ÉTUDE SUR PLINE LE JEUNE

 

APPENDICES.

 

 

APPENDICE A. — INSCRIPTIONS DE PLINE LE JEUNE.

Outre l’inscription citée plus haut, qui mentionne, selon toute apparence, le père naturel de Pline et ses deux fils, nous possédons encore de Pline quatre inscriptions que nous allons reproduire.

La première et la seconde sont postérieures à l’époque où il remplit les fonctions de curator advei Tiberis et antérieures à sa légation de Bithynie ; leur date se place par conséquent entre les années 105 et 110. La quatrième a été gravée après la mort de Pline.

1. Comi latitabat in ignobili domo grades inibi vicem præbens ; nunc in templi maximi exteriore structura posita est. Bened. Jovius. On voit encore la pierre à Côme, à l’angle de la cathédrale :

Je la donne d’après une copie que j’ai prise moi-même. Elle a été découverte par Benediet Jovius qui a rédigé en 1496 un recueil des inscriptions de Côme dont un grand nombre de copies nous ont été conservées, mais qui n’a jamais été imprimé. C’est sans doute à son instigation que l’inscription a été encastrée dans le mur où elle se trouve aujourd’hui. Elle a été publiée pour la première fois par Catanaeus, en tête de son édition de Pline[1] qui parut à Milan en 1506, puis par Apian (80, 1) et par d’autres, mais elle n’a trouvé place dans aucune des collections générales d’inscriptions et n’a jamais été lue exactement.

2. Fegii quæ Cantuariensis pagi villa est, in semiruta Juliani æde nuper reperta. Alciat. Fecchio est un petit village près de Cantu, non loin de Côme. Plus tard, l’inscription a été transportée à Milan, dans la collection Archinti avec laquelle elle a passé récemment dans le musée connu sous le nom de Brera :

Je la publie également d’après ma copie. Elle a été trouvée par Alciat qui la donne dans son recueil manuscrit des inscriptions de Milan, liv. II, fol. 42. Jovius la reproduit également dans sa collection avec la notice suivante : Andreas Alciatus primum reperit exscriptumque nobis transmisit ; deinde hoc anno, qui est 1532 Jo. Antonius Vulpius adolescens manu sua depinxit cum ipsis quoque rimis ac confracturis. L’inscription fut publiée d’après Alciat dans l’édition déjà citée de Catanaeus, dans le Recueil de Gruter (p. 454, 5) et dans beaucoup d’autres. Labus et les autres éditeurs modernes, par exemple Monti, Storia antica di Como (Milan, 1860), p. 184, ont donné seulement la moitié supérieure d’après I’original, ils ne semblent pas s’être doutés que la partie inférieure existe encore dans la collection Archinti. Ce que les copies anciennes donnent de plus repose évidemment sur des restitutions hypothétiques et mérite peu d’attention. On peut en dire autant de la singulière assertion des savants de Côme, qui prétendent que les Vercellenses qui dédient l’inscription ne sont pas les habitants de la ville bien connue de Vercellæ, mais ceux d’un village quelconque des environs de Côme.

3. Comi in ædis D. Mariæ veteris strato. Bened. Jovius.

Bened. Jovius dans le recueil déjà cité fol. 47, b. Ce fragment n’a pas été publié.

4. Apud Mediolanum ad antiquum Ambrosii... ædem marmoreas inter confractas fabulas ab interiori sepulchri parte compositas. Cyriaque d’Ancône dans Olivieri. — In S. Ambrosii fano in lapide marmoreo levissimo in IIII partes accisas diviso et in tumulum nunc constructo. Le même, dans le manuscrit de Parme et dans Marcanova. — In templo S. Ambrosii. Marmor in quattuor partes incisum et pro tumulo reginæ (ita vulgo votant) compositum nisi ab his qui sepulchrum ingrediuntur legi non potest, quia imperitissimus quadratarius extrinsecus eam mensæ partem apposuerit, quæ solida et nullis literarum formulis concisa erat. Alciat. — Aujourd’hui l’inscription est perdue[2], sauf le premier fragment qui a été retrouvé en 1858 dans l’église de Saint-Ambroise. La pierre sur laquelle elle était gravée a dû être apportée de Côme à Milan au moyen âge, soit par des tailleurs de pierre comasques, soit autrement ; c’est ce qu’a déjà reconnu l’auteur qu’on désigne ordinairement sous le nom d’Anonymus Laudensis : Animadvertendum est hanc marmoream mensam olim Comi fuisse et cum urbs illa... deleta a Mediolanensibus extitisset, illam uti inter prædam Mediolanum advectam.

J’ai fait à Milan plusieurs tentatives infructueuses pour obtenir communication du fragment qui existe encore. Il est imprimé dans Monti, l. c., p. 479. — Le texte s’appuie essentiellement sur la copie prise par Cyriaque en 1442. Je donne ici les variantes que présentent les cinq meilleurs exemplaires du recueil de Cyriaque, à savoir : l’édition des Commentaires publiée par Olivieri, p. 28, d’après un manuscrit qui a disparu aujourd’hui ; le manuscrit de Parme (f. 108) ; celui de Redi (f. 78) ; celui de Chigi (I, VI., 203, f. 41) et celui de Marcanova, à Modène (f. 406), On ne saurait douter qu’Alciat n’ait encore vu l’inscription ; l’auteur anonyme qu’on désigne sous le nom d’Anonymus Valerii, et qui, à mon avis, n’est autre qu’Alciat lui-même, cherche à réfuter l’opinion de ceux qui croient que la pierre a été transportée de Côme à Milan ; il s’exprime là-dessus en ces termes : Quod mihi nec verisimile fit, cum tabula ipsa, quæ has habet litteras, tantæ fuerit magnitudinis, ut nonnisi maximo labore potuerit moveri, et il ajoute : superioribus diebus nostro labore inventum est... epitaphium... mensa marmorea est incurie maiorum nostrorum in partes quattuor divisa et ideo quibusdam scalpello exesis notulis, quæ in divi Georgii ædicula Ambrosiani fani vicem cenotaphii præstat. Mais comme Alciat a connu aussi le texte de Cyriaque et comme, selon sa coutume, il traite fort arbitrairement l’inscription, comme il fait disparaître en particulier toutes les lacunes, on ne peut tirer grand parti de sa copie, dont nous donnons ici les variantes d’après le meilleur manuscrit qui se trouve actuellement à Dresde (f. 40).

Quant à Tristano Chalco, qui peut-être a aussi vu l’original, il n’y a aucun profit à faire de sa copie, non plus que de toutes les autres, qui reposent essentiellement sur les textes plus anciens. — L’inscription a été imprimée pour la première fois par Catanaeus dans son édition des lettres de Pline de 1506, puis dans Gruter, p. 454, 3, 1028, 5 ; dans Orelli 1172 et mainte autre fois. L’essai de restitution que j’en ai donné dans les Annali dell’ Instituto, 1854, p. 42 (reproduit dans Henzen, t. III, p. 124, et dans Monti, l. c.) est le premier qui s'appuie sur les meilleures copies de Cyriaque, mais dans les détails il y aura peut-être encore plus d'une correction à lui apporter.

J’ajoute ici l’inscription de Cornutus Tertullus, dont la carrière est intimement liée à celle de Pline, avec les restitutions tout à fait certaines de Borghesi[3] :

puis l’inscription du grand-père de la troisième femme de Pline, de Calpurnius Fabatus, souvent nommé par lui[4] :

 

APPENDICE B. — LA GUERRE SUÉVO-SARMATE DE DOMITIEN ET LA GUERRE SUÈVE DE NERVA.

Trois inscriptions font mention d’une guerre qui aurait eu lieu sous Domitien et à laquelle elles donnent le nom de guerre suévo-sarmate[5]. On sait que dans les monuments qui rapportent l’obtention de décorations militaires, la désignation des guerres a un caractère fixe et officiel. Or, l’analogie (par exemple de la guerre arménio-parthique de L. Verus) montre que la désignation que nous rencontrons ici ne peut s’appliquer qu’à une double guerre commencée contre les Suèves et devenue ensuite une guerre sarmate.

Bien que peu de chapitres de l’histoire présentent d’aussi nombreuses lacunes que celui des campagnes de Domitien, on arrive cependant à déterminer avec certitude, parmi les événements dont la tradition a conservé le souvenir, ceux auxquels se rattache la désignation en question.

