HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

PREMIÈRE PARTIE. — La fin du paganisme

CHAPITRE VI. — DE LA MORT DE L'EMPEREUR CONSTANT À L'AVÈNEMENT DE JULIEN L'APOSTAT. - SAINT HILAIRE DE POITIERS (350-361).

 

 

Les dix années qui suivirent la mort de l'empereur Constant furent étrangement mouvementées. A ne considérer que les événements extérieurs, ce fut l'apogée du semi-arianisme. Un empereur tout-puissant, qui met son pouvoir souverain au service de l'hérésie ; un pape qui s'incline devant ce triomphe, avec les apparences d'une défection ; l'ancien président du concile de Nicée, le vénérable Osius, paraissant renier son œuvre ; les deux champions les plus vaillants du grand concile, Athanase et Hilaire, brutalement exilés ; le peuple chrétien troublé par tant de victoires bruyantes, par tant de défections apparentes, par tant de disgrâces imméritées : tel est le spectacle qui frappe et déconcerte au premier abord. Mais un examen plus attentif et plus profond rassure. Dans ses triomphes, le parti d'Arius s'est irrémédiablement divisé ; dans le camp de l'orthodoxie, à côté de saint Athanase est apparu saint Hilaire ;

et l'autre, actifs jusque dans leur exil, défendent l'Eglise avec une expérience enrichie par la lutte, un courag3 trempé par l'épreuve ; la sympathie populaire, un moment égarée, se détache des ariens et des sectes diverses qui se forment autour d'eux ; on a vu les dessous de leurs manœuvres : il est de plus en plus manifeste que leurs succès viennent surtout de la protection dont le pouvoir impérial couvre leurs intrigues, et qu'il suffira d'un changement d'orientation de ce pouvoir pour changer leur triomphe en une lamentable défaite.

 

I

La mort de l'empereur Constant avait à la fois bouleversé l'empire et l'Eglise. La transmission du pouvoir de Constant à Constance ne s'était pas faite sans de terribles commotions. Tandis que Magnence se faisait reconnaître empereur par la plus grande partie de l'Occident, les deux filles de Constantin, Eutropie et Constantine, lui avaient suscité des compétiteurs. Eutropie avait présenté aux Romains son fils Népotien, et Constantine avait fait acclamer dans l'Illyricum un vieux général, Vertranion, très borné d'intelligence, mais probe, courageux, fidèle à la mémoire du grand Constantin, et prêt, disait-il, à défendre son œuvre jusqu'à la mort. Constance, qui soutenait en Orient, contre le roi Sapor, une guerre formidable, s'était trouvé alors dans une situation des plus critiques. Quelle que pût être l'issue des conflits qui venaient de s'ouvrir à Rome et dans l'Illyricum, il sentait l'Occident prêt à lui échapper. Mais il apprit bientôt que Magnence, après une sanglante bataille, avait reconquis Rome ; que Népotien avait péri dans le combat et qu'Entropie avait été massacrée. Lui-même put enfin se diriger vers la province occupée par Vertranion, et gagna à sa cause le vieux général, qui, ébloui et déconcerté de sa dignité, accablé par la couronne qu'il avait mise sur son front, se hâta de la déposer aux pieds du fils de Constantin. Magnence, seul, restait en face de lui. Constance le poursuivit, à travers l'Italie, jusqu'en Gaule, où, près de Lyon, en 353, l'usurpateur, abandonné d'un grand nombre de ses soldats, se donna la mort. L'unité de l'empire était rétablie en faveur de Constance ; mais, de toutes ces angoisses et de toutes ces luttes, l'empereur devait garder un caractère aigri, soupçonneux, plus porté que jamais vers le despotisme le plus jaloux.

D'autre part, les semi-ariens, en voyant tomber la puissance de Constant, n'avaient pas contenu l'expression de leur joie. L'Occident, jusque-là foyer de l'orthodoxie, était enfin aux mains d'un souverain dévoué à leur cause. Constance n'avait plus, de ce côté, ni frère ni rival à ménager. Leurs menées allaient désormais avoir un champ libre devant elles.

Après l'abdication de Vertranion, dès le début de l'année 351 l'empereur Constance avait établi sa résidence à Sirmium, en Pannonie Cette ville, désormais capitale effective de l'empire, devait devenir le principal théâtre des intrigues de la secte. L'Eglise de Sirmium était gouvernée par un des adversaires les plus ardents de l'arianisme, l'évêque Photin ; mais les doctrines excessives de ce prélat étaient, nous le savons, compromettantes pour le parti orthodoxe. Depuis longtemps les semi-ariens avaient essayé d'exploiter ses erreurs pour ruiner la cause d'Athanase. Une nouvelle campagne contre Photin pouvait sembler inutile ; les évêques d'Occident, aux conciles de Sardique et de Milan[1], avaient nettement condamné ses erreurs théologiques en le séparant de leur communion ; mais une nouvelle manifestation parut opportune aux ennemis de l'orthodoxie. La grande accusation portée contre les catholiques était celle d'être sabelliens. Photin était au moins suspect de sabellianisme. Il fallait que l'empereur, en mettant le pied sur la terre d'Occident, se prononçât contre l'erreur sabellienne. Pendant l'hiver de 351-352, les chefs du parti eusébien, entre autres Basile d'Ancyre, Macédonius de Mopsueste et Marc d'Aréthuse, s'étaient rendus à Sirmium, et y avaient tenu un synode, Photin y avait été de nouveau condamné, et un symbole de foi, suivi de vingt-sept anathèmes, y avait été promulgué. C'est le document connu dans l'histoire sous le nom de première formule de Sirmium. Ce symbole, qui nous a été conservé par saint Athanase, saint Hilaire et par Socrate[2], avait une physionomie orthodoxe, mais il évitait l'emploi du mot omoousios, consubstantiel, et, d'une manière générale, la terminologie de Nicée. A la suite de ce synode, Constance expulsa Photin de la ville de Sirmium et l'envoya en exil[3].

Ce premier incident n'était que le prélude de la campagne d'intrigues qui allait se poursuivre sous le pontificat du pape Libère. En 352, deux faits vinrent redoubler la confiance du parti eusébien : ce fut d'abord la mort du pape Jules, le 12 avril 352, et, peu de temps après, le mariage de Constance, en secondes noces, avec une jeune fille noble de Thessalonique, Aurélie Eusébie. Le pape Jules s'était toujours montré le plus solide appui d'Athanase, et son successeur, Libère, prêtre d'une irréprochable vertu, ne paraissait pas doué de la même sagacité ni de la même prudence. Quant à la nouvelle impératrice, femme d'un esprit cultivé, se piquant de philosophie, aimant à paraître dans les discussions intellectuelles, elle avait été facilement séduite par un système de religion qui accordait tant à la raison, si peu à l'autorité. Les ariens s'étaient toujours admirablement entendus à gagner les femmes à leur cause. Unissant à une grâce enveloppante et douce les ressources d'un esprit brillant et d'une volonté stimulée par l'ambition, Eusébie exerça bientôt sur l'esprit de Constance un ascendant tout-puissant. Les esprits guerriers et autoritaires sont souvent les premiers à se laisser prendre à ces charmes subtils. A partir de ce moment, la politique religieuse de l'empereur aura quelque chose de féminin dans ses habiles détours. Le fils de Constantin ne consentira jamais à abandonner les formules consacrées à Nicée ; à l'exemple de son père, il les considérera toujours comme lois intangibles de l'empire autant que de la religion ; mais il travaillera sans relâche à ruiner le parti nicéen, qui lui résiste, au profit du parti anti-nicéen, qui l'adule. Les fameuses formules de Sirmium, qui vont se succéder, plus captieuses les unes que les autres, seront les principaux jalons de cette politique, dont Eusébie sera l'inspiratrice et dont le bénéficiaire sera toujours le parti semi-arien.

 

II

Mais on laissa provisoirement de côté les formules dogmatiques. Obtenir la condamnation d'Athanase et la communion ecclésiastique avec l'Occident, fut d'abord tout l'objectif des eusébiens.

