LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE PREMIER. — LA MAGISTRATURE.

LES ATTRIBUTIONS DES MAGISTRATS.

 

 

VII. — LE DROIT D’AGIR AVEC LE PEUPLE ET DE LUI ADRESSER DES COMMUNICATIONS.

Dans la constitution romaine, le peuple, ainsi que nous l’expliquerons, en son lieu (VI, 1), ne se réunit que sur l’ordre du magistrat[1], principalement pour agir en commun avec lui, dans sa disposition légale et suivant la forme légalement prescrite. Le rôle du magistrat se décompose donc là en deux phases : la convocation du peuple en conventio ou contio[2], puis l’ordre donné par lui aux citoyens de se distribuer en comitia[3], à la suite duquel seulement il devient possible pour lui d’agir avec le peuple, agere cum populo[4]. Déterminons à quels magistrats appartient ce double rôle.

L’action commune du magistrat et du peuple se rapporte principalement aux lois et aux élections ; et cette coopération est une prérogative des magistrats supérieurs[5]. Elle s’étend, dans la cité patricienne, au roi à l’interroi[6] et au præfectus urbi[7], dans la cité patricio-plébéienne au grand pontife[8], au consul, au dictateur, au préteur[9], au maître de la cavalerie[10], au tribun consulaire, et, de plus à tous les magistrats extraordinaires investis de la puissance consulaire dont les attributions s’étendent au territoire de la ville, c’est-à-dire aux décemvirs legibus scribundis, aux triumvirs rei publicæ constituendæ de 711[11] et aux duumvirs nommés pour les élections consulaires de la même année[12]. Elle ne fait donc défaut à aucun des magistrats supérieurs qui remplissent leurs fonctions dans l’intérieur de la ville. Elle manque en revanche à toutes les autorités dont la compétence se limite à l’extérieur de la ville, c’est-à-dire à tous les promagistrats, qu’ils le soient à raison d’une délégation ou d’une prorogation ou à raison du caractère étranger à la ville des actes pour lesquels ils ont été nommés, et aussi à tous les magistrats dans la compétence desquels la ville n’est pas comprise, quand bien même ils ne porteraient pas le titre de promagistrats[13] ; tous sont incapables d’agere cum populo, non seulement dans l’intérieur du pomerium, mais encore sous les murs. La raison n’est pas dans des scrupules religieux[14]. Ce doit être soit une loi positive, soit la coutume qui a établi la règle que celui qui ne peut pénétrer en qualité de magistrat dans l’intérieur de la ville ne peut pas davantage en exercer les fonctions ad urbem. — D’un autre côté, ce droit n’appartient à aucun des magistrats qui sont en dehors du cercle consulaire ou prétorien : l’indication contraire relative aux tribuni celerum, depuis longtemps tombés dans l’oubli, n’est digne de foi sous aucun rapport[15] et les censeurs et les autres magistrats inférieurs, n’ont jamais ni présenté de rogatio, ni présidé d’élection, pas même l’élection de leurs successeurs[16]. — La compétence peut avoir pour effet de restreindre le droit d’agir avec le peuple à une forme déterminée. Le grand pontife des comices n’agit qu’avec les curies ; car il n’a le pouvoir législatif que dans les matières de gentilité et ces questions sont réservées aux curies. Mais, s’il n’y a pas de limitations de compétence qui s’y opposent, la forme des comices ne fait pas de distinction et le jus agendi cum populo autorise à agir aussi bien avec l’ancien peuple des curies qu’avec le peuple patricio-plébéien disposé en ordre militaire ou civil. Les consuls, pour lesquels il n’existe pas de limitations de compétence, convoquent selon les circonstances l’une ou l’autre des trois assemblées. En particulier, on ne peut refuser au préteur le droit de rassembler les centuries : nous le démontrerons plus longuement dans le chapitre du Consulat. Le jus cum populo agendi ne peut d’ailleurs être étudié ici que dans son rapport d’ensemble avec la magistrature, et les développements plus étendus trouveront leur place soit dans la théorie des différentes magistratures, soit dans la partie consacrée aux Assemblées du peuple.

Les magistrats supérieurs de la plèbe n’ont, il est vrai, jamais reçu le droit d’agir avec le peuple. Mais c’est parce qu’ils avaient déjà le droit d’agir avec la plèbe et que l’évolution politique a eu pour but non pas d’effacer la distinction des deux assemblées, mais d’attribuer légalement la même force aux résolutions de toutes deux. Le jus agendi cum plebe[17] des tribuns est naturellement aussi vieux ~ que la plèbe et le tribunat ; il n’est pas moins exclusif que le droit correspondant des magistrats supérieurs patriciens ; car il n’appartient ni à ces derniers, ni, en matière électorale ou législative, aux magistrats inférieurs plébéiens.

Le principe que le droit de délibérer avec l’assemblée du peuple appartient à l’autorité la plus élevée a reçu des modifications multiples en vertu des institutions patricio-plébéiennes qui régissent la procédure criminelle. A la suite du transfert à des magistrats inférieurs du droit de justice criminelle, qui est en théorie attaché à l’autorité la plus élevée, ces magistrats ont été mis en situation de défendre leur verdict devant le peuple. Ce fait fut mis en harmonie avec le principe selon lequel le peuple ne peut être convoqué que par les magistrats supérieurs à l’aide d’une convocation par représentation, d’ailleurs anormale. Le questeur contre la sentence duquel il est fait appel a probablement reçu pour ce cas les auspices nécessaires par une clause spéciale de la loi[18] ; mais il les prend lui-même et il convoque et préside les comices judiciaires[19]. Le duumvir doit avoir eu de la même façon la convocation et la présidence des comices par centuries pour procès de perduellion[20]. La règle selon laquelle les centuries seules sont compétentes en matière capitale, a été conciliée par la même voie avec la juridiction capitale des tribuns : le tribun du peuple, contre la sentence capitale duquel il est interjeté appel, demande au préteur, pour la convocation des comices par centuries, une fixation de jour[21], que le préteur ne peut pas avoir eu le droit de lui refuser. On ne sait rien de plus sur les auspices, la convocation et la présidence dans ces comices. Cependant la présidence au moins doit avoir appartenu au tribun[22].