Au dire de Dion[6], les Lygiens, peuple de la Germanie indépendante, dont le territoire était situé probablement dams la Silésie actuelle, avaient sollicité le secours de Domitien contre les Suèves et ce prince leur envoya vent cavaliers. Cela aurait poussé les Suèves à s’allier arec les Jazyges et à traverser le Danube pour envahir le territoire romain. Ces Suèves étaient donc les habitants du royaume de Vannius, c’étaient les restes des Suèves ou Marcomans amenés en Bohême par Marbod et qui, après avoir perdu sous Tibère leurs chefs nationaux, et avoir été reconduits pour la seconde fois vers l’Orient, s’étaient fixés sur les rives du March où le Quade Vannius devint leur chef[7]. — D’autres auteurs font également allusion à cette guerre, parmi eux Tacite, qui dans l’aperçu général qu’on lit au début des Histoires, mentionne les coortæ in nos Sarmotorum et Sueborum gentes[8]. Suétone et les poètes de l’époque parlent aussi d’une légion massacrée parles Sarmates ; et d’une fête célébrée par Domitien à l’occasion d’une victoire remportée sur eux[9]. Les légions qui, d’après les inscriptions, prirent part à cette guerre, la II Adiutrix et la XIII Gemina sont du reste connues pour avoir fait partie de l’armée du Danube.

Quant à la date de cette guerre suévo-sarmate, elle ne pourra être fixée plus exactement qu’après qu’on aura étudié en détail la chronologie du règne de Domitien. Nous voyons par Martial qu’elle fut postérieure à la révolte de Saturninus, qui eut probablement lieu vers 88, et à peu prés contemporaine des premiers engagements sérieux avec les Daces (note 31).

La guerre suévo-sarmate de Domitien nous permet de déterminer ce que fut la guerre suève sous Nerva. Elle est mentionnée uniquement dans l’inscription d’un tribun de la légion I Adiutrix[10], décoré à l’occasion de cette campagne. M. Henzen[11] est le seul savant qui s’en soit occupé, et il en cherche le théâtre dans la Germanie Supérieure. Mais il y a des raisons sérieuses de douter de ente hypothèse. On ne voit dans cette période aucune peuplade du nom de Suèves figurer sur le Rhin. Depuis la guerre de Domitien contre les Chattes il n’est plus question d’aucune expédition contre les Allemands d’Outre-rhin ; car on ne peut compter pour une guerre l’assistance passive des troupes de Spurinna dans la catastrophe des Bructères. Le silence de Pline dans son Panégyrique prouve que, sous Nerva, il n’y eut en Germanie ni guerre, ni danger de guerre, et que le titre de Germanicus, adopté en automne 97 par Nerva et Trajan, ne se rapporte pas à des événements survenus dans les provinces où Trajan commandait en personne ; car il est dit y prendre une part active[12].

Par contre, nous venons de le voir, on s’était battu longtemps et opiniâtrement sous Domitien contre les Suèves, c’est-à-dire contre les Germains du Danube. Il faut donc rapporter le bellum suebicum de Nerva et l’adoption du titre de Germanicus à une reprise des hostilités sur le Danube. Un argument décisif en faveur de cette explication nous est fourni par un fait rapporté dans Pline[13], mais souvent mal expliqué. Suivant cet auteur, Nerva, le jour même où il adopta Trajan, en octobre ou novembre 97, reput la nouvelle d’une victoire ex Pannonia ; c’est évidemment à cette occasion qu’il prit le titre de Germanicus, titre qu’il conféra aussi à son fils adoptif. Trajan ne se rendit pas à Rome immédiatement après la mort de Nerva qui survint bientôt ; il passa sur le Danube l’hiver 98-99[14], et ce fait n’est pas non plus sans connexion avec les événements militaires dont nous venons de parler ; le prince voulut sans doute s’assurer, sur le théâtre même de la guerre, des résultats de la dernière campagne. Au même ensemble de faits se rattache encore la mesure en vertu de laquelle L. Iulius Ursus Servianus[15] qui, en 98, à la mort de Nerva, était gouverneur de la Germanie Supérieure[16], passa immédiatement au gouvernement de la Pannonie[17]. Cela était contraire à la règle, car d’abord le gouvernement de Germanie passait pour supérieur en dignité au second ; puis on ne confiait guère au même personnage l’administration de deux provinces aussi importantes sans qu’il se soit écoulé entre les deux gouvernements un certain laps de temps[18]. Cette exception était sans doute motivée par l’agitation qui régnait sur le Danube et qui conduisit bientôt à une guerre plus sérieuse. Le 1er janvier de l’an 102, Servianus était de retour à Rome et, en conséquence de ses services sur le Rhin et sur le Danube, il était nommé consul pour la seconde fois.

Il est encore un autre événement des premières années de Trajan qu’on pourrait être tenté de rapporter à ces guerres contre les Suèves, mais qui, en réalité, n’a aucune relation avec elles. Pline nous apprend[19] que, sous Domitien, Trajan a conduit en Germanie les légions d’Espagne et que la route suivie conduisait par les Pyrénées, les Alpes et le Rhin. Ordinairement on rattache ce fait à la guerre des Chattes, mais il est évident que si c’était exact, les troupes eussent dû être dirigées de la frontière espagnole sur Mayence et ne pouvaient pas toucher les Alpes. Cette difficulté disparaîtrait, il est vrai, si l’on expliquait ce passage comme ayant trait à la guerre suévo-sarmate ; mais alors Pline eût dû faire marcher Trajan plutôt sur le Danube que sur le Rhin et nommer la Pannonie ou la Mésie plutôt que la Germanie qui était beaucoup plus près.

Dans les deux hypothèses, il reste à expliquer pourquoi il n’est question que d’une marche et nullement d’une participation au combat. Mais toute difficulté disparaît si l’on rapporte ce passage à la révolte de L. Antonius Saturninus, gouverneur de la Germanie Supérieure[20]. En effet, le théâtre de cette révolte est placé par Suétone aux quartiers des deux légions de la Germanie Supérieure[21], quartiers situés en deçà du Rhin, puisque le combat décisif tourna au désavantage de Saturninus, grâce au fait que le fleuve, jusqu’alors couvert de glaces, se mit tout à coup en mouvement et empêcha l’arrivée des Germains que le gouverneur révolté avait appelés à son aide[22]. Pour toute personne au courant de la question, il est évident qu’il s’agit de Vindonissa, car il est prouvé que, jusqu’aux Flaviens, les quartiers des légions de la Germanie Supérieure se trouvaient dans cette ville[23]. Martial dit que le vainqueur de Saturninus, L. Anius Norbanus, était venu de Vindélicie et de Rhétie[24] ; il était donc gouverneur de la Pannonie et, comme le plus voisin, arriva le premier sur le théâtre de la guerre, qu’on ne peut guère chercher ailleurs que dans les environs de Bregenz ou de Coire. C’est ce que semble indiquer le texte de Pline qui fait passer les troupes d’Espagne des Pyrénées aux Alpes et au Rhin. Comme, à la nouvelle de la révolte, Domitien lui-même partit de Rome avec la garde[25], on conçoit d’autant mieux que les légions d’Espagne aient aussi reçu l’ordre de marche. En tout cas cependant, elles arrivèrent trop tard, tout comme Domitien. On s’explique ainsi pourquoi Pline ne parle que d’une simple marche commandée par Trajan. — Les légions qu’amenait ce dernier étaient probablement la I Adiutrix[26] et la VII Gemina[27]. On a des preuves certaines du séjour de la seconde en Germanie[28] et rien n’empêche désormais de faire remonter l’époque de ce séjour au bellum Germanicum[29] contre Saturninus. Pour la I Adiutrix nous n’avons pas d’indication analogue ; mais, comme nous renons de le voir, elle figure parmi les légions qui, sous Nerva, combattirent les Suèves sur le Danube ; il est donc permis de supposer qu’elle ne fut pas renvoyée de la Germanie Supérieure en Espagne, où l’on n’en trouve aucune trace postérieure à Domitien, et qu’elle fut employée dans la guerre contre les Suèves qui éclata peu de temps après. — On ne sait pas exactement quelle était alors la position de Trajan ; il est probable qu’il était légat d’une des deux légions et que pendant la marche il eut le commandement en chef, soit par rang d’ancienneté, soit en vertu d’ordres spéciaux[30]. La révolte de Saturninus eut lieu entre la guerre des Chattes et les guerres du Danube[31] ; on peut en fixer la date avant 91[32] et probablement, comme l’a fait Tillemont, en 88, car Martial, dans le livre même où il y fait allusion, parle de la célébration des jeux séculaires[33]. Enfin, si Trajan devint consul ordinaire en 94, c’est peut-être à cause de l’habileté et du dévouement dont il avait fait preuve. En tout cas, sa nomination doit être postérieure à l’expédition.

 

APPENDICE C. — NOTE SUR LA CHRONOLOGIE DE MARTIAL.

La question de la chronologie de Martial est une des plus ardues qui se présentent en histoire littéraire. Elle a été traitée récemment par L. Friedlænder (Programmes de d’université de Kœnigsberg, 1862 et 1865) et par H.-F. Stobbe (Philologus, tome XXVI, 4e livraison). Je partage en générai les opinions émises par le premier, tandis que les conclusions du second me paraissent inadmissibles ; ainsi, par exemple, Stobbe admet que les poèmes de Martial vont jusqu’à la fin de 402 et cette détermination est en désaccord avec la date que nous avons fixée plus haut (p. 44) pour la mort du poète. L n’est donc pas superflu de résumer ici en quelques mots notre avis sur l’époque de la publication des trois derniers livres de Martial ; les épigrammes qui datent du règne de Domitien n’ont aucune relation avec le sujet qui nous occupe.

