LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

LE PRINCIPAT.

 

 

REVOCABILITÉ ET ANNULATION DES ACTES DE L’EMPEREUR.

Dans toute magistrature romaine l’acte accompli par le magistrat peut être ou absolument valable, ou absolument nul, ou valable jusqu’à nouvel ordre, mais susceptible d’être retiré à tout moment et destiné à tomber nécessairement avec la fin de la magistrature. En outre, les actes valablement accomplis par le magistrat peuvent être annulés pour des raisons spéciales. Tout cela n’est pas sensiblement différent pour le prince de ce que c’est pour les antres magistrats ; cependant le caractère viager de son pouvoir et l’extension exceptionnelle de ses attributions rendent nécessaire de faire, relativement à sa magistrature, une étude spéciale de cette question importante et difficile. Nous allons d’abord exposer jusqu’à quel point les actes du prince sont eu non révocables ; puis nous nous occuperons de leur annulation.

Le cercle des actes irrévocables est facile à tracer : il comprend tous ceux que la loi autorise le prince à accomplir définitivement, c’est-à-dire pour lesquels il est absolument compétent, et qu’il entend faire comme irrévocables. Tels sont ceux accomplis en vertu de son autorité législative légitime, ainsi, par exemple, les concessions de statuts municipaux et du droit de cité, les alliances et les traités conclus par lui ; les actes de juridiction de l’empereur en matière civile et criminelle ; enfin, en matière de biens de l’État, tous les actes accomplis par le prince en vertu de son droit illimité de disposition, les contrats de vente et de louage comme les assignations de terres publiques et comme la donation des subsiciva faite par Domitien aux cités italiques.

Au contraire, sont nuls les actes du prince pour lesquels il n’a pas compétence et que leur caractère ne permet pas de tenir pour valables jusqu’à leur retrait par le prince ou à la retraite de ce dernier. Telle est, par exemple, la concession du patriciat, qui ne peut être entendu que comme un droit héréditaire produisant un effet illimité ; à l’époque où le droit de conférer le patriciat n’était pas encore attaché au principat, les enfants de l’individu gratifié du patriciat par le prince n’en naissaient pas moins plébéiens. En général, tout acte juridique accompli par le prince, dont les conséquences s’étendent forcément au-delà de sa mort et qui est en dehors de ses attributions légales, n’est pas seulement révocable ; il est, sans qu’il y ait besoin de rescision, nul de droit. Le cercle de ces dispositions a été, dès le début, extrêmement restreint et il s’est toujours rétréci de plus en plus, au point qu’au commencement du IIIe siècle on peut à peine encore en trouver des exemples : c’est un fait qui s’accorde avec la transformation du principat en monarchie.

Tous les autres actes officiels du prince rentrent dans la catégorie des actes valables, mais révocables, que leur auteur peut toujours dépouiller de leur force pour l’avenir et qui n’existent pas pour le successeur à moins qu’il ne les renouvelle. Il en est ainsi, par exemple, des expulsions et des internements prononcés par mesure de police, qu’il faut bien distinguer des peines restrictives de la liberté encourues par les voies judiciaires ; dans un cas politique important de ce genre, Auguste a, pour assurer à la mesure une validité dépassant sa vie, provoqué un sénatus-consulte confirmatif[1] ; cela, ne s’est pas reproduit postérieurement.

De même, les édits rendus par le prince, qui pénètrent dans le domaine législatif qui lui est fermé, ne peuvent pas seulement être retirés ou modifiés à tout moment par leur auteur ; ils sont probablement dépouillés de plein, droit de leur force à sa mort[2], à moins qu’ils ne soient reproduits par son successeur[3]. Mais nous avons déjà remarqué que les édits impériaux ne sont pas devenus tralaticia avec la même étendue que les édits prétoriens ; si une institution appelée à l’existence par un édit impérial prend force de loi, cela a lieu, au contraire, ordinairement par le vote d’un de ces sénatus-consultes qui remplacent les lois comitiales dans la période récente[4].

