LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LA LIGUE NATIONALE LATINE.

 

 

Entre l’intérieur et l’extérieur, il existe, dès le principe, un territoire intermédiaire, qui sans doute n’appartient pas à l’intérieur, mais qui lui est lié d’une manière permanente aux points de vue légal et militaire, et qui par conséquent n’appartient pas non plus à l’extérieur, territoire intermédiaire dont la délimitation légale est fournie matériellement par les traités politiques, mais dont l’existence a cependant pour origine et pour cause la similitude naturelle de la langue et des mœurs.

L’étude de la condition juridique de ces alliés perpétuels qui font en réalité partie de l’État romain, est un problème difficile ; en effet, d’une part, il n’y a pas au sens rigoureux de règles théoriquement générales qui leur soient applicables, et c’est dans les traités spéciaux qu’il faut découvrir ces dispositions pratiquement générales ; d’autre part, l’idée de l’alliance dépendante s’est modifiée avec la suite des siècles, et en particulier son fondement primitif, tiré de la nationalité commune, a disparu. En somme, on peut distinguer trois périodes à ce sujet : la première est celle de la ligué nationale latine, s’étendant jusqu’à la dissolution de cette ligue par la première guerre de 416 ; la seconde est celle de l’alliance italique, allant jusqu’à la fusion de ces alliés dans le peuple romain, par les lois de 664 et de 665 ; enfin la troisième est celle de la dépendance de l’empire, qui se place dans les derniers temps de la République et sous le Principat. Mais il y a deux caractères qui se sont maintenus à travers les siècles et leurs variations ; ce sont : d’une part, l’inégalité de l’alliance qui, peut-être en laissant de côté la plus ancienne organisation des rapports de Rome et du Latium, implique, non seulement en fait, mais en droit, l’hégémonie de Rome, et, d’autre part, le maintien d’une certaine souveraineté, sans doute restreinte, mais jamais complètement supprimée, des cités soumises à cette hégémonie. L’État romain n’a été, pendant tout ce laps de temps, rien autre chose qu’une confédération des cités principalement urbaines placées sous la direction de la cité romaine ; parmi les institutions modernes, le meilleur terme de comparaison serait encore la Ligue hanséatique. Au reste, l’alliance inégale contient nécessairement en elle une tendance à I’absorption dans lé sein de la cité dirigeante, et nous verrons que ce fut là son résultat dans les trois grandes périodes que nous venons de distinguer.

La ville souveraine, qui est l’institution sur laquelle repose tout le développement politique en Italie comme aussi chez les Grecs, apparaît, lorsqu’on l’envisage au point de vue de l’histoire générale, comme une formation récente sortie de l’unité politique primitive de la race. Il y a nécessairement eu une époque où les habitants de même langue de l’Italie centrale, qui se donnaient le nom de Latins, le nomen Latinum[1], constituaient par leur réunion, sûr le pied d’égalité ; le seul État qui pût exister alors. Leur dispersion dams des enceintes de murs distinctes, entraînant leur organisation distincte pour la défense de ces murailles, aura sans doute été la première cause qui aura provoqué, d’abord en fait, puis en droit, la décomposition de la race autonome en un certain nombre de populations armées souveraines (populi). Ces origines se placent à une époque de bien loin antérieure à toute tradition historique, et ce n’est que par voie de déduction que l’on peut en restituer les grands traits les plus généraux ; mais l’influence en est restée déterminante pour tous les temps postérieurs, en ce que la décomposition de l’armée commune n’a pas été complète et qu’elle s’est transformée en une armée totale fédérale formée de l’ensemble des nouvelles armées souveraines. Par suite, la ville italique, comme la ville grecque, forme bien en général un État indépendant ; mais elle forme en même !temps, non pas en vertu d’un traité fortuit, mais en vertu d’une nécessité de son développement, un élément d’une confédération politique.

Il semble résulter de là que Rome elle-même a dû autrefois être une des villes du nom latin comme Albe et Préneste. Mais c’est une idée contraire à la conception romaine. Non seulement toute la préhistoire conventionnelle met Rome non pas dans le Latium mais à côté de lui. La légende très ancienne de la fondation de Rome est en outre expressément faite avec le parti pris marqué de l’exclure de la réunion des États latins tout en maintenant le principe de la communauté de nationalité[2]. Selon toute apparence, la logographie romaine s’est déjà efforcée, dans la constitution de ces légendes, de nier l’égalité primitive des divers membres de l’union nationale latine, qui aurait été en discordance avec l’hégémonie exercée plus tard par Rome, et d’en effacer le souvenir. Elle y a pleinement réussi.

Sans doute les annales romaines rappellent la ligue nationale latine, qui exista, jusqu à sa dissolution en 116, à côté de Rome et au-dessous d’elle[3]. Mais l’image qu’elles nous présentent de la conformation des institutions romano-latines est assez comparable à celle qu’elles nous donnent de la royauté romaine. Il n’y a pas seulement dans les détails- des obscurités et des contradictions nombreuses. Les récits que nous possédons sont, à des points de vue multiples, dépourvus de fondement réel, et ils se révèlent, quant aux faits aussi bien que quant au droit public, comme des constructions artificielles, et, ainsi que nous venons de le dire, comme des constructions de tendance, faites par des écrivains relativement récents dont Ies allégations ont été ensuite encore mutilées et défigurées par des compilateurs ignorants et distraits. Cela n’empêche pas la ligue nationale latine d’être le fondement de la théorie des alliés comme la royauté est celui de la théorie de la magistrature. Il faut donc essayer d’abord de trier les renseignements que nous possédons sur le caractère de la ligue et sur ses rapports avec Rome, puis de les combiner avec les règles qui peuvent être reportées avec quelque vraisemblance à l’époque antérieure à 416, soit parmi les institutions de la communauté latine qui survécurent à la dissolution de l’assemblée fédérale latine, soit parmi les principes en vigueur après 416 pour les rapports de Rome et des cités de droit latin. D’ailleurs, nous ne devons étudier ici que les privilèges spéciaux des Latins et non pas les droits généraux des alliés qui seront exposés dans la partie qui suit.

La logographie romaine ne connaît la ligue nationale latine que subordonnée à Rome. Elle affirme moins l’hégémonie de Rome sur le Latium qu’elle ne la présuppose. Pour elle, les villes des Latins ont toutes été fondées par Albe, et Albe gouverne le Latium au moment de la fondation de la ville de Rome, à peu prés de la même façon dont Rome le gouverne aux temps historiques[4]. Ensuite Rome acquiert, sous le quatrième de ses rois, l’hégémonie sur Albe par un combat singulier[5], elle s’incorpore la ville bientôt après, et par là me-me elle acquiert de plein droit l’hégémonie sur le Latium[6]. Les villes latines sont fréquemment paresseuses dans l’accomplissement de leurs devoirs, et elles tentent aussi la fortune des armes à plusieurs reprises. Mais les traités conclus avec elles par les trois derniers rois et plus tard par Sp. Cassius ne sont essentiellement que le renouvellement et la confirmation de liens déjà existants[7]. La dépendance de la ligue latine, établie sous le règne de Tullus, subsiste sans modification jusqu’au jour où la ligue elle-même est dissoute et où le lien se trouve en conséquence transporté aux différentes villes. Ce n’est pas là de l’histoire. Ce n’est qu’une exposition de droit, celle de la situation qui précède immédiatement la dissolution de l’alliance latine, et dans laquelle Rome exerçait son hégémonie sur le reste de la nation réuni en face d’elle dans une alliance fédérative.

La ligue des Latins, à laquelle on transporte en droit public la désignation de la nation latine, nomen Latinum[8], comprenait primitivement, selon la version traditionnelle, toutes les cités indépendantes de la nationalité à laquelle appartenaient les Romains, à l’exception de Rome. Ces cités sont, avons-nous déjà remarqué, considérées comme ayant été fondées par Albe, leur ancienne métropole, et elles sont désignées, par opposition aux cités de nationalité latine fondées seulement par Rome, comme les villes des anciens Latins (prisci Latini). Mais, même en dehors de ces limites, les cités fondées comme États indépendants de la même nationalité sont pendant longtemps entrées dans la ligue ; une résolution fédérale a même dû sans doute être exigée, à l’époque la plus ancienne, pour chacune de ces fondations[9]. Ce sont seulement les établissements de ce genre qui datent des derniers temps de la ligue, en particulier ceux faits au delà du Tibre, qui sont restés en dehors de la ligue[10]. L’énumération des localités qui ont appartenu à cette fédération, soit comme vieilles cités latines, soit comme colonies latines de l’époque la plus ancienne, est en dehors du cadre du droit public[11]. — Il est difficile que des cités non latines aient jamais appartenu à la ligue[12] ; mais il existait sans doute entre la ligue latine et la ligue analogue des villes berniques une confédération plus large. La désignation propre de la cité est pour la cité latine, comme pour la cité romaine, populus. Au point de vue romain, toute cité latine s’appelle municipium, ses citoyens pouvant se trouver en communauté d’impôts et de corvées avec ceux de Rome ; la cité latine qui a été fondée en vertu d’une décision fédérale ou plus tard d’une décision de Rome s’appelle aussi colonia. Mais les deux dénominations ne sont certainement devenues d’uni usage général et spécialement ne sont devenues des titres officiels que depuis la transformation de la fédération primitive en domination romaine.

Une pareille ligue de peuples ne pouvait rester sans représentation religieuse, sans fête fédérale revenant périodiquement. Cette fête était le Latiar, la fête célébrée sur le mont Albain. Cette vérité a été sentie par les conteurs de légendes qui ont attribué l’établissement de la fête aux anciens Latins et qui l’ont rattachée au roi Faunus et au roi Enée[13]. Mais. la version officielle des annales romaines transforme la fête nationale latine en une institution romaine. Elle ne la rattache pas à la nationalité latine des Romains, ni même à la destruction d’Albe, si clairement que les considérations de lieux indiquent que cette fête a été fondée et célébrée autrefois par l’ancienne capitale du Latium. D’après elle, la fête a été fondée un certain temps après l’établissement de la domination de Rome sur le Latium, à cause des victoires du premier ou du second des Tarquins[14]. L’organisation de la fête en vigueur à l’époque historique implique l’hégémonie de Rome[15], et elle peut fort bien avoir reçu cette forme après la chute d’Albe. Rome, étant maîtresse du territoire, apparaît aussi comme donnant la fête, et ce sont ses magistrats qui partagent la chair dis taureaux sacrifiés entre les représentants des villes fédérées. Tant que la ligue a existé, chacune des villes qui v appartenait participa sans doute à cette distribution, et la présence au mont Albain devait être considérée comme le signe extérieur de la participation à la fédération. Après la dissolution de la ligue, la cérémonie subsista, comme cela arrive d’ordinaire, sans modification ; mais les villes parvenues au droit latin après cette dissolution furent logiquement exclues de la distribution, et ce sacrifice se trouva ainsi conserver l’image de la ligue latine telle qu’elle était constituée au moment de sa suppression. — Si la légende romaine s’est, selon toute apparence, efforcée d’écarter du Latiar son origine antérieure à Rome, elle considère au contraire comme une expression de la domination de Rome sur le Latium le temple de Diane élevé sous l’avant-dernier roi, aux frais communs des villes latines, sur l’Aventin. Et cette conception peut être juste dans l’ensemble[16]. — On ne trouve pas dans notre tradition de traces certaines d’une représentation religieuse indépendante de tout le Latium[17].

Une constitution écrite de la ligue, indiquant les villes qui avaient le droit de s’en dire membres, les règles suivies pour la fête fédérale et les rapports de droit : existant entre ses membres, fut, selon les annales, exposée à Rome, pour y rester dans un perpétuel souvenir, dans ce temple de Diane de l’Aventin que nous venons de signaler, à la suite d’un accord du roi Servius et des députés des villes latines[18]. Ce récit est, pour l’ensemble, attesté et digne de foi, quoique le document qu’ont vu les Romains postérieurs fût sans doute simplement le produit d’une révision de ces dispositions faite après la dissolution de la ligue. Il est difficile que la souveraineté des différentes cités ait reçu de la constitution fédérale d’autres limitations que celles rendues absolument indispensables par les nécessités de la défense en commun qui fut sans nul doute la cause de ce groupement national. A ces limitations appartenait en première ligne la constitution d’une armée fédérale sur l’appel de la capitale, probablement en vertu d’une résolution fédérale. L’uniformité des institutions relatives au cens qui existaient à Rome avant que la censure n’eût été en 319 détachée de la magistrature suprême et de celles qui ont fonctionné jusqu’aux temps les plus récents dans les villes latines peut vraisemblablement être aussi rattachée aux institutions primitives de la ligue latine ; le cens des diverses cités est si bien le fondement de leur organisation militaire qu’on ne peut s’imaginer une association militaire du genre de la ligue latine où il ne serait as rendu uniforme. La guerre reste possible entre membres de la confédération ; la seule restriction qui soit apportée à sa possibilité est la trêve d’armes qui doit être observée pendant la fête fédérale[19]. Il en est de même pour la conclusion des traités. A côté du pacte fédéral lui-même et de celui conclu entre Rome et la confédération, duquel nous aurons à nous occuper pins loin, il en existé d’autres entre Rome et diverses villes fédérées, par exemple Lavinium[20] et Gabies[21]. C’est sur de tels traités particuliers plus que sur une résolution de la ligue que se fondait probablement en la forme, — au fond elle venait de l’origine politique nationale commune, — la communauté de droit existant entre tous ses membres quant au commerce et entre certains, quant au mariage. Au contraire, les relations des annales refusent aux cités latines le droit de guerre contre les états non latins[22] ; et, les Romains concluant le premier traité avec Carthage pour eux et leurs alliés[23] sans le concours de ces derniers, la ligue ne doit non plus, au moins dans sa dernière période, avoir pu conclure aucun traité avec les états non latins. L’autonomie qui appartient aux diverses cités après la dissolution de la ligue n’a certainement pas été transportée de la ligue à elles, mais leur a appartenu dans la même mesure du temps où la ligne existait.

