LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE PREMIER. — LA MAGISTRATURE.

DÉSIGNATION. COMMENCEMENT ET FIN DES FONCTIONS. TERMES DE LA MAGISTRATURE.

 

 

TERME DE L’ENTRÉE EN FONCTIONS. TERME DE LA MAGISTRATURE.

Le moment de l’entrée en fonctions pouvait être fixé expressément dans la lex rogationis ; et il est probable que cela avait lieu fréquemment, peut-être ordinairement. Mais la façon dont ce jour est fixé, comme celle dont est déterminée l’époque d’entrée en fonctions à défaut de fixation expresse, dépend directement d’une distinction déjà signalée, de la distinction du cas où la magistrature est vacante au moment du vote et de celui où elle ne l’est pas. Si l’élection porte sur une magistrature vacante, le moment où le vote se termine est par présomption celui de l’entrée en fonctions ; elle a lieu ex templo[1]. En pareil cas, le commencement des fonctions ne coïncide donc pas avec le commencement d’un jour civil[2] et l’on ne tient pas compte du caractère attribué au jour par le calendrier[3]. L’entrée en fonctions ne peut même pas alors avoir lieu aux calendes ou aux ides, qui sans cela sont les jours ordinaires d’entrée en charge ; car ces jours ne sont pas comitiaux, et sont impropres à la réunion d’assemblées électorales. C’est ainsi que les rois ont été élus, si nous avons eu raison de supposer qu’on ne pouvait nommer à la magistrature royale un nouveau titulaire avant qu’elle ne fût vacante. Postérieurement, cette procédure constitue la règle pour les magistratures ordinaires non permanentes telles que la dictature et spécialement la censure[4]. Il en est de même de l’entrée en fonctions ex interregno des magistrats supérieurs[5] et inférieurs ; car l’interrègne ne se présente que lorsqu’il n’existe aucun personnage propre à exercer le pouvoir ; ce qui fait que la désignation et l’interrègne sont deux idées qui s’excluent au moins dans l’ordre naturel des choses ; il n’existe absolument aucun exemple où l’interrègne soit maintenu au-delà du moment de l’élection du nouveau magistrat[6]. Même dans les élections complémentaires, l’entrée en fonctions immédiate pouvait être assurée par des dispositions expresses ou tacites. Mais l’entrée en charge y a aussi lieu un jour autre que celui de l’élection orque son lendemain ; car l’entrée accélérée est relevée là comme une exception[7].

Au contraire, dans les élections relatives à une magistrature occupée au moment du vote, c’est-à-dire pour les élections ordinaires des successeurs des magistrats actuels, le terme de l’entrée en fonctions est toujours placé au commencement d’un jour civil[8], ce qui est sans doute décidé, principalement à cause de l’auspication. En outre, non pas il est vrai pour les magistrats inférieurs patriciens ni pour les magistrats plébéiens, mais pour les consuls et les préteurs, l’entrée en fonctions est placée aux calendes et aux ides du calendrier romain[9], et la retraite de leurs prédécesseurs est corrélativement placée la veille[10]. Cette règle a encore été maintenue lorsque la durée des fonctions consulaires ne fut plus d’une année, mais d’une fraction d’année[11]. Quant à ses motifs religieux[12] ou politiques[13], on ne les voit pas clairement.

Le terme, qui, par l’institution de l’interregnum, remonte jusqu’aux origines de la constitution romaine, est, depuis la suppression de la royauté, de l’essence de la magistrature publique ordinaire[14]. La limite peut être ou un maximum ou un chiffre absolu[15] ; mais le chiffre absolu lui-même est susceptible de modifications en ce sens qu’aucun obstacle ne s’oppose à la retraite anticipée[16]. Un terme est aussi habituellement attaché à l’attribution de missions extraordinaires[17] ; mais là ce n’est pas nécessaire en la forme, même dans la circonscription urbaine[18]. La fixation pour une magistrature ordinaire d’un terme illusoire, comme par exemple la nomination de Sulla à la dictature pour autant de temps qu’il jugerait nécessaire à la réorganisation de l’État[19], est demeurée inconnue tant qu’on a pris au sérieux la constitution républicaine.

Les termes des magistratures sont inégaux : l’interrègne dure pour chaque interroi cinq jours au plus ; la dictature et la maîtrise de la cavalerie six mois au plus ; la censure au plus un an et demi et, pour certaines fonctions, trois ans. Mais les magistratures permanentes, questure, tribunat, édilité, préture, consulat, sont toutes annales. Et ce délai est, en droit public, le délai normal ; notamment pour la magistrature supérieure. On verra plus loin dans la section de la Prorogation que, lorsqu’elle était expressément prononcée par un sénatus-consulte ou une loi, avec un terme placé à une date fixe du calendrier[20], ce dernier a également été d’un an, jusqu’à ce que la règle ne fût violée pour la première fois en 695, en faveur du consul César, par la loi Vatinia. Le principe de l’annalité a de même été constamment respecté dans la fixation des dates du calendrier auxquelles devaient expirer les magistratures extraordinaires qui cependant se fondent sur des lois spéciales et comportent théoriquement n’importe quel délai[21], jusqu’à ce que la loi Gabinia de 687 ne conféra à Pompée pour trois ans le commandement contre les pirates. Dans le fait, l’annalité des magistratures munies du commandement militaire était pour la République une question de vie ou de mort[22] ; c’est de ces imperia ordinaires ou extraordinaires de plusieurs années qu’est directement issue la monarchie. On conçoit parfaitement que le sénat, quand il crut l’avoir terrassée en 711, ait défendu une fois pour toutes qu’aucune magistrature fût exercée pendant plus d’un an[23].

La disparition du terme des pouvoirs et la résurrection de l’autorité à vie sont la mort de la République. La dictature de César dans sa forme perpétuelle finale et le principat accepté à vie par Auguste se rencontrent dans cette idée.

Ce qui doit être dit sur les termes propres de chaque magistrature trouvera mieux sa place dans la théorie spéciale des différentes magistratures ; nous devons au contraire étudier ici l’idée de l’annus dans son application au droit public.

