœur le plus dur en eût été touché[155].

Le culte des martyrs, des saints en général, et particulièrement le culte de la Vierge Marie, Mère de Dieu, prirent un grand développement au IVe siècle. En réponse aux objections des païens, des manichéens, des autres hérétiques, qui attaquèrent ces dévotions, les Pères de l'Eglise s'attachèrent à montrer la différence mise par l'Eglise entre le culte de latrie, ou d'adoration, dû à Dieu seul, et le culte de dulie, ou d'hommage, dû à ceux qui, après avoir été nos modèles dans cette vie, sont devenus nos protecteurs dans le ciel. Saint Ambroise, saint Grégoire de Nazianze, saint Jean Chrysostome et saint Augustin prêchèrent souvent sur ce thème[156]. L'Eglise de Constantinople se glorifiait, au temps de Constance, de posséder des reliques de saint André, de saint Luc et de saint Timothée[157]. Des abus se produisirent même à propos de reliques, si bien que Théodose dut en interdire le trafic[158].

En même temps, le culte de la Vierge Marie gardait sa place au-dessus de celui de tous les saints et même de tous les anges[159], grandissait à mesure que la dévotion générale prenait de nouveaux développements dans la liturgie. Deux causes contribuèrent particulièrement à cet éclat de la dévotion envers Marie. Ce fut d'abord la multiplication des communautés de vierges, qui se rangèrent naturellement sous le patronage de la virginale Mère du Christ. Ce fut aussi le travail théologique des Pères, qui détermina avec plus de précision le rôle de la Vierge Marie dans l'œuvre de la Rédemption du monde[160].

 

X

Il était des asiles où la vie ascétique et liturgique avait pris un essor tout particulier ; c'étaient les monastères ; c'est là aussi, il faut le reconnaître, que s'étaient rencontrés les plus étranges abus.

Le nombre des moines s'était beaucoup accru en Orient depuis saint Pacôme. En 372, l'Egypte seule en comptait près de cent mille. On ne les rencontrait plus seulement aux déserts, mais autour des villes, dans les villes même, où ils se mêlaient au peuple d'une façon parfois indiscrète. Deux hommes tentèrent de les ramener à l'austérité primitive de leurs règles : Eustathe de Sébaste et saint Basile. Nul contemporain n'a mis en doute l'incorruptible vertu d'Eustathe, évêque de Sébaste, et l'ardeur de son zèle à lutter contre les abus. Ces qualités lui valurent une grande influence, dont il profita pour grouper autour de lui des disciples, qu'il forma à un ascétisme rigide. On les voyait, couverts de haillons, comme des mendiants, fuir tout ce qui flatte la sensualité, embrasser les pratiques de mortification les plus bizarres. Malheureusement, l'excès même de ces pratiques et les accointances d'Eustathe avec le parti arien compromirent le succès de cette réforme, qui fut blâmée par le concile de Gangres en 364[161]. Plus féconde fut la réforme de saint Basile, qui, ainsi qu'on l'a vu plus haut, se contenta d'exiger de ses moines le retranchement de toutes les superfluités du costume, du régime et de l'habitation, une vigilance de toutes les heures, l'obéissance aux moindres pratiques de leur règle et surtout un parfait renoncement à leur propre volonté. La règle de saint Basile devait rester pour l'Orient ce que fut plus tard pour l'Occident la règle de saint Benoît.

Vêtu d'une tunique de lin sans manches, appelée colobium, et d'un manteau de peau de chèvre, nommé melotes ou pera[162], le moine basilien pratiquait la pauvreté absolue, travaillant de ses mains, fuyant l'oisiveté comme le plus redoutable des vices, méditant les paroles des saints Livres, et se livrant à la contemplation. Les moines qui adoptèrent cette règle pratiquèrent largement l'hospitalité, accueillant les pèlerins, donnant un gîte aux pauvres gens ruinés par les guerres ou par la famine, et leur enseignant le travail par leur exemple. La renommée de leur sainteté attira vers eux de grands personnages, qui eurent recours à leurs conseils. Le clergé séculier subit l'heureuse influence de leurs vertus austères. Chez eux, les heures de prière furent réglées avec un ordre parfait. Nous avons vu que l'Eglise leur doit l'introduction des prières de prime et de complies ; et c'est par eux que le cycle de l'office devait acquérir sa parfaite harmonie.

En 340, saint Athanase, réfugié à Rome, y avait fait connaître la vie cénobitique, telle que la pratiquait saint Antoine. Saint Eusèbe de Verceil, saint Ambroise et saint Jérôme en firent les premiers essais. Saint Martin de Tours en fut le propagateur en Gaule, et saint Augustin, au début du Ve siècle, devait l'introduire en Afrique. L'institution des ascètes et des vierges avait déjà préparé les esprits à la pratique des règles monastiques. Elles devaient aux Ve et VIe siècles, se développer en Occident avec un grand éclat, mais non sans luttes. Déjà, vers la fin du IVe siècle, un moine de Rome, Jovinien, un prêtre espagnol, Vigilance, un laïque romain, Helvidius, et un évêque de Sardique, Bonose, avaient critiqué avec amertume les pratiques de la vie monastique ; mais la puissante dialectique de saint Jérôme avait réfuté leurs doctrines, le pape saint Sirice les avait condamnées ; et les moines, de concert avec le clergé séculier, avaient pu continuer leur œuvre de régénération au milieu du monde gréco-romain en décadence.

 

XI

Cette œuvre était une des plus lourdes que l'Eglise eût jamais eu à réaliser. Sans doute, avec Constantin et Théodose, la puissance de !'État s'était mise officiellement à son service ; Constantin avait été appelé le défenseur des saints canons ; Valentinien, Gratien et Théodose avaient pris pour conseiller saint Ambroise ; mais, en même temps que ses moyens d'action s'étaient multipliés, l'Eglise avait vu s'accroître sa tâche. Je suis persuadé, avait dit Constantin, que si j'amenais tous les hommes à adorer le même Dieu, ce changement de religion amènerait un changement dans l'empire[163]. Il avait raison, s'il entendait par adorer Dieu, conformer toute sa vie à sa croyance. Les basiliques chrétiennes s'étaient remplies, les temples païens s'étaient vidés. Mais une sorte de paganisme officiel persistait dans les institutions publiques. La vente des enfants, même adultes, se pratiquait encore au temps de saint Basile ; la femme n'avait pas encore dans la famille la dignité qui lui était due ; la plaie de l'esclavage subsistait ; des spectacles immoraux et cruels souillaient encore les fêtes publiques ; la justice criminelle s'exerçait avec une dureté inhumaine, et une perpétuelle misère entretenait dans le bas peuple un ferment constant de révolte. Du haut de la chaire chrétienne, évêques et prêtres signalèrent avec force ces abus ; aidés par les moines et par les laïques, soutenus par les princes chrétiens, ils travaillèrent efficacement à les abolir.

Depuis le commencement du siècle, l'Eglise, dans ses conciles, avait frappé de peines sévères les pratiques criminelles employées par les parents pour se débarrasser de leurs enfants[164]. Mais les conditions sociales étaient si dures pour les pauvres gens, et les coutumes qui autorisaient de telles cruautés étaient si invétérées, qu'au temps de saint Basile de pareils spectacles se voyaient encore. L'éloquent évêque de Césarée nous peint un malheureux poursuivi par lé fisc ou par son créancier et cherchant une ressource. De l'or ? Il n'en a pas. Un mobilier qu'il puisse vendre ? Son mobilier est celui du pauvre. Il n'a à vendre que ses enfants. Voyez la lutte entre la faim et l'amour paternel. Il se décide, puis recule, puis enfin succombe... Mais lesquels livrer au marchand ? En vendre un ? Deux ? De quel œil le regarderont les autres, le soupçonnant désormais d'une pareille trahison à leur égard ? Les vendre tous ? Comment habiter cette demeure, qu'il aura lui-même rendue vide ? Comment s'asseoir à cette table, dont l'abondance lui aura coûté si cher ?[165] Les empereurs Constantin, Valentinien Ier et Valentinien II essayèrent de guérir le mal par des mesures législatives[166]. L'Eglise seule trouva dans le cœur de ses fidèles, dans des engagements pris en présence de Dieu, le remède en vain cherché dans les lois. Des chrétiens recueillirent les enfants délaissés, et prirent l'engagement, au pied de l'autel, de les élever comme leurs propres fils si les parents qui les avaient abandonnés ne les réclamaient pas après un certain délai. Un concile du milieu du Ve siècle devait consacrer et réglementer cette pratique[167].

