LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

LE PRINCIPAT.

 

 

L’ADMINISTRATION DE L’ITALIE

Dans la mesure on la fédération de villes qui constitue l’Italie, est soumise à une administration supérieure des autorités de l’empire, cette administration supérieure appartient, après l’extension du droit de cité à toutes les villes d’Italie comme auparavant, au sénat ; et, en principe, c’est aussi vrai sous le principat que sous la République. En conséquence, ainsi qu’il est expressément reconnu, l’Italie appartient, tout comme les provinces qui ne sont pas impériales, au département administratif du sénat ; le sénat aurait même dû intervenir plus constamment et plus sérieusement dans son administration que dans la leur, puisqu’elle n’a pas de gouverneur. Cependant, on ne peut, à ce sujet, guère constater que deux choses : c’est que les cités italiques s’adressaient pour les dispenses des lois qu’elles sollicitaient au sénat et que le sénat a parfois été invoqué comme arbitre dans les différends entre deux cités[1]. L’empereur lui-même, qui exerçait pour elle, comme pour le reste du territoire soumis à l’administration du sénat, la haute direction concurremment avec le sénat[2], a gardé une réserve beaucoup plus grande à l’encontre de l’autonomie des cités italiques qu’à l’encontre de celle de la capitale. Ce n’est pas seulement parce que la première avait plus de vitalité que la seconde et se conciliait mieux avec le caractère du principat ; c’est aussi probablement parce que des usurpations dans ce domaine auraient vraisemblablement provoqué une opposition beaucoup plus profonde et plus dangereuse que des empiétements sur les droits théoriques des citoyens de la capitale qui avaient, depuis longtemps, cessé d’être des citoyens. Tant que le souvenir de l’ancienne République eut encore un pouvoir, il a eu son siège dans la forte aristocratie municipale, attachée aux anciennes institutions par des liens multiples. Le gouvernement avait de bonnes raisons pour s’abstenir le plus possible de pénétrer dans son domaine. En conséquence, les villes italiques jouissaient de leur autonomie dans une mesure bien supérieure à celle qui nous est aujourd’hui familière. En particulier, comme nous l’avons montré dans le chapitre du Droit municipal, la justice civile et criminelle était, pour une boume part, dans les mains des autorités municipales, sous le principat comme sous la République.

Néanmoins le même processus s’est accompli en face de l’Italie qu’en face de la ville de Rome : l’autonomie communale y a également été étouffée, quoique plus lentement et moins complètement, par le principat. Nous devons ici étudier, sous ses divers aspects, le rôle joué par le principat à ce point de vue.

Sous le rapport militaire, le prince est essentiellement dans la même situation en Italie qu’à Rome. L’établissement du prætorium dans la ville de Rome peut et doit être regardé en fait comme l’occupation militaire de cette ville par le prince. Il en est de même pour l’Italie du stationnement des dépôts de la flotte à Misène et à Ravenne, quoique ces mesures appartiennent, en droit public, à des ordres différents. Des postes militaires ont été établis en Italie pour le maintien de la sûreté publique au commencement du principat[3] et au IIIe siècle[4], et il doit y avoir été pris certaines autres mesures d’exceptions analogues, notamment dans la période encore dominée parle contrecoup des guerres civiles[5] ; mais nous ne pouvons relever en cette matière d’institutions organiques de nature à figurer dans le droit public romain.

Parmi les nouvelles fonctions créées par le principat directement en vue de la ville de Rome, il n’y a que la préfecture de la ville qui entre essentiellement en ligne de compte pour l’Italie. Elle a probablement été, depuis qu’elle a existé, également compétente sur l’Italie et sur la ville de Rome. Cela réside au sens propre dans l’idée mime d’autorité urbaine ; car, comme on sait, l’Italie est, depuis la guerre sociale, notamment en ce qui concerne la juridiction, regardée comme la banlieue de la ville de Rome ; on ne voit pas pourquoi le principat n’aurait pas appliqué au préfet de la ville ce point de vue si approprié à ses intentions déjà admis pour le préteur. Les témoignages, selon lesquels le pouvoir du préfet de la ville se serait, dans les premiers temps du principat, étendu à toute l’Italie, ne nous font pas entièrement défaut[6] ; en particulier, la décision judiciaire sur l’éligibilité au décurionat dans les cités d’Italie a appartenu en dernier ressort au préfet de la ville jusqu’à la création des juridici italiques[7]. Cependant, ce dernier, attaché légalement par ses fonctions[8] à Rome, est naturellement intervenu avec une toute autre action à Rome et dans ses environs immédiats que dans les villes éloignées de l’intérieur ; et cela a conduit plus tard, à la fin du IIe siècle ou au commencement du IIIe, semble-t-il, à fixer la démarcation de la juridiction criminelle étudiée plus haut, selon laquelle la juridiction pénale appartient, à Rome et dans le rayon de cent milles, au præfectus urbi et, au delà, aux préfets du prétoire[9].

La République ne connaît, comme magistrats spécialement affectés à l’Italie, le questeur d’Ostie n’entrant guère ici en ligne de compte, que les questeurs en résidence à Cales et à Ariminum, qui ne paraissent pas avoir eu grande importance dans la période récente et qui finirent par être supprimés par l’empereur Claude. Parmi les fonctionnaires créés par le principat pour l’Italie, les plus anciens sont les curatores viarum ; la chose est explicable parce que, dès le temps de la République, tandis que le reste de l’administration de l’Italie était entièrement remise aux autorités municipales, la direction du service des routes a toujours été réservée aux autorité de la capitale, spécialement aux censeurs et aux consuls. Comme d’autres branches des attributions des censeurs en matière de constructions, l’entretien permanent de toutes les routes partant de Rome[10] passa au prince en 734, après qu’Auguste les eut remises en état, à titre extraordinaire, dès son avènement au principat[11]. Le prince y a pourvu en nommant un directeur particulier (curator viæ) pour chacune de ces routes[12]. Pour les plus petites, les directeurs furent pris dans l’ordre équestre[13] ; pour les grandes voies proprement dites, c’est-à-dire pour celles allant de Rome aux frontières de l’Italie[14], on exigea, au contraire, du directeur le rang sénatorial et l’occupation de la préture. — Le curateur a pour principale fonction d’affermer selon l’ancienne coutume l’entretien de la route qui lui est confiée et de surveiller l’exécution conforme au contrat des travaux convenus[15]. Mais il lui appartient aussi d’autoriser de nouveaux travaux sur le sol appartenant à la voie publique[16] et de supprimer ceux faits sans permission[17] et il doit sans doute avoir eu pour ces cas la juridiction. — Les ressources pécuniaires sont fournies en première ligne par l’Ærarium[18], probablement en vertu d’un sénatus-consulte qui y ouvrait aux curateurs, comme sous la République aux censeurs, un crédit déterminé ; cependant les empereurs ont aussi alloué fréquemment des suppléments sur leur propre caisse[19].

