RIVALITÉ DE FRANÇOIS Ier ET DE CHARLES-QUINT

TOME SECOND

 

CHAPITRE VII. — SIÉGE ET BATAILLE DE PAVIE - PRISE DE FRANÇOIS Ier.

 

 

I

François Ier, au moment où sa situation était des plus dangereuses, et où, après la défaite de son armée d'Italie la plus méridionale des provinces de son royaume allait être envahie, avait chargé un camérier de Clément VII, qui traversait la France en revenant d'Espagne, de dire au pape qu'à la tête de trente mille hommes il passerait en personne les Alpes à l'automne. Si je ne le fais pas, avait-il ajouté, je permets à Sa Sainteté de ne plus me croire, et de ne m'estimer ni comme un roi, ni comme un chrétien[1]. Il put exécuter, au mois d'octobre, ce projet qui semblait si chimérique lorsqu'il l'annonçait au mois de juin, et tenter encore une fois la conquête de la haute Italie. D'Aix, où il était resté quatre jours, il se dirigea en toute hâte vers les Alpes. Il remonta la vallée de la Durance par Manosque, Sisteron, Chorges, Briançon, impatient de déboucher dans la plaine de Piémont, où il voulait précéder l'ennemi. En se retrouvant dans ces montagnes, qu'il avait traversées au début de son règne pour descendre en Lombardie et gagner la bataille de Marignan, il était transporté d'espérance et de joie. On montrait moins d'ardeur et de confiance autour de lui. Ses capitaines les plus expérimentés trouvaient la saison trop avancée et n'étaient pas d'avis d'entreprendre une campagne d'hiver. Ils commençaient d'ailleurs à redouter l'Italie comme l'écueil permanent des armes françaises, et à n'y voir qu'un tombeau où ils allaient tour à tour s'ensevelir.

Mais François Ier n'admit ni objection ni retard. Il était bien décidé à réparer l'affront de l'invasion, à laquelle venait d'être exposé son royaume, par l'éclat d'une conquête qu'il croyait indubitable, et qu'il supposait devoir être définitive. Afin d'animer les siens de ses sentiments belliqueux, il leur exposa vivement la nécessité et l'utilité de cette expédition : Soldats et amis, leur dit-il, puisque la fortune nous a conduits en ce lieu, secondons ses volontés par une honnête résolution. Que la hauteur de ces grandes montagnes ne vous effraye ni rebute ! Je vous assure sur ma foi que, si nous sommes les premiers en Italie, la guerre est terminée sans combat. Courage donc. Sachons nous commander par vertu, oublions plaisirs et maisons, et au prix d'un peu de fatigue affermissons à jamais le repos de la France[2].

Il mena rapidement son armée et son artillerie jusqu'au sommet des Alpes, sans se laisser arrêter par la difficulté des lieux et sans rencontrer les obstacles ordinaires de la saison. Le temps semblait le favoriser. Les pluies n'étaient pas encore tombées dans les vallées, et les neiges n'avaient pas couvert les flancs des montagnes, dont les cimes seules étaient blanchies par les glaciers éternels. Les rivières étaient guéables et les passages libres. François Ier les franchit heureusement. Il arriva avec ses troupes à Verceil le jour même où l'armée impériale, partie de Finale, avait traversé les Alpes maritimes en se portant à Alba, comme pour défendre l'accès du Piémont. Réduite en nombre, épuisée de fatigue, ayant laissé une partie de ses bagages et de son artillerie dans les âpres chemins qu'elle avait parcourus et où elle avait été poursuivie, découragée par la mauvaise issue d'une entreprise avortée, cette armée était hors d'état d'empêcher l'invasion de la Lombardie, après avoir échoué elle-même dans l'invasion de la France. Demeuré à Asti, sur les revers italiens des montagnes, avec une partie des fantassins et des hommes d'armes qu'avait si instamment réclamés et si vainement attendus le duc de Bourbon pendant qu'il était devant Marseille, le vice-roi de Naples, Lannoy, avait espéré néanmoins qu'en les réunissant aux débris de l'armée impériale qui revenait de Provence, il pourrait arrêter la marche des Français et empêcher leur entrée dans le Milanais[3] ; mais il perdit cette espérance lorsque, s'étant replié d'Asti à Alba, il eut conféré avec le marquis de Pescara et le duc de Bourbon. Il vit bien que des troupes affaiblies et découragées étaient dans l'impossibilité de s'opposer à une armée fraîche, nombreuse, puissante, que commandait un roi valeureux et entreprenant.

Les chefs impériaux renoncèrent même à garder la ligne du Tessin. Ils comprirent qu'ils devaient se borner à occuper les points qui pouvaient être défendus, afin de ne pas livrer la totalité du duché de Milan. Ils résolurent de conserver Alexandrie sur le Tanaro, où ils laissèrent deux mille hommes, Como sur le lac de ce nom, Pavie sur le Tessin, Lodi et Pizzighettone sur l'Adda, enfin Crémone sur le Pô. Ils essayèrent même de tenir dans Milan, dont la forte citadelle restait entre leurs mains. En un jour, Pescara fit plus de trente milles, et alla, par Voghera, jeter une garnison de cinq mille Allemands, cinq cents Espagnols et trois cents hommes d'armes dans Pavie. La défense de cette ville, la seconde du duché, fut confiée à Antonio de Leiva, soldat de fortune formé dans les guerres d'Italie, que désignaient à un commandement aussi important et aussi difficile la plus rare énergie et la vigilance la plus attentive. Le reste de l'armée remonta vers Milan avec l'espérance d'y entrer avant les Français, et de s'y soutenir en attendant l'arrivée de dix mille lansquenets[4], que le vice-roi fit lever en Allemagne.

Mais cette ville dans laquelle dominait le parti de l'indépendance italienne sincèrement dévoué à un chef national, comme Francesco Sforza, venait d'être ravagée par la peste ; elle avait perdu une partie de ses habitants, et, ouverte sur plusieurs points, elle n'avait pas le moyen de se défendre. Sur le conseil même de Girolamo Morone, ministre du duc, elle s'était décidée à ouvrir ses portes à François Ier et à prévenir sa ruine par sa soumission. Une députation avait porté les clefs de la ville au roi, qui était arrivé dans le voisinage, à Abbiate-Grasso, après avoir franchi le Tessin. Néanmoins le lendemain le capitaine Alarcon, à la tête de deux cents chevaux, ayant pénétré dans Milan, y annonça la venue du duc de Bourbon, du vice-roi de Naples et du marquis de Pescara, qui approchaient avec le reste des troupes. Ils y entrèrent en effet au milieu des transports de joie des Milanais qui, revenus à leurs sentiments naturels, crièrent : Vive le duc ! vive l'empire !

Déjà trois cents hommes d'armes et six mille hommes de pied détachés de l'armée française s'avançaient, sous Théodore Trivulzi, pour occuper Milan. Craignant que ce corps insuffisant ne fût repoussé par les Impériaux, qui s'étaient introduits dans la ville, François Ier se mit en marche pendant la nuit avec toute l'armée, afin de le soutenir et de se rendre maître de Milan de vive force[5] ; mais les Impériaux ne l'y attendirent point. Ayant promptement vu que la ville était trop dépeuplée et dans un trop pauvre état de défense pour qu'il fût prudent de s'y renfermer, Bourbon, Lannoy et Pescara aimèrent mieux la livrer sans combat que la faire prendre après avoir essuyé une défaite ; ils en sortirent donc par la porte de Como et par la porte de Rome, au moment où les Français y entraient par la porte de Verceil. Ils se retirèrent vers Lodi et allèrent s'établir sur l'Adda.

François Ier prit possession de Milan, dont il confia la garde au seigneur de La Trémoille, qu'il y laissa avec trois cents hommes d'armes et huit mille hommes de pied. La supériorité de ses forces était si grande, qu'on le croyait prêt à redevenir le dominateur de l'Italie. En agissant vite, en portant à ses ennemis dispersés des coups sûrs en même temps que rapides, il pouvait s'emparer du Milanais et envahir ensuite le royaume de Naples. Les généraux de l'empereur ne semblaient point en mesure de s'y opposer. L'armée qui avait fait en 1523 et en 1524 la double campagne de Lombardie et de Provence, qui avait battu Bonnivet et assiégé Marseille, était fondue ; les débris en étaient disséminés dans quelques places. On regardait les Impériaux comme réduits à une complète impuissance. On avait plaisamment affiché sur la statue de Pasquin à Rome : Il s'est perdu une armée dans les montagnes de Gênes ; si quelqu'un sait ce qu'elle est devenue, qu'il vienne le dire ! il lui sera donné une bonne récompense[6]. La plupart des États italiens, y compris le Saint-Siège, la seigneurie de Florence, la république de Venise, étaient prêts à délaisser l'alliance de Charles-Quint.

Le roi de France suivrait-il les Impériaux vers Lodi pour les empêcher d'y attendre des renforts et de se refaire ? S'il poursuivait le dernier noyau de l'armée impériale sur l'Adda, s'il en rejetait les restes dans les États vénitiens, les places qui tenaient encore pour Sforza et que gardaient les soldats de Charles- Quint, perdant l'espérance d'un prochain secours, pouvaient se rendre, et l'empereur, abandonné par les princes italiens, était réduit à faire la paix en cédant de duché de Milan afin de conserver le royaume de Naples. Cette marche vers Lodi fut conseillée à François Ier par plusieurs de ses capitaines[7] ; mais Bonnivet fut d'un avis différent. Malgré les revers qu'il avait essuyés naguère, il avait conservé la faveur de François Ier, qui avait toujours en lui la plus grande confiance. Il prétendit que la place de Lodi, successivement fortifiée par Francesco Sforza et par Federico da Bozzolo, et défendue par les troupes encore nombreuses de l'empereur, ne serait pas facile à 'emporter et qu'en l'attaquant on s'exposerait à échouer devant ses murailles. Il soutint qu'au contraire il serait aisé de s'emparer de Pavie ou de force ou par la défection des lansquenets, qu'on savait mal payés, qu'on disait mécontents, et sur lesquels Antonio de Leiva ne pouvait pas avoir beaucoup d'autorité. Selon lui, les Allemands réduits ou gagnés, il deviendrait impossible aux Espagnols, privés de leur grosse infanterie, de se maintenir dans le Milanais, et ils se retireraient en toute hâte au royaume de Naples. François Ier le crut et se transporta devant Pavie avec toute l'armée, espérant qu'après avoir battu ou séduit la garnison de six mille hommes qui était enfermée dans cette importante ville, il serait le maître du Milanais tout entier et pourrait même entreprendre l'invasion de Naples. En ce moment, Pescara mettait en état de défense Lodi, qu'il avait trouvé mal fortifié, sans vivres et sans munitions. Il craignait d'y être attaqué avant d'être en mesure de s'y soutenir. Aussi, en apprenant que le roi de France, au lieu de marcher sur l'Adda, était allé camper vers le bas Tessin, il dit avec une joie prévoyante et une confiance fondée : Nous étions vaincus, avant peu nous serons vainqueurs[8].