Pour partir de ce qui est certain, nous rappelons d’abord que les deux savants dont nous venons de parier font dater avec raison la publication du onzième livre du commencement du règne de Nerva, c’est-à-dire de décembre 96, époque des Saturnales. Nerva, s’il n’a pas déjà revêtu son troisième consulat, pour l’an 97, est du moins déjà consul désigné (épigr. 4). Ce livre est dédié à Parthenius, dont l’assassinat par les prétoriens, au milieu de l’an 97, fut cause de l’adoption de Trajan, qui eut lieu en automne de la même année, Il n’y a aucune allusion à Trajan. Il est d’une licence sans exemple, même chez Martial, et se place expressément sous la protection des Saturnales (épigr. 2, 6, 45).

Friedlænder et Stobbe ont également reconnu que la publication du onzième livre avait été suivie de la seconde édition du dixième[34] ; mais, si Stobbe fixe comme date de cette seconde édition le commencement de 99, nous pensons qu’elle se fit plutôt au milieu ou vers la fin de 98. Il n’est pas fait mention de Nerva[35], mais bien de Trajan (épigr. 6) et hème de quelques décisions prises par ce dernier[36]. Ainsi ce livre est bien écrit après la mort de Nerva et L’avènement de Trajan. Mais la preuve qu’il est rédigé avant la fin de l’année résulte, à notre sens, avec évidence de ce que les pièces qui servent d’introduction et qui, selon l’habitude de Martial, sont toujours d’une actualité immédiate, parlent de Trajan comme étant encore sur le Rhin ; et il est établi que ce prince passa l’hiver de 97-98 sur le Rhin et celui de 98-99 en Pannonie, sur le Danube. — En outre, dans ce livre, il est question du second consulat de Frontinus[37], à qui cette distinction fut accordée par Nerva en 98[38]. Je n’y trouve pas d’autre indice chronologique[39]. — On sait que ce livre a été écrit immédiatement avant le départ de Martial pour l’Espagne ; ce départ doit donc avoir eu lieu en 98, date à laquelle on pourrait rapporter également le présent offert par Pline au poète, avant que ce dernier fût de retour dans sa patrie. Ce présent fut sans doute motivé par la dix-neuvième épigramme, laquelle pourrait bien, dans l’origine, avoir accompagné l’envoi à Pline du onzième livre.

Le douzième et dernier livre des épigrammes a été publié en Espagne, après un intervalle de trois ans ; l’auteur le dit lui-même dans sa préface[40]. Mais de quand faut-il faire dater cet intervalle ? Si l’on fait abstraction de la seconde édition du dixième livre, on obtient la date de 99 ; si l’on en tient compte. il faut descendre jusqu’à l’an 101. Cette seconde alternative est la plus vraisemblable, car le poète nous apprend que la seconde édition de son dixième livre se composait en majeure partie d’épigrammes nouvelles, et d’autre part cette solution est seule d’accord avec les autres indices chronologiques.

Ce livre que l’auteur, déjà sur le déclin de l’âge, avait composé en Espagne, en peu de jours (paucicsimis diebus), pour célébrer l’arrivée d’un de ses avais de la capitale, a un caractère tout différent des autres : il a moins d’actualité et comprend beaucoup de pièces d’une époque antérieure. Ainsi, à côté d’une épigramme sur Trajan (épigr. 8) on en trouve d’autres sur Nerva (épigr. 6, cf. 5) et Parthenius (épigr. 12). La date exacte de la publication dépend surtout de celle du consulat de Stella[41] mentionné dans la troisième épigramme. Ce dernier, poète nommé souvent dans Stace et dans Martial, y est cité aussi comme quindecemvir sacris faciundis et, dès le règne de Domitien, comme ayant des titres au consulat[42]. C’est certainement le même L. Arruntius Stella qui, d’après le fameux décret de patronat de la commune de Ferentinum[43], a été consul avec L. Iulius Marinus, le 19 octobre d’une des premières années de Trajan, avant que ce prince eût pris le titre de Dacicus, c’est-à-dire avant 103. Pour déterminer l’année plus rigoureusement, il faut se rappeler que le décret honorifique en question fut rendu à l’occasion des fonctions relatives aux alimentaires confiées par Trajan à T. Pomponius Bassus. Or l’origine de cette institution remonte à Nerva ; mais Trajan ne parait s’en être occupé d’une façon sérieuse qu’après son retour en Italie, dans la seconde moitié de l’an 99[44]. La nomination de Basses à l’emploi dont il s’agit ne peut en aucun cas avoir eu lieu avant la seconde moitié de l’an 100. En effet, avant Bassus, Cornelius Gallicanus avait occupé le même poste dans la même contrée[45], et d’autre part il est certain que Bassus fut légat de Cappadoce et de Galatie au moins jusqu’à la fin de l’an 99[46]. Il ne put dont revêtir de fonctions relatives aux alimentaires avant la fin de l’an 100, et il est même probable qu’il n’en fut chargé qu’en l’an 101. Il en résulte que le consulat de Stella et de Marinus ne peut être antérieur à l’an 101 : en l’an 100 il n’y a pas de place entre le consulat de Pline et Tertullus en septembre et celui d’Aelianus et Sacerdos en décembre. Mais, d’un autre côté, on ne peut pas descendre plus bas que 101 : rien ne s’oppose à ce qu’on fixe le consulat de Stella et de Marinus[47] à cette date qui, seule, se concilie avec l’indication fournie par Martial sur les trois ans de loisir qu’il avait accordés à sa muse. Il n’était pas nécessaire que Stella fût déjà entré en charge lorsque le poète envoya à Rome son douzième livre, il suffisait qu’il fût désigné, et comme la publication parait avoir eu lieu en hiver ou au printemps[48] on devra la faire dater des premiers mois de l’an 101, après qu’on pût connaître en Espagne les notas des consuls désignés le 7 janvier. — D’après ce que nous venons d’exposer on s’explique aussi que Bossus figure dans le IVe livre de Pline comme un homme fort âgé qui, après une longue carrière, s’était retiré des affaires publiques[49] ; il est probable qu’il venait alors précisément de résigner les fonctions qu’il avait occupées dans l’administration des Alimentaires.

Si donc le dernier livre publié par Martial parut au printemps de 104, rien n’empêche de placer sa mort en cette année même, ainsi que nous l’avons lait plus haut.

 

APPENDICE D. — LES CONSULS ORDINAIRES DES ANNÉES 103 ET 104.

Dans ses dernières recherches sur la chronologie de Trajan, Borghesi était arrivé à des conclusions suivant lesquelles on aurait compté comme première année du règne de ce prince le laps de temps compris entra son association à I’empire en automne 97, et la mort de Nerva arrivée à la fin de janvier 98. Dans ce système les années de Trajan auraient été comptées dès lors à dater du jour de cette mort, de telle sorte que lorsqu’il cessa de vivre, en août 117, il aurait été dans la 21e année de son règne. Ce système est maintenant généralement adopté et moi-même j’en ai fait usage il y a peu de temps dans le Hermès (II, 61). Mais depuis j’ai eu quelques doutes et je me suis demandé si Trajan, comme le fit certainement son successeur, n’avait point compté les années de son règne à partir du premier janvier, et si, par conséquent, ce n’était pas le temps compris entre l’automne et le dernier jour de 97 qui devait être considéré comme sa première année. La différence réelle entre les deux systèmes est, on le voit, très petite et, sauf pour le mais de janvier, la coïncidence est à peu près complète. Cependant la question mérite d’âtre traitée à nouveau et en détail, parce qu’elle est an relation intime avec les problèmes chronologiques les plus compliqués que présente cette époque.

Il est peu d’années dont les fastes consulaires présentent plus de désaccord que les années 103 et 104. Bans nos listes manuscrites on les trouve désignées comme suit :

Faisons, comme de juste, abstraction des auteurs qui ont simplement extrait Prosper, Cassiodore et d’autres écrivains plus récents, et ne comptons Idatius et la Chronique pascale, issus d’une source commune, que comme un seul témoignage ; il reste encore trois listes qui, tout l’indique, sont indépendantes l’une de l’autre. Celle de Prosper, il est vrai, est gravement interpolée : nous y trouvons un faux consulat entre 103 et 104 ; mais la première et la seconde liste sont tout à fait dignes de foi. Ces deux témoignages sont ici en parfait accord ; s’en écarter sur des points importants et surtout sur la succession des consulats est une chose excessivement grave, nous dirons même inadmissible. Et pourtant c’est ce qu’on fait maintenant, puisque les savants s’accordent à placer en 104 au lieu de 103 le cinquième consulat de Trajan et inversement les éponymes de 104 en 103.