Le droit de provoquer une résolution du peuple à reçu une autre extension réelle, mais du reste limitée à la justice populaire en matière non capitale. Elle est issue du droit des édiles curules[23], des édiles plébéiens[24] et du grand pontife[25] de prononcer une amende excédant le taux de la provocation et de défendre leur sentence au cas d’appel, soit devant les tribus patricio-plébéiennes, soit devant la plèbe. Le pouvoir des édiles se fonde, ainsi qu’il a été expliqué en son lieu, sur des lois pénales spéciales dirigées contre certaines infractions préjudiciables à l’État : les édiles doivent-ils en partant de là être comptés parmi les magistrats qui ont le droit d’agir avec le peuple, c’est un point douteux[26]. On ne peut établir l’existence d’autres extensions analogues. Il est possible mais il n’est pas très vraisemblable que le censeur ait eu le pouvoir d’exercer le droit d’amende de la même façon que le grand pontife. Les magistrats inférieurs extraordinaires peu nombreux, institués en vertu de lois spéciales dans la sphère de la compétence urbaine, ainsi les magistrats auxiliaires chargés de constructions, peuvent avoir reçu, avec le droit de coercition limité, le droit également limité de convoquer les comices. Cependant nous ne savons rien à ce sujet. Les autres magistrats et fonctionnaires publics n’ont certainement pas eu le droit de réunir les comices, puisqu’ils étaient dépourvus soit du droit de coercition, soit de celui d’exercer leurs fonctions dans l’intérieur de la capitale.

Mais ce n’est pas seulement en matière législative, électorale ou judiciaire que les autorités réunissent le peuple distribué en sections. Des assemblées ordonnées de la même façon ont lieu pour certains actes d’inauguration, sous la présidence du grand pontife, et pour le lustrum, sous la présidence des autorités chargées du cens, dans la période récente des censeurs[27]. Le droit de convocation n’est point considéré là comme un jus cum populo agendi, puisque l’assemblée ne prend aucune résolution, et spécialement le nom de comitia est refusé à l’assemblée ainsi réunie par les censeurs. Pour le reste, ces assemblées sont semblables à celles où le peuple prend des résolutions.

Le principe, selon lequel la convocation du peuple non distribué dans ses parties a lieu afin de le distribuer en ces parties et d’accomplir l’acte projeté, domine tout le système de la République. La contio solennelle, par laquelle est ouvert le cens et toutes les contions des censeurs qui suivent celle-là ne sont que les préliminaires de l’assemblée finale et de la lustration de l’exercitus urbanus. Nous expliquerons au sujet de la procédure suivie devant les comices (VI, 1) que les assemblées du peuple où il n’est pas disposé régulièrement et ne prend pas de résolution ont pour origine l’usage des magistrats qui déposaient des projets de lois de les recommander et les discours pour et contre qui s’y rattachaient ainsi que les débats préalables prescrits par la loi dans la procédure de provocation. Nous verrons là que la contio et les comitia, quoique ayant la même assise, se séparaient cependant fréquemment en pratique : le lieu choisi pour le vote ne servait pas en général pour haranguer les citoyens et les débats qui précédaient le vote ont bien des fois eu lieu un autre jour que celui du scrutin.

Mais la contio ne se rencontre pas du tout exclusivement comme un préliminaire des comices[28]. Si le droit du magistrat d’agir avec le peuple régulièrement distribué implique nécessairement celui d’adresser des communications au peuple non distribué en comices, on ne peut pas non plus refuser à ce magistrat la faculté de faire usage du droit le plus faible quand l’autre est hors de cause. C’est en effet ce que nous voyons. Au camp, les soldats sont tout à fait habituellement convoqués par le magistrat qui a le droit d’agir avec le peuple, à une contio[29] qui ne peut être là suivie de comitita, puisque le peuple ne peut prendre de résolution dans le territoire militiæ. La même chose a lieu, dans la ville, selon le gré du magistrat, et la possession de ce droit est en particulier d’une importance essentielle pour l’agitation politique. Le magistrat peut convoquer les citoyens même lorsque aucune cérémonie lustrale ou comitiale n’est projetée, par exemple pour assister à une exécution[30] ou à un autre acte public[31] ou pour recevoir un avis de l’autorité, point sur lequel nous reviendrons plus bas. Mais cette assemblée qui n’est pas suivie de comices ne diffère pas de celles qui précèdent les comices et elle est essentiellement soumise aux mêmes règles. A la vérité, les dispositions légales qui se rapportent uniquement au vote des citoyens ne comportent naturellement aucune application à la simple conventio. Le délai trinundinal établi entre la fixation du jour du vote et le vote lui-même ; les formalités des auspices[32] ; la règle que plusieurs assemblées du peuple ne peuvent avoir lieu en même temps[33] ne s’appliquent qu’aux assemblées oit l’on vote. En droit, le non citoyen est sûrement aussi bien exclu de la contio que des comitia. Pourtant, comme la question de légitimation ne se pose que lorsque les citoyens se séparent pour le vote, la formule technique contionem summoveri désigne principalement l’expulsion des personnes présentes qui n’ont pas le droit de voter et ces personnes sont donc logiquement tolérées dans la contio. Mais en principe cette contio est traitée comme la contio introductive des comices. Le magistrat y est assis sur une estrade élevée et les citoyens l’écoulent debout et en silence. La conventio, ne peut probablement pas avoir lieu aux jours qui sont d’après le calendrier impropres aux comices[34]. La convocation spéciale prescrite pour les comices et faite pour les assemblées qui se tiennent dans la ville par le héraut, pour celles qui ont lieu hors du Pomerium à son de trompe (note 30), est commune à la contio et aux comices et demeure le criterium de cette forme de réunion des citoyens. La contio était également ouverte, au moins à l’époque ancienne, par une prière[35]. Enfin, le droit de tenir une contio qui ne conduit pas à une distribution régulière du peuple est ordinairement exercé par les magistrats qui peuvent en provoquer une où il est régulièrement distribué. Ce sont les magistrats supérieurs patriciens et plébéiens[36], et en outre le censeur dont l’exercitus urbanus disposé régulièrement équivaut quant au fond à des comices. [Pourtant on ne peut contester le droit de tenir une contio aux magistrats inférieurs, c’est-à-dire aux édiles et aux questeurs[37].] Nous n’en n’avons au contraire de preuves certaines ni pour les promagistrats[38] ni même en général pour les prêtres[39].