L'Eglise se préoccupa aussi de prémunir l'enfant contre les influences païennes qu'il rencontrait dans les écoles publiques. En 376, l'empereur Gratien ayant donné aux villes le droit de choisir librement leurs grammairiens et leurs rhéteurs[168], beaucoup d'écoles chrétiennes s'ouvrirent, et s'appliquèrent, suivant la méthode si éloquemment exposée par saint Basile[169], à tirer de l'étude des grands écrivains de l'antiquité, non des leçons de volupté, mais uniquement des modèles dans l'art de bien dire.

On peut dire que l'émancipation civile de la femme était presque une dette que le christianisme acquittait envers elle. Pendant les persécutions, tant de saintes femmes avaient donné l'exemple d'un courage admirable ! Depuis la paix de l'Eglise, tant de vierges et de veuves s'étaient vouées au service de la charité ! Pourtant, devant le droit romain, la maternité ne créait encore qu'un pur lien de droit naturel, que la loi civile ne sanctionnait pas. La vieille jurisprudence avait assimilé la mère, dans le gouvernement de la famille, à ses propres enfants. Elle était comme leur sœur devant le tout-puissant paterfamilias de la vieille Rome. Constantin lui donna seulement un droit de tutelle. Justinien devait proclamer pour la première fois que la mère est légalement parente de ses enfants[170]. Heureusement l'Eglise n'avait pas attendu ces réformes législatives pour honorer la femme à l'égal de l'homme. Les nobles patriciennes que Jérôme associait à ses travaux montrèrent, par la haute culture de leur esprit, non moins que par les vertus de leur vie, qu'elles étaient dignes des honneurs que le christianisme accordait à leur sexe.

La lutte du christianisme contre l'esclavage fut autrement longue, autrement laborieuse. Sans doute les conséquences morales et économiques de l'esclavage étaient désastreuses, heurtaient de front les principes de l'Evangile. Il n'aboutissait pas seulement à l'abaissement des salaires, à l'écrasement à peu près complet de l'ouvrier libre, à l'arrêt de tout progrès industriel ; mais, au point de vue moral, il avilissait également le serviteur et le maître : le serviteur, réduit à la condition de bête de somme, d'être sans droits et sans devoirs ; le maître, exalté dans son orgueil, dans ses caprices impudiques et cruels par les libres pouvoirs qui lui étaient donnés sur des créatures humaines. Mais au IVe siècle l'esclavage était encore une institution publique, sur laquelle reposait, depuis des siècles, dans l'empire et hors de l'empire, toute la société. Emanciper à la fois les millions[171] d'hommes qui formaient cette caste infortunée, n'eût pu se faire sans péril. Diminuer la rigueur de l'esclavage, faciliter l'affranchissement individuel des esclaves et leur inspirer le juste sentiment de leur dignité, étaient les seuls procédés réalisables. L'Eglise les employa simultanément. On a noté des différences entre le langage des Pères latins et celui des Pères grecs relativement à l'esclavage. Les premiers ne niaient pas en principe la légitimité de l'institution, entendue dans le sens d'une servitude héréditaire[172] ; mais ils voulaient que les droits de la conscience chrétienne y fussent toujours respectés, que le serviteur fût traité comme un égal, comme un frère. Il y a des maîtres et des esclaves, dit saint Augustin ; voilà deux noms divers sans doute. Mais il y a des hommes et des hommes ; ici les deux noms sont identiques[173]. Pour les Pères grecs, la distinction entre le maître et l'esclave n'était qu'un vain mot[174], bien plus, qu'une distinction mauvaise[175], que la désignation d'un crime contre la loi naturelle. Homme vous-même, s'écriait saint Grégoire de Nysse, comment pouvez-vous vous dire le maître d'un autre homme ?... Vous l'avez acheté, me dites-vous ? Quel prix, s'il vous plaît, avez-vous trouvé qui puisse valoir un homme ? Combien avez-vous estimé la raison ? Combien d'oboles avez-vous données pour l'image de Dieu ?[176]

Des paroles enflammées comme celles-là étaient de nature à accélérer le mouvement d'affranchissement des esclaves. La vie monastique elle-même était une prédication non moins éloquente dans le même sens. Les monastères basiliens devaient, d'après leurs règles, offrir un asile aux esclaves menacés par l'immoralité ou par la cruauté de leurs maîtres[177]. Ne pas accueillir ces malheureux, disait saint Augustin, serait un grand péché [178]. Plusieurs de ces esclaves vécurent ainsi dans des couvents, mêlés à des personnages du plus haut rang, parfois avec leurs anciens maîtres, travaillant en commun, sur le pied d'une parfaite égalité[179]. Saint Ambroise alla jusqu'à briser et vendre les vases de son Eglise pour racheter les captifs[180]. Les fidèles fervents suivirent de pareilles impulsions. On a de nombreux exemples de riches chrétiens affranchissant leurs esclaves par respect pour la dignité humaine et pour l'image de Dieu, ou encore pour obtenir quelque grâce[181], pour solliciter le pardon de leurs péchés[182]. L'exemple le plus célèbre est celui de la sénatrice romaine, sainte Mélanie, affranchissant en une fois huit mille esclaves[183].

Une loi dont nous n'avons pas la date précise, mais qui est postérieure à 367, améliora dans une très grande mesure le sort des esclaves. Elle interdit de vendre sans le domaine auxquels ils étaient attachés les esclaves ruraux[184]. Les empereurs chrétiens avaient, en effet, senti la nécessité de maintenir un suffisant personnel agricole dans les campagnes[185]. Il y eut dès lors deux classes d'esclaves : les esclaves urbains, dont l'état légal ne fut pas changé et qui continuèrent à se vendre comme des meubles ; les esclaves ruraux, qui ne purent désormais être aliénés sans la terre à laquelle ils se trouvèrent légalement incorporés, et qui devinrent ce qu'on appelle en langage juridique des immeubles par destination. Cette loi, due aux circonstances économiques, fut un progrès immense dans la condition d'une catégorie d'esclaves formant la portion la plus nombreuse de la population servile. On y doit voir, dans le monde latin, l'origine du servage, qui devint peu à peu un état intermédiaire entre l'esclavage et la liberté[186].

Ce n'était pas un esclave proprement dit que le comédien de l'ancienne Rome ; mais peu de servitudes étaient plus humiliantes que la sienne. Le théâtre, a-t-on dit, fut la plus vivace, la plus ardente, la dernière passion du peuple romain. Il demeura païen sur les bancs de l'amphithéâtre quand il ne l'était nulle part ailleurs. Il tenait à ses histrions comme au dernier débris de l'ancienne grandeur romaine. Pour satisfaire à ce désir, les empereurs avaient fait pour le métier du théâtre ce qu'ils avaient fait pour tant d'autres ; ils l'avaient rendu obligatoire. L'histrion, la comédienne, il y a plus, le fils de l'histrion, la fille de la comédienne devaient subir l'infamie jusqu'à la mort. Il leur fallait ou danser sur le théâtre, ou chanter des vers obscènes, ou accomplir les turpitudes de la thymélé[187], chacun selon son métier, jusqu'au dernier souffle de leur poitrine, quels que fussent l'ennui, la honte, le dégoût, le remords[188]. Un jour, une comédienne s'enfuit du théâtre et se fait religieuse. Le préfet de la ville la réclame à main armée, et fait le siège du couvent qui prétend la défendre[189]. Une autre fois, l'empereur, dans son omnipotence, croit pouvoir affranchir quelques comédiens de Carthage. Le peuple, ainsi dépouillé, réclame ; le prince cède, et ordonne que les pauvres victimes subiront le joug une seconde fois[190].