Lorsque les fondations grandioses en faveur des enfants des citoyens pauvres d’Italie commencées par Nerva amenèrent la création de caisses alimentaires impériales[20] dans toutes les cités gratifiées de pareilles fondations et qu’il devint en outre nécessaire de soumettre à une surveillance publique les magistrats immédiatement municipaux qui administraient ces caisses, l’Italie fut divisée dans ce but en un certain nombre de districts alimentaires[21], pour lesquels on paraît avoir pris autant que possible comme base la division fournie naturellement par les grandes voies[22] en ne mélangeant pas, mais en combinant fréquemment la curatelle des différentes voies avec la surveillance des fondations alimentaires du district correspondant (præfectura alimentorum)[23]. On a employé à titre complémentaire, notamment dans les pays qui n’étaient pas traversés par des routes impériales, des procurateurs de rang équestre[24]. Il n’y a certainement pas eu dans la première période et il n’y a probablement jamais eu de præfectus alimentorum général, ayant autorité des recettes sur toute l’Italie[25]. — Ces curateurs ont été employés, au moins sous Marc-Aurèle, en même temps que pour les alimenta, pour la surveillance du produit des recettes domaniales, et ils ont même reçu, pour réprimer les exactions des agents, une certaine autorité pénale[26]. [Ils ont aussi été chargés de l’application des mesures prises sous le même Marc-Aurèle pour réduire les frais des jeux de gladiateurs[27].]

Le prince avait la faculté d’intervenir dans les affaires intérieures des cités, en particulier en vertu de son droit de rendre des constitutions individuelles et d’accorder des exemptions[28] ; cependant il ne parait en avoir fait usage que rarement, surtout au Ier siècle[29]. Le prince a parfois concédé un droit de cité local et il a en même temps, quand c’était nécessaire, aboli l’ancien droit de cité local[30]. L’empereur a aussi accordé des exemptions des charges résultant des institutions municipales[31]. Mais les seules immixtions de l’empereur dans les élections communales ont été des recommandations données par lui à des candidats, soit pour l’acquisition de la magistrature, soit pour l’admission dans la curie, qui étaient conforme aux habitudes romaines[32]. Nous sortirions du cadre de notre ouvrage en nous arrêtant à des constitutions spéciales de ce genre. Au contraire, nous ne pouvons négliger l’institution récente des commissaires du gouvernement placés près des cités, l’institution du curator rei publicæ, du λογιοστής[33] nommé par l’empereur, que nous avons déjà étudiée dans son application aux villes libres et aux villes du cercle administratif du sénat et dont nous devons ici étudier l’application à l’Italie[34]. Les causes de cette création, que nous pouvons, à la vérité, plutôt présupposer qu’observer directement, ont déjà été signalées dans leur ensemble : ce sont, d’une part, le développement intime du principe monarchique, incompatible avec une autonomie municipale étendue, en particulier dans les cités italiques et, d’autre part, les abus multiples qui s’étaient introduits, spécialement en matière financière, par suite du défaut de tout contrôle officiel. C’est à la même époque où le droit du sénat de Rome de se recruter lui-même tombe en décadence, et où la nomination des sénateurs devient un pouvoir du prince, c’est sous Trajan[35] que commence à se faire sentir avec ensemble la surveillance exercée par l’empereur sur l’administration des cités qui ne sont pas directement soumises à son autorité. Nous savons par Trajan lui-même ce qu’il pensait des privilèges des villes qui venaient entraver le contrôle de leur administration[36]. Aussi voit-on, à partir de là, la surveillance, soit spécialement des constructions de la ville[37] et de son livre de recettes[38], soit en général des biens et du trésor municipaux, être confiée par l’empereur[39], dans les différentes communes italiques, à un personnage considéré de rang équestre ou sénatorial[40] d’une cité voisine[41]. C’est à lui que l’administration communale doit avant tout soumettre ses comptes ; elle ne peut procéder à des aliénations qu’après lui en avoir référé et avec son assentiment[42] ; il a aussi le jugement des litiges rentrant dans cet ordre[43]. On demande également son assentiment au curateur, dans d’autres affaires importantes, par exemple, au cas de changement du système électoral[44] ; il n’a pas le droit de prononcer de peines[45]. Nous ne savons si ces curateurs étaient stables et donnés à toutes les cités italiques ou seulement dans les endroits et durant le temps où cela paraissait nécessaire ; dans les cités les plus importantes tout au moins, ils peuvent bien être devenus de bonne heure permanents. — Cette institution a, voit-on, pour base les mêmes principes qui prévalent sous le principat dans la constitution de l’empire, le remplacement de l’élection populaire par la nomination impériale, de la collégiabilité par la monarchie et de l’annalité par la nomination jusqu’à nouvelle décision de l’empereur[46] ; elle aussi a joué son rôle important dans la constitution de la monarchie.