Forts de leurs nouveaux appuis, ils se jetèrent sur Athanase comme sur une proie. Ce fut, comme autrefois, un déchaînement de dénonciations, de calomnies atroces. Le pape Libère et l'empereur Constance en furent simultanément saisis. L'évêque d'Alexandrie aurait joué, à les en croire, pendant les derniers événements politiques, le rôle d'un agitateur et d'un traître. On l'aurait vu exciter Constant contre son frère, et se faire le complice de l'usurpateur Magnence. Aussi dédaigneux des lois de l'Eglise que de celles de l'empire, il avait, de plus, disait-on, en célébrant le service divin sur un terrain impérial non encore consacré, commis à la fois un empiétement de lèse-majesté et une sacrilège profanation. Rien n'était vrai de tout cela. On exploitait, en les dénaturant, certaines attitudes et certains faits qui n'avaient rien eu de blâmable : les rapports de courtoisie que l'empereur Constant avait eus avec le patriarche pendant ces dernières années ; une députation, d'ailleurs inefficace, que Magnence avait envoyée à l'évêque d'Alexandrie, comme à tant d'autres, pour solliciter son appui ; et la célébration d'un office liturgique faite, en cas d'urgence, dans une église qui n'avait pas encore été solennellement consacrée[4]. Mais les émissaires des eusébiens étaient chargés de commenter ces faits de manière à perdre Athanase dans l'esprit du pape et de l'empereur.

Si l'on ajoutait foi à une lettre conservée dans les œuvres de saint Hilaire, Libère se serait d'abord laissé prendre à ces calomnies : il aurait immédiatement mandé Athanase à Rome, et, sur le refus de celui-ci de se rendre à son appel, il aurait quitté sa communion et accepté celle des Orientaux. Mais l'authenticité de la lettre en question est niée par les meilleurs critiques[5]. D'ailleurs les amis d'Athanase n'étaient pas restés inactifs. Quatre-vingts évêques avaient envoyé au pape un mémoire justificatif en faveur de l'évêque d'Alexandrie. Libère paraît avoir tenu alors, pour entendre la cause, un concile à Rome[6], mais l'affaire était d'une importance si grande, avait des attaches si étendues en Orient et en Occident, que le pape jugea à propos de la faire trancher par un grand concile. Il se pro-. posa de le réunir à Aquilée, et demanda à cet effet la permission, pratiquement indispensable, de l'empereur.

Depuis le mois d'octobre 353, Constance avait établi sa résidence à Arles dans les Gaules. C'est là qu'il reçut les deux légats du pape : \rincent, évêque de Capoue, qui, simple prêtre, avait représenté le pape à Nicée à côté d'Osius et Marcel, évêque de la Campanie. Les deux envoyés de Libère remirent à l'empereur les écrits qui avaient été communiqués à Rome pour et contre Athanase[7].

Pour sa part, Constance désirait vivement que le procès d'Athanase fût promptement jugé par un concile, mais à la condition d'avoir le concile sous la main et de pouvoir lui faire prononcer une condamnation sévère contre l'évêque d'Alexandrie. Le choix de la ville d'Arles répondait tout à fait à ses désirs. Il venait d'y faire nommer comme évêque une de ses créatures, Saturnin, esprit d'une portée commune, mais ambitieux et flatteur, qui, partisan de l'arianisme-sous les précédents empereurs, s'était révélé comme ardent propagateur de l'hérésie, dès que Constance, seul maître de l'empire, avait hautement manifesté ses tendances hétérodoxes. C'est par Saturnin et par quelques-uns de ses amis que l'arianisme avait gagné une partie des populations provençales. Ce prélat courtisan devait plus tard, après avoir troublé par ses intrigues l'Eglise des Gaules, être déposé dans un concile tenu à Paris en 361 et être déclaré indigne du nom d'évêque[8]. Dans l'entourage de l'empereur se trouvaient aussi deux évêques, Ursace de Singidon[9] et Valens de Mursa, qui devaient. jouer, dans la suite, un rôle plus triste encore[10]. Constance déclara aux légats du pape qu'il entendait que le concile se réunît dans à ville d'Arles et non dans celle d'Aquilée ; et, quand les évêques furent assemblés, il leur fit présenter un décret, tout préparé et probablement rédigé par Valens et Ursace ; c'était la condamnation d'Athanase. En vain les légats pontificaux, Vincent et Marcel, protestèrent-ils, déclarant que les questions doctrinales primaient les questions individuelles, et demandèrent-ils qu'au moins, avant de condamner la personne d'Athanase, on condamnât la doctrine d'Arius. Constance intervint en personne, et pressa, par des menaces, par la force même, les évêques de signer la pièce qu'on leur présentait. Tous cédèrent, y compris les légats du pape. Un seul évêque résista ce fut Paulin de Trèves, que l'empereur exila en Phrygie, où il mourut, en 368, au milieu de privations et de souffrances de toutes sortes. Le pape Libère fut très affligé de la chute de ses légats, en particulier de celle de l'évêque Vincent, et il écrivit à Osius : Je suis brisé par le surcroît de douleur que cette défaillance me cause. Puissé-je mourir pour Dieu, afin de ne point passer, moi aussi, pour un traître et de ne point paraître approuver des doctrines que l'Eglise réprouve ![11]

Le pontife, pour dégager sa responsabilité, écrivit dans le même sens à plusieurs évêques de l'Occident. Il fit plus, il envoya à Constance une nouvelle délégation, chargée de remettre à l'empereur une lettre très ferme et très digne[12], et de lui demander la réunion d'un nouveau concile. Constance y consentit et convoqua l'épiscopat à Milan. Mais on vit bientôt que le prompt acquiescement de l'empereur au projet du pape cachait le désir de faire triompher une seconde fois, et dans une plus nombreuse assemblée, ses volontés souveraines. Les scènes de violence furent plus odieuses encore à Milan qu'à Arles. Ursace et Valens y parlèrent en maîtres. On y vit Valens, au moment où Denys de Milan allait signer le symbole de Nicée, s'élancer vers lui, et lui arracher plume et papier en s'écriant : Cela ne se fera pas. Lucifer de Cagliari ayant déclaré que tous les soldats de l'empire ne le feraient pas signer un décret impie, et les évêques orthodoxes ayant dit qu'ils ne feraient rien contre les canons de l'Eglise, Constance leur dit : Ma volonté tient lieu de canon. C'était l'énoncé le plus brutal de la thèse césaro-papiste. Il ajouta qu'il se portait lui-même accusateur d'Athanase. Les évêques orthodoxes lui répondirent courageusement : Comment peux-tu te faire accusateur d'un absent, dont tu ne connais les accusations que par ouï-dire ? Mais, comme à Arles, la menace et la violence finirent par avoir raison de la majorité. Denys de Milan, Lucifer de Cagliari, Eusèbe de Verceil, et les deux autres ambassadeurs romains furent seuls inébranlables. Ils furent aussitôt chargés de chaînes et bannis dans diverses régions lointaines. En les voyant passer, enchaînés comme des malfaiteurs, les populations leur manifestèrent généralement beaucoup de sympathie, et, en plus d'un endroit, ne cachèrent pas leur haine pour une secte qui faisait traiter ainsi les ministres du Christ. Une touchante lettre du pape Libère vint aussi les réconforter[13].

Les persécutions ne cessèrent pas avec le concile. Dans la plupart des villes, les magistrats municipaux, en vertu d'ordres reçus de la part de l'empereur, renouvelèrent auprès du clergé inférieur et des fidèles, à l'effet d'obtenir d'eux la communion avec les ariens, les scènes de violence qui s'étaient produites à Milan. Beaucoup faiblirent, et cependant, remarque Athanase, le peuple n'était pas arien ; tout au contraire les fidèles redoutaient l'hérésie d'Arius comme un serpent venimeux[14] ; mais la force les faisait plier presque tous.

 

III

Trois hommes cependant restaient encore debout et libres devant le tyran : c'étaient le pape Libère, le vénérable Osius, presque centenaire, et Athanase. Constance résolut de les courber devant lui ou de les briser.

Il s'adressa d'abord au pape. Il lui envoya un de ses familiers les plus intimes, l'eunuque Eusèbe, avec ordre d'obtenir de lui la condamnation d'Athanase et la communication avec les ariens. Libère refusa d'accéder à l'une et à l'autre demande. L'eunuque insista, offrit de l'or, qui fut repoussé avec indignation, porta cet or dans l'église de Saint-Pierre. Le pape défendit au trésorier de l'église de recevoir cette offrande. Eusèbe s'emporta, et partit pour Milan en proférant d'horribles menaces.

