HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ÉGLISE

 

PREMIÈRE PARTIE. — La fin du paganisme

CHAPITRE IV. — DE LA MORT DE CONSTANTIN À LA CLOTURE DU CONCILE DE SARDIQUE. - LE PAPE SAINT JULES. (337-343).

 

 

Le pape saint Sylvestre avait précédé Constantin dans la tombe. Le Liber pontificalis, en mentionnant sa mort, le fait en des termes inusités et qui témoignent d'une grande vénération pour le saint pontife[1] : catholicus et confessor quievit[2]. Dès le siècle suivant, la mémoire de saint Sylvestre était consacrée à Rome par un édifice religieux, et son nom était associé à celui de saint Martin, le grand confesseur de l'Occident[3].

Son successeur, saint MARC, ne siégea que huit mois. Il mourut le 7 octobre 336, après avoir consacré deux nouvelles basiliques, l'une sur la voie Ardéatine[4], où ses restes reposent, et l'autre dans l'intérieur de Rome[5]. Il soutint et consola le patriarche Athanase et l'épiscopat d'Egypte[6]. Il veilla à l'exécution des décisions de Nicée[7]. Tels sont les seuls faits authentiques que nous connaissions de son pontificat[8].

JULES Ier, qui fut mis à sa place sur le siège de Pierre, le 8 février 337, devait être, pendant plus de quinze ans, l'inébranlable défenseur de saint Athanase et de la foi de Nicée. Il était originaire de Rome, et le Liber pontificalis note que, fidèle au dessein de ses prédécesseurs, de christianiser de plus en plus dans ses monuments la Ville éternelle et de pourvoir aux besoins religieux des fidèles, il construisit deux basiliques et trois cimetières[9]. Ce soin ne le détourna pas des intérêts généraux de l'Eglise. Dans les querelles que suscitera le parti d'Eusèbe, dans les conflits qui diviseront les empereurs, dans la scission qui se dessinera entre l'Orient et l'Occident, nous retrouverons ce saint pontife, guidant d'une main sûre et ferme l'Eglise universelle confiée à ses soins.

 

I

Les sinistres pressentiments qui avaient assombri les derniers moments de l'empereur Constantin ne tardèrent pas à se réaliser. Il ne nous appartient pas de raconter ici les horribles tragédies qui ensanglantèrent le palais impérial et les troubles politiques qui les accompagnèrent ; les assassinats successifs du patrice Optat, beau-frère de Constantin ; puis du frère même de l'empereur, Jules Constance ; puis, des deux Césars, Dalmace et Annibalien ; enfin de cinq autres membres de la famille impériale ; les murmures des Romains, privés de la dépouille du grand empereur et jalousant Constantinople ; le faisceau des forces de l'empire se rompant ; un nouveau partage, devenu nécessaire entre les fils de Constantin, maintenant l'Orient sous la domination de Constance, et divisant l'Occident entre Constantin le Jeune et Constant. En même temps, les divisions qui ont déchiré l'Eglise s'accentuent. De l'héritage moral de Constantin le Grand, aucun de ses trois fils n'a recueilli la hauteur de vues et la grandeur d'âme. Si Constantin II et Constant ne demandent qu'à rester fidèles à la foi de Nicée, c'est avec sincérité, mais sans courage. Quant à Constance, le plus puissant des trois, mais le plus étroite-nient despotique, le plus jaloux, et, au fond, le plus faible, le plus soumis aux influences subalternes, il devient bientôt, par lui-même, par sa femme, que gouverne le prêtre arien Eutocius, par Eusèbe de Nicomédie, qui domine à la cour, le centre de la faction qui cherche à ruiner l'œuvre du grand concile. Le parti semi-arien est divisé, il est vrai : l'aile droite, qui reconnaît toujours l'évêque de Nicomédie pour son chef, déclare accepter tout le symbole de Nicée, à l'exception du mot omoousios, consubstantiel, qu'il remplace par le terme omoiousios, semblable ; tandis que l'aile gauche, composée d'hommes plus logiques et plus hardis, rejette tout ensemble l'omoousios des catholiques et l'omoiousios des eusébiens ; ses membres méritent ainsi le nom d'anoméens, de anomoios (pas même semblable) ; mais entre les deux factions l'union se fera par la haine commune que les uns et les autres portent aux catholiques. Qu'un jour Constance devienne le maître de l'empire, le parti de l'opposition anti-nicéenne triomphera, et, par trente ans de déchirements scandaleux dans l'Eglise, préparera la réaction du paganisme sous Julien l'Apostat.

Ce dernier résultat, on doit le reconnaître, ne fut ni voulu ni prévu par les fils de Constantin. Nous les verrons, au contraire, reprendre et compléter les mesures prises par leur père contre le culte païen. Ils avaient, du reste, moins d'un mois après la mort de Constantin, permis à tous les évêques exilés, y compris Athanase, de reprendre leurs anciennes fonctions dans leurs diocèses respectifs[10]. Mais la prépondérance de plus en plus grande de Constance dans le gouvernement de l'empire, sa manie d'intervenir dans les choses ecclésiastiques, et l'influence croissante du parti d'Eusèbe à sa cour, firent dévier le sens de ces mesures.

Le plan des eusébiens avait trois objectifs : 1° subtiliser sur les mots, profiter de l'élasticité qu'avaient encore plusieurs termes théologiques, pour échapper à la foi de Nicée, en ayant l'air de s'y soumettre ; 2° s'emparer au plus tôt du plus grand nombre possible de sièges épiscopaux, fût-ce par des coups de force ; 3° gagner à leur cause l'Occident, et, s'il était possible, l'autorité suprême du pontife romain.

Rien de plus étrange, à un premier coup d'œil, que cette réaction énergique, persévérante, de toute une partie de l'épiscopat oriental contre les décisions d'un concile que plus de trois cents Pères, la plupart orientaux, avaient signé. Faut-il dire, avec certains protestants, que la victoire avait été trop rapide, qu'elle avait été plutôt une surprise qu'une conquête solide ! Non[11]. Faut-il prétendre que cette opposition au concile fut uniquement due à la perfidie ou à l'hypocrisie des eusébiens ? Pas davantage. La duplicité du principal chef du parti et de plusieurs de ses acolytes est incontestable. Mais beaucoup de réfractaires à l'interprétation orthodoxe obéirent à d'autres considérations. Si l'on prend la condamnation de Nicée sur le terrain scripturaire et traditionnel, où les Pères se maintinrent, la conquête de l'orthodoxie fut solide. Jamais l'opposition ne reprit dans ses symboles la position de l'arianisme primitif : l'affirmation d'un Verbe créature, tiré du néant et d'une tout autre essence que le Père Mais la controverse arienne avait soulevé des questions complexes, philosophiques ou même théologiques, qui n'étaient pas résolues, ou ne l'étaient pas expressément par la définition de Nicée[12]. Par exemple, dans le langage des anciens Pères grecs, le mot ούσία, usie, que nous traduisons aujourd'hui par substance, et le mot ύπόστασις, hypostase, que nous rendons par le mot personne, étaient souvent confondus. Le savant P. Petau a même pu prétendre, à tort sans doute, mais avec quelque vraisemblance[13], que saint Epiphane, saint Athanase et le concile de Nicée lui-même avaient fait la même confusion[14]. Eusèbe et ses amis affectèrent d'employer, de préférence au mot usie, le mot hypostase, qui, soit parce qu'il était mal défini, soit surtout parce qu'on y adjoignait d'habitude la triplicité, se prêtait mieux à l'équivoque. Trois hypostases, disaient-ils, donc trois êtres. Mais il n'y a qu'un seul être qui soit Dieu ; donc ni le Fils ni le Saint-Esprit n'ont droit à l'adoration. C'était là une suite déductive faite pour séduire les simples[15]. La ruse arienne ne devait pas échapper aux Occidentaux, pour qui une semblable confusion de mots ne pouvait exister, et qui, exprimant le principe de l'unité par le mot substantia, réservaient pour le principe de la triplicité le mot persona[16] ; mais le piège réussissait auprès des Grecs.