L’institution des curateurs impériaux ne concernait que l’administration et la justice administrative, elle était étrangère à la justice au sens propre. Mais une portion essentielle de cette dernière passa encore en Italie à des fonctionnaires impériaux peu après Trajan. En premier lieu, Hadrien[47], puis, après la suppression par Antonin le Pieux du système établi par Hadrien[48], Marc-Aurèle et Lucius Verus[49] y instituèrent, pour les affaires de fidéicommis[50], les nominations de tuteurs[51] et les contestations relatives au décurionat[52], un certain nombre[53] de justiciers impériaux (juridici)[54], sous Hadrien de rang consulaire, plus tard de rang prétorien, préposés à des ressorts qui n’étaient jamais fixés que pour le cas concret[55], tandis que les environs immédiats de Rome constituant l’urbica diœcesis[56] restèrent soumis aux autorités de la capitale compétentes en ces matières. Au reste, les attributions données aux juridici n’ont pas été enlevées aux autorités municipales[57], mais aux tribunaux de la capitale, desquels ressortissaient antérieurement les catégories de procès en question[58] et auxquels restèrent encore réservés, après la création des juridici, les cas d’une importance spéciale[59].

L’Italie n’a pas eu, sous le principat, de véritables gouverneurs ; cependant, on y rencontre le commencement du système, d’abord sous la forme de souhaits chez des écrivains du temps d’Alexandre Sévère et dans le cours du IIIe siècle, à titre de mesure transitoire. Ils apparaissent là dans la même forme où nous les avons rencontrés en province pour les cités exemptes ; à côté et au-dessus des curatelles impériales de cités particulières, on rencontre la correction de toute l’Italie, d’abord à la fin du règne de Caracalla et ensuite à titre isolé jusqu’à la fin du principat[60] ; au contraire, on ne peut jusqu’à présent établir avec certitude l’existence à cette époque de correcteurs de pays italiques isolés[61] et ce dernier pas dans la voie de la réduction de l’Italie en province n’a probablement été fait que dans le siècle suivant.

La division de l’Italie en districts, faite par Dioclétien, repose essentiellement sur ces bases et en particulier sur le corrector. La péninsule fut, à l’exclusion de la capitale qui resta soumise au præfectus urbi, divisée en circonscriptions et un corrector fut mis à la tête de chacune, à l’imitation du corrector des cités libres d’Achaïe : on ne tint compte des privilèges antérieurs de l’Italie, que pour ne pas donner aux gouverneurs le nom de præsides ni aux districts celui de provinciæ. Les juridici disparurent en même temps que leur juridiction fut transportée aux nouveaux correctores ; les curatores des villes isolées subsistèrent, mais ils ne furent plus nommés par l’empereur parmi les sénateurs ou parmi les chevaliers n’appartenant pas à la cité ; ils furent désormais proposés à l’empereur par le conseil communal parmi les gens de l’endroit et ne furent donc plus que des maires confirmés par le gouvernement. L’unité de l’empire était rétablie et l’autonomie des cités d’Italie arrivée à sa fin.

 

 

 



[1] Tacite, Ann. 13, 48. 14, 17 (note 2).

[2] Une contestation entre les gens de Luceria et de Pompéi est portée par eux devant l’empereur Néron et renvoyée par lui devant le sénat (Tacite, Ann. 14, 17). Domitien en tranche une autre relative au droit sur certains fonds de terre après un examen approfondi, en l’an 82, entre les villes de Falerio et de Firmum (C. I. L. IX, 5420).

[3] Suétone, Auguste, 32 (cf. Strabon, 4, 6, 6, p. 204). Tibère, 37. Parmi les inscriptions italiques, celle des milites Africani à Alba sur le lac Fucin (C. I. L. IX, 3907) et celle des auxsiliariei Hispan(ei) dans les Abruzzes (C. I. L. IX. 4503) se rapportent à cela : l’une et l’autre appartiennent aux commencements de l’époque d’Auguste et quand ces Espagnols dédient une pierre commémorative à leur præf(ectus) Sabinus, ils agit probablement de celui par lequel le futur Auguste fit réaliser la pacification du pays en 748 (Appien, B. c. 5, 132). Mais le silence des auteurs et encore plus celui des inscriptions montrent qu’on renonça par la suite à de pareilles mesures. Il faut qu’Auguste et Tibère aient si bien maîtrisé le banditisme en Italie, qu’il n’y ait plus eu pendant longtemps besoin de pareils postes.

[4] Nous rencontrons de nouveau dans la période récente de l’Empire de pareils postes dirigés contre les brigands et ayant a leur tête un commandant pourvu d’une certaine juridiction criminelle. Les mots d’Ulpien, Digeste, 5, 1, 61, 1 : Latrunculator de re pecuniaria judicare non potest, et de Dioclétien, Cod. Just. 9, 2, 8 : Si quis se injuriam passum putaverit... non ad stationarios decurrat, sed præsidalem adeat potestatem trouvent leur explication dans le poste de vingt hommes de la flotte de Ravenne qui stationne, en l’an 246 après J.-C., au passage de Furlo, sous le commandement d’un evocatus agens ad latrunculum (Henzen, Mitth. des rœm. Instituts, 2, p. 14). Le prœpositus tractus Apuliæ Calabriæ Lucaniæ Bruttiorurn, qui maintient la quies regionis (C. I. L. IX, 334 ; Feldmesser, 2, 496) et le præpositus Umbr(iæ) Picen(i) et Apull(iæ) de l’inscription de Pesaro, Orelli, 3175, ont le même caractère.

[5] Je rappelle la visite des ergastules d’Italie provoquée par Auguste vers l’an 728 (Suétone, Tibère, 8) ; le C. Clodius Vitalis en fonction entre l’an 717 et l’an 738, selon toute apparence en Étrurie, comme proconsul (v. mes explications dans la Zeitschrift f. Numismatik de Sallet, 15, 202) ; le proconsul de Transpadane sous Auguste L. Piso [cf. cependant sur la condition de la Transpadane, Eph. ep. VII, p. 397] ; le légat en résidence à Tridentum, probablement jusqu’à la soumission de la Rætie, donc jusqu’à 739 (C. I. L. V, 5027 ; l’envoi par Tibère d’un commissaire extraordinaire accompagné de légats en Apulie, à raison d’un mouvement d’esclaves, qui ressort de l’inscription C. I. L. IX, 2335 : Q(uæstor) [L. Rube]lli (selon la restitution de Hirschfeld ; consul en 29 après J.-C.) co(n)s(ulis), legatus missus [a Ti. Auguslo c]um A. Plautio (consul avec Rubellius) in Apuli[am ad servos to]rquendos.