Peu de temps après, Libère était arrêté de nuit et conduit sous bonne garde à la cour impériale. Théodoret nous a laissé une esquisse du dialogue qui eut lieu entre le pape et l'empereur[15]. Tu dois exclure Athanase de ta communion, dit Constance. Un concile a excommunié cet homme. — Les jugements, pour être exécutoires, répondit Libère, doivent être justes. Soumets Athanase à un tribunal siégeant et jugeant selon les règles du droit ecclésiastique. — Mais il a été déjà condamné par l'univers entier, reprit l'empereur. Ceux qui ont souscrit à sa condamnation, répliqua Libère, ignorent les faits. Les uns ont agi par ambition, les autres par crainte. Eh quoi ! s'écria alors l'empereur, tu prends seul le parti d'un impie contre le monde entier !Aux temps anciens, ils n'étaient que trois, dit le pape, et ils résistèrent. L'eunuque Eusèbe, qui assistait à l'entretien, prit alors la parole : Tu oses donc prendre notre empereur pour Nabuchodonosor !Il s'inquiète bien, ricana un évêque arien, qui se trouvait là, Epictète, il s'inquiète bien de la foi. Il tient à se vanter devant les sénateurs de Rome d'avoir tenu tête à un souverain. Libère demeura inflexible. On lui accorda un délai de trois jours pour se décider. Il le refusa, ainsi que les secours pécuniaires que l'empereur, l'impératrice et l'eunuque Eusèbe lui firent proposer. L'empereur, espérant que l'exil, les privations, l'isolement de tous ses amis, finiraient par vaincre sa fermeté, le fit conduire dans la ville de Bérée, en Thrace, loin de tous ses amis et de ses compagnons d'infortune, et le confia à l'un des chefs du parti arien, l'évêque Démophile. Puis il donna ordre d'installer à sa place, sur le siège pontifical, le diacre Félix[16].

On pensa avoir plus facilement raison du vieil Osius. Le grand âge de l'évêque de Cordoue, les importants événements auxquels il avait pris part, les cicatrices de ses blessures reçues pour la foi, lui donnaient un ascendant considérable sur le monde chrétien. On l'appelait le prince des conciles, le père du symbole de Nicée. Constance le manda auprès de lui, et, par mille moyens, chercha à le séduire. Après avoir écouté l'empereur, le vieillard prit la parole. Non content de refuser toute concession, il reprocha vivement au souverain sa conduite, et lui parla avec une si émouvante autorité, que Constance, vivement impressionné, l'autorisa à retourner en Espagne. Plus tard, les ariens, mécontents de cette solution, ayant insisté auprès de l'empereur, celui-ci écrivit à Osius plusieurs lettres pour le presser de condamner l'évêque d'Alexandrie. Le vieil évêque finit par lui adresser une réponse qui débutait ainsi : Osius à Constance, empereur : salut dans le Seigneur. La première fois que j'ai confessé Jésus-Christ, c'était dans la persécution de Maximien Hercule, ton aïeul. Si tu veux me persécuter toi aussi, je suis prêt à tout souffrir plutôt que de trahir la vérité... Crois-moi, n'écris plus comme tu l'as fait. Ne suis pas Arius. N'écoute pas les gens d'Orient... Change de conduite. Songe à la mort et au jugement... Dieu t'a donné l'empire, et à nous l'Eglise. Ne t'ingère pas dans nos affaires, car il est écrit : Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu[17]. Constance se fit amener à Sirmium le vénérable évêque, et l'y retint exilé, en proie à toutes sortes de mauvais traitements[18].

Restait Athanase. Le réduire par des menaces ou par des promesses paraissait impossible. S'emparer de lui par un coup de main ne le semblait pas moins. Sa popularité était immense. L'émotion soulevée par son arrestation serait d'autant plus grande, que Constance, au su de tous, s'était solennellement engagé à ne jamais l'abandonner. Athanase ne pouvait sortir d'Alexandrie que par sa propre volonté ou par celle de ses amis. Il fallait donc mettre en mouvement l'une ou l'autre. Au début du mois de février 356, on provoqua une émeute dans Alexandrie. Pendant la nuit du 8 au 9 février, cinq mille hommes, conduits par le duc Syrianus, personnage dévoué aux ariens, cernèrent l'église de Théonas, où l'évêque célébrait un de ces offices nocturnes appelés vigiles. Des gens recrutés dans la lie du peuple, mêlés aux soldats, font tout à coup irruption dans l'église. Plusieurs fidèles sont tués, beaucoup sont blessés. Athanase, assis sur son siège épiscopal, refuse de quitter sa place ; mais le peuple, refoulé par les bandits, le presse ; ses amis le dégagent à grand'peine, le conduisent, à demi étouffé, hors de l'enceinte, et, de là, hors de la ville, où on le tient caché. Le but de l'empereur est atteint. On pourra dire qu'Athanase a pris la fuite et disposer de son siège en faveur d'un arien[19].

On y installa un certain Georges de Cappadoce, homme grossier et brutal, qu'on vit, aux fêtes de Pâques de 357, entrer dans une église à la tête d'un corps de troupe, comme on entre dans une citadelle. Pendant dix-huit mois ce fut, dans Alexandrie, la terreur sans trêve pour tous les amis d'Athanase.

De celui-ci, on ne sut, pendant quelque temps, ce qu'il était devenu. Après s'être caché quelques jours aux environs d'Alexandrie, il s'était dirigé vers les déserts de la Haute-Egypte. Les moines accueillirent comme un père celui que saint Pacôme avait tant honoré et à qui saint Antoine mourant avait légué sa tunique. Toujours fugitif, toujours poursuivi, mais toujours protégé par l'indéfectible et silencieuse fidélité de ses hôtes, dont plusieurs se laissèrent torturer plutôt que de le trahir[20], il erra, pendant tout le reste du règne de Constance, c'est-à-dire pendant six ans, de déserts en déserts. Plus d'une fois, ses ennemis furent près de l'atteindre. Le dévouement de ses amis, son admirable sang-froid, une protection particulière de la Providence l'arrachèrent à tous les dangers. Un soir qu'il remontait le Nil en barque, il entendit derrière lui un bruit de rames. C'était la galère de la police impériale. On l'appelait : Avez-vous vu Athanase ?Je crois bien, répondit-il en dissimulant sa voix. Il est devant vous, ramez fort. La galère le dépassa aussitôt, et, virant de bord, il regagna sa retraite.

Le saint évêque se plaisait à partager la vie et les austérités des cénobites et des solitaires. Fréquemment invité à leur adresser la parole, tantôt il leur prêchait l'amour de la vie intérieure et de l'étude, tantôt il leur faisait le récit animé de ses luttes contre les ariens, tantôt il leur racontait des traits de la vie de leur saint patriarche Antoine, qu'il avait si bien connu et tant aimé. Son Histoire des ariens, si vivante et si pittoresque ; sa Vie de saint Antoine, si touchante et si simple, conservent encore la saveur des entretiens où il ébaucha ces deux ouvrages. Il écrivit d'autres livres au désert ; son Apologie pour sa fuite, ses Lettres à Sérapion, sa Lettre sur la mort d'Arius, ses Lettres aux moines, son livre des Synodes, où il fit des avances à la fraction modérée de ses adversaires, et cette Apologie à l'empereur Constance, si fière et si digne, où, après avoir multiplié les raisonnements, les faits, les vraisemblances, qui démentent les calomnies portées contre lui, le patriarche, sans se plaindre de son exil et de ses souffrances, supplie Dieu d'éclairer l'esprit de son empereur. On aura une idée de la verve de cet écrit par ce passage, dans lequel il se défend d'avoir correspondu avec l'usurpateur Magnence : Tu me reproches d'avoir écrit à cet infernal Magnence. Le Christ m'est témoin que je ne le connais pas. D'ailleurs comment aurais-je pu commencer une lettre à cet homme ? Est-ce en lui disant : Tu as bien fait de tuer celui qui me comblait d'honneurs ; ou bien : Je t'aime, d'avoir égorgé ceux qui à Rome m'étaient si dévoués.