François Ier ne différa pas son attaque, s'il la dirigea du mauvais côté. Dès le 26 octobre, vingt jours après être parti d'Aix, il parut en vue de Pavie. Il l'investit aussitôt, en attendant la grosse artillerie dont il devait se servir pour battre ses murailles. Seconde ville du duché de Milan, Pavie avait été autrefois la capitale du royaume d'Italie. Attachée de tout temps à la cause de l'empire, elle s'était conservée gibeline avec une opiniâtre fidélité. Elle était grande et riche, couverte de monuments et d'églises, célèbre par son université comme par son histoire. Elle avait une vaste enceinte de murailles, garnies de tours, précédées de fossés, flanquées de bastions, défendues du côté qui faisait face à Milan par une citadelle, et l'on n'y pénétrait que par des portes fortifiées. Assise pour ainsi dire sur les bords du Tessin, elle voyait couler à l'ouest cette rapide rivière sortie du lac Majeur, qui, changeant de direction à une lieue de ses murailles, venait la baigner au sud et tombait un peu plus bas dans le Pô. Vers le point où il coulait au sud, le Tessin se divisait en deux bras, dont le principal longeait Pavie, et dont le moindre, le Gravelone, décrivait une courbe assez spacieuse. Entre leur séparation en avant de la ville et leur jonction au-dessous, ces deux bras formaient une île où se trouvait le faubourg Saint-Antoine, qu'unissait à Pavie un pont de pierre couvert d'une galerie et défendu par une tour. Au nord de la place, en face de la citadelle et du côté de Milan, s'étendait le parc de Mirabello, dont le nom même indiquait le site et l'agrément. Le parc de Mirabello, embrassant un espace de plusieurs milles carrés, entouré d'une épaisse muraille qui le fermait des quatre côtés et dans laquelle étaient pratiquées des portes à pont-levis, descendait presque jusqu'à Pavie. C'était un magnifique lieu où les anciens ducs de Milan allaient demeurer dans la belle saison et prendre les plaisirs de la chasse. La résidence ducale de Mirabello était ornée comme un palais, fortifiée comme un château, et son vaste parc, rempli de bois, couvert de prairies, traversé de cours d'eau, et où se livra quatre mois après la bataille du 24 février, offrait une certaine variété d'aspect et divers accidents de terrain.

Pavie, qui avait au sud les deux bras du Tessin et au nord la citadelle confinant presque au parc de Mirabello, était moins bien protégée du côté de l'ouest, tourné vers Alexandrie. Le Tessin, avant de se courber et de diviser ses eaux, y coulait à une grande distance de son enceinte. Entre les rives du fleuve et ses murailles s'élevaient, en s'échelonnant, la belle abbaye de San-Lanfranco, l'église de San-Salvator entourée d'habitations, et le Borgaretto. L'armée française pouvait attaquer par là Pavie commodément et avec avantage, en ayant, il est vrai, le Tessin à dos, mais longtemps sans danger. Du côté de l'est, au-delà de la muraille du parc et des fortifications de la ville, s'étendaient des monticules et des vallons qu'occupaient les abbayes et les églises de San-Paolo, Santo-Spirito, San-Giacomo, San-Pietro-in-Verzolo, Sant' Appollinari, et descendaient à peu de distance les uns des autres des cours d'eau plus ou moins profonds, tels que la Vernavola, l'Olona et le Lambro, qui couraient se jeter dans le Tessin ou dans le Pô.

La ville devant laquelle allait se décider le sort de l'Italie[9] était défendue par un capitaine déjà éprouvé, et que ses fortes qualités militaires réservaient à une plus haute fortune. Antonio de Leiva s'y était enfermé avec cinq mille lansquenets allemands, cinq cents arquebusiers espagnols, trois cents hommes d'armes et deux cents chevau-légers, que devaient seconder le zèle soutenu et le dévouement courageux des habitants de Pavie. Diligent et prévoyant, avisé en même temps qu'intrépide, il joignait à une vigilance que personne ne devait surprendre une fermeté que rien ne pouvait ébranler. Antonio de Leiva pourvut d'abord à la défense de la ville, releva les murailles là où des pierres en étaient tombées, rempara ce qui menaçait de fléchir, creusa des tranchées intérieures sur les points les plus menacés d'être battus en brèche et d'être ensuite emportés d'assaut. Il distribua les quartiers à ceux qui devaient les garder, et, après avoir réglé la subsistance comme la défense de la place, il se tint prêt à repousser l'attaque de l'armée française.

François Ier, gardant auprès de lui l'amiral Bonnivet et le bâtard de Savoie, s'établit avec la plus grande partie des troupes vers l'abbaye de San-Lanfranco et l'église de San-Salvator, à l'ouest de Pavie. Le maréchal de la Palice se porta avec l'avant-garde, dont son ancienneté lui donnait le commandement, sur les hauteurs qui longeaient la ville du côté de l'est. Le duc d'Alençon et le grand écuyer San-Severino occupèrent le parc de Mirabello à la tête d'un corps considérable[10], et le maréchal de Montmorency, suivi de trois mille lansquenets, de deux mille Italiens, de mille Corses et de deux cents hommes d'armes, se logea de force dans l'île que formaient au sud les deux bras du Tessin. Après avoir pris la tour qui fermait l'entrée du pont de pierre conduisant de l'île dans Pavie, et en avoir fait pendre tous les défenseurs pour avoir osé résister, disait-il, à une armée du roi dans un tel poulailler[11], il se trouva en face de la ville. Antonio de Leiva ordonna aussitôt de rompre le pont de communication, et le maréchal de Montmorency, qu'il menaça de meurtrières représailles[12], se vit arrêté aux bords du Tessin. Les troupes françaises cernèrent alors la place de tous les côtés.

Dès qu'il eut reçu ses gros canons, François Ier ouvrit des tranchées pour approcher de la ville. Les batteries furent assises le 6 novembre, et le feu commença. Des pièces de fort calibre battirent la place dans la partie orientale, et d'autres de dimension encore plus grande tirèrent contre la partie occidentale. Après trois jours de feu non interrompu, les murailles écroulées offrirent des brèches suffisantes, et l'assaut fut décidé. François Ier espéra enlever Pavie par une vive attaque, opérée simultanément sur les deux points ouverts. Les troupes, que conduisait d'un côté le maréchal de la Palice, et qu'animait de l'autre la présence du roi, montèrent aux brèches : elles les escaladèrent en laissant sur la route beaucoup d'hommes abattus par les coups d'arquebuse des assiégés ; mais, arrivées au sommet, elles trouvèrent la résistance la plus vigoureuse et la plus opiniâtre. Antonio de Leiva avait habilement placé ses, lansquenets et ses Espagnols sous le comte de Lodron pour faire face à l'attaque du maréchal de la Palice, et sous le comte de Hohenzollern pour soutenir celle qui s'exécutait du côté du roi. Il s'était transporté lui-même sur le point le plus menacé. Les assaillants, dont le feu de la place avait éclairci les rangs, furent reçus vers le haut des brèches à coups de pique. Après une heure d'impétueuse agression et de ferme résistance, ils se retirèrent, ayant perdu beaucoup de monde. François Ier voulut recommencer le lendemain. Il fit mettre à pied ses hommes d'armes, qui, couverts de leur cuirasse et formant la tête de la colonne, devaient ouvrir la marche et forcer la brèche. Tout était prêt pour un second assaut ; mais, ayant appris que par-delà les murailles se trouvaient des tranchées profondes et bien flanquées, et que des arquebusiers étaient postés dans les maisons crénelées du voisinage, il renonça à une nouvelle attaque qui aurait été plus meurtrière sans être plus heureuse[13].

Ne pouvant pas pénétrer dans Pavie par les côtés trop bien défendus de l'est ou de l'ouest, François Ier espéra s'en rendre maitre du côté du sud, où la ville, que protégeaient les eaux du Tessin, était beaucoup moins forte. Il fallait pour cela détourner le bras principal du fleuve, afin de rendre accessible l'abord méridional de la place et de s'y jeter, en partant de Vile qu'occupaient le maréchal de Montmorency et Federico da Bozzolo. C'était une œuvre des plus hasardeuses. François Ier la tenta. Au-dessus de Pavie, il fit creuser un autre lit au Tessin pour lui donner un autre cours[14]. Pendant que les Français travaillaient à ouvrir au fleuve un nouveau passage et se disposaient à barrer l'ancien avec des arbres, des pierres et des terres, les assiégés ne furent pas sans crainte. Aussi Antonio de Leiva, qui avait fait diligemment remparer les brèches de la ville, fortifia de son mieux la partie maintenant menacée et jusque-là trop dégarnie. Ces précautions toutefois ne furent pas nécessaires. D'abondantes pluies grossirent soudainement les eaux du Tessin, qui, devenu plus impétueux et rendu plus profond, emporta les machines des Français et détruisit leurs travaux. Il fallut renoncer à changer la direction du fleuve comme à donner l'assaut à la ville, que François Ier ne parvint pas mieux à surprendre par le sud qu'à enlever par l'est et par l'ouest.

Il s'obstina cependant à rester sous ses murailles, et il ne désespéra point de s'en rendre maître. A défaut de la force, il compta sur le temps, et il disposa tout pour réduire Pavie à capituler. Sans abandonner des attaques plus propres à fatiguer la garnison qu'à conduire dans la place, il changea le siée en blocus. Il se retrancha dans les positions qu'il occupait autour de Pavie, et il accrut son armée qui était déjà très-nombreuse. Il demanda aux cantons suisses des troupes de plus, il fit venir cinq mille Grisons, et prit à sa solde l'un des hommes de guerre les plus entreprenants, Jean de Médicis, chef des bandes noires italiennes. Jean de Médicis était un valeureux condottiere, ayant sous ses ordres trois mille soldats aguerris. Dans les campagnes précédentes, il avait utilement servi l'empereur, dont les généraux, soit négligence, soit défaut d'argent, ne l'avaient pas enrôlé cette fois. Il passa du service de Charles-Quint au service de François Ier, qui ne l'établit pas loin de lui, au camp de Pavie.

Les diverses parties de ce camp communiquaient entre elles pour s'entendre et au besoin s'assister. Des ponts jetés sur le Tessin en dessus et en dessous de Pavie conduisaient de l'île, où était Montmorency, au quartier du roi à San-Lanfranco et à celui de la Palice à San-Giacomo. Par-delà le Tessin, l'armée, en relation avec le comté d'Asti et la Lomelline, recevait les vivres qui lui venaient des riches plaines du Piémont. Il y avait comme un immense marché et une foire perpétuelle dans le parc de Mirabello. Les troupes de François Ier avaient tout en abondance. Logées dans des églises et des abbayes, établies sous des tentes, occupant des huttes souterraines, livrées à un mouvement animé pendant le jour, éclairant la plaine de leurs feux durant la nuit, elles semblaient former une ville qui en ceignait circulairement une autre[15]. Malgré les rigueurs d'une saison très-froide, elles attendaient patiemment que la place de Pavie, qui manqua bientôt de bois, de vivres, d'argent et de munitions, se rendît, faute de pouvoir payer les lansquenets, trouver à subsister et continuer à se défendre. Le roi ne doutait pas de l'avoir assez promptement à sa merci, et, pour mieux s'assurer la possession du Milanais, il avait donné l'ordre à sa flotte dans la Méditerranée, sur laquelle était Renzo da Ceri avec la garnison de Marseille, de se diriger vers le sud de l'Italie, afin de prendre part à une expédition qu'il préparait contre le royaume de Naples. Il comptait ainsi devenir bientôt le dominateur de la péninsule.

 

II

Les Italiens le croyaient aussi. Ils regardaient François Ier comme prêt à ressaisir dans leur pays la prépondérance qu'il y avait, exercée neuf années auparavant, après l'invasion de 1515 et la victoire de Marignan. Tous se tournaient vers lui avec les anciens empresssements. Le duc de Ferrare lui prêtait cinquante mille écus et lui envoyait cinquante chariots chargés de poudre et de boulets[16]. Les Vénitiens, qui avaient naguère quitté son alliance pour s'unir à Charles-Quint, sommés par le vice-roi de Naples de remplir les conditions de la ligue et de joindre leur armée aux troupes impériales, afin de soutenir en Lombardie le duc Francesco Sforza, à qui Charles-Quint envoyait l'investiture du duché de Milan, non-seulement ne se hâtaient pas de le faire, mais ils étaient en négociation avec François Ier[17]. Le pape Clément VII leur en avait donné l'exemple. Ayant sous sa main tout le centre de la péninsule, disposant des États de l'Église comme souverain pontife, dirigeant la république de Florence comme chef de la maison de Médicis, Clément VII était recherché par les deux princes qui se disputaient l'Italie. Charles-Quint tâchait de le maintenir dans son alliance, François Ier n'oubliait rien pour l'amener à la sienne. Les tentatives qu'il avait faites, peu de temps après son élévation au pontificat, afin de rétablir entre eux un accord impossible, n'avaient eu aucun succès. Clément VII avait désapprouvé l'expédition de Provence. Avec une clairvoyance pénétrante, il avait prévu qu'elle échoue rait, et il avait annoncé que l'invasion manquée de la France provoquerait une invasion nouvelle de l'Italie[18]. Lorsque François Ier fut descendu dans les plaines de la Lombardie sans rencontrer devant lui d'autre obstacle que quelques villes où s'étaient retirés lies restes de l'armée dissoute de l'empereur, Clément VII le considéra comme le maître certain du Milanais. Craignant sa puissance, il travailla à se concilier son amitié.

