LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE PREMIER. — LA MAGISTRATURE.

LA REPRÉSENTATION DU MAGISTRAT.

 

 

EXERCICE DES FONCTIONS DE MAGISTRAT PAR UN CITOYEN AU CAS DE FORCE MAJEURE.

Toutes les règles légales sur le commandement et l’obéissance, qui constituent au sens propre la constitution de l’État, disparaissent quand un danger immédiat requiert un remède immédiat. Il y a un droit de légitime défense pour l’individu, dans les circonstances pressantes oit la protection de l’État vient en fait à lui manquer. Il y a de même un droit de légitime défense pour l’État, et pour trous ses citoyens, quand la constitution est en danger et que la magistrature n’est pas exercée. Bien qu’il soit en un certain sens en dehors de la sphère du droit, il est pourtant nécessaire d’expliquer la nature et les applications de ce droit de légitime défense dans la mesure où il comporte une exposition théorique.

La force majeure et ses conséquences se limitent par essence à la défense contre le danger militaire, qu’il soit provoqué par des ennemis extérieurs ou par dois troubles intérieurs. Il en résulte un commandement fondé sur la force majeure, si les personnes que ce danger menace n’ont pifs à leur tête de magistrat ou dit moins de magistrat avant droit au commandement ou susceptible de l’exercer. La vacance légale du commandement en chef, n’est aucunement requise. Tout détachement actuellement seul en campagne, qui perd son chef, toute garnison d’une place assiégée, qui est privée de son commandant, se trouve dans un cas de force majeure. Et il fut également déclaré exister pour la ville de Rome, lorsque Hannibal menaça de l’assiéger en 543, bien que les consuls et le préteur urbain se trouvassent dans la ville et y occupassent le commandement. Il peut même exister en face de l’autorité légitime. Si le commandant d’une place assiégée est, par trahison ou lâcheté, disposé à capituler, ou même si le général en chef en personne est d’accord avec l’ennemi, la force majeure existe sans contestation et l’initiative individuelle est autant un droit qu’un devoir[1].

Il ne peut pas être donné de formule générale pour les cas de force majeure. Mais il est fréquemment praticable de mettre sur ce terrain périlleux des barrières à l’arbitraire individuel, par la constatation autorisée de la survenance dit péril public. Il semble avoir existé dans ce sens une certaine, tradition, notamment pour le cas d’attaque directe de la ville de Rome par l’étranger.

Notre tradition, dans laquelle en particulier manquent absolument les descriptions exactes des crises périlleuses de la guerre sociale, nous fournit, sur la procédure suivie quand Rome était menacée par un ennemi extérieur, à part quelques récits dépourvus d’authenticité des débuts de la République[2], un seul témoignage aligne de foi. Il concerne, les événements déjà cités qui se produisirent lors de la marche d’Hannibal sur Rome et son caractère essentiel est que le sénat déclara la présence de la force majeure et prescrivit, pour tout le temps que l’ennemi serait devant les portes de la ville, les mesures contraires aux institutions régulières que nous allons avoir à étudier plus loin. Mais tant la nature des choses que la consistance du sénatus-consulte, rendent au plus haut degré vraisemblable que, dans l’époque ancienne oit le danger militaire était bien moins éloigné de la ville et où sinon Hannibal, au moins l’ennemi se trouvait très fréquemment devant ses portes, des mesures semblables ont été prises à bien des reprises et ont seulement disparu de nos annales, laconiques et soumises à des remaniements nombreux par un faux patriotisme. Le péril produit par de telles attaques différait naturellement beaucoup. Dans des cas nombreux, les dispositions militaires ordinaires suffisaient, tandis que, dans d’autres, l’existence de la cité se trouvait en jeu. Il était dans la nature des choses que, dans le second ordre de cas, le sénat réuni sur le champ le déclarât et en avisât les citoyens. La constatation de l’état de force majeure par un sénatus-consulte était, par conséquent, dans ce cas, non pas légalement nécessaire, puisque les règles de forme ne s’y appliquent pas, mais probablement prescrite par l’usage.