 

II

En habile tacticien, Eusèbe ne se contenta pas de poser la question trinitaire sur le terrain de la pure dialectique. Il savait d'instinct qu'une doctrine n'a de chances sérieuses de durer qu'à la condition de s'appuyer sur une institution organisée. En 338, les ariens[17] commencèrent à se constituer en communautés séparées. L'élection de l'arien Pistus au siège d'Alexandrie, celle d'Eusèbe de Nicomédie au siège de Constantinople, celle de l'arien Grégoire en remplacement de Pistus, et enfin celle de l'arien Acace à Césarée, en remplacement d'Eusèbe de Césarée, furent les principaux faits de cette nouvelle campagne, durant les années 338, 339 et 340.

Pistus, prêtre de la Maréote, avait été un des premiers disciples d'Arius. Déposé et condamné, en même temps que l'hérésiarque, par saint Alexandre, il avait à la fois, aux yeux des ariens, l'auréole qu'il tenait de l'amitié du maître et celle que lui avait donnée une prétendue persécution. Il ne paraît pas avoir eu d'autre prestige ; ceux-là suffisaient à le désigner au choix des ariens d'Alexandrie pour le siège le plus illustre de l'Asie, pour la succession de saint Athanase. On ne peut dire au juste s'il fut élu avant ou après la rentrée d'Athanase[18]. Nous savons seulement que, pendant plus d'un an, Athanase dut se trouver dans sa métropole, face à face avec son rival[19]. Les ariens ne négligèrent rien pour consolider l'élection de leur candidat. Ils écrivirent à plusieurs évêques pour les engager à se mettre en communion avec Pistus. Afin d'empêcher toute intervention de l'empereur, de nombreuses influences furent mises en mouvement : celle de l'eunuque Eusèbe, chambellan du palais, celle de plusieurs dames de qualité, celle de l'impératrice elle-même[20]. On s'adressa même au pape Jules Ier, à qui furent dépêchés un prêtre et deux diacres, chargés de lui mettre sous les yeux les actes du concile de Tyr, déposant Athanase et laissant par conséquent la place libre pour Pistus. Ces précautions étaient bien calculées. Mais Athanase était difficilement pris au dépourvu. Il écrivit aussitôt à tous les évêques d'Egypte une lettre où la vraie portée du synode de Tyr était expliquée, et fit transmettre, par des prêtres sûrs, ce document au pape Jules.

En recevant les divers délégués, le pontife put apprendre qu'une autre usurpation s'était accomplie, dans des circonstances plus plieuses encore, à Constantinople, au profit de l'évêque de Nicomédie. L'ambitieux prélat, qui avait abandonné sa résidence canonique, séjournait depuis quelque temps à la cour, où il faisait l'éducation des deux enfants de la famille impériale, Gallus et Julien, le futur Apostat. Mais un tel honneur ne suffisait pas encore à son ambition. Il n'aspirait à rien de moins que de trôner sur le siège de la nouvelle capitale. Ce siège était alors occupé, il est vrai. A la mort d'Alexandre, en août 337, deux candidats s'étaient trouvés en présence pour lui succéder : un candidat arien, Macédonius, et un candidat catholique, Paul. Ce dernier l'avait emporté. Mais les ariens n'attendaient qu'une occasion pour reconquérir la place perdue. Un prétexte quelconque fut trouvé. Une accusation portée contre l'évêque devint la cause de la réunion d'un synode, composé d'amis d'Eusèbe, qui déposa Paul et obtint de Constance la déportation en Mésopotamie de l'évêque déposé[21]. Eusèbe fut aussitôt mis à sa place. C'était la seconde fois qu'il troquait son siège épiscopal pour la capitale de l'empire. Ces événements se passaient à la fin de 338 ou au commencement de 339.

Peu de temps après, le 30 mai 339, suivant quelques historiens[22], au plus tard vers le commencement de 340, mourait l'autre Eusèbe, l'illustre évêque de Césarée. Il venait d'achever deux ouvrages contre Marcel d'Ancyre, où le désir de confondre un ami d'Athanase était plus manifeste que le souci de défendre la doctrine orthodoxe[23]. Ses amis se hâtèrent de lui faire donner pour successeur un de ses disciples, Acace le Borgne. C'était un prêtre remarquable par son talent et son érudition. Il avait composé dix-sept volumes sur l'Ecclésiaste, des Questions diverses et plusieurs autres traités, dont il ne nous reste que quelques fragments. Mais son esprit était intrigant et versatile. Il devait plus tard jouer un rôle important dans l'arianisme, devenir même le chef d'une secte qui tint de lui son nom, le parti acacien.

Cependant les affaires s'étaient aggravées dans Alexandrie. La situation de Pistus, trop compromis par sa complicité avec Arius, mal servi par son caractère, n'était plus tenable. Eusèbe suggère à l'empereur l'idée de le remplacer d'office. Sans aucune préoccupation des règles du droit canonique, qui veut que l'évêque soit élu par son peuple et son clergé et qu'il soit installé par les évêques de son ressort métropolitain, Constance propose l'épiscopat à un certain Eusèbe, originaire d'Edesse, et, sur le refus de celui-ci, à un certain Grégoire, originaire de Cappadoce, qui accepte. Grégoire est aussitôt consacré à Constantinople et envoyé en Egypte, sous la protection du préfet de la province, Philagrius. Celui-ci, vers le milieu de mars 339, le présente au peuple d'Alexandrie en qualité de nouvel évêque. Mais tant de cynisme dans l'illégalité révolte la population chrétienne d'Alexandrie, où Athanase n'a jamais cessé de compter des partisans dévoués. La foule se porte aux églises, pour les défendre contre l'intrus. Celui-ci, escorté de gens de police, est obligé de les prendre d'assaut une à une. Le sang est versé. Autour de plusieurs églises, on compte des blessés et des morts[24]. Athanase cède à la force. Mais cette fois-ci, ce n'est plus seulement à ses frères d'Egypte, c'est aux évêques du monde entier qu'il adresse sa protestation indignée. Hardiment, il y démasque l'auteur responsable de tous ces méfaits, Eusèbe de Nicomédie : Voilà, s'écrie-t-il, la comédie que joue Eusèbe ! Voilà l'intrigue qu'il tramait depuis longtemps, qu'il a fait aboutir, grâce aux calomnies dont il assiège l'empereur. Mais cela ne lui suffit pas ; il lui faut ma tête ; il cherche à effrayer mes amis par des mesures d'exil et de mort. Ce n'est pas une raison pour que je me plie devant l'iniquité ; au contraire, je veux me défendre et protester contre les monstruosités dont je suis victime[25].

Après avoir lancé ce manifeste, Athanase, réussissant à grand'peine à tromper la surveillance dont il était l'objet, quitta l'Egypte et partit pour Rome, où il arriva peu après Pâques.

Pour en finir avec les sollicitations qui lui venaient des eusébiens, le pape Jules avait envoyé deux légats romains en Orient, Elpidius et Philoxène, chargés d'inviter les évêques appelants à venir soumettre leurs réclamations à Rome devant un concile. La réponse des évêques orientaux, inspirée, sinon rédigée par Eusèbe, fut altière. Les prélats déclinaient l'invitation, protestaient contre l'idée de réviser en Occident des conciles orientaux et mettaient presque le pape en demeure de choisir entre des gens comme Athanase et Marcel d'Ancyre et la communion des Eglises d'Orient. Le pape, profondément froissé, passa outre, et réunit le concile, qui se tint à Rome, à l'été ou à l'automne de 340.