 

IV

La voix d'Athanase n'était, d'ailleurs, plus la seule à se faire entendre à l'empereur pour lui rappeler ses devoirs envers 1'Eglise. En 355, au plus fort de la persécution, alors que Constance, ayant exilé Libère et Osius, méditait de se défaire d'Athanase, une éloquente protestation lui était venue de l'Occident, moins vive dans sa forme que celle de l'évêque d'Alexandrie, mais non moins forte et non moins pressante. Heureux Auguste, lui disait-on, je t'en supplie, non avec des paroles, mais avec des larmes, ne laisse pas outrager plus longtemps l'Eglise catholique... Il n'est pas juste de contraindre par la force des hommes à s'assujettir à des maîtres qui sèment partout les germes impurs d'une doctrine adultère. Les évêques sont emprisonnés, les laïques enchaînés, les vierges outragées... Nous demandons surtout à ta Piété que ces confesseurs éminents, ces évêques, qui ont été envoyés en exil ou qui ont cherché un refuge dans les déserts, puissent remonter sur leurs sièges, et qu'ainsi règnent partout la liberté et la joie. Suivait un éloge des principales victimes de la persécution : Paulin de Trèves, Denys de Milan, Lucifer de Cagliari, Eusèbe de Verceil, Athanase d'Alexandrie[21].

L'auteur de cette supplique courageuse était un jeune évêque, que le choix du peuple et du clergé venait de placer à la tête du diocèse de Poitiers. Un bourg de la Gaule avait vu naître, entre 310 et 320[22], celui qu'on devait surnommer le Rhône de l'éloquence latine, et l'Athanase de l'Occident. Il avait nom Hilaire, et descendait d'une noble famille païenne, qui l'avait fait élever dans le culte des lettres antiques et dans les pratiques de l'idolâtrie. Mais un jour le jeune patricien avait senti s'élever au sein de sa conscience une redoutable question : Quel est le but de la vie ? Il nous a raconté lui-même, dans son livre De Trinitate, le drame intérieur qui l'amena à la foi chrétienne. Je me disais, écrit-il, que si la vie présente ne nous a pas été accordée pour faire quelques progrès vers l'éternité, il ne faut pas la considérer comme un présent de Dieu... Mon âme s'enflammait alors d'un ardent désir de comprendre Dieu, ou du moins de le connaître[23]. Mais où trouver une parole autorisée sur Dieu ? Le jeune païen consultait les enseignements du paganisme. Les uns, dit-il, me parlaient de nombreuses familles de dieux. D'autres distinguaient de grands dieux et des dieux moindres. La plupart, en affirmant l'existence d'une Divinité, la déclaraient insoucieuse des choses humaines, ou même n'adoraient que cette nature qui se révèle dans le mouvement et le concours fortuit des atomes... Mais mon âme tenait pour certain que l'Être éternel et divin est nécessairement simple et unique, et qu'il n'a pas de principe ou d'élément hors de lui[24].

Au temps où je méditais en moi-même ces choses, ajoute-t-il, mes yeux tombèrent sur les livres que la religion des Hébreux m'offrait comme écrits par Moïse et les prophètes.

Hilaire raconte ensuite comment il trouva dans ces livres la réponse qu'il attendait, comment lui furent successivement révélés les divers attributs de la Divinité : son unité absolue, son éternité, son infinité, sa beauté souveraine et son inépuisable bonté.

Néanmoins son âme n'était pas encore pleinement satisfaite. Le problème de Dieu avait sa solution, mais celui de la destinée de l'homme et de son rapport avec Dieu n'avait pas obtenu la sienne. La lecture de l'Evangile de saint Jean la donna au jeune patricien, et la lui donna dès les premières lignes du Livre sacré. Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu... Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous. A la lecture de ces lignes, écrit Hilaire, mon esprit franchit ses propres limites, et en apprit sur Dieu plus qu'il n'osait l'espérer. Il apprit que son Créateur est Dieu de Dieu, que le Verbe est Dieu dès le commencement. Il reconnut que le Verbe s'est fait chair, qu'il a habité parmi nous, et que sa gloire a été vue, pleine de grâce et de vérité[25]. Hilaire avait découvert la vérité totale. Il ne connaissait pas encore, il ne devait connaître que plus tard, l'hérésie arienne. Mais il possédait déjà les principes qui lui serviraient à la réfuter.

Sur la date précise du baptême d'Hilaire et de son élévation à l'épiscopat de Poitiers, nous sommes réduits à des conjectures. D'après son propre témoignage, en 355 il était évêque depuis quelque temps[26]. Nous savons aussi, par lui-même, qu'au moment où les acclamations du peuple et du clergé l'appelèrent à l'épiscopat, il était engagé dans les liens du mariage. La loi de la continence était alors rigoureusement imposée aux clercs. L'épouse d'Hilaire, donnant un exemple qui a rencontré plus d'une émule, se résolut, dit son historien, à ne plus apercevoir son époux qu'à l'autel, transfiguré dans la flamme du sacrifice, et à ne plus l'aimer que comme une fille ou comme une sœur[27].

Le premier soin du nouvel évêque fut de donner à son peuple une connaissance solide de la foi chrétienne. Le premier en date de ses ouvrages, son Commentaire sur l'Evangile de saint Matthieu, paru au plus tard en 350[28], reproduit l'enseignement qu'il dut donner à ses fidèles au début de son épiscopat[29]. Mais bientôt l'écho des querelles ariennes arriva jusqu'à Poitiers. Le concile d'Arles, qui condamna saint Athanase en 355, les agissements de Saturnin, évêque d'Arles, qui voulut poursuivre le succès obtenu par le parti arien et imposer l'erreur à toute l'Eglise des Gaules, éveillèrent le zèle d'Hilaire pour la foi orthodoxe. Les violences de ces hérétiques, non moins que leurs doctrines, l'indignèrent. Il convoqua une assemblée d'évêques gaulois, et les décida à se séparer de la communion des ariens. Puis il écrivit à l'empereur Constance la courageuse épître dont il a été parlé plus haut.

Saturnin répondit à cette excommunication en dénonçant Hilaire à Constance comme un agitateur dangereux ; puis, d'accord avec Ursace et Valens, il convoqua un concile à Béziers pour les premiers mois de l'année 356. Hilaire et les évêques orthodoxes s'y rendirent et cherchèrent même à y défendre la cause d'Athanase. Mais Saturnin et ses amis ne voulurent rien entendre sur ce point. Ces gens-là, dit saint Hilaire, auraient voulu tromper le Christ lui-même [30]. La division de l'épiscopat des Gaules en deux fractions persista, et, bientôt après, Saturnin eut la joie de voir paraître un édit de Constance exilant en Phrygie Hilaire de Poitiers et Rhodane de Toulouse. Celui-ci mourut peu de temps après son arrivée au lieu de sa relégation. Hilaire, qui devait rester trois ans exilé, employa ce temps à mûrir ses idées théologiques, à rédiger son grand ouvrage De Trinitate et à composer ses premières Hymnes. Le De Trinitate, dont le titre primitif était De fide contra Arianos, fut composé de 356 à 359. Un ardent enthousiasme pour la foi de l'Eglise, dit Bardenhewer, inspire et pénètre tout cet ouvrage, le plus accompli que nous offre l'histoire des controverses ariennes. La métaphysique des Pères grecs sert à Hilaire de point de départ, mais elle se développe chez lui d'une façon absolument personnelle et originale. Il attache un grand prix à la force et à la dignité de l'expression ; et s'il n'est pas partout facile à comprendre, c'est moins l'effet d'une langue obscure que d'une pensée profonde et hardie[31].

Hilaire était poète autant que philosophe. En écoutant, en Phrygie, le chant des hymnes grecs, il eut l'inspiration de ses premières compositions lyriques. Trois compositions poétiques d'Hilaire, récemment découvertes[32], nous donnent une idée de la sobre élégance de sa poésie. Voici quelques strophes de son Hymne du matin : Ô toi qui es l'astre véritable du matin, non pas celui dont la lueur avare annonce la pâle aurore, — Toi qui brilles plus que le soleil, Toi qui es le plein jour et la lumière souveraine, viens éclairer l'intime de mon âme !Viens, Créateur du monde, rayon de la lumière paternelle, viens, et que ta grâce pénètre, pour les sanctifier, nos cœurs eux-mêmes. L'Hymne du soir débute ainsi : Je suis indigne de lever vers les brillantes étoiles mes yeux infortunés, que le poids lourd de mes fautes abaisse vers la terre. Ô Christ, aie pitié de ceux que tu as rachetés. — J'ai omis le bien que je devais accomplir ; j'ai fait le mal sans me lasser. Ô Christ, viens à mon secours. Suit cette strophe où l'anathème à l'hérésie vient se mêler au cri de la pénitence : En te chantant cette hymne d'une bouche fidèle, je maudis les Masphèmes d'Arius et de Sabellius. Jamais je n'ai prêté une oreille attentive aux paroles impies de ces nouveaux Simon.

