LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

L’EMPIRE DE ROME.

 

 

L’État romain se fonde à la fois sur le sol et sur les personnes, ainsi que l’exprime juridiquement le double caractère personnel et réel de la tribu. Nous l’avons jusqu’à présent étudié surtout comme réunion de citoyens (populus) ; il nous faut maintenant aussi l’envisager — sommairement, car presque tous les points particuliers ont déjà été traités, — dans son ensemble territorial.

Il n’y a d’expression exacte pour désigner le territoire qu’à l’époque la plus ancienne. Le territoire de la ville, considéré par les Romains postérieurs comme son territoire primitif[1], est appelé par eux ager Romanus[2] ou antiquus[3]. Certains actes solennels, la prise des auspices du départ par le général[4], la réunion des comices par centuries[5], en particulier la nomination du dictateur[6], ne peuvent être accomplis que dans l’intérieur de ces limites les plus anciennes ; cependant tout morceau de terrain susceptible de consécration romaine peut recevoir fictivement l’aptitude requise pour ces actes[7]. Par suite de cette habitude de langage, le territoire réel de l’État n’est pas désigné, en langage technique, par le nom d’ager Romanus qui lui conviendrait en lui-même[8] ; et il n’y a aucun autre terme qui comble parfaitement la lacune. Territorium[9] a bien exactement ce sens ; mais il appartient à la terminologie municipale, et il est au territoire de l’État ce que le décurion est au sénateur. On se sert, pour exprimer l’idée, ou de la circonlocution fines[10], ou de dicionis esse et d’autres tournures analogues empruntées à l’idée de souveraineté, entre autres surtout du mot imperium, qui désigne proprement l’autorité du magistrat, mais qui est employé fréquemment pour le territoire soumis à cette autorité[11]. Les territoires des sujets autonomes étant regardés comme étant en dehors des frontières romaines et comme n’étant pas soumis à l’autorité des magistrats de Rome, ils sont exclus par la en langage exact. Il n’y a pas d’expression correcte pour désigner l’empire romain tel que nous le concevons, en y comprenant à la fois les territoires soumis à la domination directe et à la domination indirecte de Rome, et en excluant d’une façon précise les pays insoumis de l’extérieur : ou l’on emploie dans ce sens, a potiori, le mot imperium, qui ne désigne proprement que les territoires soumis à la domination directe de l’autorité romaine, ou bien l’on parle alors du monde terrestre. C’est une conception familière aux Romains qu’ils ne sont pas seulement la première puissance de la terre, mais en un certain sens la seule. De même que l’ensemble du droit positif de l’État romain qui n’a pas pour condition d’application le droit de cité de la partie est déjà, pour les Romains du temps de la République, le jus gentium[12], le territoire soumis à la puissance romaine est pour eux absolument l’orbis terræ ou terrarum[13], orbis terra ou, comme on dit à l’époque récente, l’orbis Romanus ou noster[14]. Cela tient notamment à la forme donnée par les Romains à l’idée d’alliance. La coexistence d’États également souverains en droit, que nous prenons aujourd’hui pour point de départ est, au sens strict, inconnue aux Romains ; ce qu’ils appellent alliance est à proprement parler un protectorat : dans leur conception, il n’existe politiquement qu’eux et ceux qui sont sous leur protection, et, en ce sens, l’orbis terrarum est ou romain ou res nullius[15].

Le territoire romain comprend le sol qui est en la propriété de l’État, l’ager publicus populi Romani, et celui que l’État a assigné à des particuliers, ager privatus ex jure Quiritium[16]. Ces différences internes n’entrent pas, en droit public, en ligne de compte, et la dédition quand elle se produit, embrasse également les deus classes. La distinction, si importante pour les relations internes, du sol italique et du sol provincial, au sens précis, du sol transmis ou transmissible à des particuliers et des terres publiques inaliénables, est indifférente à ta notion du territoire. Le droit sur le sol du droit public a un autre fondement que celui du droit privé. Le premier tire son origine de l’occupation[17] ; le second la tire de l’assignation. Selon les expressions techniques des arpenteurs romains, le premier porta sur un ager arcifinius, le second sur un ager limitatus[18]. Quant à l’État, le territoire s’étend jusqu’à la limite jusqu’à laquelle la volonté souveraine du peuple attribue l’autorité à lui ou à ses membrés et exclut et repousse au besoin les étrangers. Quant à la propriété privée, il n’y a pas primitivement d’autres limites de la propriété foncière que les lignes quadrangulaires dans lesquelles sont enfermés les lots de terre vendus ou donnés par la cité.