Il n’a jamais été contesté en théorie que ce droit fondé sur la loi martiale pût être exercé, aussi bien que contre l’ennemi du dehors, contre les citoyens qui se conduisaient envers leur pays de la même façon qu’un pays ennemi ; et par suite, on pouvait revendiquer pour le sénat, le droit de proclamer, même dans le cas de troubles intérieurs, l’état de force majeure. Cependant cette conséquence aussi exacte logiquement que nuisible politiquement, n’a, autant que nous sachions, jamais été tirée à la benne époque de la République. Ce sont les républicains conservateurs du vue siècle qui ont les premiers fait l’application pratique et construit la théorie de la proclamation de la loi martiale contre des adversaires politiques[3]. Le premier pas dans cette voie néfaste fut fait en 621, à l’occasion des mouvements que le tribun Ti. Gracchus provoqua par sa loi agraire. En présence de la réélection imminente et assurément inconstitutionnelle de ce dernier, la majorité du sénat proclama la loi martiale. Il fut donné suite à cette invitation malgré l’opposition des magistrats, un citoyen qui n’était pas magistrat appela ceux qui pensaient comme lui à se faire justice[4], et l’événement lui donna raison, car Ies poursuites judiciaires ne furent pas dirigées contre lui et ses compagnons, mais contre les complices du tribun tué légalement. Désormais le parti conservateur maintint avec persévérance que le sénat avait le droit, en face de troubles intérieurs, de proclamer le cas de force majeure par une dernière et extrême résolution[5]. Il est vrai que ce n’était là aucunement du droit publie reconnu par tous. Le parti populaire l’a toujours contesté en fait, ainsi que l’établissent l’accusation dirigée contre C. Rabirius accusé d’avoir, en vertu d’un tel sénatus-consulte, mis à mort le tribun Saturninus en 654, et l’exil de Cicéron qui avait, en s’appuyant sur un autre, fait exécuter, en qualité de consul, des condamnations capitales contre les compagnons de Catilina. C’est encore à cela que se rattache, avec un meilleur vernis d’impartialité, le refus de P. Mucius Scævola, le premier jurisconsulte de son temps, d’agir, en qualité de consul de 621, contre Ti. Gracchus, en vertu d’un pareil sénatus-consulte. La proclamation de la loi martiale par un sénatus-consulte servit encore à quelques reprises, sous le triumvirat, d’arme à ceux qui avaient le pouvoir[6]. Le Principat a laissé disparaître cette procédure, partie parce qu’elle était étroitement liée à la domination du sénat, partie parce que la situation du prince muni une fois pour toutes du pouvoir extraordinaire pour les cas d’urgence ne laissait pas de place pour une délégation extraordinaire de ce genre[7].

Lorsque la force majeure existe ou est reconnue exister, les citoyens ont, en règle générale, le droit d’agir par eux-mêmes. Mais cependant les conséquences sont toutes différentes selon que les individus sous le coup de la force majeure sont ou ne sont pas des soldats.

Le détachement ou l’armée dépourvue de chef doit trouver un nouveau chef. La hiérarchie militaire, qui, dans nos institutions, intervient pour combler un tel vide, ne le faisait à Rome que d’une manière imparfaite. Il n’y avait pas de détermination suffisante des rangs entre les grades subalternes[8] ; il n’y avait pas, non plus, au sens strict, de commandement éventuellement appelé à prendre nécessairement la place de celui du général en chef s’il venait à disparaître. Le système romain tirait entre le général en chef et les officiers et soldats une ligne de démarcation profonde : celle qui existe entre le droit illimité d’ordonner et le devoir illimité d’obéir. Ici on remontait au principe que, lorsqu’il faut repousser l’ennemi les armes à la main, de même que chacun est soldat, chacun peut aussi être général : on recourait donc à une usurpation des pouvoirs de général limitée par la nécessité. Le choix de la personne émanait en règle des troupes dépourvues de chef, régulièrement des officiers[9] ; cependant il est aussi arrivé que les soldats aient voté[10]. Naturellement le choix se portait d’ordinaire sur le plus distingué des officiers en question ; môme, le questeur étant considéré comme étant en fait le commandant en second à côté du général[11], on ne faisait sans doute pas d’élection en forme quand il y en avait un[12] et il était regardé comme étant de droit le commandant intérimaire[13].