Naturellement l’année du droit public a pour base le calendrier civil avec son année de douze à treize mois ; l’année de dix mois, ou mieux le calcul du temps non pas par années, par unités de dix mois, n’a jamais été appliqué à la magistrature. On calcule toujours en s’attachant aux dates civiles, et la différence de l’année ordinaire de trois cent cinquante-cinq jours et de l’année complémentaire de trois cent soixante-dix-sept ou trois cent soixante-dix-huit jours est négligée dans le calcul[24] : celui qui entre en charge aux calendes de janvier termine son année de magistrature le jour avant les calendes de janvier suivantes. Mais le premier jour de l’an de l’année civile, le 1er mars, n’a pour l’année des magistratures aucune importance : cette année est comptée d’après le jour où en fait a eu lieu l’entrée en fonctions ; si bien qu’elle comprend couramment des fractions inégales de deux années du calendrier. La discordance existant entre l’année des magistratures et l’année du calendrier est encore augmentée par deux causes : en premier lieu, lorsqu’un collège de magistrats cesse d’occuper ses fonctions avant le terme d’expiration légal[25], peut-être, aussi à l’inverse lorsqu’il se maintient en fonctions par usurpation au-delà de ce terme[26], ce laps de temps différent de l’année du calendrier, soit plus court, soit peut-être aussi plus long, figure dans la liste des magistrats comme un annus ; en second lieu, les périodes d’interregna occasionnées par la vacance de la magistrature supérieure, si elles ne sont pas précisément absentes de la liste, n’y sont cependant comptées ni comme un annus ni comme une partie d’un annus. En présence de cet ordre, ou plutôt de ce désordre, la somme de tels anni de magistrats ne pouvait jamais concorder, pour un espace de temps prolongé, avec celle des années du calendrier correspondantes, tandis que, lorsque la magistrature était transmise sans interruption et que l’on évitait les retards dans l’entrée en chargé et les anticipations dans la sortie, les années du calendrier et les années de magistratures donnaient le même total, tout en n’ayant pas le même commencement. En réalité, l’entrée en fonctions des magistrats supérieurs patriciens apparaît dans les annales, jusqu’au milieu du v° siècle, que ce soit en vertu d’une tradition véridique ou par suite d’arrangements arbitraires, comme se plaçant à des époques variables : il y a bien des séries d’années ou elle a lieu en fait le même jour ; mais, dans l’ensemble, elle oscille d’un bout à l’autre du calendrier, ainsi que le feront comprendre, au moins dans une certaine mesure, les dates suivantes restées notées dans les annales qui nous ont été conservées[27] :

De 245 à 260 :

13 septembre[28] ;

En 261 :

1er septembre[29] ;

En 278, en 291 :

1er août[30] ;

En 304 et antérieurement :

15 mai[31] ;

De 305 à 352 :

13 décembre[32] ;

En 353 :

1er octobre[33] ;

En 363 :

1er juillet[34] ;

En 425 :

1er juillet[35] ;

De 435 à 459 :

en automne[36].

Ce n’est qu’ensuite qu’on s’est écarté de ce système, partie en comptant dans le temps des magistrats dont l’entrée en fonctions avait été retardée la durée des interregna[37], partie en donnant à ceux qui se retiraient avant le temps des successeurs dont le temps d’exercice joint au leur formait un seul annus[38]. Cela a été fait, sinon dès la seconde moitié du Ve siècle, où le 1er mai fut peut-être déjà fixé comme le jour fixe d’entrée en fonctions des consuls[39], au plus tard peu avant 537, probablement en 532, en déterminant le 15 mars comme devant être désormais le jour fixe d’entrée en fonctions[40]. Il y eut encore postérieurement une nouvelle modification arbitraire : l’année 600 fut abrégée de deux mois et demi, et le jour d’entrée en fonctions des magistrats fut fixé depuis 601 au 1er janvier[41]. Depuis l’an 601, non seulement le commencement de l’année a été invariablement maintenu à cette date ; mais elle a été, depuis lors ou depuis une époque voisine, considérée également comme celle du commencement de l’année civile[42], bien que ce soit seulement le calendrier de César qui ait transporté le premier jour de l’année du calendrier, du 1er mars, à la place qu’il occupe encore aujourd’hui, au 1er janvier.

On pouvait dès lors obtenir une indication juridiquement précise du temps par la désignation du magistrat en fonctions, d’une part[43], et du jour du calendrier, d’autre part, à condition naturellement d’avoir à sa disposition non seulement le calendrier complet avec ses intercalations[44] ; mais la liste complète des magistrats, mentionnant les interrois à côté des magistrats annaux et donnant pour chaque magistrat individuellement sa date d’entrée en fonctions. C’est ainsi que le temps a constamment été déterminé sous la République[45], tant dans les affaires que dans les actes officiels ; et cela au sens strict pour chaque magistrature relativement à sa sphère d’attributions. Ainsi, par exemple, les lois et les sénatus-consultes n’étaient datés que par le nom du magistrat qui avait présidé à leur confection, quand bien même c’était un préteur ou un tribun du peuple, d’une part, et par le jour du calendrier, d’autre part. Et il en était de même pour les autres actes des magistrats[46]. Cependant l’usage s’introduisit de très bonne heure de se servir, dans tous les actes publics ou privés, du nom de certains magistrats comme signe général du temps correspondant ; les magistrats dont le nom était ainsi employé sont ceux qu’à l’exemple des Grecs, nous appelons les magistrats éponymes[47]. Suivant l’organisation romaine, l’éponymie appartient aux magistrats supérieurs ordinaires de la capitale, spécialement aux consuls[48], mais aussi à côté d’eux, dans le mode de dater rigoureusement officiel de la République, aux deux préteurs urbains[49] ; elle doit également avoir appartenu aux interrois[50] ; au contraire, elle semble avoir fait défaut aux autres magistrats[51]. D’un autre côté, les débris misérables qui nous restent de la liste officielle des magistrats, suffisent a montrer que les indications sans lesquelles, par exemple, les intérêts payables par alois n’auraient pas pu se calculer en connaissant le jour du prêt et le jour de la restitution, n’y faisaient aucunement défaut : les mois intercalaires, le nombre et les noms des interrois, les jours où avaient commencé les consulats et les interrègnes, les itérations du consulat et de l’interrègne ont nécessairement été notes dans la liste originale.