L’organisation de la ligue avait pour base l’assemblée fédérale, le concilium, et la suppression du consilium a entraîné la dissolution de la ligue[24]. La mémoire s’est conservée de la tenue de cette assemblée sur le versant du mont Albain, dans un bosquet voisin de la source Ferentina. Il est naturel de supposer qu’elle était en rapport avec la fête annuelle permanente du mont Albain, et qu’Albe eut, tant qu’elle exista, la présidence politique de l’une comme la présidence religieuse de l’autre. Mais les descriptions qui nous ont été transmises de cette assemblée n’en font pas ressortir le caractère permanent. Nous ne savons même pas comment les érudits Romains y ont conçu la représentation des confédérés. Ils regardent les Romains comme ayant toujours participé aux délibérations ; mais ils ne semblent pas leur attribuer le droit de suffrage[25]. Nous ne pouvons non plus résoudre la question de savoir si les magistrats des diverses cités, délégués pour les représenter au sacrifice du taureau[26], jouaient en même temps, à l’époque ancienne, le rôle de députés politiques. Tant qu’Albe a existé, ses rois ont eu la présidence de la ligue[27] ; ensuite elle appartint à deux prætores non romains[28]. Ce dernier renseignement a d’autant plus de poids qu’ainsi que nous l’expliquerons plus loin, la confédération étrusque, maintenue quant aux sacra jusqu’aux temps les plus récents, était probablement, comme les diverses cités, sous l’autorité de préteurs et d’édiles se renouvelant tous les ans. L’existence à la tête du Latium de decem primi, par lesquels il peut être représenté[29], donne à penser qu’il y avait, à été des magistrats fédéraux, une assemblée latine analogue au conseil communal des diverses cités. En dehors d’un récit peu digne de, foi qui représente l’assemblée fédérale comme ayant la justice criminelle[30], il n’y a pas de vestige d’attributions des chefs et de l’assemblée relatives à d’autres matières qu’aux matières militaires.

La relation existant entre la ligue latine et Rome est à la fois désignée comme une alliance égale[31] et comme une subordination à Rome[32]. C’est par conséquent, sous les deux rapports, essentiellement la même relation dans laquelle se trouvaient les diverses villes latines avec Rome après la dissolution de la ligue. Les magistrats romains réclament chaque année, en vertu des traités existants, son contingent militaire de la ligue, comme, à l’époque postérieure, ils réclament le sien de chaque cité[33] ; les annalistes semblent même s’être figuré l’organisation de ces troupes comme ayant été alors semblable à ce qu’elle fut par la suite[34], et c’est sans doute avec raison, car la levée fédérale ne pouvait être composée que des contingents des différentes cités. Il n’y a pas trace d’un commandement général de la levée fédérale[35] ; nous trouvons seulement rapporté que, tant que la ligue exista, elle faisait, avant de remettre les troupes fédérales aux généraux de Rome, prendre les auspices romains par des Romains délégués par elle[36]. Selon les documents que nous possédons, les profits de la guerre, qu’ils consistassent en terres ou en butin mobilier, étaient divisés par portions égales entre les trois alliés, à, l’époque où la ligue des villes berniques s’était adjointe comme troisième terme à Rome et au Latium. La disparition de ce partage fut une des conséquences de la dissolution de la ligue[37].

La dissolution de la représentation fédérale en 416 de Rome a sans doute laissé en principe aux différentes villes leur condition antérieure ; en particulier, leur autonomie n’a pas été limitée plus étroitement qu’elle ne l’avait été par leur incorporation dans la ligue. Les pouvoirs que la ligue avait jusqu’alors exercés sur les villes fédérées passèrent à la cité dominante. La dissolution de l’union fédérale doit seulement avoir entraîné la suppression du droit des villes latines de conclure des traités particuliers entre elles, et le droit des villes latines de conclure des traités se trouva désormais restreint à celui de traiter avec Rome. Selon les textes mêmes, il n’a pu, depuis 416, y avoir d’alliance ni entre tous les peuples latins ni entre certains d’entre eux[38], et la même conduite a, verrons-nous, été suivie pour tout le reste de l’Italie. Par conséquent, les villes latines perdirent alors le droit d’établir entre elles la communauté du commerce et du mariage, et, selon toutes les vraisemblances, les traités intérieurement faits dans ce but furent en même temps abrogés.

Au contraire, l’union collective des cités reconnues par les Romains comme ayant des droits nationaux égaux ne cessa pas d’exister à la suite de cette dissolution ; elle perdit seulement ses organes collectifs ; ou plutôt les organes de la cité dominante furent désormais regardés comme étant en même temps ceux du Latium. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’appel du contingent fait par les autorités romaines. L’admission de nouvelles cités dans l’union, qui subsista après comme avant, fut aussi désormais prescrite par une décision législative des comices romains. De nombreuses communautés politiques nouvelles de nationalité latine ont été créées, dans toute la péninsule jusqu’au pied des Alpes, par les Romains depuis 416 comme auparavant par la ligue.

Mais l’extension du Latium s’est, dès la période ancienne de la République, difficilement restreinte à cela. On semble aussi avoir incorporé parmi les cités latines un certain nombre de cités originairement pérégrines. Sans doute cela ne pouvait se produire qu’en vertu d’une libre dérision de la cité pérégrine, d’une part, et de l’autorité romaine, de l’autre. Il n’est pas certain que les cités non latines aient pu, en vertu de leur autonomie, adopter la langue latine[39], la dualité des noms propres latins, la toge latine et d’autres institutions qui dépendent en général de la libre décision du peuple. Il se peut fort bien que, surtout à l’époque ancienne, des limites aient été apportées, dans les divers traites, à cet exercice de l’autonomie et que la nation dominante n’ait pas permis sans réserve l’adoption de ses’ coutumes propres à ses alliés inférieurs. Mais, lors même qu’il n’existait pas d’obstacle sous ce rapport et que les citoyens des villes non latines pouvaient et voulaient se ranger ainsi dans la nationalité latine, la différence légale n’était pas effacée par là. La concession de l’usage de la toge aux membres de toutes les cités appartenant à l’armée italique n’en fit pas des Latins[40]. L’usage de la langue latine, qu’il reposât sur une décision prise par une cité dans son autonomie ou sur une concession du gouvernement, ne donnait pas davantage à la cité le droit latin. Il devait, en tout cas, falloir en outre une concession des privilèges personnels aux Latins que nous étudierons plus loin, et cette concession ne pouvait résulter que d’un acte législatif de Rome[41]. Mais il est probable que cela a eu lieu ainsi, et que des cités qui n’étaient pas latines d’origine ont été mises par une nationalisation légale sur le même rang que les vieilles cités latines. La désignation Latium adjectum ou novum ne nous a été transmise que comme désignation géographique du territoire limitrophe du Latium au Sud et à l’Est, jusqu’au Liris sur tout son cours ; c’est-à-dire du pays des Volsques et des Herniques[42]. Mais elle a, sans aucun doute, primitivement exprimé, en droit public, l’incorporation de ce territoire non pas dans l’union religieuse qui célébrait la fête fédérale sur le mont Albain, mais dans l’union politique des Latins. Sans doute, la plupart des cités de l’ancien territoire des Volsques auraient, d’après ce que nous savons par la tradition, passé directement de la pérégrinité au droit de cité, spécialement au demi-droit de cité, et n’auraient jamais été latines. Mais quelques-unes d’entre elles, par exemple Antium[43], paraissent avoir possédé le droit latin avant d’entrer dans cette condition, et, sur les trois villes des Herniques qui subsistèrent comme fédération particulière après que les autres Herniques eurent reçu le demi-droit de cité, Ferentinum, Aletrium et Verulæ, les Ferentinates sont plus tard expressément comptés parmi les Latins[44]. Peut-être la même chose a-t-elle eu lieu en Italie sur une large échelle. Un certain nombre de cités italiques qui n’étaient pas des colonies latines, ainsi les Vestini, Larinum, Teate Apulum, Caiatia, Aquinum, ont frappé des monnaies avec légende latine. Or, on ne peut sans doute pas dire avec certitude dans quelle mesure ce passage de fait dans la nationalité latine a été accompagné pour elles des privilèges juridiques de la latinité. Mais cependant il est probable que ces privilèges ont été accordés tout au moins à une partie d’entre elles. Car c’est seulement si la concession du droit de latinité avait déjà été faite fréquemment, avant la guerre sociale, à des villes non latines d’origine, que l’on peut s’expliquer que le droit de latinité ait été, après la guerre sociale, accordé en bloc à toutes les cités pérégrines indépendantes de la Gaule cisalpine. Le cercle des alliés italiques est plus large que celui des Latins ; mais il y a probablement eu des passages constants du premier dans le second, et c’est ainsi que s’est progressivement développée l’idée, assurément erronée, dont nous aurons encore à nous occuper dans la partie suivante, selon laquelle les Italiens sont tous sans exception des Latins et il n’y a pas de statut personnel italique différent du statut personnel latin.

Le droit latin a été, selon la même méthode, conféré par César et après lui, d’abord aux rares cités qui, par suite de leur défaut d’indépendance politique, restèrent en dehors de la concession du droit de cité faite aux Cisalpins en 705[45] ; puis progressivement aux cités des Alpes de la frontière nord de l’Italie[46], et même, dans le cours des temps, aux cités pérégrines de l’Occident en général[47]. C’est pour une bonne partie par ce procédé que s’est accomplie la romanisation de l’Occident.      

Étudions maintenant les avantages qui distinguent le droit des villes latines et la condition personnelle des Latins des droits généraux des villes autonomes et de leurs citoyens.           

Les statuts des villes latines ; — il n’y a pas de droit latin abstrait — se divisent en deux catégories l’une supérieure et l’autre inférieure en droit ; ou encore, selon une distinction qui se confond probablement avec la précédente, ces statuts se divisent en statuts antérieurs ou postérieurs à l’an 486 de Rome. La tradition ne nous dit pas quels étaient les effets particuliers de cette différence de droit. Puisqu’il nous est attesté que le droit latin récent entraînait l’égalité complète avec les citoyens romains en matière de droit privé, celui qui lui était supérieur devait nécessairement conférer en outre des droits politiques proprement dits[48] : c’est un point sur lequel nous aurons à revenir au sujet de la faculté d’émigration. La catégorie la mieux traitée des villes latines comprend en premier lieu les statuts des anciennes villes latines et en outre les plus anciennes des colonies fondées par la ligue ou par les Romains. La catégorie inférieure est désignée comme ayant le droit d’Ariminum, ou celui des douze colonies, par lesquelles il faut entendre la ville latine d’Ariminum, dont la déduction eut lieu en 486, et les onze autres colonies fondées par les Romains en Italie entre cette date et la guerre sociale[49]. Mais il faut également compter dans la seconde classe toutes les cités qui ont reçu la latinité dans les provinces. La condition supérieure et la condition inférieure peuvent donc être désignées comme étant celles des prisci Latini et des Latini coloniarii. En donnant la dénomination de coloniæ Latinæ à la cité de Carteia, composée en 383 des enfants nés dans le camp de l’armée d’Espagne[50], et aux cités gratifiées de la latinité en Gaule cisalpine après la guerre sociale, on veut caractériser leur droit de latinité comme appartenant à la catégorie inférieure ; c’est d’autant plus clair que la dénomination ne convient pas, au sens propre, aux dernières cités tout au moins. La catégorie supérieure des Latins disparut pour toujours à la même époque par l’arrivée de toutes les cités italiques au droit de cité complet[51], et il n’y eut plus, à la fin de la République et sous le Principat, d’autres cités latines que les villes de province qui avaient reçu ou qui reçurent le droit de latinité inférieure. Ce sont là les Latini coloniarii des jurisconsultes du temps de l’Empire[52]. Cette dénomination, qui vient probablement des douze colonies, s’applique même aux cités qui ont reçu ce droit de latinité sans la qualité fictive de colonies. Vespasien le donna aux Espagnols. Mais, comme la raison pour laquelle on avait qualifié de colonial le droit de latinité conféré aux villes cisalpines s’était évanouie avec la disparition du droit de latinité supérieur, il abandonna cette fiction, et, selon la méthode ancienne plus rationnelle, il fit des cités espagnoles des municipia latins[53].