 

V

Si, du fond de l'exil, les voix d'Hilaire et d'Athanase se faisaient encore entendre pour réfuter et maudire Arius, parmi les évêques en fonctions nul n'osait plus se faire l'écho de ces réfutations et de ces anathèmes. La terreur s'était répandue en tout l'empire. Saturnin, Ursace et Valens en Occident, Basile d'Ancyre, Eustathe de Sébaste et Georges de Laodicée en Orient, exerçaient sur leurs collègues une sorte de police, insolente et tracassière. Tout prélat suspect d'attachement à la formule de l'omoousios ou de sympathie envers Athanase, était dénoncé comme coupable de sabellianisme et de trahison envers l'empire. Toute dénonciation était suivie de sanctions terribles et promptes. L'exil du pape Libère, de Paulin de Trèves, d'Athanase, d'Hilaire, de tant d'autres, en étaient des exemples frappants. Humainement, la cause de l'orthodoxie semblait perdue.

Cependant la victoire de l'arianisme, à mesure qu'elle apparaissait plus assurée, accusait des divisions profondes parmi les hétérodoxes. A mesure que les liens créés et maintenus par une campagne commune venaient à se relâcher, la diversité des tendances et des doctrines apparaissait parmi les ennemis d'Athanase et d'Hilaire. Au nombre de ceux-ci se trouvaient d'abord des ariens purs, qui ne reniaient rien des théories de l'hérésiarque, mais que les circonstances avaient obligés à dissimuler leurs théories. Ils reparurent avec la logique de leurs déductions hérétiques, ayant à leur tête Aetius et Eunomius. Aetius était un ancien orfèvre ou forgeron, qui, surpris en flagrant délit de vol d'un objet précieux, avait été obligé de quitter sa profession, et s'était adonné à l'étude de la médecine et de la philosophie d'Aristote. S'étant découvert des qualités remarquables de dialecticien, il s'en servit pour pousser jusqu'à leurs conséquences les plus extrêmes les idées d'Arius, et n'hésita pas à combattre ouvertement les chefs du parti eusébien, Basile d'Ancyre et Eustathe de Sébaste. Il avait, entre temps, gagné la confiance du césar Gallus et obtenu d'être le catéchiste de son jeune frère, Julien, le futur Apostat.

Aetius n'était que diacre. Mais ses doctrines prirent bientôt une importance considérable dans l'Eglise par l'élévation, d'un de ses disciples, Eunomius, au siège épiscopal de Cyzique en Mysie. Eunomius avait essayé, dans sa jeunesse, de diverses carrières, et ne s'était

fixé à l'état ecclésiastique qu'après ses premières relations avec Aetius, en 356. Son influence fut bientôt si grande, que l'on commença à appeler eunoméens ceux qui professaient l'arianisme rigide et que jusque-là on avait nommés aétiens. Ils reçurent aussi les noms d'anoméens, parce qu'ils soutenaient que le Fils n'est pas semblable à Dieu (anomoios), hétérousiens, parce qu'ils enseignaient qu'il est d'une autre substance (étéroousios), et excocontiens, parce qu'ils professaient qu'il a été tiré du néant (ex ouk ontôn). Au fond, les anoméens déclaraient ne pas admettre de génération en Dieu, parce qu'ils le concevaient d'une façon purement abstraite, indivisiblement un et absolument simple, à peu près à la manière dont les philosophes du XVIIIe siècle devaient concevoir l'Être Suprême[33].

Les semi-ariens reconnaissaient pour chefs Basile d'Ancyre, le successeur de Marcel. On les appelait aussi eusébiens, parce que leur parti se rattachait par ses origines à Eusèbe de Nicomédie, et homéousiens ou homoiousiastes, parce qu'ils voulaient substituer au mot omoousios, ou consubstantiel, du Concile de Nicée, le mot omoiousios, à peu près semblable, qui n'indiquait pas avec la même précision la nature des rapports entre le Père et le Fils. Moins écartés du dogme par leur système, ils n'étaient pas moins redoutables que les anoméens, à cause de leurs intrigues, de leurs formules ambiguës et surtout de la faveur dont ils jouissaient à la cour.

Plus près de l'orthodoxie, se trouvaient rangés sous le même nom d'eusébiens, des hommes dévoués de cœur au symbole de Nicée, mais à qui on avait persuadé que le mot omoousios, consubstantiel, était dangereux, comme favorisant le sabellianisme. L'affaire de Marcel d'Ancyre, la condamnation de Photin, l'imprécision des mots ousia et hypostasis, substance et personne, à cette époque, avaient semblé confirmer ces assertions. Enfin des personnes trompées par les calomnies répandues sur Athanase, des gens habitués à se ranger toujours, sans examen, du côté du gouvernement, fournissaient un large appoint au parti qui se réclamait d'Eusèbe et de l'empereur. Mais la fidélité de ces derniers partisans était peu solide. Quand les eusébiens et les anoméens furent aux prises, la plupart de ceux qui ne tenaient à la secte que par des malentendus s'en détachèrent, et vinrent grossir les rangs des orthodoxes.

La première manifestation des ariens rigides fut la profession de foi connue sous le nom de deuxième formule de Sirmium. Elle fut rédigée par une assemblée d'évêques exclusivement occidentaux, pendant le séjour de l'empereur Constance à Sirmium, en 357. On y rejetait à la fois l'omoousios des nicéens et l'omoiousios des semi-ariens. On y déclarait que le Père est plus grand que le Fils, que le Fils lui est soumis en toutes choses et que le Saint-Esprit n'existe que par le Fils. Du fond de son exil, Hilaire n'hésita pas à qualifier cette formule de pur blasphème. Quant au vieil Osius, âgé de près de cent ans, que l'empereur retenait toujours exilé à la cour, on profita de l'affaiblissement de son intelligence et de sa volonté[34] pour lui faire signer le nouveau symbole. L'ancien président des conciles de Nicée et de Sardique céda, dit-on, aux brutalités que ne craignit pas d'employer à son égard Constance lui-même. C'était un succès facile et peu glorieux. Peu de temps après, l'évêque de Cordoue, sentant sa mort prochaine, anathématisa publiquement Arius, en protestant contre la violence qui lui avait était faite[35].

Cependant les semi-ariens, ne voulant pas rester sous le coup de la condamnation prononcée contre eux par l'assemblée de Sirmium, décidaient, sur la proposition de l'un d'entre eux, Georges de Laodicée, de se réunir à leur tour en concile. La réunion, composée uniquement d'évêques orientaux, eut lieu dans la ville d'Ancyre, aux fêtes de Pâques de 358, sous la présidence de Basile d'Ancyre, le personnage le plus considérable et le théologien le plus savant du parti. Elle porta plusieurs anathèmes contre les doctrines anoméennes ; puis envoya une délégation à l'empereur, toujours en résidence à Sirmium, et obtint de lui la convocation d'un nouveau concile dans cette dernière ville.