Les Pères de l'Eglise épuisèrent leur éloquence contre cette passion du cirque, des mimes, de l'amphithéâtre[191]. L'Eglise recueillit, comme elle le faisait pour les esclaves fugitifs, les comédiens échappés au théâtre, et leur offrit le pain de ses aumônes[192]. Elle obtint une loi, en vertu de laquelle aucun comédien, devenu disciple du Christ, ne serait forcé de remonter sur la scène[193]. Des lois postérieures firent bénéficier de la même exception les filles des comédiens si elles étaient baptisées, et même les païennes dont la conduite était honorable[194]. Mais il fallut attendre l'empereur Léon pour voir proclamer ce principe, que nulle femme, libre ou esclave, ne pouvait être enrôlée malgré elle dans une troupe de théâtre.

Un autre reste, qui semblait indéracinable, de l'inhumanité antique, résistait aux efforts répétés de l'Eglise : c'était la justice criminelle. Car c'était aussi un spectacle dont le peuple était friand, que celui des condamnés torturés par la croix, l'épée, le chevalet, les ongles de fer. Tout combattait contre la douceur chrétienne : les peuples, accoutumés au spectacle du supplice ; les juges, habitués à y voir la garantie de la société ; toute la hiérarchie païenne des fiscaux et des palatins ; les princes eux-mêmes, tout chrétiens qu'ils fussent, trop imprégnés des maximes du despotisme impérial. Quand leur pouvoir est menacé, il semble que leur foi les abandonne. C'est Constantin semant son code d'excessives rigueurs ; c'est Constance montant sur le trône en faisant périr les neveux de son père ; c'est Théodose signant l'arrêt de proscription contre Antioche et Thessalonique.

L'Eglise opposa à cette tradition si tenace de la dureté antique tous les trésors de la clémence chrétienne ; à l'inhumanité païenne, elle opposa on dirait presque un excès de miséricorde et de clémence, une douceur qui semblait dépasser les limites de la justice[195]. Saint Ambroise et saint Martin refusent de renouer les liens de la communion avec les évêques qui ont contribué à la mort de Priscillien. Des prélats vont jusqu'à appliquer la même sanction à tout juge qui a porté une condamnation capitale. A un magistrat qui l'avait interrogé sur ce point, saint Ambroise répond : La plupart des juges qui ont prononcé une sentence de mort s'abstiennent de la communion. Moi, je n'oserais leur refuser les sacrements. Si tu condamnes, tu seras excusable ; mais si tu absous, tu seras digne de louange[196].  L'évêque, écrit saint Augustin, déteste le crime, mais il a pitié de l'homme. Le Seigneur est intervenu pour la femme adultère. Ainsi nous a-t-il donné charge d'intervenir à notre tour[197]. Constantin avait aboli trois sortes de châtiments le combat dans l'arène, la marque au front et le supplice de la croix. Valens, Valentinien et Théodose adoucirent le règlement des prisons. Les deux sexes y furent séparés ; un contrôle régulier fut établi sur le régime des détenus. La négligence du juge fut punie par l'exil, et la barbarie du geôlier envers un prisonnier, par la peine de mort.

Une des plus précieuses conquêtes de l'Eglise sur la cruauté de la justice criminelle fut le droit d'asile. Déjà, dans l'antiquité païenne, les magistrats s'arrêtaient au seuil des temples où se réfugiaient les criminels. Les églises chrétiennes virent bientôt affluer les persécutés, les accusés, les condamnés, les débiteurs insolvables, les esclaves poursuivis. Le clergé ne les repoussa pas. Il ne leur garantit pas le salut, il ne prétendit pas rompre la loi, mais il essaya de la faire fléchir. Prenant le réfugié sous sa tutelle momentanée, l'évêque ou le prêtre préposé à la garde de l'église eurent le temps de s'enquérir, de négocier en sa faveur. Si c'était une victime des fureurs politiques : ils faisaient jurer que sa vie serait respectée. Si c'était un esclave fugitif, ils intercédaient auprès de son maître. Si c'était un débiteur accablé de misère, bien des fois ils payaient sa dette. Nous avons une lettre touchante de saint Augustin, demandant à emprunter dix-sept sacs d'or pour payer la dette d'un de ces protégés de l'Eglise. Peu à peu, les fonctions de défenseurs de la cité, conférées aux évêques, devaient leur donner une vraie juridiction civile et criminelle et introduire dans la justice profane elle-même, par une influence continue, des principes d'équité et de miséricorde.

La cause de bien des maux de cette époque était la misère ; et la source principale de la misère était l'oisiveté. L'homme libre jugeait indigne de lui de se livrer à un travail manuel ; et l'esclave, ne travaillant que par crainte, faisait une œuvre peu productive. On croirait, disait Pline, que la terre se resserre avec indignation, quand elle se sent touchée par des pieds et des mains enchaînés[198]. L'exemple du labeur des moines, des clercs, des vrais chrétiens, travaillant de leurs mains, releva l'idée du travail corporel. Mais, en attendant le fruit de ces exemples, il fallait remédier à des détresses urgentes. L'Eglise ne faillit pas à ce devoir.

La première forme de l'assistance ecclésiastique fut l'hospitalité. La porte du monastère, celle de la maison de l'évêque, étaient toujours ouvertes au voyageur. Cette hospitalité n'était pas aveugle elle avait ses règles et en quelque sorte son étiquette, que les Constitutions apostoliques nous ont conservées. L'évêque, le supérieur du couvent, se faisaient d'abord lire les lettres de recommandation du nouveau venu, et le traitaient suivant ses besoins, ses mérites, sa dignité[199]. Nous savons, par des témoignages de saint Augustin[200], de saint Jérôme[201], et d'autres écrivains du IVe siècle, que cette charge était souvent un lourd fardeau.

Certains évêques, pour accomplir plus largement ce devoir, construisirent, comme saint Basile, des maisons spéciales. Ainsi se fondèrent les xenodochia, ou asiles de pèlerins, sous la direction d'un prêtre, plus souvent d'un moine, qui, venu du fond des déserts, ressemblait davantage à ses hôtes. Nous trouvons des xenodochia à Constantinople, à Bethléem, à Amasée, sur les côtes d'Italie. Le xenodochium fut comme la maison mère de toutes les maisons de charité ; le nosocomium ou hôpital pour les malades, l'orphanotrophium ou orphelinat, le brephotrophium ou asile des enfants, le gerontocomium, ou asile des vieillards, le ptochotrophium, bureau général d'assistance. On connaît par saint Jérôme les admirables fondations de la riche patricienne Fabiola, qu'on vit, au grand étonnement de la haute société romaine, recueillir les pauvres malades abandonnés sur le Forum, laver de ses propres mains des plaies que les autres n'osaient pas même regarder, les soigner avec tant de délicatesse que ces malheureux devenaient un objet d'envie pour les bien portants[202].

Ceux qui n'avaient pas le temps ni le moyen de se livrer à ces œuvres extérieures, pouvaient au moins y contribuer par leurs aumônes. Ces libéralités, faites par voie de donation ou de legs, en argent ou en nature, durent être très abondantes, car les charges charitables des Eglises étaient immenses. L'Eglise de Constantinople, au temps de saint Jean Chrysostome, nourrissait trois mille pauvres inscrits sur ses registres, sans compter une multitude de prisonniers, de malades dans les hôpitaux et d'étrangers dans les asiles[203]. L'administrateur de toutes ces œuvres était toujours l'évêque, mais sa situation juridique se trouvait autrement caractérisée à la fin du IVe siècle qu'elle ne l'avait été jusque-là.