Il avait repris les négociations vainement entamées naguère pour rétablir la paix ou ménager une suspension d'armes entre les deux souverains. Au lieu d'en charger cette fois l'archevêque de Capoue qui était plus porté pour l'empereur que pour le roi de France, il confia cette mission au dataire Giovan Mattheo Giberto, qui, très-favorable à François Ier, avait contribué à le détacher lui-même de Charles-Quint. Giberto possédait depuis longtemps toute la confiance de Clément VII, et avait beaucoup de pouvoir sur son esprit. Il se rendit d'abord à Soncino, où se trouvait le vice-roi de Naples, un peu au-delà de l'Adda, dans la Lombardie vénitienne. Le vice-roi s'y occupait à refaire, tout près de Lodi, l'armée de l'empereur ; il avait instamment pressé le souverain pontife de fournir le contingent auquel le Saint-Siège était tenu pour la défense de l'Italie. Le dataire Giovan Mattheo Giberto et le Florentin Ier. Vettori, envoyés alors au vice-roi par Clément VII, dirent à Lannoy que le pape, en sa qualité de pasteur suprême, devait s'employer à remettre d'accord les monarques chrétiens. Ils ajoutèrent que Clément VII, comme prince italien, redoutait la puissance du roi de France, dont l'armée, s'il se déclarait contre lui, après avoir occupé le Milanais que l'empereur n'était plus en état de lui disputer, renverserait sans peine les Médicis dans Florence et pénétrerait même sans obstacle sur le territoire de l'Église. Ils prétendirent que le devoir et l'intérêt du souverain pontife l'obligeaient dès lors à procurer la paix entre l'empereur et le roi, que cette paix était d'ailleurs nécessaire à l'empereur, car elle sauverait le royaume de Naples de l'invasion qui le menaçait. Ils soutinrent que, François Ier ne voulant pas renoncer au Milanais et se trouvant assez fort pour en devenir à jamais le maître, il fallait prévoir ce résultat inévitable et le rendre le moins nuisible à l'Italie et le moins désavantageux à l'empereur, en obtenant que le Milanais fût détaché de la France sous un .des fils puînés du roi à qui l'empereur en donnerait l'investiture, et qui régnerait avec indépendance et en prince italien. Ils demandèrent donc que l'État de Milan fût laissé en dépôt au souverain pontife, que les Impériaux évacuassent la citadelle de Milan et la forteresse de Pizzighettone, ainsi que les villes d'Alexandrie, de Como, de Pavie, de Lodi, de Crémone, et se retirassent dans le royaume de Naples, tandis que les troupes françaises repasseraient les Alpes. Le pape, entre les mains duquel serait remis le duché, conclurait une ligue armée avec les Vénitiens et les Florentins pour assurer le repos de la péninsule et protéger le royaume de Naples. Sans cela, le pape traiterait avec le roi de France dans le double intérêt du Saint-Siège et des Médicis, et il ne s'opposerait point au passage des troupes destinées à attaquer l'Italie inférieure[19].

Ces propositions furent repoussées avec hauteur par le vice-roi. Il répondit qu'il y aurait trop de honte pour l'empereur à mettre en séquestre l'État de Milan, et il déclara qu'il ne traiterait pas avec le roi de France tant que le roi de France conserverait un palme de terre en Italie. Les offres de Clément VII, que Lannoy rejetait comme déshonorantes pour Charles-Quint, ne parurent pas même suffisantes à François Ier. Le dataire, qui passa plusieurs fois d'un camp à l'autre, s'était transporté auprès du roi. Il l'avait trouvé non moins exigeant qu'altier. Poussé par d'ambitieux désirs, croyant à sa force et comptant sur des succès, François Ier avait dit à l'envoyé du pape : J'ai bon espoir d'occuper bientôt Pavie. Toutes mes mesures sont prises, mes provisions sont faites, et mes gens de guerre payés. J'attends le mois prochain 1.400.000 francs, et je fais venir de nouvelles troupes. Je n'ai point passé les Alpes de ma personne, et je ne suis pas de si petite prudence que d'être descendu en Italie avec trente mille bons piétons et d'être accompagné d'une flotte sur laquelle se trouvent six ou sept mille hommes de guerre, pour m'arrêter. Je ne veux rien moins que tout l'État de Milan et le royaume de Naples[20].

L'incertain et embarrassé Clément VII, qui aspirait à devenir l'arbitre de l'Italie en réconciliant les deux adversaires et en obtenant le renvoi de leurs troupes, ne réussit ni auprès de l'un ni auprès de l'autre. Il ne parvint point à persuader Lannoy et à contenir François Ier. Lannoy essaya tout aussi vainement de ramener le pape à l'empereur en calmant ses craintes et en lui garantissant le maintien des Médicis dans Florence et l'inviolabilité des États romains. L'armée impériale, en ce moment affaiblie, allait, selon lui, redevenir puissante : dix mille lansquenets, qu'il avait demandés en Allemagne, étaient sur le point de la joindre. L'archiduc Ferdinand, venu tout exprès dans les gorges du Tyrol, préparait d'autres renforts, que devait accroître et conduire bientôt au camp impérial le duc de Bourbon, qui faisait des levées en Souabe. Clément VII ne croyait pas que l'armée de Charles-Quint fût en état de se soutenir dans la haute Italie, et il ne le désirait point. Ses victoires lui auraient encore moins convenu que ses revers, parce qu'elles auraient mis à la discrétion de l'empereur toute la péninsule, et auraient réduit le pape lui-même à n'être pour ainsi dire que son chapelain. La politique et la crainte faisaient pencher Clément VII du côté de François Ier. Cependant, si le roi de France était en ce moment le plus fort en Italie, l'empereur pouvait le redevenir plus tard, et le cauteleux pontife avait intérêt à ne pas se brouiller irrévocablement avec lui. Il ménagea donc les deux adversaires qu'il n'avait pas convertis à ses projets : il resta l'allié inutile de l'un en devenant l'ami clandestin de l'autre. Il fit remettre mystérieusement 6.000 ducats au vice-roi de Naples[21], en assurant qu'il ne pouvait pas en donner davantage, et quelques jours après il conclut avec François Ier un traité très-secret[22], dans lequel furent compris les Florentins et les Vénitiens. Ces anciens alliés de l'empereur se séparèrent de lui sans s'unir au roi de France. Ils s'engagèrent à n'accorder aucune assistance à Charles-Quint, et en retour François Ier promit de maintenir l'autorité des Médicis dans Florence, et plaça sous sa protection les inconstants Vénitiens et l'équivoque Clément VII.

Le pape ne s'opposa même plus à l'envoi d'une armée française du côté de Naples. L'établissement du roi de France dans la basse Italie ne lui aurait pas mieux convenu que la domination de l'empereur dans la haute ; mais il espérait qu'à la simple menace d'une semblable invasion, les troupes espagnoles quitteraient la Lombardie pour courir au secours de Naples, et par l'abandon du Milanais faciliteraient l'arrangement qui convenait à sa politique. Ce but fut sur le point d'être atteint ; François Ier détacha, sous le duc d'Albany, un corps d'armée qui dut s'acheminer, par la Toscane et le territoire du Saint-Siège, vers le royaume dont la maison de France se regardait comme héritière, que Charles VIII avait conquis et perdu, que Louis XII avait repris et partagé avec le roi Ferdinand d'Aragon, et sur lequel François Ier avait cédé ses droits à Charles-Quint sous des conditions que Charles-Quint n'avait pas remplies. Il y restait un parti attaché à la France, que l'apparition d'une armée pouvait soulever et rendre redoutable à l'Espagne. Le corps chargé de cette expédition se composait de six mille hommes de pied, de six cents hommes d'armes, et devait se renforcer à Livourne de deux ou trois mille soldats descendus de la flotte avec Renzo da Ceri, et dans les États romains de quatre mille Italiens que les Orsini levaient sur leurs terres.

Par cette expédition, François Ier songeait moins à s'emparer du royaume de Naples qu'à opérer de ce côté une diversion[23]. Il s'imaginait, comme Clément VII, que les troupes espagnoles descendraient dans l'Italie inférieure et lui abandonneraient le Milanais, qui tomberait ainsi tout entier plus vite et plus aisément entre ses mains. Cette séparation de ses forces était une manœuvre habile ou une faute dangereuse, selon que les Impériaux courraient défendre Naples ou resteraient sur l'Adda. Si elle ne lui donnait pas tout de suite la Lombardie, elle l'y affaiblissait et l'exposait plus tard à un grand revers. Lannoy fut alors très-alarmé du péril qui menaçait un royaume sans chef et sans soldats. Il écrivit à Charles-Quint pour le dissuader de continuer une guerre qu'il était réduit à soutenir seul, et dont les charges devenaient de plus en plus accablantes. Il l'avertit qu'en s'obstinant à rétablir Francesco Sforza, il exposait sa propre puissance. Prenez garde à vos affaires ! lui disait-il ; vous défaites une couronne pour radouber un chapeau de duc ; c'est une chère marchandise[24]. Lannoy eut un moment la pensée d'évacuer le Milanais et de se replier sur Naples ; mais le marquis de Pescara, qui seul était auprès de lui, le duc de Bourbon n'étant pas encore revenu d'Allemagne, lui montra tout ce qu'avait de dangereux ce mouvement, si opportun en apparence. Il lui représenta que conduire les soldats impériaux au sud de l'Italie, c'était abandonner le nord aux Français, qui ne manqueraient pas de le suivre dès qu'ils auraient occupé le Milanais ; qu'il se trouverait alors placé, sans forces suffisantes, entre l'armée grossie du duc d'Albany et l'armée victorieuse du roi de France ; et qu'après avoir imprudemment délaissé le duché de Milan, il courait risque de perdre le royaume de Naples[25]. Il ajouta que le sort du royaume comme celui du duché devait se décider dans les plaines de la Lombardie, qu'il fallait attendre sur l'Adda les renforts sans lesquels on ne pouvait rien entreprendre, combattre le roi de France après les avoir reçus, bien certain qu'en gagnant la bataille, du même coup on sauverait Naples et on acquerrait Milan.

Mais le vice-roi de Naples craignit, s'il continuait la guerre, de compromettre tout ce que l'empereur possédait en Italie, et il crut que l'intérêt de son maitre réclamait la conclusion de la paix ou au moins une trêve. Il s'était porté à Crémone, un peu au-dessous du point où l'Adda entre dans le Pô, comme pour y suivre les mouvements du duc d'Albany. De Crémone, il dépêcha le commandeur Peñalosa au duc de Sessa, ambassadeur de Charles-Quint à Rome, afin de reprendre les négociations que Clément VII avait essayées sans succès entre les deux princes. Le seigneur duc, disait-il dans les instructions remises à Peñalosa[26], doit, sans perdre une heure de temps, amener le pape à l'un des trois partis suivants : 1° une suspension d'armes pour donner le temps de consulter l'empereur et d'attendre sa réponse sur la proposition que le dataire Giberto avait faite au vice-roi de rendre Sa Sainteté dépositaire des États de Milan ; 2° une trêve pendant laquelle chacun garderait ce qu'il possédait, et les forces que de part et d'autre on tiendrait sur pied seraient limitées ; 3° le dépôt immédiat entre les mains du pape de ce qui était occupé en Lombardie, soit par le roi de France, soit par le duc de Milan, avec l'établissement d'une trêve et la désignation du lieu et du moment où s'assembleraient les plénipotentiaires chargés de régler les stipulations de la paix. Si le duc de Sessa n'obtenait aucun de ces trois points, le vice-roi, usant des pouvoirs dont il était investi, allait, dans l'excès de son découragement et de sa crainte, jusqu'à l'autoriser à céder le duché de Milan. Il demandait seulement que sur les revenus du duché on prélevât ce qui était dû à la garnison de Pavie, on donnât une pension annuelle au duc Francesco Sforza, et l'on détachât 50.000 ducats de rente pour le duc de Bourbon. Lannoy invitait le duc de Sessa à se hâter, parce que le temps lui faisait encore plus la guerre que l'ennemi, et il ajoutait : Ce qui sera accordé entre le pape et le duc, que le duc me l'apprenne par un courrier qui vienne en volant, afin que je sache comment j'ai à me gouverner.

