CHARLES-QUINT

SON ABDICATION, SON SÉJOUR ET SA MORT AU MONASTÈRE DE YUSTE

 

CHAPITRE V. — ÉVÉNEMENTS ET VISITES.

 

 

Regrets faussement attribués à Charles-Quint d'avoir abdiqué. — Guerre en Italie et sur la frontière des Pays-Bas. — Embarras et périls de Philippe II. — Mission qu'il donne à son favori Ruy Gomez de Silva d'aller à Yuste supplier l'Empereur de lui venir en aide en sortant du monastère et de conserver la couronne de l'Empire. — Refus de Charles-Quint, qui accorde néanmoins à son fils le secours de ses conseils et de son influence. — Levées de trouves et d'argent. — Sommes arrivées d'Amérique à la Casa de contratacion à Séville : leur détournement. — Colère de Charles-Quint : lettre qu'il écrit ; mesures qu'il ordonne. — Efficacité de son intervention dans l'emprunt imposé par Philippe II aux prélats et aux grands d'Espagne ; vivacité de sa correspondance avec l'archevêque de Séville, qui se refusait et qu'il contraint à y prendre part. — Envoi des sommes nécessaires à la guerre d'Italie et à la guerre de France. — Invasion du royaume de Naples par le duc de Guise, qui échoue devant Civitella, et que le duc d'Albe oblige à rentrer dans les États pontificaux. — Campagne de Picardie. — Siège et bataille de Saint-Quentin. — Lettre de Philippe II à l'Empereur son père sur la victoire gagnée par les Espagnols. — Joie que Charles-Quint en éprouve et regret qu'il ressent de ce que son fils n'a pas paru sur le champ de bataille. — Espérance qu'il a de la marche lie l'armée espagnole victorieuse sur Paris. — État de l'Empereur à Yuste. — Son dîner au réfectoire du couvent. — Visites : l'amiral d'Aragon don Sancho de Cardona ; le président du conseil de Castille don Juan de Vega ; l'historien Sepulveda ; le grand commandeur don Luis de Avila. — Respect de Charles-Quint pour la vérité de l'histoire — Reprise de la négociation de Navarre. — Mort de Jean III. — Minorité du roi dom Sébastien, petit-fils de Charles-Quint, qui intervient entre sa sœur la reine Catherine, investie de l'administration du royaume, à sa fille la princesse doña Juana, aspirant à la tutelle du jeune roi. — Arrivée en Estrémadure des reines Éléonore de France et Marie de Hongrie, qui viennent attendre l'infante de Portugal auprès de l'Empereur. — Leur visite à Yuste. — Joie et occupations de Charles-Quint.

 

L'Empereur, dit Strada[1], eut regret de son abdication aussitôt après l'avoir accomplie, comme plusieurs le racontent en se fondant sur ce qui se passa quelques années plus tard entre le cardinal Granvelle et le roi Philippe. Le cardinal ayant rappelé au roi que c'était l'anniversaire du jour où son père Charles s'était démis de l'Empire et de tous ses royaumes, le roi lui répondit sur-le-champ : C'est aussi l'anniversaire du jour où il s'est repenti d'y avoir renoncé. Nous avons déjà vu que le seul regret éprouvé par Charles-Quint était de n'avoir pas exécuté, en 1547, le projet de retraite qu'il avait déjà rêvé en 1535, et qu'il ne put réaliser qu'en 1556. Nous allons voir si les paroles de dédaigneux reproche qu'on prête à Philippe II, et qui sont également contraires à son respect pour son père et à ses instances envers lui, sont plus vraies que les sentiments d'ambitieux repentir attribués à Charles-Quint.

Au printemps de 1557, Philippe II, en guerre avec le roi de France comme avec le pape, était dans une position pleine de difficultés et de périls. Ainsi que l'avait prévu Charles-Quint, la trêve conclue entre le duc d'Albe et le cardinal Caraffa avait été suivie de revers pour les Espagnols. En apprenant la venue du duc de Guise, le duc d'Albe avait évacué les États pontificaux, qu'il ne pouvait plus occuper contre des forces supérieures aux siennes, et n'y avait gardé qu'Anagni, Nettuno, Ostie et un fort sur le Tibre laissés en état de défense ; il s'était replié vers le royaume de Naples, pour le mettre à l'abri d'une invasion.