Sont, en outre, nécessairement révocables toutes les nominations d’officiers ou de fonctionnaires faites par le prince, sans qu’on distingue si le personnage nommé a ou non le caractère de magistrat. Elles sont toutes, sous ce rapport, régies par les règles du mandat du droit privé, selon lesquelles elles ne peuvent en premier lieu être confiées jusqu’à un terme fixe[5] et ensuite elles s’éteignent forcément à la mort du mandant. Une considération suffirait à commander cette solution : c’est que le principat n’a pas de continuité et que le prince est, par conséquent, hors d’état de disposer des postes dépendant de ses fonctions pour au-delà du terme de ses fonctions. De même que la règle qu’il n’y a pas pour elles de terme extinctif précis a été appliquée à tous les fonctionnaires et employés impériaux, la durée des fonctions légalement attachée à la personne se manifeste clairement dans le titre des magistrats élevés : les legati imp. Cæsaris Augusti, ses procuratores ne peuvent devenir que par un nouvel acte de volonté du successeur legati ou procuratores Ti. Augusti. Le maintien, régulier en fait et pratiquement indispensable, des fonctions confiées par l’empereur précédent était probablement réalisé au moment de la transmission du pouvoir par une confirmation générale des postes inférieurs et une confirmation spéciale des postes supérieurs[6].

La question dont nous nous occupons présente une importance spéciale pour les concessions fréquentes et importantes d’avantages juridiques (beneficia)[7] faites par les empereurs à des cités, à des classes de personnes ou à des individus, en particulier pour celles qu’ils faisaient de la jouissance gratuite de portions du sol public[8] ou d’exemptions de redevances de toute sorte[9]. En règle, ces concessions sont faites sous la forme de concessions que le prince peut révoquer à son gré et qui disparaissent de plein droit avec lui. On regardait comme l’année normale servant de point de départ pour toutes les concessions faites des droits productifs du peuple l’année 727, c’est-à-dire celle de la fondation du principat[10], évidemment en visant le célèbre édit d’Auguste qui enleva leur force à toutes les ordonnances issues de l’état d’exception antérieur jusqu’à l’an 726 et rétablit un régime légal réglé. Quand arriva la première transmission du pouvoir, Tibère considéra, sans aucun doute d’accord avec la rigueur du droit, tous les beneficia révocables accordés par son prédécesseur comme étant légalement éteints et les renouvela seulement après un examen individuel[11]. Cela se concilie parfaitement avec l’assimilation aux leges, faite en même temps dans le serment et jurée par Tibère lui-même, des acta d’Auguste qui comprenaient en première ligne ces bénéfices ; car la confirmation était seulement formelle en ce sens qu’on n’y cherchait pas si le privilège avait été accordé à propos ou s’il était à propos de le maintenir, mais seulement s’il avait été régulièrement acquis[12] et s’il n’était pas éteint par des causes spéciales[13]. On a ensuite, en général, procédé de là même façon à chaque transmission du pouvoir, sauf un changement : jusqu’à Vespasien, la confirmation des bénéfices légalement existants a eu lieu, autant que possible[14], sur la demande du sujet actif du bénéfice et sur présentation et examen de son titre légal, tandis qu’à partir de Titus elle a eu lieu au moyen d’un édit général rendu à l’arrivée au pouvoir et sans examen spécial[15], ce qui naturellement n’empêchait pas que ; quand cela paraissait utile, on put requérir, à toute époque et pour tout privilège, la preuve de son origine et de son existence légale[16]. L’extension ainsi faite, quoique seulement en pratique, depuis Titus aux concessions impériales de la validité indépendante de la vie et de la mort des princes, qui n’appartenait précédemment qu’aux lois et aux sénatus-consultes, a contribué à consolider la monarchie.

Une confirmation de pareils bénéfices par une loi ou un sénatus-consulte, aurait pu, sans aucun doute, aussi bien avoir lieu sous le principat que dans les derniers temps de la République et dans la période de transition de la République à la monarchie où elle avait joué un rôle essentiel[17] ; elle aurait eu pour suite non pas de rendre le bénéfice absolument irrévocable — il aurait fallu pour cela une convention jurée (fœdus) — mais de faire le droit de révocation ne pouvoir être exercé que par le sénat ou le peuple au lieu du prince. Cette transformation des acta d’un magistrat particulier en loi de l’État ne s’est pas présentée sous le principat, et elle ne pouvait s’y présenter. Le prince pouvait, avons-nous vu, dans une large mesure, rendre ses concessions irrévocables ; et, même lorsque ce n’était pas le cas, la légalisation d’un acte du prince par le sénat ou le peuple aurait mis le principat au-dessous des autorités républicaines et n’aurait consolidé un acte particulier du prince qu’aux dépens du principat.

