LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LE SÉNAT.

LE PATRIMOINE DE L’ÉTAT.

 

 

Si l’on ne peut en général arriver qu’à une conception imparfaite des finances romaines, il en est ainsi spécialement de la part importante prise par le sénat à leur direction ; là encore nous rencontrons comme obstacle la circonstance que l’impôt civique était écarté de fait à l’époque qui nous est la mieux connue et que par suite nous ne savons presque rien de cette institution aux ramifications prolongées.

Le plan le plus convenable pour nos explications sera d’étudier d’abord l’administration générale de la fortune de l’État qui se divise à son tour en deux branches : la participation du sénat à l’administration de la fortune publique et son influence en matière d’impôts, puis d’exposer son droit d’autoriser les dépenses faites par le trésor public, l’ærarium populi Romani, et enfin de joindre à ces explications quelques remarques sur l’intervention du sénat dans le rôle propre d’exécution des magistrats. — Le peuple est consulté sur les questions financières, quand des considérations fondamentales l’exigent ; mais cela est peu de chose, et c’est devenu de moins en moins important, évidemment parce qu’on ne pouvait attendre des comices une solution impartiale basée sur la vue de l’ensemble des faits. Le roi et les magistrats qui le remplacent administrent, d’après la théorie romaine[1], la fortune du peuple comme le père de famille administre la sienne. Le principe selon lequel les actes ordinaires rentrent dans l’action indépendante des magistrats et le concours du sénat est requis pour les actes extraordinaires, est le principe dominant dans la sphère des finances comme ailleurs ; mais nulle part l’action ordinaire de la magistrature n’a été aussi rite écartée et le gouvernement du sénat n’a aussi absolument prévalu.

 

I. ADMINISTRATION DES BIENS DE L’ÉTAT.

Relativement aux biens de l’État, on peut s’occuper du concours du sénat, soit au point de vue de leur consistance, quant à leur acquisition à la guerre, à leur ;acquisition par donation ou testament, à leur achat et à leur vente, soit au point de vue de leur exploitation.

L’occupation du droit de la guerre, qui est l’origine essentielle des biens de l’État, est un acte de magistrat, qui ne réclame ni le concours du sénat ni celui des comices[2]. Il sera question dans la partie des Relations extérieures, des acquisitions résultant de traités de paix et du rôle qu’y joue le sénat.

Les donations et les dispositions de dernière volonté, adressées à la cité romaine, peuvent probablement être acceptées des citoyens par le magistrat sans autre forme ; car, d’une part, les formalités requises entre particuliers sont étrangères aux actes conclus entre le peuple et un particulier, et d’autre part, le risque de perte, possible pour l’acquisition par un particulier d’une hérédité, ne souffre pas davantage d’application au trésor. L’honneur ne peut non plus guère être engagé dans la réception de tels présents. — Mais l’acceptation des présents venant de l’étranger, pour lesquels il l’est souvent et qui peuvent même sans cela être la source de désagréments pour le peuple, ressortit au sénat comme tout ce qui tient aux relations internationales. Le peuple n’a jamais été consulté en pareil cas. Jusque pendant les crises de la Révolution, le sénat a toujours refusé, même dans les temps les plus critiques de la guerre d’Hannibal, les présents en argent ou en valeurs équivalentes offerts par les rois et les républiques étrangères au trésor, que ces rois et ces républiques fussent sujets ou non, fussent italiques ou d’outre-mer[3]. On n’a accepté parfois que des denrées pour les armées[4] et des pièces d’armement[5]. Mais les dons adressés aux dieux de Rome ne sont pas repoussés ; en suite de quoi l’usage s’est introduit parmi les états et les rois plus ou moins dépendants de Rome de demander au sénat la permission, qui leur était en générai accordée, de faire des présents votifs en or au Capitole[6]. — Au contraire l’institution du peuple romain comme héritier faite par des rois étrangers, ainsi en premier lieu par le roi Attale III Philométor de Pergame en 621 et plus tard par d’autres, a en général été acceptée par le sénat[7].