Le duc de Guise, à qui avait été confiée l'expédition d'Italie, était l'un des plus avisés, des plus hardis et des plus heureux capitaines de ce temps. Arrivé dans les premiers jours de 1557 avec une petite mais vaillante armée de 12.000 hommes d'infanterie et de 1.200 hommes de cavalerie en Piémont, où le maréchal Cossé de Brissac commandait 10.000 hommes de vieilles troupes, il était parti de Turin le 9 janvier, avait pris sur sa route Chivasso, Tricero, Valenza, et s'était rendu à travers la Lombardie et le Parmesan dans les États de son beau-père, le duc de Ferrare, nommé généralissime de la sainte ligue, et qui l'attendait à Ponte di Lenza à la tête de 6.000 fantassins et 800 chevaux italiens bien armés et magnifiquement équipés. Si les confédérés s'étaient jetés sur le duché de Milan, en ce moment mal pourvu de soldats et de munitions, ils s'en seraient emparés assez facilement. Une fois maîtres de la haute Italie, les Français, qui n'y auraient plus été inquiétés du côté de l'Allemagne comme du temps de Maximilien et de Charles-Quint, auraient dominé l'Italie moyenne et attaqué avec beaucoup d'avantage l'Italie inférieure. C'était l'avis du maréchal de Brissac, et, dans un conseil qui se tint à Reggio, le duc de Ferrare se prononça à peu près dans le même sens. Mais le cardinal Caraffa, investi des pouvoirs de Paul IV, à la disposition duquel Henri Il avait mis le duc de Guise et son armée, se déclara contre l'occupation militaire delà Lombardie, et, dans l'impatience où il était de chasser les Espagnols du territoire pontifical, il somma le duc de Guise de marcher vers Rome, lui offrant, en exécution du plan primitif, la séduisante perspective de la conquête de Naples. Le duc obéit, conformément aux instructions qu'il avait reçues du roi son maître, et il entra en Romagne, laissant le maréchal de Brissac sur la frontière de la Lombardie, et le duc de Ferrare dans ses propres États, qu'il avait à défendre contre les alliés du roi d'Espagne, Guillaume Gonzague du côté de Mantoue, et Octave Farnèse du côté de Parme et de Plaisance. La bonne fortune de Philippe II lui fit rencontrer, dans les commencements de son règne, des ennemis plus passionnés que prévoyants, qui, en divisant leurs forces et en manquant le vrai point d'attaque contre lui en Italie, loin de parvenir à l'expulser de cette contrée, devaient l'en rendre le possesseur mieux affermi.

Cependant sa domination y semblait dans le moment compromise. A l'approche du duc de Guise et à l'aide d'un corps auxiliaire déjà venu de France, sous le maréchal Strozzi, Paul IV avait recouvré Ostie, Frascati, Grotta-Ferrata, Marino, Castel-Gandolfo, Vicovaro, Cavi, Gennazano et Montefortino. Les autres places où s'étaient/enfermés les Espagnols devaient être bientôt reprises, si l'invasion de Naples était conduite avec rapidité. C'est ce qu'aurait voulu le duc de Guise, qui, laissant son armée dans les Marches, se rendit à Rome pour y presser l'exécution des clauses souscrites par Paul IV. Rien de ce qui avait été promis à Henri Il ne s'y trouvait prêt. Les troupes pontificales étaient peu nombreuses ; l'argent faisait défaut, et le pape, qui parlait naguère de donner la couronne impériale à Henri II et d'établir deux de ses fils à Milan et à Naples, refusait même l'investiture de ce dernier royaume jusqu'à ce qu'il eût été conquis. Après avoir perdu un mois en plaintes stériles et en demandes éludées, le duc de Guise, mécontent de l'incapacité de Paul IV et de la fourberie de ses neveux les Caraffa, quitta Rome au milieu d'avril, et se dirigea, en côtoyant la mer, vers la frontière des Abruzzes, par où il projetait d'envahir le territoire napolitain. Ses troupes et quelques faibles corps italiens, qui s'étaient joints à elles, pillèrent Colonella, Controguerra, Corropoli, Giolianuova, et emportèrent Campli. Le duc mit ensuite le siège devant Civitella, sur le Tronto, espérant que, si cette place tombait entre ses mains, la fidélité aux Espagnols serait ébranlée dans le royaume de Naples, où l'ancien parti français trouverait alors le courage de se déclarer pour lui.

Pendant que le prince lorrain descendait en Italie, l'amiral de Coligny avait franchi la frontière des Pays-Bas. Celui-là même qui était allé jurer solennellement la trêve à Bruxelles, moins d'une année auparavant, avait été chargé de la violer : il avait reçu de Henri II l'ordre de s'avancer à l'improviste de la Picardie, dont il était gouverneur, vers l'Artois et vers la Flandre, et de s'y emparer de quelque ville forte. Il s'était donc embusqué près de Douai en janvier 1557 et avait cherché à s'en rendre maître ; mais il avait échoué dans cette entreprise, et n'était parvenu qu'à piller Lens, entre Lille et Arras. Après ces actes d'hostilité sans déclaration de guerre, la trêve était ouvertement rompue par Henri II, qui sollicitait, à Constantinople, du vieux Soliman l'envoi d'une flotte turque dans la Méditerranée et l'ordre donné aux Barbaresques d'attaquer les possessions espagnoles en Afrique.