Toute personne et non pas seulement tout citoyen est obligé de parler publiquement devant le peuple dans les procès soumis aux comices judiciaires, sur l’ordre du magistrat qui les préside (VI, 1). Mais en dehors de l’obligation de déposer comme témoin, le droit de parler publiquement au peuple est un privilège du magistrat : le citoyen n’a, dans la contio comme dans les comices, qu’à écouter et à répondre à la question qui lui est adressée verbalement ou par écrit. Ce droit apparaît aux Romains comme si éminemment lié à la présidence des comices que, dans leur conception, personne autre que le roi n’a parlé au peuple durant la période royale[40]. Cela ne veut pas dire que l’admission à la parole du collègue égal en droit, manie lorsqu’il n’avait pas participé à la convocation de l’assemblée, fut dans l’essence de la collégialité. En tout cas, nous voyons soit en considération du droit d’intercession, soit en vertu de la loi ou de la coutume, les magistrats qui possèdent le droit d’agir avec le peuple posséder au moins en fait le pouvoir de participer approbativement ou désapprobativement à des pareilles délibérations ; où la parole leur était bien donnée, mais ne pouvait guère leur être refusée. L’admission d’un particulier à la parole, en langue technique, producere ad contionem, contionem dare[41], qui est considérée comme introduite à la fondation de la République (note 40) ; est à l’inverse regardée comme une permission exceptionnelle accordée par le magistrat à son gré et même avec la fixation d’un temps de parole[42]. Elle est perdue avec l’éligibilité et se lie à la possession intégrale de, l’honneur civique[43]. Les particuliers, n’étant admis qu’exceptionnellement à l’exercice de ce pouvoir des magistrats, parlent en général non pas de l’emplacement sur lequel siège, le magistrat, mais d’une estrade plus basse[44], et si des particuliers et, des magistrats parlent sur la même affaire, les magistrats ont la parole les derniers[45]. Au reste ; ce n’est pas seulement pour des assemblées politiques qu’il a été fait usage de ce droit de parole : les oraisons funèbres solennelles supposent aussi une contio[46], et on ne peut les mettre en harmonie avec le reste des institutions romaines qu’en admettant, que cette contio est aussi tenue ou donnée par un magistrat supérieur.

Le droit du magistrat de convoquer le peuple a pour proche parent son droit de rendre des édits, auquel nous passons maintenant.

L’édit du magistrat a pour fondement sa parole, en tant que cette parole est un ordre et que l’on entend par ex-dicere l’avis qui n’est pas porté à la connaissance immédiate d’une personne, mais adressé en général à celui ou à ceux qu’il concerne. La simple information donnée au publie ne rentre pas dans la notion de l’édit[47] ; en revanche il comprend non seulement les ordres proprement dits, tels que les citations édicules de procédure et les convocations des sénateurs, mais toutes les communications faites par le magistrat au public afin qu’il ait à s’y conformer : les édits généraux des magistrats relatifs au droit privé, sont, conformément, au caractère arbitral de ce dernier, essentiellement des déclarations du magistrat sur la procédure officielle qu’il compte suivre, et les édits descenseurs ne sont même en général rien de plus que des conseils autorisés[48]. En tant que la magistrature adresse aux citoyens des injonctions et des avis plus ou moins obligatoires, l’édit peut être regardé comme un ordre du magistrat.

Quoique la faculté de faire des annonces publiques qui appartient à tout particulier[49] appartienne à plus forte raison à tout magistrat, le jus edicendi, au sens le plus énergique du mot, c’est-à-dire le droit d’atteindre par une publication le même effet qu’entraînerait d’après les règles ordinaires du droit la notification individuelle faite à la personne intéressée, en particulier par conséquent le droit d’adresser une communication produisant un effet légal à l’ensemble du peuple, n’appartient pas aux particuliers et n’appartient parmi les magistrats qu’à ceux qui ont, suivant les règles que nous avons données, le droit de réunir le peuple. Il est principalement exercé par les magistrats supérieurs munis de l’imperium, par les consuls et les préteurs à Rome et par les gouverneurs en province. A ces premiers magistrats s’ajoutent avec des droits égaux les magistrats supérieurs de la plèbe[50]. En outre, aucun acte ne pouvant être accompli en commun avec le peuple sans que ce dernier suit préalablement convoqué, tous les magistrats qui ont le droit d’intenter un procès criminel ont forcément le jus edicendi dans la mesure correspondante indispensable. Le censeur n’a pas l’imperium, mais il a le droit de rassembler l’exercitus ucrbanus ; par corrélation, il a le droit de rendre des édits, mais son défaut du droit positif de commander s’exprime dans ses édits. Par contre, on ne trouve aucune mention d’édits des questeurs. Si les édiles plébéiens n’ont pas le jus edicendi en dehors de ce qui leur est nécessaire pour leurs procès en paiement d’amende, tandis qu’au contraire les édiles curules Pont exercé tant en vue de leur juridiction que pour d’autres causes (note 67), c’est la une exception qui ne fait que confirmer la règle ; car, les édiles curules n’ayant pas, il est vrai, le jus agendi cum populo, mais participant à l’imperium judiciaire, cette magistrature, qui est la plus récente des magistratures ordinaires, prend entre les magistratures supérieures et inférieures une situation intermédiaire qui est en discordance avec la rigueur primitive de la distinction. — Une autre anomalie provoquée par des raisons d’utilité pratique est que le jus edicendi est reconnu aux magistrats désignés dès avant leur entrée en charge[51] ; à : la vérité un édit n’entre naturellement d’ordinaire en exercice qu’après l’entrée en charge de celui qui l’a rendu[52].