Les auteurs de ce changement audacieux sont Noria et Fabretti ; ils citent, à l’appui de leur opinion une monnaie où Trajan porte les titres de Germ. Dacicus tr. p. VII, imp. IIII. cos. IIII. des. V. p. p., ce qui, on doit le reconnaître, est en contradiction avec toutes les listes que nous possédons. En effet, si Trajan prit son cinquième consulat en 103, il ne put revêtir alors qu’il n’était encore que cos. des. V, c’est-à-dire dans la seconde moitié de 102, sa septième puissance tribunicienne, mais bien la sixième. De quelque façon que l’on compte, on arrivera toujours à cette conclusion. Mais l’authenticité de la monnaie en question est-elle hors de doute ? Elle figure, il est vrai, chez Eckhel et chez Cohen, mais sur la seule autorité de Vaillant[50]. Nous n’hésitons pas à la déclarer fausse[51].

Cependant on donne en faveur de la transposition de consulats qui nous occupe un argument plus sérieux. Au commencement de ce siècle on a découvert en Angleterre un diplôme militaire daté du 19 janvier M’ Laberio Maximo II Q. Glitio Agricola II cos. Dans ce document l’empereur s’intitule Germanicus Dacicus trib. pot. VII. imp. IIII cos. V. C’est évidemment l’année désignée dans nos listes par Trajano V et Maximo II, ce qui nous apprend que l’empereur avait déjà déposé le consulat avant le 1er janvier et avait mis à sa place son vaillant compagnon d’armes, Glitius Agricola, tandis que l’autre éponyme, Laberius Maximus, général non moins distingué, avait pris la première place dans la date. Les partisans de l’ancienne théorie, suivant laquelle Trajan aurait compté ses puissances tribuniciennes d’automne en automne, tout comme ceux qui faisaient dater avec plus de raison les années de son gouvernement de la mort de Nerva, trouvèrent dans ce document une preuve évidente de l’inversion proposée par Noris[52]. Et d’après leur fanon de compter ils ne se trompaient pas, car la septième puissance tribunicienne de Trajan allait pour les uns de l’automne 103 à l’automne 104, pour les autres de la fin de janvier 103 à la fin de janvier 104, et la date du 19 janvier tr. p. VII ne pouvait ainsi se rapporter qu’à l’an 104. Telle est la cause pour laquelle cette hypothèse a conservé faveur en dépit de toutes les hésitations de fa science sur la chronologie de Trajan.

La difficulté qu’il y a à admettre l’inversion en question n’en est pas moins insurmontable. On ne la tourne qu’en supposant, comme nous l’avons fait plus haut, que Trajan a compté sa seconde puissance tribunicienne à partir du 1er janvier 98 et la septième compte ainsi à partir du 1er janvier 103. De ce côté tout serait en règle. Il n’en reste pas moins quelques difficultés, bien moins sérieuses il est vrai, mais qu’il faut signaler. II y a quelque chose de choquant, on ne saurait le nier, dans le fait que les années tribuniciennes des deux souverains qui exercent en même temps la puissance tribunicienne ne coïncident pas. Tibère et Titus, alors qu’ils étaient césars, ont tous deux daté leurs puissances tribuniciennes du même jour qu’Auguste et Vespasien. Si pour Néron il n’y a pas eu coïncidence[53], on s’explique aisément d’où provient, cette différence : ni Tibère, ni Titus ne furent associés à l’empire sous la pression des circonstances et ils purent faire dater leur avènement du même jour que l’empereur régnant ; il en fut autrement de Néron et, quant à Nerva, il avait de bonnes raisons après avoir adopté Trajan, en automne 97, pour ne pas retarder jusqu’au 18 septembre 98 les effets de cette adoption. Ce qui est certain, c’est que le défaut de coïncidence existe et qu’aucune combinaison ne réussit à fixer au même jour les puissances tribuniciennes de Trajan et de Nerva.

Mais les noms des consuls que les listes donnent pour l’an 104 soulèvent des difficultés plus considérables encore. Le premier est sans aucun doute ce même Suburanus à qui, selon Pline[54], Trajan confia le soin d’instruire à nouveau une affaire déjà jugée par L. Ursus Servanus cos. II en 102. Idatius nous a seul conservé le nom exact ; les autres listes l'ont défiguré en Urbanus, Suriannus, Surannus[55]. — Borghesi admettait que le second était L. Neratius Marcellus, frère du célèbre jurisconsulte Neratius Priscus. Ce Marcellus a obtenu un second consulat en 129, ce qui correspondait assez bien, quant à l'intervalle, avec un premier consulat en 103 ou 104. L’hypothèse de Borghesi paraissait avoir toutes les probabilités en sa faveur. Mais ici le diplôme anglais dont nous avons parlé plus haut présentait un obstacle insurmontable. Ce diplôme, en effet, qui date, comme nous l’avons dit, du 19 janvier 103, indique précisément comme légat de Bretagne L. Neratius Marcellus. Or le Marcellus qui a été consul, et cela pour la première fois, en 104, ne saurait être le même personnage que ce légat, car le commandement supérieur des légions de Bretagne était donné régulièrement à un consulaire, et il faudrait admettre, contre toute vraisemblance, que Trajan l’avait confié par exception à un prétorien. D’ailleurs le surnom de Marcellus est si fréquent, il est usité dans tant de familles nobles que, renonçant à identifier comme Borghesi ces deux Marcelli, nous eussions dû abandonner l’espoir de déterminer plus exactement les noms des consuls de 104, chose à coup sûr moins regrettable que de faire subir à des listes concordantes et dignes de foi, des modifications arbitraires. Comme on le verra plus loin, une découverte récente vient de nous fixer sur le nom véritable des consuls de cette année.

Si ce que nous venons de dire est exact, on peut en déduire, comme conclusion générale, qu’on ne saurait faire coïncider avec la tr. pot. III de Trajan (a. 99) que son second et non son troisième consulat ; avec la tr. p. IV (a. 100) que le troisième consulat et non le quatrième ; avec la tr. p. VI (a. 102) que le quatrième et non le cinquième ; avec la tr. p. XV (a. 111) que le cinquième et non le sixième. Il n’est pas surprenant que, dans le grand nombre des inscriptions de Trajan, il s’en rencontre qui semblent contredire cette règle ; mais celles que l’on connaît jusqu’ici[56] sont toutes d’une lecture plus ou moins incertaine. On n’arrivera à des résultats positifs qu’après avoir soumis à un triage critique les riches matériaux que nous possédons, et qui ne sont pas tous d’une certitude absolue.

Comme corollaire de ce qui précède nous pouvons encore ajouter que la première guerre contre les Daces, entreprise en 104, se termina, non en 103, mais bien dès 102. En effet, les premiers monuments de cette année (trib. pot. VI) donnent encore à Trajan le titre d’imp. II[57] qu’il avait pris en même temps que Nerva, en 97, ce qui prouve que depuis son avènement jusqu’alors Trajan n’avait encore eu aucun succès militaire. La désignation imp. IIII nous apparaît pour la première fois sur des monnaies portant la mention tr. p. VI cos. IIII des V[58], appartenant par conséquent à la seconde moitié de l’an 402. Or, Trajan n’ayant jamais rempli le consulat absent, le fait qu’il avait annoncé vouloir le revêtir au premier janvier 103 prouve qu’il était certainement de retour à Rome, et avait achevé la campagne. Du reste on en a une preuve aussi concluante dans les distinctions qu’il accorda aux généraux sous ses ordres, Laberius Maximus et Glitius Agricola, auxquels il confia un second consulat pour l’an 103. — Ainsi l’on s’expliquerait que Trajan ait pris le titre de Dacicus dès la fin de 102 et ce fait peut titre considéré comme acquis, si les monnaies qui mentionnent ce titre à côte de cos. IIII sont authentiques[59]. Ici toutefois se présente une difficulté. Les monnaies d’Alexandrie datant de la sixième année de Trajan, année qui, d’après l’ère égyptienne, allait du 29 août 102 au 28 août 103, ne donnent à l’empereur que le titre de Germanicus[60] et d’autre part il n’existe, à ma connaissance, aucune inscription qui réunisse le titre Dacicus au quatrième consulat. Nos amis numismates nous rendront donc un service signalé en soumettant à un examen minutieux l’authenticité encore douteuse des monnaies en question. Du reste la fixation de l’époque à laquelle Trajan prit le titre de Dacicus est indépendante de la question relative à la fin de la guerre et au retour de Trajan, car on sait que ce dernier n’avait pas l’habitude d’adopter de nouveaux titres à la première proposition que pouvait lui en faire le sénat. — Ainsi la seconde guerre de Dacie commença probablement en 103 et prit fin en 107, du moins c’est sur les inscriptions de cette année (tr. p. XI) qu’on rencontre pour la première fois le titre imp. VI, sans doute à cause des victoires remportées peu auparavant en Arabie et en Dacie[61].