L'assemblée eut lieu dans l'été de 358, et rédigea une déclaration connue sous le nom de troisième formule de Sirmium. Cette nouvelle profession de foi, dirigée contre les anoméens, ne contenait rien que d'orthodoxe dans ses expressions, mais n'employait pas cependant, pour définir les relations entre le Père et le Fils, le mot omoousios. Ce concile et cette formule ne mériteraient pas de retenir longtemps notre attention, si l'historien Sozomène ne mentionnait à ce propos un incident que l'histoire ne peut passer sous silence. A en croire cet auteur, qui paraît avoir eu sur cette affaire des documents officiels et de première main[36], on vit arriver dans cette troisième assemblée de Sirmium, presque exclusivement composée des prélats qui entouraient l'empereur[37], un étranger dont la présence donna subitement au synode une importance spéciale. C'était le pape Libère, l'exilé de Bérée. Constance venait de mettre fin à son exil, et lui avait demandé de prendre part à l'assemblée de Sirmium. Peut-être même le concile n'avait-il été convoqué qu'à cause de lui. On commença par lui demander, — c'est toujours Sozomène qui parle, — de condamner la doctrine de l'omoousios, c'est-à-dire de la consubstantialité du Verbe. Le vieux pontife refusa. Alors Basile d'Ancyre, Eustathe de Sébaste et Eleusis de Cyzique lui expliquèrent que ce mot d'omoousios était bien dangereux, qu'il avait servi à Paul de Samosate et à Photin pour propager leurs erreurs, que deux conciles d'Antioche l'avaient repoussé. Le pape se rendit à ces raisons, et signa la formule. Toutefois, il jugea nécessaire de déclarer que quiconque n'accorde pas que le Fils est, quant à la substance et en tout, semblable au Père, doit être exclu de l'Eglise[38]. Tel est, dans les termes mêmes de l'historien le plus explicite à ce sujet, le fameux incident de la chute du pape Libère, au troisième concile de Sirmium. Le simple exposé des faits montre surabondamment que le vieux pontife, en apposant sa signature, par ignorance ou par crainte, au bas d'une formule rédigée par des semi-ariens, n'abandonna rien de la foi orthodoxe. Encore moins pourrait-on dire qu'il prétendit donner ce que l'Eglise appelle une définition de foi ex cathedra. Mais cette concession du pape à l'assemblée de Sirmium n'avait-elle pas été précédée d'une défaillance à Bérée ? C'est une autre question, beaucoup moins claire.

Saint Athanase, dans son Histoire des ariens, écrite pour les moines d'Egypte, déclare que Libère, au bout de deux ans d'exil, tomba, qu'effrayé par les menaces de mort, il signa[39]. Saint Hilaire, dans son invective Contra Constantium, s'écrie : Tu as porté la guerre jusqu'à Rome, tu en as arraché l'évêque, et, malheureux, je ne sais si tu n'as pas été plus impie en l'y renvoyant qu'en l’exilant[40]. Dans les Fragments historiques de saint Hilaire, qui ne sont, parait-il, que les débris d'un vaste ouvrage sur l'histoire des conciles de Rimini et de Séleucie[41], se trouvent des témoignages encore plus significatifs[42]. Il résulterait de ces documents que Libère, fatigué de son exil, circonvenu par l'évêque arien Démophile, aurait obtenu sa libération et son retour à Rome en promettant de se séparer d'Athanase et de communiquer avec les semi-ariens. Bossuet, qui, avec Fleury et Tillemont, croyait à la portée de tous ces témoignages telle que nous venons de l'indiquer, n'en tremblait pas pour l'honneur de l'Eglise romaine : Que dirons-nous de la chute de Libérius, écrit-il dans sa Seconde instruction pastorale sur les promesses de l'Eglise. L'Eglise conserva-t-elle sa succession lorsqu'un pape rejeta la communion d'Athanase, communia avec les ariens, et souscrivit à une confession de foi quelle qu'elle soit, où la foi de Nicée était supprimée ? Pouvez-vous croire, mes frères, que la succession de l'Eglise soit interrompue par la chute d'un seul pape, quand il est certain dans le fait que lui-même il n'a cédé qu'à la force ouverte, et que de lui-même aussi il est retourné à son devoir ?... Tout acte qui est extorqué par la force ouverte est nul de tout droit et réclame contre lui-même... Il est certain, du reste, que ce pape, après un égarement de quelques mois, rentra dans ses premiers sentiments et acheva son pontificat, qui fut long, lié de communion avec un saint Athanase, avec un saint Basile et les autres de pareil mérite et de pareille réputation. On sait qu'il est loué par saint Epiphane et par saint Ambroise, qui l'appelle par deux fois le pape Libérius de sainte mémoire[43].

Depuis Bossuet, la critique a soumis à une révision sérieuse les documents sur lesquels s'appuyaient Tillemont et Fleury. Héfélé a nié l'authenticité des fragments attribués à saint Hilaire. Des critiques plus récents l'ont suivi dans cette voie et ont même vu des interpolations ariennes dans les témoignages de saint Athanase et des autres auteurs cités plus haut. Il leur a paru que Constance, en rappelant Libère de l'exil, n'avait fait que céder aux instances de la population romaine, ainsi que Sozomène le raconte[44]. L'enthousiasme avec lequel le pape fut accueilli à son retour d'exil, au dire de Socrate, semble corroborer cette opinion[45]. Aurait-on fêté de la sorte un pape qui aurait dû sa libération à une défaillance de doctrine ? Bref, le savant éditeur du Liber pontificalis, tout en opinant pour la défaillance du pape à Bérée, reconnaît que l'opinion contraire peut se plaider[46] ; et il paraît bien en effet que cette chute n'est pas démontrée par des arguments dont chacun soit sans réplique[47].

 

VI

Le concile de Sirmium terminé, Constance, écrit Sozomène, renvoya le pontife à Rome. En même temps, les évêques réunis à Sirmium écrivirent à Félix, qui occupait le siège pontifical, et au clergé romain, de recevoir Libère, lequel administrerait l'Eglise de concert avec Félix. Oubliez, disaient-ils, tous les dissentiments qui ont pu naître à l'occasion de l'élection de Félix et de tout ce qu'il a pu faire en l'absence de Libère. Mais les Romains professaient pour l'illustre et grand Libère une vénération profonde. Ils l'aimaient d'autant plus qu'il avait résisté plus énergiquement en matière de foi aux volontés de l'empereur[48]. Une véritable émeute eut lieu dans la ville en faveur de Libère[49]. Théodoret ajoute à ce récit quelques détails pittoresques. Il dit qu'à la lecture du rescrit impérial ordonnant que Libère et Félix gouverneraient tous deux l'Eglise, le peuple éclata en acclamations ironiques. Bien, criait-on, ce sera comme au cirque, il y aura un pape pour chaque couleur ! Puis la moquerie fit place à l'indignation. On entendit le peuple s'écrier, tout d'une voix : Un Dieu ! Un Christ ! Un évêque ![50] Félix, conclut Sozomène, survécut peu à ces événements. La Providence de Dieu le permit sans doute pour que le siège de Pierre ne fût pas déshonoré par la compétition de deux pontifes, dont la présence simultanée eût été aussi contraire aux canons ecclésiastiques que funeste à l'ordre et à la charité[51].

Si les semi-ariens ne pouvaient se vanter d'avoir gagné le pape, du moins ils avaient remporté sur les anoméens, ou ariens rigides, une vraie victoire. Ils s'empressèrent d'en profiter. Basile d'Ancyre se servit du crédit qu'il avait à la cour, auprès de plusieurs femmes de qualité, pour faire prendre des mesures de rigueur contre les principaux chefs du parti anoméen. Aetius et Eunomius furent envoyés en Phrygie ; soixante-dix de leurs partisans furent exilés. A la suite de ces événements, plusieurs de ceux qui professaient l'arianisme radical l'abandonnèrent pour se ranger parmi les semi-ariens. De ce nombre fut l'évêque de Constantinople, Macédonius, qui devait devenir plus tard le chef de la secte qui porte son nom[52].

Mais l'empereur, en dehors de qui la plupart des mesures de rigueur avaient été prises, les désapprouva. De si ardentes discussions ne pouvaient que troubler la tranquillité de l'empire. Il rappela les exilés, et résolut de réunir les évêques des divers partis en un concile, espérant, par ce moyen, sinon réaliser l'union complète, du moins apaiser les querelles. Il songeait à un second concile de Nicée. Une ruse de Basile d'Ancyre, qui persuada à Constance de réunir les évêques en deux conciles différents, fit tourner à la désunion ce projet, conçu dans un but de conciliation.

Cependant les anoméens présents à la cour, redoutant à bon droit que les semi-ariens ne se préparassent à faire condamner leurs doctrines, se hâtèrent de proposer à l'épiscopat, avant de quitter la capitale, un symbole de foi à double entente. Ce fut la quatrième formule de Sirmium. Un de leurs chefs les plus habiles, Marc d'Aréthuse, la rédigea dans la nuit du 21-22 mai 359[53]. Le principal passage du nouveau symbole était celui-ci : Nous croyons que le Fils est semblable au Père en tout, suivant les Ecritures. Ces deux mots en tout, κατά πάντα, visaient-ils seulement la similitude de toutes les facultés, selon la doctrine anoméenne, ou la similitude de la substance elle-même, l'omoiousios des semi-ariens ? Là était l'équivoque. Basile le pressentit, et prépara dès lors ses arguments pour combattre l'interprétation de ses adversaires[54].