Le jus edicendi ne peut être refusé au grand pontife dans la mesure où l’exige le droit de rassembler les ourles ; il lui a sans doute appartenu en outre, où ses fonctions de magistrat exigent qu’il adresse un édit au peuple. Mais en tant que l’on considère l’édit comme contenant un ordre, le jus edicendi lui manque comme le jus agendi. La proclamation aux nones de chaque mois des jours de fête tombant dans le cours du mois, qui comprenait probablement à l’époque royale les fêtes indictives, et prenait par là le caractère d’une injonction de magistrat, demeura, après que l’indiction des fêtes mobiles eut passé aux consuls, au roi des sacrifices pour les fêtes fixes du calendrier ; mais son accomplissement par ce dernier prouve précisément qu’il n’y a pas là un ordre, mais une simple annonce et que sa désignation du nom d’édit doit être comprise comme une survivance de son ancien caractère ou dans le même sens que les édits des simples particuliers. Le grand pontife affiche les tables annales dans sa maison[53] et, si les lois royales peuvent tare appelées au point de vue du fond un édit pontifical, la forme dans laquelle elles se présentent prouve de la manière la plus nette que les droits du préteur et de l’édile curule n’appartiennent pas au grand pontife. Il en est de même à plus forte raison, sauf peut-être l’exception précitée faite pour le roi des sacrifices, des autres prêtres. [Mais, comme ceux-ci se trouvent souvent dans le cas d’adresser au public des communications relatives au culte, ils lui ont souvent donné ces avis sous la forme d’édits. Il faut même ajouter qu’avec l’appui d’un ordre de magistrat ils pouvaient ainsi publier des avis obligatoires.][54].

La publication doit être faite oralement, c’est-à-dire par le héraut sur l’invitation du magistrat présent : la preuve en est dans l’expression edicere et dans la formule ordinaire par laquelle commencent les édits écrits[55]. Si la publication s’adresse au peuple en général, on emploie ordinairement la forme de la contio, c’est-à-dire que le peuple est appelé par le héraut devant le magistrat pour recevoir la communication[56]. En particulier, les convocations du peuple faites clans la procédure de rogation et dans celle de provocation sont toujours publiées in contione. — Le caractère oral de l’acte exclut la représentation ; le magistrat qui n’est pas présent au siège de son autorité ne peut edicere. Mais la représentation est remplacée par la faculté donnée au magistrat qui a le jus edicendi d’user de son droit au profit d’un magistrat absent ayant le mufle droit, ainsi par exemple de fixer le terme d’un acte que doit accomplir le dernier[57].

A la publication orale lui est de l’essence de l’acte et qui s’est théoriquement toujours conservée s’est lié dès une époque précoce l’affichage écrit (proponere, proscribere) de l’ordre officiel : on voit d’ailleurs, notamment en matière législative, que l’écriture a de très bonne heure pris pied à Rome dans les actes publics. Cependant l’affichage, qui peut bien avoir été fréquemment prescrit législativement pour des actes isolés, peut ne pas l’avoir été d’une façon générale ; à la vérité il était matériellement indispensable pour les édits permanents.

Topographiquement, la publication n’était sans doute obligatoire que dans la circonscription soumise aux pouvoirs du magistrat, par conséquent pour les magistrats urbains à Rome, pour ceux en fonctions dans les provinces, dans leur ressort. Y avait-il dans le second cas des contions d’après l’analogie de celles des généraux, on ne peut le décider. Quand le lieu d’affichage n’était pas déterminé par une loi spéciale, le magistrat pouvait choisir n’importe quel endroit accessible au public[58], mais en général il employait les emplacements publics[59]. Ce qui devait être porté à la connaissance du peuple romain par cette publicité renforcée était publié dans les marchés et les bourgs italiques (fora et conciliabula) à l’époque ancienne, oit les citoyens non domiciliés à Rome n’étaient pas en générai agglomérés en communautés urbaines[60]. De pareilles publications ont même été dans certaines circonstances adressées aux alliés à côté des citoyens[61].

La durée de l’affichage de l’édit dépend aussi théoriquement de l’arbitraire du magistrat, mais elle dépend pratiquement de son but. En principe, il n’est que transitoire[62]. S’il est destiné à rester en vigueur pendant toute la durée des pouvoirs du magistrat, on le distingue comme édit annal ou permanent (edictum annuum, perpetuum) des édits transitoires. Mais il reste toujours en vigueur tout au plus pendant le temps que le magistrat reste en fonction. Par corrélation il est écrit en noir (atramentum) sur des tables de bois blanchi à la chaux (album). Un affichage à perpétuité serait en contradiction avec la notion de l’édit[63].

Il n’y a pas de raison d’énumérer ni de classifier les raisons multiples qui peuvent provoquer un édit de magistrat. Il y a en particulier une très grande partie des actes des magistrats que des édits précèdent à titre préparatoire[64] ; mais ces édits, spécialement ceux qui sont légalement requis et pour lesquels même l’intervalle à observer entre l’édit et l’acte qu’il prépare est déterminé comme règle de forme, ainsi que cela a lieu principalement pour les comices, seront plus commodément étudiés à propos des actes auxquels ils se rapportent.

Une importance de premier ordre appartient aux proclamations que fait le magistrat à son entrée en fonctions, dans le but soit de se présenter personnellement à ses administrés[65], soit surtout d’instruire d’une manière spéciale le public intéressé sur les actes qu’il accomplira, et d’exposer les principes qui dirigeront son administration. Ces édits ont eu une portée pratique très grande relativement au cens pour lequel ils se présentent dans la forme de la lex censui censendo ou formula census publiée au début de la censure, et relativement à la juridiction civile. Pour la dernière, la publication de ces édits forme, à l’époque de la République, une portion essentielle du rôle des magistrats chargés de la juridiction civile[66] des deux préteurs civils et des édiles curules à Rome et des gouverneurs dans les provinces ; peut-être même la faculté de promulguer un pareil édit général en entrant en fonctions ou l’obligation de le faire n’a-t-elle exclusivement existé que pour eux. Ces édits se distinguent des édits ordinaires provoqués par des circonstances accidentelles d’abord en ce qu’ils font partie des édits qui restent en vigueur pendant toute la durée des fonctions du magistrat[67], ensuite et avant tout en ce qu’ils sont obligatoires non seulement pour les parties, mais jusqu’à un certain point pour celui-là mime qui les rend[68] et qu’ils sont souvent approuvés par ses collègues et reproduits par son successeur[69] : c’est sur ces édits que s’est fondé en grande partie le développement du droit privé, et le droit de les rendre se rapproche du pouvoir législatif. Sous l’Empire, ce pouvoir, pseudo-législatif des magistrats a été bientôt sinon directement supprimé, au moins écarté de fait[70].