Faisons encore remarquer que, selon les témoignages les plus dignes de foi, Nerva a compté ses puissances tribuniciennes à partir du jour de son avènement, 18 sept. 96, et qu’à sa mort, fin janvier 98, il comptait la seconde. Le fait est mis hors de doute par de nombreuses monnaies portant la date tr. p. II imp. II cos. IIII[62] et par des inscriptions concordantes[63] qui, vu l’indication du quatrième consulat, sont bien certainement de l’an 98. Il ne serait cependant point impossible qu’il existât aussi des inscriptions de cette même année mentionnant la tr. p. III. Ainsi les meilleures copies de l’inscription aujourd’hui perdue du forum de Nerva ont : trib. potest. III imp. II cos. IIII, et un milliaire des marais Pontins semble donner les mêmes chiffres[64]. S’il était démontré que ces chiffres sont authentiques, il faudrait en conclure, ou bien que Nerva avait déjà employé simultanément dans les derniers jours de sa vie les deux manières de compter, ou bien plutôt que Trajan, lorsqu’il inscrivait le nom de Nerva sur les édifices dont ce prince avait jeté les fondements, se servait du calcul adopté par lui-même pour dater les années de son règne. Il aurait ainsi attribué à Nerva la troisième puissance tribunicienne à dater du 1er janvier 98, et cela s’expliquerait par le désir de mettre d’accord après coup les années tribuniciennes du prince et celles de sou associé à L’empire.

Ces lignes étaient déjà à l’impression, lorsque M. Waddington m’a communiqué une inscription trouvée récemment à Éphèse par M. Wood, architecte anglais. Fous y trouvons enfin les noms complets des consuls de l’an 104 ; voici la date qu’elle porte : Σέξτω Άττίω Σουβουρανώ τό β’, Μάρκω Άσινίω Μαρκέλλω ύπάτοις πρό ή (?) καλανδών Μαρτίων. Il est donc absolument démontré que le consul Marcellus de 104 est différent du légat de Bretagne L. Neratius Marcellus. Je n’ai rien à ajouter à ce que j’ai dit plus haut de Sex. Attius Suburanus. Quant à M. Asinius Marcellus, c’est probablement le fils ou le petit-fils du personnage du même nom qui fut consul en 54 après J.-C.[65] Du reste je ne crois pas qu’il soit mentionné ailleurs.

 

APPENDICE E. — LES ADOPTIONS DE CAMILLUS SCRIBONIANUS ET DE L’EMPEREUR NÉRON.

Parmi les exemples de doubles gentilicia datant du 1er siècle que nous avons réunis, on aura remarqué l’absence du consul de l’an 32 après J.-C. qui, selon Borghesi[66], s’appelait M. Furius Camillus Arruntius, noms auxquels il ajouta encore plus tard celui de Scribonianus. On admet qu’il était fils de L. Arruntius, consul en l’an 6, et le fils adoptif de M. Furius Camillus, consul en l’an 8. Mais l’étude des renseignements que nous possédons sur son compte nous conduit à un résultat inverse. Dans les monuments contemporains qui indiquent ce Camille comme consul en 32 et dans ceux où son nom n’est ni effacé, ni omis[67], il s’appelle Camillus Arruntius[68], tout comme aussi dans la date fournie par Suétone[69]. Ces deux mêmes noms doivent aussi avoir figuré dans les listes consulaires qui furent rédigées plus tard et dont on se servit généralement, car les listes abrégées ont coutume, on le sait, de ne conserver que le second nom porté sur les tables complètes et elles ne mentionnent ce consul que sous le nom d’Arruntius[70]. Cependant, dans les nouvelles tables arvales de l’an 38[71], il est appelé cinq fois M. Furius Camillus, nom qui se retrouve aussi dans un autre fragment des mêmes actes connu depuis longtemps[72] et concernant sa nomination en remplacement de son père : en comparant ce fragment avec la table découverte plus récemment, on voit qu’il doit être rapporté au temps de Caligula et à l’an 37. Dans les historiens qui citent ce personnage soit à propos de sa légation en Bithynie ou de sa mort en 42 ap. J.-C., il est appelé Furius Camillus Scribomianus[73], Camillus Scribomianus[74], ou simplement Camillus[75] ou Scribomianus[76]. Enfin, dans Tacite le nom de son fils est Furius Scribomianus[77]. Rien ne prouve donc qu’il ait porté à la fois les deux gentilicia et par conséquent, d’après les règles qui subsistaient encore à cette époque, on doit admettre qu’en 32 il s’appelait Camillus Arruntius, en 37 et plus tard M. Furius Camillus. Il était donc de naissance fils de M. Furius Camillus, consul en l’an 8, proconsul d’Afrique en l’an 18[78], qui mourut probablement comme nous l’avons vu, en 37[79]. Il avait été adopté par L. Arruntius qui, dans les dernières années d’Auguste et dans les premières années de règne de Tibère, occupait presque la première place dans l’état par sa fortune et sa considération[80] ; sa position lui permettait d’adopter le rejeton d’une ancienne famille patricienne. Il y a néanmoins dans le cas qui nous occupe une légère infraction à la règle. Le fils adoptif a conservé le surnom (Camillus) de sa famille naturelle comme prénom au lieu de le mettre au rang de cognomen, tandis qu’il eût dû prendre le prénom de son père adoptif. Mais ici cela s’explique par le fait que les Arruntii étaient une des familles qui n’avaient pas de cognomina, d’où il résulte que les noms L. Arruntius Camillus n’eussent pas été conformes à l’usage de la famille dans laquelle Camille entrait par adoption. Après la chute du vieil Arruntius et sa mort qui survint en 36, peu avant celle de Tibère[81], on comprend que son fils adoptif ait renoncé à son nom pour reprendre son ancien gentilicium qu’il transmit aussi à son propre fils[82]. L’origine du nom de Scribonianus, que du reste les monuments ne nous ont pas fourni jusqu’ici, reste tout à fait inexpliquée.

Si plus haut nous avons dit de l’adoption que, lorsqu’elle déployait tous ses effets juridiques, elle détruisait les anciens rapports d’agnation et que par conséquent dans les inscriptions des empereurs on ne nommait jamais que le père adoptif, il n’est pas superflu d’ajouter que Néron ne fait pas exception à cette règle. On sait que, dans les actes officiels, il indique comme son père l’empereur Claude, comme son grand-père Germanicus, comme bisaïeul Tibère, et comme trisaïeul Auguste[83]. Mais il y a ceci de bizarre que, s’il indique comme père son père adoptif, pour les degrés plus éloignés ce sont les ascendants naturels qui figurent dans sa généalogie, et même ce ne sont pas les ascendants paternels, mais bien les maternels, et cela en tenant compte de nouveau des adoptions. Ainsi c’est Tibère qui est indiqué comme grand-père d’Agrippine, fille de Germanicus, c’est Auguste qui figure comme père de Tibère.

Tout cela est conforme à la règle. On n’a qu’à se rappeler que l’adoption ne tait changer que le père et non la mère : Si filium adoptaverim, dit Paulus[84], uxor mea illi matris loto non est ; neque enim agnascitur ei ; propter quod nec cognata eius fit. Ainsi, même après l’adoption, héron resta légalement le fils de sa mère (peu importe d’ailleurs qu’Agrippine ait été en même temps la femme de son père adoptif) et le descendant de ses ascendants maternels. Il est évident que ce furent des raisons politiques qui l’engagèrent à nommer de préférence ces derniers dans les degrés plus éloignés. De même que Caligula, en sa qualité de petit-fils d’Auguste, évinça le petit-fils de Tibère, qui en droit héréditaire était son égal, de même il est certain que Néron a été préféré, dans la succession au trône, au propre fils de Claude, qui était légalement son égal, parce qu’il était arrière petit-fils d’Auguste. Les titres qui s’étalent dans cette singulière généalogie de Héron sont ceux de la dynastie julienne, de la descendance, non ‘de César, mais d’Auguste, descendance qui semblait plus légitime à côté de celle des Claudiens. Et pourtant, dans cette généalogie rien ne contredit les principes du droit. Il n’y a d’anormal que le choix.

 

APPENDICE F. — FASTES CONSULAIRES DU RÈGNE DE TRAJAN (de 96 à 117).

 

 

 



[1] Dans l’édition la plus ancienne que j’aie sous les yeux (Venise, 1518) elle est au folio 1.

[2] Au dire d’Aldini (Marmi Comensi, p. 102), à qui on ne peut guère se fier, le roi Lothaire d’Italie (T 950) aurait été enseveli dans ce sarcophage ; et dès l’an 1612 le cardinal Fed. Borromeo aurait en vain recherché l’original.

[3] Lesley la vit à Rome inter Labicum et Montem Portium in porticu palatii card. Pallotta ; c’est sur sa copie que repose notre texte (Marini, Arv., p. 729 ; Orelli, n° 3659, Borghesi, Œuvres, IV, p. 117).