Tout ce qu'il y avait en Orient d'évêques dépossédés et chassés de leurs sièges était accouru au premier bruit du concile. De Thrace, d'Asie Mineure, de Syrie, de Phénicie, de Palestine, les exilés, évêques et prêtres, affluaient à Rome. Marcel d'Ancyre y fit un long séjour. Lui aussi, il avait été dénoncé au pape, et celui-ci avait invité ses accusateurs, tout comme ceux d'Athanase, à se présenter devant lui. En leur absence, Marcel s'expliqua, et son langage parut satisfaisant. Vite et Vincent, les légats romains au concile de Nicée, rappelèrent le zèle qu'il avait montré alors contre les ariens. Bref, on lui rendit la communion et la dignité épiscopale.

Ces décisions furent notifiées à l'épiscopat oriental par une lettre que le pape Jules adressa aux signataires de celle que les légats avaient rapportée d'Antioche[26]. C'est un des documents les plus remarquables de cette histoire. L'aigreur des Orientaux, le ton insolent qu'ils avaient pris à son égard, l'ont ému douloureusement, mais il est resté ce qu'il lui convenait d'être, calme, pacifique, impartial. S'il a convoqué les Orientaux, c'est sur la demande de leurs envoyés ; il l'aurait fait de lui-même, du reste, car il était naturel de donner suite à la plainte d'évêques qui se disaient injustement déposés. Réviser les jugements des conciles n'est pas chose inouïe. Les Orientaux, en recevant. Arius et les siens, n'ont-ils pas agi ainsi envers le concile de Nicée ? On conteste son droit, en prétendant que l'autorité des évêques ne se mesure pas à l'importance des villes. Argument étrange dans la bouche de gens qui se transfèrent sans cesse de capitale en capitale... Il a tout examiné de près. Il a jugé sur les renseignements dont il disposait, notamment sur les pièces du concile de Tyr, fournies par les Orientaux eux-mêmes Si l'on croit pouvoir établir qu'il s'est trompé, qu'on vienne Les accusés sont toujours prêts à répondre. Si l'on avait voulu se conformer à l'ancien usage, et, puisqu'il s'agissait d'évêques considérables, du siège d'Alexandrie, s'adresser d'abord à l'Eglise romaine, pour la prier de définir le droit, on n'en serait pas là où l'on en est. Il faut sortir de ces querelles scandaleuses, où les rancunes de l'amour-propre se donnent carrière aux dépens de la charité et de l'union fraternelle[27].

En somme, le plan des eusébiens, sur un point essentiel de son programme, avait échoué, Ils avaient bien pu. par leurs subtilités théologiques, déconcerter de nombreux esprits, et, par leurs manœuvres, s'assurer le gouvernement de plusieurs Eglises importantes en Orient , mais quand ils avaient tenté d'amener à eux l'Occident en gagnant le pape à leur cause ou tout au moins en obtenant de lui la liberté de juger leur cause chez eux, le pape, loin d'accéder à leurs désirs, s'était posé nettement comme leur juge, et avait péremptoirement exigé qu'ils vinssent le trouver auprès du siège de Pierre : l'hérésie s'était heurtée au roc inébranlable sur lequel Dieu a bâti son Eglise.

 

III

Mort de Pendant que se poursuivaient ces négociations, où l'épiscopat oriental venait de réclamer si hautainement son autonomie à l'égard de Rome, un important événement politique avait marqué d'un trait plus fort la scission qui se dessinait entre les deux parties de 1 empire. Au milieu d'une guerre fratricide, soulevée entre Constantin le Jeune et Constant, Constantin avait péri dans une bataille et laissé à son frère l'héritage de tout l'Occident Rome et Constantinople se dressaient désormais en face l'une de l'autre comme des rivales, ayant chacune son empereur.

Les eusébiens reprirent courage. Au courant de l'été de 341, eut lieu à Antioche la consécration d'une grande église, dite l'église d'or, commencée par Constantin et achevée par Constance. Quatre-vingt-dix-sept évêques furent présents à cette cérémonie. Il était d'usage, eu pareille circonstance, de se réunir en concile pour s'entretenir des intérêts actuels de l'Eglise. La plupart de ces évêques n'étaient pas hétérodoxes, mais tous étaient orientaux, et ils comptaient parmi eux une minorité de semi-ariens très habiles et très actifs, entre autres Eusèbe de Nicomédie, maintenant évêque de Constantinople, et Acace, évêque de Césarée. Ce fut le concile d'Antioche, communément appelé in incæniis (εν έγκαινίους, ou de la Dédicace). Le caractère complexe de cette assemblée a exercé la sagacité des critiques[28]. Elle publia vingt-cinq canons disciplinaires, qui méritent, d'une manière générale, l'admiration. Mais deux de ces canons trahissent l'influence des eusébiens et leur animosité contre Athanase. Le 4e canon interdisait tout espoir de réintégration à l'évêque qui aurait osé continuer ses fonctions malgré sa déposition par un synode. Le 12e portait la même peine contre l'évêque qui, frappé par un synode, porterait sa cause devant l'empereur. Les eusébiens du concile se hâtèrent de donner à ces canons une interprétation rétroactive, et déclarèrent définitive la déposition d'Athanase. Ils espéraient ainsi couper court à toute tentative du pape Jules pour rétablir dans sa charge le patriarche d'Alexandrie. Leur influence se manifesta aussi dans la rédaction de trois formules ou professions de foi, suivies bientôt d'une quatrième, votée par une nouvelle réunion d'évêques orientaux. Ces formules avaient toutes ceci de commun, que, tout en abandonnant l'arianisme pur, elles omettaient le mot consubstantiel, omoousios. On y remarquait aussi une tendance à faire rejaillir sur les doctrines nicéennes les doctrines, suspectes de sabellianisme, de Marcel d'Ancyre. Enfin, elles inauguraient l'ère des formules dogmatiques, et formaient, selon l'expression de Socrate, l'entrée de ce labyrinthe de professions de foi, dans les détours duquel devait s'égarer par la suite la croyance de l'Eglise d'Orient[29].

Peu de temps après, vers la fin de 341 ou vers le commencement de 342, Eusèbe de Nicomédie, devenu Eusèbe de Constantinople, mourut. Intelligent et habile, mais ambitieux et vindicatif, il avait réussi à insinuer et à soutenir des erreurs doctrinales sans subir jamais d'excommunication formelle, à rester le favori de l'empereur et l'ami des hérétiques sans rompre avec le pontife romain. Il mourait au comble des honneurs humains, voyant une fois de plus son adversaire Athanase dans l'exil, mais ne laissant à la postérité que le souvenir d'un prélat intrigant, chez lequel on ne relève aucun trait sympathique, et dont la mémoire demeure chargée d'une lourde responsabilité[30].

Délivrée de la tyrannie d'Eusèbe, la population catholique de Constantinople s'empressa de rappeler de son injuste exil son évêque légitime, Paul, qui fut réinstallé sur son siège. Mais la faction arienne, conduite par Théodore d'Héraclée et Théognis de Nicée, lui opposa ce Macédonius, qui avait été jadis son concurrent et qui devait un jour ajouter son nom à la liste des hérésiarques. Des troubles éclatèrent. Le sang fut versé. Le commandant Hermogène, envoyé par l'empereur pour rétablir l'ordre, fut massacré. Constance, qui était alors absent de sa capitale, y revint en toute hâte, décidé à tout mettre à feu et à sang. Le peuple en larmes, les magistrats suppliants vinrent à sa rencontre. 11 se laissa fléchir, se contenta de faire reconduire Paul en exil, et ne confirma point l'élection de Macédonius ; mais il le laissa célébrer les saints mystères dans l'église où il avait été sacré. A quelque temps de là, l'évêque intrus, escorté par un groupe de ses partisans et par des hommes soudoyés, prêts à tout faire, revint à Constantinople, et, après de nouvelles scènes de sauvagerie, prit possession de toutes les églises de la ville.

Quant à Paul, relégué au fond de la Mésopotamie, puis dans les montagnes de la Cappadoce, on essaya d'abord de le faire mourir de faim. Comme il résistait trop longtemps à ce martyre, le préfet du prétoire, Philippe, redoutant un nouveau retour de l'évêque au milieu de son peuple, le fit étrangler. L'Eglise l'a placé au nombre de ses saints[31].