La limite du territoire est mobile. Mais, pour faire avancer (proferre, propagare, augere) ou reculer (referre) la frontière du pays, un acte du peuple ou des magistrats compétents est toujours exigé. Le citoyen romain peut, en quelque lieu qu’elle se trouve, mettre sous sa puissance de fait et ensuite, par le bref délai de l’usucapion, sous sa puissance de droit[19] toute chose mobilière qui n’appartient ni à l’un de ses concitoyens ni au citoyen d’un État allié. Mais le sol ne change de cercle juridique que par une convention de paix ou de soumission conclue entre les deux cités, ou par la fusion des deux cités en une seule, ou enfin par une occupation émanant de l’État[20]. Le territoire annexé passe par conséquent toujours d’abord à la cité, et ce n’est que par son intermédiaire qu’il arrive, si elle le veut, par voie d’assignation, aux divers citoyens. C’est également vrai lorsque la concession du droit de cité aux personnes et l’extension du territoire ont lieu en même temps, quoique alors la marche des choses soit obscurcie par la simultanéité des deux actes.

Les frontières du territoire, les unes ont primitivement été corrélatives à la ceinture des murailles, au pomerium[21]. L’extension de la cité s’étant opérée par voie de synœkisme, soit que la ville soumise fût rasée et ses citoyens conduits à Rome, soit que deux cités se réunissent pacifiquement au même lieu, l’extension de la ville était la conséquence nécessaire de l’accroissement du territoire. Des annales rédigées avec plus de soin que celles que nous possédons ne manqueraient pas de lier aux conquêtes plus nettement que ne font les nôtres les extensions successives reçues par la ville sous les rois[22]. Mais bientôt l’accroissement du territoire a exclu la méthode du synœkisme, et en même temps la puissante muraille de Servius a exclu le recul des limites de la ville[23]. Par suite, la mémoire de l’ancienne corrélation des fines et du pomerium s’est bien conservée à l’époque historique ; mais il n’a plus guère été fait d’application pratique de ce système[24].

Ce n’est pas au droit public d’exposer les déplacements de la frontière de l’État. Le territoire de l’État s’élargit à chaque dédition qui n’aboutit pas à un rétablissement de l’autonomie, à chaque occupation durable d’un territoire qui jusqu’alors n’était pas romain, à chaque transformation d’un État précédemment autonome en province ou en partie de province. Nous pouvons seulement rappeler ici, relativement aux limites des provinces, si importantes pour la situation du gouverneur[25], que la ligne de défense militaire contre l’étranger ne doit pas être confondue avec la ligne politique de démarcation jusqu’à laquelle le territoire est réputé romain et dans l’intérieur de laquelle, le gouverneur peut se mouvoir sans sortir de sa province. A la fin de la République, lorsque la domination romaine en Syrie s’arrêtait en fait à l’Euphrate, la frontière de l’empire était tracée à 375 kilomètres à l’Est du passage de l’Euphrate de Commagène[26]. La large bande de terrain que l’empereur Marc Aurèle défendit aux Marcomans d’habiter sur la rive gauche du Danube doit certainement être considérée comme terre d’empire[27]. Nous avons appris depuis peu qu’en Germanie supérieure, le territoire situé au-delà de la ligne de défense était soumis à un procurateur romain[28].