Ce commandement, fondé sur la nécessité, s’étend, soi quant à la portée, soit quant à la durée, autant que cette nécessité le demande et pas davantage. Dans les cas secondaires, le titulaire de ce commandement a seulement les pouvoirs de l’officier qui fait défaut. Au contraire, lorsque c’est le commandement suprême qui a été acquis de cette façon, son titulaire a l’imperium lui-même et les droits qui en sont inséparables, par exemple, le droit de punir qui appartient au général ; on peut douter qu’il ait celui d’accorder des récompenses. Les insignes de magistrat[14] et le titre de promagistrat appartenant au représentant légitime ont été revendiqués pour ceux qui exerçaient ainsi la représentation en vertu d’une force majeure[15] et, dans les derniers temps de la République, ils leur ont été parfois accordés par les autorités de Rome[16]. — Quant à sa durée, il se comprend de soi-même que ce commandement fondé sur la nécessité s’évanouit de droit, si un officier ou un général ayant constitutionnellement qualité pour commander arrive près du corps de troupes ou de l’armée.

A Rome, si le cas de force majeure est déclaré exister par le sénat, il en résulte d’abord que tout citoyen, magistrat ou particulier, appelé ou non appelé, doit faire face à l’ennemi les armes à la main. L’invitation s’adressait naturellement en premier lieu aux magistrats en fonctions, en tant qu’ils ne comptaient pas eux-mêmes parmi les ennemis[17] ; le dernier et extrême sénatus-consulte par lequel la guerre civile est proclamée se borne même, quant à la forme, à inviter les magistrats supérieurs, c’est-à-dire les consuls et à leur défaut l’interroi[18], et de plus les préteurs[19], les tribuns du peuple[20] et les gouverneurs qui peuvent se trouver en Italie[21] à veiller à ce que l’État ne subisse pas de préjudice[22]. Mais, si la mention des tribuns du peuple et des gouverneurs de provinces qui n’ont pas l’imperium ou qui ne l’ont que de nom suffit à interdire de considérer cet appel comme une simple invitation d’exercer énergiquement leurs pouvoirs constitutionnels adressée aux magistrats, cela résulte encore plus nettement de ce que, d’après le sénatus-consulte rendu à l’approche d’Hannibal, tous les ex-dictateurs, consuls et censeurs devaient recevoir l’imperium et le conserver jusqu’à la retraite de l’ennemi[23]. Cela n’est pas, ainsi que le montre spécialement l’appel des censorii, une prorogation exceptionnelle des magistratures précédemment exercées, prorogation qui n’aurait du reste pas pu être prononcée par le sénat dans cette forme. Ce n’est pas du tout au point de vue des règles du droit pur qu’il faut apprécier ces sénatus-consultes. Ici c’est la nécessité qui fait le droit, et le sénat, en la reconnaissant, se contente d’ajouter, en sa qualité vie premier corps consultatif de l’État, des avis sur la meilleure façon d’organiser l’activité individuelle désormais licite et nécessaire.

Tout citoyen a à prendre son poste et, selon les circonstances, à faire son devoir, soit comme officier, soit comme soldat : ceux qui ont été magistrats et ceux qui le sont actuellement sont appelés à donner le bon exemple et à exercer le commandement par préférence. Il n’y a pas là d’atteinte propre aux pouvoirs constitutionnels des magistrats. Lors de la marche d’Hannibal sur Rome, de même que les citoyens se réunissent comme soldats à côté des troupes qui se trouvent dans la capitale, les magistrats sans imperium et les ex-magistrats se mettent à leur tête. L’imperium de ces généraux créés par la nécessité existe à côté de celui des consuls à peu près comme celui du préteur urbain ou du proconsul à côté de l’imperium consulaire. Il est de la même nature ; seulement, en cas de conflit, c’est lui qui a le dessous. Mais, si l’imperium de magistrats vient à faire défaut, un citoyen isolé peut également exercer l’imperium sans s’occuper des magistrats, comme fit Scipion Nasica en 621 ; l’initiative individuelle licite peut s’exercer môme lorsqu’il n’y a pas de magistrats ou qu’ils ne veulent pas agir. L’appel à la résistance provoqué par un péril militaire soudain émane donc ou bien d’un magistrat en droit de lever des troupes, et alors les formes du tumultus et de la conjuratio remplacent les formes régulières du dilectus et du sacramentum[24], ou bien d’un magistrat qui n’a pas ce droit, ou même d’un particulier[25] ; et ce troisième mode de formation de l’armée porte le nom d’evocatio[26].