Les procédés violents du parti arien n'avaient pas changé. L'esprit d'intrigue d'Eusèbe de Nicomédie lui survivait aussi dans sa secte.

En 342, au moment même où se déroulaient les scènes lamentables que nous venons de raconter, le bruit se répandit que l'évêque de Sirmium, ou Sirmich, en Pannonie, Photin, émettait sur la Trinité et sur le Christ des doctrines étranges. Photin, préoccupé de sauvegarder l'unité de Dieu, se refusait à y voir trois Personnes proprement dites. Il croyait satisfaire à la tradition catholique en y considérant un Verbe, qui, au premier moment de son développement, n'est que la Raison impersonnelle de Dieu, mais qui, par une seconde extension, devient Fils de Dieu. Le Fils de Dieu pénètre de sa divine influence l'humanité de Jésus, et l'élève ainsi au-dessus de tous les prophètes, jusqu'à lui faire mériter les noms de Christ, de Fils adoptif de Dieu, et même, en un sens, de Dieu même. Il était facile de reconnaître dans ce système un retour aux erreurs de Paul de Samosate et de Sabellius[32].

Or, Photin, originaire d'Ancyre, avait été le diacre et le disciple de Marcel. On voit du premier coup le parti que les eusébiens allaient tirer de son hérésie. Marcel d'Ancyre avait été le champion de la consubstantialité du Verbe à Nicée, l'ami d'Athanase ; sa réhabilitation venait d'être faite, en même temps que celle d'Athanase, par le pape Jules. Frapper Photin, c'était, pour eux, le moyen d'atteindre tous leurs ennemis à la fois.

On avait toujours l'impression, pourtant, que, tant que l'Occident ne serait pas gagné, aucun succès ne serait solide en Orient. Le pape Jules s'était montré irréductible ; une démarche fut tentée auprès de l'empereur d'Occident. Une députation, composée de quatre évêques, Narcisse de Néronias, Maris de Chalcédoine, Théodore d'Héraclée et Marc d'Aréthuse[33], s'achemina vers Trèves, où résidait Constant, emportant avec elle la quatrième formule d'Antioche, où les plus compromettantes des expressions ariennes étaient répudiées, mais où la procession du Fils était exprimée d'une manière très vague.

Pendant que s'accomplissaient toutes ces menées, Athanase, exilé, était à Rome. Dès le début de son exil, quand on le vit, accompagné de deux moines, qu'il avait emmenés du désert, vivre lui-même en ascète, la sympathie générale s'attacha à sa personne, et par là même à la grande cause pour laquelle il souffrait. Il put bientôt compter sur l'appui, non seulement de plusieurs grandes familles romaines, comme celle de la vierge Marcella[34], mais aussi sur celui de la tante même de l'empereur d'Orient, Eutropium[35]. Ces influences s'exercèrent-elles sur le souverain ? Le fait est que, vers le mois d'avril ou de mai 342, Athanase fut mandé à Milan par l'empereur Constant. Le monarque, désespérant de mettre fin à tant de conflits par les moyens jusque-là employés, songeait à réunir, comme son père, un concile universel. Athanase adhéra au projet, et, tandis qu'il allait en Gaule eu conférer avec Osius[36], Constant communiqua son dessein à Constance, lequel, très préoccupé de sa guerre avec les Perses, n'osa pas se montrer désobligeant à l'égard de son frère. De concert avec le pape Jules, on convint de choisir pour lieu de l'assemblée la ville de Sardique, aujourd'hui Sofia en Bulgarie. Cette ville, placée sous la domination de l'empereur Constance, mais faisant partie néanmoins du patriarcat romain[37], se trouvait située à l'extrême limite des deux empires, par conséquent à égale distance des deux Eglises. Elle serait le providentiel trait d'union entre l'Orient et l'Occident.

 

IV

La lettre synodale nous apprend que le concile de Sardique fut convoqué par les empereurs Constant et Constance, sur le désir du pape Jules[38], pour trois motifs : 1° pour mettre fin aux différends qui divisaient l'Eglise, particulièrement à ceux qui se rapportaient à Athanase et à Marcel d'Ancyre ; 2° pour extirper toute erreur de l'enseignement religieux ; 3° pour faire professer par tous la véritable foi en Jésus-Christ. Les Pères du concile devaient dépasser ce programme. Les plus célèbres de leurs décisions, celles qui réglèrent le droit d'appel des Eglises particulières à l'Eglise romaine, furent prises en dehors des trois points indiqués.

L'assemblée de Sardique commença à siéger dans les derniers mois de l'année 343[39]. L'Occident y fut bien plus largement représenté qu'à celle de Nicée. La lettre synodale envoyée aux Alexandrins mentionne, entre autres, des délégués de Rome, de la Gaule, de l'Espagne, de l'Italie, de l'Afrique, de la Sardaigne, de la Pannonie, de la Mysie, de la Dacie, du Norique[40]. Trente-cinq provinces, suivant saint Athanase, y avaient des représentants. Selon les données du même témoin, on y compta cent soixante-dix évêques, orientaux ou occidentaux, dont soixante-seize appartenaient manifestement au parti d'Eusèbe. Les orthodoxes s'y trouvèrent donc au nombre de quatre-vingt-quatorze[41]. Le pape Jules se fit représenter par deux prêtres, Archidamus et Philoxène. Il justifia son absence par de si bennes raisons, que le concile jugea ses explications suffisantes, et que les schismatiques et hérétiques ne purent songer à mettre à profit son éloignement pour ourdir leurs trames[42]. En l'absence du pape, Osius de Cordoue, qui avait fait ses preuves à Nicée dans de pareilles fonctions, présida l'assemblée, proposa les canons et signa le premier les actes du concile. Les deux prêtres romains qui remplissaient les fonctions de légats pontificaux durent remplir, ainsi que cela s'était fait à Nicée, le rôle d'assistants auprès d'Osius, car leurs noms suivent immédiatement celui de l'évêque de Cordoue dans la liste que saint Athanase nous a conservée. On remarquait dans l'assemblée : parmi les eusébiens, Acace de Césarée, Marc d'Aréthuse, Basile d'Ancyre et Macédonius de Constantinople ; parmi les orthodoxes, l'illustra Maximin de Trèves, qui avait courageusement donné l'hospitalité à saint Athanase pendant son premier exil ; Vérissimus de Lyon, Janvier de Bénévent, Diodore de Ténédos, Athanase, Marcel à Ancyre. Un troisième évêque mis en accusation, Asclépas de Gaza, était présent.

Les espérances du pape parurent d'abord en voie de se réaliser. La majorité des Pères prit dès le début une allure indépendante, que l'absence des commissaires impériaux semblait garantir.

Ce fut précisément ce qui alarma les eusébiens. Ils s'étaient tous logés à Sardique, dans le Palais de la ville, propriété impériale, sous la protection du comte Musonianus, le même qui avait assisté à la déposition d'Eustathe d'Antioche, en 330. Mais bientôt deux des leurs, Astérius d'Arabie et Arius, appelé aussi Macaire, de Palestine, ne pouvant supporter le joug tyrannique auquel on voulait les soumettre, vinrent se joindre aux orthodoxes, et avertirent ces derniers des menées du parti. Ces défections, la présence d'Athanase, dont les eusébiens redoutaient toujours la parole éloquente, celle de plusieurs prêtres, autrefois torturés par .eux, qu'on disait prêts à se faire leurs accusateurs en plein concile, les irritèrent vivement. Après s'être concertés entre eux, ils posèrent, comme condition préalable de leur participation au concile, l'exclusion des évêques que des conciles avaient déjà condamnés. Cette motion, dirigée surtout contre Athanase, ne reposait sur aucun fondement juridique, car, d'une part, la décision du concile de Rome, qui avait proclamé son innocence en 340, valait bien celle du concile d'Antioche, qui l'avait condamné en 339, et, d'autre part, la lettre même de convocation au concile, envoyée par les empereurs, avait prescrit de reprendre toute l'affaire d'Athanase dès son début[43]. Mais les eusébiens criaient bien haut que leur conscience ne leur permettait pas de partager les sacrements avec des hommes condamnés par la justice. Osius nous a laissé la relation, toute vibrante de sincérité et d'émotion, dans laquelle il raconte les efforts tentés par lui pour vaincre l'obstination de ces réfractaires.