[6] Stace, Silves, 14, 11. Vita Marci, 4

[7] C’est ce que montre le procès remarquable intenté de ce chef, sous Antonin le Pieux, contre l’habitant de Concordia, Volumnius Serenus, d’abord devant le préfet de la ville Lollius Urbicus (Borghesi, Opp. 5, 419) puis devant le premier juridicus, Arrius Antoninus (Fronto, Ad amicos, 2, 7). Ce sont là sans doute les querelæ des villes éloignées dont parle Stace. La lex coloniæ Genetivæ, c. 105, nous a enseigné que ces procès ressortissent en première instance des tribunaux locaux. [La supériorité de l’Italie sur les provinces se manifeste d’ailleurs même là en ce que, si le préfet de la ville ou les juridici peuvent statuer sur les nominations illégales, les nominations régulières faites dans les municipes italiques n’ont pas besoin d’être confirmées par le préfet de la ville ni par aucun autre magistrat de Rome, à la différence de celles faites dans les provinces qui doivent être confirmées par le gouverneur. Cf. Mommsen, Eph, ep. VII, p. 406.]

[8] Ulpien ajoute expressément que néanmoins extra urbem potest jubere judicare (Digeste, 1, 12, 3).

[9] La limite elle-même est bien plus ancienne : peut-être dès le temps de la République et certainement au temps d’Auguste, celui auquel le séjour de Rome est interdit ne peut non plus séjourner dans le rayon de cent milles autour de Rome (Gaius, 1, 27 ; Tacite, Ann. 13, 26 ; Dion, 53, 26 ; Hérodien, 2,13 ; Cod. Theod. 16, 5, 62). Cependant la limite de deux cent milles se rencontre déjà de même sous Auguste comme depuis longtemps usuelle (Tacite, Ann. 1, 50), et pour Cicéron la limite fut, comme on sait, fixée à quatre cent milles (Drumann, 2, 257). Au cas d’expulsion, ces règles doivent avoir été en pratique de tout temps, selon les circonstances, peut-être suivant une échelle fixe. Mais on ne peut établir avec sûreté l’existence d’une limite de juridiction de ce genre avant Sévère.

[10] Dion, 54, 8. Siculus Flaccus, p. 146, indique comme criterium des viæ publicæ, par rapport aux vicinales, que les premières curatores accipiunt.

[11] Mon. Ancyr. 4, 19 et les observations. Auguste lui-même remit en état à ses propres frais, en l’an 721, la voie Flaminienne, L. Calvisius Sabinus (consul en 715) fit de même pour la voie Latine (Borghesi, Opp. 5, 151), d’autres triomphateurs ex manubiali pecunia (Suétone, Auguste, 3) pour d’autres routes.

[12] Hirschfeld admet sans motif, p. 109, qu’Auguste a d’abord créé des curatores viarum généraux ; les magistrats du temps d’Auguste qui se rencontrent sous ce titre sont visiblement des magistrats extraordinaires préposés aux environs immédiats de Rome pour lesquels le besoin ne pouvait manquer de justifier leur création, quoique les grandes voies italiques eussent dès alors leurs curateurs. L’absence d’inscriptions de ces derniers antérieures à Néron s’explique par l’observation que les nouvelles magistratures peu élevées font fréquemment défaut dans le cursus honorum des inscriptions des premiers temps de l’Empire.

[13] Ainsi pour la via Nomentana (C. I. L. XI V, 3955), une voie latérale de la voie salaria, et pour la via Prenestina (C. I. L. XIV, 169) une voie latérale de la via Latina. Le directeur de la via Ostiensis et de la via compana qui lui est associée est appelé, comme a remarqué Hirschfeld, p. 112, une fois curator (C. I. L. VI, 1610) et une autre fois procarator Augusti (C. I. L. X, 1995). Sous Tibère, les voies Labicana et Latina ont aussi été administrées de cette façon, et c’est compréhensible, car toutes deux sont des voies latérales de la voie Appia, si l’on ne considère comme voies principales que celles qui aboutissent aux frontières de l’Italie, et la preuve qu’en partait de ce criterium résulte tant du rapport de la création de ces curateurs avec la suppression des IIviri viis extra urbem purgandis que des explications données, note 14. La conjecture de Hirschfeld, selon laquelle la curatelle des routes aurait été confiée à des chevaliers dans les premiers temps de l’Empire, est en contradiction avec l’idée fondamentale de la politique d’Auguste : il n’a pris des fonctions censoriennes qu’en se faisant représenter dans leur exercice par des sénateurs. S’il avait pris la cura viarum sans la confier à de pareils intermédiaires, ses successeurs l’auraient certainement gardée dans leurs propres mains, comme ils ont fait pour l’annone.

[14] Ce sont les suivantes ; pour les preuves je renvoie à Borghesi, Opp. 4, 132 et ss. et à L’index d’Henzen, p. 106, en ajoutant seulement quelques détails isolés.

1. viæ Aurelia vetus et nova, Cornelia et triumphalis.

2. viæ Clodia, Annia, Cassia, Cimina, tres Trajanæ, Amerina. Cf. via Annia cum ramulis.

3. viæ Flaminia (cf... Flamin. et Ti... Borghesi, opp. 7, 325). Un subcurator viæ Flaminiæ et alim(entorum) de rang équestre dans l’inscription de Bremenium, C. I. L. VII, 1054 ; cf. le succu(rator) viæ également de rang équestre VI, 3536.

4. viæ Æmilia. Un subcurator de rang équestre, C. I. L. X, 7587.

5. via salaria.

6. viæ Tiburtina et Valeria.