Depuis le me siècle, les biens d'Eglise, jusque-là possédés par des particuliers, qui les mettaient au service de la communauté, étaient devenus la propriété du corps des chrétiens, qui les possédaient en tant que collèges ou associations religieuses. Le représentant légal de ces associations était l'évêque[204]. Mais une telle situation juridique n'était pas conforme à la conception chrétienne de l'Eglise. Corps mystique du Christ, institution sainte fondée par Jésus-Christ sur le pape et les évêques, l'Eglise est autre chose que la simple collectivité des fidèles, elle est leur mère et leur patrie, constituée pour eux, mais non par eux. Or, au cours du IVe siècle, les expressions législatives employées par les empereurs chrétiens aboutirent insensiblement à mettre d'accord la législation civile avec le droit ecclésiastique. Au terme de cette évolution, les biens ecclésiastiques purent être appelés, non seulement, comme autrefois, biens des pauvres, biens de Dieu, mais aussi biens d'Eglise dans le sens le plus strict que la langue chrétienne attache à ce mot[205].

Ainsi le progrès de la charité, la splendeur du culte et la pureté de la doctrine avaient marché de pair. Après moins d'un siècle de liberté, non seulement le dogme avait résisté aux attaques des hérésies les plus perfides, non seulement la piété s'était épanouie dans les liturgies les plus magnifiques et les plus touchantes, mais la charité du Christ avait engagé contre l'égoïsme païen, sur tous les points de l'empire, la grande lutte dont les succès et les revers devaient déterminer le progrès ou la décadence de la civilisation dans le monde.

 

 

 



[1] S. AMBROISE, De obitu Valent., 20, 23.

[2] A. DE BROGLIE, Saint Ambroise, p. 175.

[3] De obitu Valent., 33.

[4] Dans son discours, Ambroise ne craint pas d'assurer que Valentinien a pu être sauvé, quoique étant mort sans baptême : Si martyres suo abluuntur sanguine, dit-il, et hunc sua pietas abluit et voluntas. C'est un des témoignages les plus précieux de l'antiquité chrétienne en faveur du baptême de désir.

[5] S. AMBROISE, Epist., LVII, 11.

[6] Ni l'hérédité monarchique ni le consentement populaire n'avaient réglé la transmission du pouvoir des empereurs, et l'on serait fort embarrassé pour en déterminer la loi.

[7] S. AMBROISE, Epist. LVII, 11.

[8] Il s'agit de l'Invective contre Nicomaque Flavien, découverte par L. Delisle dans un manuscrit de Prudence et publiée dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes de 1867. Voir dans le Bull. di arch. crist. de juillet et août 1868, une savante étude de J.-B. DE ROSSI, le Culte idolâtrique à Rome en 394, documents tirés d'un poème inédit découvert à Paris. C'est à cette étude que nous empruntons les détails donnés ci-dessus.

[9] Sur cette cérémonie de la lustration, voir A. BOUCHÉ-LECLERCQ, au mot Lustratio, dans le Dict. des ant. grec. et rom. de DAREMBERG et SAGLIO.

[10] Voir tous ces détails dans ROSSI, Bull. de juillet-août 1867.

[11] SOZOMÈNE, H. E., l. VII, ch. XXIV.

[12] A. DE BROGLIE, l'Eglise et l'empire au IVe siècle, t. VI, p. 423-424.

[13] A. HARNACK, Précis de l'histoire des dogmes, trad. Choisy, Paris, 1893, p. 255.

[14] De civil. Dei, XIII, 1-2.

[15] Les études récentes de Schanz et de Rottmanner ont démontré que saint Augustin n'avait pas étudié l'hébreu, mais que, familier avec le punique, langue sémitique apparentée à l'hébreu, il était à même de comprendre le génie de la langue employée dans l'ancien Testament. Il lisait le grec, mais avec peine. (Theolog. Quartalsch., 1895, t. LXVII, p 269-276.)

[16] P. L., t. XXV, col. 1353-1354.

[17] Vallarsi pensait que ces commentaires, donnés verbalement, avaient été recueillis par d'autres que saint Jérôme. Les découvertes et les travaux de Dom Germain Morin ont démontré qu'ils sont bien l'œuvre de saint Jérôme lui-même. (Anecdota Maredsolana, 1885, t. II, part. I.)

[18] TILLEMONT, Mémoires, art. LXI.

[19] S. JEAN CHRYSOSTOME, Sur saint Jean, 82 ; Sur l'Epître aux Romains, 14 ; Sur la pénitence, 2 ; Du sacerdoce, 1 ; Sur saint Matthieu, 61, 69.

[20] Sur l'Epître aux Ephésiens, Homélie 18, n. 3.

[21] Sur l'Epître aux Ephésiens, Homélie 15.

[22] RENAN, Marc-Aurèle, p. 60 et s. ; HARNACK, Dogmengeschichte, 4e éd., t. I, p. 480-496. Voir sur cette question BATIFFOL, l'Eglise naissante, 5e édition, p. 175, 181, 186-187, 274-275, 480 ; et GRISAR, Hist. de Rome au moyen âge, t. I, p. 252, 275, 287 et s.

[23] NEWMAN, Hist. du développement de la doctrine chrétienne, trad. Gondon, Paris, 1848, ch. I, § 5, p. 84-87 et passim.

[24] S. EPIPHANE, Hérésies, l. I.

[25] Apocalypse, XXI, 2.

[26] Per Petrum episcopis dedit Christus claves cœlestium honorum. S. GRÉGOIRE DE NISSE.

[27] Ephes., V, 23 ; I Cor., XI, 3. Cf. Dom GRÉA, l'Eglise et sa divine constitution, un vol. in-8°, Paris, 1885, l. I, ch. I-III, p. 41-61.

[28] GRISAR, Hist. de Rome au moyen âge, t. I, p. 290.

[29] GRISAR, Hist. de Rome au moyen âge, t. I, p. 287.

[30] Dans cet exposé de la vie chrétienne à la fin du IVe siècle, nous serons amenés à rappeler plusieurs détails déjà vus au cours de cette histoire ; mais le lecteur aura peut-être utilité à les retrouver groupés en un tableau d'ensemble.

[31] GRISAR, Hist. de Rome au moyen âge, t. I, p. 287-288.

[32] Code Théodosien, VIII, t. XV, l. I ; IX, t. III, l. I ; t. XXXV, I, IV, V ; XI, t. XXVII, l. I ; XV, t. XI, l. I.

[33] Le mot diocèse était en usage dès le temps de Cicéron, mais il désignait alors simplement une région. L'expression n'entra dans le langage officiel de l'Etat que vers le commencement du IVe siècle ou à la fin du IIIe, quand fut créé le ressort judiciaire intermédiaire entre celui du préfet et celui du gouverneur. Voir C. JULLIAN, au mot Diocèse, dans le Dict. des Ant. grec. et rom. de DAREMBERG et SAGLIO, t. II, 2e partie, p. 226. Dans le langage ecclésiastique, il ne se trouva fixé qu'à partir du IIe concile œcuménique, en 381. Voir P. FOURNERET, au mot Diocèse, dans le Dict. de théol. de VACANT-MANGENOT, t. IV, col. 1363. Avant cette époque, il signifie région soumise à un évêque, et est à peu près synonyme de paroîkia.

[34] Appelée aussi juridiction primatiale. En Afrique, par exception, la qualité de primat ne fut pas attachée à la métropole civile, mais attribuée au plus ancien évêque de la province. Une notice de l'empire, rédigée, selon l'opinion commune, sous Honorius et Arcadius, la Notitia dignitatum utriusque imperii, Genève, 1623, donne le parallèle de la constitution ecclésiastique avec la constitution civile tel que nous venons de l'exposer.