Au citoyen romain l’on oppose le non citoyen d’un État latin ou du moins allié et l’étranger qui n’est dans aucune relation juridique avec les Romains. De même le territoire situé hors des frontières de Rome[29] est fédéré ou ne l’est pas. Le territoire fédéré appartient à son tour ou à une cité latine, et alors il est appelé, sous formé d’exemple, en langage technique ager Gabinus, ou à un État de nationalité étrangère, et alors il est appelé ager peregrinus[30]. Tous les traités internationaux contiennent, comme première clause, la reconnaissance réciproque de la possession du territoire, c’est-à-dire que les Romains reconnaissent la propriété foncière de Gabie comme existant légalement selon le droit de Gabie, et réciproquement. Le traité peut en outre permettre aux Romains de devenir propriétaires fonciers à Gabie d’après le droit de Gabie et aux Gabini de le devenir à Rome d’après le droit quiritaire, comme c’est établi dans les traités latins ; une pareille propriété foncière peut aussi être exclue réciproquement ou n’être admise qu’à titre unilatéral ; ainsi ; par exemple le traité avec Athènes permettait probablement aux Romains d’acquérir des immeubles d’après le droit athénien, mais non aux Athéniens d’en acquérir d’après le droit romain. Le signe caractéristique de cette relation internationale est le postliminium de la paix que nous avons étudié plus haut : la question de savoir si une personne est libre ou esclave, membre d’une cité ou étrangère se tranche, dans la conception romaine, selon les lois du lieu ou elle se trouve ; pourvu qu’il soit situé dans le territoire d’un État allia et en ce sens la condition de la personne peut changer selon le lieu qu’elle habite. La, fusion récente des cités autonomes dépendantes dans l’État romain peut même se remarquer là : les jurisconsultes du temps d’Auguste reconnaissent encore que les cités fédérées n’appartiennent pas à l’empire romain, et ceux du temps d’Hadrien le nient.

Au delà de la frontière du territoire de Rome et de ses alliés, sur le territoire de l’État qui a rompu ses traités et qui est en guerre avec Rome ou qui simplement n’a pas de traité, sur l’ager hosticus, qui peut d’ailleurs être gréé par une fiction juridique, tout comme le territoire primitif de Rome[31], ce n’est pas le droit qui domine, mais le fait. II n’y a pas là d’État au sens juridique pour les Romains. Le Romain ne peut pas y acquérir la propriété du sol ; car le droit quiritaire ne s’étend pas à ce sol, et le droit local n’existe pas pour le Romain. — Le signe caractéristique de ce territoire est le postliminium de la guerre. La liberté romaine et la propriété romaine y existent jusqu’où s’étend la puissance romaine, et le citoyen est esclave ou libre selon qu’il tombe en la puissance de l’ennemi au delà des lignes romaines ou qu’il se soustrait à sa puissance en franchissant ces lignes.

 

 

 



[1] Peu importe pour le principe jusqu’où s’étendaient ces limites. Nous ne sommes pas en état de déterminer les localités nommées par Strabon, 5, 3, p. 230 (cf. Handb. 6, 200). Les territoires de Crustumerium et de Véies étaient en dehors de l’ager Romanus (note 2).

[2] Varron, De l. L. 3, 33 : Ut nostri augures publici disserunt, agrorum sunt genera quinque : Romanus Gabinus peregrinus hosticus incertus (de même Festus, p. 245, v. Peregrinus ager). 5, 55 : Ager Romanis primum divisus in partis fris. Tite-Live, 14, 19, 6, distingue dans l’indication des prodiges l’ager Romanus de l’ager Veiens, tout comme il cite, 41, 19, 4, des prodiges in agro Crustumerino, bien que Véies et Crustumerium se fussent depuis longtemps confondus dans Rome. L’ager Romanus est donc toujours, dans le langage augural, l’ager antiquus, et la définition augurale prise pour principe reste conforme au point de vue de Romulus, le premier et le meilleur des augures. Cela est confirmé par le fait que les auspices du départ doivent être pris légalement in agro Romano.