La souveraineté théorique des diverses cités latines ne fut pas atteinte par la dissolution de la ligue ; mais son absence de portée pratique rétroagit peu à peu sur les principes du droit public. C’est en partant de là qu’après le soulèvement de la ville latine de Fregellæ en 629, on refusa le triomphe à son vainqueur, en traitant par conséquent cette guerre comme une guerre civile[54]. Dans la dernière phase de ce développement, qui est celle qui nous est le plus exactement connue, dans celle des statuts municipaux espagnols concédés sous les Flaviens, on n’emploie même plus pour la ville les mots populus et publicus : on remplace le premier par municipium et le second par commutais. La plénitude de la juridiction, qui, comme nous montrerons dans la partie qui suit, était encore, au temps de César, le signe caractéristique de la cité alliée souveraine en face de la cité de citoyens romains, est retirée à ces villes latines d’Espagne, et elles sont, sous ce rapport tout au moins, rapprochées des cités des citoyens[55]. Nous aurons encore à nous occuper dans la partie suivante, d’autres limitations apportées sous l’Empire au droit latin.

Le droit latin individuel n’existe que comme conséquence des divers statuts communaux latins. Le droit de cité de Préneste est sur le même pied que le droit de cité de Rome, et l’existence d’un droit de cité latin qui ne se rapporte pas à une ville de droit latin déterminée est un non-sens. Mais la loi Junia vint, à la fia de la République ou peut-être au début de l’Empire[56], attribuer à l’affranchissement irrégulier en la forme et par conséquent nul d’un esclave romain cet effet juridique de permettre à l’affranchi de commercer pendant sa vie dans les formes romaines comme le citoyen d’une colonie latine, de servir dans l’armée dans la mesure où le pouvaient les affranchis latins quelconques[57] et enfin d’acquérir dans les conditions établies pour les Latins le droit de cité romaine, tandis qu’il était traité à son décès comme un esclave ; or cette condition personnelle, contre nature sous tous les rapports, dont le sujet non seulement n’appartenait à aucune cité, comme le dediticius, mais n’était un homme libre que de son vivant et par conséquent était, au sens propre, toujours un esclave, fut désignée, dans la langue récente de l’école[58], par le nom de Latinus Junianus[59]. Et, par suite de cette désignation trompeuse, cette institution hybride figure, par un phénomène singulier, chez tous les jurisconsultes anciens et modernes, comme une variété du droit latin, alors qu’on ferait mieux d’y voir un esclavage qualifié. Cependant cette institution, une fois affublée de l’étiquette que lui ont donnée les jurisconsultes romains, a probablement contribué à faire établir, dans la période récente de l’Empire, un droit individuel latin ne se rattachant à aucune cité. II y a tout au moins de grandes vraisemblances pour que les pérégrins enrôlés pour le service de la flotte aient, depuis Hadrien, reçu de cette façon un droit personnel de latinité[60].

Les droits spéciaux appartenant en face de Rome aux citoyens des villes latines en vertu de leur qualité n’ont, selon toute apparence, pas été touchés par la dissolution de la ligue latine : ainsi par exemple, l’alliance qui avait existé jusqu’alors a continué à déterminer la condition personnelle des citoyens des anciennes villes latines, tant que ces cités ont subsisté. Par suite, les principes fondamentaux étant toujours restés les mêmes, nous pouvons rassembler ici, sans distinction de périodes chronologiques, ce que nous avons à dire à ce sujet. Ainsi que nous avons déjà dit, nous réservons pour la partie qui suit les privilèges que les Latins partagent avec les Italiens, par exemple ceux qui sont liés au service militaire et la situation favorisée qui leur est donnée pour le commerce avec les provinces. Nous avons ici à étudier : leur droit de commercer et d’ester en justice ; leur droit de se marier ; leur droit de provocation ; les modes privilégiés par lesquels ils acquièrent la cité romaine ; enfin leur droit de vote.

Il n’y a pas de communauté de droit entre Rome et le Latium. Le principe exposé plus haut, selon lequel les comices romains sont légalement l’organe du Latium, a sans doute pour conséquence que la législation romaine peut s’étendre au Latium, et nous expliquerons, dans notre prochaine partie, que cette conséquence du principe a été tirée par les Romains non seulement en face des cités latines, mais de toutes les cités italiques, tandis qu’on ne pouvait invoquer dans le même sens de titre légal en face des États étrangers à l’Italie et que l’extension de la législation romaine à ces États était considérée comme une violation de leur autonomie. Mais, en face de l’Italie elle-même, elle demeura une exception ; il n’y a pas d’organe législatif qui fonctionne régulièrement pour établir des lois romano-latines, notamment en droit privé[61]. L’autonomie existe au contraire à ce point de vue aussi bien pour Préneste que pour Rome : le mariage, l’affranchissement[62], le testament, les successions ab intestat sont régis dans un endroit comme dans l’autre par les lois locales. Dans toutes les villes latines, y compris Rome, les règles du droit privé se fondent sur l’autorité propre de chacune, même lorsqu’elles se trouvent concorder matériellement. Mais cette concordance matérielle existe dans la plus large mesure, par suite de l’identité de mœurs et de langage, et elle a les résultats pratiques les plus importants. Il est bien vraisemblable que les limitations de droit qui séparent probablement à l’époque ancienne l’étranger comme le client du citoyen sont appliquées même aux étrangers de la même nationalité que les Romains ; ainsi ils ne devaient pas pouvoir plaider devant les tribunaux romains sans l’assistance de leurs hôtes ; mais cette restriction de la liberté du commerce disparut, avons-nous vu, dès une époque très reculée, et les temps historiques accordent une capacité de plaider complète à tous ceux qui possèdent le droit général d’agir devant les tribunaux romains.

En outre, même au temps où le Latin demeure étranger quant à la procédure, il est, quant au droit lui-même, essentiellement assimilé au citoyen. Et cette idée trouve son expression dans la communauté du droit de commercer, dans le commercium existant entre Romains et Latins[63]. Ce sont précisément les institutions dont le caractère national est le plus vivement perçu, la puissance paternelle érigée en droit de propriété absolu du père sur le fils[64], l’usage fait du métal et de la balance en présence de témoins pour légaliser les paiements de toutes sortes[65], qui sont attestées comme étant communes aux Romains et aux Latins. Selon une règle augurale remarquable, les auspices sont pris sur le sol de toutes les villes latines de la même façon que sur le sol de Rome, et ils sont pris autrement dans les pays étrangers de nationalité différente[66]. De là on tire, relativement au commerce privé, cette conséquence qu’il n’est ouvert aux hommes de nationalité étrangère qu’exceptionnellement, à condition qu’il existe des conventions diplomatiques entre les deux cités et dans les limites et les formes prescrites par ces conventions, mais qu’au contraire il est ouvert aux hommes de même race, en principe et dans les formes du droit local, à moins qu’il n’existe en sens contraire des dispositions expresses[67]. Tandis que les autres étrangers en sont réduits au droit des étrangers, le droit national est présumé s’appliquer aux relations des citoyens des villes latines avec les Romains. Il n’est ni nécessaire ni possible d’énumérer ici toutes les conséquences de ce principe ; mais cependant il convient d’indiquer quelques-uns des actes juridiques les plus importants qui, parmi les divers étrangers, ne sont possibles qu’aux Latins.

1. L’acquisition d’un Latin en qualité d’enfant par un Romain ou à l’inverse d’un Romain en dualité d’enfant par un Latin, par la transmission du droit de propriété sur l’enfant opérée du père naturel au père adoptif, est possible ; au contraire, un pérégrin ne peut ni adopter un Romain ni être adopté par lui. — Le point de savoir si un Latin sui juris peut également passer par adrogation dans une famille romaine et conséquemment dans le peuple romain est un point douteux ; cependant l’affirmative est conforme à la logique du droit, et il est possible que cela ait eu lieu[68].

2. Le Latin a la faculté d’acquérir la propriété quiritaire du sol romain, et réciproquement un citoyen peut acquérir la pleine propriété d’un fonds de terre de Préneste, selon le droit local de Préneste. L’immeuble romain restant en pareil cas redevable des corvées et des impôts romains, cela a pour conséquence, ainsi que nous l’avons montré plus haut (VI, 1), l’extension des impôts romains aux Latins qui ont des biens sur le territoire romain, le municipium Latinum. De là résulte l’existence d’un droit relatif aux biens fonds, commun au territoire de Rome susceptible de propriété privée et aux territoires de même nature de toutes les villes latines[69]. Mais logiquement on exclut toutes les cités de citoyens et les cités latines dont le territoire n’est pas susceptible de propriété privée, dont le territoire est, au sens légal, ager publicus populi Romani, et nous verrons, dans la théorie de l’organisation municipale, qu’il en est ainsi, en règle générale, pour tout le territoire d’outre-mer. — Cette communauté de droit s’étendait, avant la guerre sociale, aux territoires italiques de droit romain et de droit latin ; après la guerre sociale, elle s’est étendue à l’Italie proprement dite et à la Gaule cisalpine qu’on y comprend dans le langage usuel, et, du moins à la dernière époque, elle est appelée dans la langue technique, le droit italique[70], par corrélation avec la désignation commune d’Italici sous laquelle il était habituel de réunir les Romains et leurs alliés au dernier siècle de la République[71]. Quand la Gaule cisalpine eut elle-même acquis le droit de propriété immobilière romain, l’ancienne communauté de droit foncier fut remplacée pour l’Italie par la propriété quiritaire elle-même, et c’est pour cela que, sous le Principat, le droit italique n’est plus attribué à l’Italie. !liais il est toujours attribué au sol provincial qui est rendu susceptible d’une pleine propriété immobilière, soit à la suite de privilèges particuliers accordés à divers districts provinciaux voisins des frontières de l’Italie[72], soit en vertu d’un privilège général accordé à une certaine catégorie de villes provinciales de citoyens et que nous aurons à étudier plus loin.

3. La constitution d’une dette d’argent et son extinction dans les formes rigoureuses du droit civil, étant liées à l’usage du cuivre et de la balance[73], ne sont, parmi les non romains, possibles qu’aux Latins.

4. Le droit de laisser par testament des successions et des legs à des citoyens romains ou d’en recevoir d’eux[74] est, pour la même raison, un privilège des Latins. La succession ab intestat est exclue entre Latins et Romains, dans la mesure où elle repose sur l’agnation ; car il ne peut y avoir d’agnation entre citoyens d’États différents. Lin tant qu’il y est tenu compte de la cognation, par exemple pour appeler le fils donné en adoption à succéder à son père ou à son frère naturel, le bénéfice de cette succession doit nécessairement être accordé aux Latins.

5. Nous avons déjà vu que les Latins ont avec les Romains la communauté du droit de plaider, par opposition aux pérégrins, en ce sens que, depuis qu’il y a eu à Rome deux tribunaux civils distincts, l’un pour les citoyens et l’autre pour les pérégrins, les procès entre Latins et Romains et entre Latins qui étaient jugés à Rome ressortaient probablement du tribunal des citoyens.

La liberté des relations commerciales qui a existé de tous les temps entre Rome et les différentes villes du Latium, s’étendait probablement à l’origine à tout le Latium, de manière à faire avoir à chaque Latin le commercium dans toutes les villes latines. La logique exige que sa suppression en 416 ait enlevé aux Prénestins le droit d’acquérir des immeubles sur le territoire de Tibur. Mais, s’il n’y a pas eu à ce sujet de disposition d’exception dés le principe, la restriction rigoureuse ainsi apportée à la liberté du commerce n’a cependant pu que difficilement se maintenir pendant longtemps. Il n’est pas question du commercium dans les dispositions analogues prises par rapport aux Herniques en 448. D’ailleurs il est difficile que l’on ait de nouveau permis la conclusion de traités particuliers ; il, est plutôt possible que Rome ait, en vertu de son hégémonie, étendu le commercium à tout le Latium.