Moins découragé que son vice-roi, Charles-Quint venait de lui écrire qu'il ne négligerait aucun sacrifice pour délivrer l'Italie, qu'il avait ordonné l'envoi d'une forte somme d'argent à son armée, que ses navires sur le littoral de la Méditerranée étaient prêts à transporter sept mille fantassins espagnols, qu'il faisait renforcer sa flotte à Gênes, qu'il cherchait à persuader au roi d'Angleterre d'attaquer la France du côté des Pays-Bas en joignant ses troupes à la cavalerie flamande. Cependant, comme les Anglais paraissaient enclins, depuis qu'ils avaient su l'entrée du roi de France dans Milan, à conclure une trêve jusqu'au mois de mai 1526, il autorisait le vice-roi de Naples à la conclure également, s'il le trouvait nécessaire, et il prescrivait au duc de Sessa de suivre les indications du vice-roi, sans attendre de nouveaux ordres[27]. Quelque temps après, l'empereur ayant appris l'accord que le pape, les Florentins et les Vénitiens, ses anciens alliés, avaient fait avec le roi de France, et l'aide en argent et en munitions que lui avait même donnée le duc de Ferrare, il s'en montra très-courroucé. Il trouva que Clément VII, qui lui devait son élection au pontificat[28], était imprudent comme Italien, ingrat comme pape. Il menaça les Vénitiens de les faire repentir plus tard de lui avoir manqué de foi sans motif. Il dit que le duc de Ferrare pourrait bien pleurer un jour l'assistance qu'il accordait aux Français. Il défendit au duc de Sessa de parler désormais de Luther à Rome. Il avait promis, lorsqu'il était satisfait du pape, d'agir vivement en Allemagne contre l'hérésie en progrès, qu'il ne se proposait plus d'y poursuivre alors qu'il était mécontent de lui. Il ajouta du reste qu'il fallait dissimuler en attendant qu'on pût traiter chacun comme il le méritait, suivant qu'il aurait fait le bien ou le mal. Le duc de Sessa devait négocier une paix ou une trêve en se conformant aux instructions du vice-roi de Naples.

Le roi d'Angleterre témoignait plus ouvertement encore son irritation contre le pape ; il envoya le chevalier Gregorio Casale à Rome avec des lettres remplies de plaintes et de menaces. Il blâmait amèrement Clément VII de consentir à ce que l'État de Milan fût laissé au roi de France. Si, dans son mécontentement, l'empereur se refusait à comprimer la croyance luthérienne en Allemagne, lui, dans sa violence, menaçait de l'introduire en Angleterre[29]. Extrême en tout, ce prince véhément, qui avait obtenu naguère de Léon X le titre de défenseur de la foi pour avoir soutenu l'orthodoxie romaine contre Luther, était prêt alors, par ressentiment politique, à se détacher du Saint-Siège, comme il s'en détacha un peu plus tard sous les emportements d'une passion déréglée.

Mais bientôt tout changea de face en Italie ; les négociations reprises à Rome n'eurent aucune suite. Le vice-roi de Naples, qui était descendu à Crémone dans l'espérance fort vaine de contraindre le roi de France à rappeler le duc d'Albany, revint dans la position qu'il avait un moment quittée. Il y fut joint successivement par les lansquenets de George Frundsberg, de March Sith, de l'archiduc Ferdinand et du duc de Bourbon, descendus des Alpes au cœur de l'hiver et arrivés au camp de Lodi, du mois de décembre au mois de janvier[30]. Le duc de Bourbon était alors prêt à poursuivre vigoureusement sur le Tessin la guerre qu'il avait même voulu, après sa retraite de Provence, transporter dans la vallée de la Seine. II avait en effet proposé au roi d'Angleterre de descendre en Picardie au moment où François Ier était avec toutes ses forces en Italie. Il lui avait demandé 200.000 écus d'or pour lever lui-même immédiatement en Allemagne une armée dont il choisirait les capitaines, qui serait toute à sa dévotion, et à la tête de laquelle il pénétrerait en France, entre la Lorraine et la Franche-Comté, et marcherait directement sur Paris. Jamais, disait-il, il n'y eust plus grande apparence de venir au dessus du commun ennemy qu'à cette heure, attendeu qu'il est hors de son royaulme, lequel est dépourveu de gens de guerre et malcontent. Parquoy, avec l'intelligence que Mr de Bourbon y a, il ne peut faillir de faire de grandes choses... et ne faut point que le roy pense que si W de Bourbon fait son armée à son appétit, qu'il s'en doibve retourner comme il a fait de Provence[31]. Il avait envoyé Beaurain en Angleterre pour montrer à Henri VIII l'opportunité et la facilité de cette entreprise, et puis il s'était transporté dans le Tyrol auprès de l'archiduc Ferdinand, afin d'en préparer l'exécution, si elle était agréée par Henri VIII. Sinon, écrivait-il à Charles-Quint[32], je ne fauldray tout incontinent m'en retourner ici pour vos affaires. La France avait été assez heureuse pour que le roi d'Angleterre n'adoptât point ces projets d'attaque, qui parurent incertains à sa défiance, coûteux à son avarice. Il ne voulut ni opérer une descente, ni fournir au duc de Bourbon les moyens de tenter une invasion par le chemin qu'il désignait, et où elle n'aurait, en ce moment, rencontré aucun obstacle de la frontière au cœur du royaume. Le duc s'était forcément résigné, et, sans perdre de temps, avec les troupes que lui avait remises l'archiduc Ferdinand et celles qu'il avait levées pour son propre compte, il était retourné au camp impérial[33].

Dès ce moment, l'armée impériale, renforcée d'au moins douze mille Allemands, fut presque aussi nombreuse que l'armée française ; elle l'égalait en infanterie, mais elle lui était inférieure en cavalerie et en artillerie. Elle se trouvait dans la nécessité de combattre ; les généraux qui la commandaient ne pouvaient pas la tenir longtemps réunie, ils n'avaient pas d'argent et ne savaient comment s'en procurer ; il était dû aux troupes des sommes considérables, et il fallait 130.000 ducats par mois[34]. Les Espagnols ne recevaient plus rien, et à peine avait-on donné aux lansquenets récemment levés le wartgelt ou arrhes d'enrôlement, sans pouvoir leur remettre un florin de la solde de campagne. Bien qu'ils fussent zélés pour la cause impériale, leur dévouement n'aurait pas résisté au défaut prolongé de paye. Le duc de Bourbon et le marquis de Pescara furent d'avis de les conduire au plus tôt vers le Tessin, afin d'y attaquer le roi de France s'il acceptait la bataille, ou de délivrer Pavie s'il la refusait.

Cette ville était toujours étroitement bloquée ; François Ier, enfermé dans ses retranchements, campait autour d'elle depuis trois mois ; il la croyait hors d'état de tenir plus longtemps, et il s'attendait d'un moment à l'autre à ce qu'elle capitulât. Il la serrait de si près que rien n'y pénétrait ; la pénurie y était fort grande : dès le mois de novembre, on n'y avait plus mangé de viande de bœuf, de mouton, et les bouchers avaient été réduits à abattre les chevaux, les mulets, les ânes, dont ils vendaient la chair sur leurs étaux. Le bois manquait ainsi que le pain, et, dans les rigueurs d'un hiver fort rude, on démolissait les maisons et les églises afin de se chauffer avec les poutres, les planches et les boiseries qu'on en tirait. L'argent n'y était pas moins rare, et les lansquenets demandaient incessamment leur solde ; ils étaient prêts à se battre ou résignés à souffrir, mais à la condition qu'ils seraient payés. Antonio de Leiva avait fait monnayer les vases des églises et les flambeaux d'argent de l'université ; il avait levé à plusieurs reprises des emprunts sur les nobles et sur les marchands de la ville, il avait même fondu une magnifique chaîne d'or qu'il avait au cou ; enfin il s'était servi d'une somme de 3.000 ducats que deux Espagnols venus du camp impérial avaient introduite à grand'peine et à l'aide d'un stratagème dans Pavie, pour distribuer de temps en temps aux troupes une partie de ce qui leur était dû. Il continuait avec ses infatigables soldats à défendre la ville assiégée contre les Français, dont il repoussait les attaques par de continuelles sorties[35]. Malgré la vigueur opiniâtre de sa résistance, il était exposé à succomber d'un moment à l'autre, faute de vivres et même de munitions, lorsque parurent du côté du nord les enseignes des Impériaux.

 

III

L'armée de Charles-Quint avait quitté Lodi le 24 janvier 1525[36]. Elle se composait d'un peu plus de vingt mille fantassins, d'environ sept cents hommes d'armes, en y comprenant deux cents lances qu'avait amenées d'Allemagne le comte Nicolas de Salm, de cinq cents chevau-légers commandés par Castrioto, marquis de Cività-Sant' Angelo, qui tirait son origine de Scanderbeg. Elle n'avait que quelques pièces de canon. Sa force était dans les agiles arquebusiers espagnols dont Pescara devait tirer un si grand parti le jour de la bataille, et dans les masses serrées de ses intrépides lansquenets, placés sous la conduite de George Frundsberg et de Marc Sith. L'armée, que commandaient le duc de Bourbon et le vice-roi de Naples, s'était mise en marche, suivie de chariots nombreux portant ses tentes, ses bagages, ses munitions et même ses vivres. Elle s'était emparée, sur le Lambro, de la ville de Sant' Angelo, afin de ne pas laisser après elle une garnison ennemie qui inquiéterait ses derrières et troublerait ses approvisionnements. En peu de jours, le marquis de Pescara avait emporté cette ville d'assaut. Des bords du Lambro, l'armée impériale avait paru se diriger du côté de Milan, comme pour enlever la capitale du duché aux Français et les contraindre, par cette menace, d'aller à son secours en quittant Pavie ; mais François Ier ne bougea point. Aussi les Impériaux, arrivés à Marignan, changèrent de route ; ils descendirent vers Belgiojoso et s'avancèrent du côté de Pavie avec le dessein d'en faire lever le siège ou de livrer bataille.

François Ier n'était pas disposé à refuser le combat. Ses forces restaient supérieures aux leurs, bien qu'il eût détaché de son armée le corps dont il avait donné le commandement au duc d'Albany pour l'expédition de Naples. Il envoya l'amiral Bonnivet, le maréchal de la Palice et Chabot de Brion avec quatre cents hommes d'armes jusqu'à Belgiojoso, afin de surveiller les mouvements des Impériaux. Se portant lui-même de San-Lanfranco à Mirabello, il ne laissa devant Pavie que ses lansquenets et mit le reste de son armée en bataille, prêt à combattre l'ennemi, s'il s'avançait vers la chartreuse à l'extrémité septentrionale du parc. Il passa sous les armes le 1er et le 2 février, et il dormit pendant deux nuits en homme de guerre, comme il l'avait fait autrefois sur le champ de bataille de Marignan[37] ; mais l'ennemi n'avança pas davantage, et, tournant vers sa gauche, il côtoya l'Olona et alla dresser son camp à l'est de Pavie.