7. viæ Labicana et Latina vetus (C. I. L. III, 6154). Encore un subcurator viæ Latinæ dans une inscription du temps de Constantin, C. I. L. X, 3732.

8. via Latina n[ova ?], C. I. L. X, 5398.

9. via Appia.

10. viæ Trajana, Aurelia, Æclanensis (curateur de rang équestre, C. I. L. III, 1456 ; de rang sénatorial, Henzen, 5451).

Deux de ces voies, la voie Æmilia et la voie Trajana ne partent pas de Rome et ne devraient donc pas rentrer dans la compétence impériale. Mais pour la voie Æmilia, l’objection a été tournée en regardant, ainsi que le prouve indéniablement la continuation des chiffres des milles (C. I. L. V, p. 828), la voie Flaminia allant de Rome à Ariminum et la voie Æmilia allant d’Ariminum à Placentia et au delà jusqu’au Var, comme une voie unique divisée il cause de sa longueur entre deus curateurs ; ce qui faisait qu’Auguste était aussi compétent pour l’administration de la première. Trajan ne tint naturellement aucun compte du scrupule constitutionnel qui avait conduit Auguste à une fiction géographique aussi singulière, lorsqu’il construisit la route de Bénévent à Brundisium.

[15] La preuve en est dans l’intervention des deux Cn. Domitius Corbulo, le père et le fils, contre les détournements dont s’étaient rendus coupables sur les sommes allouées par l’Ærarium aux curatores viarum soit ces derniers, soit leurs redemptores (qui avaient aussi l’entreprise de la poste impériale et ont déjà été cités à ce propos dans le ch. Les postes impériales). Après que Corbulo le père eut longtemps formulé vainement des plaintes à ce sujet au sénat sous Tibère, Tacite, Ann. 3, 31, sur l’an 21, l’empereur Caligula donna au fils, son beau-frère, pleine liberté pour la poursuite de ces détournements, ce qui lui valut le consulat en l’an 39 (Dion, 59, 15). L’empereur Claude dans sa singulière indulgence invita l’Ærarium à restituer les amendes et Corbulon à faire la même chose (Dion, 60, 97), ce qui doit sans doute se rapporter à la fraction de l’amende qui revenait en pareil cas à l’accusateur.

[16] Venuleius, Digeste, 43, 23, 2 : Ut... novam (cloacam) facere is demum concedere debeat, cui viarum publicarum cura sit.

[17] Paul, 5, 6, 2.

[18] La relation de l’intervention de Corbulo en faveur de l’Ærarium (note 15) le montre de la manière la plus claire. En outre, puisque Auguste alloua à l’Ærarium une forte somme peu après la création de la cura viarum à raison de cette création, comme le montrent les monnaies de 738 (Eckhel, 6, 105) avec la légende s. p. q. R. Cæ(sari), quod v(ix) m(unitæ) s(unt) ex ea p(ecunia) q(uam) is ad a(erarium) de(tulit), il faut bien que les frais aient été directement à la charge de l’Ærarium. Il est dit pareillement de Pertinax (Vita, 9).

[19] Les donations citées note précédente, le montrent. Les frais des routes sont aussi représentés par Dion, 53, 22, comme supportés partie par le trésor et partie par le prince et les routes ne manquent pas non plus dans le budget du fisc, chez Stace. La forme suivie pour cette allocation parait avoir toujours été que le fisc allouât pour cela une somme à l’Ærarium et que celui-ci l’attribuât aux curateurs. Cf. Hirschfeld, Untersuch. p. 113.

[20] On n’oubliera pas que les capitaux n’étaient pas donnés par le gouvernement aux villes, par exemple, mais prêtés par lui aux propriétaires fonciers, de sorte que les intérêts échus étaient dus à l’empereur. C’est pourquoi la caisse alimentaire de chaque localité est toujours une caisse impériale, légalement distincte de la caisse de la cité corrélative.

[21] L’existence de cette institution dès le temps d’Hadrien me parait prouvée par l’inscription C. I. L. XIV, 3599, et je crois vraisemblable qu’elle remonte au temps de Trajan. Henzen, Ann. 1849, p. 226, est d’un avis différent.

[22] On peut jusqu’à présent établir l’existence des districts alimentaires ayant des préfets propres que voici : Clodia, Flaminia, Æmilia, salaria, Tiburtina Valeria, Appia (Henzen, loc. cit.) ; mais on ne pouvait arriver, en s’en tenant exclusivement aux routes, à une division s’étendant à toute l’Italie ; car il y avait de grands districts, comme ceux de Transpadana, Histria, Lucania, Bruttii, qu’elles ne touchaient pas.

[23] Il n’est pas rare que les titres de deux fonctions soient mêlés de telle sorte que la cura viæ et la præfectura alimentorum deviennent une cura viæ et alimentorum (ainsi, par exemple, C. I. L. VI, 1368 = XIV, 3993 ; cf. Henzen, Annali, 1849, p. 227) ; on rencontre aussi un subcur(ator) viæ Flaminiæ et aliment(arum). L’affinité des deux fonctions ressort encore plus clairement dans le titre assurément incorrect de C. Luxilius Sabinus sous Gordien (Orelli, 3143) cur(ator) viar(um) et præf(ectus) aliment(orum) Clodiæ et coharent(ium). Le biographe de Marc-Aurèle parait aussi avoir dans l’esprit une pareille combinaison quand il parle de curatores regionum ac viarum. Mais il y a aussi des præfecti alimentorum qui n’ont pas été en même temps curatores viarum (C. I. L. VI, 1532. XIV, 3601) ; et en particulier l’inscription de C. Suetrius Sabinus, qui fut d’abord curator viæ Latinæ n(ovæ) et ensuite, après certaines fonctions intermédiaires, præf. aliment. (C. I. L. X, 5398 ; cf. Eph. ep. I, p. 130), a montré qu’il faut distinguer la cura viæ et la præfectura alimentorum et que les inscriptions qui portent la formule curator viæ illius, præfectus alimentorum (comme par exemple C. I. L. V, 865. XIV, 3599) sont celles rédigées correctement. [Le sénatus-consulte sur les frais des jeux, Eph. ep. VII, 388 et ss., confirme, d’une part, directement que la préfecture alimentaire et la curatelle des routes sont des fonctions distinctes en confiant, ligne 43, son application en Italie præfectis aliment[orum], si aderunt, vel viæ curatori, et, d’autre part, indirectement que ces fonctions étaient réunies sur la même tête dans les municipes voisins des voies, en ne mentionnant que le curator dans la récapitulation, ligne 50. Cf. Eph. ep, VII, p. 398, note 3.] — Pour le surplus en comparera sur les præfecti alimentorum la dissertation composée avec soin de Henzen, Ann. dell’ inst. 1844, p. 41. 1849, p. 227 et ss. Hirschfeld, Getreideverwaltung, p. 33, leur a aussi rapporté avec vraisemblance, la fonction sénatoriale de la τών τροφών διάδοσις chez Dion, 78, 22.