Le droit au mariage, conubium, a malaisément pu constituer, comme le commercium, un droit général romano-latin. Parmi les nombreux témoignages pseudo-historiques ou historiques qui mentionnent ou impliquent son existence dans des cas particuliers[75], il n’y en a aucun qui suppose un tel régime général, et ce qui est rapporté par la tradition de la communauté de mariage dans les temps anciens ou nouveaux[76] ne peut être entendu que dans un sens : en ce sens que les mariages mixtes étaient bien permis fréquemment, mais que c’était toujours en vertu de privilèges personnels ou tout au plus en vertu de traités particuliers conclus entre deux cités. Le refus du conubium opposé pendant longtemps par les Romains aux plébéiens et tout au moins à une partie des demi-citoyens n’autorise pas, il est vrai, à affirmer qu’ils aient, spécialement à l’époque la plus ancienne, usé du même exclusivisme à l’encontre des Latins. Mais on ne peut pas non plus fournir de preuves qu’ils aient jamais accordé ce droit à titre général à aucune cité latine.

Le droit d’en appeler aux comices romains de la sentence des magistrats romains n’est pas compris en principe dans le droit latin ; au reste le défaut devait en être peu sensible à l’époque la plus ancienne ; car la juridiction criminelle militaire était soustraite à la provocation, et la juridiction criminelle civile sur les Latins appartenait, en règle générale, à leurs magistrats propres[77], de la sentence desquels ils pouvaient probablement faire appel devant leurs comices propres. Mais, depuis que le droit de provocation eut été étendu à la justice militaire, ce fut pour les Latins une cuisante expression de la prépondérance de Rome que le général romain pût faire tomber la tète du premier des officiers latins et ne pût pas faire tomber celle du dernier des soldats romains[78]. C’est ce qui explique que la législation des Gracques ait accordé le droit de provocation tout au moins au Latin auquel le droit de cité romaine avait été offert sans qu’il l’eut accepté[79], et qu’il ait même été question alors de l’accorder à  tous les Latins[80]. La question fut bientôt après écartée par l’incorporation des Latins dans le cercle des citoyens.

Un des privilèges les plus importants du Latin est la perspective qui lui est ouverte par la loi d’acquérir à des conditions déterminées un droit de cité romaine légalement illimité[81]. Sauf une seule et éphémère exception, il n’a jamais été accordé aux pérégrins de tels privilèges généraux. L’acquisition du droit de cité exige toujours pour eux un acte législatif distinct. La différence la plus profonde entre la condition personnelle du non citoyen de même race que les Romains et celle du non citoyen de race différente est peut-être que la première implique un droit conditionnel à la cité romaine. Pour les membres de certaines cités latines, ce droit est subordonné à un simple changement de domicile ; pour ceux des autres, il l’est à certaines conditions personnelles que nous aurons à spécifier. Le premier régime, est le régime primitif, établi pour les Latini veteres ; le second est celui des douze colonies, et en général des cités latines qui ont existé depuis la guerre sociale et sous le Principat.

Les institutions romaines permettent à tout non citoyen de s’établir à Rome ou sur le territoire romain, sauf il est vrai à pouvoir être expulsé à chaque moment au gré des magistrats[82] ; mais, dans le sain de la ligue nationale latine, le domicile entraîne même la qualité de membre de la cité : le Romain qui émigre à Préneste sort par là de la cité romaine et entre dans la cité de Préneste ; le Prénestin qui émigre à Rome sort par là de son groupe d’origine et entre dans le groupe romain. Ce changement éteint le droit de cité existant, et, à ce point de vue, nous l’avons déjà étudié sous le nom d’exilium (VI, 1) ; le nouveau droit ainsi fondé fut d’abord un droit au patronat pour lequel nous avons également déjà expliqué comment il naît de l’applicatio ; à l’époque historique, dans laquelle cette clientèle est devenue un plébéiat, il constitue un droit de cité plébéien. Le Latin qui émigre acquiert immédiatement et de plein droit le droit de cité ; la preuve en est qu’il peut faire un testament selon le droit propre de Rome, que sa succession ab intestat est déférée conformément au système romain, et qu’il est compté au cens parmi les capita civium Romanorum[83]. Il n’y a besoin pour cela d’acte public ni dans la Rome ancienne ni dans la moderne ; car le changement de condition de la personne a lieu en vertu des traités. La forme habituellement suivie pour invoquer ce droit est celle de la déclaration au cens de Rome[84]. Cette déclaration est également indiquée comme source légale du droit de cité, et ce qui justifie cette façon de parler, c’est que chaque cité considérait peut-être à l’origine comme lui appartenant les Latins qui résidaient chez elle, mais qu’ensuite le changement de domicile n’entraîna le changement de condition personnelle qu’autant qu’on en avait eu la volonté. Depuis qu’il n’y eut plus là qu’un droit d’émigration facultatif, qu’un droit de libre circulation, et que le citoyen romain qui allait à Préneste ne fut plus empêché de conserver son droit de cité antérieur, il fallut pour le changement une manifestation de volonté, et il n’y avait pas d’autre forme normale pour cette manifestation de volonté que la déclaration faite au censeur et l’inscription dans les tribus. Mais cette déclaration est, comme on sait, de nature purement déclarative : elle ne peut que constater le droit de cité, elle ne peut pas le créer[85]. Même pratiquement, les conséquences du changement de droit ne peuvent pas avoir été subordonnées à l’accomplissement de la déclaration à faire devant le censeur. Par exemple, la succession doit nécessairement avoir été déférée selon le droit de Rome, alors même que l’émigrant mourait avant d’avoir fait cette déclaration, lorsque le fait du changement de résidence et l’intention de changer de droit étaient établis par d’autres preuves. C’est ici surtout qu’on doit avoir appliqué aux listes du cens le correctif, partout indispensable à leur emploi pratique, tiré du droit du magistrat de les compléter[86].

Ce large droit de libre émigration est un privilège exclusivement latin ; il n’a jamais appartenu au reste des alliés[87]. Mais il ne peut pas avoir été accordé à toutes les cités latines. Nous verrons plus loin qu’il existait, dès le temps des Gracques, un droit communal latin symétrique, mais accordé seulement aux personnes parvenues dans leur patrie aux magistratures. Où ce dernier droit existe, le premier, qui est plus large, est nécessairement exclu. Selon toute vraisemblance, la distinction du droit latin d’émigration limité ou illimité correspond à une distinction que nous avons déjà étudiée, à celle du droit des anciens Latins et du droit des Douze colonies, et le premier droit n’a par suite appartenu qu’aux anciennes cités latines et aux colonies romaines de droit latin fondées avant l’an 486. Mais les Romains ne se sont pas contentés de ne plus conférer ce privilège. La liberté complète de migration, qui avait été un des plus puissants instruments de l’établissement de la domination romaine sur l’Italie, fut, une fois cette domination établie, regardée par le peuple dominant comme une anomalie incompatible avec sa situation prépondérante. L’égalité de droit des Prénestins et des Tiburtins avec les Romains reposait autrefois sur une indépendance approximativement égale ; l’affaissement de la base fat à son tour chanceler l’édifice. En outre, cette liberté de déplacement entraînait de graves inconvénients pratiques : la dépopulation des villes de campagne et l’accroissement de la population pauvre de la capitale. En conséquence, une loi rendue avant 577 interdit aux Latins d’émigrer à Rome s’ils ne laissaient pas un fils comme citoyen de leur cité primitive[88], Les Latins essayèrent par divers moyens de tourner cette prescription, et les controverses sur le droit d’émigration ne cessèrent plus. En 577, le gouvernement romain en vint à annuler les émigrations postérieures à l’an 565 et à expulser comme non citoyens les Latins dont elles avaient fait des citoyens. Ce fut là un acte de violence administratif, et il peut avoir été suivi par plusieurs autres actes analogues[89]. Le plan de C. Gracchus tendant à accorder la cité à tous les Latins[90] est la réponse symétrique des radicaux à ces mesures. Mais les radicaux commencèrent par être battus. Et, à la suite de leur défaite, l’acquisition du droit de cité par le changement de domicile fut supprimée dans toutes les formes légales par une loi proposée par les consuls de 659, M. Crassus et Q. Scævola, à laquelle on attribua probablement en même temps un effet rétroactif sur une série d’années déjà écoulées[91]. La conséquence immédiate de cette loi fut la guerre sociale[92] puis la transformation de tous les Latins en citoyens qui rendit sans objet les controverses sur la liberté d’émigration. La loi de Scævola périt sur le champ de bataille ; mais elle se maintint, dans la théorie juridique, comme la loi qui avait supprimé l’ancien droit d’émigration.

A côté de la faculté d’acquérir la cité romaine par un simple changement de domicile qui est au droit municipal latin le plus ancien, le même droit se rencontre, ainsi que nous l’avons dit, comme restreint aux personnes[93] qui sont parvenues dans une cité ou à occuper les magistratures supérieures[94], ou à faire partie du conseil communal, et il est alors appelé parles jurisconsultes du temps de l’Empire, le petit droit latin (minus Latium), dans le premier cas, le grand droit latin (majus Latium), dans le second[95]. Le premier droit se trouve cité pour la première fois du temps des Gracques[96] ; mais il est probablement né, selon notre remarque antérieure, en l’an 136, lors de la fondation d’Ariminum. Quand la cité de droit latin n’avait pas de magistrats propres, comme cela arrivait sous l’Empire pour les localités attribuées, ses membres étaient admis à briguer les magistratures de la cité centrale de droit romain et ils acquéraient par leur exercice le droit de cité romaine[97]. On a supposé, avec une grande vraisemblance, que le grand droit latin, qui ne se rencontre que chez un jurisconsulte du milieu du second siècle, est d’origine récente et rentre parmi les mesures prises pour arrêter la décadence des institutions municipales[98]. Ce privilège s’est probablement maintenu aussi longtemps que le droit latin lui-même[99].

Ce mode de rattachement du droit de cité latine au droit de cité romaine avant été introduit à une époque où l’incompatibilité du droit de cité latine et du droit de cité romaine était encore en vigueur, le Latin auquel appartenait ce droit ne pouvait en faire usage qu’en renonçant à sa patrie. Si le transfert de fait du domicile à Rome avait été encore requis en pareil cas en même temps que la renonciation à l’ancienne patrie, ce droit se serait confondu, sauf quant à la restriction à certaines personnes, avec l’ancien droit d’émigration. Mais le changement de domicile n’a peut-être jamais été exigé de l’ex-magistrat latin, ou tout au moins cette exigence a été de bonne heure écartée ; car il n’y a pas de domicile obligatoire imposé aux citoyens romains, et par suite on ne peut pas, à l’époque récente, avoir attaché d’importance au transport de la résidence. Le Latin qui, comme il en avait la liberté, ne faisait pas usage de ce droit, était selon toute apparent e mis par là dans la situation dans laquelle avaient été primitivement tous les Latins. Le droit de latinité de lui et de ses descendants contenait en puissance un droit de cité romaine éventuel, et lui ou ses descendants pouvaient, soit en changeant de domicile, soit par une simple déclaration, changer leur droit de cité latine contre un droit de cité romaine ; ou, peut-on dire encore, il était considéré comme étant entré dans le cercle des citoyens romains par l’offre du droit de cité et comme en étant sorti par son refus pour rentrer dans son droit de cité d’origine ; de telle sorte que lui et ses descendants avaient, à toute époque, la faculté de rentrer dans les droits de citoyens romains en vertu du postliminium de la paix.

La situation se modifia lorsque l’ancienne incompatibilité fut remplacée par la règle que le citoyen romain doit nécessairement avoir, à côté de la patrie romaine commune, une patrie particulière, et que cette patrie peut aussi bien être une cité latine ou une cité sujette qu’une cité de citoyens romains. On ne peut déterminer l’époque olé ce Changement s’est accompli pour les cités latines. Nous avons encore la preuve de l’existence de l’incompatibilité du temps des Gracques, et il est difficile qu’elle ait été méconnue avant la guerre sociale. Mais il se peut fort bien que, lors de la transformation complète du régime municipal entraînée par cette guerre, les cités de droit latin organisées alors, qui furent pendant longtemps les seules titulaires de ce droit, aient eu leur autonomie restreinte par le principe que l’ex-magistrat de Brixia recevrait le droit de cité de Rome, sans perdre celui de Brixia. Si cette règle n’a pas été établie alors, elle l’a été, comme nous montrerons dans la partie suivante, par Auguste. — Désormais le Latin, acquiert le droit de cité romaine par la magistrature sans devoir ni même pouvoir perdre pour cela sa patrie d’origine. Et nous rencontrons le droit sous cette forme dans la jurisprudence du temps de l’Empire.