Cette façon de procéder était sujette à égarer ; elle était compliquée ; mais elle n’était pas déraisonnable en soi. On ne peut pas en dire autant du principe d’après lequel les années étaient comptées par magistrats non pas seulement depuis 601, mais aussi loin que la liste remontait et selon lequel par suite la première année de magistrature était prise pour point de départ d’une ère post reges exactos d’où s’est ensuite développée, par l’addition d’un certain nombre d’années royales, l’ère post Romam conditam[52]. Les interrègnes de l’époque ancienne ne sont pas absolument ignorés dans ce système ; ils y sont probablement compensés parles cinq années interpolées sans magistrats curules 379 à 383, qui tiennent leur place dans les annales comme dans les tables des magistrats[53], et par les quatre années 421, 430, 445 et 453, qui ne figurent pas dans les annales, mais qui sont attribuées, dans les tables des magistrats, comme vies sortes d’années de magistrats, à un dictateur et à un maître de la cavalerie, quoique, d’après la constitution, la dictature ne puisse durer que six mois au plus et ne puisse exister qu’à côté du consulat, en l’absence duquel, au reste, elle ne paraît jamais dans les annales[54]. Cette compensation peut bien dans l’ensemble avoir été conforme à la vérité. Mais elle a nécessairement tout bouleversé où on l’a faite. En outre, on calculait, dans ce système, constamment et sciemment avec une unité inégale[55]. La table triomphale du Capitole, qui nous fournit l’image la plus compréhensible de cette chronologie, compte, comme première année de magistrats — annus urbis conditæ 244 de sa chronologie, 245 de celle de Varron —, l’espace allant du 13 septembre au 12 septembre, suivant ; comme année de magistrats 343 (u. c. 586, Varr. 587) celui allant du 15 mars au 14 mars suivant ; comme année de magistrats 356 (u. c. 599, Varr. 600), le temps allant du 15 mars au dernier jour du mois de décembre suivant, et pour l’année suivante, 357 (u. c. 600, Varr. 601), l’espace, allant du 1er janvier au dernier jour du mois de décembre suivant[56]. En face du désordre inouï de cette méthode de calcul, celui du calendrier romain s’efface, si choquant qu’il soit lui-même. Les chronographes postérieurs ont pris l’habitude, que nous suivons encore à leur exemple, de considérer les années de magistrats comme des années du calendrier Julien, commençant le 1er janvier et calculées en remontant en arrière ; ainsi, de regarder comme la première année de magistrats, an 245 u. c. de Varron, l’espace allant du 1er janvier au 31 décembre 509 avant J.-C. ; de telle sorte que, par exemple, le triomphe célébré le 1er mars 508 avant J.-C. se place ; d’après la chronologie qui nous est transmise, dans la première année de magistrats, et, d’après la chronologie que nous suivons., dans la seconde. Rigoureusement parlant, on substitue, par là à une méthode de calcul une méthode toute différente. Mais, puisque cette façon de procéder a du moins l’avantage de substituer à une unité vacillante une unité absolument luxe, et qu’il n’est pas possible d’arriver à une détermination chronologique exacte, la substitution ne peut être blâmée.

La magistrature plébéienne est, pour l’annalité comme pour tous les autres points, absolument conformée à l’image de la magistrature patricienne. Lès tribuns restent en fonctions une année du calendrier à partir du jour de leur entrée en charge, sans que l’on tienne compte du commencement de l’année civile ou que le jour d’entrée en charge soit déterminé par aucun autre procédé. Mais il est probable que, par suite du souci spécial de la continuité de cette magistrature, provoqué par l’absence d’institution analogue à l’interregnum, le jour d’entrée en fonctions des magistrats plébéiens s’est fixé en fait beaucoup plus tôt que celui vies patriciens. En présence du silence complet des sources sur l’existence d’interruptions dans la série des collèges des tribuns depuis celle occasionnée par le décemvirat, il est à croire que le jour d’entrée en fonctions des tribuns qui nous est attesté pour le VIe et le VIIe siècles, le 10 décembre (a. d. IV idus Dec.)[57] remonte jusqu’au décemvirat, c’est-à-dire jusqu’à l’an 305. La supposition que cette date d’entrée en fonctions des tribuns doit être expliquée par l’influence fortuite des circonstances dans lesquelles on était en 345[58], est confirmée par le fait que les consuls restaurés en même temps entrèrent en fonctions presque vers la même époque, le 13 décembre. — Nous ne savons rien ni d’une façon de dater par les tribuns de la plèbe, ni d’une chronologie calculée par années tribuniciennes. Il se peut cependant que la table tribunicienne, étant de beaucoup la plus commode chronologiquement, ait été employée au moins comme correctif de la table consulaire et que ce soit à elle que remontent les années de remplissage dont il vient d’être question.

Quant aux auxiliaires et aux subalternes, il ne peut être question pour eux de termes de magistrature indépendants tant que le magistrat supérieur se les nomme lui-même. Ils commencent leurs fonctions forcément toujours après lui, bien qu’immédiatement après lui, et ils se retirent en principe avec lui, ainsi que cela a toujours subsisté pour le maître de la cavalerie. Mais, lorsque la nomination à ces postes, en premier lieu à la questure, fut transférée au peuple, on lia à cette réforme, et probablement dès le principe, une autre réforme importante : la nomination de ces magistrats fut transportée du collège au service duquel ils devaient être au collège précédent[59], et le premier n’intervint plus que lorsque le précédent n’avait pas procédé à la nomination ou qu’il fallait faire des nominations complémentaires. Le motif déterminant doit avoir été que le droit de nomination, depuis qu’il se réduisait en fait à la simple présidence de l’élection, n’avait plus grande importance et qu’il était assez indifférent pour le magistrat que les auxiliaires qui lui étaient donnés par le peuple fussent proclamés par lui ou par ses prédécesseurs, tandis que, d’autre part, cette réforme établissait désormais pratiquement entre les magistrats inférieurs la même continuité qui existait entre les supérieurs. A la vérité, il n’y a là pour combler les lacunes, résultant de quelque trouble aucun expédient qui corresponde à l’interregnum ; si, par exemple, les élections des questeurs étaient retardées au-delà du jour de la retraite de leurs prédécesseurs, il fallait aux magistrats supérieurs en exercice se passer de questeurs depuis ce dernier jour jusqu’à celui des nouvelles élections.