 

 

 



[1] Festus, Ep., p. 38 : Contio significat conventum, non tamen alium quam eum, qui a magistratu vel sacerdote publico per præconem convocatur. Denys 4,37. 76. 5, 57, etc.

[2] In coventionid se trouve encore dans le sénatus-consulte de Bacch, ligne23. Cf. Festus. Ep. p. 113 : In conventione in contione.

[3] C’est précisément pour cela que le dernier mot ne peut s’employer au pluriel. L’opposition se révèle de la façon la plus nette dans la formule donnée par Varron, 6, 88, pour la réunion des centuries. L’accensus y appelle d’abord les citoyens ad conventionem, c’est-à-dire à se présenter, puis le consul lui-même les appelle ad comitia centuriata, c’est-à-dire à se diviser par centuries, Macrobe, Sat. 1, 16, 22 : Julius Cæsar XVI auspiciorum libro negat nundinis contionem advocari posse, id est cum populo agi, ideoque nundinis Romanorum haberi comitia non posse. V. des explications plus détaillées tome VI, 1, p. 449 ; p. 457 et ss.

[4] C’est la définition que donne Aulu-Gelle, 13, 16, 2. 3, en s’appuyant sur des développements de Messala. Les habitudes de langage y sont conformes ; même dans les textes que l’on invoque pour soutenir que cum populo agere peut être employé pour une simple contio (Cicéron, Verr. act. 1, 13, 36 ; Macrobe, ci-dessus note 3), il est plutôt question des comices. Ad populum agere (Tite-Live, 32, 31, 1) a un sens différent.

[5] Cicéron (De leg. 3,4, 10) définit le jus agendi cum populo en ce sens, en ne tenant pas compte de celui qui se rattache à la provocatio.

[6] Varron, De l. L. 6, 93. Cicéron (note 5). Des lois ont aussi été proposées de la sorte ; ainsi celle par laquelle Sulla reçut le pouvoir constituant.

[7] Les arguments tout théoriques qui peuvent être invoqués dans ce sens seront discutés, tome II, dans la théorie de la Représentation. L’existence du droit ne peut être établie en pratique, et il est probable qu’il n’était plus exercé à l’époque historique.

[8] Le jus agendi cum populo n’est pas attribué expressément au grand pontife. Cependant il peut bien être la sacerdos publicus de la définition de Festus qu’il faut sans doute rapporter à ce droit, et on ne voit pas, en tout cas, comment en pourrait la lui refuser, les curies constituant aussi bien le populus que les centuries et les tribus. Au contraire la présidence pontificale des comices sacerdotaux des dix-sept tribus (cf. tome III, la théorie du grand Pontificat) est étrangère à ceci ; car ces comices ne sont pas la populus.

[9] Le préteur provincial est dépourvu moins du droit que de l’occasion d’en user. On ne voit même pas pourquoi il n’aurait pas pu l’exercer avant de partir pour sa province.

[10] En ce qui concerne le maître de la cavalerie, l’assertion de Cicéron, (note 5) a été révoquée en doute (Becker, 1ère éd. 2, 2, 178. 402) ; elle est assurément isolée ; car les mots dictator consul prætor magister eguitum cités par Cicéron, Pro Rab. Post. 6, 14, ne désignent pas, comme l’a supposé Marquardt (1ère éd. 2, 3, 51), les rogatores des lois, mais ceux à qui la loi se rapporte. C’est sans doute par une confusion de Plutarque (Camille, 39) que C. Licinius Stolo est représenté comme ayant présenté sa loi agraire en qualité de maître de la cavalerie ; et l’élection relatée par Dion, 43, 33, ne prouve rien, le rogator Lépide étant bien maître de la cavalerie, mais étant en outre consul. Mais, d’une part, l’isolement rte cette assertion n’est pas un motif suffisant de la rejeter on de la faire disparaître du texte ; d’autre part, on ne voit pas comment on aurait refusé à fin magistrat autorisé à exercer ses fonctions dans la ville et investi de la puissance prétorienne le droit de rogation qui est inhérent à l’imperium le plus élevé. On s’explique facilement qu’il ne soit pas ailleurs question de ce droit. En fait, le jus agendi cum populo est exercé de préférence par le magistrat le plus élevé qui se trouve pour le moment à Rome, et le maître de la cavalerie ne se rencontre que malaisément dans cette situation.

[11] En tant qu’il est besoin d’une preuve, on peut invoquer leur droit de convoquer le sénat, encore plus que l’imperium consulare qui leur est attribué (Appien, B. c. 4, 2. 7).

[12] Dion, 40, 45.

[13] Par une application remarquable de ce principe, les décemvirs agris adsignandis de Rullus reçurent la puissance prétorienne (Cicéron, De leg. agr. 2, 13, 32), mais la loi curiate fut proposée pour eux par un préteur (op. cit. 2, 11, 28) ; car ils n’avaient pas le droit de convoquer le peuple.

[14] Le magistrat qui se rendait de la ville au champ de Mars avait bien des auspices é prendre au passage du pomerium ; mais c’est probablement parce qu’il passait en même temps un cours d’eau, et non pas parce que ces auspices auraient été requis pour la tenue des comices ; car le magistrat peut encore tenir les comices au champ de Mars lorsqu’il vient de l’extérieur. Un autre argument dans le sens de la conception présentée au texte est fourni par l’observation que les motifs religieux ne pourraient être invoqués pour expliquer chez le proconsul le défaut du droit de relation corrélatif.

[15] D’après Tite-Live, 3, 59, et Denys, 4, 71. 75 (de même Pomponius, Digeste 1, 2, 2, 3 : Exactis regibus lege tribunicia, et Servius, Ad Æn. 8, 646), Brutus proposa au peuple le bannissement des Tarquins, en qualité de tribunus celerum, tandis que Cicéron, De re p. 2, 25, l’appelle privatus. Il est absurde d’attribuer la potestas consulaire aux tribuns militaires en cette qualité, et les tribuns celerum ne sont que cela.