Dans les derniers temps de la République et sous l’Empire, l’acquisition du droit de cité romaine a été attachée pour les Latins, par une série de lois spéciales, à un certain nombre de moyens nouveaux autres que l’occupation des magistratures[100]. Il faut à ce point de vue remarquer les primes accordées aux accusateurs dans la procédure des Quæstiones du VIIe siècle. Tandis que la loi Acilia de 632 et peut-être déjà la loi qui introduisit cette procédure en 605 promettaient, en matière de repetundm, le droit de cité à tout non citoyen qui formerait une accusation et qui la ferait triompher[101], la loi Servilia de 643 restreignit ce privilège aux Latins[102], Les privilèges latins analogues qui furent établis sous l’Empire avaient surtout leur source soit dans le désir d’encourager la reproduction, soit dans le souci de l’alimentation de la capitale[103]. Ils ont d’autant moins besoin d’être énumérés ici que les manuels de droit privé ont l’habitude de les étudier.

Nous avons vu que le droit de cité de chaque ville latine contenait éventuellement en lui celui d’une autre ville. Ce n’est que par une nouvelle application de la même idée que les citoyens latins ont déjà à ce titre le droit de voter dans les comices de Rome et de toutes les villes latines, et qu’il leur est par suite désigné une section de vote dans tous les scrutins, ce qui conduit le grec Denys à considérer la condition légale des Latins à Rome comme un véritable droit de cité[104]. Ce droit de suffrage auquel ne s’adjoint pas l’éligibilité semble avoir appartenu à tous les Latins, même à ceux de la catégorie la plus inférieure : non seulement il n’est fait mention nulle part de sa limitation à une catégorie de Latins déterminée ; mais l’existence d’une telle limitation est exclue par le projet de C. Gracchus d’accorder aux Italiens en général le droit de suffrage antérieur des Latins après qu’il aurait transformé les Latins en Citoyens romains. Ce droit a encore été exercé dans les comices de Rome, du temps de Cicéron, par conséquent après la disparition des Latins de la catégorie la plus élevée, et il l’a même encore été dans les comices des villes latines, sous la dynastie des Flaviens. A l’époque ancienne, le domicile du Latin devait être indifférent à ce point de vue ; ce sont même les personnes qui se rendaient à Rome, pour le vote, de Préneste, de Tibur et des autres localités de même condition, qui doivent principalement avoir voté de cette façon, à l’époque la plus ancienne, où le changement de domicile du Latin entraînait probablement son changement de droit de cité[105]. Plus tard, au contraire, lorsque le droit d’émigration complet fit défaut à la plupart des cités latines, ce sont leurs citoyens domiciliés à Rome qui doivent principalement avoir participé de cette façon aux comices ; les citoyens romains et latins ne sont même admis à voter dans les comices municipaux dont nous venons de parler qu’autant qu’ils habitent dans le lieu. Tout important que ce droit de suffrage M en théorie, il n’a jamais pu exercer d’influence pratique ; et c’est ainsi qu’on doit s’expliquer qu’il n’en soit jamais question dans les discussions politiques et qu’il n’ait, autant que nous sachions, jamais été attaqué.

 

 

 



[1] Nomen est aussi technique pour la race que populus pour la ville ; la preuve en est spécialement dans l’emploi de nomen Latinum à côté de populus Romanus (C. I. L. X, 797 : Sacra principia p. R. Quirit. nominisque Latini quai apud Laurentis coluntur, et beaucoup d’autres textes). On sent là le souvenir d’une époque où les Latini étaient avec les Romani et les Prænestini ou plutôt avec les Tities et les Ramnes dans le même rapport que la gens et ses maisons, où les populi étaient encore reconnus comme des communautés gentilices. On rencontre bien aussi nomen Cæninum (Tite-Live, 1, 10, 3), Albanum (Tite-Live, 1, 23, 4), Romanum (Tite-Live, 5, 39, 10. 23, 6, 3) ; mais, en face de la relation avec la race, cette dernière est rare et sans doute incorrecte.

[2] V. aussi tome III, la théorie de la Royauté, au sujet de la nomination du roi.

[3] Cincius, dans Festus, v. Prætor, p. 241 : Alba diruta usque ad P. Decium Murem cos. (an de Rome 444) populos Latinos ad caput Ferentinæ, quod est sub monte Albano, consulere solitos et imperium communi consilio administrare. Tite-Live, 3, 13, 10, sur l’an 446 : Ceteris Latinis populis conubia commerciaque et concilia inter se ademerunt. Les renseignements de Tite-Live, sur l’organisation d’alors des institutions politiques sont communément traditionnels et peuvent être tenus pour en général dignes de foi, quoique son exposition de la dernière guerre latine donne lieu à des objections multiples.

[4] Cincius (note 3) : Albanos rerum petitos osque ad Tullum regem. Les textes des annales rapportés note 3, conduisent au même résultat. On ne nous dit nulle part ce qu’il faut entendre par rerum potiri. Les historiens bien informés pensaient sans doute par là principalement à l’hégémonie politique et religieuse, exercée plus tard par Rome sur le Latium, l’hégémonie religieuse étant exprimée par la présidence du Latiar, ήγεμονία τών ίερών (Denys, 4, 49), et la politique par le droit de provoquer les levées au cas de guerre fédérale.

[5] Tite-Live, 1, 24, 9, c. 25, 3. c. 25, 13. Cf. Denys, 3, 10.

[6] Tite-Live, 1, 52. Le Tullo regnante ictum fœdus avec les Latins de c. 32, 5, est donc précisément le traité conclu par Rome avec Albe comme capitale du Latium. Denys, 3, 34.

[7] Les variations historiques et par occasion juridiques, qui sont faites sur ce thème fondamental dans les annales (par exemple la controverse sur le point de savoir si le traité conclu avec Tarquin l’Ancien subsistait avec le second Tarquin) sont de médiocre intérêt et ne peuvent pas être analysées ici. Le traité de Cassius est historiquement attesté, et il es peut qu’il appartienne à l’an de Rome 261 (cf. Rœm. Forsch. 2, 159). La meilleure rédaction des aunaies s’est probablement bornée, d’une part, à le regarder comme renouvelant d’anciens traités et par conséquent a faire remonter ce régime jusqu’à la période albaine, et, d’autre part, à le considérer comme resté en vigueur pour le règlement des droits des cités et des personnes, tant qu’il y eut des prisci Latini, c’est-à-dire jusqu’à la guerre sociale (Cicéron, Pro Balbo, 23, 53).

[8] Cincius (dans Festus, p. 241, v. Prætor ad portam). Populi priscorum Latinorum dans la formule de déclaration de guerre, Tite-Live, 1, 32 ; populi Latini, Tite-Live, 1, 45, 2 (dans d’autres textes, comme Tite-Live, 8, 13, 10. 23, 22, 5, il s’agit des diverses cités et non de la ligue) ; commune Latium, Cincius (ibid.) ; τό κοινόν τών Λστίνων, Denys, 4, 15. 15. — Le rapport juridique est habituellement appelé jus Latii, sous l’Empire fréquemment Latium (Pline l’Ancien, Asconius, Tacite, Gaius) ; dans Cicéron, dans la lettre ad Att. 14, 12, 1, et dans Suétone, Aug. 47, Latinitas. — Lorsque on veut désigner le Latin envisagé en général, les titres parlent habituellement de (l’homme) de race latine ; ainsi dans le sénatus-consulte des Bacchanales : Nequis..... ceivis Romanus neve nominus Latini neve socium quisquam ; de même dans la lex repetundarum, ligne 1 : [Quai socium no]minisve Latini exterarumve nationum, et dans la loi agraire, lignes 21. 50 : [Civis] Romanus sociumve nominisve Latini, quibus ex formula togatorum militer in terra Balla inperare solent, aussi dans Salluste, Jug. 40, 2 : Per homines nominis Latini et socios Italicos. Latinus ne se trouve que rarement dans les titres anciens, ainsi dans la loi agraire, ligne 29 : [Ceivi] Romano..... item Latino peregrinove ; chez les écrivains, il se trouve partout. L’expression socios nominis Latini ou socios Latinus est, montrerons-nous dans la partie qui suit, étrangère à la langue ancienne, mais elle est fréquente chez Tite-Live. Civis ex Latio se trouve dans Salluste, Jug. 69 ; civis Latinus est incorrect, comme civis Græcus ou civis Thrax ; mais il se trouve dans le statut municipal donné par Domitien à Malaca, c. 53.

[9] La tradition, fidèle à son parti pris de refuser à la ligue toute égalité avec Rome, ne connaît pas de fondations fédérales. L’admission par les Romains de Latins et d’Herniques dans la prétendue fondation d’Antium en 287 (Denys, 9, 57) est quelque chose de différent ; des événements semblables se sont reproduits fréquemment depuis la ‘dissolution de la ligue.

[10] Rœm. Gesch. 1, 347 = tr. fr. 2, 140. Les plus anciennes colonies latines qui manquent dans la liste des villes fédérales sont Sutrium et Nepet fondées en 374 de Rome. Elles restent en dehors de la ligue, d’abord sans doute parce que ces établissements, les premiers faits au delà du Tibre, ne pouvaient pas être mis sur le même rang que les extensions du Latium dans le pays des Volsques. La ville de Setia dans le pays des Volsques, fondée en 372, entra dans la ligue. Au contraire, Antium et Tarracina, qui selon toute apparence reçurent le droit latin peu de temps après, n’en ont pas fait partie. Cependant les renseignements sur la condition juridique de ces deux cités avant qu’elles devinssent des colonies de citoyens sont vacillants et incertains, et il est possible que l’ancien système soit resté en vigueur pour la région cistibérine jusqu’à la dissolution de la ligue.

[11] J’ai exposé mon opinion sur ce point, Rœm. Gesch. 1, 7e éd. p. 347 = tr. fr. 2, 139, et Hermes, 17, 42. Si le chiffre des membres de la ligue est et demeure de trente, cela doit sans doute être compris dans ce sens qu’il avait été primitivement établi une fois pour toutes trente places pour certaines cérémonies religieuses, et peut-être même anciennement pour le vote, et que ces places étaient occupées selon les circonstances, sans que les cités qui étaient adjointes aux autres ou même complètement omises là fussent pour cela considérées comme faisant moins partie de la ligne. Cette communauté était une amphiktionie.

[12] Ce que Denys, 4, 49, rapporte de la participation des Herniques et des deux villes des Volsques Antium et Ecetra, n’est pas précisément incroyable en soi (cf. C. I. L. X, p. 660), mais est cependant sans doute une extension fausse d’anciens récits, relatant une simple alliance, à une communauté de cérémonies permanente.

[13] Schol. Bob. in Cie. or. pro Plancio, éd. Orelli, p. 255.

[14] L’Ancien : Denys, 6, 95 ; Schol. Bob., loc. cit. Le Superbe : Denys, 4, 49. Viri ill. 8, 2. Comme origine de l’institution, un texte (Denys, 4, 49) indique une victoire sur les Latins, un autre (Denys, 6, 95) une victoire sur les Étrusques. Toute cette légende, assurément de date très récente, semble, éviter intentionnellement de rattacher le Latiar aux Latins.

[15] Denys, 4, 49.

[16] Varron, 5, 43 : Aventinus ab adventu hominum, quod commune Latinorum ibi Dianæ templum sit constitutum. Selon Tite-Live, 1, 43, le temple est construit par les populi Latini cum populo Romano : ea erat confessio caput rerum Romam esse ; Denys, 4, 26, raconte les choses de la même façon, et il lie également le temple avec la προστασία des Romains sur les Latins. Cf. De viris ill. 7, 9 ; Zonaras, 7, 9.

[17] Strabon, 5, 3, 5, p. 232, mentionne un sanctuaire de Vénus (Άφροδίσιον) (aussi cité dans Mela, 2, 4, 71, et dans Pline, H. n. 3, 5, 57, auprès d’Ardea), όπου πανηγυρίζουσι Λατίνοι. Mais il ne peut guère y avoir eu là de fête fédérale proprement dite. Le temple de Vénus de Lavinium, auquel Strabon fait allusion peu auparavant en remarquant : Έπιμελοΰνται δ' αύτού διά προπόλων Άρδεάται, est sans doute le même. Il peut avoir été situé entre Lavinium et Ardea, mais sur le territoire d’Ardea ; car une fête .latine ne peut pas avoir été célébrée sur le sol romain, sous la direction d’Ardea.

[18] Denys, 4, 25. 26, compare à ces lois fédérales latines celle des amphictionies grecques, et il représente Servius inscrivant sur une table de bronze τούς νόμους ταΐς πόλεσι πρός άλλήλας (ce qui doit faire allusion à la justice arbitrale établie pour les différends des villes fédérées mentionnée précédemment par lui) καί τάλλα τά περί τήν έορτήν καί πανήγυριν όν έπιτελεσθήσεται τρόπον... καί τάς μετεχούσας τής συνόδου πόλεις. D’après cela, on pourrait restituer le texte de Festus, p. 165 : Nesi pro sine positum [est in fædere Latino ædis] Dianæ Aventinen[sis]. Le rituel de l’ara Dianæ in Aventino, qui est souvent cité, dans des inscriptions, comme servant de modèle pour des autels postérieurs, peut aisément avoir fait partie de ce document. Denys réunit aussi avec cela l’érection de ce temple et l’institution de sacrifices qui devaient y être faits annuellement par tous les Latins.