Nous n’avons pas d’indications d’ensemble sur la participation du sénat aux achats et aux ventes et aux actes analogues faits pour le compte du peuple. Mais, de même qu’il a, relativement aux immeubles de l’État, fréquemment invité, jusque dans les premiers temps de l’Empire, les autorités compétentes de Rome[8] et du dehors[9] à procéder à des terminations, il doit sans doute aussi avoir été en général consulté sur les achats de terres privées faits pour l’État[10] et sur les ventes de terres publiques faites à des particuliers[11]. Ces actes, qui étaient bien extraordinaires, mais qui n’étaient pas en dehors de la compétence des magistrats, n’ont jamais été soumis au peuple. — Lorsqu’il ne s’agissait pas d’immeubles, le sénat ne doit pas en principe, au moins au point de vue financier[12], s’être occupé de l’affaire ; à la vérité, on fait exception pour la fonte des ex-voto d’or et d’argent[13] et pour les fournitures nécessaires aux besoins des armées, probablement aussi pour la réglementation de la vente du sel tiré des salines publiques, dont les conditions étaient plutôt arrêtées dans l’intérêt du public que dans celui du trésor[14].

La mise en rapport des biens de l’État, ou plutôt de ses immeubles, à propos desquels seulement il petit ail selfs propre titre question de luise en rapport, est le fondement de l’administration financière de Ronce. Elle se présente sous des formes diverses — tantôt comme simple location à temps, ainsi que cela arrive pour les mines de l’État et pour une partie de ses biens fonds, par exemple pour les terres de Campanie ; tantôt comme admission de toute personne à une certaine jouissance du sol contre indemnité, ce qui comprend les douanes (portoria) et les différentes redevances foncières (solaria)[15] ; tantôt comme transfert d’une jouissance plus ou moins exclusive du sol à des particuliers moyennant la contre-prestation fixe faite à l’État d’une dîme ou de quelque chose de semblable, ce qui comprend, à l’époque ancienne, le système de l’occupation des terres publiques d’Italie et, à l’époque postérieure, la concession du sol provincial à ses détenteurs contre un vectigal ou une redevance en argent qui en tient lieu. Sauf des exceptions vacillantes, parmi lesquelles rentrent par exemple la concession révocable sous condition faite de terres publiques à des créanciers de l’État pour durer jusqu’à leur remboursement[16] et aussi, semble-t-il, celle faite des terrains situés le long des voies publiques .aux occupants sous l’obligation d’entretenir la route[17], l’État garde, dans tous ces systèmes, le droit de disposer de ce qu’il possède, le bail à temps étant fait à court terme et les autres concessions étant révocables à un moment quelconque. Mais, en face de la portée peu commune qu’ont ces opérations dans les finances romaines, il est d’une importance saillante de déterminer la mesure dans laquelle le peuple, le sénat et les magistrats y interviennent ou n’y interviennent pas. — Les droits du peuple sont sauvegardés dans ces actes en ce sens que non seulement le droit qui lui appartient de reprendre librement sa propriété se comprend de soi, mais qu’en outre il lui est d’ordinaire expressément réservé[18]. Mais il n’est pas consulté ; car l’administration productive de revenus des biens de l’État rentre parmi les droits et les devoirs des magistrats ; les empiètements isolés faits par les comices dans ce domaine sont des exceptions qui ne font que confirmer la règle[19]. Il n’y a que l’usagé des emplacements publics de Rome qui a fréquemment été réglé par des lois[20], sans aucun doute parce qu’il s’agissait là de veiller sur les intérêts dé là ville plus que d’obtenir une redevance de quelque usufruitier privilégié. — En général, ces dispositions ont, au moins à l’époque historique, émané du sénat ou ont été ratifiées par lui ; car la stabilité pratique qui les caractérise à côté de leur révocabilité légale, n’a pu être obtenue que de cette façon et elles se présentent toutes comme des actes extraordinaires. Seule l’institution très ancienne et très imparfaitement connue de l’occupation italique peut appartenir à une époque où il était permis au magistrat d’accomplir un pareil acte sans consulter le sénat, pour les actes plus récents de cette catégorie, le doute est exclu. La concession de terres publiques faite aux créanciers de l’État et celle faite pour assurer l’entretien des routes que nous venons de citer se fondent sur des sénatus-consultes. Lin établissement de colons, fait en 555 à la suite de la création d’un nouveau droit de douane maritime, a, selon toute apparence, eu lieu sans interrogation du peuple, simplement en vertu d’un sénatus-consulte[21]. Il suffit de rappeler que les redevances des cités provinciales n’étaient ni fixées par la loi, ni laissées il l’arbitraire du gouverneur du moment, mais étaient réglées en principe lors de l’organisation de la province et ratifiées par le sénat en même temps que les acta du premier gouverneur. L’organisation financière de l’État romain est l’œuvre du sénat de Rome.