[4] La pierre, difficile à lire, est actuellement à Côme dans la collection Giovio ; je la donne ici d’après ma copie. Je n’ai pu réussir à lire le commencement de la quatrième ligne. Tous ceux qui l’ont publiée jusqu’ici (Gruter, p. 382, 6, etc.) reproduisent le texte de Jovius, que j’ajoute ici, quoique évidemment il soit interpolé : L. Calpurnius L. f. Ouf. | Fabatus | VI vir IIII vir i. d. pr. m, præf. | præt. tribu. m. leg. XXI rapac. | præf. cohortis VII Lusitan. | et nation. Gelutic. Arsen. | quæ sunt in Numidia | flam. divi Aug. patrimonio | t. f. i.

[5] Orelli, 3049 = Henzen, p. 265 : L. Aconio.... ɿ leg. XI C. p. r, leg. IIII F. f, leg. F. Maced., VII C. p. f., donis donato ab imp. Traiano Aug. Germanic. ob bellum Dacic... et a priorib. principibus... [do]nis donato [ab bellum Suebicum] et Sarmatic. Henzen 6766 :... drio Q. f. Mor. Septo.. tribuno militum l[eg. sec]undæ adiutricis p. f., donis [mili]taribus bello Suebico e[t] Sarmatico. Henzen, 6912 :... [Bellicio] P. [f.] Stel. So[ller]tileg. reg. XIII [g]e[m], donat. don. militarib. expedit. Sueb[i]c. et Sarm. Le fait que l’empereur qui a conféré les doras n’est pas nommé ou qu’il est compris tacitement dans les priores principes montre, comme les autres indices chronologiques, qu’il s’agit de Domitien.

[6] LXVII, 5. Les mots έν τή Μυσία devant Λύγιοι proviennent de l’ignorance de l’auteur des extraits. Voyez Reimarus, note sur ce passage, et Zeuss, die Deutschen, p. 119. Tacite, Ann., XII, 29, raconte une guerre précédente entre ces Lygiens et les Suèves sur le Danube. Encore ici les alliés de ces derniers sont les Sarmatæ Jazyges.

[7] Tacite, Annales, II, 63 ; XII, 29 ; Pline, H. N., IV, 12, 81.

[8] I, 2. Il a surtout en vue la guerre sous Vespasien dont il parle, Hist., IV, 54, et connue aussi par Josèphe, Bell. Jud., VII, 4, 3 ; mais nous ne savons pas que les Suèves y aient joué un rôle.

[9] Suétone, Dom., 5. expeditiones... sponte suscepit, partim necessario : sponte in Chattos, necessario unam in Sarmatas, legione cum legato simul caesa, in Dacos duus... De Cattis Dacisque... duplicem triumphum egit; de Sarmatis lauream modo Capitolino Ioui rettulit. Martial (Ep. VII, 8 ; VIII, 15, etc.) et Statius (Silv., III, 3, 170) : quæ modo Marcomasos post horrida bella vagosgue Sauromatas Latio non est dignata triumpho, mentionnent aussi le triomphe dédaigné. D’après le contexte de Stace, les Marcomans ne peuvent guère être que les Suèves de Vannius. Cette substitution de noms n’a pas lieu d’étonner chez un poète. Les Quades et les Marcomans, que Dion (LXXVII, 7) mentionne à côté des Daces, sont sans doute également les Suèves.

[10] Henzen, 5439 : Q. Attio P. f. Maec. Prisco... trib. mil. leg. I adiutric., donis donato ab imp. Nerva Cæsare Aug. Germ. Bello Suebic. Cf. Eckhel, VI, 406.

[11] Annali, 1862, p. 146.

[12] On le voit surtout par le chap. 9.

[13] Panégyrique, 8.

[14] Pline, Panégyrique, 12, 56.

[15] Il était né vers 47, fut consul pour la troisième fois en 134 et exécuté en 136 à l’âge de quatre-vingt-dix ans (Dion, LXIX, 17. Vita Hadrien, 15, 23, 25). Son portrait, un buste de marbre, avec l’inscription en style grec : L . VRSVM . COS . III | CRESCENS . LIB (publié dans Mongez, Icongr. romaine, pl. 9, 3, 4) se trouve actuellement en la possession du duc de Wellington à Apsley-House, à Londres. Hübner.

[16] Vita Hadriani, c. 2. Cf. Borghesi, Œuvres, III, 75, et surtout Henzen, Annali, 1862, 147. Comme il est fait mention d’un beneficiarius de Servianus, il doit avoir été alors gouverneur, et comme Trajan était alors en Germanie Inférieure, comme Servianus apprit la mort de Nerva avant lui et la fui fit annoncer, sa province ne peut être que la Germanie Supérieure.

[17] Pline, Ep. VIII, 23, 5 : (Servianum) legatum (Iunius Avitus) tribunus ita et intellexit et cepit, ut ex Germania in Pannoniam transeuntem non ut commilito, sed ut comes adsectatorque sequerunt. Cf. Borghesi et Henzen, l. c.

[18] Cf. Pline, Panég., 9 : Quid enim, si provincias ex provincis, ex bellis bella mandaret ? Dion, LII, 53.

[19] Panégyrique, 14.

[20] Suétone, Dom., 6. Victor., Ep. 11.

[21] Suétone, Dom., 7 : Geminari legionum castra prohibuit, nec plus quam mille nummos a quoquam ad signa deponi ; quod L. Antonium apud duarum legionum hiberna res nouas moliens fiduciam cepisse etiam ex depositorum summa uidebatur.

[22] Suétone, Dom., 6.

[23] Cf. mon mémoire : Die Schweiz unter rœmischer Herrschaft, p. 11, où il y a beaucoup à corriger d’après ce qui a été dit ici.

[24] IX, 84 : cum tua sacrilegos contra, Norbane, futures staret pro domino Cæsare sancta fides... me tibi Vindelicis Raetus narrabat in oris.

[25] Plutarque, Æm. Paul, 25 ; voyez l’inscription d’Alpinus qui fut récompensé comme préfet de la deuxième cohorte prétorienne lors du bellum germanicum (Maffei M. V., 120, 2), car il est prouvé (Annali, 1830, p. 262) que cet Alpinus vivait du temps de Domitien.

[26] Sur les trois légions I Adiutrix, VI Victrix et X Gemina qui étaient en Espagne en 69, les deux dernières ont été rappelées dès 70 (Tacite, Hist., IV, 68 ; V, 14, 19) ; la première y resta probablement.

[27] Elle était probablement en Espagne dès 79 (Gruter, 245, 2 — C. I. L., II, 1477) et elle y resta stationnaire depuis lors, ce qui, naturellement, n’exclut pas des absences momentanées.

[28] Fabretti, 140, 149.

[29] Cette guerre porte aussi ce nom dans l’inscription Orelli, 772, et dans celle d’Alpinus.

[30] Pour conclure de cette expédition que Trajan était proconsul d’Espagne, il faut ignorer les premiers éléments de la question. Trajan ne peut même pas avoir été légat d’une des provinces d’Espagne, puisque les gouverneurs n’étaient pas employés, d’ordinaire, en dehors de ces provinces. Le commandement de M. Claudius Fronto dans la guerre arménio-parthique de L. Verus fournit un exemple analogue (Henzen, 5478). Trajan avait alors le rang de prétorien (Vita Hadr., 1), il pouvait donc commander une légion.

[31] C’est ce que montre Martial. Il mentionne la guerre des Chattes, déjà II, 2 ; la révolte de Saturninus IV, 11 (rétrospectivement VII, 7, 3 ; IX, 84) ; les commencements de la guerre de Matie dans les livres V et VI (I, 22, n’a rien à taire ici) ; puis l’expédition sarmate dans le VIIe livre.

[32] Dion, LXVII, 11, et 12.

[33] Tillemont, note 8 sur Domitien. L. Friedlænder de temporibur librorum Martialis (Programme de Kœnigsberg, 1862), p. 7.-8.

[34] La rédaction que nous possédons est une seconde édition remaniée, comme le poète nous l’apprend, épigr. 2 (nota leges quædam… : pars nova maior crut). Mais quand on lit, XII, 5. Longior undecimi nobis decimique libelli artatus labos est et breve mansit (correction excellente de Haupt, pour rasit) opus : plura legant vacui... hæc lege tu, Cæsar : forsan et illa leges ; avec Stobbe, il faut entendre ces paroles comme constituant une pièce d’envoi d’un simple extrait des livres 10 et 11 envoyé à l’empereur, où les passages les plus saugrenus étaient p.-ê. omis. Stobbe avait aussi émis l’hypothèse très vraisemblable que le poème XII, 11, invitant Parthenius à remettre à l’empereur le brevis libellus, est en relation avec la cinquième épigramme ; il n’eût pas dû l’abandonner. L’empereur à qui est adressé l’envoi est Nerva ; et l’envoi, antérieur à la mort de Parthenius, est de l’an 97. Le poète lui-même dit que cet abrégé n’est pas destiné à remplacer les livres complets.