Philippe II, que cette agression inattendue surprenait sans troupes et presque sans argent, était alarmé d'avoir à combattre sur tant de points des ennemis si nombreux et si diversement redoutables. Dans cette situation dangereuse, il ordonna, avec l'agrément de son oncle le roi des Romains, des levées considérables en Allemagne ; il se rendit lui-même en Angleterre pour décider la reine Marie à embrasser sa querelle contre Henri II, et il envoya son conseiller et son favori, Ruy Gomez de Silva, comte de Melito et depuis prince d'Eboli, en Espagne, afin d'y obtenir de l'argent, d'y enrôler des soldats et d'y invoquer l'appui de l'Empereur son père. Philippe Il aurait voulu que, quittant la solitude où il entrait à peine, Charles-Quint consentît à lui venir en aide et à prendre de nouveau dans ses mains expérimentées la direction de la monarchie espagnole. Dans les instructions écrites qu'il avait données, le 2 février, à Ruy Gomez, il lui disait :

Vous passerez la où est Sa Majesté l'Empereur, et en lui remettant ma lettre et le visitant de ma part, vous lui donnerez une connaissance particulière et complète de l'état dans lequel sont les affaires ici ; de ce qui s'est passé avec Sa Sainteté et avec le roi de France ; de ce qui est survenu en Italie ; de la résolution que j'ai prise de me rendre en Angleterre, comme aussi de réunir l'armée, et vous lui exposerez les raisons qui m'y décident. Vous supplierez avec toute humilité et avec insistance Sa Majesté qu'elle veuille bien s'efforcer en cette conjoncture de me secourir et de m'aider non-seulement de ses avis et de ses conseils, ce qui est le plus grand bien qui puisse m'arriver, mais aussi de la présence de sa personne et de l'action de son autorité, en sortant du monastère et en se portant dans le lieu qui conviendra le mieux à sa santé et aux affaires, afin d'y traiter celles qui se présenteront par les moyens qui le fatigueront le moins : car de ses résolutions dépendra le bon succès de tout. Au seul bruit que le monde aura de cette nouvelle, je suis certain que mes ennemis en seront troublés, et Sa Majesté sera cause qu'ils hésiteront dans leurs projets et dans leur conduite. Comme je lui écris à ce sujet, je ne vous en dis pas davantage et je m'en remets à ce que vous connaissez de mes intentions. Seulement, vous demanderez à Sa Majesté de m'envoyer son avis sur ce qui touche à cette guerre et de m'indiquer par où et comment il faut entreprendre cette expédition pour pouvoir porter les coups les plus décisifs[2].

 

Peu de temps après, cette prière fut suivie d'une autre non moins importante. Philippe II supplia son père de ne pas se dessaisir de l'Empire. Ferdinand avait convoqué pour le mois de janvier 1557, à Ratisbonne, une diète électorale, à laquelle les électeurs de Saxe et de Brandebourg s'étaient excusés d'assister, ce qui avait fait revenir sur ses pas le prince d'Orange, chargé d'y porter l'acte de cession de l'Empereur. Philippe II mandait à Ruy Gomez d'en instruire Charles-Quint et de lui annoncer en même temps que la diète, manquée en janvier à Ratisbonne, devait se réunir en mai à Égra sur la frontière de Bohême. Il ajoutait dans sa dépêche[3] :

Ce qui conviendrait le mieux, ce serait que Sa Majesté ne persistât point à renoncer à l'Empire, sa conscience n'étant pas intéressée, tout le monde le lui a dit, et ce qui s'y fait, puisqu'il ne le sait même pas. Certainement pour les Pays-Bas et pour l'Italie, je perdrai beaucoup à cette renonciation, si Sa Majesté l'accomplit, et beaucoup plus qu'on ne pense. Rendez-lui compte du retour du prince d'Orange, et suppliez-le avec très-grande instance qu'il ne veuille pas faire au moins sa renonciation jusqu'à ce que nous voyions quel tour prendront mes affaires. De ce qui sera décidé vous me donnerez avis par toutes les voies possibles, pour que, si Sa Majesté y consent, on empêche le départ du prince d'Orange.

 

Ruy Gomez arriva à Yuste le 23 mars. L'Empereur l'accueillit très-gracieusement et lui accorda une faveur qu'il ne fit depuis à personne autre : il ordonna à Quijada de lui préparer une chambre dans ses propres appartements[4]. Le 23 et le 24 mars, il resta deux fois en conférence avec lui pendant cinq heures de suite[5]. Charles-Quint, ainsi que nous l'avons vu, étendant lui-même sa prévoyance aux diverses parties de la monarchie espagnole, avait déjà jugé avec la fermeté de son esprit ce qui s'était passé en Italie, et insisté sur toutes les mesures que commandaient la sûreté des deux péninsules et la défense des villes occupées par les Espagnols sur la côte d'Afrique. Le 20 février, la Chaulx s'étant séparé de lui pour reprendre bientôt le chemin de la Flandre, Charles-Quint lui avait remis des lettres dans lesquelles il disait qu'il était très-satisfait d'être au monastère de Yuste, mais qu'il ne laisserait point pour cela de concourir d'œuvre et de parole à ce que le roi son fils fût bien pourvu et secouru dans les grandes affaires qu'il avait entre les mains[6]. Mais il ne consentit ni à sortir du monastère, ni à conserver la couronne impériale, comme l'en suppliait Philippe II, ni à se rendre en Aragon pour y faire reconnaître la nouvelle autorité du roi, comme l'aurait désiré la gouvernante d'Espagne sa fille[7]. Il se borna à leur accorder à tous deux ses précieux conseils et son efficace entremise en ces graves conjonctures.