[16] L’unique exception serait l’allégation de Pison dans Aulu-Gelle, 7 (6), 9 : Eumque (Cn. Flavius) pro tribu ædilem curulem renuntiaverunt : ædilis qui comitia habebat negat accipere. Mais il doit y avoir nécessairement une faute dans ce texte ; car on a la preuve que l’élection des édiles était présidée tant antérieurement que postérieurement par les magistrats supérieurs et on ne peut pas admettre que les édiles aient dirigé dans ces comices le dépouillement du vote comme je l’ai supposé jadis (Rœm. Forsch. I, 159) ; il faut ou changer ædilis en is ou encore l’effacer comme étant une glose.

[17] De même que populus se trouve fréquemment où il faudrait rigoureusement populus plebesve, cum populo agere s’étend à l’acte d’agere cum plebe. Festus, Ep, p. 50 : Cum populo agere hoc est populum ad concilium aut comitia vocare.

[18] Il est aussi possible que le magistrat supérieur ait prêté ses auspices ; mais il n’en est pas question dans le schéma rapporté par Varron.

[19] Tite-Live, 3, 24, 7. Denys, 8, 77. Partout où il est question de procès faits par les questeurs, rien n’indique que lés comices soient rassemblés par d’autres que par eux-mêmes.

[20] Aucun renseignement ne nous a été transmis à ce sujet. En général, ce qui a été dit dans la note précédente s’applique également aux comices des duumvirs.

[21] Tite-Live, 25, 3, 9 ; 43, 16, 11. Aulu-Gelle, 6 (7), 9, 9. Cicéron, De har. resp. 4, 7.

[22] C’est au moins, d’après Tite-Live, 43, 16, 16, le tribun qui renonce à tenir des comices de cette nature.

[23] Les édiles curules n’avaient le droit cum populo agendi que pour prendre la défense des multæ inrogatæ par eux. Cicéron l’indique, Verr. act. 1, 12, 36. De même, l. 5, 67, 473. Tous les cas où les édiles curules agissent avec le peuple se rapportent à ces procès sur des amendes, ainsi Tite-Live, 8, 22, 2 (cf. Val. Max. 8, 1, 7). 40, 23, 11. c. 31, 9, c. 47, 4. 35, 10, 12. c. 41, 9 ; Val. Max. 6, 1, 7 (cf. Plutarque, Marc. 2). Les tribus sont nommées expressément dans Val. Max. 8, 1, 7, et Pline, H. n. 18, 6, 42.

[24] Des exemples sont donnés par Tite-Live, 10, 23, 13. 25, 2, 9. 33, 42, 46 ; Aulu-Gelle, 10, 6, 3. Dans plusieurs cas, il est simplement question d’édiles, et on ne peut savoir s’il s’agit des édiles curules ou des édiles plébéiens ; ainsi Tite-Live, 7, 28, 9. 10, 13, 14. 34, 53, 3.

[25] Tite-Live, 40, 42, 10, démontre que ces procès étaient aussi déférés aux tribus. Il ne me parait pas plus scabreux d’admettre une provocatio pour les sentences du pontifex maximus que pour celles des questeurs et des édiles.

[26] Cicéron exclut les édiles. Si d’après Messala (dans Aulu-Gelle, 13, 46, 1), minores magistratus (c’est-à-dire ceux au-dessous du préteur) nusquam nec comitiatum nec contionern avocare possunt ; ea re, qui eorum primus vocat ad comitiatum, is recte agit, quia bifariam cum populo agi non potest nec avocare alius alii potest, il a peut-être pensé en même temps aux comices des questeurs, mais il a en tout cas englobé ceux des édiles.

[27] Varron, De l. L. 6, 93. Cf. tome IV, la théorie de la Censure.

[28] Tite-Live, 3, 39, 6. 39, 13, 11.

[29] Tite-Live, 7, 36, 9 : Consul classico ad contionem convocat. 8, 7, 14. c. 32, 1. 26, 48, 13. 30, 17, 9, etc.

[30] Cela s’applique aussi bien aux exécutions faites hors du Pomerium (Cicéron, Pro Rab. ad pop. 4, 11. 5, 13. Tacite, Ann. 2, 32) que certainement à l’exécution pontificale de la peine de mort sur le comitium (cf. tome III, la théorie du Grand Pontificat). La publicité est exclue pour les exécutions des femmes et pour celles faites au Tullianum. Au reste, il est fort possible qu’à l’époque ancienne, non seulement les trompettes aient sonné le signal pour les exécutions publiques, mais que l’armée civique ait assisté en ordre de bataille à l’exécution de la peine comme à une inauguration.

[31] Cf. par exemple, Tite-Live, 42, 33. Il s’agit de l’intercession tribunicienne contre l’enrôlement au service, et on voit là clairement la différence de la publicité qui se présente dans tous les débats de ce genre et de la délibération qui a lieu après une convocation spéciale du peuple.

[32] L’événement rapporté note 31, en est par exemple la preuve.

[33] Messala dans Aulu-Gelle, 13, 18, 1. Le magistrat supérieur peut en empêcher l’intérieur et le fait d’ordinaire, s’il tient lui-même une contio ou des comices. Mais, s’il ne le fait pas ou si des magistrats de même rang tiennent des comices, il y a à la fois une contio et des comices ou plusieurs contiones.

[34] César, dans Macrobe (Sat. 1, 16, 22) le dit positivement ; cf. aussi Cicéron, Ad Att. 4, 3, 4 : Contio biduo nulla relativement aux 21 et 22 décembre, jours dont le premier est signalé comme nundinæ. A la vérité, il est question ailleurs d’une contio tenue un jour nundinal (Cicéron, Ad Att. 1, 14, 1), et selon le statut de Genetiva, c. 81, les comptables de la cité prêtent serment in contione palam luci nundinis. Mais c’est à tort que j’ai antérieurement contesté la règle en vertu d’une conception générale fausse de la contio.

[35] Tite-Live, 30, 15.

[36] Cicéron, Ad Att. 4, 1, 6. Il y a une quantité d’autres exemples.

[37] Les contiones, que Messala attribue aux édiles et peut-être aux questeurs, peuvent facilement être celles qui résultent de la procédure de provocation dans la mesure jusqu’à laquelle s’étend leur jus cum populo agendi, on ne peut contester à ces magistrats le droit de contio. Si un édile curule quotidie accuratas contiones habebat (Cicéron, Brut. 30, 305), cela ne prouve rien ; car il peut s’agir de contions accusatoires ou données par autrui. [Mais le témoignage du scoliaste du discours In Clod. et Cur. 91 Orelli, p. 330, tranche la question].