[19] Macrobe, Sat. 1, 16, 16. Denys, 4, 49.

[20] L’acte de fédération conclu entre Rome et Lavinium à la suite de l’expiation du meurtre du roi de Rome commis à Lavinium (Tite-Live, 1, 14) passa aux Laurentins, avec les autres sacra de Lavinium, après la guerre latine de 416, à laquelle les Laurentins n’avaient pas participé, et il fut, en vertu d’un oracle sibyllin, renouvelé tous les uns depuis ce temps-là jusque sous l’Empire (Tite-Live, 8, 11, 15 ; C. I. L. X, p. 197).

[21] Ce traité conclu avec le dernier roi se trouvait encore, comme en sait, à l’époque récente, dans le temple de Sancus (Denys, 4, 58 ; 1, Festus, Ép. p. 59, v. Clipeum ; Horace, Ép. 2, 1, 25 ; fœdus p. R. qum Gabinis sur la monnaie du temps d’Auguste, Eckhel, 5, 137, de G. Antistius Vetus, descendant de l’Antistius Petro nommé au sujet de la prise de Gables, Denys, 4, 57).

[22] Denys, 8, 15. Le même, 9, 60. 61. Tite-Live, 2, 30, 8. c. 53, 4. 3, 19, 8. 8, 4, 8. La déclaration des Romains, Tite-Live, 8, 2, 13 : In fœdere Latino nihil esse, quo bellare cum quibus ipsi velint prohibeantur, est représentée (cf. c. 4, 8) comme une concession imposée aux romains par les circonstances.

[23] Polybe, 3, 22.

[24] Denys, 5, 50.

[25] Denys, 5, 50. Dans le récit de Tite-Live, 1, 50, et de Denys, 4, 45, le roi de Rome convoque le concilium et délibère avec lui, sans qu’il soit fait mention de l’assistance en forme d’autres présidents. Plais les annalistes romains n’ont que difficilement eu sur de telles questions des renseignements réels, et les efforts manifestes faits par les Romains pour ne pas jouer le rôle de membres de l’alliance, fut-ce au premier rang, ne, laissent même pas de valeur juridique à ces assertions pseudo-historiques.

[26] La relation de Tite-Live, 41, 16, montre que les magistrats latins figuraient, tout comme les magistrats romains, dans le Latiar : la fête latine est renouvelée aux frais des Lanuvini, quia in una hostia magistratus Lanuvinus precatus non erat populo Romano quiritium.

[27] Sur le roi ou dictateur albain, cf. tome III, la théorie de la Dictature, in fine.

[28] Tite-Live, 8, 3, 9, sur l’an 414, les regarde évidemment comme permanents : Prætores tum duos Latium habbal, L. Annium Setinum et L. Numisium Geræiensem. Denys, après la chute d’Albe (3, 34) et après l’expulsion des Tarquins (5, 61, rapproché de 6, 4), représente deux στρατηγοί αύτοκράτορες comme marchant à la tête des Latins contre les Romains ; quoiqu’Il emploie ailleurs cette expression pour désigner le dictateur, le chiffre deux implique nécessairement qu’il s’agit ici des préteurs (cf. tome III, la théorie de la Dictature, sur la dictature latine). Le dictator Latinus de Tusculum, qui, selon Caton (chez Priscien, 4, p. 629), dédie le temple de Diane à Aricia, est certainement un magistrat de Tusculum et non un magistrat fédéral.

[29] Tite-Live, loc. cit.

[30] L’exécution de Turnus Herdonius indicta causa, Tite-Live, 1, 51, 9, Denys, 4, 48, suppose la possibilité légale de suivre une procédure régulière devant le concilium. Selon le même système, Appius Claudius, de la ville sabine de Regillum, est condamné pour haute trahison par les autres villes, parce qu’il s’est opposé à la guerre contre Rome dans le consilium de la ligue sabine (Denys, 5, 40 ; Plutarque, Popl. 21).

[31] Tite-Live, 8, 4, 2.

[32] Denys, 3, 51, sous Tarquin l’Ancien. Tite-Live, 1, 45, sous Servius. 1, 52, 4. Denys, 3, 49. Tite-Live, 8, 2, 12, avant l’explosion de la dernière guerre. Enfin par dessus tout, dans le premier traité avec Carthage (Polybe, 3, 22), qui est certainement antérieur à la dissolution de la ligue, les Carthaginois promettent de ne pas faire de dommage aux villes latines qui seraient dans l’obéissance des Romains et, quant aux insoumises, de ne pas les conserver s’il les réduisaient, et de n’élever aucune forteresse sur le sol latin. Au contraire, il est sans importance que, dans la rédaction phaséologique donnée à l’alliance de Cassius, Denys, 6, 95, la relation formée soit représentée comme une simple alliance défensive.

[33] Tite-Live, 1, 26, 1. 1, 52, 5 (sous Tarquin la Superbe). 6, 10, 6, en 368. 7, 12, 7, sur l’an 396. 8, 4, 7. Également, 3, 4, 10. c. 22, 4. 4, 26, 12. 7, 25, 5. Denys, 9, 5.

[34] Le plus souvent on reporte les institutions postérieures à cette époque. Ainsi Tite-Live dit, en termes généraux, 8, 8, 44, après avoir parlé de la levée annuelle faite parmi les citoyens de 4 légions composées chacune de 5.000 fantassins et de 300 cavaliers : Alterum tantum ex Latine dilectu adjiciebatur. Les armées consulaires de Denys, 9, 5, 16. 18, composées chacune de deux légions et de troupes égales d’Herniques et de Latins, sent d’accord avec cela. On rencontre aussi, dans Tite-Live, 2, 64, 10 (cf. Denys, 9, 57), une Hernicorum cohors dans une armée consulaire. Au contraire, on trouve dans Tite-Live, 3, 22, 4. 5, une armée consulaire composée pour portions égales de Romains, de Latins et d’Herniques et combattant divisée en ces trois corps ; dans Tite-Live, 3, 4, 10. c. 5, 8. 15, un socialis exercitus également consulaire composé seulement de cohortes Latinæ Hernicæque (à côté des Andates). L’organisation intérieure est absolument semblable à celle des Romains (Tite-Live, 8, 6, 15. c. 8, 45). — L’assertion de Tite-Live, 1, 52, 6, (d’où sans doute Zonaras, 7, 10) : (Latini) ubi ad edictum Romani regis (du dernier) ex omnibus populis convenere, ne ducem suum neve secretum imperium propriave signa haberent, miscuit manipulos ex Latinis Romanisque ut ex binis singulos faceret (= qu’il formât un manipule de deux anciens — demi-manipules romains et latins) binosque ex singulis (= qu’il fit deux manipules de chaque ancien manipule romain) : ita geminatis manipulis centuriones imposuit, est absolument isolée (car Tite-Live, 8, 6,15, est absolument étranger à cette question). Il n’y a sûrement eu aucun Romain qui se soit figuré cela comme ayant été un régime durable. C’est probablement le produit des réflexions d’un annaliste du temps de Sulla qui s’est demandé comment la guerre sociale aurait pu être évitée et qui a déguisé ses idées sous l’aspect d’une peinture du gouvernement du dernier roi à son déclin, en partant du principe selon lequel l’organisation de l’armée dépend exclusivement de l’arbitraire du général en fonctions.

[35] Sans doute on peut se demander comment était alors occupé le commandement confié plus tard aux præfecti socium. Mais c’est une question n laquelle nous n’avons pas de réponse.

[36] Cincius, dans son traité de consulum potestate (dans Festus, p. 241, v. Prætor ad portam) : Quo anno Romanos imperatores ad exercitum millere oporteret, jussu nominis Latini complures nostros in Capitolio a sole oriente auspiciis operam dare solitos : ubi aves addixissent, militera illum, qui a communi Latio misses esset, illum quem aves addixerant prætorem salutare solitum, qui eam provinciam optineret prætoris nomine. Les mots da début peuvent, s’ils sont exacte, uniquement être compris dans ce sens que la procédure décrite était suivie les années où les Romains envoyaient des généraux ; mais, puisque cela avait lieu tous les ans, il faut sans doute lire quando au lieu de quo anno. En tout cas, il s’agit là exclusivement du départ du général romain pour son commandement, et il n’y a aucune raison de voir dans ce témoignage, avec l’interprétation reçue (Schwegler, 2, 343), un roulement du commandement entre Romains et Latins qui serait impossible. Prœtor désigne naturellement le consul, puisqu’il s’agit du temps antérieur à 416, et il faut aussi comprendre provincia dans son sens primitif.

[37] Pline, H. n. 34, 5, 20. Selon les annales, le butin était, en vertu de l’alliance de Cassius, partagé pour portions égales entre Rome et le Latium (6, 95 ; Tite-Live, 2, 41, 1), puis, à la suite de l’adjonction des Herniques, il le fut par tiers (8, 17 ; cf. c. 69. 71. 14). Le récit de Denys, 9, 69, est incorrect.

[38] Tite-Live, 8, 13. Cf. 45, 29, 10. On rencontre encore souvent ailleurs des limitations pareilles (Handb. 4, 504).

[39] De ce que les cités de demi-citoyens ne pouvaient pas changer arbitrairement leur langue officielle, il ne résulte pas nécessairement que les cités autonomes aient également eu besoin d’une permission pour le faire.

[40] Il est traité des togati italiques dans la partie qui suit.

[41] C’est ce que montre par exemple le régime de la mancipation.

[42] Les limites du Latium adjectum sont étudiées C. I. L. X, p. 498. Les témoignages sont vacillants. Les extensions successives du cercle juridique de la Latinité peuvent avoir exercé là une influence.

[43] C. I. L. X, p. 660.

[44] Tite-Live, 34, 42, 5. Le citoyen d’une cité latine pouvant posséder des champs romains, il n’y avait pas d’obstacle de principe à l’admettre sur les listes au moment de la fondation d’une colonie de citoyens sans que sa condition personnelle fût pour cela changée. Cf. tome IV, la section des Magistrats agris dandis adsignandis et coloniæ deducenæ, sur l’assignation. D’ailleurs la loi de fondation de la colonie permettait à l’auteur de la deductio d’inscrire un certain nombre de non citoyens en qualité de citoyens parmi les colons. Par conséquent les Ferentinates ne s’appelaient pas seulement Latini ; ils avaient aussi les droits propres des Latins. Cf. C. I. L. X, p. 572.- Il est vraisemblable que c’est précisément en leur qualité de Latins que les Herniques font défaut dans le relevé des forces italiques de l’an 529 (Rœm. Fotsch. 2, 396).

[45] Le Latinum jus des gentes Euganeæ subordonnées à des municipes (Brixia et Bergomum), en particulier des Trumplini et des Camunni, est attesté par Pline, H. n. 3, 20, 433. V. les développements donnés par moi, C. I. L. V, p. 619. Les Carni et les Catali placés sous l’autorité de Tergeste ont pareillement la latinité. Sur la conciliation du droit latin avec la dépendance des cités, cf. C. I. L. V, p. 1195, et XII, p. 21.

[46] Avaient le droit latin, selon Pline, 3, 20, 133, qui décrit sans doute ici pour l’ensemble les institutions du temps d’Auguste : dans le territoire des Alpes maritimes, les Bagienni (plus tard compris dans la neuvième région de l’Italie ; cf. C. I. L. V, p. 873) et une partie des Ligures Montani et Capillati, desquels il fut ensuite étendu par Néron, en l’an 63, à tout le territoire des Alpes maritimes (Tacite, Ann. 13, 32 ; cf. C. I. L. V, p. 903) ; en outre, le territoire des Alpes cottiennes (cf. C. I. L. V, p. 810) ; dans les Alpes graies, les Ceutrones ; dans les Alpes pœnines, les Octoduronses, peut-être aussi les Varagri et les autres peuplades.

[47] Les témoignages ont été réunis par Hirschfeld dans la Festschrift zur 50jühjrigen Jubelfeier der arch. Instituts in Rom de Benndorf et Hirschfeld Vienne, 1879, p. 8 et ss. = Revue générale de droit, 1880, p. 290 et ss. Hadrien encore Latium multis civitatibus dedit (Vita, 24). Lambæsis et Gemellæ en Afrique le reçurent en même temps (Eph. ep. V, n. 748).

[48] Il est remarquable que la frappe de monnaie romaine d’argent commence au moment de la fondation d’Ariminum, et qu’aucune des douze colonies les plus récentes n’a frappé de monnaie d’argent (R. M. W. p. 319 = tr. fr. 3, p. 494). Au reste, ces restrictions n’ont sans doute pas été réalisées par une loi générale, mais par les différentes lettres de concession, parmi lesquelles naturellement c’étaient en général les dernières délivrées qui servaient de modèle pour les suivantes.