Nous avons, jusqu’à présent, parlé des actes de l’autorité en supposant leur portée juridique définitivement réglée au moment où ils sont faits, et c’est, en effet, la règle. Mais, par exception, ils peuvent être frappés de nullité seulement après coup, et nous avons maintenant à étudier cette annulation dans la mesure où elle présente un caractère général, car la restitutio in integrum du droit civil et la grâce du droit criminel, qu’on pourrait ramener à cette idée, ne demandent pas ici d’explications spéciales.

L’annulation des actes officiels (actorum rescissio) a fréquemment été prononcée pour d’ex-magistrats à la suite d’une condamnation criminelle[18] ; la même chose est aussi arrivée souvent pour lés empereurs après leur mort ; et si leur condamnation criminelle sera mieux à sa placé dans le chapitre suivant consacré à la fin du principat, ses conséquences juridiques seront plus commodément étudiées ici. Elles trouvent leur expression formelle dans l’exclusion des acta du prince dont il s’agit du serment étudié plus haut in leges et acta principum, exclusion qui est toujours liée à la condamnation posthume du prince, mais qui s’est aussi produite sans elle, par exemple pour Tibère[19], Galba, Othon[20], Caracalla[21]. Les sénatus-consultes proposés par le prince, les lois qu’il a délibérées avec le peuple[22] et les commendations de lui en vertu desquelles une élection de magistrat a été faite[23], ne rentrent pas parmi les acta au sens propre et il n’y a pas un indice que l’annulation leur ait été étendue. Elle embrasse tous les actes officiels unilatéraux, révocables ou irrévocables ; mais jamais cet anéantissement théorique n’a été appliqué avec une logique complète, on a toujours fixé des limites plus restreintes à la rescision soit dans l’acte même, soit dans son exécution.

C’est en matière de bénéfices qu’on peut le plus nettement établir la façon de procéder. Lorsque les acta de Caligula furent annulés, Claude les examina individuellement et les cassa ou les confirma selon son bon plaisir[24]. Lorsque après le règne de quatorze ans de Néron et le règne éphémère de ses trois successeurs, les actes des quatre furent cassés à l’arrivée au pouvoir de Vespasien, il se reporta à l’état des choses existant à la mort de Néron. Pareillement Nerva, lorsqu’il est arrivé au pouvoir après les seize ans de règne de Domitien, a, malgré l’annulation des actes de ce dernier, confirmé d’une manière générale les concessions qu’il trouva en vigueur[25], mesure au sujet de laquelle il faut se rappeler que les confirmations de ce genre se faisaient déjà alors par des édits généraux. Évidemment on a toujours, et à juste raison, tenu plus de compte, dans la pratique suivie, de la durée des gouvernements atteints par la condamnation que de leur caractère. La confirmation des privilèges entamée par des gouvernants éphémères pouvait être considérée comme non avenue ; elle ne pouvait être méconnue et on ne pouvait même pas pleinement méconnaître ou écarter la concession de nouveaux privilèges, quand toutes deux venaient de gouvernements qui avaient eu une plus longue existence de fait. Il est probable que, lorsque le privilège soumis à confirmation remontait à un prince dont la mémoire était restée en honneur, il suffisait, pour obtenir la confirmation, d’administrer la preuve de la concession, tandis qu’au contraire, quand il y avait eu rescision, l’examen des bénéfices nouveaux concédés par le souverain qu’elle avait atteint, avait lieu à peu près comme s’il s’agissait de la demande d’une première concession du bénéfice et que, lorsqu’il avait été motivé par des considérations politiques, la confirmation était refusée.

La rescision des actes atteint naturellement plus les actes de magistrat par eux-mêmes irrévocables que les actes révocables qui tombent en dehors d’elle. Mais la rescision absolue était encore bien moins possible pour eux que pour les beneficia. Pour d’autres magistrats dont lès actes sont frappés de rescision, nous trouvons adjointes à la rescision des clauses restrictives ; quand la rescision s’applique à un prince, il y a une restriction qui a peut-être été rarement exprimée d’avance, mais qui a sûrement toujours été admise en fait ; c’est que seuls sont frappés de cassation effective ; les actes du pouvoir qui apparaissent comme politiquement ou moralement dignes d’être rejetés. Les donations faites par Néron furent réduites au dixième par Galba et le surplus fut réclamé dis donataires[26]. Les jugements civils et les autres mesures d’un caractère moins immédiatement politique n’ont sans doute été soumis qu’exceptionnellement à la rescision. En revanche, elle est dirigée en première ligne contre les jugements criminels rendus par le magistrat condamné[27]. La conduite de Vespasien, annulant à son arrivée au pouvoir les procès de majesté qui avaient eu lieu sous Néron[28], montre a peu près comment on procédait[29]. On doit dans l’application avoir plus ou moins restreint la rescision des actes aux procès criminels politiques. Il est impossible de faire que ce qui a été n’ait pas été, et si la passion politique ne veut pas admettre cette vérité, le fonctionnement pratique des choses la fait toujours reparaître avec une nécessité impérieuse.