Tandis qu'anoméens et semi-ariens s'entre-déchiraient, des voix de pacification se faisaient entendre. Elles émanaient des orthodoxes. Elles venaient de l'exil. Du fond des déserts de la Haute-Egypte, Athanase écrivait : Ceux qui acceptent tout ce qui a été dit à Nicée, tout en conservant des scrupules sur l'omoousios, ne doivent pas être traités en ennemis... Je discute avec eux comme un frère avec des frères[55]. De sa solitude de Phrygie, l'évêque de Poitiers faisait écho au patriarche d'Alexandrie : Le mot consubstantiel, disait-il, ne doit être ni légèrement omis ni enseigné sans explication. On peut le dire avec piété ; il n'y a pas non plus d'impiété à l'omettre quand on ne le comprend pas[56].

Cependant l'empereur, circonvenu par Basile d'Ancyre, avait décidé de réunir simultanément deux conciles : l'un à Rimini, en Italie, pour les Occidentaux, et l'autre à Séleucie, en Isaurie, pour les Orientaux. La tactique de Basile était surtout dirigée contre les anoméens, dont on divisait ainsi les forces ; mais elle devait avoir aussi pour effet d'accuser davantage la scission entre les orthodoxes, en majorité dans l'Occident, et les semi-ariens, presque tous en Orient.

Le concile de Rimini se tint pendant l'été de 359. Le pape Libère ne s'y rendit point et n'y fut pas représenté. Il est douteux qu'il y ait été invité[57]. Valens y présenta la fameuse formule de Sirmium souscrite par Libère, mais sans la réserve que le pape y avait ajoutée. La majorité du concile déclara le symbole de Nicée suffisant, et maintint le mot consubstantiel, comme affirmant seul sans ambages l'absolue divinité du Christ. Les dissidents se retirèrent alors, et tinrent une assemblée à part. Impatient de ces longueurs, Constance contraignit les évêques, par violence et par ruse, à signer un symbole qui reproduisait à peu près la troisième formule de Sirmium. Vingt d'entre eux, sur plus de quatre cents, résistèrent jusqu'au bout, et ne donnèrent leurs signatures que moyennant certaines additions qui condamnaient l'arianisme. On se sépara, chaque parti croyant l'avoir emporté, les ariens à cause du symbole, les orthodoxes à cause des additions[58].

A Séleucie, où Hilaire s'était rendu, ne craignant pas de communiquer avec les semi-ariens, les discussions s'ouvrirent vers le milieu de septembre. L'incident le plus remarquable de l'assemblée fut l'intervention des partisans d'Acace le Borgne, évêque de Césarée, constitués en secte sous le nom d'acaciens. Ils se séparaient à la fois des orthodoxes par le rejet du mot omoousios, consubstantiel ; des semi-ariens par le rejet de l'omoiousios, semblable en substance ; des anoméens par celui de l'anomoios, dissemblable. Ils s'en tenaient au terme d'omoios, semblable, d'où leur nom d'oméens. Ils déclaraient, du reste, entendre ce mot d'une similitude de volonté, et non de substance. En d'autres termes, pour eux, dire que le Christ était Dieu, c'était dire que sa volonté s'était complètement conformée et adaptée à la volonté de Dieu. Ils formaient, en somme, un parti moyen entre les ariens stricts et les semi-ariens. Ce fut ce tiers parti qui finalement, à force d'intrigues, l'emporta.

La situation se compliquait de plus en plus. L'empereur était plus irrité que jamais. Sa colère fut portée à son comble par l'apparition de deux écrits violents, publiés en 359 ou 360, ayant pour titre : De non consentiendo cum hæreticis et De regibus apostaticis. Le premier soutenait que les catholiques devaient fuir tout commerce avec les sectateurs d'Arius ; le second prédisait à Constance le sort des rois impies et idolâtres d'Israël. L'un et l'autre avaient pour auteur un évêque de Sardaigne, Lucifer de Cagliari, orthodoxe fougueux, qui, au concile de Milan, avait été un des plus intrépides adversaires des ariens. Ardent orateur, polémiste infatigable, successivement exilé en Cappadoce, en Comagène, en Cœlésyrie, en Palestine et enfin en Egypte, sans que jamais les menaces, les emprisonnements, les voies de fait eussent eu raison de son obstination à combattre l'hérésie, il avait voué aux ariens et à tous leurs fauteurs ou protecteurs une haine implacable. La modération d'Athanase et d'Hilaire lui paraissait une faiblesse. Il devait plus tard, lorsque le pape eut décidé de réconcilier et même de laisser en fonctions les ariens repentants, se séparer de l'Eglise avec éclat et fonder la secte des lucifériens.

L'empereur décida d'obtenir l'unité religieuse, coûte que coûte. A force de pression, il fit souscrire aux évêques d'Orient comme à ceux d'Occident un même symbole, ambigu dans sa forme, qui, parce qu'il avait été signé par les évêques occidentaux, à Nice ou Nikè, en Thrace, reçut le nom de symbole de Nikè. Il n'y eut que le pape Libère et quelques autres pour refuser de le souscrire. C'est en rapportant ce fait que saint Jérôme s'écrie, non sans exagération : Le monde alors gémit et s'étonna de se trouver arien[59].

Les acaciens, qui étaient les vrais triomphateurs, s'empressèrent de profiter de la victoire. A l'occasion de la dédicace d'une église à Constantinople, ils réunirent un synode, où se rencontrèrent soixante-douze évêques. A côté d'Acace et de ses lieutenants, se trouvait le célèbre Ulphilas, qui avait introduit l'arianisme dans la nation des Goths. On y confirma solennellement le symbole de Nikè, sous une forme un peu différente. Puis les acaciens s'en prirent successivement aux anoméens et aux semi-ariens. Ils obtinrent d'abord de l'empereur l'exil d'Aetius, chef des anoméens. Ils firent ensuite exiler les chefs des semi-ariens : Basile d'Ancyre, Eustathe de Sébaste, Eleusis de Cyzique, Macédonius de Constantinople. Le triomphe des acaciens ne devait pas cependant être long. Deux ou trois ans plus tard, sous le règne de Julien l'Apostat, le parti d'Acace, à moitié désagrégé, se ralliait au parti des ariens rigides. La victoire de l'arianisme, pris dans son ensemble, n'était pas, au fond, malgré les apparences, bien plus solide. La mort de Constance, son puissant protecteur, en 361, lui enleva son plus ferme appui, et détermina sa ruine dans l'empire romain. On se rendit mieux compte alors de l'inconsistance de sa doctrine et de son organisation. Le bruit dont il avait rempli le monde n'avait été souvent que l'éclat de ses propres divisions.

 

 

 



[1] Il s'agit du concile tenu à Milan en 347.

[2] S. ATHANASE, Des synodes, ch. XXVII ; P. G., t. XXVI, col. 735. Voir les vingt-sept anathèmes dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, 853-861.

[3] SOCRATE, Hist. ecclés., l. II, ch. XXX ; P. G., t. LXVII, col. 290 et s. La condamnation de Photin devait être confirmée par plusieurs conciles, en particulier par le IIe concile œcuménique. (MANSI, III, 386, 560 ; XII, 41.)

[4] S. ATHANASE, Apologie à Constance ; P. G., t. XXV, col. 595 et s.

[5] Il s'agit de la fameuse lettre Studens pacis, P. L., t. X, col. 678 et s. Sur le caractère apocryphe de cette lettre, voir Dom COUSTANT, le savant éditeur de saint Hilaire, P. L., t. X, col. 679, et HÉFÉLÉ-LECLERCQ, H. des Conciles, t. I, p. 865-866. La lettre Studens pacis serait-elle authentique, ainsi que Mgr Duchesne et le P. Feder, S. J., inclinent à le penser, qu'on ne pourrait y voir la preuve des faits qu'elle mentionne. Car cette lettre, rédigée, plusieurs années après l'événement, par le pape, ou plutôt par un de ses secrétaires, qui sollicitait la fin de l'exil du pape, aurait eu simplement pour but, selon la remarque du savant prélat, de présenter comme ancienne, afin de mieux gagner l'empereur, la rupture récente de Libère avec Athanase. (DUCHESNE, Libère et Fortunatien, dans les Mélanges d'archéologie et d'hist. de l'Ecole française de Rome, 1908, p. 31.)