Cette hésitation des Impériaux parut une marque de crainte à François Ier, qui, dans le détour qu'ils avaient fait, vit un refus d'en venir aux mains. Il s'entretint de plus en plus dans la pensée de combattre avec la confiance de vaincre, et fut prêt à mettre un succès certain à la merci d'une bataille douteuse. Nos ennemis, écrivit-il à sa mère avec jactance[38], sont allés baiser Milan, puis ils ont paru devant Belgiojoso ; mais l'amiral et quatre cents hommes d'armes leur ont fait tourner le nez. Ils se sont logés entre deux canaux, et, à cela, avons bien pu veoir qu'ils ne veulent point manger de la bataille. Suivant l'opinion que j'en ai toujours eue, je crois que la dernière chose que nos ennemys feront sera de nous combattre, car, à dire la vérité, nostre force est trop grosse pour la leur.

Les Impériaux s'étant portés vers le côté de Pavie par où il semblait le plus facile de secourir cette ville et d'en rompre le blocus, François Ier, par un mouvement habile, se plaça en face d'eux. Il avait quitté San-Lanfranco pour Mirabello ; il se rendit alors du château de Mirabello aux abbayes de San-Paolo, San-Giacomo, San-Pietro, etc., qui s'étendaient à l'orient de la place assiégée. Il s'y établit avec la plus grande partie de ses troupes, laissant les Grisons de Salis et les Italiens de Jean de Médicis à la garde des retranchements occidentaux et du cours du Tessin, tandis que le maréchal de Montmorency demeurait toujours dans l'île du sud et que le duc d'Alençon, avec un corps de fantassins et la plupart des hommes d'armes, occupait Mirabello et l'intérieur du parc. Distribuées sur des monticules, adossées vers le nord aux murailles du parc, touchant au bas Tessin vers le sud, ses troupes, au milieu desquelles il avait dressé son quartier, eurent une position inabordable, qu'il rendit plus forte encore en l'entourant de fossés et en la flanquant de bastions garnis de pièces d'artillerie. Il en fit un vrai camp retranché. Placé entre Pavie, qu'il serrait de près, et l'armée impériale, à laquelle il barrait le chemin, il empêchait l'une d'être secourue, l'autre de l'attaquer lui-même.

L'armée impériale ne pouvait pas essayer de forcer le passage sans s'exposer à une défaite. Ayant franchi l'Olona, dont elle s'était d'abord couverte, elle s'approcha à un demi-mille de l'armée française, et campa à l'abri d'un terrain qui la protégeait contre l'artillerie des bastions. On était si près les uns des autres que les cris des sentinelles s'entendaient des deux parts, lorsqu'on les plaçait ou les relevait. Les artilleurs français et les couleuvriniers espagnols échangeaient des coups de feu des points les plus élevés de leur camp[39]. Les deux armées restèrent dans cette position durant trois semaines, sans que les Impériaux pussent secourir Pavie, ainsi qu'ils en avaient eu le dessein, et sans que les Français l'obligeassent à se rendre, comme ils en avaient l'espérance et s'y attendaient à chaque instant. Pavie s'en va perdue, écrivait déjà François Ier au commencement de février[40], s'ils ne la réconfortent de quelque chose, et ils tournent autour pour la faire tenir jusqu'au dernier soupir, qui, je crois, ne sera pas long, car il y a plus d'un mois que ceux du dedans ne beurent vin, ne mangèrent chair ni fromage. Les assiégés manquaient même de poudre. Il fallait que l'armée impériale secourût promptement la place pour l'empêcher de succomber et battît l'armée française pour la secourir. Si elle différait de combattre, elle était réduite à se dissoudre[41]. Elle avait épuisé ses vivres et ne pouvait plus rester sous les armes. C'était par un prodige d'habileté et encore plus d'ascendant que Pescara avait obtenu des Espagnols, Frundsberg des lansquenets, qu'ils tinssent campagne, sans recevoir leur solde, jusqu'à ce qu'on eût joint et vaincu l'ennemi. Il était urgent pour eux d'en arriver là Les Impériaux s'y préparèrent de longue main et préludèrent à la grande bataille par une suite d'attaques hardies et d'entreprises heureuses.

De leur camp, où ils restèrent établis plus de deux semaines, ils firent pénétrer quelques secours dans Pavie par le côté de l'ouest, un peu dégarni depuis que François Ier l'avait quitté avec la masse de son armée. Antonio de Leiva avait surtout besoin de poudre. Le vice-roi, qu'il avertit de son état de détresse, fit partir, dans la nuit du 7 au 8 février, quarante cavaliers dont chacun portait un sac de poudre, et qui, après avoir tourné le parc, traversèrent des bois et parvinrent sans en être empêchés dans Pavie[42]. Dès lors Antonio de Leiva multiplia ses sorties, qu'il dirigea surtout contre les assiégeants laissés sur le flanc occidental de la ville et qu'il rendit très-meurtrières pour eux. Il en fit une que les circonstances favorisèrent singulièrement et qui permit d'introduire des provisions et des bestiaux dans Pavie. François avait pris à son service des Grisons qui campaient, devant la ville bloquée, du côté de l'ouest. Pendant qu'il assistait à ce siège, le rusé châtelain de Musso, qui tenait le parti de Charles-Quint et de Francesco Sforza, s'était emparé par stratagème de la forteresse de Chiavenna, clef de leur vallée sur le lac de Como. Épouvantés de la perte d'une position aussi importante et voyant leurs montagnes ouvertes, les chefs de la ligue grise avaient rappelé en toute hâte leurs compatriotes du camp de François Ier, afin qu'ils accourussent à la défense de leur pays menacé. Les Grisons n'hésitèrent point. Malgré les engagements qu'ils avaient contractés et la solde qu'ils avaient déjà touchée, moins sensibles à l'idée de l'honneur qu'au sentiment de la sûreté, ils partirent sans se laisser arrêter par aucune représentation, sans écouter aucune prière, et ils laissèrent l'armée du roi affaiblie à la veille d'une bataille. Le jour même où ils quittèrent les retranchements français pour retourner dans leurs montagnes, Antonio de Leiva sortit de Pavie avec une forte partie de la garnison ; il les attaqua vivement, les maltraita beaucoup sur leurs derrières, et rentra dans la place avec un butin considérable.

Ce ne fut pas le seul affaiblissement qu'éprouva François Ier. Un corps de troupes qui descendait des Alpes pour se rendre à son camp, s'étant arrêté sans précaution sur la Bormida, y fut surpris par les Impériaux enfermés dans Alexandrie, battu, dispersé, détruit. Le délaissement des Grisons, la défaite du corps que faisait venir François Ier, furent suivis d'une perte plus grave encore ; Antonio de Leiva, dans une de ses sorties, avait jeté le désordre parmi les Italiens des bandes noires et en avait tué un certain nombre[43]. Jean de Médicis voulut prendre sa revanche, et il attira la garnison enhardie dans une embuscade où elle eut beaucoup à souffrir ; mais un coup d'arquebuse lui brisa la jambe et le contraignit à quitter le camp. Sa blessure laissa sans chef la troupe qu'il commandait, et qui se dispersa en partie. Elle priva l'armée de l'homme de guerre qui ressemblait le plus à Pescara et qui pouvait le mieux lui être opposé.

Pescara, depuis qu'il était en face du camp de François Ier, ne lui avait pas laissé un instant de repos ; ses coups de main, bien dirigés, avaient constamment réussi. Une nuit même, à la tête des arquebusiers espagnols, il avait pénétré dans un des bastions du camp, l'avait pris, y avait tué tous ceux qui le défendaient, et s'était retiré en bon ordre, après en avoir encloué les canons ou les avoir jetés dans le fossé[44]. Cependant, malgré leurs efforts et leurs succès, les Impériaux ne parvenaient pas à délivrer Pavie. Cette ville avait soutenu un siège de quatre mois, et tout y était épuisé ; elle se trouvait hors d'état de résister davantage[45]. Antonio de Leiva le fit savoir aux chefs de l'armée impériale, placée elle-même dans une situation qui ne pouvait pas se prolonger. Il lui était dû beaucoup, et l'on n'avait pu lui donner que fort peu de chose sur une modique somme d'argent que ses chefs s'étaient procurée à grand'peine[46]. Elle tenait la campagne sans solde et subsistait pour ainsi dire sans ressources. Elle ne pouvait pas différer de combattre. C'est ce qu'écrivait à Charles-Quint le vice-roi de Naples, qui avait d'abord voulu traiter avec François Ier par l'entremise du pape, et que le duc de Bourbon et le marquis de Pescara avaient décidé à marcher contre les Français. Il disait à l'empereur que livrer bataille, c'était hasarder et sa réputation qui serait compromise, et le duché de Milan qui serait perdu, et le royaume de Naples qui serait envahi, si son armée était battue ; mais il ajoutait que la dissolution inévitable et prochaine de son armée, si elle ne combattait pas, l'exposerait plus sûrement encore à la ruine de sa réputation, à la perte du Milanais, à l'invasion de Naples. Il valait donc mieux courir la chance du combat, puisqu'il y avait possibilité de la victoire[47].

Mais comment en venir aux mains et remporter un succès assez décisif pour acquérir la domination en Italie et se procurer les moyens de maintenir sur pied l'armée rendue victorieuse ? François Ier ne pouvait pas être forcé à combattre, s'il ne le voulait pas. Affaibli par l'éloignement du duc d'Albany, le départ des Grisons, la surprise des compagnies battues à la Bormida, la diminution des bandes italiennes de Jean de Médicis, averti par des échecs successifs, il ne devait pas s'exposer à une bataille. En restant dans son camp fortifié, il était assuré d'y être vainqueur, s'il était attaqué, comme l'avait été Prospero Colonna dans la position retranchée de la Biccoca. Il n'avait qu'à y demeurer immobile pour devenir le maître définitif du Milanais par la dissolution de l'armée impériale. C'est ce que lui conseillait Clément VII, qui était dans la plus grande anxiété depuis que les deux armées se trouvaient en présence. Le pape, écrivait le dataire Giberto à Hieronimo Aleandro, nonce pontifical auprès de François Ier[48], craint que le roi de France ne hasarde une bataille et n'y aventure tout. Il y pense nuit et jour, aimant le roi très-chrétien comme un vrai fils. Clément VII faisait supplier François Ier par le comte de Carpi, son ambassadeur à Rome, de se fortifier si bien qu'il ne pût pas être forcé de combattre, et d'attendre ainsi que l'armée ennemie se dispersât faute d'argent, parce qu'elle ne pourrait bientôt plus continuer la campagne. Le roi tint à ce sujet conseil. Les vieux capitaines et les plus sages furent d'avis de ne pas livrer la bataille. Ils dirent qu'en se maintenant dans la forte position qu'on occupait, ou qu'en se retranchant dans la position plus forte encore de Binasco entre Pavie et Milan, au milieu des canaux d'irrigation, on serait certain de vaincre sans même avoir à combattre, et qu'on gagnerait tout sans rien exposer[49]. L'amiral Bonnivet et le maréchal de Montmorency furent d'une opinion contraire. Bonnivet exprima la sienne avec une confiance hautaine, en déclarant qu'il y aurait de la honte à prendre un parti si timide. Vous proposez, dit-il, à notre brave roi de se retirer d'ici, de lever le siège, et de fuir une bataille qui se présente à nous tant désirée. Nous autres Français, n'en avons jamais refusé, et n'avons accoustumé de faire la guerre par artifices militaires, mais à belles enseignes découvertes, surtout quand nous avons pour général un vaillant roi qui doit faire combattre les plus poltrons. Les rois portent cet heur avec eux et ils portent aussi la victoire, comme notre petit roi Charles VIII au Taro, notre roi Louis XII à Agnadel, et notre roi qui est ici à Marignan. Et il ne faut point douter qu'en le voyant aller le premier au combatcar il nous montrera le chemin —, sa brave gendarmerie n'en fasse de même et ne passe sur le ventre à cette chétive de l'ennemi qu'elle rencontrera. Par quoi, sire, donnez la bataille[50]. Le discours de Bonnivet entraîna le roi. François Ier, que sa courageuse ardeur disposait à livrer bataille, se décida à l'accepter lorsqu'elle lui serait offerte. Il fit venir de Milan le sire de la Trémoille et le maréchal de Foix avec tout ce qu'ils purent lui amener de troupes, n'y laissant, sous Théodore Trivulzi, que les forces nécessaires à la garde de la ville et à la surveillance du château. Il attendit ainsi de pied ferme que l'ennemi vînt l'attaquer.