Les pouvoirs que l’on obtient par là sont les pouvoirs ordinaires du général, et cela qu’ils s’exercent contre l’ennemi du dehors assiégeant Rome, ou contre des citoyens insurgés dont le droit de provocation disparaît alors logiquement tant que l’on est sous l’empire de la loi martiale[27]. Au reste, ce commandement, quelque forme qu’il prenne, est encore moins formulé théoriquement que le commandement correspondant, fondé sur la nécessité, dans le territoire militiæ, et il disparaît comme lui, de plein droit, avec la fin du danger.

Le commandement fondé sur la nécessité se présente sous une forme toute spéciale dans la guerre entre César et Antoine. Lorsque cette guerre éclata en 722, ils n’avaient, si l’on considère le triumvirat comme affecté d’un terme légal, ni l’un ni l’autre de pouvoirs. Il sera expliqué en son lieu, qu’Antoine regarda et pouvait regarder le triumvirat comme subsistant encore et que César fit probablement la môme chose pendant la durée de la lutte. Mais, d’un autre côté, nous savons, par le témoignage même de ce dernier, qu’au moins postérieurement, il n’invoqua pas le titre juridique résultant pour lui du triumvirat et se désigna comme appelé à la conduite de l’État par l’accord unanime de tous les citoyens[28]. Nous trouvons donc là le commandement basé sur la nécessité à la dernière puissance, conféré moins par un sénatus-consulte en forme que par la manifestation directe de la volonté du peuple ; ne s’étendant pas seulement au péril militaire immédiat, mais jusqu’à la terminaison définitive de la crise politique et militaire ; s’élevant du rôle de poste d’officier concédé à des particuliers de mérite à côté du commandement qu’ont les magistrats, au caractère d’autorité suprême mise au-dessus de tous les commandements de magistrats. Il est évident que cette conception dépasse de bien loin la nature du commandement acquis en vertu de la force majeure, son caractère nécessairement éphémère ; elle n’est pas non plus autre chose qu’une fiction inventée après coup. Mais néanmoins elle a exercé une influence déterminante sur la constitution du Principat. Nous aurons plus tard à montrer que c’est sur ce modèle que s’y acquiert l’imperium.

 

 

 



[1] Lorsque après la bataille de Cannes, le tribun militaire Scipion, et ceux qui partagent ses sentiments, traitent comme des ennemis du pays ceux qui désespérèrent lâchement de la patrie (Tite-Live, 2, 53, 7), cela rentre absolument dans le même ordre ; Scipion n’agit pas en vertu de ses pouvoirs d’officier, mais en vertu des droits qu’à le soldat fidèle au drapeau contre celui qui l’abandonne.

[2] Aucun juge compétent ne verra dans le récit des évènements de 290, dans Tite-Live, 3, 4, 911 et dans Denys, 11, 63, autre chose que les couleurs bien connues des retouches faites ans annales à l’époque récente de la République. Denys, 9, 16, fait, encore, en 276, entrer en campagne avec les deux consuls deux proconsuls, l’ex-consul K. Fabius, et Ser. Furius.