[24] Nous en trouvons dans quatre districts : Trans Padum, Histria, Liburnia (C. I. L. III, 249. VIII, 822) ; Apulia Calabria Lucania Bruttii (C. I. L. II, 1085. III, 1456. XIV, 2922) ; Flaminia (C. I. L. X, 3865) ; Æmilia (Vita Pertinacis, 2). J’ai appelé l’attention sur leur rôle, en somme complémentaire, dans l’édition des Gromatici de Lachmann, 2, 195. Cf. Hirschfeld, Untersuch. p. 120.

[25] Hirschfeld, p. 117, admet que, dans la période qui va de Marc Aurèle à Macrin, il y a, au lieu des préfets de districts alimentaires, un préfet alimentaire unique pour toute l’Italie, résidant à Rome. Une mesure de ce genre pourrait, en effet, se lier avec la création des juridici par Marc-Aurèle et la restriction de leur compétence par Macrin. Mais les témoignages invoqués par Hirschfeld ne sont pas convaincants. La présence sur quelques pierres du præfectus alimentorum sans indication de district est d’autant moins probante que l’ancienne formule rigoureuse du titre n’ajoute pas le district et l’indique seulement par le rapprochement de notre fonction et de la cura viæ. L’occupation de la cura alimentorum par les empereurs Pertinax (Vita, 4) et Julien (Vita, 2), lorsqu’ils étaient déjà consulaires, n’a pas plus d’importance ; il suffit pour l’explication de ce fait que la cura ait monté ou que le consulat ait baissé en considération. — On pourrait plutôt se demander si Marc-Aurèle ne s’est pas efforcé, dans ses embarras financiers, de reprendre aux propriétaires fonciers les capitaux alimentaires et de mettre à la charge du trésor public les intérêts antérieurement payés par eux. La Vita Pertin. 9 : Alimentaria compendia, quæ novem annorum ex instituto Trajani debebantur, sustulit fait penser à une mesure de ce genre.

[26] Vita Marci, 4.

[27] [Sénatus-consulte de l’an 476-477 (Eph. ep. VII, 388 et ss.), lignes 43. 44 : Trans Padum autem perque omnes Italiæ regiones arbitrium injungendum præfectis aliment[orum], si aderunt, vel viæ curatori aut, si nec is præsens exit, juridico vel tum classis prætoriæ præfecto. Le texte ne leur donnant cette fonction que cum aderunt, permet en même temps de conclure qu’ils n’étaient obligés de passer qu’une partie de l’année dans la région dont ils avaient la cura ; malgré son état de corruption le passage du sénatus-consulte de l’an 743 (Frontin, De aq. 101) : Itemque, cum viarum curatoresque frumentique parte quarta anni publico jungebantur ministerio, ut curatores aquarum judiciis vacent privatis publicisque montre que ce devait être pendant un trimestre dont l’époque était peut-être fixée par la loi, peut-être choisie par lui. Cf. Eph. ep. VII, p. 398].

[28] Les témoignages sur de pareils rescrits réunis ici exclusivement à titre d’exemples ne se restreignent pas à l’Italie, que la condition juridique des villes, n’a guère pu faire soumettre à un régime différent sous ce rapport. Cela ne comporte aucun doute en ce qui concerne les cités sujettes et les cités de citoyens ; et en fait les empereurs doivent avoir traité de la même façon les institutions des cités autonomes elles-mêmes.

[29] C’est probablement en qualité de donateur qu’Auguste fit le règlement relatif à l’aqueduc de Venafrum (C. I. L. X, 4842). Un Aquinate est coopté comme patron par ses concitoyens ex auctoritate Ti. Cæsaris Augusti et ex permissu ejus (C. I. L. X, 5393), probablement parce qu’il n’était pas encore permis alors de conférer le patronat à des concitoyens. L’homme de Nola nommé déjà par Vespasien curator operum publicorum (C. I. L. X, 1266) est un précurseur des futurs agents de contrôle, s’il n’y avait pas là une libéralité impériale à employer ou quelque autre circonstance exceptionnelle.

[30] Au cas de constitution de nouvelles, cités ou à accroissement de cités existantes l’empereur ne concède pas seulement le nouveau droit de cité, il supprime souvent en même temps un droit de cité préexistant, notamment au cas de déduction de vétérans qui appartiennent à d’autres cités de citoyens. On rencontre aussi, quoique rarement, des changements de patrie accordés par voie de grâce C. I. L. II, 4249. II, 4217. Dion Chrysost. Ad Apamenos, éd. Reiske, p. 181. Cf. C. I. L. III, 1322. Pline, Ad Traj. 6. — Il faut remarquer à ce propos que la cité elle-même n’était en situation de concéder son droit de cité que dans de rares cas exceptionnels.

[31] Il n’y a pas besoin d’exemples, de la concession de l’immunité municipale par l’empereur. On rencontre aussi la dispense du décurionat accordée à un incola (C. I. L. II, 4227).