Les ennemis d'Athanase, dit-il, venaient me trouver dans l'église où je me tenais ordinairement. Je les priais d'exposer leurs griefs contre Athanase, leur promettant une absolue sécurité et une justice impartiale. Je leur disais : Si vous craignez de vous expliquer devant le concile, au moins ouvrez-vous à moi. Je vous promets que si Athanase est reconnu coupable, il sera exclu par tous. S'il est proclamé innocent, et qu'il vous soit trop pénible alors de reprendre des relations avec lui, eh bien, je le déterminerai à m'accompagner en Espagne. — J'avais en effet proposé cette solution à Athanase et il l'avait acceptée sans hésiter. — Mais les eusébiens, doutant de la bonté de leur cause, déclinèrent ces propositions[44]. La perspective d'être publiquement convaincus de calomnie les effrayait. Ils prirent pour prétexte leur désir d'aller féliciter l'empereur Constance à l'occasion d'une victoire récemment remportée sur les Perses, et quittèrent Sardique pendant la nuit, sans esprit de retour[45].

Les orthodoxes, restés seuls, se mirent aussitôt à l'œuvre. Le dossier de toutes les accusations portées contre Athanase et contre Marcel d'Ancyre, depuis les origines, fut soigneusement dépouillé et examiné. Sur tous les points, le caractère calomnieux des accusations ressortit avec évidence. Marcel d'Ancyre expliqua les propositions scandaleuses qu'on lui attribuait, soit en les mettant simplement dans leur contexte, soit en montrant qu'il n'avait proposé que comme hypothèses dubitatives ce qu'on lui attribuait comme principes absolus. Le concile se convainquit que, malgré certaines formules peu claires, au fond l'évêque d'Ancyre n'avait jamais enseigné ni que le Verbe fût né de Marie, ni qu'il ne fût pas éternel. Asclépas de Gaza fut également disculpé, ainsi que plusieurs prêtres traduits devant l'assemblée par les eusébiens sous des inculpations analogues. Les uns et les autres furent solennellement déclarés réintégrés dans leurs titres et dignités, et les principaux chefs des eusébiens, entre autres Acace de Césarée, furent anathématisés et déposés[46].

Mais ce n'étaient là que des questions de fait. Les Pères de Sardique voulurent, avant de se séparer, proclamer les règles canoniques dont l'observation empêcherait désormais des troubles pareils à ceux qui venaient d'affliger l'Eglise.

Les plus importants et les plus célèbres des canons de Sardique ont trait à la grave question disciplinaire des appels à Rome. Si par le mot d'appel on entend, non pas seulement une procédure juridique de recours à un tribunal suprême contre une sentence supposée injuste, mais la sollicitation d'une intervention personnelle du pape dans une circonstance quelconque où elle est jugée nécessaire, le droit d'appel à Rome, dans l'Eglise, repose sur une tradition indiscutable et remontant jusqu'aux origines du christianisme[47]. Les hérétiques eux-mêmes, Marcion, Pasilide, Martial, Fortunat, Privat, avaient recherché par eux-mêmes ou par leurs chargés d'affaires l'appui moral et la communion du siège apostolique. Mais à Sardique, en 343, la question se posait d'une manière plus précise. La cause déterminante de la réunion du concile avait été précisément dans les nombreux appels adressés au pape Jules par des évêques d'Orient injustement déposés. Comme les ariens déniaient, dans l'espèce, à l'évêque de Rome le droit d'absoudre ceux que leurs synodes avaient condamnés, il importait de promulguer sur la question des règles fixes et précises. C'est ce que firent les Pères dans trois canons fameux, les canons 3, 4 et 5. Le savant historien des conciles les a résumés dans les lignes suivantes :

1° Si un évêque déposé par ses comprovinciaux croit avoir le bon droit de son côté, il peut en appeler à Rome, soit par lui-même (5e canon), soit par l'intermédiaire de ses juges en première instance (3e canon) ; 2° Rome reçoit ou rejette l'appel ; dans le dernier cas, elle confirme le jugement rendu en première instance ; dans l'autre cas, elle institue un tribunal de deuxième instance (3e canon) ; 3° pour juger en deuxième instance, Rome fait choix d'évêques voisins de la province de l'accusé (3e et 5e canons) ; 1° le pape peut adjoindre ses propres légats à ces évêques, et ces légats présideront en son nom (5e canon) ; 5° dans le cas où un évêque, déposé en première instance, en appelle à Rome, on ne peut disposer de son siège épiscopal avant la confirmation du premier jugement par le pape ou la décision rendue par le tribunal de deuxième instance [48].

Ainsi les mouvements de révolte venus de l'Orient amenaient une organisation plus ferme de la hiérarchie ; les évêques d'Occident, menacés par les Orientaux dans leur foi et dans leur désir de conserver l'unité de l'Eglise, sentaient plus vivement que jamais la nécessité d'une forte discipline, et se groupaient plus étroitement autour du successeur de saint Pierre[49].

Malheureusement, à ce moment même, la partie dissidente de l'assemblée se réunissait dans une ville de Thrace, à Philippopolis, avec la prétention d'y continuer, à elle seule, le concile. Presque en même temps que paraissaient les trois lettres par lesquelles les Pères de Sardique communiquaient leurs décisions au pape Jules, chef de l'Eglise romaine, à toutes les Eglises de la chrétienté en général, et à l'Eglise d'Alexandrie en particulier, parut une encyclique solennelle rédigée par les évêques réunis à Philippopolis, et rédigée de manière à faire croire qu'elle était la conclusion authentique du concile convoqué à Sardique. Nous demandons au Seigneur, y disait-on, que la sainte Eglise catholique conserve le lien de la charité dans l'orthodoxie de la foi... Nous demandons, en second lieu, que la sainte tradition de nos pères, que la règle de l'Eglise reste ferme et inébranlable. Le document concluait par l'anathème prononcé contre Athanase, Marcel d'Ancyre, tous les évêques ou prêtres déposés qui avaient fait appel à Rome, et contre Osius et le pape Jules, coupables d'avoir accueilli leurs requêtes. La pièce était probablement datée, non de la ville où elle avait été écrite, mais de Sardique, afin de créer une confusion et de mieux apparaître comme un acte authentique du concile[50]. La ruse des eusébiens leur réussit en Afrique, où l'on tint le concile de Sardique pour semi-arien[51].

La convocation d'un concile universel n'avait donc pas apporté la paix[52]. Si l'assemblée de Sardique avait fixé d'une manière définitive la suprématie de juridiction de l'Eglise de Rome sur toutes les Eglises, elle était devenue, d'autre part, par la scission des eusébiens et la perfidie de leurs manœuvres, le point de départ du schisme dont la chrétienté devait souffrir, avec des accalmies et des intermittences, jusqu'au jour de la rupture définitive.