La mise en pratique et la modification de l’organisation établie, selon les tendances prédominantes du temps et les circonstances du moment, restent aussi Constamment dans la main du Sénat. Sous le Principat lui-même, il en est encore ainsi tout au moins pour la moitié de l’empire administrée par le sénat[22]. L’interdiction provoquée par l’intérêt de l’agriculture de l’exploitation des mines en Italie est certainement son œuvre[23] ainsi que d’autres innovations du même ordre[24]. Avant tout, c’est le sénat seul qui met en application le principe, suivant lequel l’État romain peut, dans les temps difficiles, demander à titre d’avance aux sujets débiteurs de redevances le double de leurs dettes[25]. La façon dont s’est introduit le système d’intermédiaires selon lequel sont gérées les finances romaines à l’époque qui nous est connue ne nous a pas été rapportée ; mais il est difficile que les grandes sociétés de fermiers publics aient été exclusivement créées par l’action des magistrats, sans la coopération du sénat.

Les actes de libéralités, les actes par lesquels il est disposé des biens de l’État sans équivalent économique direct, réclament une étude spéciale. Il est probable que le système le plus ancien ne faisait pas de différence entre l’administration et la donation des biens de l’État et que, de même que le père de famille a également le droit de procéder aux deux, le roi avait sans limites le droit de disposition à titre gratuit, en particulier relativement aux terres publiques, l’interrogation préalable du sénat étant sans doute habituelle dés alors, mais ne pouvant par suite de sa situation première produire rien de plus qu’un simple avis[26]. Mais, dès l’établissement de la République ou dès une phase précoce de l’évolution républicaine, la magistrature a perdu cette souveraineté et le principe selon lequel, si les magistrats ont l’administration des biens de l’État soit seuls, soit en concours avec le sénat, le droit de donation revient aux comices, est entré en vigueur. En pratique, ce principe est restreint de deux façons : d’un côté, le droit de procéder dans certaines limites à des libéralités qui ne contiennent souvent une donation que dans la forme est indispensable à l’autorité administrative la plus élevée ; d’un autre côté, le sens politique des Romains a toujours maintenu dans des bornes étroites le droit des comices d’intervenir dans les questions financières et en particulier leur droit de faire des donations. Mais, en tant que des libéralités ont lieu sans interrogation des comices, le sénat y concourt comme à tous les actes extraordinaires. Nous devons ici relever les cas de ce genre qui nous sont connus.

1. La magistrature, même d’accord avec le sénat, n’est pas compétente pour l’aliénation gratuite des immeubles de l’État, par conséquent pour l’assignation et la fondation de colonies la reconnaissance de ce principe résulte notamment de ce que cette aliénation est faite, dans tous les cas importants, par des magistrats extraordinaires élus par les comices en vertu de lois spéciales[27]. Même pour des concessions sans importance pratique, dont l’accomplissement ne réclame pas le choix de magistrats spéciaux, par exemple pour celle d’un emplacement de sépulture sur le sol public, les magistrats ont encore pris le consentement du peuple au vie siècle. Nous avons déjà fait remarquer qu’un plébiscite requit aussi l’autorisation du peuple pour la dédication d’un sol public. D’ailleurs l’initiative législative du sénat s’exerce là communément en fait et les comices ne font, à la bonne époque, que confirmer ce qui leur a été proposé par le sénat et la magistrature. — Si le peuple devait, en droit rigoureux, être consulté sur l’aliénation à titre gratuit du sol public, cela n’a cependant pas toujours eu lieu. Nous avons expliqué qu’un sénatus-consulte a en général suffi pour la dédication en dépit du plébiscite précité. Des concessions de terres peu importantes faites en Italie[28] et peut-être aussi quelques fondations de colonies munies du droit foncier complet[29] faites avant Sulla hors d’Italie, paraissent avoir eu lieu, sans interrogation du peuple, avec le simple concours du sénat. Depuis Sulla, ce droit rentre sans réserve dans la compétence remaniée du sénat[30].

2. La concession révocable de terres romaines faite en jouissance gratuite à des alliés italiques peut, comme nous le prouvent des titres remontant à l’époque des Gracques, être faite non seulement par le peuple, mais par le sénat. L’établissement des Ligures sur des terres publiques romaines, dans le pays de Bénévent, en 574, lors duquel les colons ne reçurent valablement qu’une possession protégée par l’autorité tandis que la propriété du sol resta à l’État, a été réalisé sans vote du peuple par des mandataires du sénat[31]. Lorsqu’il n’y a pas d’assignation, la libéralité n’a pas besoin de l’adhésion du peuple.