[3] Par voie de conséquence, on intercala dans les annales des siècles antérieurs quelques précédents de ce genre ; ainsi en 290, lorsque le consul après avoir perdu une bataille est investi dans son camp par les Èques (Tite-live, 3, 4), sans que l’on puisse même voir qui est déclaré bars la loi ; ainsi en 370 lors de la prétendue conspiration de M. Manlius, Tite-Live, 6, 19 : Plusieurs s'écrient qu'il faudrait ici un Servilius Ahala, qui, sans faire jeter en prison un ennemi public, que cette peine irrite encore, saurait perdre un seul homme pour finir cette guerre intestine. Plus douce d'expression, la décision qu'on adopta avait même vigueur : Les magistrats veilleront à ce que des pernicieux desseins de M. Manlius la république ne reçoive aucun dommage. Le caractère moderne des deux interpolations est prouvé par la faiblesse du lien qui les rattache au reste du récit, et par l’absence absolue de résultats des deux sénatus-consultes. Ce qui vient ensuite, c’est, dans la première hypothèse, comme il est naturel, l’enrôlement de tous les citoyens et, dans In seconde, une accusation tribunicienne à laquelle le senatus consultum ultimum constitue un singulier préambule.

[4] Valère Max. 3, 2, 17. Plutarque, Ti. Gracchus, 19 et beaucoup d’autres textes. C’est dans le même sens que M. Brutus voulait que fut défendu le meurtre de P. Clodius : Interfici Clodius pro re p. fuisse (Asconius, In Milon, p. 42).

[5] César, B. c. 1, 5, l’appelle illud extremum atque ultimum senatus consultum ; Tite-Live, 3, 4, 9 : Forma senatus consulli ultimæ semper necessitatis habita.

[6] Dion, 46, 47, dit du second César, consul en 711 : καί τέλος τήν τε φυλακήν τής πόλεως, ώστε πάνθ' όσα βούλοιτο καί έκ τών νόμων ποιεΐν έχειν, παρέλαβε. Le même auteur, 48, 33, rapporte l’exécution de Salvienus Rufus, après la discussion de l’affaire au sénat en 714, et il ajoute : il y eut des supplications à cette occasion, et, en outre, la garde de la ville fut remise aux triumvirs, avec l'injonction habituelle de veiller à ce qu'elle n'éprouvât aucun dommage.

[7] C’est pourquoi le consul Sentius refusa ces pouvoirs en 734 (Dion, 54, 10) — c’est la dernière mention que l’on trouve de cette institution — et se contenta de menacer de la vindicta consularis (Velleius, 2, 92). Lorsque, en l’an 31, après la chute de Séjan, Tibère commande à tous les magistrats de veiller sur la ville (Dion, 58, 12), il ne fait qu’accentuer une obligation dont ils étaient déjà tenus en dehors de cela.

[8] Le questeur est assurément le premier en rang des officiers ; mais pour les tribuns militaires et les divers præfecti rien n’indique un ordre fixe d’après lequel, dans les cas de nécessité, rue passerait avant l’autre. Les legati, qui il est vrai sont d’origine plus récente, ne peuvent pas du tout être classés à une place fixe.

[9] Lorsque le commandement en chef se trouva vacant dans la province de Syrie par suite du bannissement du légat impérial Pison et de la mort du fils de L’empereur, Germanicus, qui y résidait avec un imperium malus, les légats et les autres sénateurs présents délibérèrent sur le point de savoir quisnam Syriæ præfaceretur ; et ceteris modice nisis inter Vibium Marsum (consul en l’an 47 de l’ère chrétienne) et Cn. Sentium (consul en l’an 4 de l’ère chrétienne) diu quæsitum, dein Marsus seniori et acrius tendenti Sentio concessit. La réunion de tous les sénateurs est conforme à l’usage de la fin de la République (Salluste, Jug. 62, 104). A l’époque ancienne on devait réunir les officiers ; on ne peut déterminer jusqu’à quel grade on descendait pour cela, puisqu’il n’y a pas dans l’armée romaine de conseil de guerre dont la composition soit fermée et que nous n’avons pas d’exemples.