 

V

Le paganisme profitait de toutes ces divisions pour relever la tête. Discrédité dans sa mythologie et dans son culte, il n'avait jamais cessé de propager sourdement son esprit par le cirque, par l'école et par la magie. Le cirque antique, avec ses combats sanglants de gladiateurs, ses pantomimes indécentes, ses refrains licencieux et ses processions rituelles où figuraient les statues des dieux, blessait également la charité, la pudeur et la foi. Dans l'école, à tous ses degrés, des maîtres à la parole séduisante inspiraient à la jeunesse un véritable culte d'enthousiasme pour les héros de la fable, considérés sinon comme des divinités à adorer, du moins comme des symboles de beauté terrestre et de passions coupables. La magie et' la superstition n'exerçaient pas seulement leurs ravages dans les classes populaires ; vers 337, un astrologue, Firmicus Maternus, prétendait, dans un ouvrage dédié à l'empereur, élever l'astrologie à l'état de véritable science[53] ; et il paraît bien y avoir eu quelque superstition dans ces formules sacramentelles du droit, que les deux fils de Constantin proscrivirent en 342 comme un piège verbal pour les plaideurs : aucupatio syllabarum[54]. Mais tandis que les intrigues et les disputes de l'arianisme déchiraient l'Eglise, les prétentions païennes s'affirmaient avec plus d'audace. On caricaturait le culte chrétien dans des satires, et l'on tentait de ressusciter çà et là le culte des anciens dieux.

En présence de ces tentatives de résurrection de la vieille idolâtrie, l'attitude des fils de Constantin fut équivoque. Le chrétien Sozomène et le païen Libanius s'accordent à dire que les fils de Constantin firent fermer tous les temples[55] ; mais Symmaque, au moment même où il reproche à Constance d'avoir enlevé la statue de la Victoire au sénat, le glorifie d'avoir favorisé le sacerdoce païen, le respect des vierges sacrées et les cérémonies traditionnelles de la religion romaine[56]. De fait, on voit Constance et Constant, sous l'impulsion d'influences diverses, proscrire et honorer tour à tour le culte païen. Dans une loi datée de 341, les deux empereurs ordonnent que la superstition cesse et que la folie des sacrifices soit abolie[57]. Un an plus tard, ils commandent qu'on répare aux frais de l'Etat les temples situés dans le voisinage de Rome, car, disent-ils, c'est à l'occasion de plusieurs d'entre eux qu'ont pris naissance des jeux de cirque et des solennités, et il ne faut pas détruire ce qui fournit au peuple romain ses plaisirs accoutumés[58]. On remarque une pareille incohérence dans les lois que portent les empereurs en faveur du christianisme. S'ils obéissent à une inspiration évangélique en protégeant la pudeur des vierges chrétiennes[59] et en flétrissant certaines infamies trop longtemps tolérées par les lois[60], ils cèdent à de basses sollicitations de leurs flatteurs ariens, en dispensant d'impôts les clercs qui s'adonnent au commerce[61].

Parmi les superstitions qui pullulaient dans le monde romain, plusieurs paraissent avoir eu leur origine en Perse. Entre un magicien et un mage la langue latine faisait peu de différence, et peut-être faut-il voir en ce simple rapprochement de mots une indication historique. Le grand Constantin avait vu sagement dans le conflit qui mettait aux prises l'empire des Perses avec celui de Rome, un conflit de religion autant que de politique. Constantin, écrit Tillemont, s'était préparé à la guerre contre les Perses, non seulement comme un empereur, mais encore comme un chrétien[62]. Nous l'avons vu, non content de défendre la pureté de la foi dans son empire, se soucier de la sécurité des chrétiens dans l'empire des Perses, et intervenir dans ce sens avec énergie auprès de Sapor. Ses fils n'eurent ni sa pénétration politique ni cette persévérance dans la modération qui est un signe de la vraie force. Nous ne pouvons songer à raconter ici les phases de la grande guerre qui, éclatant au lendemain de la mort de Constantin, mit aux prises les deux empires pour toute la durée des règnes de Constance et de Julien l'Apostat. Un des premiers actes de Sapor II fut de soumettre à un double tribut tout le peuple des Nazaréens, c'est-à-dire tous les chrétiens, car, disait l'édit, ils habitent notre territoire, et partagent les sentiments de César, notre ennemi. Cette accusation fut un des principaux motifs de la terrible persécution qui s'ouvrit aussitôt en Perse contre les chrétiens[63].

Il est juste de reconnaître que les chrétiens de Perse étaient, dans leur ensemble, nettement hostiles à Sapor II. Pressurés par les Perses, considérés comme appartenant à une caste née pour la servitude, les chrétiens de la Chaldée et de la Mésopotamie enviaient leurs voisins régis par la législation romaine infiniment moins arbitraire[64]. Les mages avaient là un prétexte pour exciter le roi de Perse contre les chrétiens. Ils s'en servirent auprès de Sapor[65]. Mais le fanatisme religieux explique seul l'impitoyable répression qu'ordonna le monarque en l'année 339-340.

L'édit qui soumettait les chrétiens à une double capitation fut bientôt suivi d'un second édit, qui ordonnait la désaffectation des églises et leur destruction en cas de résistance, puis d'un édit général de persécution contre les chrétiens[66]. La principale victime de la persécution fut le patriarche Simon bar Sabbaé, qui fut mis à mort en 341. Il occupait le siège des Villes-Royales, Séleucie-Ctésiphon, depuis treize ans, et avait mérité par ses rares qualités l'estime du monarque ; mais s'il faut en croire l'historien de la persécution[67], il fut arrêté à l'instigation des Juifs, qui jouissaient d'un grand crédit auprès de la reine mère, Ephra Hormiz. Les Actes de son martyre rappellent les plus belles scènes des grandes persécutions des siècles précédents.

L'évêque, sommé de percevoir sur ses fidèles et de remettre au trésor le double impôt prescrit par Sapor, s'était excusé, en alléguant que sa communauté était pauvre, et que ce n'était pas d'ailleurs le rôle d'un évêque de pressurer ses peuples. On l'enchaîna avec deux des prêtres qui formaient son conseil presbytéral[68], et on le conduisit devant le roi. Sapor lui promit la vie s'il consentait à adorer le soleil. — Je ne connais qu'un Dieu, répondit Simon : c'est Jésus-Christ, mort sur la croix. — Comment peux-tu adorer un Dieu mort, suspendu à un bois infâme ? Allons ! Adore le soleil, par la vertu de qui tout subsiste. — Le soleil a pris le deuil quand son Créateur est mort, comme le fait un esclave quand meurt son maître. — Ton insolence est cause que je te ferai mourir pour préserver tes compagnons en les terrifiant par ton supplice. — Je ne crains rien. Dieu nous couronnera.

Sapor le fit emprisonner jusqu'au lendemain pour lui donner le temps de réfléchir et de changer d'avis.

Le lendemain, Sapor fit appel à leur ancienne amitié. Simon fut inflexible. Ordre fut donné de le conduire au supplice avec ses deux compagnons. Pour l'épouvanter, le roi ordonna de massacrer ceux-ci devant lui. Le saint vieillard les exhortait à' mourir avec courage. Mais voici qu'au moment suprême, à la vue du glaive levé sur lui, un des deux prêtres, Hanania, trembla, prêt à fléchir. Alors une voix s'éleva du milieu des officiers royaux : Dépose toute crainte, Hanania, et ferme les yeux, jusqu'à ce que tu sois en possession de la lumière éternelle. C'était la voix du préfet des ouvriers royaux, Pusaïk. Irrité, le roi s'écria : Ne t'ai-je pas confié une charge, Pusaïk ?Je fais peu de cas de la charge que tu m'as confiée, répondit Pusaïk, car elle est pleine de soucis, et je préfère le supplice de ces hommes, parce qu'il est plein de joie. Je suis chrétien, je crois au Dieu que prêche Simon Bar Sabbaé. Frémissant de rage, Sapor s'écrie : Que celui-ci ne meure pas comme les autres. Déracinez sa langue au travers de son cou, afin que ceux qui sont encore vivants me redoutent à cause de lui. On accomplit l'ordre du roi, et Pusaïk mourut sur-le-champ. On tua aussi sa fille, qui était religieuse. Enfin, le dernier de tous, Bar Sabbaé périt. C'était le vendredi de la semaine des azymes, jour anniversaire de la mort du Seigneur[69].