3. L’immunité, de même nature et toujours révocable, du sol provincial est en général accordée par le sénat[32].

4. L’équipement des citoyens ou non citoyens qui sont officiellement invités à changer de patrie, n’est mentionné que dans un cas exceptionnel comme venant des caisses publiques[33] ; mais la possibilité d’accomplir les déductions sans de pareilles subventions est plus que problématique[34]. Quand les lois de fondation des diverses colonies n’y pourvoyaient pas, ces concessions ont dû être faites par le sénat.

5. La restitution sans rançon des captifs pris à l’ennemi[35] et le rachat aux frais de l’État des citoyens prisonniers chez l’ennemi[36] étaient soumis au sénat, en leur qualité d’actes de libéralité publique.

6. Les dons faits à des personnes isolées en récompense de services spéciaux, par exemple afin de doter les filles de citoyens méritants[37], ou de récompenser la dénonciation de plans criminels[38], ou pour d’autres causes[39] n’ont jamais été soumis au peuple ; mais, à moins que les droits reconnus aux généraux[40] n’interviennent ou qu’un retard ne soit périlleux, le magistrat ne peut agir là qu’avec le concours du sénat. — Les présents faits à des princes étrangers, que la coutume est de remettre à leurs propres ambassadeurs[41] ou aux ambassadeurs romains qui leur sont envoyés, et ceux faits à des peuples étrangers[42] sont de la compétence du sénat, par cette simple raison qu’ils rentrent dans les relations internationales.

7. Les libéralités collectives faites aux citoyens, comme la distribution de blé au-dessous du cours, etc., n’ont, avant le temps des Gracques, jamais été votées par le peuple ; c’est le sénat qui statue à leur sujet[43]. Il suffit de rappeler les résolutions populaires du dernier siècle de la République qui rendirent permanentes des distributions de ce genre.

8. L’affranchissement des esclaves du peuple est proposé par le magistrat devant le sénat[44].

9. Il appartient au sénat de modérer pour des raisons d’équité ne iso es le recouvrement des créances du peuple[45], en particulier d’accorder à ses débiteurs des délais et des remises de dettes[46], en vertu d’un droit dont l’importance politique est en corrélation avec celle des sociétés romaines de fermiers. C’est seulement à l’issue de la République que ce droit a été exercé, jusqu’à un certain point révolutionnairement, par le peuple[47].

10. L’autorisation des dépenses nécessitées par la construction, la reconstruction ou la décoration des sanctuaires de l’État, qui doivent aussi être considérées comme des actes de générosité publique, n’a pareillement jamais été demandée au peuple et était donnée par le sénat.

 

 

 



[1] Cf. tome III, la théorie du Consulat, sur le droit de disposer du trésor public et des biens de l’État.

[2] Les comices furent consultés après la prise de Capoue, mais certainement c’est uniquement parce que Capoue avait été jusqu’alors une cité de demi-citoyens et que par conséquent ce n’était pas là un ager peregrinus, mais un ager privatus que l’on transformait en ager publicus populi Romani. Tite-Live, 27, 11, 8, sur l’an 545. C’est déjà déclaré en 543, évidemment sous la forme de sénatus-consulte (Tite-Live, 26, 16, 8) et l’on procède en conséquence en l’an 544 (Tite-Live, 27, 3, 1) ; mais, pour la validité formelle de l’opération, une loi est nécessaire.

[3] Ainsi le sénat décline, en 531, un présent des Néapolitains de quarante lourdes patères d’or en n’en acceptant qu’une seule et la plus légère (Tite-Live, 22, 32), de même, bientôt après, un présent analogue de Pæstani (Tite-Live, 22, 36, 9), encore, en 563, de grandes quantités d’or offertes par les rois de Macédoine et d’Égypte (Tite-Live, 36, 4), et même l’or trouvé sur les agents de recrutement carthaginois en Espagne, lors de leur capture par les Saguntins (Tite-Live, 30, 21).

[4] Des envois de grains de cette espèce sont acceptés en 538 de Hiéron (Tite-Live, 22, 37) et en 554 de Carthage et de Masinissa (Tite-Live, 31, 19) ; plus tard on en paie le prix (Tite-Live, 36, 4, 9. 45, 13, 14). Le sénat fut mécontent du roi Micipsa, parce qu’il avait envoyé un pareil présent en Sardaigne, en considération de C. Gracchus qui y était questeur (Plutarque, C. Gracch. 2).

[5] Ainsi les boucliers envoyés d’Alabanda (Tite-Live, 43, 6, 10).