Ruy Gomez n'avait pas trouvé à réunir, aussi vite ni aussi complètement qu'il en avait reçu l'ordre, les sommes nécessaires à l'entretien d'une guerre très-dispendieuse. De l'argent dépendaient surtout le nombre, la discipline, la fidélité, la victoire même des armées. Recrutées, en général, dans des pays militaires et mercenaires, tels que l'Allemagne et la Suisse, où des croyances de toutes les espèces donnaient des soldats pour toutes les causes, celles-ci obéissaient avec zèle et se battaient avec bravoure si elles étaient bien payées ; mais, si la solde n'arrivait pas à temps, elles se mutinaient, refusaient leurs services à la veille d'une bataille, et quelquefois même passaient d'un drapeau sous l'autre. Les troupes que Philippe II avait demandées en Hongrie et en Allemagne devaient arriver par l'Adriatique dans le royaume de Naples, par les vallées des Alpes dans le Milanais, et venir des bords du Rhin dans les Pays-Bas, où il avait le dessein de rassembler au delà de cinquante mille hommes, afin de s'y rendre le plus fort. Il lui fallait donc de l'argent dans la Méditerranée pour ses flottes et pour les galères du prince Doria ; en Italie, en Afrique et en Flandre pour les troupes qu'il se proposait d'y entretenir.

A cette époque, les moyens financiers des princes ne répondaient jamais à leurs entreprises ; cependant les rois d'Espagne disposaient de ressources qui manquaient aux autres princes. Il y avait à Séville un vaste dépôt d'argent dans lequel ils s'étaient ménagé le droit de puiser. Ils avaient concentré dans cette ville tout le commerce du nouveau monde, et formé sous le nom de Casa de contratation un établissement qui en avait l'administration et le monopole. Cette Casa de contratacion[8], placée dans l'ancien Alcazar, où se réunissaient les consuls des marchands et auprès de laquelle résidaient des officiers royaux, était le point de départ et le lieu d'arrivée de toutes les marchandises portées d'Espagne en Amérique, ou venues d'Amérique en Espagne. C'était là qu'abordaient annuellement les galions chargés de la récolte d'or et d'argent faite dans les mines du Mexique ou du Pérou, soit pour le roi, soit pour des particuliers. Toutes les matières métalliques, quelle qu'en fut la destination, devaient y être enregistrées, et ne pouvaient en être retirées qu'avec l'autorisation du gouvernement, qui prenait, dans les conjonctures difficiles et pour ses besoins pressants, les sommes des particuliers, auxquels il en servait l'intérêt et en promettait le remboursement. La Casa de contratacion était donc un grand entrepôt d'argent et comme une banque toujours ouverte au gouvernement espagnol, qui avait la facilité d'y emprunter des sommes considérables sans avoir besoin d'obtenir l'agrément du prêteur. De semblables emprunts forcés troublaient les opérations commerciales, dérangeaient les fortunes privées, étaient rarement remboursés. Aussi mettait-on tout en œuvre pour s'y soustraire, en retirant des galions les lingots d'or avant qu'ils fussent enregistrés à Séville, ou en les faisant sortir par une sorte de fraude de la Casa de contratacion lorsqu'ils y avaient été inscrits. C'est ce qui était arrivé dans cette occasion.

D'après l'enregistrement même, il aurait dû y avoir alors à Séville plus de cinq millions d'or, que Philippe II entendait appliquer à la guerre qui allait s'ouvrir. Il avait écrit plusieurs fois de Gand qu'on n'y touchât point, parce qu'ils serviraient à faire un grand effort, que ses sujets et ses vassaux avaient l'obligation de seconder : mais la majeure partie en avait été retirée, avec la connivence des membres de la Casa de contratacion. Lorsque Philippe II l'apprit, il en fut comme désespéré : Je me trouve par là, écrivit-il[9], en si grande confusion, que je peux assurer qu'aucune nouvelle n'était capable de me causer plus de peine et d'ennui ; l'on peut bien dire que ceux qui ont concouru à cela non-seulement m'ont fait la guerre et l'ont faite à mes États et à mon patrimoine, qu'ils ont mis en péril notoire comme ils y sont, mais qu'ils ont exposé mon honneur et ma réputation.