La procédure suivie contre les chrétiens ne fut ni constante ni régulière. Souvent les martyrs étaient dénoncés aux officiers royaux. Le plus généralement ce furent les fonctionnaires de tout ordre qui prirent l'initiative des poursuites. Satrapes ou simples chefs de villages, chacun s'arrogeait le droit d'incarcérer à sa guise les clercs et les fidèles. Entre tous, les prêtres mazdéens se distinguèrent par leur zèle, poussé jusqu'au fanatisme. Les accusés étaient soumis à une prison préventive, qui pouvait durer plusieurs mois ou plusieurs années, au gré des persécuteurs. Ainsi qu'à Rome, les juges usaient de la question. Le supplice suivait, en général, le dernier interrogatoire. Le plus souvent les martyrs périssaient par le glaive ou étaient lapidés. Mais l'ingéniosité orientale inventait parfois des tourments plus raffinés. Tantôt, comme Pusaïk, le martyr était égorgé de manière qu'on pût retirer sa langue à travers la blessure. Tantôt, comme Tarbo, il était coupé en deux, ou bien on lui brisait les articulations. Cette épouvantable torture était parfois dosée avec méthode. L'ingénieuse cruauté des bourreaux avait inventé les supplices des neuf morts. Le voici, tel qu'il est décrit dans la Passion de saint Jacques, une des plus sincères et des plus authentiques[70] : On coupe d'abord les doigts des mains, puis les orteils, puis le carpe, puis les chevilles, ensuite les bras au-dessus du coude, les genoux, les oreilles, les narines, et enfin la tête[71]. A partir de 343, la persécution sévit presque continuellement dans les provinces du nord, le Beit Garmaï et l'Adiabène. La présence des armées royales y était commandée par la guerre contre les Romains[72]. Pendant quarante années, le sang des martyrs devait couler sur le sol de la Perse. S'il faut en croire Sozomène, en 379, seize mille chrétiens avaient donné leur vie pour la foi[73]. Ce chiffre ne peut être que conjectural. En tout cas, la persécution de Sapor ne devait le céder ni en durée ni en intensité à celles qu'avaient subies les Eglises du monde romain.

Bref, pour en revenir à la date où se terminait le concile de Sardique, en 343, moins de sept ans après la mort de Constantin, non seulement l'unité religieuse de l'empire avait été gravement compromise par la plus perfide des hérésies, non seulement une douloureuse scission venait de séparer de Rome un groupe d'évêques orientaux, mais la guerre des Perses menaçait à la fois la sécurité de l'empire et l'avenir du christianisme sur tous les points où l'influence persane triompherait ; car, à la faveur de ce dualisme religieux, qui mettait en présence des génies contraires se combattant sur le théâtre du monde, à la faveur des pratiques occultes que l'influence des mages propagerait, c'était une nouvelle forme du paganisme qui semblait en voie de reconquérir le monde évangélisé par les apôtres de Jésus-Christ.

 

 

 



[1] Liber pontificalis, t. I, p. 200, note 125.

[2] Liber pontificalis, t. I, p. 187.

[3] Liber pontificalis, t. I, p. 201, note 125.

[4] Sur le cimetière de Balbine, retrouvé en 1867 par J.-B. de Rossi et tout près de la nécropole de Calliste, voir ROSSI, Bull., 1867, p. I et s.

[5] Cette église existe toujours. Ses mosaïques et peintures furent citées par le pape Hadrien Ier, en 794, comme documents de l'emploi des images au temps du concile de Nicée (HARDOUIN, IV, 812 ; XIII, 801). Le pape Grégoire IV renouvela l'église au IXe siècle ; mais, au jugement de M. de Rossi, certaines parties de la mosaïque peuvent remonter à une date antérieure à la restauration.

[6] JAFFÉ, Regesta pontificum romanorum, édit. de 1885, 336, p. 30.

[7] MANSI, II, 1165 ; P. L., VIII, 854.

[8] Liber pontificalis, t. I, 202-204.

[9] Liber pontificalis, I, 205. Il y avait deux sortes d'églises : les unes étaient principalement élevées pour la glorification d'un saint ; elles étaient alors bâties sur son tombeau ou sur la tombe fictive qui contenait une de ses reliques ; les autres églises étaient surtout des lieux d'assemblées liturgiques. DUCHESNE, les Origines du culte chrétien, 2e édit., p. 388. Il ne reste que quelques vagues ruines des basiliques élevées par saint Jules. Liber pontificalis, I, 206.

[10] C'est ce qui résulte de plusieurs études récentes, citées par X. LE BACHELET, dans le Dict. de théol., t. I, col. 1807. Une lettre de Constantin II suppose que le retour d'Athanase avait été décidé par l'empereur défunt. Ce retour s'effectua le 23 novembre 337. (DUCHESNE, II, 196.)

[11] LE BACHELET, Dict. de théol., t. I, col. 1807.

[12] LE BACHELET, Dict. de théol., t. I, col. 1807.

[13] Voir la réfutation de Petau sur ce point dans GARNIER, Préface aux Lettres de saint Basile, P. G., t. XXXII, col. 16, et dans RÉGNON, Etudes de théologie positive sur la sainte Trinité, t. I, p. 146 et s.

[14] Dans le passage où le concile porte anathème contre ceux qui prétendent que le Verbe procède d'une autre hypostase ou usie, Petau considère la conjonction ou comme significative de synonymie. Saint Basile y voit au contraire une signification d'alternative. Ep. 125, § 1.

[15] Th. DE RÉGNON, op. cit., I, 152.

[16] Il est vrai que ce mot prêtait à une autre équivoque. Le mot persona ayant la signification primitive de masque, de visage, d'aspect, et les Grecs le traduisant par le mot πρόσωπον, quelques-uns étaient portés à ne voir dans les trois Personnes divines que trois aspects de la divinité, et à tomber ainsi dans l'hérésie sabellienne. Le résultat des longues et pénibles controverses qui s'élevèrent à ce sujet, fut de préciser le sens de tous ces termes, et par là même celui de la doctrine orthodoxe.

[17] A l'exemple de la plupart des historiens, nous donnerons souvent aux semi-ariens, dont nous aurons à parler dans la suite, le nom d'ariens. Mais il ne faut point oublier, ainsi qu'il a été dit plus haut, qu'à partir du concile de Nicée le pur arianisme n'a plus de partisans avoués autour d'Eusèbe de Nicomédie.

[18] DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise, II, 197.

[19] S. ATHANASE, Apologie.

[20] SOZOMÈNE, H. E., l. III, ch. I ; P. G., t. LXVII, col. 1034.

[21] S. ATHANASE, Hist. des ariens, n. 7, P. G., t. XXV, col. 709.

[22] LIGHTFOOT, au mot Eusebius dans le Dictionary of Christian biography.

[23] MŒHLER, Athanase le Grand, trad. Cohen, Paris, 1840, t. II, p. 210 et s.

[24] S. ATHANASE, Lettres pascales ; P. G., t. XXVI, col. 1353.

[25] S. ATHANASE, Lettre encyclique ; P. G., t. XXV, col. 221 et s.

[26] Cette lettre a été conservée par saint ATHANASE dans son Apologie contre les ariens, 20-25, P. G., t. XXV, col. 281 et s.

[27] DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise, t. II, p. 204-205.

[28] Plusieurs historiens y ont vu deux conciles distincts : le premier, orthodoxe, qui a voté les vingt-cinq canons disciplinaires ; l'autre, arien, qui a déposé Athanase. Telle est l'opinion soutenue par le savant jésuite Schelstrate ; elle est combattue par Tillemont. Voir l'exposé de cette discussion dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, 2e partie, p. 707-711.

[29] Les quatre formules d'Antioche nous ont été conservées par saint ATHANASE, Sur les synodes, 22-25, P. G., t. XXVI, col. 720 et s. Elles sont reproduites et commentées dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, p. 724-732.

[30] DUCHESNE, Hist. anc. de l'Eglise, II, 212.

[31] S. ATHANASE, Hist. des ariens, 7 ; Apologie sur sa fuite, 3 ; saint JÉRÔME, Chronique, année d'Abraham 2358 ; SOCRATE, II, 6, 7, 12 ; SOZOMÈNE, III, 3, 4, 7-9.