[6] Telle est la patère acceptée des Néapolitains (note 2). Il fut également permis à Hiéron en 538 d’élever au Capitole la statue d’or de la Nikè envoyée par lui (Tite-Live, 21, 37) et l’on rencontre fréquemment par la suite la permission de donum in Capitolio ponere. Tite-Live, 28, 39. 32, 27, L 42, 6. 43, 6. 44, 14, 3 ; sénatus-consulte relatif à Thisbé, lignes 32 et ss. ; Josèphe, 34, 8, 5.

[7] Cicéron, De l. agr. 2, 36, 41, dit du testament de ce genre du roi d’Égypte attaqué comme faux : Auctoritatem senatus extare hereditatis aditæ sentio.

[8] Ont été accomplies dans la ville de Rome ex senatus consulto la termination faite auprès de l’Esquilin à laquelle se rapporte l’inscription : L. Sentius C. f pr. de sen. sent. loca terminanda cœravit (Bruns, Fontes, 5e éd. p. 171) ; les terminations des rives du Tibre (C. I. L. VI, 4234-3241), tant celles faites par les censeurs et les consuls que celles accomplies sous Auguste et Tibère par l’empereur ou ses délégués ; — les terminations faites le long des aqueducs du temps d’Auguste (C. I. L. VI, 3243 et ss.), — celles accomplies également sous Auguste par les curatores locorum publicorum judicandorum (v. tome V, le chapitre du Patrimoine de l’État et des caisses publiques, sur la termination et la justice) et les terminations analogues des consuls de l’an 4 après J.-C. (C. I. L. VI, 1263. 3261). La restitution des loca qua pri fatis possidebantur causa cognita ex forma in publicum (C. I. L. VI, 949) mise à exécution par Claude et son collègue en qualité de censores a eu lieu ex. s. c. Sur les cippes placés le long des aqueducs, la formule manque déjà sous Tibère (C. I. L. VI, 3253) ; sur les pierres terminales des rives du Tibre, elle est remplacée sous Claude (d’après l’inscription nouvellement découverte Notizie degli scavi, 1889, p. 323, où il faut compléter ligne 11, sui et non s. c., principis requérant une épithète) et sous Vespasien (C. I. L. VI, 1242) par la mention de l’ordre de l’empereur (ex auctoritate imperatoris). Pour la termination du Pomerium, qui assurément n’a rien à faire avec la détermination des possessions de l’État, le sénat n’est pas nommé sur les pierres de Claude et de Vespasien ; au contraire l’ordre de l’empereur et le sénatus-consulte sont incorrectement accouplés sur celles d’Hadrien d’après la rédaction aujourd’hui établie des cippes C. I. L. VI, 1233 (Hülsen, Hermes, 22, 620) : Ex s. c. collegium augurum auctore imp... Hadriano... terminos pomerii restituendos curavit.

[9] Hors de Rome, des terminations faites en vertu de sénatus-consultes sont mentionnées en date de la fin du VIe siècle en Campanie (v. tome IV, la théorie de la Censure, à la section des vectigalia, sur la termination, dernière note) et du temps de Sulla à Fanum (C. I. L. I, 583).

[10] Cet achat a eu lieu en vertu d’un sénatus-consulte pour les terres de Campanie (Licinianus, éd. de Bonn, p. 15 ; Cicéron, De l. agr. 2, 39, 82 ; cf. tome III, la théorie de la Préture, au début). Lorsque l’acquisition de l’immeuble se dissimule derrière un marché de construction (cf. tome IV, la théorie de la Censure, à la section des Ultro tributa, sur les formes dans lesquelles les censeurs obligent le peuple), le magistrat qui peut valablement conclure le marché, ne doit pas avoir besoin d’autorisation spéciale pour l’acquisition.

[11] Il n’est fait expressément allusion au sénat ni pour les ventes d’immeubles publics faites par les censeurs, ni pour celles faites parles questeurs (v. tome IV, les deux théories de la Censure et de la Questure, sur les aliénations des biens de l’État), bien que le mandat de ce genre donné aux questeurs dans Tite-Live 28, 46, 4, ne puisse guère être rapporté qu’au sénat. Appien, Mithr. 22, mentionne le sénat au sujet de la confiscation des terres du clergé faite pour l’armement de Sulla.

[12] Ce n’est pas comme autorité financière mais comme autorité de police générale que le sénat, interdisant la construction d’un théâtre, prescrit de vendre les matériaux déjà préparés (Orose, 4, 21, 4).

[13] Val. Max. 7, 6, 4.