 

 

 



[1] Après qu’Auguste eut prononcé l’internement d’Agrippa Postumus dans une île, cavit etiam senatus consulto, ut eodem loci in perpetuum contineretur (Suétone, Auguste, 65 ; Tacite, Ann. 1, 6). De pareilles restrictions de la liberté n’avaient pas encore, à cette époque, le caractère d’une peine criminelle ; et dans le cas en question il ne s’agissait certainement pas de l’exécution d’un jugement.

[2] Claude imposa aux candidats à la questure l’organisation de jeux de gladiateurs probablement sans qu’il fût rendu de sénatus-consulte à ce sujet, puisque Tacite, Ann. 41, 22, n’en parle pas et qu’au contraire il rapporte, 13, 5, que l’abrogation fut prononcée sous Néron par le sénat adversante Agrippina tamquam acta Claudii subverteventur. La conception la plus simple de mesures administratives, comme celles-là, comme les règlements des vacances des jurés (Suétone, Galba, 15), etc., est de les considérer comme des édits qui perdent leur force avec la mort de l’empereur qui les a rendus, s’ils ne sont pas renouvelés, mais qui en fait restent sans doute souvent en vigueur sans renouvellement formel.

[3] Digeste, 40, 15, 4 : Primus omnium divus Nerva edicto vetuit post quinquennium mortis cujusque de statu quæri. Cet édit, fut donc répété par ses successeurs, et la même chose est sans doute vraie de tous les édits impériaux cités par les jurisconsultes. Cf. Digeste, 16, 1, 2.

[4] Ainsi la défense de l’intercession des femmes a d’abord été introduite par un édit, puis précisée par un sénatus-consulte (Digeste, 16, 1, 2). En revanche celle de démolir les maisons se fonde directement sur un sénatus-consulte (C. I. L. X, 1401) que confirma un édit de Vespasien.

[5] Selon le droit privé romain, le mandat, nécessairement gratuit, est essentiellement révocable et l’addition d’un terme ne lie pas le mandant. Il en est autrement dans la locatio operarum où l’individu chargé du service reçoit un salaire. La procuratio et ses équivalents ne sont pas comptés parmi les operæ locari solitæ et sont traités comme un mandat et non comme un louage de service, même quand il y a une rémunération.

[6] Je ne trouve pas de témoignages positifs de la confirmation expresse des fonctionnaires impériaux au cas de transmission du trône. Il ne suffit pas pour la prouver que des gouverneurs dont les fonctions se placent sous Hadrien et Antonin le Pieux s’appellent legatus divi Hadriani et imp. Antonini Aug. Piii pro prætore provinciæ Cappadociæ (C. I. L. X, 6006) et legatus ejusdem (divi Hadriani) in Cilicia, consul (l’année de la mort d’Hadrien, en 138, sans doute absent de Rome), legatus in Cilicia imp. Antonini Aug. (C. I. L. VIII, 7059) ou que le biographe d’Antonin le Pieux dise, c. 5 : Factus imperator nulli eorum quos Hadrianus provexerat successorem dedit. Cf. Mon. Ancyr. ed. 2, p. 177. Il y a plus de poids à attacher à ce que le gouverneur de Syrie L. Vitellius, quand il reçut, dans sa marche contre le roi Arétas de Petra, la nouvelle de la mort de Tibère et de l’élévation de Gaius, ramena ses troupes à leurs quartiers parce qu'il n'avait pas le pouvoir nécessaire pour faire la guerre comme avant, maintenant que l'empire était aux mains de Gaius (Josèphe, Ant. 18, 5, 3). Mais on peut surtout invoquer dans ce sens le fond des choses lui-même et je ne doute pas que la présence du nom de l’empereur dans les titres des postes supérieurs, en particulier la distinction du procurator Augusti et du procurator tout court (C. I. L. III, p. 1131) se fonde précisément sur ce que ces fonctionnaires devaient être confirmés au changement de souverain.