La durée des pouvoirs des magistrats inférieurs nommés par le peuple étant fixée légalement, sans doute, en général, par la loi qui organisait la magistrature, polir eux tout comme pour les magistrats supérieurs, il était possible de la fixer pour eux autrement que pour ces derniers. Cependant il est probable qu’on n’a fait aucun usage de cette faculté tant que le jour d’entrée en fonctions des magistrats supérieurs a été variable, que la durée des fonctions des questeurs, des édiles, des tribuns militaires et des autres magistrats inférieurs a été alors fixée pour eux par relation, en leur appliquant l’annus du dernier magistrat supérieur entré en charge, de telle sorte qu’il y avait une concordance légale entre le temps d’exercice des magistrats supérieurs et inférieurs[60]. Le commencement de l’année à un jour fixe, d’abord au 15 mars, peut également avoir été étendu aux magistrats inférieurs[61]. Nous n’avons de témoignages positifs que pour l’époque postérieure à 601 où les magistrats supérieurs étaient tenus d’entrer en fonctions le 1er janvier. Le jour d’entrée en fonctions est alors, en général, le même pour les magistrats inférieurs[62] et, en particulier, pour les édiles curules[63] et les tribuns militaires[64]. Mais, au moins alors, les questeurs font une exception : ils commencent leurs fonctions le 5 décembre, vingt-cinq jours ou, d’après le calendrier Julien, vingt-sept jours avant les autres magistrats[65] : la raison était peut-être de faire répartir par le sort les différentes charges de questeurs avant que les compétences consulaires et prétoriennes n’eussent été réparties, et d’arriver ainsi tant à empêcher les intrigues individuelles, qu’à préparer et à faciliter l’entrée du magistrat supérieur dans ses fonctions. On peut invoquer en faveur du maintien de cette date d’entrée en fonctions des questeurs dans la période récente, l’époque à laquelle avaient lieu les jeux de gladiateurs dont ils furent plus tard chargés[66].

Enfin, les magistrats inférieurs plébéiens, les édiles ont été nommés au début par les tribuns de l’année précédente, sans doute pour entrer en fonctions et en sortir en même temps que les prochains tribuns. Mais, plus tard, soit depuis qu’on eut mis les édiles curules à leurs côtés, soit depuis quelque autre époque postérieure, ils entrent en fonctions en même temps que les édiles curules, c’est-à-dire dans la période qui s’étend de 531 à 600, le 15 mars[67], et, à partir de 601, le 1er janvier[68].

Si, au temps de la République, depuis la fixation de l’année des magistratures, chaque magistrat exerce en principe ses pouvoirs pendant un an, et l’année n’est partagée entre plusieurs collèges successifs que dans des cas exceptionnels isolés, l’annalité a d’abord été violée pour le consulat par le dictateur César qui a arbitrairement morcelé l’année 709 de cette façon[69]. La même chose a été faite dans une plus large mesure sous le triumvirat, où pendant une certaine période toutes les magistratures ordinaires de l’État se renouvelèrent dans de brefs délais[70]. Le Principat revint essentiellement au système de la République pour l’ensemble des magistratures républicaines. Il n’y a, comme nous l’expliquerons plus en détail dans la théorie du Consulat, que la plus élevée d’entre elles, dont la durée fut amoindrie avec de, grandes variations, mais dans une proportion toujours plus forte : à la fin, elle est tombée à un délai moyen de deux mois.

Le principe de l’année de magistrature n’a pas été en général appliqué aux magistratures nouvelles de l’époque de transition et de l’époque impériale. Le gouvernement dés provinces sénatoriales et la puissance tribunicienne de l’empereur font exception. Nous traiterons plus convenablement de l’un et de l’autre dans les chapitres consacrés aux Gouvernements de province et à la Puissance impériale.

 

 

 



[1] L’usage général de cette tournure, qui est déjà fréquent dans Plaute, peut venir de son sens technique relatif aux comices : mais, lorsque ex templo (Tite-Live, 3, 55, 1. 6, 1, 9. 23, 31, 33. 41,17, 6) ou statim (Asconius, In Milon, p. 31 ; Tite-Live, 3, 19, 2) magistratum ou occipere inire se trouve dans nos sources, il ne désigne pas nécessairement une entrée en fonctions opérée le jour même du vote, mais simplement une entrée en fonctions accélérée. Tite-Live, 5, 11, 11.

[2] Lorsque le consul Q. Fabius Maximus mourut le matin du 31 décembre 709, des élections complémentaires furent Immédiatement organisées par César et le consul Rebilus fut renuntiatus à la septième heure, et cessa ses fonctions à la fin du même jour. Cicéron, Ad fam. 7, 30, (cf. Drumann, 2, 408). Les élections du préteur Eprius Marcellus le 30 ou le 31 décembre 48 (Tacite, Ann. 12, 4 ; cf. Suétone, Claude, 29) et du consul Rosius Regulus le 31 octobre 69 de l’ère chrétienne (Tacite, Hist. 3, 37) sont de la même nature.

[3] Dans le texte de Tite-Live, 3, 8 : P. Valerius Publicola tertio die quam interregnum inierat consoles creat... a. d. III idus. Sext. consulatum ineunt, j’ai précédemment (Chronol., p. 91), en changeant la ponctuation, rapporté la date au jour de l’élection et placé l’entrée en fonctions aux ides de Sextilis ; mais la position des mots elle-même est inconciliable avec cette supposition.

[4] Tite-Live, 40, 45, 8.

[5] Il en est certainement ainsi de l’élection de Cn. Pompée pour 702. Ab interrege Ser. Sulpicia, dit Asconius, In Mil., p. 37, V k. Mart. mense intercalario consul creatus est statimgue magistratum iniit. Tite-Live, 9, 8, 1, sur l’an 434.

[6] On objecte en sens contraire (Holzapfel, Chronol., p. 82) que l’entrée en fonctions ex interregno le jour même de l’élection est signalée comme exceptionnelle et que l’entrée en fonctions ex templo est relevée pour les élections faites à la suite d’interrègnes pour 305 (Tite-Live. 3, 53, 1) et 365 (Tite-Live, 6, 1, 9). Rien ne s’oppose à ce qu’on assimile les deux derniers cas au premier, et à ce que l’on admette que, dans les élections faites à la suite d’un interrègne, l’entrée en fonctions avait, en considération de l’auspication, généralement lieu le jour qui suivait. La coexistence de l’interroi et du magistrat créé par lui est ainsi invitée pratiquement. Il y avait au reste un moyen bien simple d’observer dans ces élections les jours solennels d’entrée en charge ; c’était de placer l’élection la veille d’un de ces jours.

[7] En 291 (Tite-Live, 3, 19, 2), 539 (Tite-Live, 23, 31, 2), 578 (Tite-Live, 41, 17, 6).