[14] Les grandes salines d’Ostie, qui appartenaient à l’État, étaient affermées avec fixation d’un prix maximum qui ne devait pas être dépassé à l’égard des citoyens romains (v. tome IV, la théorie de la Censure, à la section des vectigalia, sur la mise à ferme des biens de l’État), probablement aussi avec fixation du nombre des magasins qui seraient ouverts à la vente à Rome et au dehors, et cette institution parait, d’après Tite-Live 29, 37, 3, avoir influé sur l’origine des fora et conciliabula. Elle a conduit au monopole (Tite-Live, 2, 9, 6), sans doute seulement en ce sens que les autres producteurs ne pouvaient vendre le sel au même prix, par conséquent en fait et non pas en droit et seulement dans l’intérêt des consommateurs. Tite-Live, 2, 9, 6, mentionne le sénat au sujet de l’organisation de ce commerce du sel qui est placée à l’époque de la fondation de la République. Il n’est pas question du sénat au sujet de la hausse provoquée en 550 par l’addition au prix du sel vendu hors de la ville de frais de transports évalués suivant un tarif fixe (Tite-Live, 29, 37). Cependant on ne peut pas en conclure avec certitude que cette mesure ait été prise par les censeurs sans le concours du sénat.

[15] V. tome IV, la théorie de la Censure, à la section des vertigalia, sur la mise à ferme des biens de l’État.

[16] Tite-Live, 31, 13. Le créancier a alors le droit de refuser son remboursement. Cf. Tite-Live, 33, 42. Loi agraire, ligne 31 et à ce sujet C. I. L. I, p. 90.

[17] Les vicasiei vicanei de la loi agraire de 643 (ligne 11 et ss.) possèdent ex. s. c. Cf. C. I. L. I, p. 90.

[18] La clause dum populus senatusque vellet se trouve dans le décret de gouverneur de l’an 565 et dans Appien.

[19] Le plébiscite de 582 qui chargea les censeurs d’affermer les terres de Campanie (Tite-Live, 42, 19) est sans doute d’ordre essentiellement confirmatoire et parait avoir été provoqué par le fait que les censeurs, sans omettre absolument cette mise à ferme, n’avaient pas fixé nettement ou avaient fixé trop étroitement les limites des terres publiques campaniennes et que le trésor subissait par là un préjudice. Cette motion est constitutionnelle en ce sens qu’il appartient au peuple de déterminer les devoirs des magistrats. Au contraire, les propositions de casser ou de suspendre les contrats conclus par les censeurs, comme celle de 585 qui échoua probablement et celle de 695 que César fit adopter (cf. tome IV, la théorie do la Censure, à la section des Ultro tributa, sur les actes de libéralité interdits aux censeurs), ne le sont pas.

[20] Selon la loi Julia municipalis, 1. 68 et ss., personne ne peut posséder (possidere) ou soustraire à l’usage public les locre publica porticusve publicæ à Rome ou dans le rayon de la première borne milliaire sauf ceux à qui cela a été permis leg(ibus) pl(ebei)ve scitis s(enatus)ve c(onsultis) et dans la forme où cela le leur a été. L’édit prétorien défend également (Digeste, 3, 8, 2, pr.) toutes les constructions in loco publico qui n’ont pas été permises lege senatus consulto edicto decretove principum.

[21] Tite-Live, 32. Les 300 coloni de Castrum ne forment pas une colonie au sens propre, mais un conciliabalum civium Romanorum. Sils ont reçu la pleine propriété romaine, c’est une exception à ajouter à celles cités plus loin.

[22] Les délibérations de Tibère avec le sénat de vectigalibus et monopoliis (Suétone, Tib. 30) se rapportent sans doute à cela.

[23] La limitation de l’exploitation des mines d’or du territoire des Salasses résultant des conditions imposées par les censeurs aux fermiers (Pline, 33, 4, 78) peut remonter seulement au VIIe siècle (C. I. L. V, p. 713). L’interdiction totale d’exploiter des mines en Italie, par un vieux sénatus-consulte (Pline, loc. cit. et 3, 20, 138. 37, 13, 202) se place certainement encore plus tard.

[24] Par exemple les locations de Sicile sont transportées à Rome par un sénatus-consulte en 679 (v. tome IV, la théorie de la Censure, sur la liaison à Rome de l’activité des censeurs).

[25] Cicéron, Verr. 3, 46, 42. Ces alteræ decumæ ont été fréquemment réclamées en Sicile et en Sardaigne au VIe siècle (Tite-Live, 36, 2, 13. 37, 2, 12. c. 50, 9. 42, 31, 8) ; il faut les entendre en ce sens que, lorsqu’une somme d’argent était payée pour les dînes, comme cela a nécessairement été le cas en Sardaigne (Tite-Live, 23, 32, 9 ; 41, 17, 2 ; cf. 23, 41, 6), cette somme était alors doublée. Dessau, doute sans motif, Handb. 5, 189 = tr. fr. 10, 240, que ces versements fussent légalement sujets à restitution ; ils devaient sans nul doute être traités comme le tributum, ce qui ne veut d’ailleurs aucunement dire qu’ils aient en fait été traités comme lui.