Les Impériaux y furent bientôt contraints par la nécessité. Le duc de Bourbon, le vice-roi de Naples, le marquis de Pescara, le marquis de Cività-Sant' Angelo et les chefs des troupes allemandes tinrent conseil le 23 février. Il n'y avait plus de vivres dans leur camp. Il fallait vaincre ou se disperser. Le marquis de Pescara fut d'avis de ne pas différer davantage un engagement devenu indispensable[51]. Il dit que, suivant le prudent adage italien, cent ans de campagne valaient mieux qu'un seul jour de bataille, parce qu'on pouvait perdre dans une mêlée douteuse ce qu'on était certain d'acquérir par d'habiles manœuvres ; mais il ajouta que, dans l'impossibilité où l'on se trouvait aujourd'hui de tenir plus longtemps la campagne, il fallait hasarder le combat comme l'unique moyen d'arracher à l'ennemi un avantage qu'on serait réduit sans cela à lui céder entièrement. Il proposa d'attaquer de nuit le camp des Français, non du côté qui faisait face au camp impérial et que rendaient inabordable les retranchements dont il était couvert et les bastions qui le défendaient, mais en tournant au nord vers le parc, où l'on pénétrerait par une brèche pratiquée à la muraille sur un point qui ne serait pas gardé et dans un intervalle assez vaste pour donner passage à l'armée. On obligerait ainsi le roi de France à descendre de ses hauteurs fortifiées dans la plaine du parc et à y recevoir la bataille. Le duc de Bourbon appuya vivement l'avis de Pescara, et l'attaque fut décidée pour la nuit du 24 février, fête de saint Matthias et jour anniversaire de la naissance de Charles-Quint.

Antonio de Leiva, instruit le soir même du 23 février de la résolution prise, fut invité à mettre ses cinq mille hommes sous les armes, et, lorsqu'il entendrait deux coups de canon tirés par les Impériaux, à seconder leur attaque en faisant une sortie qui placerait les Français entre deux feux[52]. On se disposa à décamper pour être dans la nuit même à l'une des extrémités du parc, où l'on espérait ouvrir une brèche avant le jour. Les soldats reçurent l'ordre de mettre des chemises blanches ou des morceaux de toile par-dessus leurs armures, afin de se reconnaître en combattant dans l'obscurité d'une nuit de février. Pescara faisait dépendre le succès de sa manœuvre de l'audace et de la solidité des Espagnols. Il avait coutume de les instruire de ses projets pour les animer de ses sentiments. Cette fois il jugea plus que jamais nécessaire de les préparer à l'entreprise ardue qu'ils allaient exécuter. Il les assembla, leur dit ce qu'il attendait d'eux et ajouta : Mes enfants, la fortune nous a placés dans une telle extrémité que, sur la terre d'Italie, vous n'avez pour vous que ce qui est sous vos pieds[53] ; tout le reste vous est contraire. La puissance entière de l'empereur ne parviendrait pas à vous donner demain dans la matinée un seul morceau de pain. Nous ne savons où en prendre, sinon dans le camp français, qui est sous vos yeux. Là tout abonde, le pain, le vin, la viande. Ainsi, mes enfants, si vous tenez à manger demain, marchons au camp des Français. Les soldats espagnols exprimèrent leur assentiment par leurs acclamations. Pescara leur promit la victoire, s'ils ne se débandaient pas pour piller et faire des prisonniers jusqu'à ce qu'ils fussent entièrement maîtres du champ de bataille. Alors, continua-t-il, tout sera à vous. Frundsberg harangua aussi les lansquenets ; il les disposa à combattre vaillamment pour l'honneur de l'empire et la délivrance de leurs cinq mille compatriotes enfermés dans Pavie.

 

IV

L'armée se mit en mouvement dans l'ordre qui lui avait été assigné ; elle marcha vers la partie du parc, où plusieurs compagnies de soldats et de pionniers l'avaient devancée, et travaillaient avec des solives, des pics et des pelles à en ébranler et à en abattre la muraille. Celle-ci, beaucoup plus solide qu'on ne l'avait supposé, résista longtemps, et une partie de la nuit fut employée à y faire des ouvertures suffisantes. L'aube paraissait lorsque le passage devint sur trois points praticable à des bataillons entiers, qui purent le traverser au milieu des décombres et par une brèche de quarante ou cinquante toises. Pescara fit avancer aussitôt le marquis del Vasto avec quinze cents lansquenets et quinze cents arquebusiers espagnols vers le château de Mirabello, afin qu'il s'en rendît maître sur les Français et qu'il se rapprochât de Pavie[54]. Le reste de l'armée impériale franchit ensuite la brèche et pénétra dans le parc, où, au lieu d'une surprise de nuit, elle allait, par une claire et froide matinée de février, livrer une rude bataille[55].

En apprenant que les Impériaux s'étaient mis en marche dans la nuit du 23 au 24 février, et qu'ils abattaient la muraille du parc pour s'ouvrir un chemin jusqu'à lui, François Ier avait quitté ses retranchements, et il s'était porté à leur rencontre avec son armée[56]. Pendant la nuit même, il donna l'ordre aux hommes d'armes qui avaient leur poste à Mirabello de se replier de ce côté. Descendu de son camp fortifié sur la bruyère du parc, il rangea en bataille ses troupes fort nombreuses, et qui semblaient animées de la même ardeur que lui. Le lieu était favorable à celle des deux armées qui avait la plus forte cavalerie et l'artillerie la plus considérable. François Ier avait plus d'hommes d'armes et de canons que les Impériaux, sans leur être inférieur en infanterie. Il avait huit mille Suisses, cinq mille lansquenets, sept mille hommes de pied français et six mille Italiens[57]. Il plaça dans une position dominante et sur la droite, d'où n'était pas éloignée l'ouverture pratiquée dans la muraille du parc, ses pièces bien attelées, sous le commandement du sénéchal d'Armagnac, Galiot de Genouillac, grand maitre de l'artillerie, qui devait prendre ainsi l'ennemi en écharpe et le foudroyer. Non loin de l'artillerie étaient rangés, en masses compactes, les lansquenets des bandes noires, à la tête desquels étaient François de Lorraine et le duc de Suffolk, Richard de la Poole. A la gauche des lansquenets, un peu en arrière, se trouvaient les bataillons serrés des Suisses, composant le gros de son infanterie. Les compagnies d'hommes d'armes étaient sur les ailes de ces divers corps et les dépassaient un peu, selon la manière de combattre du temps. Le maréchal de Montmorency, rappelé de l'île du Tessin, conduisait l'arrière-garde, composée de soldats italiens et d'aventuriers français. Une troupe assez forte était laissée derrière l'armée pour surveiller Pavie et contenir sa garnison.

François Ier, qui commandait le corps de bataille, était placé dans le voisinage de l'avant-garde, confiée au plus ancien des maréchaux, à La Palice, qui avait près de lui le duc d'Alençon. Précédant les bataillons de ses Suisses, entouré des grands officiers de sa couronne et des gentilshommes de sa maison, il occupait, avec plusieurs compagnies de ses ordonnances, une plaine où cette vaillante cavalerie pouvait se déployer à l'aise et fournir des charges à fond. Après avoir rangé les divers corps de son armée dans le meilleur ordre sur cet emplacement, qu'il aurait choisi lui-même[58], s'il n'y avait pas été appelé par les mouvements des Impériaux, François Ier, l'esprit confiant, le cœur joyeux, la lance au poing, attendit, en capitaine qui croyait avoir bien pris ses dispositions et en chevalier qui brûlait du désir de combattre, le moment de fondre sur l'ennemi.

A la vue des Impériaux, l'attaque commença par une vive canonnade. Ceux-ci, en entrant dans le parc, se dirigeaient du côté de Mirabello, où devait aussi se porter, au signal convenu, la garnison de Pavie. Ils s'y rendaient par une marche de flanc impossible à continuer en présence d'une armée prête à les attaquer, et dont l'artillerie les balayait à leur passage. Le marquis del Vasto seul s'était élancé vers Mirabello, et y parvint avec ses trois mille Espagnols et lansquenets, qui n'y rencontrèrent aucune résistance et n'y prirent que des marchands ou quelques traînards laissés par les hommes d'armes dont la masse avait rejoint François Ier. Le sénéchal d'Armagnac tirait à coups pressés sur les corps espagnols et allemands qui avaient franchi la muraille et s'avançaient dans le parc. Il jetait le désordre dans leurs rangs et y faisait des brèches. Vous n'eussiez vu, dit un témoin de la bataille, que bras et testes voler[59]. Embarrassés par quelques pièces d'artillerie qu'ils traînaient avec peine à travers les décombres et des fondrières, sans pouvoir s'en servir, les Impériaux se jetèrent à la file, et presque en fuyant, dans un vallon qui les abrita contre le canon des Français. Deux compagnies d'hommes d'armes du duc d'Alençon et du seigneur de Brion, qui à la droite flanquaient les lansquenets au service de France, chargèrent leurs soldats débandés et les poursuivirent jusque sur le terrain où ils se mettaient à couvert.

L'affaire prenait une mauvaise tournure pour les Impériaux. Au lieu de surprendre, ils étaient attaqués et presque battus. L'occupation de Mirabello devenait superflue, la jonction avec la garnison de Pavie n'y était plus possible, et l'on ne devait pas songer à s'y retrancher, comme le proposait encore le vice-roi. Il fallait livrer aux Français la bataille, que non-seulement ils acceptaient, mais qu'ils engageaient, et la leur livrer en réunissant contre eux toutes les forces impériales, en opposant à leur redoutable impétuosité l'opiniâtreté espagnole, en attaquant leurs pesants hommes d'armes par d'agiles arquebusiers, et en jetant les lansquenets sur les Suisses : C'est ce que saisit d'un coup d'œil l'habile et ferme Pescara, qui, après avoir la veille fait décider l'attaque, en prit ce jour-là la conduite. Il rappela soudainement de Mirabello le marquis del Vasto avec ses trois mille hommes ; il prévint le vice-roi, qui était à l'avant-garde, que le moment était venu de marcher et de combattre ; il pressa le duc de Bourbon, qui commandait le corps de bataille, d'arriver en toute hâte. Lannoy se résigna à attaquer sans beaucoup de confiance. Il fit froidement le signe de la croix, puis, se tournant vers les siens, il leur dit : Il n'y a plus d'espérance qu'en Dieu ; qu'on me suive, et que chacun fasse comme moi. Il donna en même temps de l'éperon à son cheval, et, précédé du marquis de Cività-Sant' Angelo, qui conduisait la cavalerie légère, il se mit en mouvement avec toute son avant-garde.

François Ier s'avançait aussi, suivi de toute son armée. Il avait laissé en arrière treize enseignes de ses hommes d'armes avec ses bataillons d'hommes de pied, leur recommandant de marcher au pas[60] jusqu'au moment où ils seraient près de joindre l'ennemi et où ils pourraient l'assaillir. A la tête de la vaillante troupe des seigneurs de sa cour, des gentilshommes de sa maison et de deux compagnies de ses ordonnances, il fondit sur l'avant-garde ennemie. Rien ne résista au choc de ses cavaliers pesamment armés. Le roi abattit et tua d'un coup de sa lance le marquis de Cività-Sant' Angelo[61], dont il dispersa les chevau-légers, et avec son escadron victorieux il repoussa les hommes d'armes de Lannoy et rompit une troupe de piquiers et d'arquebusiers qu'il rencontra sur son passage. En les voyant fuir, il crut le sort de la bataille décidé. Dans son allégresse confiante, il se tourna vers le maréchal de Foix, qui était à ses côtés, et lui dit : Monsieur de Lescun, c'est maintenant que je veux m'appeler duc de Milan. Il poursuivit encore un peu les fuyards, puis il arrêta sa troupe pour faire souffler ses chevaux.