[8] Si deux consuls entrent en fonctions l’un après l’autre le même jour, routine par exemple les fastes de Venusia indiquent en 721 après l’ordinarius César P. Autronius comme suffectus le 1er janvier, le dernier peut à la vérité n’être entré en fonctions que dans le cours de la journée. La règle selon laquelle l’entrée en fonctions des consuls doit avoir lieu aux calendes ou aux ides et celle qui place cette entrée au commencement du jour, sont dans ce cas inconciliables.

[9] Ce principe n’est formulé nulle part dans les sources, mais il a depuis longtemps été déduit de toutes les dates d’entrée en fonctions qui nous sont connues.

[10] Tite-Live, 5, 9. 11, 32. Denys, 6, 49.

[11] La règle ne ressort nulle part aussi clairement que dans les fastes de Venusia de l’époque d’Auguste (C. I. L., I, p. 471), qui indiquent les fours d’entrée en charge des suffecti ; on y trouve comme jours d’entrée en charge le ter litai, le 1er juillet, le 1er septembre, le 1er octobre, le 1er novembre et le 13 septembre.

[12] On peut rappeler les mots d’Ovide : Vindicat Ausonias Junonis cura kalendas ; idibus alba Jovi grandior agna cadit. Nonarum tutela deo caret (Fastes, 1, 55 ; cf. C. I. L. I, p. 315). Mais cela n’avance pas s grand’chose, car on n’aperçoit pas de relation entre ces sacrifices et les consuls, et les Romains n’ont pas tenu compte ailleurs du caractère attribué dans le calendrier au jour d’entrée en fonctions. Ainsi le 1er juillet, un jour d’entrée en fonctions très ordinaire, a dans le calendrier le signe nefastus religiosus. La raison pourrait plutôt être trouvée dans certaines particularités de l’auspication ; il se peut que le jour qui se trouve au commencement ou au milieu du mois ait paru y être spécialement approprié.

[13] Si l’on pouvait admettre que les calendes et les ides aient été dés le principe les jours habituels dé réunion du sénat, on pourrait rattacher la prescription à ce que le magistrat supérieur a coutume d’ouvrir ses fonctions en convoquant le sénat. Mais cette prémisse soulève de graves objections.

[14] Le principe est exprimé, dans sa forme récente, par la loi municipale de Malaca, c. 52.

[15] Nous faisons naturellement abstraction de la prolongation des fonctions à titre de promagistrature. La mesure dans laquelle on appliqué aux grades d’officiers qui sont des magistratures, en particulier au tribunat militaire, le système militaire d’après lequel le service dure jusqu’au congé, est étudiée, tome IV, dans le chapitre consacré aux officiers magistrats.

[16] De cette façon, surtout étant donné que les magistrats, s’ils ne pouvaient pas directement être forcés par le sénat à se retirer (Tite-Live, 5, 9, 3), n’étaient le plus souvent pas en état de se refuser à le faire, la survenance de l’interrègne pouvait être anticipée et être placée au jour qu’on voulait. On a aussi pu de cette façon arriver à ce que le retard apporté à l’entrée en fonctions d’un collège par l’interrègne fut compensé par une retraite anticipée. Par conséquent tout interrègne n’a pas pour conséquence forcée le recul du jour d’entrée en fonctions ; par exemple, l’interrègne de quarante jours des années 398-399 n’a pas eu cette conséquence (Holzapfet, Chronol., p. 84).

[17] Ainsi, par exemple, la mission de déduire une colonie, paraît avoir été à l’époque récente habituellement donnée pour plusieurs années (V. tome IV, le chapitre consacré à ces magistrats, sur la durée de leurs pouvoirs). Lorsque cette limitation n’est pas mentionnée, cela ne prouve pas qu’elle ait fait défaut. La loi Gabinia de 687 fixa également à trois ans le commandement donné à Pompée contre les pirates (Dion, 36, 6. I7. 20. Appien, Mithr. 94) et la loi Messia de 697 son contrôle des importations de subsistances à cinq ans. (Cicéron, Ad Att. 4, 1, 1 ; Drumann, 2, 307.)

[18] Les tresvirii mensarii nommés en 538 étaient encore en fonctions en 544 (Tite-Live, 23, 31, 6. 36, 36, 8), et il n’y a pas de motifs de regarder leur magistrature comme ayant eu un terme fixé par la loi.

[19] Appien, B. c. 1, 98. Cf. même ouvrage, c. 3, 99.

[20] On rencontre fréquemment des prorogations faites pour jusqu’à la fin d’une guerre ou jusqu’à d’autres termes incertains.

[21] Cela se montre en particulier pour le commandement militaire de l’Espagne avant la constitution des provinces. Voir plus loin la théorie du commandement militaire extraordinaire.

[22] C’est à bon droit que, dans Dion, 36, 33. 34 [16, 17], le républicain Catulus condamne de la manière la plus vive, dans son discours contre la loi Gabinia, ce commandement nouveau et sans précédent d’un particulier.

[23] Dion, 46, 39.

[24] Celsus, Digeste, 50, 16, 93, 1. Cf. ma Chronol., p. 50.

[25] Un annus de ce genre de neuf mois et demi est l’an 352, dont les magistrats entrèrent en fonctions le 13 décembre et en sortirent le 1er octobre (Tite-Live, 5. 9).

[26] L’unique exemple d’un tel anus de dix-huit mois est l’année 304, dont les magistrats, les décemvirs entrèrent en fonctions le 15 mai et en sortirent le 13 décembre de l’année suivante. Mais si l’on compte, ainsi qu’on l’a fait également (Cicéron, De re p. 2, 37, 62), cet espace de temps comme deux anni, il en est du second comme de l’an 352 dont il vient d’être question. Dans ce dernier système, l’anus des magistrats peut bien être plus court qu’une année du calendrier, mais il ne peut pas être plus long.

[27] La démonstration détaillée est donnée dans ma Chronologie, p. 86 et ss., auxquelles je renvoie. Ces dates d’entrée en fonctions ont été, dans les derniers temps, étudiées avec une ardeur qui ne correspond aucunement aux résultats scientifiques obtenus. Holzapfel, Rœmische Chronologie, 1885, p. 79 et ss., renvoie aux travaux d’Unger (1879), Lange (1881), Matzat (1883-1884), A. Fränkel (1884) ; ceux de Seeck, Die Kalendertafel der Pontifices, 1885, p. 145 et ss., et de Soltau, Prolegomena zur einer rœm. Chronologie, 1886, p. 16 et as., sont encore venus depuis s’ajouter a la liste. Les systèmes chronologiques édifiés par ces savants, en particulier par Matzat et Fränkel sur les ruines de la table triomphale, ont été judicieusement repoussés par Holzapfel. Je ne peux aussi que m’associer à lui pour dire que, relativement à cette époque où les listes de magistrats elles-mêmes présentent des incertitudes multiples, on ne peut arriver à déterminer les dates variables d’entrée en fonctions qu’à condition d’avoir acquis le pouvoir de distinguer entre les simples accidents et les combinaisons. En droit public, cette détermination, alors même qu’elle pourrait être faite, n’aurait que peu d’importance. Je nie borne à rapporter ici ce qui nous a été transmis soit par des témoignages directs, soit indirectement par la table triomphale.