[3] Trebatius, De religionibus l. VII (dans Servius, Ad Æn. 11, 316) : Luci qui sunt in agris qui concilio (peut-être qui noviter) capti sunt, hos lucos eadem cærimonia moreque conquiri haberique oportet, ut celeros lucos qui in antiquo agro sunt, sur quoi Servius remarque : Antiquum agrum Romanum cogit intellegi.

[4] V. tome I, la théorie des Auspices, sur les auspices du départ. Cependant ils doivent rigoureusement être pris au Capitole, c’est-à-dire dans la ville même ; il n’est question, à leur sujet, de l’ager Romanus que parce que l’habilitation fictive du sol à l’acte, qui a lien pour l’ager Romanus, s’applique aussi à ces auspices. L’allégation de Servius, selon laquelle, tant que la guerre se fit en Italie, le général serait toujours revenu à Rome pour la rénovation des auspices, quand elle était requise par le droit augural, et notre fiction n’aurait commencé à être employée que pour les guerres d’outre-mer, doit être rectifiée en partant de l’analogie de la nomination du dictateur : la vérité est qu’il a été fait usage de la fiction d’abord en Italie et ensuite dans le territoire d’outre-mer.

[5] De même que les auspices du départ, les comices par centuries ne sont pas proprement attachés à l’ager Romanus, mais, dans son intérieur, au rayon de la première borne milliaire, et l’ager Romanus n’est pas nommé à leur sujet. Mais leur tenue au delà de la première borne milliaire n’a pu être rendue légalement possible que par la transformation fictive du sol en question en ager Romanus.

[6] V. tome III, la théorie de la Dictature, sur les fermes de nomination du dictateur.

[7] Si cette fiction n’était admise, à l’époque républicaine, qu’en Italie, cela tient à ce que le territoire d’outre-mer était inaliénable et que la consécration du sol requise pour cet acte était une aliénation. Plus tard on ne s’est plus soumis à cela.

[8] Varron emploie il est vrai (De r. r. 1, 10, 1 : Metiuniur... apud nos in agro Romano ac Latino jugeris ; cf. De l. L. 5, 32) ager Romanus dans ce sens ; et le primum conduit à la même conclusion. Mais la réunion avec l’ager Latinus, dont politiquement l’existence est aussi impossible que celle du civis Latinus, suffit à établir que cela ne doit pas être compris au sens politique. Si le territoire de l’État pouvait être désigné de ce nom, nous ne manquerions pas d’en trouver de nombreuses applications.

[9] Pomponius, Digeste, 50, 16, 239, 8 : Territorium est universitas agrorum infra fines cujusque civitatis, quod ab eo dictum quidam aiunt, quod magistratus ejus loci intra eos fines terrendi, id est summovendi jus habent, — philologiquement puéril, mais exact quant au fond et correspondant à imperium. L’emploi technique du mot se manifeste surtout énergiquement dans la controversia de jure territorii des Gromatici (éd. Lachmann, p. 52 ; cf. Rudorff, 2, 434).

[10] Les bornes du pomerium de Claude et de Vespasien portent : Auctis populi Romani finibus. Fines Romani, Tite-Live, 39, 17, 4. Fines propagare (Cicéron, De re p., 3, 15, 24) ; proferre sont connus.

[11] C’est pourquoi l’extension de la propriété romains sur laquelle l’empereur Claude fonde son droit de reculer le pomerium est désignée par l’empereur lui-même par les mots fines populi Romani augere, par Tacite, Ann. 2, 23, par imperium proferre, également imperium augere Val. Max. 2, 3, 4. Je n’aperçois pas comment on peut soir, dans ces deux ex-pressions parfaitement claires et simples, une distinction de l’extension du territoire italique et de celle du territoire extra-italique (Detlefsen, Hermes, 21, 502) ; ni l’analyse des idées ni le langage ne donnent ai cette supposition le moindre appui. A l’époque an la propriété de l’État sur le sol d’outre-mer n’existait pas encore paver son étendue postérieure, le territoire de Leontini était peut-être dans lés fines populi Romani, tandis que le reste de la Sicile n’y était pas et était dans l’imperium. Mais cette distinction ne nous est pas attestée, et elle ne peut pas l’être ; car la jurisprudence moderne est dominée tout entière par l’idée de l’extension de la propriété de l’État à tout le territoire des sujets.