[35] Conciles d'Arles (314), canon 20 ; de Nicée (325), canon 4 ; d'Antioche (341), canon 16 ; de Laodicée, canon 12.

[36] STAUDEMMAIER, Geschichte der Bischofswahlen, Tübingen, 1831.

[37] Voir S. HILAIRE, Epist., XVI ; Conc. Rom. 386, canon 1, dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, t. II, p 68 ; MANSI, t. III, col. 1033. En vertu de ces règles, aucun évêque ne pouvait être institué en Italie sans l'approbation expresse du pape. Le souverain pontife n'intervenait pas directement dans l'élection des autres régions de l'empire ; il se contentait de porter des décrets, de veiller à leur application, de rappeler le peuple, le clergé, les empereurs eux-mêmes, au respect des lois électorales ; et par là son intervention, toute discrète et indirecte qu'elle fût, était indéniable. Quant à l'élection du pape lui-même, elle était soumise aux mêmes règles que l'élection des autres évêques. Il était élu par le peuple et le clergé de Rome.

[38] MARTIGNY, Diction. de sant. chrét., au mot Évêques, p. 255. Aux IVe et Ve siècles, le mot pape (papa) est un titre qui est commun à tous les évêques. Voir P. de LABRIOLLE, Une esquisse de l'histoire du mot papa, dans le Bull. d'anc. litt. et d'arch. chrét., 1911, p. 215-220.

[39] S. HILAIRE, Adv. Const. ; S. CHRYSOSTOME, Au peuple d'Antioche, homélies III, IV, XI ; MARTIGNY, op. cit., p. 259, 551.

[40] S. AUGUSTIN, Epist., CXLVII.

[41] S. JÉRÔME, Epist., XXVI.

[42] S. GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Discours, XXXI. Cf. EUSÈBE, H. E., X, 4. La mitre ne fut augmentée de nouveaux ornements qu'au VIe siècle.

[43] Le bâton pastoral est d'origine très ancienne. Baronius affirme, d'après les plus solides autorités, que les évêques s'en servaient au IVe siècle (BARONIUS, Annales, ad ann. 504, n. 38). Nous trouvons mention de l'anneau épiscopal à la même époque dans les écrits de saint Optat de Milève (Lib. I, ad Parmenion.)

[44] S. HILAIRE, De Trinitate, VI, 2.

[45] S. GÉLASE, Epist., XIV, 6.

[46] S. CHRYSOSTOME, Du sacerdoce, III, 18 ; S. AUGUSTIN, Epist., LVI ; SULPICE-SÉVÈRE, Vita Martini, XI.

[47] S. JÉRÔME, Adv. luciferianos ; P. L., t. XXIII, col. 165.

[48] Cette réconciliation pouvait se faire par les prêtres lorsque l'évêque, empêché, leur en donnait le pouvoir. (Concile de Carthage de 390, canon 4. HÉFÉLÉ-LECLERCQ, t. II, p. 78.)

[49] Concile de Carthage, canon 3 ; HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. II, p. 77.

[50] S. BASILE, Lettres, CLXI, 2 ; CCVI ; Concile de Sardique, canon 11.

[51] Concile de Sardique, canons 11 et 12.

[52] Concile de Sardique, canons 7-9.

[53] S. JÉRÔME, Epist. IV ; S. OPTAT, Liber I advers. Parmenionem.

[54] S. JÉRÔME, Epist. ad Rustic.

[55] THOMASSIN, Anc. et nouv. disc., Ire partie, l. II, ch. III.

[56] Sur le chorépiscopat, son caractère, ses fonctions et sur toutes les controverses soulevées à son sujet, voir la savante dissertation de Dom Leclercq dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Histoire des Conciles, t. II, p. 1197-1237.

[57] Voir HERGENRÖTHER-KIRSCH, Kirchengeschichte, t. I, l. II, Ire partie, ch. XII.

[58] Il eut, un moment, la Phénicie et l'Arabie, démembrée d'Antioche. Voir S. VAILHÉ, Formation du patriarcat de Jérusalem, dans les Echos d'Orient, t. XIII (1910), p. 325-336.

[59] Cf. S. VAILHÉ, Origines de l'Eglise de Constantinople, dans les Echos d'Orient, t. X (1907), p. 287-295.

[60] Sur l'Illyricum ecclésiastique et ses diverses vicissitudes, voir DUCHESNE, Eglises séparées, Paris, 1896, p. 229 et s., et S. VAILHÉ, Annexion de l'Illyricum au patriacat œcuménique, dans les Echos d'Orient, t. XIV, (1911), n° 29-36.

[61] MANSI, t. III, p. 158.

[62] LE QUIEN, Oriens christianus, t. II, p. 669 et s.

[63] Dans l'ordination d'un évêque, quoique la présence de trois prélats consécrateurs fût obligatoire dès le commencement du IVe siècle, si le pape consacrait, sa seule intervention suffisait, car il représentait à lui seul l'ensemble de l'épiscopat. Voir GRISAR, Hist. de Rome au moyen âge, t. II, p. 330, et DUCHESNE, Origines du culte chrétien, p. 363-364.

[64] Nous ne mentionnons pas ici les clercs tonsurés. La tonsure des clercs séculiers ne remonte pas au delà du VIe siècle, et elle ne fut pas d'abord un rite distinct de la collation du premier ordre mineur ; il est même probable qu'elle ne fut pas d'abord un rite liturgique. Elle ne parait avoir constitué un rite liturgique spécial, distinct des ordres mineurs, qu'au VIIIe siècle en Occident et au XIIe siècle en Orient. Cf. MANY, De sacra ordinatione, un vol. in-8°, Paris, 1905, p. 37-40.

[65] ROSSI, Roma sott., t. III, p. 520 et s.

[66] DUCHESNE, Liber pontificalis, t. I, p. 165, note 6.

[67] S. ATHANASE, Apol. ad imper.

[68] IMBART DE LA TOUR, les Paroisses rurales du IVe au XIe siècle, p. 62-63. Ce qui prouve que la paroisse rurale du IVe siècle n'avait pas encore, ou du moins n'avait pas toujours l'exercice du culte complet, c'est l'affectation qui est faite souvent alors d'un simple diacre au gouvernement de la paroisse. Cette affectation devient de plus en plus rare à mesure que la paroisse s'organise plus complètement. (IMBART DE LA TOUR, op. cit., p. 619.)

[69] S. JÉRÔME, In Jeremiam, XI, 15-16 ; P. L., t. XXIV, col. 755 ; In Esechielem, 5-6 ; P. L., t. XXV. col. 175.

[70] S. JÉRÔME, Ad Sabinum, n. 6 ; P. L., t. XXII, col. 1200.

[71] Il parait que certains diacres avaient osé prétendre consacrer. Le concile d'Arles (314) le leur interdit formellement par son canon 15 (HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, p. 295). Binterim a donné une autre explication de ce texte. Il signifierait selon lui que les diacres ne doivent pas donner la communion en divers endroits, mais seulement dans les églises qui leur sont assignées. (HÉFÉLÉ-LECLERCQ, ibid.)

[72] MANY, De sacra ordin., p. 50.

[73] MANY, De sacra ordin., p. 51. Voici le texte de saint Cyprien : Qui libellos a martyribus acceperunt... si presbyter repertus non fuit et urgere exitus cœperit, apud diaconum quoque exomologesim facere delicti sui possint, ut manu eis in pœnitentiam imposita, veniant ad Dominum in pace. (S. CYPRIEN, Epist., XII, Ad clerum ; P. L., t. IV, col. 259.)

[74] MANY, De sacra ordin., p. 30. Cf. A. CATOIRE, le Sous-diaconat dans l'Eglise grecque, Echos d'Orient, t. XIII (1910), p. 22-25.