Charles-Quint en fut encore plus outré que Philippe II. Son mécontentement ne s'exprima point par des plaintes amères et des regrets craintifs ; il éclata en violente indignation et en terribles menaces. Il adressa à la princesse doña Juana une lettre[10] où ses sentiments débordaient :

En vérité, lui disait-il, si je m'étais bien porté, je serais allé moi-même à Séville rechercher d'où procédait ce frauduleux détournement de deniers ; j'aurais pris à partie tous ceux de la contratacion, et je les aurais traités de manière à tirer au clair cette affaire. Je n'aurais pas suivi les voies ordinaires de la justice, sinon pour savoir la vérité et pour châtier les coupables ; j'aurais saisi leurs biens, je les aurais vendus, et je les aurais plaie ces eux-mêmes en un lieu où ils auraient jeûné et payé la faute qu'ils avaient faite.

Je vous dis cela avec colère et non sans cause, car, dans mes embarras passés, lorsque j'avais de l'eau jusqu'à la bouche et qu'eux étaient là fort à leur aise[11], s'il arrivait une bonne masse d'argent, ils ne m'en avisaient jamais qu'après qu'elle était sortie, et maintenant que, de sept à huit millions qui y avaient été portés, ils en étaient venus à n'en retenir que cinq ; de ces cinq, ils en sont venus à ne retenir que cinq cent mille ducats. On ne m'ôtera pas de la tête que cela ne peut pas avoir été fait sans qu'il en ait été donné une bonne part à ceux qui l'ont laissé sortir.

Charles-Quint pressait sa fille de faire rentrer les sommes soustraites ou de punir tous ceux qui s'étaient rendus complices de leur soustraction ; puis il ajoutait :

Si cela ne se fait point, je certifie que l'écrirai au roi de manière qu'il montrera sa colère plus qu'il ne l'a témoignée jusqu'à présent ; je lui conseillerai de ne pas employer les procédés de la justice ordinaire, et si en cela je lui puis être bon, quoique je tienne la mort entre les dents, je me réjouirai de le faire. Mais, pour cela le bonhomme ne recouvrera point sa vache[12], et mon fils ne laissera pas de tomber dans de grands embarras. Si cet argent ne se retrouve point, et si l'on ne punit pas ceux qui l'ont soustrait, tout au moins aurai-je accompli ce que je dois comme père, et satisfait à l'amour que j'ai pour mon fils.

 

Cette affaire délicate et embrouillée, dans laquelle la sévérité de ses jugements et de ses reproches se porta même sur Vasquez de Molina et sur les autres ministres, l'occupa et l'agita plusieurs mois. Il se fit rendre compte des poursuites intentées à Séville, qu'il ne trouva jamais assez promptes ni assez concluantes. Il fut cause qu'on jeta en prison les anciens officiers de la Casa de contratacion[13], et que la princesse en institua de nouveaux[14]. Il aurait même voulu qu'on arrêtât les maîtres et les pilotes des navires sur lesquels la fraude s'était pratiquée, et il ne recula que devant la crainte de les voir passer au service du roi de France[15]. Le conseil des Indes et le conseil chargé de la surveillance de l'argent à Séville lui ayant écrit pour se Justifier auprès de lui et pour apaiser son indignation, il leur fit répondre qu'il inculperait tout le monde[16], jusqu'à ce qu'on eût réparé le mal et châtié les coupables. Mais la véhémence de ses reproches et ses opiniâtres rigueurs n'amenèrent aucune rentrée d'argent, et causèrent seulement la mort d'un des malheureux officiers de la Casa de contratacion, Francisco Tello, qui, enfermé dans un cachot de la forteresse de Simancas, y succomba de chagrin au bout de quelques jours[17]. Toutefois l'expérience du passé lui suggéra des précautions pour l'avenir, et quand la flotte qui venait tous les ans des Indes parut à la hauteur des Açores, il écrivit à sa fille d'y envoyer des gens de sa confiance avant que les galions entrassent dans Séville, afin de prévenir les fraudes précédemment commises[18].

L'intervention de Charles-Quint dans toutes les levées d'argent fut très-utile au roi son fils, qui, pour suppléer aux sommes enlevées, eut recours à toutes sortes d'expédients. Il s'adressa aux banquiers ; il mit un ducat d'or d'impôt sur chaque sac de laine exporté d'Espagne, et deux sur chaque sac de laine importé de l'étranger en Flandre ; il demanda au duc d'Escalona soixante mille quintaux de l'alun de ses mines, pour les vendre ; il lit des emprunts à la grandesse, à la noblesse, à la prélature, aux universités du royaume. Ruy Gomez, chargé de négocier ces emprunts, rencontra dans l'Empereur, auprès duquel il était retourné le 14 mai[19], un puissant appui. Tandis que les principaux prélats acceptèrent sans difficulté les taxes qui leur étaient imposées, l'archevêque de Séville, Fernand Valdez, qui était aussi grand inquisiteur de la foi, ne voulut rien donner, et personne ne pouvait lui arracher un denier.

Aussitôt que l'Empereur le sut, il lui écrivit[20] :

Très-révérend père en Christ, archevêque de Séville, inquisiteur général en ces royaumes contre la perversité hérétique et l'apostasie, et de notre conseil.