[28] Denys, 5, 1. 6, 49.

[29] Denys, 6, 49.

[30] Pour 278, Denys, 9, 25. En 291, Tite-Live, 3, 6, dit : K. Sext., ut tunc principium anni agebatur, consulatum ineunt. En 292, l’entrée en fonctions des magistrats eut lieu après quelques interregna, le 11 août.

[31] Tite-Live, 3, 36 et 38. Denys, 10, 59.

[32] Tite-Live, 4, 37. 5, 9. 11. Denys, 11, 63. Hermes, 5, 331 = Rœm. Forsch. 2, 104.

[33] Tite-Live, 5, 9. 11.

[34] Tite-Live, 5, 32. — L’entrée en charge a été fixée pour 404 au 1er mars, attendu que le triomphe, célébré d’après la table triomphale le 17 février, eut lieu selon Tite-Live, 7, 22, immédiatement avant l’entrée en fonctions des consuls. Seeck, Kalendertafel, p. 44, objecte que le récit de Tite-Live est absolument indigne de foi. C’est indéniable ; mais précisément pour cela il n’est pas invraisemblable que l’annaliste duquel il provient lui a donné cette rédaction en considération de la date d’entrée en fonctions qui lui était connue. Cependant il sera bon de ne pas construire de systèmes en partant de cette date.

[35] Tite-Live, 8, 20.

[36] D’après les indications de la table triomphale.

[37] On peut invoquer par exemple ce que dit Cicéron, Pro Mil. 9, 24.

[38] Le plus ancien exemple certain est celui de 592, où les deux consuls abdiquèrent, après s’être déjà rendus dans leurs provinces, et furent remplacés par d’autres. Pour la première année décemvirale, pour l’an 303, le temps de fonction des consuls et celui des décemvirs sont bien réunis en une année  qui finit au terme régulier de cette époque, au 14 mai. Mais, les deux consuls qui abdiquent restant à la tête des décemvirs, on pouvait facilement considérer la nomination des decemviri cos. imp. comme une nomination complémentaire, ainsi que l’on faisait pour les nominations du dictateur et plus tard des prêteurs. Le cas analogue de 310 est, d’après le propre témoignage de Tite-Live (4, 7 ; cf. mes développements Chronol. p. 93 et ss.) une intercalation des annalistes récents ; un autre de l’an 361 a pour base une restitution arbitraire des fastes du Capitole (C. I. L. I, p. 444).

[39] On peut argumenter dans ce sens, de ce qu’à partir de 453 l’on ne trouve plus d’années destinées b, combler les vides dans le calendrier. La fixation du jour d’entrée en charge au 1er mai, pour cette époque, semble résulter dés dates de triomphes de la période. Cf. Chronol. p. 102.

[40] Tite-Live, 31, 5, et ailleurs. La modification se place sûrement entre 521 et 537, probablement en 532 (Plutarque, Marc. 4 ; Tite-Live, 21, 62). L’incident de 592 notamment (note 38) montre que l’on considérait cette date comme fixée par la loi. Cf. Chronol. p. 102.

[41] Fastes de Préneste, sur le 1er janvier (C. I. L. I, p. 364). Cassiodore, Chron. sur l’an 601. Tite-Live, Ep. 47.

[42] Si, en effet, D. Brutus, consul de 616, transporta la fête des morts de février en décembre (Plutarque, Q. R. 34 ; Cicéron, De leg. 2, 21, 54), cela ne peut s’expliquer que d’une manière ; c’est que le système établi en 601 lui paraissait avoir reporté la fin de l’année du dernier jour de février au dernier jour de décembre. Cf. Rechtsfrage zwischen Cæsar und dem Senat, p. 13, note 24 = Hist. Rom. 7, p. 282, note 2 ; Chronol. p. 271 note 32 in fine, p. 88, note 124 a.

[43] Une homonymie fortuite, comme celle des deux années 624 et 662, qui s’appellent toutes deux C. Claudio M. Perperna cos., est possible dans tout système de dates basé sur des noms propres. La date ne devient réellement incertaine que quand la magistrature s’étend au-delà d’une année da calendrier ; mais ce cas, s’il s’est produit pour la magistrature proprement éponyme, ne s’est du moins produit pour elle qu’une fois.

[44] Car, dans le calcul par jour et probablement dans celui par mois, on ne tenait peut-être pas compte du jour intercalaire moderne (Marcellus, Digeste, 44, 3, 2), mais on tenait certainement compte du mois intercalaire ancien. La règle posée note 24, ne s’applique que pour le calcul par années.

[45] Cette manière de dater est forcément étrangère à la royauté ; nous ne savons comment on fixait alors les dates. Dans la légende ancienne qui n’a pas été remaniée, les événements de l’époque royale ne sont pas rattachés à des années certaines des règnes. La façon de dater religieuse par les rois viagers des sacrifices dans Pline, H. n. 23, 37, 186 : L. Postumio L. f. Albino rege sacrorum post CXXVI olympiadem cum rez Pyrrhus ex Italia decessisset, cor in extis haruspices inspicere cœperunt, mérite d’être remarquée.

[46] Nous ne savons si cela avait lieu dans le cas où cette façon de dater n’aurait pas soustrait l’année à toute incertitude, même en face de ceux qui auraient eu sous les yeux la table complète des magistrats, par exemple pour les censeurs et les triumvirs col. ded. qui restent en fonctions plus d’un an.