[35] Car je ne vois pas de raison suffisante pour rapporter à lui et non à Trajan l’ep. 72.

[36] Epigr. 24, comparez avec Pline, Panég., 42. Mais il ne résulte pas du texte de Pline que l’édit en question ait été rendu seulement après le retour à Rome de Trajan.

[37] Le poète invite ses amis à boire un vin médiocre, dans ce passage évidemment altéré (10, 48) : lagœna, quæ bis Frontino consule prima fuit. Haupt corrige trima fuit et ajoute trima d’après Heinsius, qui n’eût cependant pas dû toucher à fuit. Au lieu d’indiquer simplement l’année de son vin de Nomentum, Martial indique celle où il était potable pour les gourmets ; depuis lors il est encore devenu plus vieux et meilleur. Athénée dit, il est vrai, A f. 27 b : ό δέ Νουμεντανός άκμάζει ταχύ καί άπό έτών πέντε πότιμός έστιν ; mais d’autres n’y regardaient pas de si près. Athénée dit auparavant du vin de Sabine : άπό έτών έπτά έπιτήδειος πίνεσθαι μέχι πεντεκαίδεκα ; Horace, Carm. I, 9 : benignius deprome quadrimum Sabina, o Thaliarche, merum diota. Le campagnard boit le vin de l’année. (Hor. Epod 2, 47.) [Ainsi cette épigramme daterait de la fin de l’an 98.]

[38] [On savait que le second consulat de Frontin datait du règne de Nerva (Pline Panég. 66), et Mommsen avait montré qu’on ne pouvait lui assigner que l’année 98 ou 97 ; mais il inclinait en faveur de 97. De nouvelles découvertes ont fixé définitivement ce consulat à l’an 98. Henzen, Ephemeris Epigraphica, I, p. 159.]

[39] Borghesi (Œuvres, V, 533) admettait que le consul Paulus cité dans la dixième épigramme était L. Vettius Paulus cos. suff. en 81, ce qui n’est pas très vraisemblable, surtout parce que l’épigramme exige un consul ordinaire (laurigeris annum qui fascibus intras). Comme la série des éponymes est bien connue et que d’ailleurs il ne s’y trouve pas de Paulus qui réponde aux données, il faut supposer que Martial n’a pas mis ici le vrai nom. On comprend bien du reste que précisément ce Paulus de Martial, homme riche et noble mais avare, et qui fait assaut de servilité avec les clients, ne soit par exception qu’un pseudonyme. En tout cas, il n’est qu’un embarras pour la chronologie.

[40] Stobbe entend la contumacissima triennii desidia d’un séjour de trois ans dans la province. La contumacia du poète ne consiste pas en ce qu’il vit à Bilbilis, mais en ce qu’il se repose, malgré les invitations de la muse. Il est encore bien plus arbitraire d’admettre que la dédicace de ce livre appartient à une édition plus ancienne et plus considérable et non à celle que nous possédons.

[41] Ibis.... Romam nunc peregrine liber.... gradiere Subura, atria sunt illic consulis alta mei ; laurigeros habitat lacundus Stella penates.

[42] Statius, Silv., I, 2, 178. Martial, IX, 42.

[43] Orelli 784. La vraie signification de ce décret a été démontrée par Borghesi, Bullett. dell’ Inst., 1844, p. 126 (Œuvres, VII, 473), et par Henzen, Annali, 1844, p. 40.

[44] C’est ce que semblent prouver le Panégyrique de Pline et Dion Cassius ; voyez Henzen, Annali, 1844, p. 11. 12.

[45] Borghesi, l. c., et après lui Henzen, l. c., p. 40, pensent que Gallicanus a plutôt succédé à Bassus ; mais c’est certainement à tort. Il est évident que l’obligatio prædiorum facta per Cornelium Gallicanum mentionnée à la fin de la table de Veleia, est plus ancienne que le document principal, puisque Trajan y est appelé simplement Germanicus, au lieu de Germanicus Dacicus qui se trouve dans l’acte principal, lequel d’ailleurs se réfère à plusieurs reprises (Henzen, Annali, 1834, p. 12) non seulement aux hypothèques alimentaires conclues sous l’administration de Gallicanus, mais aussi à celles de Pomponius Bassus (3, 12, 53) et nomme ce dernier en second rang (3, 12 : deducio vectigali et is quæ ante Cornelius Gallicanus et Pomponius Bassus obligaverunt), ce qui ne peut être motivé que par leur succession en date. En outre, Cornelius Gallicanus était déjà légat prétorien en 83 ; il avait donc, seize ans plus tard, un âge assez respectable pour remplir le poste dont il est question. Du reste nous manquons encore de notions précises sur la nature des fonctions de Gallicanus et de Bassus. Borghesi et Henzen admettent que Trajan les avait chargés, comme præfecti alimentorum, d’organiser ces fondations en Italie ; en sorte que ces deux personnages n’auraient pas été restreints, comme les préfets postérieurs des alimentations, à l’une des circonscriptions indiquées par l’administration des voies d’Italie (Cf. Digeste, 32, 41, 5 : fundum in Appia). Cette opinion a, il est vrai, en sa faveur, la formule du décret de Ferentinum (demandata cura ab imp., qua æternitati Italiæ suæ prospexit) et le fait que Bassus paraît avoir été employé en cette qualité aussi bien à Ferentinum qu’à Veleia. Mais d’un autre coté, il est certain que les fondations alimentaires furent établies par groupes, et cela conduit à penser qu’à mesure que les capitaux qui leur étaient destinés devenaient disponibles, les diverses régions d’Italie étaient datées de fondations de ce genre ; et que par conséquent l’administration de ces affaires fut mise en rapport avec la curatelle des voies dès le premier établissement et non pas plus tard, lorsqu’il ne s’agit que de les surveiller. On pourrait rappeler en outre que sous Trajan nous trouvons un curator de la voie Emilienne, qui n’est pas, comme c’était de règle absolue, de rang prétorien, mais bien de rang consulaire, ce qui s’expliquerait si, à ce moment, la charge importante d’établir les fondations alimentaires était réunie à cette curatelle. On ne pourra guère trancher la question que lorsque les titres officiels de Bassus ou de Gallicanus auront été découverts.

[46] Sur Titus Pomponius Bassus, comme légat de Cappadoce et de Galatie, on trouve les renseignements réunis dans la consciencieuse étude de M. G. Perrot (de Galatia provincia Romana, Paris, 1867, p. 1 M et suiv.). Une inscription de Bassus trouvée aux environs d’Ancyre (Bullett. dell’ Inst. 1862, p. 68 — C. I. L., III, 309) donne à Trajan les titres de trib. pot, p. p. cos. II ; ainsi comme Trajan fut consul en 98 pour la seconde et en 100 pour 1a troisième fois, elle date de 98 ou 99 ; on possède aussi un nombre considérable de monnaies de Bassus (Eckhel, III, 190 ; Mionnet IV, 412, 33-35 ; 413, 45 ; p. 7, 665, 35 ; 36 ; 669, 57 ; 58 ; Borghesi, Bullett., 1844, 126 et Œuvres, II, 16). J’ai consulté sur ces monnaies M. Waddington, la première autorité dans ce domaine, et je résume ici les parties essentielles des communications qu’il m’a faites et qui reposent sur l’examen direct des pièces en question. Pour ce qui regarde les médailles de Pomponius Bassus, celle de l’année ΙΔ de Domitien n’est pas d’une lecture certaine ; l’exemplaire décrit par Mionnet me semble plutôt se lire ΙΕ. — La date ΙΕ de Domitien est certaine. Celle de Nerva est certaine. — La pièce de Trajan, frappée à Césarée (Mionnet Cappad., n° 45) avec ΕΠΙ . ΒΑCCΟΥ. ΕΤ . Γ, Mont-Argée, se trouve au Cabinet : la lecture en est certaine. Les monnaies de ce gouverneur vont donc de l’an 15 de Domitien à l’an 3 de Trajan ; mais ici surgit la question de savoir à partir de quel jour ces années sont comptées. A’après la détermination de Belley (Mém. de l’Acad. des Inscr., t. XXX V, p. 628) qui est approuvée par Eckhel et Ideler, l’année impériale de Cappadoce commence le 13 décembre. M. Waddington, au contraire, la fait commencer au 22 septembre. 11 fait observer que les chiffres les plus élevés d’années qu’on rencontre sur les monnaies de Césarée sont : pour Titus, III ; pour Domitien, XV ; pour Antonin le Pieux, XXIV ; pour L. Verus, VII ; pour Septime Sévère, XVIII ; pour Macrin, II. Ces monnaies de Macrin, continue-t-il, qui sont assez nombreuses pour la seconde année, tandis que je n’en connais pas pour la première, montrent qu’on comptait probablement à partir de l’équinoxe d’automne, commencement habituel de l’année en Asie-Mineure. Le fait que pour Antonin le Pieux (10 juillet 138 au 7 mars 161) on compte 24 ans, met au moins hors de doute que le nouvel an tombait entre le 10 juillet et le 7 mars. D’après cela, la troisième année de Trajan tomberait du 22 septembre 99 au 21 septembre 100, si l’on considère comme la première l’espace entre le 28 janvier et le 22 septembre 98.