[7] C’est là l’expression technique, montrent avant tout les libri benefeciorum impériaux, qui indiquaient pour chaque région les domaines dont la jouissance était concédée aux cités (Grom. p. 202 : Si qua beneficio concessa aut adsignata coloniæ fuerint ; cf. p. 295, d’après laquelle est subsicivum ce qui n’est ni assigné, ni cité in libro beneficiorum) ; en outre, les rescrits de Vespasien, de Nerva, de Sévère, aussi Suétone, Titus, 8, etc. La remise de la moitié du bien revenant au fisc au cas de dénonciation spontanée du grevé est régulièrement appelée chez les jurisconsultes benefacium divi Trajani (Digeste, 49, 14, 13, 6, etc.). En grec, beneficia est traduit dans le rescrit d’Antonin le Pieux, note 9, par αί τιμαί. Les beneficia se rencontrent déjà en tête des actes de César (Cicéron, Phil. 1, 1, 3. c. 7, 17. 2, 36, 9). — Beneficium est également employé pour le poste militaire et les émoluments de ce poste accordés par un supérieur ; ainsi, on rencontre des tribuns benefecio divi Claudii (C. I. L. III, 335 ; cf. Tite-Live, 9, 30, 3), des centurions par beneficium de Tibère (beneficii sui centuriones, Suétone, Tibère, 12 et plusieurs autres textes chez Marquardt, Handb. 5, 549 = tr. fr. 11, 291) et tout à fait ordinairement les beneficiarii des officiers supérieurs en droit d’accorder des immunités à certains simples soldats (Marquardt, loc. cit.). — L’idée du beneficium n’implique pas nécessairement l’existence d’avantages pécuniaires ; la concession du jus respondendi en est un (Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 48. 49).

[8] On voudra bien se rappeler à ce sujet qu’à l’exception des terres assignées en Italie et des peu nombreuses villes de droit italique, tout le sol de l’empire était public.

[9] Les textes que nous citerons montrent suffisamment que les confirmations qui intervenaient à chaque changement de règne concernaient principalement les concessions gratuites de terres domaniales, d’une part, et les exemptions d’impôts, de l’autre. Cela s’étend même aux privilèges généraux de la seconde catégorie ; ainsi, par exemple, Antonin le Pieux compte les exemptions dont jouissaient les grammairiens, les rhéteurs et les philosophes parmi celles que son père confirma à son arrivée au pouvoir (Digeste, 27, 1, 6, 8 ; suit l’énumération des droits isolés).

[10] C’est ce que montre le remarquable titre confirmatif (C. I. L. X, 8038) adressé par Vespasien le 12 octobre, peut-être en 72 (les consuls ne peuvent être datés avec certitude) aux Vanacini en Corse : Beneficia tributa vobis ab divo Augusto post septimum consulatum, quæ in tempora Galbæ retinuistis, confirmo. Le même empereur écrit aux Saborenses en Bétique le 29 juillet 77 (C. I. L. II, 1423) : Vectigalia, quæ ab divo Aug(usto) accepisse dicitis, custodio. Une décision judiciaire (C. I. L. VI, 266) des années 226/244 concernant un immeuble urbain en la propriété de l’État porte : Ex eo tempore, ex quo Augustus rem publicam obtinere cœpit, usque in hodiernum [num]quam hæc loca pensiones pensitasse. Les possessions de l’État ont donc été relevées dans tout l’empire en 727 et on a en même temps dressé le tableau des vectigalia d’après ce relevé. C’est encore à cela que se rattache la forma divi Augusti relative aux immeubles offerts par Sulla à la Diane de Tifata (Orelli, 1460 = C. I. L. X, 3828).

[11] Suétone, Titus, 8. Dion, 66, 19. Néron retira les concessions faites par Claude à des Bretons de haut rang ; car ce doit être là la δήμεσις χρημάτων de Dion, 62, 2.

[12] Cela ressort de la manière la plus nette dans la lettre de Sévère concernant l’immunité des Tyrani (C. I. L. III, 784). Vespasien mit en vente les subsiciva des colonies, quæ non haberent subsiciva concessa (Frontin, p. 54) ; il laissa donc subsister les concessions existantes, quoiqu’il n’en fut pas résulté de transfert de la propriété.