[47] Les Romains ne paraissent pas avoir eu d’expression technique pour désigner leur institution nationale consistant à donner comme nom propre à un espace de temps isolé les noms mis à l’ablatif des magistrats supérieurs. Mais le consulat est déjà appelé dans Appien, B. c. 2, 19. 4, 49. Syr. 51, et dans l’inscription de Triopeia, C. I. G. 6280 b, 34, ή έπώνυμος άρχή. Cf. Tacite, Ann. 3, 57. — Dans la date d’une tablette alexandrine de 294, Frœhner, Tablettes grecques du Musée de Marseille, Paris, 1867, p. 8 ; Philologus, Suppl. Band, 5, 549 : Τή κθ' ήμέρα ήλίου ύπατίας Φλκουείου Ζωνσταντίου καί Ούαλ[ερίου Μαξιμιανοΰ Καισάρω]ν τών έταρχών, le dernier mot a été postérieurement corrigé par l’éditeur lui-même qui lui a substitué l’expression, il est vrai, également inintelligible, έπάρχων.

[48] L’usage introduit sous l’Empire de désigner toute l’année du calendrier par le nom des consuls entrés en fonctions le fer janvier et l’éponymie exclusive attribuée par là aux consules ordinarii seront étudiés, tome II, dans la théorie du Consulat.

[49] La preuve en est dans les fastes des Arvales qui indiquent pour chaque année les deux consuls sans mention de leur titre officiel, et l’urb. et le per. (sans mettre avant pr.) ; et de plus dans les sénatus-consultes de 649 sur les Astypalæens (C. I. Gr. 2485) et de 676 sur Asclépiade et ses compagnons (C. I. L. I, p. 111), ainsi que dans I’alliance conclue en 660 entre Rome et la ville acarnanienne de Tyrrheion (Bull. corr. hell. 1886, p. 165). Borghesi, Bull. 1856, 62, a supposé avec raison que les deux préteurs nomm6s sur une autre liste (C I. L. VI, 4496, complétée Bull. dell. comm mun., 1883, p. 226 [et Mitth. des rœm. Inst. 1891, p. 159]) après les consuls des années 13-17, 18-20 sont les prætores ærarii ; C. Ummidius Quadratus, mentionné sous la date de l’an 18, est ainsi nommé C. I. L. X, 5182, et la comparaison de ces noms avec ceux des préteurs nommés pour la même année par les fastes des Arvales met cette opinion hors de doute. La liste a été découverte à l’Ærarium avec d’autres fragments de même nature et c’est là l’explication de cette façon exceptionnelle de dater doublement les années.

[50] C’est évident quant à l’époque où il n’y avait pas de date fixe du calendrier pour le commencement de l’année de magistrature ; mais même postérieurement, par exemple lorsque, en 701, les magistrats n’entrèrent en fonctions que le 1er juillet, il ne put y avoir jusqu’alors aucune autre date officielle que celle tirée des interrois successivement en fonctions. Ce n’est là qu’une énormité de plus parmi les nombreuses énormités du calendrier romain. — Mais cela ne suffit même pas assurément à parer à tout ; car, d’une part, non seulement on peut concevoir un interregnum sine interrege, mais on peut établir qu’il y en a eu en fait, et d’autre part, il est arrive, sous le Principat, depuis la disparition de l’interregnum, qu’il n’y eut pas de consuls. Cf. plus bas la théorie de la Représentation.

[51] Il n’est pas vraisemblable qui, l’éponymie ait appartenu à tous les magistrats cités dans la liste des magistrats du Capitole, en particulier aux censeurs. L’idée maîtresse de ses rédacteurs a plutôt été d’énumérer tons les ex-magistrats majores. Il est possible, mais cependant très douteux que les dictateurs et les maîtres de la cavalerie aient dû être cités dans les dates officielles complètes. — L’éponymie monarchique, qui fut attachée par César à la dictature et par Auguste à la puissance tribunicienne, et l’éponymie réduite à leur circonscription des gouverneurs de provinces seront étudiées à propos de ces institutions.

[52] V. les détails dans ma Chronol., p. 86 et ss., 108 et ss.

[53] Chronol. p. 204 et ss.

[54] Chronol. p. 114 et ss.

[55] Par suite, les périodes d’interrègne sont déjà attribuées par les anciens aux consulats limitrophes. Tite-Live, 4, 43, 8 : Cum pars major insequentis anni per novos tribuns plebi et aliquoi interreges certaminibus extracta esset. 10, 11, 10 : Eo anno... interregnum initum, sur quoi l’élection des consuls est rapportée et l’auteur continue par principio hujus anni. Mais c’est là une façon de s’exprimer employée à titre d’expédient. Un fait suffit à le prouver, ç’est que la période d’interrègne est adjointe tantôt à l’année précédente et tantôt à l’année suivante. Elle n’a rien de commun avec la notion juridique de l’annus. Celui-ci est désigné par l’indication en tête des magistrats illis consulibus, qui ne peut précisément être employé pour les périodes d’interrègne.

[56] Chronol., p. 83 et ss., p. 195. Les annales ne s’écartent de ce calcul que pour négliger les quatre années dictatoriales. L’idée de l’annus est là comme dans les tables non pas celle d’une année du calendrier, encore moins celle d’une année du calendrier Julien reportée dans le passé, mais celle d’une année de magistrature. Ainsi les élections ont lieu, en 566, exitu prope anni, le 18 février (Tite-Live, 38, 42, 1), et un triomphe a lieu en 507, extremo anni, le 5 mars (Tite-Live, 39, 6, 3).

[57] Tite-Live, 30, 52. Fastes de Préneste, sur le 10 décembre (C. I. L. I, 318). — C’est par erreur que le scoliaste des verrines, p. 140, cite connue étant ce jour les nones de décembre.

[58] Cf. Denys ce qu’il dit, il est vrai, 6, 39, sur l’an 261. Mais tout ce que cela prouve, c’est qu’il ne s’était maintenu aucune tradition sur le jour primitif d’entrée en fonctions et que l’on faisait remonter jusqu’aux débuts du tribunat la date du 10 décembre.

[59] Nous avons rencontré le même développement pour les appariteurs urbains (premier tome, Les Apparitores).

[60] Cette opinion ne peut pas plus se prouver que se démentir. Mais ce qui la recommande, c’est qu’à l’époque des jours fixes d’entrée en fonctions, les dates se correspondent presque complètement pour les magistrats supérieurs et inférieurs, ce qui ne serait certainement pas le cas, si, à l’époque ancienne, les secondes dates n’avaient pas été dans la dépendance absolue des premières.

[61] On pourrait rapporter les novi ædiles dans Plaute, éd. Ritschl. 990, à ce que la pièce fut, représentée aux Megalesia, en avril, et que les magistrats entraient en fonctions en mars.

[62] C’est ce que montrent l’expression générale magistratus employée par les fastes de Préneste et le témoignage encore plus précis du scoliaste cité note 65.