..... J'ai appris que non-seulement vous n'avez pas fourni la somme qui vous a été demandée, mais que vous avez laissé peu d'espérance de le faire. Je ne suis pas peu émerveillé de cela de votre part à vous qui êtes ma créature, mon ancien serviteur, qui depuis tant d'années jouissez des revenus épiscopaux, et en qui j'aurais été heureux de trouver les preuves de cette bonne volonté que vous m'aviez toujours dit prendre aux choses de mon service. Aussi ai-je cru devoir vous prier et vous engager fortement, pour une cause que vous reconnaissez si juste et dans une occasion si pressante, d'aider mon fils avec la somme qui vous a été demandée en son nom. Je sais que, le voulant, vous pouvez le faire, tout au moins pour la majeure partie. Outre que vous accomplirez ce que vous devez et ce à quoi vous êtes tenu, vous me ferez en cela, pourvu que vous agissiez promptement, plaisir et service. S'il en était autrement, le roi ne laisserait pas de commander qu'on y pourvût ni moi de le lui conseiller.

 

Le tenace archevêque ne se rendit pas tout de suite.

Il fallut que l'Empereur, auprès duquel il s'excusa très-humblement d'acquitter la contribution exigée, lui écrivît de nouveau et avec plus de force encore[21], en mandant à sa tille que, si l'archevêque persistait dans ses refus, il serait employé envers lui une autre démonstration, qui serait telle cependant que le requerrait la décence de l'affaire[22]. Mais l'archevêque n'attendit point cette démonstration ; il se décida à prêter le tiers de ce qu'on exigeait de lui, et il transigea pour 50.000 ducats. L'archevêque de Saragosse en avait donné 20.000, tandis que l'évêque de Cordoue en avait accordé 100.000, et l'archevêque de Tolède 400.000[23]. L'Empereur, très-touché de la générosité empressée de ces deux derniers prélats, les en remercia[24]. En même temps qu'il contribuait aux levées d'argent, il en dirigeait l'envoi sur les divers théâtres de la guerre, notamment sur celui dont son fils était éloigné. Philippe II l'en avait instamment prié : Je désire, avait-il écrit à Ruy Gomez[25], que vous rendiez compte à l'Empereur des affaires d'Italie et que vous le suppliiez d'y veiller, puisque moi, étant en campagne, je n'aurai pas le moyen de le faire. Je conjure donc Sa Majesté, aussitôt qu'arrivera l'argent que vous avez ordre de lever pour ici et pour là-bas, de vouloir bien y mettre la main et me faire la grâce de pousser, d'animer, d'autoriser ceux qui en sont chargés à pourvoir de deniers l'Italie, qui est en très-grande nécessité et le sera chaque jour davantage si la guerre dure, et bien plus encore si, comme cela semble certain, la flotte turque paraît sur ses côtes.

L'Empereur s'employa en effet, avec une ardeur incroyable, à faire parvenir au duc d'Albe et au roi son fils l'argent et les troupes dont l'un et l'autre avaient besoin. Les galères de la Catalogne portèrent de bonne heure un premier secours en hommes et en argent au duc d'Albe, qui reçut bientôt après 550.000 ducats, et auquel on s'apprêta à en envoyer encore 400.000 autres avec un corps de fantassins castillans[26]. Sur la côte de l'Océan, deux flottes sortirent, à peu d'intervalle, de la Corogne et de Laredo, chargées de 1.200.000 ducats et de 6.000 hommes d'infanterie espagnole pour les Pays-Bas[27]. Une troisième flotte était préparée à Laredo. Ruy Gomez, qui vint encore une fois à Yuste vers la mi-juillet, devait s'y embarquer avec le reste des sommes et des troupes nécessaires à Philippe II[28].

Grâce aux recommandations de l'Empereur, ces secours en hommes et en argent arrivèrent en Italie et dans les Pays-Bas avec assez de promptitude et d'opportunité pour contribuer aux succès décisifs qu'obtinrent : le duc d'Albe, contre les forces combinées du duc de Guise et des Caraffa ; le duc Philibert-Emmanuel, contre le connétable de Montmorency et l'amiral de Coligny. Le duc d'Albe, après avoir pris les mesures les plus capables de protéger le royaume dont la défense lui avait été confiée, s'était dirigé vers la frontière des Abruzzes avec une armée plus forte que l'armée d'invasion. A son approche, le duc de Guise, que Civitella avait arrêté vingt jours, leva le siège de cette place, à laquelle il avait fait une immense brèche et donné inutilement plusieurs assauts, et voulant réparer ce premier échec par un coup d'éclat, il offrit la bataille à son adversaire, afin de s'ouvrir autrement le chemin de Naples. Mais le prudent Espagnol, placé dans une position inexpugnable, se garda bien d'exposer au sort incertain des armes le salut déjà assuré du royaume. Il attendit patiemment que le duc de Guise, ne pouvant ni prendre une place, ni avancer d'un pas dans le pays qu'il devait conquérir, se retirât sur le territoire de l'Église en frémissant. La conquête de Naples était manquée. La situation des Français et des Pontificaux n'allait pas être meilleure dans le reste de l'Italie, où Philippe II, après s'être assuré d'Octave Farnèse en lui rendant Plaisance, avait entièrement gagné le grand-duc de Florence en lui cédant la ville de Sienne, et où le duc d'Albe était prêt à reparaître en vainqueur. Mais, au moment même, un plus grand désastre frappait les confédérés vers les frontières des Pays-Bas.