[26] V. tome I, la théorie des Actes conclus entre l’État et un citoyen, sur les actes de disposition à titre gratuit, et, tome IV, la théorie des Magistrats agris dandis adsignandis et coloniæ deducendæ. Cf. tome VI, 1, p. 387. Willems, 347 et ss., combat comme la mienne une opinion que je n’aï jamais e primée et surtout il oublie là, comme dans tout son ouvrage, que le sénatus-consulte n’est originairement rien autre chose qu’une décision prise parle magistrat avec l’assentiment du sénat. Le sénat a été, en règle générale, interrogé sur le partage des terres à titre gratuit, aussi bien dans la période ancienne que dans la période moderne ; le point douteux est seulement de savoir s’il fallait en outre, à l’époque ancienne, interroger le peuple ou si cette dernière interrogation n’appartient qu’à une époque postérieure. J’ai expressément relevé comme admissible l’idée que le peuple n’ait pas été consulté aux commencements de la République ; mais elle n’est pas susceptible de démonstration ; encore moins, cette démonstration résulte-t-elle, comme le voudrait Willems, de ce qu’il n’est pas question de résolution du peuple dans les récits non historiques de partagés de terres du début de la République.

[27] V. sur ce point et sur ce qui suit, le chapitre des Magistrats agris dandis adsignandis et coloniæ deducendæ.

[28] Tite-Live, 44, 46, 7, sur l’an 585, à côté de quoi il faut sous-entendre la concession du commercium. Pour le don de terres fait en 586 à P. Vatinius, le sénat est seul nommé (Cicéron, De d. n. 2, 2, 6. 3, 5, 13). Les terres données à Horatius Coclès et à Mucius Scævola leur sont, d’après Denys, 5, 35, offertes par le sénat et c’est lui qui, d’après le De viris ill. 18, 5, accorde à Agrippa Menenius l’emplacement de son tombeau.

[29] La fondation en 533 de la colonie espagnole de Carteia qui reçoit le droit de latinité est décrétée par le sénat (Tite-Live, 43, 3) et il ne nous est tout au moins rien rapporté de l’existence d’une loi. La cité espagnole de Valentia peut avoir été appelée à l’existence de la même façon (Tite-Live, 55). Le point de savoir si elles ont reçu le droit foncier complet est d’ailleurs douteux. Il a sans doute fait défaut à Narbo. Il faut encore citer ici l’ager ex s. c. datus adsignatus d’Afrique, mentionné dans la loi agraire de 643, ligne 93, s’il s’y agit d’une propriété romaine ou latine du sol, que l’expression n’implique cependant aucunement.

[30] Pendant la guerre de Mutina, le sénat revendique le droit illimité de disposer des terres publiques (Cicéron, Phil. 5, in fine. 7, 3, 10. 14, in fine. Ad fam. 11, 20, 3. Ép. 21, 5, etc.).

[31] Voir tome II, la théorie des Magistrats agris dandis adsignandis et coloniæ deducendæ, sur la loi spéciale introductive, 1re note.

[32] Les dons de terres provinciales faits à des non citoyens, tels que ceux qu’on rencontré dans Tite-Live, 23, 46, 1. 36, 31, 11 et ss., qui ne diffèrent guère en droit, viennent sans doute aussi du sénat qui est même nommé dans Polybe, 21, 17, 9. Il n’est parlé du peuple ni à ce sujet, ni à celui du droit de cité mentionné en même temps, qui dut cependant lui être soumis.

[33] L’émigration forcée dans le territoire de Bénévent imposée à un certain nombre de Ligures en 374 eut lieu non seulement publico sumptu, mais argenti data centum et quinquaginta milia, unde in novas sedes compararent qua opus essent (Tite-Live, 40, 38, 6).

[34] Cette idée est confirmée par le fait que Ti. Gracchus projetait d’équiper ses émigrants avec les fonds d’Attale (Plutarque, Ti. Gracch. 14, Tite-Live, 58).

[35] Tite-Live, 30, 17, 11. 14. Val. Max. 5, 1, 1.