[47] Borghesi place en 102 le consulat de Stella, il ne parait pas avoir d’autre raison que le fait qu’il croyait pouvoir prouver déjà six autres consuls pour l’an 101. Mais, outre que ces consuls sont, pour la plupart, placés à tort à cette année, il n’est point certain qu’à cette époque la durée du consulat n’ait pas déjà été de deux mois, et qu’il n’y eût pas douze consuls par an.

[48] Epigr. 1 : hora nec æstiva est.

[49] IV, 23 : ita senescere oppotet virum, qui magistratus amplissimos gesserit, exercitus rexerit totumque se reipublicæ quamdiu decebat obtulerit.

[50] Eckhel, VI, 415 ; Cohen, Med. den Emp., II, 85 n. 539. Cette médaille a certainement été vue par Noris, Fabretti et Masson, qui en possédait un exemplaire (a. 102 § 2) ; mais Eckhel reconnaît qu’ils ont pu être trompés par des exemplaires faux ou falsifiés. M. Waddington ne l’a jamais vue et la croit fausse ou suspecte. Les légendes Germ. tr. p. VI imp. IIII cos. IIII des. V et Germ. Dac. tr, p. VII imp. IIII cos. V sont certaines et régulières. Cohen donne, il est vrai, p. 57, n° 334, pour une des trois variétés (à la Fortune assise) TR . P . VII au lieu de TR . P . VI, d’après l’exemplaire du cabinet de Paris ; mais Elberling (Publications de la Société de Luxembourg, 20, 131) fait observer : mon exemplaire a distinctement VI, puis vient un trait qu’on peut facilement prendre pour un second I. Cohen le contredit et assure que l’exemplaire de Paris a bien TR . P . VII (ibid., 22, 53). Cependant dans ce cas la monnaie serait unique au milieu de toutes les semblables qui ont TR . P . VI, et, en outre, ce serait le seul document où Dacicus manquerait à côté de TR . P . VII, en sorte qu’on a de bonnes raisons pour s’en tenir à la leçon d’Elberling, et pour voir dans l’exemplaire de Paris, si la lecture en est certaine, un simple défaut de coin au de frappe.

[51] L’inscription d’Orelli 783, sur laquelle Eckhel s’appuie plus loin, ne présente plus de difficulté, depuis que le commencement de l’année tribunicienne est fixé non plus, comme l’admettait Eckhel, en automne, mais en janvier 102.

[52] Ainsi p. ex. Borghesi, Œuvres, III, p. 70, et beaucoup d’autres.

[53] Hermès, I, 58.

[54] Ep. VII, 6, 10, 11.

[55] Borghesi fixait autrefois à l’an 103 (Bullett. d. I., 1851, p. 35) le second consulat de Licinius Sura, en sorte que celui-ci, qui a été trois fois consul, aurait eu les trois consulats ordinaires de 102, 103, 107. Mais des découvertes postérieures ont prouvé que Sura avait été en 102 cos. II, en 107 cos. III et que son premier consulat, dont l’année nous est inconnus, n’était pas ordinaire (voyez Borghesi, Annali d. I., 1860, p. 440).

[56] Dans l’inscription Gruter, 246, 7 — C. I. L., II, 2352, les copies anciennes ont trib. pot. IIII cos. IIII, mais Nic. Antonio lisait seulement co.... Dans les inscriptions de tr. pot. XV. Inscr. Neap., 2487, 6261, la lecture est aussi incertaine.

[57] I. N., 6262-6268 — Orelli 783.

[58] Eckhel VI, 415. Nous n’avons pas de monuments avec imp. III, et nous ne savons pas seulement quelle autre victoire que celle de Dacie Trajan a remportée à cette époque.

[59] Cohen, Med. des Emp., II, 15, n° 78, 79, d’après Wiczay et Eckhel.

[60] Eckhel, VI, 414.

[61] Il nous manque, il est vrai, encore des inscriptions avec imp. V (car celle du pont d’Alcantara ne peut être prise en considération), et l’on n’a pas non plus, que je sache, d’inscriptions datées de 106 (trib. pot. X), il n’est donc pas impossible que cette seconde guerre ait déjà fini en 106.

[62] Eckhel, VI, 409.

[63] J’en ai vu moi-même une (Labus, Epist. Bresc., p. 4) à Brescia.

[64] Orelli, 19, 780 et les observations de Henzen, p. 1, 77, et surtout Rossi, le antiche raccolte, p. 48 et suiv.

[65] Borghesi, Œuvres, II, 350 et suiv., parle longuement de lui et de sa famille.

[66] Annali dell’ Instituto, 1850, p. 308. Son opinion a été adoptée par Nipperdey dans son édition de Tacite, Ann., VI, 1.

[67] Ainsi Orelli, 689, 4032.

[68] Ainsi sur la tessère C. I. L., I, 769-Henan 6165 et dans les inscriptions I. N., 2270, 4607.

[69] Othon, 2.

[70] Chronographe de 354 : Arruntio. — Idatius : Aruntillo. Chronique pascale : Άρουντίου. Dans Prosper et ses abréviateurs, ce consulat manque.

[71] Henzen, Annali, 1867, p. 229, lignes 4, 13, 20, 27, 37.

[72] Marini, Fr. Arv., XII : [Imp. Cæsar August]us Germanicus [p. p. fratribus Arvalibus collegis] suis salutem. In locum M. Furii Camilli M. Fu(rium Camillum filium fratrem Arv)alem collegam (vobis nomino). Les restitutions sont en grande partie de Marini, seulement il a rapporté le fragment à Claude. Le jeune Camillus fonctionnant déjà comme Arvale en 38 et Caligula étant monté sur le trône le 18 mars 37, ce fragment est de l’an 37 ; car avant cette lettre il est fait mention au 17 mai d’un sacrifice et auparavant d’une cooptation (peut-être celle du nouvel empereur). Tacite dit que Camille le père n’avait pas été une des victimes de Tibère (Ann., II, 52, à la fin) ; il mourut probablement après Tibère, car sa mort n’est pas mentionnée dans la partie des Annales qui nous a été conservée. Comparez aussi Henzen, n° 6290 : Thalamus M. Furi Camilli ab horr(eis).

[73] Suétone, Claude, 13 ; Dion LX, 15.

[74] Tacite, Annales, VI, 1 ; Dion LVIII, 17.

[75] Tacite, Annales, XII, 52 ; Suétone, Claude, 35 ; Othon, 1. — Dion LX, 15, 16.

[76] Tacite, Histoires, I, 89 ; II, 75 ; Pline, Ep. III, 16.

[77] Annales, XII, 52.

[78] Tacite, Annales, II, 52.

[79] Suivant Borghesi, le L. Furius M. F. Camillus qui, d’après l’inscription Gruter, 912, 8, mourut à l’âge de 12 ans, serait un second fils du même personnage. Borghesi admet aussi que la fiancée de Claude morte avant son mariage, probablement vers la fin du règne d’Auguste, est la fille de ce consul de l’an 8. Elle est appelée dans une inscription (Orelli, 716) : Medullina Camilli, dans Suétone (Claude, 26) : Livia Medullina, cui cognomen et Camillæ erat, e genere antiquo dictataris. Mais il serait difficile de s’expliquer pourquoi elle s’appelle dans l’inscription Camilli au lieu de Camilli f. et pourquoi Suétone l’appelle Livia.

[80] Tacite, Annales, I, 13 et ailleurs.

[81] Tacite, Ann., VI, 48.

[82] Les marques de briques mentionnent non seulement des figlinæ Camillianæ (plus tard propriétés impériales) mais aussi une Arruntia Camilla Camilli comme propriétaire de briqueteries (Borghesi, l. c. p. 366). Si la lecture est juste, c’est une fille du consul de 32, et son nom est suivi de l’ancien nom de son père ; Camilli serait encore ici pour Camilli f., ce qui est bien extraordinaire.

[83] Ainsi sur la table des Arvales Marini XV et dans d’autres inscriptions (Orelli, 727, 728, 732, 3311). Ici Eckhel VIII, 367, s’est gravement trompé à deux points de vue ; d’abord en s’appuyant sur des inscriptions de Nero Iulius Germanici f. (Orelli 663) pour accuser l’empereur Nero Claudius de s’être fait passer pour le fils de Germanicus Cæsar ; ensuite en traduisant les mots Germanici Cæsaris nepos de la table des Arvales par neveu de Germanicus, ce qui l’a empêché de reconnaître qu’il s’agissait du grand-père maternel.

[84] Digeste, I, 7, 73.