[38] La contio que le proconsul L. Æmilius Paullus tient en 587 avant son triomphe (Velleius, 1. 10) peut aussi avoir été une contio data, tout comme celle tenue après le triomphe qui fut accordée au même personnage devenu simple particulier par le tribun du peuple M. Antonius (Tite-Live, 45, 40, 9) et dans laquelle la prière adressée aux dieux lors de la première contio est mentionnée comme ayant été exaucée dans l’intervalle (Tite-Live, c. 11, 48).

[39] Le grand pontife a sans doute ce droit, comme le jus cum populo agendi pour ses fonctions officielles, mais non à titre général (cf. tome III, la théorie du Grand Pontificat). — S’il est prescrit aux augures de faire les nominations destinées à compléter leur collège in contione (Ad Herren. 1, 11, 20), il ne résulte pas de là que ce soient eux qui convoquent cette contio.

[40] Denys, 5, 11, sur l’an 243. Plutarque, Popl. 3, donne la même solution, si ce n’est qu’il substitue C. Minucius à Sp. Lucretius. D’autres au contraire (Tite-Live, 1, 16 ; Cicéron, De re p. 2, 10) représentent, dès après la mort de Romulus, Proculus Julius comme parlant au peuple, sans lui donner le titre d’interrex.

[41] Cicéron, Ad Att. 4, 1, 6. Ep. 2, 3, etc.

[42] Tite-Live, 45, 46, 3. Dion, 39, 34. Plutarque, Cat. min. 43.

[43] Il est dit du rex sacrorum : Άπείρηται καί άρχειν καί δημηγορεΐν (Plutarque, Q. R. 63), du prodigue : Qui bona paterna consumpserit, ne contienetur (Quintilien, Inst. 3, 11, 13), et de l’individu condamné sur une poursuite repetundarum : Lex vetat eam in contione orationetn habere (Ad Herenn. 1, 11, 20). Comp. la table de Bantia, C. I. L. I, p. 45, au début. D’autre part, le jus contionandi se rencontre aussi comme distinction personnelle, (inscription d’Alexandrie Troas, C. I. L. III, 392, sans doute à l’imitation de Rome). Le sens est probablement que le magistrat est obligé d’accorder la parole à celui qui est investi de ce droit comme à un collègue.

[44] Cicéron, Ad Att. 2, 24, 3 ; In Vat. 10, 24.

[45] Dion, 39, 35. Cf. VI, 1.

[46] Denys, 5, 17. Cicéron, De leg. 2, 24, 62.

[47] La proclamation des divisions du jour judiciaire par l’accensus ou le præco (Varron, De l. L. 6, 5. 89. Pline, H. n. 7, 60. 212) n’est pas un édit. Les nouvelles du théâtre de la guerre communiquées par le magistrat au public n’en sont pas davantage un (Tite-Live, 32, 7, 8 ; cf. Polybe, 3, 85, 7. 8. Tite-Live, 45, 1).

[48] Cf. tome IV, la théorie de la Censure.

[49] Naturellement le particulier est libre d’adresser par la voie qui lui convient une annonce orale ou écrite au public ; et, parmi les désignations techniques appliquées à de pareilles communications du magistrat edicere, proponere, proscribere, les deux dernières sont appliquées sans scrupule aux communications adressées par écrit par les particuliers au public, affiches dans des lieux publics, annonces de location, promesse de récompense aux porteurs d’objets perdus. Cicéron emploie même edicere dans ce sens, Ad Att. 1, 18, 8, où il s’agit peut-être de publications orales. Mais ces actes n’ont de force juridique propre que s’ils sont accomplis par des magistrats.

[50] Des édits tribuniciens sont par exemple mentionnés pour la convocation du sénat (Cicéron, Ad fam. 1. 6, 2) et en concours avec les préteurs en matière monétaire. Dans l’annonce publique du tribun du peuple Milon (proscripsit) qu’il observerait les éclairs u certains jours, le caractère d’avis au public fait défaut et il ne faut peut-être pas y voir un edictum au sens technique, mais une simple publication privée (ci-dessus note 49).

[51] Dion, 40, 66 ; 55, 6. Tite-Live, 21, 63, 1. C’est le jour de son entrée en fonctions. La publication eut par suite lieu à une époque antérieure.

[52] Cicéron, Verr. 1, 3, 42, 100. Mais il pouvait y avoir des exceptions. Lorsque par exemple l’édit consulaire cité note 51 in fine ordonnait aux soldats d’être à Ariminum le jour de l’entrée en fonctions du consul, il fallait bien qu’ils partissent dans cette direction dés avant ce moment.

[53] Cicéron, De or. 2, 12, 51.

[54] [Les actes d’Auguste et de Sévère nouvellement découverts donnent une foulé d’exemples de ces édits sacerdotaux.] Tite-Live, 40, 37, 3, parle aussi d’un édit des Xviri sacris faciundis : Decemviri supplicationem edicerunt. Mais, en rapprochant ce passage d’autres textes tels, que Tite-Live, 38, 44, 7 : Supplicatio ex decemcirorum decreto... fuit et surtout 40, 19, 5 : Iisdem (Xviris) auctoribus et senatus censuit et consules edixerunt, ut per totam Italiam supplicatio et feriæ essent, on comprend qu’il n’y a là qu’une ellipse : les véritables auteurs de l’édit sont les consuls. — Dans Val. Max. 8, 1, 2, edictum augurum est une fausse lecture.

[55] En tête de l’édit se trouve le nom de celui qui la rend suivi de dicit. (C. I. L. V, 5050 ; Grom. p. 246, 13). La formule ait prætor est connue.