[32] Inscription de Corfinium, C. I. L. X, 3158. Inscription pariétaire de Pompéi, C. I. L. IV, 610. Cf. les explications de Henzen et de moi, Bull. dell’ inst. 1857, p. 41 et Zangemeister, sur C. I. L. IV, 1014. Une lettre d’Hadrien à la cité d’Éphèse (Dittenberger, Syll. 285) lui recommande son capitaine de navire qui est citoyen d’Éphèse. Cf. César, B. c. 3, 59. On ne peut attribuer au prince un droit de commendatio en forme pour les élections municipales. Les possesseurs de pouvoirs constituants sont sans doute allés dans cette voie plus loin que les empereurs.

[33] Gordien, Cod. Just. 1, 54, 3 : Curator rei publicæ, qui Græco vocabulo logista nuncupatur. Les curateurs en fonctions dans des villes grecques sont ainsi appelés même dans des inscriptions latines (C. I. L. II, 4114. X, 6006). Borghesi, Opp. 5, 142.

[34] Dans l’exposé qui suit, nous traitons cette institution dans son ensemble, car elle est essentiellement la même, quant au caractère et à la date, en Italie et dans les provinces ; nous avons précédemment parlé de sa relation spéciale avec les différentes catégories d’administration provinciale.

[35] Nous sommes ici presque exclusivement réduits aux inscriptions dont les résultats ont été rassemblés d’une manière excellente dans le travail de Henzen, sui curatori delle città antiche (Annall’ dell’ inst. 1851, p. 5 et ss.). Mais leur nombre autorise même des conclusions a silentio, ici celle tirée du fait que les plus anciens curatores rei publicæ qui nous soient connus sont du temps de Trajan (Orelli, 3737 = C. I. L. XI, 3807, de l’an 113. C. I. L. V, 4368). Je ne puis conclure avec Kuhn, Verfassung des rœmischen Reichs, 1, 31, de Digeste, 43, 24, 3, 4, que le jurisconsulte (et non pas l’empereur) Nerva ait déjà connu le curateur impérial.

[36] Lorsque la colonie d’Apamea en Bithynie soumit ses comptes communaux, sur la demande qu’il en avait faite, au légat impérial Pline, mais en ajoutant, pour réserver son droit, que cela ne s’était jamais fait et quelle n’y était pas obligée légalement, Trajan, en invitant le légat à vérifier les livres salvis privilegiis, donne clairement à comprendre en même temps que, si les citoyens avaient résisté, il ne les eut pas soutenus (Pline, Ad Traj. 48. 49).

[37] Ainsi on trouve un curator operum publicorum Venusiæ datus ab divo Hadriano (C. I. L. IX, 1160) et un curator operis thermarum datus ab imp. Cæsare Hadriano Aug. à Bénévent (C. I. L. IX, 1419) : Publico sumptu, dit Macer, Digeste, 50, 10, 3, 1, opus novum sine principis auctoritate fieri non licere conctitutionibus declaratur.

[38] Ainsi on trouve un honoratus ad curam kalendarii rei p. Canusinorum a divo Trajano Parthico et ab imp. Hadriano Aug. (C. I. L. IX, 1619). Antonin le Pieux a nommé de pareils curatores kalendarii à Nola (C. I. L. IX, 1160) et à Æclanum (C. I. L. X, 416).

[39] A la vérité, la plupart des inscriptions nomment simplement le curator sans rien de plus ; mais c’est avec pleine raison que Henzen, p. 14, revendique la nomination de tous ces curateurs pour l’empereur. La fonction étant presque exclusivement occupée par des personnes que le conseil communal ne pouvait forcer à revêtir des magistratures municipales, elles ne peuvent l’avoir reçue d’une pareille élection. Dans l’ordo honorum, elle ne figure jamais parmi les magistratures municipales et toujours parmi les fonctions publiques. S’il y avait eu des curatores rei publicæ élus par les cités, les curateurs impériaux s’en seraient distingués par l’addition ab imperatore dati ou une autre addition semblable ; or, on n’en trouve jamais de pareille ; lorsqu’il est question de la nomination impériale, l’empereur est toujours désigné individuellement.

[40] Vita Marci, 11. Mais on rencontré déjà sous Trajan des curateurs de rang sénatorial (par exemple, C. I. L. X, 6006 ; cf. Henzen, loc. cit. p. 21). La plupart des curateurs sénatoriaux sont même prétoriens ou consulaires ; les pedarii sont rares, mais les chevaliers fréquents (Henzen, loc. cit., p. 16, p. 22 et ss.) ; on rencontre à Cyzique un λογιοστής de rang équestre μετά ύπατικούς (C. I. Gr. 2782). Ces derniers recevaient un traitement ; ce sont les τάς πόλεις άρμόττοντες, que Lucien (Apologie, 11) cite parmi les fonctionnaires impériaux rétribués entre les procurateurs provinciaux et les officiers.

[41] Henzen, loc. cit. p. 15 et ss. Il semble qu’on ne pouvait être curateur que dans une ville où on n’avait pas son domicile. Il arrive souvent que plusieurs villes voisines reçoivent le même curateur (ainsi quatre villes du Picenum, C. I. L. IX, 5126). Le curator civitatum per Æmiliam de l’inscription de Cirta, C. I. L. VIII, 7030, n’est sans doute pas autre chose. On ne trouve pas de curateurs donnés à des pays.

[42] La preuve en est, en dehors du nom grec λογιστής et du nom latin curator rei publicæ (car la res publica, ce n’est pas la cité, mais le patrimoine de la cité) et de nombreux textes des recueils juridiques (par exemple, Digeste, 43, 24, 3, 4), spécialement dans le remarquable extrait des procès-verbaux de la commune de Cære (Orelli, 3187 = C. I. L. XI, 3614) concernant l’attribution d’un immeuble communal aux Augustales. Au reste, il est possible que la compétence du curateur ait plus tard été élargie. Cf. Orelli, 3701 = C. I. L. XIV, 2410 ; Henzen, loc. cit. p. 22. Kuhn, Verfassung des rœmischen Reichs, 1, 41. 59 ; Marquardt, Handb. 4, 163 = tr. fr. 8, 229.