[36] Lorsque le dictateur Q. Fabius Maximus s’est entendu avec Hannibal sur la rançon d’un certain nombre de prisonniers de guerre romains, le sénat refuse de lui accorder cette somme (Tite-Live, 22, 23, 7). Il refuse également de prendre à la charge de l’ærarium, si ce n’est à titre d’avance, le rachat des prisonniers faits à cannes (Tite-Live, 22, 60, 3). La version faussement exagérée d’Appien, Hann. 28, dit seule que le rachat des captifs à leurs propres frais ait été interdit.

[37] La dotation des filles en vertu de sénatus-consultes est rapportée pour Cn. Scipion, consul en 532 (Zonaras, 9, 3, in fine ; Val. Max. 4, 41 10 ; Sénèque, Ad Helviam de consol. 12, 6 et N. q. 1, 17, 9, qui transporte cela faussement à Scipion l’Africain ; Ammien, 14, 6, 11) et à L. Mummius, consul en 608 (Frontin, Strat. 4, 3, 15). La mention de Fabricius (Val. Max. loc. cit.) est sans doute une invention récente. L’anecdote suivant laquelle le sénat nomma un administrateur au domaine de Regulus pendant qu’il commandait en Afrique (Sénèque, Ad Helviam de consol. 12, 5 ; Dion, fr. 43, 20 ; Ammien, loc. cit.) est de la même famille.

[38] Tite-Live, 39, 19, 3, sur l’an 568, où la suite montre qu’il n’y avait pas besoin là, comme pour les autres récompenses, d’une loi. 32, 26, 14. 39, 19, 7 (cf. c. 17, 1). Lorsqu’il est ailleurs question de récompenses pécuniaires de ce genre (Tite-Live, 4, 45, 2 ; Denys, 12, 6 ; Tite-Live, 22, 33, 2. 26, 27, 9. 21, 3, 5), elles sont sans doute accordées par le sénat. Le sénat promet également des primes aux dénonciateurs (Appien, B. c. 1. 54. Salluste, Cat. 30).

[39] Val. Max. 2, 2, 8. Il y a certainement un fait à la base de cette rhétorique.

[40] Les dons en argent motivés par la conduite courageuse devant l’ennemi sont, comme les autres libéralités militaires (p. 319), faits par le général et non par le sénat. Tite-Live, 23, 20, 2, se rattache sans doute aux mesures internationales, d’autant plus que ce paiement fut probablement mis à la charge du trésor de Préneste. Il n’y a pas à tenir, compte des sommes d’argent promises aux soldats des armées de Mutina.

[41] Tite-Live, 30, 17, 13.

[42] Tite-Live, 28, 45, 42.

[43] Naturellement une pareille résolution du peuple a pu se produire de tout temps ; mais elle n’on constituait pas moins une intrusion des comices dans la sphère de l’administration. Il est souvent question, au VIe siècle, des grains que les gouverneurs envoient à Rome et que les édiles curules partagent entre les citoyens au-dessous du cours (v. tome IV, la théorie de l’Édilité, sur la surveillance du commerce public, n° 4) ; il n’est pas douteux, mais il n’est jamais dit que cela se fait en vertu d’un sénatus-consulte. Il est question d’achats faits à l’étranger par des commissaires du sénat dans Val. Max. 3, 7, 3. De pareils achats de blés faits par le trésor pour le revendre à meilleur marché ont sans doute été l’origine des frumentations légales. Les relations analogues, dépourvues d’authenticité des années 217 (Tite-Live, 2, 9, 6), 263 (Tite-Live, 2, 34, 7 ; Denys, 7, 1 et ss.), 343 (Tite-Live, 4,52,6) ont probablement été introduite, dans les annales des premiers temps de la République sous l’influence de ces agitations, tout comme les curæ annonæ symétriques (v. tome IV, le commencement de la théorie des Magistrats extraordinaires préposés aux subsistances).

[44] V. tome I, la théorie du Personnel placé sous les ordres des magistrats, sur la condition juridique des servi publici, et Willems, 2, 353, qui ajoute Plutarque, Cat. min. 39. Si la liberté devait être donnée à un esclave n’appartenant pas à l’État, ce qui arrivait fréquemment à titre de récompense publique, il était acheté à cette fin (Tite-Live, 22, 36, 14) ; l’État romain ne connaît pas, comme forme légale, l’expropriation contre indemnité.

[45] Ainsi par exemple, lorsque les deniers publics se trouvaient dans les caisses des compagnies, très habituellement le sénat ne prenait pas d’intérêts ou en prenait de moindres qu’il n’eût pu exiger.

[46] V. tome IV, la théorie de la Censure, sur l’interdiction au censeur des actes de libéralité.

[47] V. tome IV, la même théorie, au même lieu.