Il avait eu la supériorité dans le commencement de l'action, et la victoire semblait se déclarer en sa faveur ; mais bientôt tout changea de face. Les ennemis, ébranlés au premier choc, ne s'étaient point découragés. Ils recommencèrent la lutte avec un élan nouveau, dirigés par l'adroit et indomptable marquis de Pescara, conduits par l'ardent et opiniâtre duc de Bourbon. Les trois mille combattants que Pescara avait rappelés de Mirabello entrèrent alors en ligne sous del Vasto. Ils attaquèrent la gauche de l'armée française, en même temps que la cavalerie impériale, ralliée et renforcée, revint à la charge, appuyée de quinze cents arquebusiers que Pescara répandit autour d'elle pour abattre l'effort et diminuer la supériorité de la cavalerie française. De leur côté, les lansquenets de March Sith et de George Frundsberg, formant, sous le duc de Bourbon, le corps de bataille, avaient quitté le vallon où ils s'étaient abrités et avaient marché au combat les rangs serrés. Sith s'avançait sur la même ligne que le corps des troupes espagnoles, et Frundsberg tenait la gauche de Sith, quoique un peu en arrière. Leurs bandes reçurent les décharges de l'artillerie française sans pouvoir y répondre, mais cette fois sans en être arrêtées. D'ailleurs les batteries du sénéchal d'Armagnac étaient déjà masquées en partie par les Allemands des enseignes noires, que François de Lorraine et Richard de la Poole conduisaient intrépidement à l'ennemi. Ces lansquenets formaient l'aile droite de l'armée de François Ier et en avaient un peu débordé le centre, qu'occupaient les bataillons suisses. Ils rencontrèrent d'abord les lansquenets impériaux, qui les assaillirent avec le plus furieux acharnement. Sith, à qui s'unirent les Espagnols, se jeta sur un de leurs flancs, et bientôt Frundsberg, qui venait un peu après, les attaqua sur l'autre[62]. Les lansquenets des bandes noires se battirent bien : aucun d'eux ne recula ; mais ils furent enfoncés malgré leur vive résistance, et périrent presque tous. Leurs deux intrépides chefs, le duc de Suffolk et François de Lorraine, perdirent la vie en combattant à leur tête.

Tandis que l'aile droite de l'armée française, qui, par son mouvement, avait paralysé son artillerie, succombait sous le choc des Impériaux, le centre éprouvait un sort pareil. Les arquebusiers espagnols y avaient fait de grands ravages parmi la grosse cavalerie des compagnies d'ordonnance, qu'ils attaquaient en tirailleurs agiles et qu'ils atteignaient avec une adresse meurtrière. Leurs coups de feu pressés et sûrs perçaient les armures, abattaient les grands chevaux de ces pesants hommes d'armes, qui ne pouvaient pas les joindre et ne surent pas les repousser. Le désordre se mit dans leurs rangs ; ils se rejetèrent en arrière et rompirent l'ordonnance des Suisses, contre lesquels s'avancèrent et tirèrent alors les arquebusiers espagnols. Ces célèbres bataillons helvétiques ne soutinrent pas la renommée de bravoure et de solidité qu'ils avaient laissé entamer à Marignan, qu'ils avaient compromise à la Biccoca, et qu'ils perdirent à Pavie. Ébranlés par le mouvement de retraite des hommes d'armes, incommodés sur leur flanc gauche par le feu des arquebusiers, assaillis de front par Pescara et Vasto, qui menèrent contre eux leurs troupes enhardies, menacés à leur droite par les lansquenets de Sith et de Frundsberg, qui s'avançaient après avoir battu les bandes noires, ils ne résistèrent pas longtemps et lâchèrent pied presque sans combattre.

François Ier, après avoir fait reprendre haleine aux siens, s'était de nouveau jeté dans la mêlée. Sa lance, qui avait frappé tant d'ennemis, était brisée, et il avait tiré sa grande épée de bataille, dont il se servait vaillamment. Il croyait poursuivre sa victoire, il vit l'ébranlement et la déroute des Suisses. Mon Dieu qu'est-ce ?[63] s'écria-t-il tout surpris, et il se dirigea du côté des Suisses pour les arrêter et les ramener au combat ; mais ses efforts, pas plus que les instances de Jean de Diesbach et du seigneur de Fleurange, qui les commandaient, ne parvinrent à leur faire tourner de nouveau les enseignes contre les Impériaux. Se plaçant alors à la tête d'une troupe d'hommes d'armes qu'il rallia, François Ier se précipita en désespéré sur la cavalerie ennemie et les arquebusiers qui la soutenaient. Il aurait pu se sauver, il aima mieux être tué ou pris que d'encourir le déshonneur de la fuite. Avec une intrépidité sans égale, il chargea les Impériaux, et, suivi de tous ceux parmi les siens qui ne voulaient ni reculer, ni se rendre, ni survivre à une défaite, il chercha à les enfoncer. Il y eut en ce moment une mêlée confuse et meurtrière. Tandis que Pescara, qui y reçut trois blessures, avançait toujours, Antonio de Leiva, sorti de Pavie avec ses cinq mille hommes de pied, ses trois cents lances et ses chevau-légers, venait à sa rencontre. Il avait culbuté le corps qui avait été laissé sur les derrières de l'armée française pour le contenir, et il pressait les fuyards entre la garnison encouragée et l'armée victorieuse. Pendant quelque temps, on combattit sans ordre et sans merci. Parmi la grande noblesse française, qui se comporta héroïquement dans cette journée, beaucoup avaient déjà péri, beaucoup plus alors tombèrent morts ou blessés. Le vieux La Trémoille, qui depuis la fin du dernier siècle avait fait toutes les guerres, resta sur le champ de bataille. Le premier des maréchaux de France, le généreux La Palice, y perdit glorieusement la vie. Le comte de Saint-Paul, cadet de la maison de Bourbon-Vendôme, fut frappé non loin du roi, et le maréchal de Foix reçut à ses côtés une blessure qui l'abattit et qui devait être mortelle. Le bâtard de Savoie, grand maître de France, et le grand écuyer San-Severino, chef du parti français au royaume de Naples, eurent, vers la fin de la bataille, le sort qu'avaient eu dans les commencements le duc de Suffolk et François de Lorraine, morts à la tête des lansquenets. L'amiral Bonnivet alla se faire tuer au milieu des rangs ennemis pour ne pas voir l'armée détruite, le roi prisonnier, et ne pas assister à un désastre dont il était en partie cause[64].

François Ier combattait toujours. Quoique blessé à la face et à la main, il était retenu par son fier courage au milieu des ennemis qu'il frappait de sa longue épée ; mais son cheval, déjà atteint, ayant été percé d'un coup de lance par le comte Nicolas de Salm, il tomba sous lui et fut entouré d'Espagnols et d'Allemands qui le pressèrent de se rendre. Il s'y refusa en se débattant encore[65]. Serré de près par ceux qui se disputaient sa capture et cherchaient à s'emparer de ses armes, il était exposé au péril de leur rivalité violente, lorsque le vice-roi de Naples, averti, accourut vers le lieu où il était renversé, descendit de cheval, le dégagea, le releva, et, en s'inclinant devant lui, le reçut prisonnier de l'empereur. Objet d'admiration pour sa bravoure, de respect pour son infortune, François Ier ne fut pas mené dans Pavie, où il aurait paru en captif après avoir compté y entrer en maître. Selon son désir, il fut conduit dans le monastère de Saint-Paul[66], placé au milieu du camp d'où la veille il dominait l'Italie, maintenant perdue. Il devait être transporté de là dans la forteresse de Pizzighettone, sous la garde de deux cents hommes d'armes et de douze cents fantassins espagnols, commandés par le sévère et vigilant capitaine Alarcon.

En moins de deux heures, une belle armée, ayant à sa tête un vaillant prince et les généraux les plus braves, avait été battue et presque anéantie. Plus de dix mille hommes avaient péri sur le champ de bataille ou s'étaient, en fuyant, noyés dans le Tessin, dont Antonio de Leiva, à sa sortie de Pavie, avait envoyé détruire le pont. Les meilleurs chefs de guerre, les grands officiers de la couronne, les premiers seigneurs du royaume, étaient tués ou pris. Le plus ancien des capitaines, La Trémoille, qui avait eu la gloire, comme Bayard, d'être appelé le chevalier sans reproche, avait succombé les armes à la main. Deux maréchaux de France, l'amiral, le grand maître, le grand écuyer, étaient parmi les morts. Les prisonniers furent nombreux et des plus considérables. Le roi de Navarre, le comte de Saint-Paul de la maison de Vendôme, le seigneur de Fleurange de la maison de La Mark, Federico da Bozzolo de la maison de Gonzague, le prince de Talmont, héritier de La Trémoille, le maréchal Anne de Montmorency et le seigneur Chabot de Brion qui devaient succéder aux charges, à l'autorité ainsi qu'à la faveur du bâtard de Savoie et de Bonnivet, le sénéchal d'Armagnac, grand maître de l'artillerie, les seigneurs de Lorges, capitaine des gens de pied, François d'Aubigny, de la Guiche, de La Rochepot, de Montjean, etc., partagèrent la captivité de François Ier. Le premier prince du sang, le duc d'Alençon, beau-frère du roi, y échappa seul. Il avait quitté précipitamment le champ de bataille, et sa fuite, qui fit sa honte, deux mois après causa sa mort. Avec lui se sauvèrent quelques centaines d'hommes d'armes et quelques milliers de fantassins, qui parvinrent à franchir le parc et remontèrent en désordre vers Milan. Ils y portèrent la funeste nouvelle de la bataille perdue. Théodore Trivulzi, à qui avait été laissée la garde de cette ville, en sortit sur-le-champ et prit avec sa troupe le chemin des Alpes. Les vainqueurs étaient embarrassés du grand nombre de leurs prisonniers ; ils renvoyèrent quatre mille soldats français et suisses, qu'ils auraient dû nourrir et dont ils n'auraient rien tiré, en leur faisant promettre de ne pas servir de quelque temps ; mais ils convinrent de ne pas mettre tout d'abord à rançon les principaux seigneurs et les grands personnages du royaume tombés entre leurs mains et de les retenir sous une étroite surveillance.

La défaite de Pavie n'était pas seulement un immense revers, c'était encore un redoutable danger : elle décidait du sort, de l'Italie et exposait la sûreté de la France, en rendant certaine la perte de l'une et probable l'invasion de l'autre. L'implacable duc de Bourbon demandait à opérer cette invasion sur-le-champ. A la suite d'une bataille aussi décisive, qu'il avait contribué à gagner comme à livrer[67], rempli d'une joie orgueilleuse, emporté par ses opiniâtres ressentiments, enivré d'ambitieuses espérances, il voulait déposséder au profit de Henri VIII l'infortuné prisonnier de Charles-Quint. Plus confiant que jamais, il renouvela au roi d'Angleterre la proposition de le faire avant peu roi de France[68], en assurant que rien désormais ne s'opposerait à la prise de possession d'un pays privé de chef et dépourvu de défenseurs. En effet, sans roi, sans capitaines, sans armée, sous le coup de ce grand désastre et dans un semblable dénuement, tout était à craindre pour le royaume de France, si l'ennemi se montrait aussi habile qu'il avait été heureux.

 

 

 



[1] C'est ce qu'écrivit de Rome l'évêque de Bath au cardinal Wolsey, d'après le récit du camérier Bernardino de la Barba. — Lettre du 12 juillet 1521, State Papers, t. VI, p. 322.

[2] Textuellement tiré de l'Epistre du roy traitant de son parte-ment de France en Italie et de sa prise devant Pavie, dans Captivité du roi François Ier, p. 117.

[3] Lettre de Lannoy à l'empereur, du 19 octobre 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[4] Lettre de Lannoy à l'empereur, du 19 octobre 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[5] Prise de Milan, récit publié le 28 octobre 1524 par la régente à Lyon, d'après les lettres qu'elle avait reçues du roi. — Captivité, etc., p. 31, 32, 33.