[43] Alexandre Sévère, Cod. Just. 7, 46, 2.

[44] C. I. L. XIV, 2410.

[45] Gordien, Cod. Just. 1, 54, 3.

[46] Ce ne peut être révoqué en doute d’après les principes généraux. Nous n’avons pas de témoignages sur la durée des fonctions.

[47] Vita Hadriani, 22. Vita Pii, 2 (cf. 3). Vita Marci, 11. Appien, B. c. 1, 38.

[48] Appien, B. c. 1, 38.

[49] Vita Marci, 11. C. I. L. V, 1874 (sous Marc-Aurèle et L. Verus). Dion, 78, 22.

[50] Scævola, Digeste, 40, 5, 41, 5.

[51] Ulpien, Vat. fr. 205. 232. 241.

[52] [Le sénatus-consulte sur la réduction de frais des jeux les charge aussi de pourvoir à son observation, en l’absence des præfecti alimentorum et des curatores viarum.]

[53] Hadrien nomma quatre juridici ; il doit, plus tard, y en avoir eu davantage ; mais nous ne savons pas si le nombre était toujours égal, ni combien ils ont été.

[54] Nous ne savons comment s’appelaient les juges d’Hadrien ; ceux de Marc-Aurèle portent, dès le principe, le nom de juridicus comme titre officiel. La dénomination de legatus est constamment évitée.

[55] Le plus récent relevé des circonscriptions des juridici est celui de Marquardt, Handb. 4, 226 — tr. fr. 9, 20 (le juridicus Æmiliæ, Etruriæ [peut-être Liguriæ] et Tusciæ se trouve C. I. L. VIII, 591). Mon opinion ancienne (Feldmesser, 2, 193), selon laquelle il n’y avait pas de circonscriptions fixes, me parait, quoique Marquardt la révoque en doute, être désormais hors de conteste, puisqu’on trouve les unes à côté des autres Æmilia FlaminiaÆmilia Liguria (?) TusciaFlaminia UmbriaFlaminia Umbria PicenumTuscia PicenumPicenum ApuliaApulia CalabriaCalabria Lucania Bruttii. L’essai fait pour rattacher ces pays eux-mêmes aux onze régions d’Auguste me parait aussi, au moins dans les termes où il a été fait, inadmissible ; il est évident que la répartition en districts, prise ici pour base, a subi l’influence à la fois d’institutions anciennes et d’institutions nouvelles, en particulier de la cura viarum, du système des aliments et de celui de la poste et aussi de celui de l’impôt sur les successions (Hirschfeld, Untersuch. p. 65). La division de l’Italie en circonscriptions d’après les divers points de vue, attend encore une étude approfondie.

[56] Cette expression ne se trouve nulle part, sauf dans Ulpien, note 51, où elle est employée par opposition aux regiones juridicorum. Ces régions étant absolument inconciliables avec la délimitation postérieure de la compétence des præfecti urbi et prætorio par la centième borne milliaire, on ne peut voir dans l’urbica diœcesis le territoire qui s’étend autour de Rome jusqu’à la centième borne milliaire. Il résulte, d’autre part, de ce qui a été dit, note 55, que la limite n’était même pas fixe et que ce qui constitue l’urbica diœcesis, c’est simplement le territoire qui n’est pas pour le moment confié à des juridici, c’est-à-dire sans doute le plus souvent l’Étrurie et la Campanie, parfois la Campanie seulement. [Cf. le sénatus-consulte cité, note 27, qui, précisément pour cette raison, confère en Campanie la surveillance de son application au préfet de la flotte de Misène ; à la vérité, il fait la même chose sans le même motif en Émilie pour le préfet de la flotte de Ravenne. Eph. ep. VII, p. 398.]

[57] Ces dernières n’ont eu, de tout temps, qu’une juridiction limitée ; on ne peut tout au moins établir qu’elle ait encore été restreinte par la suite.

[58] Les affaires de fidéicommis et de tutelle étaient portées jusqu’alors de toute l’Italie à Rome, devant les tribunaux compétents et les contestations relatives au décurionat devant le præfectus urbi. Pour le dernier cas, il est attesté directement que cette compétence a appartenu au préfet de la ville jusqu’à l’institution des juridici et a alors passé à ces derniers.

[59] Dion, 78, 22 sur l’an 217. Borghesi et Henzen ont adhéré à mon explication de ce texte (Feldmesser, 2, 195, note 69) ; je ne peux, même après les observations de Bethmann Hollweg, Civilprozess, 3, 66, et de Marquardt, p. 224, note 6 = 9, p. 17, note 5, trouver les mots de Dion plus obscurs ni plus abrégés que nombre d’autres de ses relations. Orelli 3174 = C. I. L. XI, 376 : Juridicus de infinito per Flam. Umbriam Picenum.

[60] C. Octavius Suetrius, consul en 214, apparaît peu après son consulat comme electus ad corrigendum statum Italiæ (C. I. L. X, 5398, cf. Ephem. epigr. I, 138) ; Pomponius Bassus, probablement le consul de 258. 272, comme έπανορθ(ωτής) πάση[ς Ίταλίας] (loc. cit.). Tetricus sous Aurélien, comme corrector totius Italiæ (Vita XXX tyr. c. 14). On rencontre même encore, dans les premières années de Dioclétien, un corrector Italiæ. Tout cela est développé plus en détail, Eph. ep., loc. cit.

[61] J’ai montré, Eph. ep., loc. cit., qu’il n’y a pas dans ce sens de témoignages entièrement probants. Si, par exemple, Tetricus est appelé ailleurs corrector Lucaniæ, l’une ou l’autre des allégations peut seule être exacte et, le corrector Lucaniæ étant aussi familier aux gens de la période récente que le corrector Italiæ leur est inconnu, on peut voir là une preuve de la vérité de la seconde dénomination. Cf. Handb. 4, 229 = tr. fr. 9, p. 24.