[13] Cela résulte simplement de ce qu’il s’agit de droits concédés seulement sous réserve de révocation.

[14] Car les bénéfices qui n’étaient pas accordés à une personne physique ou juridique déterminée, comme, par exemple, l’exemption d’impôt dés professeurs de grammaire, ne pouvaient être confirmés que par un édit.

[15] Domitien (Dion, 61, 2), Nerva, — son édit à ce relatif est conservé chez Pline, Ad Traj. 58 (Domitien n’est pas nommé), — Hadrien (note 9) et sans doute tous les gouvernants postérieurs ont procédé pareillement.

[16] Ainsi Titus lui-même a retiré à quelques cités italiques les subsiciva comme n’ayant pas été légalement acquis (Frontin, p. 54). L’affaire des Tyrani, donne sous Sévère un remarquable exemple d’un pareil débat sur un privilège contesté.

[17] Cicéron, Phil. 5, 4, 10. Drumann, 1, 94. 108, Au reste, la confirmation des acta Cæsaris après sa mort s’étendait aussi comme on sait aux agenda (Appien, B. c. 2, 134), si bien qu’il faut dans la détermination des acta user avec prudence des textes qui s’y rapportent.

[18] Le proconsul de Bithynie C. Julius Bassus est accusé à raison de son administration et, à la vérité, absout, niais ses actes officiels sont cassés, si bien que toute affaire débattue devant lui peut pendant les deux années qui suivent, être considérée comme n’ayant pas eu lieu et être recommencée. Il s’agit de savoir si un individu relégué par Bassus, qui n’a pas demandé la révocation de sa condamnation pendant ce biennium, doit être considéré comme relégué légalement ; question que Trajan résout par l’affirmative (Pline, Ad Traj. 56. 57).

[19] Dion, 59, 9. 60, 4.

[20] C’est ce que montre le titre de Vespasien cité note 11, qui remonte à la mort de Néron et ignore la période intermédiaire ; ensuite l’absence de Galba et d’Othon dans la liste des prédécesseurs reconnus dans la loi d’investiture de Vespasien, tandis que Tibère y figure.

[21] Macrin laissa la consécration de son prédécesseur avoir lieu, mais il cassa pourtant la plupart de ses actes (Dion, 78, 9. 17. 18).

[22] Quand le terme constitué par la délibération fait défaut, la rescision s’est sans doute appliquée, par exemple pour les lois unilatérales. Le contraire n’est pas prouvé parce que le nom de Domitien est effacé sur les lois municipales données par lui, qui sont donc restées en vigueur, ni parce que parmi les diplômes de vétérans on en trouve une quantité d’empereurs dont les actes ont été rescindés ; car la rescision n’a jamais été appliquée en pratique d’une façon complète.

[23] Les nominations consulaires de Néron et de ses successeurs immédiats sont traitées comme subsistant encore en droit après la mort de l’auteur de la commendatio.

[24] Dion, 60, 4. Suétone, Claude, 11. Les deux textes ne sont pas en contradiction. Le second pose le principe ; le premier indique son application pratique.

[25] L’édit de Nerva à ce sujet est rapporté note 15. Il y est expressément recommandé de ne pas considérer la concession comme non valable simplement à cause de la memoria ejus qui præstitit. Dans une autre lettre (Pline, Ad Traj. 58) il dit positivement : Cum rerum omnium ordinatio, quæ prioribus temporibus inchoatæ consummatæ sunt, observanda [il faut effacer sit] tum epistulis etiam Domitiani standum est.

[26] Tacite, Hist. 1, 20. Suétone, Galba, 6. Dion, 63, 14. Une commission de trente chevaliers (d’après Tacite, cinquante d’après Suétone) fut chargée de l’exécution de cette opération.

[27] C’est ce que montre très clairement le cas de Bassus (note 18) ; pareillement Hérodien, 7, 6, 7.

[28] Dion, 66, 9.

[29] La même chose arriva certainement à tous les changements de souverains provoqués par violence, ainsi après le renversement de Caligula (Suétone, Claude, 12 ; Dion, 60, 4 ; scolies de Juvénal, 6, 109) et après celui de Commode (Dion, 73, 5). Il ne faut pas la confondre avec la grâce.