[75] Les Grecs considèrent encore aujourd'hui le sous-diaconat comme un ordre mineur, et l'Eglise latine ne l'a compté au nombre des ordres majeurs qu'au mue siècle. (MANY, De sacra ordin., p. 31-33.)

[76] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, p. 1011-1012.

[77] Statula Ecclesiæ antiqua, dans BRUNS, Concilia, t. I, p. 141.

[78] S. CYPRIEN, Ep. Ad clerum, P. L., t. IV, col 284.

[79] MARTÈNE, De antiquis Eccl. rit., l. I, c. VIII, art. 8, n. 15.

[80] Leur origine paraît dater du milieu du IIIe siècle (Dom LECLERCQ, au mot Acolythe, dans le Dict. d'arch., t. I, col. 349).

[81] On connaît le martyre de l'acolyte Tarcisius, mis à mort pour n'avoir pas voulu livrer les saintes Espèces, qu'il portait à des absents. Cette fonction do porter l'Eucharistie aux fidèles fut abolie au courant du Ve siècle (LECLERCQ, au mot Acolythe, dans le Dict. d'arch., t. I, col. 349).

[82] MARTIGNY, Dict. d'arch. chrét., au mot Acolythe, p. 10.

[83] Dom LECLERCQ, Dict d'arch. chrét. et de liturgie, t. I, col. 353.

[84] On ne trouve pas de mention d'exorcistes et de portiers avant le troisième siècle.

[85] DUCHESNE, Origines du culte chrétien, p. 334-335.

[86] Voir ces Statuta et leurs commentaires dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. II, p. 108 et s.

[87] Concile d'Hippone (393), canon 21, HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. II, p. 87.

[88] Statuta Eccl. ant., canon 3.

[89] MANY, De sacra ordin., p. 445-446.

[90] Pour l'ordination des évêques l'âge requis était 35 ans, et dans certains pays 45 ans.

[91] Par exemple dans le dessin gravé sur une coupe de verre reproduit par le Dict. d'arch. chrét. et de liturgie, t. I, col. 2275, fig. 776.

[92] ARISTOTE, Politique, l. VI, ch. II (IV), § 7.

[93] GRISAR, Hist. de Rome et des papes au moyen âge, trad. Ledos, t. II, p. 321-322. Cf. Max SABATIER, l'Eglise et le travail manuel, p. 63-85.

[94] S. JÉRÔME, Adv. Vigilantium, II ; P. L., t. XXIII, col. 341.

[95] Pour les sous-diacres, alors considérés comme clercs mineurs, l'observance variait. A Rome, ils paraissent avoir pratiqué de très bonne heure le célibat.

[96] On a parfois prétendu que les empereurs chrétiens, particulièrement Théodose, avaient livré aux chrétiens les temples du paganisme pour les transformer en églises. On n'a pas d'exemple d'un pareil fait avant le vue siècle. La transformation du Panthéon en 613, est, dit Mgr Duchesne, le plus ancien fait de ce genre qui se puisse constater. (DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise, t. II, p. 640-642.)

[97] Dom LECLERCQ, Manuel d'archéologie chrétienne, t. II, p. 66.

[98] Voir cette lettre dans Dom LECLERCQ, Manuel d'arch. chrét., t. II, p. 83-84.

[99] Dom CABROL, au mot Anaphore, dans le Dict. d'arch. et de lit., t. I, col. 413.

[100] Dom CABROL, au mot Anaphore, dans le Dict. d'arch. et de lit., t. I, col. 413.

[101] On ne trouve plus de trace des catéchumènes dans les livres liturgiques du VIIIe siècle. Il n'y avait plus alors de catéchumènes adultes.

[102] Plusieurs passages de saint Jean Chrysostome et de saint Augustin supposent cette réglementation. (S. JEAN CHRYSOSTOME, Sur l'épître aux Romains, homélie 24, n. 3 ; S. AUGUSTIN, In Joann., tr. 26.)

[103] Concile de Laodicée, canon 59 ; Concile d'Hippone de 393, canon 36.

[104] Ce congé était donné par la formule Ite missa est. D'où le nom de missa, messe, à la cérémonie sainte qui avait lieu immédiatement après (VIGOUREL, Cours synthétique de liturgie, Paris, 1906, p. 81). Il y avait un autre lie missa est à la fin de la messe des fidèles ; c'est celui qui a été conservé. Dans son ouvrage la Liturgie et la piété chrétienne, Paris, 1910, p. 114, M. Vigourel propose une explication mystique et plus large de la formule Ite missa est. On traduit souvent ces mots, dit-il, Allez, c'est le renvoi. Mais, à y regarder de près, missa veut dire mission. Ne pourrait-on pas y voir une vraie mission que l'Eglise donne à celui qui est venu puiser au saint sacrifice les lumières, la force et l'amour dont il a besoin ? Il n'était pas permis, remarque Bossuet, de sortir sans le congé de l'Eglise, qui ne renvoyait ses enfants qu'après les avoir remplis de vénération pour la majesté des mystères et des grâces qui en accompagnaient la réception, les avertissant d'accomplir leurs devoirs ordinaires avec la religion que méritait leur vocation et l'esprit dont ils étaient pleins. BOSSUET, Explication des prières de la Messe, n° 2, Edit. Lachat, t. XVII, p. 6.

[105] HERGENRÖTHER-KIRSCH, Kirchengeschichte, l. II, IIe partie, ch. XIV.

[106] Les Orientaux ont appelé anaphore (élévation, offrande) la partie centrale de la messe, de la Préface à la Communion. Elle correspondait à peu près au canon des Latins.

[107] Mgr Duchesne a étudié en détail la messe romaine et la messe gallicane (Origines du culte chrétien, p. 153-217) ; Dom Cabrol, les anaphores orientales (Dict. d'arch. et de liturgie, t. I, 1898-1918). Dom Cagin s'est appliqué à faire ressortir l'unité fondamentale de toutes ces liturgies. (Paléogr. musicale, t. V). Nous nous sommes inspirés de ces divers travaux dans l'exposé sommaire que nous donnons ici.

[108] Ut pronuntianti vicinior esset quam canenti. (S. AUGUSTIN, Confessions, l. X, ch. XXXIII.)

[109] S. AUGUSTIN, Retract., l. II, ch. XI ; P. L., t. XXXII, col. 631 En quoi consistait précisément ce chant ? On ne trouve aucun renseignement utile sur ce point dans le traité De musica, publié par saint Augustin en 398. Ce traité est resté inachevé, et la seule partie écrite ne traite que du rythme et des mètres lyriques. Sur la musique et le chant dans l'antiquité chrétienne, voir Dom Augustin GATARD, la Musique grégorienne, Paris, 1913 ; Dict. d'arch. et de liturgie, à l'art. Chant romain et grégorien ; A. GASTOUÉ, les Origines du chant romain, Paris, 1907.

[110] Quelques-unes ont vu là l'épiclèse romaine, qu'ils placent ainsi avant la consécration. On peut appeler aussi épiclèse une prière faite, dans le rit romain, après la consécration, pour demander à Dieu que le sacrifice porte ses fruits dans les âmes des fidèles. Voir SALAVILLE, au mot Épiclèse dans le Dict. de théol. de VACANT, t. V. col. 194-300. Cf. J. de PUNIET, le Canon de la messe d'après quelques travaux récents, Extrait de la Revue hollandaise, Van Onzen Tijd, III, 1910.

[111] Sur l'épiclèse orientale, voir Echos d'Orient, XI, 101-112 ; XII, 129-136, 222-227 ; XIII, 132-135 ; XIV, 10-16 ; XVI, 28-31.

[112] PAULIN, Vita Amorosii ; S. GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Discours, XVIII, 29, 38 ; URAN., Vita S. Paulini.

[113] Concile de Gangres, canon 11 ; concile de Laodicée, canon 28 ; concile d'Hippone (393), canon 29.