[6] S. HILAIRE, Fragments, V, n. 2 ; P. L., t. X, col. 683 ; S. ATHANASE, Apologie à Constance, ch. XIX-XX ; P. G., t. XXV, col. 620.

[7] MANSI, t. III, col. 200 ; S. HILAIRE, Fragments, VI, n. 2, 3 ; P. L., t. III, col. 687, 688.

[8] Hist. générale du Languedoc, t. I, l. III ; Hist. litt. de la France, t. I.

[9] Aujourd'hui Belgrade.

[10] Valens, évêque de Mursa en Mésie, au moment où Magnence y subit sa décisive défaite, avait annoncé, dit-on, l'événement à Constance comme s'il le tenait d'un ange, et s'était ainsi concilié la faveur impériale. (SULPICE-SÉVÈRE, Hist., 38 ; P. L., t. XX, col. 150.)

[11] S. HILAIRE, Fragments, VI, n. 3 ; P. L., t. X, col. 688 ; MANSI, t. III, col. 201.

[12] Voir la traduction de cette lettre importante dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, 871-872, en note.

[13] Voir cette lettre dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, 876.

[14] S. ATHANASE, Hist. des ariens, n. 41 ; P. G., t. XXV, col. 741.

[15] THÉODORET, Hist. ecclés., l. II, ch. XIII ; P. G., t. LXXXII, col. 1033. SOZOMÈNE a eu aussi sous les yeux le procès-verbal de cette entrevue, Hist. ecclés., l. IV, ch. XI.

[16] S. ATHANASE, Hist. des ariens, ch. LXXV, P. G.,  t. XXV, col. 784 ; SOZOMÈNE, H. E., l. IV, ch. XI, P. G., t. LXVII, col. 481.

[17] S. ATHANASE, Hist. des ariens, ch. XLII-XLV, P. G., t. XXV, col. 784 et s. Dom LECLERCQ, dans l'Espagne chrétienne, p. 112-116, a donné la traduction intégrale de la lettre d'Osius.

[18] Dom LECLERCQ, op. cit., p. 116.

[19] Voir le récit de cette scène, écrit par saint Athanase, dans Dom LECLERCQ, les Martyrs, t. III, p. 48-57.

[20] Acta sanctorum, t. III, maii, p. 330. Cf. Annales du Musée Guimet, t. XVII, p. 679 et s.

[21] S. HILAIRE, Ad Constantium, l. I, n. 6.

[22] LARGENT, Saint Hilaire, Paris, 1902, p. 1. Saint Hilaire dut naître aux environs de Poitiers.

[23] S. HILAIRE, De Trinitate, l. I, n. 9 ; P. L., t. X, col. 25 et s.

[24] S. HILAIRE, Ad Constantium, t. I, n. 4.

[25] S. HILAIRE, Ad Constantium, t. I, n. 10.

[26] S. HILAIRE, De Synodis, 91 ; P. L., t. X, col. 545.

[27] LARGENT, Saint Hilaire, p. 19. La charmante lettre de saint Hilaire à sa fille Aora, donnée par la Patrologie latine, est une composition postérieure ; la lettre authentique est perdue.

[28] BARDENHEWER, les Pères de l'Eglise, t. II, p. 277.

[29] Pour la science exégétique, Hilaire fut un initiateur en Occident. On ne connaît, avant lui, d'autres commentateurs que Victorin de Pettau, Rhétice, évêque d'Autun, et Fortunatien, évêque d'Aquilée. Or, de Victorin de Pettau il ne nous reste rien, sinon une refonte faite par saint Jérôme de son commentaire de l'Apocalypse. Quant aux commentaires de Rhétice et de Fortunatien, ils sont perdus. Saint Jérôme, qui les avait sous les yeux, déclarait n'en être pas satisfait.

[30] S. HILAIRE, Contra Constantium, n. 2. Sur le concile de Béziers, voir C. DOUAIS, l'Eglise des Gaules et le conciliabule de Béziers, in-8°, Poitiers, 1875.

[31] BARDENHEWER, les Pères de l'Eglise, t. II, p. 274-275.

[32] Elles ont été publiées à Rome, en 1887, par M. GAMURRINI, S. Hilarii Traotatus de mysteriis et Hymni, Roma, 1887.

[33] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, 887-895.

[34] Osius n'avait pas assisté aux derniers conciles. On ne le voit ni à Arles en 353 ni à Milan en 355. Son état de santé l'empêcha sans doute de s'y rendre.

[35] Dom LECLERCQ, l'Espagne chrétienne, p. 130.

[36] DUCHESNE, Liber pontificalis, t. I, p. 209.

[37] La cour de Sirmium parait avoir été constamment encombrée de nombreux évêques.

[38] SOZOMÈNE, H. E., l. IV, ch. XV ; P. G., t. LXVII, col. 1152.

[39] S. ATHANASE, Hist. des ariens, 41 ; P. G., t. XXV, col. 741.

[40] S. HILAIRE, Contra Constantium, II ; P. L., t. X, col. 589.

[41] Dom WILMART, Revue bénédictine, 1907, avril et juillet.

[42] S. HILAIRE, Fragments ; P. L., t. X, col. 678-681, 683-695.

[43] BOSSUET, Seconde instruction pastorale sur les promesses de l'Eglise, éd. Lachat, t. XVII, p. 217-218. On se trouverait en présence d'une défaillance pareille à celle du pape Pie VII à Fontainebleau. Voir Hist. gén. de l'Eglise, t. VII.

[44] SOZOMÈNE, H. E., l. IV, ch. XIII ; P. G., t. LXVII, col. 1149-1153.

[45] SOCRATE, H. E., l. II, ch. XXXVII ; P. G., LXVII, col. 321.

[46] DUCHESNE, Libère et Fortunatien, dans les Mélanges d'archéol. et d'hist., publiés par l'Ecole française de Rome, 1908, p. 64.

[47] Jacques ZEILLER, la Question du pape Libère, dans le Bull. d'anc. litt. et d'arch. chrét. du 15 janvier 1913, p. 51. L'opinion innocentant Libère de toute chute à Bérée et de l'abandon de saint Athanase, a été soutenue par SALTET, dans le Bull. de litt. ecclés., 1905, p. 222 et s., p. 279 et s., par le R. P. Fedele SAVIO, S. J., dans son livre la Questione del papa Liberio, Rome, 1907, et par Dom CHAPMAN dans la Revue bénédictine de janvier, avril et juillet 1910. L'opinion contraire a été maintenue par DUCHESNE, op. cit. ; Dom WILMART, Revue bénédictine, 1908, p. 360, et par le R, P. FEDER, S. J., dans son travail préparatoire aux Fragmenta de S. Hilaire, inséré dans le Corpus de Vienne. Cf. SAVIO, Novi studi sulla quest. del P. Liberio, Roma, 1909, et Punti controversi nella questione del papa Liberio, Rome, 1911.

[48] Καλόν και άγαθόν, ΰπερ τοΰ δόγματος άντειποντα τώ βασιλεΐ ; P. G., t. LXVII, col. 1152.

[49] SOZOMÈNE, H. E., l. IV, ch. XV ; P. G., t. LXVII, col. 1152.

[50] THÉODORET, H. E., l. II, ch. XIV ; P. G., t. LXXXII, col. 1153.

[51] SOZOMÈNE, H. E., l. IV, ch. XV ; P. G., t. LXVII, col. 1153.

[52] PHILOSTORGE, Hist. ecclés., l. IV, ch. VIII et IX ; P. G., t. LXV, col. 52 et s.

[53] On a nommé cette formule le credo daté.

[54] S. EPIPHANE, les Hérésies, LXXXII, n. 12-22 ; P. G., t. XLII, col. 425-444.

[55] S. ATHANASE, Des synodes, 41 ; P. G., t. XXVI, col. 766.

[56] S. HILAIRE, De synodis, 88 ; P. L., t. X, col. 540-541.

[57] Dom CEILLIER, Hist. des auteurs sacrés, t. V, p. 520.

[58] TIXERONT, Hist. des dogmes, t. II, p. 56.

[59] Tunc usiæ nomen abolitum est ; tunc nicænæ fidei damnatio conclamata est ; ingemuit totus orbis, et arianum se esse miratus est. S. JÉRÔME, Ad luciferianos, XIX ; P. L., t. XXIII, col. 172.