[12] C’est également une conception courante des Romains d’attribuer au genus humanum ce qui se rapporte aux Romains en général Ainsi Gaius est empereur pour la joie du populus Romanus vel dicam humanum genus (Suétone, Gai. 13), Galba est empereur par le consensus generis humani (Tacite, Hist. 1, 30) et comme adsertor generis humani (Suétone, Galb. 9).

[13] Cicéron appelle l’État romain patrocinium orbis terræ verius quam imperium (De off. 2, 8. 27), le sénat amplissimum orbis terra consilium (Phil., 3, 14, 34), et il dit ailleurs (De re p. 3, 13, 24) : Noster hic populus... cujus imperio jam orbis terræ tenetur ; il fait Pompée, Pro Sest. 31, 67, omnibus bellis terra marique compressis imperium populi Romani orbis terrarum terminis definire. Cette conception est officielle sous le Principat. L’autorité d’Auguste est représentée sur ses monnaies par le capricorne, signe de son mois de naissance, auquel se soumet le globe terrestre (Eckhel, 6, 109). Lui-même a fait, d’après son inscription commémorative (Mon. Ancyr. 1, 13), bella... toto in orbe terrarum ; d’après le titre de la même inscription, il a soumis orbem terrarum imperio populi Romani ; dans l’inscription votive de Narbo de l’an 11 après J.-C. (C. I. L. XII, 4333) il est célébré comme rector de l’orbis terrarum, et le jour où il a pris les faisceaux comme celui où imperium orbis terrarum auspicatus est.

[14] Ulpien, Digeste, 1, 5, 17.

[15] La formule du biographe impérial (Vita Taciti, 16) est caractéristique : (Probus) si diutius vixisset, orbis terræ barbaros non haberet.

[16] La question de savoir si l’État romain a eu une phase antérieure, dans laquelle l’idée de l’État se serait fondée sur la gens isolée, est en dehors du cercle du Irait public romain, qui prend pour point de départ l’État composé de gentes. La réponse dépend du point de savoir si les terres gentilices des Cornelii ont été considérées comme ayant été assignées à la gens par le populus, ou comme un territoire qui a aussi bien contribué à constituer le populus primitif que le territoire de Préneste à constituer le populus postérieur, ou encore, peut-on dire, si les terres gentilice des Cornelii étaient considérées comme un domaine limité ou comme un domaine arcifinien. Au point de vue romain, nous ne pouvons pas aller au delà de la position de la question. Les études grecques fourniront peut-être un jour la réponse, lorsqu’elles auront pris plus qu’elles ne l’ont aujourd’hui, l’habitude des raisonnements suivis.

[17] L’ager occupatorius et l’ager arcifnius sont la même chose, et le premier a pour origine l’occupation par l’État ; cela résulte des textes, il est vrai, très mutilés des Gromatici, 2, 19 (= 115, 4) 5, 22. 124, 3. 137, 19 — 138, 10. L’ager occupaticius (Festus, p. 180. 181) est autre chose.

[18] Le principe que l’ager publicus est toujours arcifinius et l’ager privatus toujours limitatus est vrai sans réserves dans le système primitif. Le développement des groupes urbains séparés dans t’intérieur du corps des citoyens a heurte la règle, en ce que le territoire des cités antérieurement autonomes reste ager arcifinius. C’est pourquoi les Gromatici restreignent les terres limitées aux colonies (Frontin, p. 2, etc.).

[19] L’occupation des res nullius suivie de leur usucapion (car, dans le droit primitif, l’occupation ne peut pas avoir jamais fait à elle seule acquérir la propriété complète) appartient aux idées fondamentales du droit privé romain et s’applique principalement aux choses mobilières des ennemis. Si le soldat doit rendre le butin, cela tient à la situation de mandataire qu’il occupe en face du peuple.