Philippe II avait pleinement réussi dans son voyage d'Angleterre. La reine Marie, dont l'amour pour son mari l'emportait sur l'obéissance au souverain pontife, avait, malgré les menaces de Paul IV, déclaré, le 7 juin, la guerre à Henri II. Elle avait formé un corps auxiliaire de huit mille Anglais qui devait se joindre à la grande armée espagnole, déjà forte de trente-cinq mille hommes de pied et de douze mille chevaux. Bien payée et bien conduite, cette armée, composée surtout d'Allemands et d'Espagnols, se mit en mouvement, sous les ordres du duc Philibert-Emmanuel de Savoie, dans le mois de juillet. Elle sembla d'abord menacer la Champagne, et elle attira du côté de Rocroy l'armée française, qui était de moitié moins nombreuse. Se jetant tout à coup sur sa droite, elle s'avança vers la frontière mal défendue de Picardie, et alla inopinément investir la place importante et dégarnie de Saint-Quentin, où elle se logea presque sans obstacle dans le faubourg de l'Isle.

L'amiral de Coligny, gouverneur de cette grande province qui couvrait Paris du côté du nord, sentit que la prise de Saint-Quentin ouvrirait aux Espagnols la route jusqu'au cœur du royaume. S'étant concerté avec son oncle, le connétable de Montmorency, venu, en ce danger public, se mettre à la tête de l'armée française, il prit quelques compagnies d'hommes d'armes et de gens de pied, et, passant par la Fère et Ham, il pénétra, le 2 août, à travers beaucoup de difficultés et de périls, mais non avec tout son monde, dans la place assiégée depuis quatre jours. Il y releva les courages, et y ranima un moment la défense par son activité et son énergie. Cependant il n'y pouvait pas tenir longtemps s'il n'était secouru. Le connétable, qui s'était porté dans le voisinage, où il occupait Ham et la Fère avec ses troupes, mit tout en œuvre pour introduire dans Saint-Quentin d'indispensables secours. Une première tentative dirigée par d'Andelot, frère de Coligny, ayant échoué, le connétable en fit une seconde, qui, plus étendue et mieux combinée, semblait devoir réussir. Le 8 août, il alla reconnaître lui-même un marais qui couvrait la ville vers le sud-est et qu'il fallait traverser, moitié par d'étroits sentiers et moitié dans des bateaux, pour entrer dans Saint-Quentin.

De retour à la Fère, il y prépara, le 9 au soir, fort secrètement son expédition, et, le 10 août, de très-grand matin, il se mit en marche avec environ neuf cents hommes d'armes, cinq ou six cents chevau-légers, quinze compagnies d'infanterie française, vingt-deux d'infanterie allemande, six pièces de grosse artillerie, quatre couleuvrines et quatre petites pièces de canon ; il arriva entre huit et neuf heures vers le faubourg de l'Isle. Par une attaque soudaine et impétueuse, il délogea les avant-postes des ennemis, et ses canons jetèrent dans un assez grand désordre le camp du duc de Savoie, assis de ce côté. La tente du général espagnol fut renversée, et Philibert-Emmanuel, à peine revêtu de sa cuirasse, se replia précipitamment sur le quartier du comte d'Egmont, placé un peu plus loin de l'autre côté. Pendant cette rapide attaque, le secours dont elle devait faciliter l'introduction dans la ville assiégée s'était engagé, sans rencontrer d'obstacle, dans le marais. Mais là beaucoup de soldats s'étaient perdus dans des sentiers sinueux qu'ils connaissaient mal, tandis que d'autres, parvenus jusqu'aux bateaux que Coligny tenait prêts pour leur transport à travers ces eaux profondes et bourbeuses, s'y précipitant en trop grand nombre, en avaient fait enfoncer une partie dans la vase. Aussi ne pénétra-t-il dans Saint-Quentin que cinq cents hommes, conduits par l'intrépide d'Andelot ; le reste se noya dans le marais ou fut tué plus tard par les Espagnols.