[63] Cicéron, Verr. act. 1, 12, 36 ; Suétone, Cæsar, 9. M. Cæsonius, qui, d’après Cicéron, Verr. act. 1, 10, 30, avait une magistrature à occuper le 1er janvier 685, était, d’après les scoliastes (éd. Orelli, p. 140, 305) édile désigné ; et il est bien d’accord avec cela qu’il ait pensé à se présenter pour le consulat avec Cicéron (Ad Att. 1, 4, 1).

[64] Cicéron, Verr. act. 1, 10, 30.

[65] Loi Cornelia de XX q. (C. I. L. I, p. 108) : Quam decuriam viatorum ex noneis Decembribus primeis quæstoribus ad ærarium apparere oportet oportebit, et de même plusieurs fois dans la même loi. Cicéron, in Verr. 1, 10, 30 : P. Sulpicius judex tristis et integer magistratum ineat nonis Decembribus et sur ce texte les schol. Gronov. p. 395 : Quæstoram intellegimus, nam omnes ceteri magistratus k. Jan. procedebant, soli vero quæstores nonis Dec. C’est une question de savoir si les nones de décembre, se rapportent, comme le pense Hirschfeld, Hermes, 5, 300, à l’entrée en fonctions des questeurs dans le texte profondément corrompu de Cicéron, Ad Att. 16, 14, 4, et la combinaison proposée par lui n’est pas satisfaisante. — Cf. mon étude Ad legem de scribis et viatoribus, in-8°, Kiel, 1843.

[66] Les calendriers du Ve siècle de l’ère chrétienne (C. I. L. I, p. 1107) fixent ces munera des questeurs aux 2, 4, 5, 6, 8, 19, 20, 21, 23, 24 décembre, et il faut à ce sujet se rappeler que ces jeux, introduits seulement en 47, devenus définitifs sous Domitien, étaient, au moins a l’origine, donnés par les questeurs désignés (Tacite, Ann. 13, 5). [Dans la liste des sex primi de l’ærarium dont les fragments relatifs aux années 12 à 16, 18 à 20 et 81, sont rassemblés Mitth. des rœm. Inst. pp. 159-160, les dates sont partout données par les consuls du premier semestre. Mais il ne faudrait pas en déduire que le jour d’entrée en fonctions eut changé pour les questeurs ; car ils avaient alors perdu l’administration de l’ærarium et les préteurs qui l’administraient entrant en charge le premier janvier, ce jour était certainement aussi celui du renouvellement de leurs subalternes. Op. cit., p. 160.] — La supposition formulée par moi dans l’Hermes, 3, 81 [cf. tr. fr. p. 55], que le commencement de la questure pouvait avoir été placé au commencement de l’aimée à raison du départ des proconsuls pour les provinces, repose sur l’idée erronée relative aux scribæ guæstorii déjà rejetée, tome premier, les Scribæ, et elle a été repoussée avec raison par Urlichs (De vita et honor. Agricolæ, Würzburg, 1865, p. 12). — La manière dont fut conciliée pour les questeurs provinciaux la différence qui existait entre l’année des questeurs et l’année proconsulaire, sera étudiée, tome III, au sujet des Gouverneurs de province.

[67] La préture et l’édilité plébéienne commençaient déjà le même jour au VIe siècle, Becker (1ère éd.) le conclut avec raison de ce que les édiles de la plèbe étaient fréquemment nommés préteurs à cette époque et qu’ils administraient les deux magistratures immédiatement l’une après l’autre. A la vérité, je ne sais comment concilier avec cela et que Tite-Live, 30, 39, 8, rapporte sur les édiles plébéiens de 552 : ils auraient célébré des jeux, accompagnés de l’epulum Jovis, jeux qui ne peuvent être que les jeux plébéiens, puis ils auraient abdiqué comme étant élus irrégulièrement, et les Cerialia auraient été, en vertu d’un sénatus-consulte, organisés par un dictateur. J’ai déjà rappelé ailleurs (R. M. 117. 642 = tr. fr, 2, 514) que, d’après cela, il faut que les Cerialia aient déjà été, en 552 des jeux annuels. Puisque, d’après ce texte, les édiles plébéiens célébraient d’abord les Jeux plébéiens puis les Cerialia, et que, d’autre part, les jeux plébéiens tombaient postérieurement le 15 novembre et les jeux de Cérès le 19 avril, que ces derniers ne peuvent non plus être séparés du jour traditionnel des Cerialia et, que les places occupées dans le calendrier par les fêtes annuelles ne peuvent en général guère avoir été changées, les édiles de la plèbe devraient être entrés en fonctions, en 512, entre le 29 avril et le 14 novembre. Mais à coda û n peut objecter non seulement que, comme nous venons de le remarquer, le la mars est indiqué par d’autres sources comme le jour d’entrée en fonctions des édiles plébéiens il ; cette époque, mais aussi que, si les Cerialia se plaçaient après le 15 mars, c’étaient les nouveaux consuls de 553, et non pas le dictateur de 532, qui pouvaient les organiser. Je ne puis proposer aucune explication satisfaisante de cette contradiction ; la relation de Tite-Live est, faut-il supposer, brouillée sous quelque rapport.

[68] Les édiles curules et les édiles plébéiens entraient en fonctions le même jour à l’époque de César ; la preuve en est dans les prescriptions citées l’avant-dernière note de la précédente partie, sur la fixation de leurs compétences.

[69] Il est traité des termes récents du consulat, tome III, à propos de ce dernier.

[70] Dion, 48, 53 : Le reste des citoyens à Rome fut fortement troublé par ces prodiges et par les mutations de magistrats ; car ce n'était pas seulement les consuls et les préteurs, mais aussi les questeurs, qui étaient, après peu de temps, remplacés dans leurs charges. La cause, c’est que tous recherchaient les magistratures, moins pour les exercer longtemps à l’intérieur, que pour être comptés au nombre de ceux qui les avaient exercées, et jouir par là des honneurs et des commandements militaires au dehors. Ainsi donc personne n’était plus élu pour un temps fixe, mais seulement pour le temps de prendre le titre de magistrat et de le quitter dès qu'il plaisait à ceux qui avaient le pouvoir. Il y en aurait eu beaucoup, d’après ce qu’il ajoute, qui seraient entrés et sortis de charge le même jour. En 716, il y eut dans l’année jusqu’à soixante-sept préteurs (Dion, 48, 43).