[20] L’occupation durable d’un territoire sans acte de cession, par exemple l’occupation d’une île inhabitée, a nécessairement eu le même effet qu’un acte de cession.

[21] Tacite, Ann. 12, 23 (cf. tome IV, la théorie des pouvoirs extraordinaires constituants, sur l’éloignement du Pomerium). Vita Aureliani, 21. Detlefsen, Hermes, 21, 301.

[22] Aulu-Gelle, 13, 44. Tacite, Ann. 12, 24.

[23] L’établissement en dehors des portes, s’il était permis à l’époque ancienne, ce qui est très douteux, ne rentre pas légalement dans l’immigration dont nous nous occupons ici, qui exige précisément l’établissement de la résidence dans l’intérieur des murs.

[24] Le droit de reculer le Pomerium était un droit royal qui faisait défaut aux magistrats de la République. Mais ce n’aurait pas été un obstacle à son exercice : il pouvait, comme le droit d’assigner les terres publiques et comme tous les droits réservés au peuple, être exercé par des magistrats spécialement délégués à cette fonction. Si, autant que nous sachions, il n’a jamais été fait de telle délégation pendant la République, c’est parce que le recul du Pomerium était pratiquement impossible. Quand il y a été procédé par les magistrats ayant le pouvoir constituant (v. sur ce point, tome IV, la partie qui les concerne) et depuis Clandé, par les empereurs (v. tome V. la théorie de l’administration de la ville de Rome, n° 6), ce parait n’avoir été que nominalement, afin d’exprimer par là la plénitude de l’autorité.

[25] V. Tome III, la théorie du Consulat, sur le droit de faire la guerre. Il n’y a nulle part, aux frontières de l’empire, de bornes frontières comme on en trouve dans l’intérieur.

[26] Pline, H. n. 6, 26, 120.

[27] Dion, 71, 15. Des mesures analogues furent prises contre les Jazyges (Dion, 71, 16, rapproché de 19) et les Bures (Dion, 72, 3).

[28] Inscription de Bithynie, qui peut être du temps de Domitien, publiée par moi dans le Korr. Blatt. der Westdeutschen Zeitschrift, 1886, p. 260. Cela justifie l’indication connue, selon laquelle le territoire romain s’est étendu, jusqu’à Gallien, à 80 lieues à l’Est, au delà de Mayence (Rœm. Gesch. 5, 137 = tr. fr. 9, 190).

[29] Il y avait des enclaves : cf. le plébiscite de Termessos, sur les fonds de terre de droit romain qui se trouvaient dans le territoire de Termessos.

[30] Varron, De l. L., 5, 33, dit expressément que l’ager Gabinus et l’ager peregrinus se confondent en droit, et que le premier ne se distingue, dit second qu’au point de vue religieux par ses auspices semblables à ceux de l’ager Romanus et par conséquent particuliers.

[31] Servius, Ad. Æn. 9, 53, après avoir parlé de la déclaration de guerre hasta in fines hostium missa, continue en disant : Cum Pyrrhi temporibus adversum transmarinum hostem bellum Romani gesturi essent nec invenirent locum, ubi hanc sollemnitatem per fetiales indicendi bellum celebrarent, dederunt operam, ut unus de Pyrrhi militibus caperetur, quem fecerunt in circo Flaminio locum emere, ut quasi in hostili loco jus belli indicendi implerent : denique in eo loco ante ædem Bellonæ est consecrata columna. La coutume subsista. Ovide, Fastes, 6, 205. — Festus, Ép. P. 33, v. Bellona. Dion, 50, 4. 71, 33. Si du reste on constituait un ager hosticus par le procédé qu’indique Servius, on ne prenait pas là les choses à la rigueur, et pratiquement il n’aurait pas pu en être autrement un fonds de terre romain ne perd pas le droit foncier romain, parce qu’il est acheté par un étranger qui n’a pas le commercium.