[10] Après la mort du général P. Scipion envoyé en Espagne en 542, les soldats se nommèrent un général à l’élection (Tite-Live, 23, 37, 6). Ce fut, il est vrai, désapprouvé par le sénat (Tite-Live, 26, 2, 2), probablement surtout parce quelles voix s’étaient portées sur un simple centurion (Marcius est appelé priori primi centurio dans Cicéron, Pro Balb. 15, 34, et à tort tribun militaire dans Valère Max. 2, 7, 45), par préférence, à des officiers supérieurs de l’ordre sénatorial, en particulier de Ti. Fonteius qui était légat de Scipion (Tite-Live, 25, 37, 4) ; et par conséquent probablement tribun militaire et certainement sénateur. Mais l’élection ne fut ni regardée comme nulle, ni annulée intégralement : les troupes furent remises au nouveau général par Fonteius et par Marcius (Tite-Live, 26, 47, 3), si bien que tous deux paraissent avoir été mis pour le commandement sur le même pied par le sénat. !fais évidemment les objections n’étaient pas du tout dirigées contre la nomination du général elle-même, mais contre le transfert des comices dans les camps — assurément contraire à l’usage et injustifiable en pratique, sinon en théorie. — Si plus tard Marcius est employé comme officier supérieur (legatus : Tite-Live, 28, 22, 1) dans l’armée de Scipion, et conclut, en cette qualité, en 548, le traité avec Gadès (Tite-Live, 28, 37, 10 ; Cicéron, Pro Balbo, 15, 34), cela n’a rien à faire avec son commandement fondé sur la force majeure d’auparavant : la relation colorée de Cicéron, qui pourrait faire croire à une pareille corrélation, est inconciliable avec le fait, que cette ville, fut évacuée par les Carthaginois la dernière de toutes. — Un événement analogue, du temps du siège du Capitole par les Gaulois, où les soldats qui se trouvent à Véies se donnent pour chef un centurion, Q. Cædicius, est raconté par Tite-Live, 5, 45. — Lorsque le propréteur de César en Espagne ultérieure, Q. Cassius Longinus, est cru mort, les soldats acclament comme général L. Laterensis (peut-être le questeur) : Sollitur a multiludine in tribunal, prætor appellatur : Bell. Alex. 53. Cf. 59.

[11] V. tome IV, la section des questeurs des généraux. Que l’on se rappelle l’opposition dans l’intérieur du camp du prætorium et du quæstorium.

[12] Ce n’est pas le cas dans la plupart des hypothèses citées notes 9 et 10.

[13] C’est ainsi que le commandement fut pris en 542 après la mort du consul Gracchus par son questeur Cn. Cornelius (Tite-Live, 25, 47, 7. c. 19, 4) ; en 637, après la mort du préteur de Macédoine Sex. Pompeius, par son questeur M. Annius (Dittenbergen, Syll. 247) ; en 701, après la mort du proconsul de Syrie, Crassus, par son proquesteur C. Cassius (Cicéron, Ad fam. 15, 4. Drumann, 2, 118).

[14] Catilina qui doit s’être arrogé un tel commandement fondé sur la force majeure portait les faisceaux (Cicéron, Cat. 2, 6, 13 ; Salluste, Cat. 37), certainement non pas comme consul, ainsi que le dit Dion, 37, 33, mais au contraire, ώς τις άνθύπατος (Appien, B. c. 2, 3).

[15] Marcius se nommait dans ses dépêches au sénat pro prætore, mais ce titre ne lui fut pas reconnu par le sénat (Tite-Live, 26, 2).

[16] C’est ainsi que le proquesteur d’Asie P. Lentulus se nomme, après la mort de son gouverneur C. Trebonius, pro quæstore pro prætore (Cicéron, Ad fam. 12, 15 ; Drumann, 2, 45).

[17] La formule adoptée en 654 : Ut C. Marius L. Valerius cos. adhiberent tribunos pl. et prætores quos eis videretur (Cicéron, Pro Rab. 7, 20), fut choisie parce que les adversaires avaient pour chefs un préteur et un tribun du peuple.

[18] Ainsi en 677 (Salluste, Hist., éd. Dietsch, 1, 49, 22), et en 702 (Asconius, In Milon., p. 35 ; Dion, 40, 49). Tite-Live, 6, 19, nomme les tribuns consulaires ; Dion, 46, 44, les préteurs en l’absence des consuls ; Dion, 43, 33, les IIIviri r. p. c. en 714.