[56] Cela est vrai même pour les édits annuels des préteurs. Cicéron, De fin. 2, 22, 74. Les tribuns du peuple et les préteurs s’entendent également dans Cicéron, De off. 3, 20, 80, pour rendre un edictum cum pæna atque judicio sur les désordres monétaires et ils conviennent, ut omnes simul in rostra post meridiem ascenderent ; puis ils sont devancés par l’un d’eux. La conséquence la publication du jugement in contione pro rostris prescrite par la lex repetundarum, ligne 42, et la lecture de la liste des jurés in contione, lignes 15 et 18 rapprochées de la ligne 38, ne peuvent être rapportées qu’à la contio étudiée plus haut qui présuppose une convocation du magistrat. Tite-Live, 39, 15, atteste que les édits concernant les Bacchanales furent publiés à Rome, in contione ; la lettre circulaire adressée pour la même affaire aux autorités de l’extérieur de la ville, qui nous a été conservée, prescrit utei in coventionid exdeicatis.

[57] Dans Tite-Live, 2, 33, 9, le préteur s’offre à rendre un édit afin de convoquer les comices pour le jour que fixeront les consuls. C’est probablement aussi par cette voie que le délai trinundinal a pu être concilié avec l’interrègne. Quand des magistrats absents rendent des édits. (Tite-Live, 21, 33, 1 ; 24, 1, 11, pour un consul en campagne : In eum quem primum diem comitialem habuit comitia edixit atque ex itinere præter urbem in campum descendit. 28, 9, 4 : Inde — de Præneste — præmisso edicto ut triduo post frequens senatus ad ædem Bellonæ adesset, ad urbem accesserat. 35, 24, 2, le sénat invite le consul Romam reverti et ex itinere præmittere edictum, quo comitia consulibus creandis ediceret), il faut sans doute plutôt penser à des édits rendus par représentation qu’à un emploi abusif de la formule dicit.

[58] L’édit de l’empereur Claude (C. I. L. V, 5059) porte au commencement : Bais in prætorio edictum propositum fuit. Par conséquent, l’empereur rend l’édit où il se trouve.

[59] Le préteur fait ses publications écrites ; dans la procédure de saisie de la loi repetundarum, apud forum (lignes 65, 66), l’édile fait les siennes relativement au pavage des rues aput forum ante tribunate suum (lex Julia municipalis, ligne 34). Des indications relatives aux distributions des grains sont, après qu’elles ont été inscrites sur les procès-verbaux (tabulæ publicæ), transcrites in tabulam in album et affichées cottidiæ majorem partem diei tant aput forum qu’au lieu de la distribution. Un ordonne en général l’affichage ubei facilumed gnosciet potisit, suivant l’expression du sénatus-consulte de 568, ou palam, unde de plano recte legi possit et on permet aussi de prendre copie de ces affiches (lex repetundarum, ligne 18). Cf. Suétone, Gai. 41 : Ejusmodi vectigalibus indictis neque propositis... tandem flagitante populo Romano proposuit quidem leqem, sed et minutissimis litteris et augustissimo loco, uti ne cui describere liceret.

[60] Dans Appien, B. c. 1, 29, un tribun fixe la date d’une assemblée populaire. Tite-Live, 25, 22, 4 ; 43, 14, 10. Si les cités de citoyens ne sont pas désignées dans cette formule, il n’y a là qu’une application du discours a potiori : l’urbs Roma et les agri (ou pagi) foraque et conciliabula (Tite-Live, 25, 5, 6. 29, 37, 3. 40, 19, 3. c. 47, 3. 4) en omettant les cités des citoyens sont une façon de parler courante des Romains. Nous ne savons comment la publication était faite dans les localités qui n’avaient pas d’autorités à elles. L’adresse étrange de l’exemplaire dans lequel nous a été conservé le titre relatif aux Bacchanales, in ayro Teurano se rapporte plutôt à un conciliabulum civium Romanorum qu’à une cité italique : et, s’il en est ainsi il y a eu même là des chefs qui pouvaient rendre un édit : Haice... ex deicatis.

[61] Cela arriva, comme on sait en 568, à la suite de la défense des conventicules relatifs au culte de Bacchus, non seulement dans le territoire occupé par les citoyens, mais dans toutes les cités latines et alliées. Le sénat décide de la même façon, Tite-Live, 39, 14, 7 ; 49, 19, 6.

[62] D’où note 58, propositum fuit.

[63] Dans l’affaire des Bacchanales, ce n’est pas exactement l’édit, mais le sénatus-consulte qui est affiché d’une manière permanente.

[64] L’édit apparaît ainsi comme préliminaire de comices, de séances du sénat, d’enrôlements, des fêtes populaires, de deuils publics, de ventes publiques, etc.

[65] Cette présentation personnelle du magistrat se rencontre encore sous l’empire à l’entrée en fonctions du consul et du gouverneur (v. tome III, la théorie du Consulat) ; elle avait aussi lieu pour les édits annuels des préteurs, prouve Cicéron, De fin. 2, 23, 74, qui établit en même temps que cet édit était rendu in contione.

[66] Cicéron, Verr. 1. 1, 42, 409. — Sur la désignation de l’edictum comme lex, cf. VI, 4.

[67] Si le droit de rendre l’édit de funeribus est exclusivement attribué aux édiles curules (Cicéron, Philipp. 9, 7, 16) ; cela ne peut être rattaché à ce qu’ils ont seuls la juridiction civile ; car, autant que nous sachions, cet édit n’aboutit pas à la délivrance d’une action civile.

[68] Lorsqu’un préteur aliter atque ut edixerat decernit, son collègue procède à une intercessio (Cicéron, Verr. 1, 46, 119). Un plébiscite de 687, la loi Cornelia, prescrivit ensuite expressément ut prætores ex edictis suis perpetuis jus dicerent (Asconius, In Cornel. p. 58).

[69] Cicéron, Verr. 1. 1, 44, 114 : Hoc vetus edictum translaticiumque esse ; op. cit., c. 46, 118 ; Ad Att. 5, 21, 11, etc. — Naturellement il y a eu beaucoup d’edicta non annua qui sont aussi devenus permanents en ce sens qu’en présence des mêmes circonstances on les rendait dans la même forme. Ainsi Aulu-Gelle appelle tralaticium l’édit consulaire de convocation du sénat (3, 48, 7), et il appelle celui pour la convocation des comités une vetus forma perpetua (13, 15, 1).

[70] Le préteur a encore le droit de rendre un breve edictum (Pline, Ep. 5, 9, 3) ; mais, au moins quant au fond, il ne peut plus modifier l’edictum tralaticium.