[6] Relacion de Juan de Oznayo sur toute la campagne et la bataille de Pavie. — Documentos inéditos, etc., t. IX, p. 426.

[7] Du Bellay, t. XVII, p. 458, 459. — L'amiral Bonnivet, dit-il, du conseil duquel le roy usoit plus que de nul autre. P. 456. — P. Jovius, Vita Piscarii, p. 368.

[8] Jovius, Vita Piscarii, p. 868.

[9] Il y a une relation très-circonstanciée et très-exacte du siégé de Pavie, par Tægius, médecin et chevalier. Elle a pour titre : Francisci Tægii physici et equitis candida et vexa narratio diræ ac cronicæ Papiæ obsidionis. — Cette relation, fort rare, et dont je me suis beaucoup servi, est dans un volume de la bibliothèque Mazarine, sous le n° 17,512, et y forme le 5e traité de la p. 286 à 308.

[10] D'après du Bellay, qui fit toute cette campagne et assista à la bataille de Pavie. — T. XVII, p. 459, 460. Tægius, à la date du 28 octobre. — Carpesanus, Commentarii suorum temporum, dans Martenne, t. V, lib. X, § 13, f. 1390.

[11] Du Bellay, p. 460.

[12] Franciscus Tægius, à la date du 30 octobre.

[13] Franciscus Tægius raconte cette double attaque à la date du 8 novembre. Voir aussi du Bellay, p. 460, 461. — Lannoy écrit à Charles-Quint le 25 novembre : Le mardi ensuivant donna l'assaut en deux ou trois lieux là où il perdit beaucoup de gens. Toutes es-pies disent que les François y perdirent deux mille cinq cents hommes. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[14] Du Bellay, p. 461, et Franciscus Tægius à la date du 20 novembre.

[15] Carpesanus, Commentarii, f. 1389, 1390. — P. Jovius, Vita Piscarii, lib. V.

[16] Le reçu sur parchemin des 50.000 écus d'or à la date du 26 novembre, signé par le roi lui-même, est dans le mss. n° 8569, anc. fonds franç. de la Bibl. imp., f. 89 et 90. — Le reçu de la poudre et des boulets est à la date du 9 décembre. Ibid. — Le duc de Ferrare prêta encore 25.000 écus d'or le 8 février 1525. Reçu signé de François Ier. Ibid.

[17] Lettre de Lannoy à Charles-Quint, du 19 novembre. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[18] Lettre de l'évêque de Bath, écrite de Rome au cardinal Wolsey, le 12 juillet. — State Papers, t. VI, p. 322.

[19] Lettre de Lannoy à Charles-Quint, des 19 et 25 novembre et du 2 décembre. — Arch. irnp. et roy. de Vienne.

[20] Lettre de Lannoy à Charles-Quint du 19 novembre, d'après ce qu'a écrit le dataire Giberto à Bernardino de La Barba, qui l'a montré au vice-roi. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[21] Jusques à ceste heure, ne s'en est pu tirer autre chose synon six mille ducas, qu'il nous a envoyés secrètement. Lettre de Lannoy à l'empereur, du 25 novembre. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[22] Lettre du conseil des dix au provéditeur général, du 7 janvier 1525, dans Captivité, etc., appendice LXXXVIII. — Le 13 décembre, le comte de Carpi écrivait à François Ier : Sire, loué soit Dieu ! la conclusion a esté prinse avec la seigneurie de Venise et stipulé et fini le contract et signé de notre très-saint père, de leur ambassadeur et de moy, comme vous verrez par l'un des originaulz que je vous envoye. Arch. nat., section historique, f. 964, n° 59.

[23] Épistre de François sur l'expédition d'Italie et la bataille de Pavie, dans Captivité, etc., p. 119, 120.

Car de mes gens soubdain je faiz partir

Pour seulement servir de divertir :

A Naples droit, j'envoyai une bande.

[24] Lettre de Lannoy, du 5 décembre à Charles-Quint. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[25] Galeazzo Capella, lib. IV. — Du Bellay, f. 463, 464.

[26] Papiers de Simancas, sér. D., L. 3, n° 5416.

[27] Lettre de Charles-Quint, du 11 décembre 1524. Correspondance avec Adrien VI et le duc de Sessa, etc., p. 210 à 212.

[28] Lettre de Charles-Quint au duc de Sessa, du 9 février 1525, p. 212.

[29] Lettere di principi, t. I, p. 147.

[30] Sire, des dix mille Allemands que avoie mandés sont venus les six mille. Le reste vient. — Lettre de Lannoy à Charles-Quint, du 2 décembre. — Arch. imp. et roy. de Vienne. — Et lettre de Lannoy à l'archiduchesse Marguerite, du 17 janvier 1525, dans Captivité, etc., p. 47 et 48.

[31] Instructions du duc de Bourbon, etc., données le 22 octobre à Pavie. — Mus. Brit., Vitellius, B. VI, f. 217.

[32] Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du 4 décembre. Arch. imp. et roy. de Vienne.

[33] Le 5 janvier, il avait écrit de la route même à Henri VIII en lui annonçant ce qu'il allait faire : J'ay trouvé monsr l'archiduc en si bonne volonté que mieux ne pourroit estre... Il envoie deux mille lansquenets, ensemble trois cents chevaux, le tout â ses dépens, oultre d'aultres bandes d'Allemands que je meine avec moy et en bon nombre. Monsieur, j'ai sceu par un de mes serviteurs que les François ont dit que je me suis retiré honteusement de Provence. J'y ay demeuré l'espace de trois mois et huit jours, attendant la bataille... La cause pourquoy je me suis retiré n'a pas été de ma volonté. Vous la sçavez par vos ambassadeurs. J'espère donner à cognoistre au monde que je n'ay pas crainte de luy (François Ier), car, au plaisir de Dieu, nous mectrons si près les uns des autres, que à grand peine nous démeslerons sans bataille, et feray en sorte que ni luy ni ceulx qui ont tenu ces propos de moy ne diront point que j'aye peur de m'y trouver. Lettre du duc de Bourbon à Henri VIII, écrite de Trente, le 5 janvier 1525. — Mus. Brit., Vitellius, B. VII, f. 4.

[34] Lettre de Lannoy à Charles-Quint, du 25 novembre 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[35] Tous ces détails sont tirés de F. Tægius, qui rend compte jour par jour de ce qui se passe dans Pavie et des sorties d'Antonio de Leiva, du 21 décembre au 22 janvier 1525.

[36] Et voyant l'estat des affaires et la grosse despense qu'il faut porter pour soutenir cette armée et le bon vouloyr en quoy sont les gens de guerre espagnols et allemands, avons conclud par ensemble de partir les XXI ou XXII de ce moys et nous mettre aux champs pour donner la bataille au roy de France. Lettre de Lannoy à l'archiduchesse Marguerite, du 17 janvier 1525. — Dans Captivité, p. 47. — Ils ne partirent que le 24.

[37] Lettre du trésorier Babou à la duchesse d'Angoulême, le 3 février 1525, devant Pavie. — Dans Captivité, etc., p. 62.

[38] Lettre de François Ier à la régente sa mère, du 3 février 1525. — Dans Captivité, etc., p. 59.

[39] Lettre de Lannoy à L. de Praet, du 10 février 1525. — Dans Captivité, etc., p. 63.

[40] Lettre de François Ier à la régente sa mère, du 3 février 1525. — Dans Captivité, etc., p. 59.

[41] Pescara à Charles-Quint, Documentos inéditos, etc., t. IX, p. 482 et 483.

[42] Lettre de Lannoy à L. de Praet, du 10 février, dans Captivité, etc., p. 63. — Tægius, à la même date.

[43] Tægius, à la date du 16 février. — Du Bellay, p. 482-483.

[44] Relacion, etc., de Juan Oznayo. — Documentos inéditos, etc., t. IX, p. 446. — Tægius.

[45] Tægius, à la date du 23 février.

[46] Lettre du 23 février de l'abbé de Najera à Charles-Quint. L'abbé de Najera était le trésorier de l'armée impériale. — Mss. Bibliothèque de l'Académie d'histoire de Madrid, t. XLV.

[47] Lettres de Lannoy à Charles-Quint, du 21 décembre 1524 et du 25 février 1525. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[48] Lettre du 19 février, dans Lettere di principi, t. I, p. 147.

[49] Guicciardini, lib. XV. — Relation de la bataille de Pavie et de la prise du roi, par Sébastien Moreau, référendaire général du duché de Milan, dans Captivité, p. 75, 76.

[50] Vie des grands capitaines. — Brantôme, discours de Bonnivet.

[51] Los de Pavia no querian mas sufrir, y todo el ejército moria de hambre. Lettre de Pescara à Charles-Quint. — Documentos inéditos, etc., t. IX, p. 482.

[52] Documentos inéditos et récit de George Frundsberg dans Bréquigny, vol. 90.

[53] Relacion de Juan de Osnayo, t. IX, p. 450.

[54] Récit de Pescara dans sa lettre à Charles-Quint ; Documentos, etc., t. IX. p. 483.

[55] Relation de Sébastien Moreau, dans Captivité, etc., p. 77.

[56] Épistre de François Ier, dans Captivité, etc., p. 120.

... Au matin ilz firent leur entrée

Dedans le parc, place bien esgalée.

Et nous aussi jà estions en bataille ;

Artillerie bonne avions sans faille.

[57] Le roy m'a dit qu'il avait VIII mille Suisses, V mille Almans, cette (sept) mille piétons français, et VI mille Italiens. Lettre de Lannoy à Marguerite d'Autriche, du 25 février 1525, imprimée dans le Bulletin de la Société de l'histoire de France, 2e partie, t. I, p. 45.

[58] Lettera del Mco Paulo Luzascho, scritta al sr marchese di Mantua, Picighetone, 2 marzo 1525 ; d'après le récit de François Ier, dans le 6e volume de l'Histoire d'Allemagne pendant la réformation, de Ranke, p. 164, 165.

[59] Du Bellay, t. XVII, p. 465, et récit de Pescara ; Coleccion, t. IX, p. 483, 484.

[60] Épistre du roy, etc., dans Captivité, p. 121.

Treize enseignes de gens d'armes de faict

Feys demourer fermes pour bon effet ;

Nos Allemans avec eulx je laisse,

Leur commandant qu'ils marchassent sans cesse

Au petit pas.

[61] S. M. mette in cielo in marchese di S. Angelo, quale ella ammazo con la sua mano. Lettera del Mco Paulo Luzascho, citée par Ranke, Histoire d'Allemagne, t. VI.

[62] D'après le récit de Pescara et celui de Frundsberg, dans Coleccion, etc., t. IX, p. 484, et dans Bréquigny, v. 90.

[63] Lettera del Mco Paulo Luzascho, citée par Ranke.

[64] D'après les récits divers de Pescara, de Frundsberg, de François Ier, de Du Bellay, etc.

[65] Épistre de François Ier, dans Captivité, p. 123, 124.

Et là je fuz longuement combattu,

Et mon cheval mort soubz moy abattu.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

De toutes pars lors despouillé je fus,

Mays deffendre n'y servit ne reffuz.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Bien me trouva en ce piteux arroy,

Exécutant leur chef le viceroy.

Quand il me vit, il descendit sans faille,

Affin qu'ayde à ce besoing ne faille :

Las ! que diray ? cela ne veulz nyer,

Vaincu je fuz et rendu prisonnier.

[66] Rex autem Gallorum ad cœnobium divi Pauli, ubi ante conflictum hospitabatur, sic eo rogante, fuit comitatus. Franciscus Tægius, à la date du 24 février.

[67] Lettre de sir John Russel à Henri VIII, écrite de Milan, le 11 mars 1525. — Mus. Brit., Vitellius, B. VII, f. 77.

[68] Le duc de Bourbon écrit dans ce sens à Henri VIII, le 10 mars. — Mus. Brit., Vitellius, B. VII, f. 76.