[114] AMBROSIASTER, Comment. in epist. ad Ephes., ch. IV ; P. L., t. XVII, col. 388.

[115] S. SIRICE, Epist. ad Himerium, ch. II ; P. L., t. XIII, col. 1134. Cf. MANSI, III, 1137.

[116] DUCHESNE, les Origines du culte chrétien, p. 315-318. Cf. J. CORBLET, Histoire du sacrement de baptême, 2 vol. in-8°, Paris, 1881.

[117] S. CYRILLE, Catéchèses, XXI, 1-3 ; P. G., t. XXXIII, col. 1089-1093.

[118] Peregrinatio Silviæ, n. 133, dans DUCHESNE, Origines du culte chrétien, p. 513.

[119] S. CYRILLE, Catéchèses, XXI, 35-37 ; P. G., t. XXXIII, col. 1009-1012.

[120] BATIFFOL, Etudes d'hist. et de théol. posit., t. I, p. 164.

[121] En 385, le pape Sirice exigea des apostats une pénitence perpétuelle. C'est le seul cas de pénitence perpétuelle que l'on connaisse.

[122] S. JÉRÔME, Epist., LXXIII, 2.

[123] SOCRATE, H. E., l. V, ch. XIX.

[124] SOZOMÈNE, H. E., l. VII, ch. XVI. Le mot άπολύειν, employé par Sozomène, veut-il dire que le prêtre pénitencier absout le pénitent séance tenante, ou qu'il renvoie l'absolution après la pénitence faite, ou qu'il s'en remet à l'évêque, ou encore qu'il s'en remet à Dieu d'absoudre ? Chacune de ces opinions a été soutenue. La plus plausible de toutes nous parait être celle qui, avec M. l'abbé Vacandard et le R. P. Harent, n'hésite pas à placer dans l'absolution du prêtre pénitencier la vertu rémissive de la coulpe (Dict. de théol. de VACANT, t. I, col. 161), en remarquant toutefois que les Pères des premiers siècles paraissent avoir considéré la pénitence dans l'ensemble des rites qui la composaient, laissant aux théoriciens de l'avenir le soin d'attribuer à chacun des éléments sa vertu particulière. (Ibid.) De là les expressions vagues des Pères, dont quelques-unes semblent mal s'accorder avec nitre théorie, mais dont aucune ne la contredit formellement. Voir VACANDARD, Pouvoir des clés et la confession sacramentelle, dans la Revue du clergé français de 1898 et 1899 ; P. BATIFFOL, Etude d'hist. et de théol. pos., I, p. 145-195 ; BONDINHON, Sur l'hist. de la pénitence, dans la R. d'hist. et de litt. rel., t. II, p. 306 et s., 496 et s. ; HARENT, la Confession dans les Etudes de sept. 1899, t. LXXX, p. 577 et s. FUNCK, Bussdisciplin, dans le Kirchenlexikon de WELZER et WELTH. La première partie de cet article, qui concerne la discipline pénitentielle dans l'antiquité, a été traduite dans la Revue du clergé français du 1er avril 1898, p. 197-207. Pour ce qui concerne plus particulièrement la réconciliation des hérétiques, voir P. GALTIER, Absolution ou confirmation ? La réconciliation des hérétiques, dans les Recherches de science religieuse de mai-juin 1914, p. 201-235.

[125] BATIFFOL, les Prêtres pénitenciers romains au Ve siècle, dans le Compte rendu du 3e congrès scient. des cath., Bruxelles, 1895, Sciences religieuses, p. 277-290.

[126] CAMBIER, De divina instit. confessionis, Louvain, 1884, p. 96-333. Les travaux les plus récents sur la discipline pénitentielle amènent de plus en plus les savants à écarter l'idée factice de deux institutions pénitentielles parallèles, l'une publique, l'autre secrète, fonctionnant concurremment, au choix des intéressés. Il n'y avait qu'une pénitence chrétienne, mais qui se mouvait dans des cadres complexes, et ne consistait pas exclusivement dans ce qu'on a appelé la pénitence publique. Ce qu'on appelle de ce nom n'est que la partie la plus apparente, la plus rigide, fartant la mieux connue de l'unique pénitence chrétienne. Telle est la conclusion d'une savante étude de M. A. d'ALÈS, l'Edit de Calliste, un vol. in-8°, Paris, 1914, appendice III sur l'Elément privé dans l'ancienne pénitence, p. 454. Cf. P. GALTIER, Saint Jean Chrysostome et la confession, dans les Recherches de science religieuse, t. I, p. 209 et s., 313 et s.

[127] Par exemple PULLER, The anointing of the sick in Scripture and tradition..., Londres, 1901.

[128] Mgr RUCH, au mot Extrême-Onction, dans le Dict. de théol. de VACANT, t. V, col. 1942-1943.

[129] Dom CABROL, Introduction aux études liturgiques, Paris, 1907, p. 11-12 ; DUCHESNE, Origines du culte chrétien, 3e édition, appendice VI, p. 524.

[130] Voir le texte de ces canons dans DUCHESNE, Origines du culte chrétien, p. 538-540.

[131] Patrologie Grecque, t. I, col. 1125.

[132] Testamentum Domini, éd. RAHMANI, Mayence, 1899, l. I, n. 24, p. 48-49.

[133] CHRYSOSTOME, Du sacerdoce, l. III, n. 6 ; P. G., t. XLVIII, col. 644. Cf. PESCH, Prælectiones dogmaticæ, t. VII, p. 256-257.

[134] Pour plus de développements, voir RUCH, au mot Extrême-onction, dans le Dict. de théol. de VACANT, t. V, col. 1931-1952. Puller n'a pu contester la valeur probante des textes liturgiques qu'en supposant gratuitement leur interpolation.

[135] Dom CABROL, le Livre de la prière antique, p. 446-447.

[136] On la trouve dans les plus anciens livres liturgiques donnés par Dom Martène, Gerbert, etc.

[137] P. BATIFFOL, Hist. du bréviaire romain, 3e édition, Paris, 1911, p. 17-18.

[138] TERTULLIEN, De jejunio, 10.

[139] Sur ces origines, voir, pour plus de détails, P. BATIFFOL, Hist. du bréviaire romain, 3e édit., Paris, 1911, et Dom BAÜMER, Hist. du bréviaire, trad. BIRON, 2 vol. in-8°, Paris, 1905.

[140] Nous voulons parler de l'auteur de la Peregrinatio Silviæ, qui d'après les conclusions de Dom Férotin, ne serait pas sainte Silvia d'Aquitaine, mais une vierge espagnole, Etheria.

[141] La partie liturgique de la Peregrinatio Silviæ a été reproduite par Mgr DUCHESNE dans ses Origines du culte chrétien, p. 474 et s.

[142] DUCHESNE, Origines du culte chrétien, p. 474-475. La Peregrinatio Silviæ ne parle pas de tierce ; mais nous savons par ailleurs que les prières de tierce précédaient la célébration de la messe. Quant à l'heure de prime, Cassien lui assigne une origine assez prosaïque. On plaça un office au lever du soleil, dit-il, pour stimuler au lever matinal certains moines qui ne se réveillaient qu'à l'heure de tierce (CASSIEN, Collat., III, 4). Les prières de complies furent aussi des prières monastiques, imaginées pour faire finir la journée par une psalmodie, les vêpres ayant lieu avant le repas du soir. Ainsi se constituèrent toutes les parties du saint office.

[143] P. BATIFFOL, Hist. du bréviaire romain, p. 29-35.

[144] DUCHESNE, Origines du culte chrétien, p. 482.

[145] EUSÈBE, Vie de Constantin, IV, 18, 19.

[146] Code Théodosien, VIII, t. VIII, l. I-III ; XI, t. VII, l. X-XIII.

[147] Code Théodosien, XV, t. V, l. II.