[49] Cicéron, Pro Cæc. 35, 202. Les nexa sont expliqués par la définition rapportée dans Varron, L. L. 7, 105 (cf. Gaius, 2, 27). Festus, p. 165, définit le mot dans un sens large où il comprend les hereditates. Cf. Rom. Gesch. 1, 7e éd. 424 = tr. fr. 2, 240.

[50] Tite-Live, 43, 3.

[51] Les prisci Latini peuvent avoir encore longtemps figuré dans la théorie juridique. Mais nos sources de droit ne connaissent en dehors des Latini Juniani, dont la condition est purement individuelle, d’autre droit communal latin que celui des Latini coloniarii. La distinction du Latium majus et du minus n’a rien à faire avec la différence de droit étudiée ici.

[52] Gaius, 1, 22. 29. 79. 3, 56. Ulpien, 19, 4. Fragment de Dosithée, de manumiss. 6. Cette définition tirée du nom est visiblement fausse. L’auteur peut avoir pensé hors de propos aux affranchis qui étaient fréquemment mis dans les colonies de citoyens, ou même, comme suppose Hirschfeld, aux Latini Juniani. — Gaius s’exprime, en termes assez singuliers, comme s’il n’y avait de son temps aucune ville de droit latin et comme s’il n’y avait pas d’autres Latins que les Juniani. Il n’y avait pas de colonies latines dans l’Asie mineure où il écrit, et elles ne sont mentionnées qu’accidentellement par les jurisconsultes romains.

[53] Dans le langage habituel, on évite cette dénomination, parce qu’à cette époque municipium désigne par excellence la cité de citoyens. On dit plutôt oppidum Latinorum.

[54] V. tome I, la partie du Commandement militaire, sur le bellum justum comme condition du triomphe.

[55] La limitation elle-même est exprimée dans le c. 69 du statut municipal de Malaca ; qui n’est pas conservé intégralement ; les détails précis font défaut.

[56] La loi appelée partout ailleurs seulement Junia est appelée lex Junia Norbana dans les Institutes de Justinien, 1, 5, 3, et elle appartient à l’an 19 après Jésus-Christ, si cette désignation est exacte. Mais peut-être est-elle interpolée par corrélation à la loi Ælia Sentia, à côté de laquelle la loi est nommée, car il y a de sérieuses raisons de fonds pour que la loi Ælia Sentia de l’an 6 après Jésus-Christ lui soit antérieure. Cf. mon étude dans les Jahrbücher de Bekker, 2, 333 et les dissertations récentes publiées sur cette question, impossible à trancher avec certitude, par Schneider, Zeitschrift der Savigny-Stiftung, Rom. Ahth. 6,186. 7, 31 et Hölder, même revue, 6, 205. 7, 4, qui indiquent la bibliographie de la matière.

[57] Cela s’applique au service dans le corps des vigiles. Ulpien, 3, 5. Gaius, 1, 32b.

[58] L’assimilation de ces personnes aux citoyens latins pendant qu’elles vivent fat évidemment adoptée, d’une part, afin de les exclure de tous les droits et les honneurs politiques et, d’autre part, attendu que leur classement parmi les dediticii aurait été gênant pour les gens en rapports d’affaires avec elles, notamment par suite de l’impossibilité de la mancipation. La loi doit donc les avoir désignés comme des gens, qui dum vivunt sunt numero Latinorum, moriuntur servi. Mais le caractère irrationnel de la terminologie abrégée de l’école se manifeste dans le nom de Latinus mis à la place de numero Latinorum et dans l’absence de toute indication de leur mort comme esclaves. Je ne peut qu’adhérer, à l’encontre d’Hölder, p. 211, à l’opinion de Schneider, selon laquelle la loi Ælia Sentia n’a pu employer cette expression fausse et a encore moins pu désigner ces gens comme Latinorum numero ou comme Latini ; car ils ne le sont ni n’en portent le nom.

[59] Sur le Latinus Junianus, on comparera principalement Gaius, 1, 47, 22. 29. 2, 195. 3, 56. Ulpien, 20, 14. Tacite, Ann. 13, 27. Ulpien reconnaît expressément qu’il n’est nullius certæ civitatis civis, et il explique par là son incapacité de tester. Je n’entre pas dans les détails ; carias ne présentent pas d’intérêt pour le droit public. Les -noms romains appartenaient même à ce Latin, montre Pline, Ad Traj. 104. Les enfants nés en mariage entrent dans la même condition ; mais pratiquement cela n’a pas d’inconvénient ; car ils sont admis à la causæ probatio, même après la mort de leur père, (Gaius, 1, 92).

[60] Hermes, 16, 467.

[61] L’assemblée fédérale latine n’a sûrement jamais pris de mesure de ce genre. La règle générale selon laquelle la prescription législative faite pour les citoyens romains ne lie pas les Latins a subsisté jusqu’à la période récente de l’Empire. Ad legititam intestatæ matris hereditatem, dit Paul, Sent. 1, 9, 3, filii cives Romani, non edam Latini admittuntur.

[62] D’après le statut de Salpensa, c. 28, l’individu affranchi dans les formes convenables par un municeps de droit latin doit être libre, uti qui optumo jure Latini libertini liberi sunt erunt.

[63] Ulpien, 19, 5 : Commercium est emendi vendendique invicem jus. Tite-Live, 45, 29, 10 : Commercium agrorum ædificiorumque. C’est-à-dire l’έγκτησις γής καί οίκίας des Grecs (Gilbert, Griech, Staatsalterth, 1, 173. 2, 295).

[64] C’est ce que montre de la façon la plus claire le statut de Salpensa, c. 21. 22.

[65] Ulpien, 19, 4 : Mancipatio locum habet inter cives Romanos et Latinos coloniarios Latinosque Junianos eosque peregrinos, quibus commercium datum est. — Le Latin peut aussi être témoin dans l’acte per æs et libram (Ulpien, 20, 8).

[66] Varron, L. L. 5, 33 : Peregrinus ager... qui extra Romanum et Gabinum quod uno modo in his servantur (Ms. : serantur) auspicia.... Gabinus quoque peregrinus, sed quod auspicia habet (Ms. : quos a. habent) singularia, ab reliquo discretus.

[67] Dans l’alliance latine attribuée à l’an 261, il y avait, selon Denys, 6, 95 : Τών ίδιωτικών συμβολαΐον αί κρίσεις έν ήμέραις γιγνέσθωσαν δέκα, παρ' οΐς άν γένηται τό συμβολαΐον. Festus p. 166, cite, du même traité, les mots Pecuniam qui nancitur (Ms. : quis nancitor), habeto et si quid pignoris nancitur (le Ms. : nasciscitur), sibi habeto, sur lesquels il faut remarquer que le pignus privé était probablement inconnu à l’ancien droit romain.

[68] Tite-Live, 41, 8, sur l’an 517, décrit de la manière suivante les essais faits pour tourner la loi selon laquelle il n’y avait que les Latins qui stirpem ex sese domi relinquerent à pouvoir devenir Romains : Genera autem fraudis duo mutandae uiritim ciuitatis inducta erant..... lege male utendo alii sociis, alii populo Romano injuriam faciebant. Nam et ne stirpem domi relinquerent, liberos suos quibuslibet Romanis in eam condicionem, ut manu mitterentur, mancipio dabant, libertinique ciues essent; et quibus stirps deesset, quam relinquerent, ut [a cive Romano emanciparentur, lege ab eo arrogati] cives Romani fiebant. Le premier cas ne peut pas être rapporté à in simple mancipation ; car alors la puissance paternelle renaît après l’affranchissement. Il s’agit évidemment des trois mancipations de l’adoption qui détruisent la puissance paternelle (cf. in adoptionem emancipare, Cicéron, De fin. 1, 7. 21) et de la revendication fictive qui vient après elles. A cela s’ajoutait la convention que le père adoptif romain affranchirait le fils, convention qui au moins plus tard fut même génératrice d’une action (cf. Gaius, 1, 140). En présence de cette procédure, le père restait Latin ; mais sa maison périssait avec lui pour sa cité. — Le second subterfuge, relativement auquel les mots essentiels ont disparu du texte, ne peut pas avoir consisté, comme on l’admet aujourd’hui habituellement, Élans une adoption faite par l’individu sans enfant qui se ferait ensuite Romain en laissant son enfant adoptif ; car, la loi exigeant une stirps ex sese, il n’y aurait pas là l’imago juris, dont parle Tite-Live, mais une violation évidente du droit. En outre, il n’y aurait pas là une illégalité lésant la cité romaine et ce ne serait pas d’accord avec la loi Claudia destinée à réprimer ces subterfuges (Tite-Live, 41, 8, 12). Je ne vois pas de restitution possible, en dehors de la supposition assurément discutable, mais cependant admissible en théorie, que la communauté de comices existant entre les Romains et les Latins s’étendait aux comices par curies, et que le Prénestin sans enfants pouvait se faire adroger par un citoyen romain dans de pareils comices romains, acte auquel s’adjoignait sans doute le plus souvent une convention d’émancipation, impossible à formuler juridiquement. Il y avait là assurément un usage abusif d’un acte accompli par le populus Romanus, et la loi Claudia s’applique aussi bien à cet acte qu’à celui indiqué en premier lieu. Lorsque Tite-Live caractérise la progression de ces abus par les mots : His quoque imaginibus juris spretis promiscue sine loge sine stirpe in civitatem Romanam... transibunt, sine stirpe peut désigner la première alternative, où le passage dans la cité romaine a lieu per stirpem, et sine lege la lex adrogationis.

[69] Cette communauté de droit s’est nécessairement étendue aux localités, qui n’étaient pas elles-mêmes latines, mais qui étaient attribuées à des cités latines, ainsi que nous le montrerons dans la partie qui leur est relative ; car la communauté du commercium a nécessairement embrassé out le territoire des villes latines.

[70] Jus Italicum désigne sans doute ordinairement, à côté du droit du sol, d’autres privilèges accordés à la ville, qui sont étudiés dans la partie du droit municipal. Mais, dans le texte de Pline l’Ancien cité noté 71, il ne désigne que le Droit du sol, et c’est de là que cette expression doit avoir tiré son origine. — C’est chez Pline que nous trouvons pour la première fois le jus Italicum ; mais son existence est attestée pour le temps d’Auguste, en ce sens qu’on attribue à ce prince sa concession à différentes villes. Cette dénomination convient bien à la dernière période de la République ; au contraire, elle ne serait pas exacte pour la période antérieure à la guerre sociale, où ce droit n’appartient pas à toute l’Italie. Mais, comme il n’y a pas d’autre expression pour désigner la réunion du droit foncier romain et latin, on peut la faire remonter jusqu’à cette époque.

[71] On comparera à ce sujet la partie qui suit.

[72] Tel est le jus Italicum, que Pline, 3, 21, 139, attribue à la ville de Flanona et à quelques autres districts de Liburnie, et qu’il cite également ensuite dans la région limitrophe de l’Italie (3, 19, 139). En outre Antipolis, ville de droit latin (Pline, 3, 4, 35), est, sans doute pour cette raison, comptée par Strabon, 1, 1, 9, p. 194, parmi les villes italiques. Dans les deux cas, le jus Italicum ordinaire lié aux privilèges coloniaux est exclu. Mais les localités’ dont il s’agit pouvaient être admises au commercium avec Rome, comme cela avait eu lieu autrefois pour Préneste, de façon que l’Antipolitain pût acquérir la propriété quirataire du soi romain et le Romain également la propriété complète du sol antipolitain. Ce sont là probablement les peregrini quibus commercium datum est d’Ulpien.

[73] Festus, p. 165.

[74] Festus (p. 165) indique ce droit comme compris dans les nexa ; Cicéron (Pro Cæc., 35, 202) l’indique à côté des nexa. Les ouvrages de droit, qui négligent les institutions provinciales, n’expriment pas directement l’égalité établie entre les Latins et les Romains en matière de successions ; mais ils la reconnaissent en ramenant l’incapacité de succéder des Latini Juniani à une disposition positive de la loi Junia (Gaius, 2, 110 ; de même 1, 23. 2, 275. Ulpien, 20, 14. 22, 3).