[32] Cf. TIXERONT, Hist. des dogmes, t. II, p. 41-45. Le Saint-Esprit n'était, pour Photin, qu'une nouvelle extension de la Divinité.

[33] Les deux premiers avaient pris part au concile de Nicée.

[34] S. JÉRÔME, Ep. CXXVII ; P. L., t. XXII, col. 1090.

[35] S. ATHANASE, Apologie à Constance, 4 ; P. G., t. XXV, col. 604.

[36] S. ATHANASE, Apologie à Constance, 6 ; P. G., t. XXV, col. 609.

[37] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, p. 743, note 2. Cf. WILTSCH, Kirchlig. Statistik, t. I, § 44, 80, 88.

[38] S. ATHANASE, Apologie contre les ariens, ch. XLIV ; P. G., t. XXV, col. 324 et s. C'est en se fondant sur un texte mal compris de Socrate qu'on a prétendu que la convocation avait été faite par le pape Jules lui-même. Voir HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, 742, note 3.

[39] Voir dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, 740, note 2, les raisons qui portent à fixer l'ouverture à cette date.

[40] P. G., t. XXV, col. 308 et s.

[41] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, 746.

[42] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, 746. Cf. MANSI, III, col. 40, 66.

[43] MANSI, III, 40.

[44] S. ATHANASE, Hist. des ariens, ch. XLIV ; P. G., t. XXV, col. 744.

[45] S. ATHANASE, Hist. des ariens, ch. XVI ; P. G., t. XXV, col. 712. Cf. S. HILAIRE, Fragmentum II, 16 ; P. L., t. X, col. 643.

[46] MANSI, t. III, col. 55, 63, 66.

[47] Ainsi doivent se résoudre les grandes discussions qui se sont élevées sur la question de savoir si le concile de Sardique, en réglant l'exercice du droit d'appel au pape, faisait une innovation disciplinaire. Pierre de Marca, Quesnel, Dupin, Richer, Fébronius, certains gallicans et jansénistes ont soutenu l'affirmative. NOËL ALEXANDRE a réfuté leurs arguments (Hist. ecclés., IVe siècle, dissert. XXVIII, propos. I, p. 461 et s.) Le principe de l'appel, dit Héfélé, est contenu dans la primauté, et, par conséquent, dans le fait même de la primauté. HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, p 771. Cf. ibid., p. 819-820 en note, et Revue de l'Ecole des chartes, 1853, t. IV, p. 105-127 : Des appels en cour de Rome jusqu'au concile de Sardique.

[48] HÉFÉLÉ-LECLERCQ, Hist. des Conciles, t. I, p. 776. Voir le texte grec et latin des vingt canons de Sardique, ibid., p. 759-806. C'est surtout par ces trois canons que le concile de Sardique est célèbre dans l'histoire. Depuis Hincmar de Reims jusqu'à nos jours, des controverses se sont élevées au sujet de leur interprétation. Hincmar, suivi en cela par le gallican Bicher et par les jansénistes Van Espen et Febronius, a soutenu qu'il ne s'agissait pas d'un appel proprement dit, mais d'une simple révision du procès faite par les juges de première instance. Edmond Richer a prétendu en outre que le droit établi en faveur du pape Jules n'avait point passé à ses successeurs. Voir l'exposé et la réfutation de ces erreurs dans HÉFÉLÉ-LECLERCQ, I, 772 776. Sur la question du droit d'appel au point de vue de l'Orient, voir l'excellente étude de P. BERNARDARIS, les Appels au pape dans l'Eglise grecque jusqu'à Photius dans les Echos d'Orient de 1903, p. 30-42, 118-136, 248-257.

[49] On a parfois attribué aux Pères de Sardique la rédaction d'un symbole. Il est aujourd'hui avéré que le Symbole de Sardique n'est qu'un projet rédigé par Osius et que le concile n'adopta pas. (Cf. MANSI, t. VI, col. 1202.)

[50] TILLEMONT, Mémoires, édit. de 1732, t. VI, dissertation sur les ariens, art. 39, p. 142 ; Dom CEILLIER, Hist. gén. des auteurs sacrés, t. IV, p. 699.

[51] Saint Augustin lui-même tomba dans cette erreur. Remarquant qu'une pièce de ce concile excommuniait Athanase, dont l'orthodoxie était attestée par ailleurs, il en concluait que le concile de Sardique était semi-arien. (S. AUGUSTIN, Contra Cresconium, P. L., t. XLIII, col 176, 516, 576.)

[52] On s'est demandé si le concile de Sardique fut un concile œcuménique. Il paraît bien certain que le pape Jules et les empereurs, en le convoquant, avaient entendu lui donner ce caractère. Cependant, de fait, à aucune époque, une autorité quelconque n'a considéré le concile de Sardique comme œcuménique. Non point que le seul fait de la scission des eusébiens ait suffi à lui enlever la note d'œcuménicité ; ce serait reconnaître aux hérétiques la faculté de rendre impossible un concile œcuménique : c'est l'Eglise qui n'a pas jugé à propos de donner cette autorité à l'assemblée de Sardique. Elle demeure un concile très vénérable, mais particulier, quoi qu'aient prétendu Baronius, Noël Alexandre et Mansi. Noël Alexandre a même été expressément blâmé par les censeurs romains pour avoir soutenu l'œcuménicité du concile de Sardique. (Cf. NAT. ALEXANDER, Hist. ecclés., in-fol Venet., 1773, scholion III, t. IV, p 460.)

[53] Ce Firmicus Maternus, auteur païen de la Mathesis, était-il le même que le Firmicus Maternus, auteur chrétien du traité De errore profanarum religionum paru vers 347 ? Mommsen l'a nié dans l'Hermès, XXIX, p. 468 et s. Clifford H. Moore l'a affirmé dans sa thèse de doctorat Julius Firmicus Maternus, Munich, 1897.

[54] Cod. Justinien, II, t. LVIII, l. 1.

[55] SOZOMÈNE, H. E., l. III, ch. XVII ; LIBANIUS, Or., p. 591.

[56] SYMMAQUE, Epistolæ, l. X, ep. 54.

[57] Cod. Théodosien, XVI, t. II, l. 10.

[58] Cod. Théodosien, IX, t. XVII, l. 2, 3.

[59] Cod. Théodosien, XV, t. VIII, l. 1.

[60] Cod. Théodosien, IX, t. VII, l. 3.

[61] Si qui... alimoniae causa negotiationem exercere volunt, immunitate patientur. Cod. Théodosien, IX, t. II, l. 8.

[62] TILLEMONT, Hist. des empereurs, t. IV, p. 265.

[63] J. LABOURT, le Christianisme dans l'empire perse, p. 46.

[64] J. LABOURT, le Christianisme dans l'empire perse, p. 47.

[65] Rubens DUVAL, Littérature syriaque, p. 129.

[66] Voir le texte de ces édits dans Evode ASSÉMANI, Acta sanctorum martyrum, Rome, 1748, et dans BEDJAN, Acta mart. et sanct., Paris, 1892.

[67] Le récit de la persécution des chrétiens en Perse par le roi Sapor II a été écrit par Marouta, évêque de Maipherkad, qui vivait à la fin du IVe siècle et au commencement du Ve. Cf. Rubens DUVAL, Littérature syriaque, p. 132-133.

[68] Le martyrologe de 412 nous a conservé les noms de tous les prêtres qui formaient le presbyterium. LABOURT, le Christianisme dans l'empire perse, p. 64.

[69] LABOURT, le Christianisme dans l'empire perse, p. 64-68.

[70] BEDJAN, op. cit., t. IV, p. 197.

[71] LABOURT, le Christianisme dans l'empire perse, p. 58-61.

[72] SOZOMÈNE, l. II, ch. XII ; P. G., t. LXVII, col. 965.

[73] SOZOMÈNE, l. II, ch. XIV ; P. G., t. LXVII, col. 969.