[148] La faculté laissée aux paysans de travailler tous les jours se conserva jusqu'au IIe siècle. (Cf. P. PARGOIRE, au mot Argia (chômage), dans le Dict. d'arch., t. I, col. 2810.)

[149] Dom CABROL, Étude sur la Peregr. Silv., p. 51.

[150] Cf. H. KELLNER, l'Année ecclésiastique et les fêtes des saints dans leur évolution historique, trad. BUND, un vol. in-8°, Paris, 1910.

[151] S. VAILHÉ, Introduction de la fête de Noël à Jérusalem, dans les Echos d'Orient, t. VIII (1905), p. 212-218.

[152] Peregrinatio Silviæ, ap. DUCHESNE, Origines du culte chrétien, p. 481.

[153] Sur l'origine du carême, voir S. SALAVILLE, dans les Echos d'Orient, t. XIII, (1910), p. 65-72 ; HÉFÉLÉ-LECLERCQ, t. I, p. 549, note 2 ; VACANDARD, au mot Carême dans le Dict. de théologie de VACANT-MANGENOT, t. II, col. 1728.

[154] Le souvenir des nouveaux baptisés, qui déposaient leur robe blanche au samedi in albis, se retrouve dans le répons actuel du samedi de l'octave de Pâques : Isti sunt agni novelii, qui annuntiaverunt, alleluia : modo murant ad fontes, repleti sunt claritate, alleluia, alleluia.

[155] Peregrinatio Silviæ, ap. DUCHESNE, p. 477.

[156] S. AMBROISE, De viduis, 9 ; S. GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Discours, XXIV ; S. AUGUSTIN, Contra Faustum, XX, 21, etc.

[157] THÉODORET, H. E., l. II, ch. LXI-LXII ; P. G., t. LXXXVI, col. 212 et s.

[158] Code Théodosien, IX, t. XVI, l. I, II ; t. XVII, l. I.

[159] LEHNER, Die Marienverchrung in den ersten Jahrhunderten, Stuttgart, 1886.

[160] S. CYRILLE DE JÉRUSALEM, Catéchèses, XII, 15, 29 ; S. CHRYSOSTOME, Homélie pour la fête de Pâques, sur le Psaume XLIV, n. 7 ; S. GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Poèmes, l. I, § 2 ; P. G., t. XXXVII, col. 575.

[161] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, 1031-1032.

[162] CASSIEN, De instit. cœnob., l. I, ch. V ; RUFIN, Vitæ Patrum, IV ; S. JÉRÔME, Introd. ad. Reg. Pacomii, IV.

[163] EUSÈBE, Vie de Constantin, l. II, ch. XLV.

[164] Concile d'Elvire, canon 60 ; Concile d'Ancyre, canon 20, 21.

[165] Saint BASILE, Sur saint Luc, homélie XLI, n. 4. Cf. Saint Ambroise, qui traduit saint Basile, In Tobiam, III, 9-1 ; V, 16-20 ; VI, 23-24 ; saint AUGUSTIN, De nuptiis, I, 17.

[166] Code Théodosien, De parricid., Ad legem com., De patribus qui filios, De infant. exposit.

[167] Premier concile de Vaison (442), canon 9. Sur la législation chrétienne relative aux alumni et aux enfants abandonnés, voir Dict. d'arch. chrétienne, au mot alumni, t. I, col. 1301-1305.

[168] Code Théodosien, XIII, t. II.

[169] Saint BASILE, Sur la manière de lire les auteurs profanes.

[170] JUSTINIEN, Cod., De successione liberorum.

[171] Pompée et César se vantaient l'un et l'autre d'avoir vendu ou tué 3 millions d'hommes. Cicéron avait retiré en trois jours, de la vente des prisonniers, deux millions de francs.

[172] S. AMBROISE, De Joseph patriarcha, 4 ; Epist., XXXVII-LXXVII ; AMBROSIASTER, Comment. in Coloss., IV, 1 ; saint AUGUSTIN, De civit. Dei, XIX, 15.

[173] In psalm., CXXIV, 17.

[174] S. CHRYSOSTOME, Discours sur Lazare, VI, 8.

[175] S. GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Poèmes moraux, XXIII, 133-146.

[176] S. GRÉGOIRE DE NYSSE, Sur l'Ecclésiaste, homélie IV.

[177] S. BASILE, Règles développées, 11.

[178] S. AUGUSTIN, De opere monach., 22.

[179] Cardinal RAMPOLLA, Santa Melania giuniore, p. 222.

[180] S. AMBROISE, De officiis cleric., t. II, ch. II, n. 15.

[181] ROSSI, Bull. di arch. crist., 1874, p. 59.

[182] LE BLANT, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, n. 374 ; t. II, 1865, p. 6.

[183] G. GOYAU, Sainte Mélanie, p. 90-93. Voir d'autres exemples dans P. ALLARD, les Esclaves chrétiens, p. 338.

[184] Code Justinien, XL, t. LXVII, l. VII.

[185] ACCARIAS, dans son Précis de droit romain, t. I, p. 97 et s., G. BOISSIER, dans la Revue des Deux Mondes, du 1er mars 1882, p. 49, et M. LACOUR-GAYET, dans son livre sur Antonin le Pieux et son temps, p. 263, ont nié ou amoindri la part qui revient aux empereurs chrétiens dans l'abolition de l'esclavage. Voir la réfutation de leurs assertions dans Paul ALLARD, les Esclaves chrétiens, 5e édit., refondue, Paris, 1914, et dans le Dict. apol. de la foi cathol., au mot Esclavage, t. I, col, 1479-1482.

[186] P. ALLARD, au mot Esclavage dans le Dict. apologétique, t. I, col. 1481.

[187] La thymélé était, dans les théâtres grecs, une plate-forme carrée, située au centre de la partie appelée orchestre et correspondant à notre parterre. C'est là que se tenait le chœur et que se faisaient les évolutions.

[188] S. AUGUSTIN, De fide et opere, 30.

[189] S. CHRYSOSTOME, Sur saint Matthieu, homélie LXVII.

[190] Franz DE CHAMPAGNY, la Charité chrétienne dans les premiers siècles de l'Eglise, 2e édition, p. 228-231.

[191] S. CHRYSOSTOME, Sur saint Jean, homélie I, 4.

[192] S. AUGUSTIN, De fide et opere, 30.

[193] Code Théodosien, De scenicis, 4, 8, 9.

[194] Code Théodosien, De scenicis, 4, 8, 9.

[195] F. DE CHAMPAGNY, la Charité chrétienne dans les premiers siècles de l'Eglise, p. 238.

[196] S. AMBROISE, Epist. ad. Studium, VI, 51, 52.

[197] S. AUGUSTIN, Epist., L, CXXVII, CLVIII.

[198] PLINE, Hist. nat., XVIII, 7.

[199] Constitutions apostoliques, II, 58.

[200] S. AUGUSTIN, Sermones, XLIX ; POSSIDIUS, Vita Augustini, 22, 23.

[201] S. JÉRÔME, In Ezech., Epist. XIII, XVII.

[202] S. JÉRÔME, Epist., XXX.

[203] S. CHRYSOSTOME, Sur saint Matthieu, homélie LXVII.

[204] En droit, ce fut toujours à l'évêque qu'appartint la gestion des biens ecclésiastiques, et cette règle de droit fut toujours appliquée pendant les IVe et Ve siècles (THOMASSIN, Anc. et nouv. discipl., édit. André, t. VI, p. 509) ; DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise, t. II, p. 658 ; t. III, p. 21) ; mais les évêques se faisaient aider, dans cette gestion, par des diacres et des prêtres dont ils recevaient les comptes. En Orient, à partir de 451, ils confièrent cette administration à des économes pris dans les rangs du clergé (THOMASSIN, ibid., p. 511, 515, 519-520).

[205] Voir Emile LESNE, Hist. de la propriété ecclésiastique en France, six vol. in-8°, Paris, 1910, p. 1-3.