[19] Tite-Live, 6, 19, 4. — Cicéron, Pro Rab. loc. cit. — Asconius, In Milon. p. 35. Dion, 40, 49. — Cicéron, Ad fam., 16, 11, 2. César, B. c. 1, 5.

[20] Cicéron, Pro Rab., loc. cit. Ad fam. 16, 11, 2. César. B. c. 1, 5.

[21] Ainsi en 677. Salluste, Hist. 1, 49, 22. — Le sénat emploie notamment contre Catilina Q. Marcius Rex et Q. Metellus Creticus : Ei utrique ad urbem imperatores erant, imperediti ne triumpharet (Salluste, Cat. 30 ; Drumann, 5, 452). — En 702, Asconius, In Milon. 13. 33. Dion, 40, 48, — En 705. César, B. c. 1, 5 ; Cicéron, Ad fam. 10, 11, 2.

[22] La rédaction n’était pas toujours la même : en 654, elle portait : Ut... consules... operam darent, ut imperium populi majestasque conservaretur (Cicéron, Pro Rab. ad pop. 7, 20) ; ordinairement, par exemple en 705 (César, B. c. 1, 5 ; Ciron, Ad fam. 10, 11, 2) : Dent operam consules... ne quid res p. detrimentum capiat, expressions par lesquelles Tibère résume dans Tacite, Ann. 4, 19, l’officium du consul.

[23] Tite-Live, 26, 10, 9.

[24] Dans la motion faite par Cicéron en 711 (Cicéron, Phil. 5, 12), tumultum decerni et consulibus permittendum, ut provideant, ne guid res p. detrimenti accipiat sont synonymes. Dion, 41, 2, qualifie de même tout à fait exactement le sénatus-consulte de 705 de déclaration de tumultus, et César lui-même en dit, B. c. 1, 7 : Qua voce et quod senatus consulto populus Romanus ad arma sit vocatus. Cicéron en fait un tableau animé, Pro Rab. ad pop. 7. Dans les années 691, 702 (Asconius, In Mil. p. 35) et 705, cette résolution eut aussi pour conséquence immédiate une levée générale dans toute l’Italie. C’est là le tumultuarius dilectus souvent cité (Tite-Live, 40, 26, 6. 43, 11, 11), l’invitation à le suivre qu’adresse le magistrat aux individus propres à porter les armes (Tite-Live, 7, 9, 6. 32, 26, 11. 34, 56, 11) appliquée à la guerre civile.

[25] Le service des soldats sans magistrat qui les commande n’est même pas restreint, dans le plus ancien droit, au cas de force majeure. Les expéditions de volontaires, organisées pour faire du butin, y étaient sans doute licites contre les voisins avec lesquels Rome n’était pas liée par des traités, et l’expédition des Fabius est probablement destinée, dans la tradition, à servir d’exemple, (Servius, Ad Æn. 7, 614) ; car la légende la conçoit évidemment comme n’étant dirigée par aucun magistrat. Dans le système du droit de la guerre qui nous est connu, la guerre faite sans magistrat n’a trouvé place que sous la forme du commandement motivé par la force majeure ; et encore peut-on plutôt la déduire de nos annales plus policées que l’y trouver attestée directement.

[26] Servius, Ad Æn. 8, 1 : Apud majores nostros tria erant militiæ genera,... nam aut legitima erat militia aut conjuratio aut evocatio, ce qui est ensuite plus longuement développé, cf. le même sur 2, 157. 7, 614. Scolies sur Térence, Eun. 4, 7, 2. Isidore, Orig. 9, 3, 53-55. Eph. ep. IV, 142. La formule : Qui rem publicam salvam esse velit, me sequatur est la même pour le tumultus et pour l’evocatio.

[27] Cicéron, Phil. 2, 21, 51. Salluste, Catilina, 29. Tite-Live, 6, 19. Cicéron, Pro Mil. 26, 70 et 71.

[28] Monument d’Ancyre, 6, 13 (complété à l’aide de la traduction grecque) : Per consensum universorum [potitus rerum omn]ium. Une résolution est pareillement prise à Pise, faute de magistrats, per consensum universorum (Orelli, 643 = C. I. L. XI, 1421).