[75] La sœur des Horaces fiancée de l’albain Curiace est bien connue (Tite-Live, 1, 26, 11 ; d’où Strabon, 5, 3, 4, p. 231, sur Rome et Albe). Le second Tarquin marie sa fille au tusculan Octavius Mamilius (Tite-Live, 1, 49, 9 ; Denys, 4, 43). Avant la bataille du lac Régille, le sénat prend des délibérations suer les nombreux mariages mixtes entre Romains et Latins (Denys, 6, 1). Le seul Fabius, qui ait survécu à la bataille de la Cremera, avait une femme de la ville non latine de Maleventum, plus tard Bénévent (Festus, p. 1710, v. Numerium). L’interdiction des conubia lors de la dissolution de la ligue latine montre qu’au moins une certaine quantité de villes latines avaient entre elles le droit de mariale. Les trois villes des Herniques restées fidèles, Aletrium, Verula et Ferentirium conservèrent, selon leurs vœux, en 443, leur droit antérieur, y compris la communauté de mariage (Tite-Live, 9, 43) ; cette race parait donc l’avoir eue à titre général et l’avoir conservée tant que son indépendance a subsisté et dans la même mesure. Diodore cite parmi les moyens par lesquels les Romains acquirent leur puissance, la concession du droit de mariage à des cités particulières (Fr. Vat. p. 130) et ce qu’il dit dans sa description de la guerre sociale, éd. Weiss. p. 590. La communauté du droit au mariage, qui existait au profit des anciens Campaniens, est étrangère à ceci ; ils la reçurent comme étant des citoyens romains, quoique de la qualité la plus inférieure.

[76] Cicéron, De re. p. 2, 37, 63 ; Tite-Live, 4, 3, 4, tous deux relativement à la communauté de mariage refusée aux plébéiens. Ulpien, 5, 4. Cf. Gaius, 4, 65 et ss.

[77] Cela n’empêche pas que, selon les circonstances, le Latin ne puisse être soumis à la juridiction criminelle romaine ou le Romain à la juridiction criminelle latine.

[78] Un événement de ce genre, en date de l’an 646, est rapporté par Salluste, Jug. 68. Cf. aussi la peine des verges prononcée en 763 par le consul G. Marcellus contre les habitants de Côme.

[79] Lex repetundarum de 631-632, ligne 78 = 85. Valère Maxime, 9, 5, 1, cite une loi proposée par le consul partisan des Gracques de 629 (Ms. ; cf. C. I. L. I, p. 71).

[80] Selon Plutarque, C. Gracch. 9, le concurrent de C. Gracchus, Livius Drusus proposa de défendre qu'on frappât de verges tout soldat latin, et sa loi fut vivement soutenue par le sénat.

[81] Il est expressément question de l’acquisition de la tribu (pour les non citoyens en général) dans la loi Acilia repetundarum. Le fils d’un Latin de rang élevé de la ville latine de Salpensa a aussi la tribu dans l’inscription C. I. L. II, 1286 ; de même l’homme d’Ebrodunum arrivé au droit de cité par l’occupation de magistratures.

[82] V. tome III, la fin de la théorie du Consulat, sur le maintien de la sûreté publique. Cicéron, De off. 3, 11, 47. La cité isolée pouvait donc se protéger contre l’immigration ; contre l’émigration, elle n’avait pas de ressource, sauf peut-être l’intervention de la puissance supérieure de Rome. Fregellas, dit Tite-Live, 41, 8, 8, milia quattuor familiarum transisse ab se Samnites Pælignique querebantur, neque eo minus aut hos aut illos in dilectu militant dare.

[83] Tite-Live, 42, 10, 3, sur l’an 582.

[84] Tite-Live, 39, 3, sur l’an 567. Le même, 41, 8, sur l’an 577. Après avoir ensuite décrit les limitations légales apportées par la législation romaine au droit d’émigration et les tentatives faites pour les éluder, il continue en disant : Postea his quoque imaginibus juris spretis... in civitatem Romanam per migratiocem et censun transibant. 41, 9, 9.

[85] C’est ce que montre de la manière la plus frappante la manumission faite devant le censeur, quoiqu’il y soit fait un emploi abusif de cet acte de sa nature déclaratif. Si le Latin émigré à Rome ne le déclare pas au cens suivant, on peut en tirer la présomption qu’il ne veut pas abandonner son droit de cité antérieur. C’est seulement en ce sens qu’il n’était pas soumis à l’obligation du recensement.

[86] V. tome IV, la théorie de la Censure, à la section de la confection des listes, sur leur force obligatoire.

[87] Dans les textes cités notes 33 et 34, il est toujours question de socii Latini nominis ou de socii ac Latini nominis. Nous montrerons, dans la partie qui suit, que Tite-Live emploie improprement ces expressions et qu’il désigne par elles tantôt les Latins et les Italiens et tantôt, même lorsque la conjonction manque, les Latins seulement. Nous sommes ici dans le dernier cas, montrent notamment les mots, 39, 3, 4 : Legatis sociorum Latini nominis, qui toto undique ex Latio frequentes convenerant, et 39, 3, 6 : Duodecim milia Latinorum domos redierunt. Il est aussi caractéristique quo les Samnites et les Pæligni émigrants se rendent dans la ville latine de Fregellæ ; évidemment les Romains, qui voyaient avec déplaisir la dépopulation des villes italiques, ne toléraient pas l’immigration des Italiens auxquels ils pouvaient légalement la refuser, et par conséquent les cités non latines n’avaient aucune raison de formuler ce vœu par rapport à Rome même. Il ne suit pas nécessairement de ce récit que la liberté d’émigration ait existé entre la colonie latine de Fregellæ et les villes des Samnites et des Pæligni ; les Fregellani auraient peut-être pu expulser ces immigrants ; mais ils ne faisaient pas usage de ce droit, probablement dans leur propre intérêt.

[88] Tite-Live, 41, 8, 9. L’innovation introduite par cette loi n’a certainement consisté que dans la subordination du droit à cette condition.

[89] Mais l’expulsion de tous les non citoyens en 639 (Plutarque, C. Gracch. 12) n’a pas besoin d’être étendue à ceux qui étaient parvenus an droit de cité par le cens. Cicéron, Pro Sest. 33, 30, pense aussi aux expulsions faites en vertu d’édits consulaires et non à la loi Licinia Mucia, comme le croit le scoliaste, p. 296 ; car cette loi visait plutôt la question de droit (ci-dessous note 91).

[90] Appien, B. c. 1, 23.

[91] La loi Licinia Mucia de civibus regundis (Cicéron, dans Asconius, in Cornel. éd. Orelli, p. 67) ou redigendis (Schol. Bob. p. 296) a eu pour but propre de préciser les limites du droit de cité romaine et d’exclure ceux auxquels ce droit n’appartenait pas ou en outre ne devait plus appartenir. Cicéron, De off. 3, 11, 47, et Brut. 16, 63. Elle établit en outre une cour de justice à laquelle pourraient être déférés les délinquants (Cicéron, Pro Balbo, 21, 48). Elle était spécialement dirigée contre les Latins qui acquéraient le droit de cité par le domicile et le cens, est-il indiqué Pro Balbo 24, 54. Le droit réprouvé par la dernière loi ne peut être que celui d’acquérir la cité par la voie du domicile et du cens.

[92] Asconius, loc. cit.

[93] L’extension du droit aux descendants se comprend d’elle-même. Par une anomalie, le statut municipal espagnol l’étend également aux ascendants.

[94] Pour les Latins du temps des Gracques, la loi Acilia nomme le dictateur, le préteur et les édiles, et il faut comprendre de même les passages d’Asconius, de Cicéron et d’Appien qui parlent de magistratures en général. Strabon nomme aussi pour Nemausus l’édile et le questeur. Les magistratures supérieures sont omises comme ayant l’occupation des inférieures pour condition. La questure semble, d’après les inscriptions, avoir été une magistrature propre dans cette ville et y avoir été occupée électivement avec l’édilité (Hirschfeld, C. I. L. XII, p. 382). Au contraire, ce droit paraît avoir été restreint aux duumvirs lors de sa concession aux Espagnols.

[95] Gaius, 1, 96. Tous les témoignages particuliers que nous aurons à citer visent seulement le droit le plus restreint, le plus large nous est connu exclusivement par Gaius, et encore seulement depuis que l’œil exercé de Studemund a su déchiffrer ce passage. Ce doit être du minus Latium qu’il s’agit, au moins principalement, quand Pline, Panég. 37, parle de nouveaux citoyens qui per Latiul in civitatem seu beneficio principis venissent.

[96] La plus ancienne mention est celle de la loi Acilia de 631-632. Cf. Asconius, In Pison., éd. Orelli, p. 3, et Cicéron, Ad Att. 5, 11, 3. Cela est dénaturé par Appien, B. c. 2, 26 (cf. C. I. L. V, p. 563), qui indique cependant exactement la situation légale générale.

[97] Cf. la partie des Localités attribuées.

[98] Hirschfeld, p. 14 = tr. fr. p. 306, de l’ouvrage cité note 47.

[99] Strabon, 4, 1, 12, p. 187. — Inscription d’Ebrodunum dans les Alpes cottiennes, C. I. L. XII, 83. — Sur des inscriptions funéraires africaines, la qualification civitatem Romanam consecutus est attribuée à deux ex-duumvirs et à une troisième personne qui n’est pas autrement connue (Eph. ep. V, n. 809. 811, 812), probablement aussi en vertu d’un statut municipal latin. — En Espagne, nous rencontrons le même droit à Salpensa aux termes du chapitre 22, il est vrai mutilé, et du chapitre 25 du statut donné par Domitien, où le duumvir est visé expressément. Dans un certain nombre d’inscriptions du temps des Flaviens, des personnages se désignent comme civitatem Romanam per honorem IIviratus consecuti (C. I. L. II, 1945, add., de même 2096) ou simplement per honorem consecuti, C. I. L. II, 1631 ; de même 4610. 1635). — Le remerciement des Tergestins à l’empereur Antonin le Pieux, C. I. L. V, 532. Cf. Hirschfeld, p. 13 = tr. fr. p. 305.

[100] Pendant la guerre d’Hannibal on pensa à concéder à deux membres de chaque cité latine le droit de cité et le droit de siéger au sénat (Tite-Live, 23, 23). La tempête de protestations, que la proposition souleva selon Tite-Live, est caractéristique non pas tant pour cette époque que pour celle des annalistes copiés par Tite-Live, qui sont ici sans doute dominés par l’influence de la guerre sociale.

[101] Lex repet. ligne 76 et ss. = 83 et ss. Celle loi laisse aux Latins le choix d’accepter le droit de cité romaine on de rester dans leur ancienne cité en obtenant le droit de provocation aux comices romains.

[102] Cicéron, Pro Balbo, 23, 24, rapporte la disposition de la loi Servilia de 643, selon laquelle le droit de cité était accordé à l’accusateur latin qui triomphait, et il conclut par les mots : Num fundos... factor populos Latinos arbitramur aut Serviliæ legi aut ceteris, quibus Latinis hominibus erat propositum aliqua ex re præmium civitatis ?

[103] Ulpien, 3 ; Gaius, 1, 32 b et ss.

[104] Denys donne pour objet tant au traité de Cassius avec les Latins (7, 53 ; de même 6, 63. 8, 70. 74) qu’à l’alliance semblable avec les Herniques (8, 74. 11, 2), et même à celle possible avec les Volsques (8, 35 = Plutarque, Coriol. 30) la concession de l’ίσοπολιτεία ou de la πολιτεία κοινή (8, 77), parfois aussi πολιτεία tout court (8, 69. c. 77), et ils s’appellent ίσοπολΐται καί σύμμαχοι des Romains (8, 76). Leur droit de suffrage dans les comices romains en est la conséquence. Ailleurs (4, 22), il représente le roi Servius donnant l’ίσοπολιτεία aux affranchis, et il désigne, 15, 7, le droit de cité sans suffrage des Fundani et des Formiani par le même mot. Strabon, 5, 1, 1, p. 210, et de même Appien, B. c. 1, 21, emploient ίσοπολίτης alternativement avec πολίτης pour désigner le droit de cité complet des Italiens ; le premier, 5, 2, 3, p. 220, emploie même l’expression synonyme ίσονομία en l’opposant au demi-droit de cité des Cærites. Par conséquent, ίσοπολιτεία ne diffère pas de πολιτεία, et l’on voit de même, dans les titres grecs, deux villes se promettre réciproquement tantôt la πολιτεία, tantôt l’ίσοπολιτεία (Gilbert, Griech. Staatsalterthümer, 2, 379). A la vérité, l’égalité de droits est donnée à ceux qui ne l’ont pas au sens propre et qui sont inférieurs aux citoyens complets existant jusqu’alors. Mais le mot n’indique pas nécessairement une restriction de droits. Les Grecs emploient ce mot, au sujet (les institutions romaines, tout comme les Latins emploient civitas tantôt pour désigner le droit de cité sans suffrage, tantôt et plus fréquemment pour désigner le droit de cité avec droit de suffrage, spécialement des nouveaux citoyens et des affranchis. Denys, et lui seul, considère comme un droit de cité la condition juridique des Latins pourvus du droit de suffrage, ce n’est pas correct, mais c’est explicable.

[105] L’expression qui Romam venissent convient parfaitement à des électeurs qui habitent au dehors et qui viennent à Rome pour exercer leur droit de suffrage.