Mais ce secours imparfait coûta bien cher : la manœuvre hardie exécutée par le connétable afin d'ouvrir l'accès de la place était extraordinairement périlleuse. Il fallait opérer maintenant la retraite en présence d'une armée provoquée au combat et tout à fait supérieure en forces. Le connétable l'essaya néanmoins. Sur les derrières de la route qu'il avait parcourue pour se rendre de la Fère à Saint-Quentin, et qu'il devait reprendre pour retourner de Saint-Quentin à la Fère, se trouvait un passage par où l'ennemi pouvait déboucher et l'attaquer en flanc. Il y avait envoyé des troupes qui malheureusement étaient trop peu nombreuses pour le garder. C'est par là, en effet, que le duc Philibert-Emmanuel et le comte d'Egmont, à la tète d'une masse énorme de neuf mille chevaux, fondirent sur lui. Surprise dans son mouvement de retraite et sa marche de flanc, la petite armée française s'ébranla vite, fut facilement culbutée et entièrement battue. Dans cette funeste journée, commencée par une témérité et finie par une déroute, elle perdit ses chefs, qui furent presque tous pris ou tués, ses drapeaux, ses canons, et elle compromit la sécurité de la France. Le connétable, grièvement blessé, tomba entre les mains de l'ennemi avec un de ses fils, avec le maréchal de Saint-André, le duc de Montpensier, le duc de Longueville, le prince Ludovic de Mantoue, le comte de la Rochefoucauld, et une foule de vaillants seigneurs et gentilshommes, parmi lesquels le duc d'Enghien, le vicomte de Turenne et beaucoup d'autres restèrent sur le champ de bataille. Dans le trouble universel et le découragement profond qui suivirent ce grand désastre, le duc de Nevers chercha à mettre en défense cette frontière désormais ouverte, et d'où il semblait que le roi d'Espagne, si complètement victorieux, pouvait se rendre sans obstacle sous Paris et y dicter la paix au roi de France abattu.

Philippe II était revenu d'Angleterre sur le continent depuis trois semaines. Il n'avait pas encore paru au camp, dont il était assez peu éloigné, lorsque lui parvint la nouvelle de la victoire de Saint-Quentin. Il éprouva une secrète humiliation de n'avoir pas assisté à une bataille donnée dans son voisinage, et il s'inquiéta beaucoup de l'opinion qu'aurait de lui l'Empereur son père. Aussi, en lui transmettant/le lendemain même 11 août, la relation de cette bataille, lui écrivait-il, non sans quelque confusion : Votre Majesté en apprendra les détails par le mémoire qui accompagne ma lettre. Puisque je ne m'y trouvais pas, de quoi me pèse ce qu'en pourra penser Votre Majesté, je ne saurais vous raconter ce qui s'est passé que par ouï-dire[29]. Il ajoutait que, Saint-Quentin pris bientôt, comme il l'espérait, l'Empereur devait juger des choses importantes qu'on entreprendrait en France si l'argent ne manquait pas :

L'affaire étant, disait-il, dans de pareils termes, je supplie Votre Majesté, aussi humblement que je le peux, de vouloir bien faire en sorte que je sois secouru de deniers, afin d'entretenir ces troupes-ci sous les armes. Si cela est, je crois que tout ira bien. C'est pourquoi je renouvelle mes supplications à Votre Majesté, pour qu'elle m'aide à tirer parti d'aussi favorables conjectures. Que Notre-Seigneur garde l'impériale personne de Votre Majesté comme je le désire. Le très-humble fils de Votre Majesté1.

LE ROI[30].

 

Charles-Quint avait appris avec une vive satisfaction la résistance heureuse du duc d'Albe dans le royaume de Naples ; mais la victoire de Saint-Quentin le combla de joie. Il écrivit à sa fille le 6 septembre[31] :

Par les relations que vous m'avez envoyées, j'ai entendu ce qu'il y avait de nouveau de tous les côtés, et, en dernier lieu, la déroute des Français, la capture du connétable et de tous les autres ; j'en ai éprouvé le contentement que vous pouvez imaginer, et je rends bien des grâces à Notre-Seigneur de voir le bon commencement que prennent les affaires du roi, et qu'il leur continuera ainsi que j'en ai la confiance. Pour cela il convient, comme vous le comprenez, que, conformément à ce qu'il écrit lui-même, il soit pourvu de plus d'argent que n'en porte Ruy Gomez, et qu'on tire cet argent, ou de la flotte des Indes arrivée aux Açores, ou d'ailleurs ; mais il faut surtout que ce soit avec une grande promptitude, sans perdre une minute de temps. Dites-le ainsi de ma part à ceux du conseil des finances.

 

Le contentement de l'Empereur fut néanmoins mêlé d'amertume. Si le politique s'applaudit de la victoire remportée, le père regretta que son fils n'y eût pas pris part. Le 4 septembre, Quijada écrivit à Vasquez[32] : Vous pouvez assurer à Leurs Majestés (les reines) et à Leurs Altesses (la princesse et le prince) que l'Empereur a ressenti de ces nouvelles une des plus grandes satisfactions qu'il ait jamais eues. Il en a rendu grâce à Dieu, et aujourd'hui il a entendu une messe fort solennelle ; il s'est confessé, et il a distribué d'abondantes aumônes mais, à vous dire vrai, a je sens en lui qu'il ne peut pas se consoler de ce que son fils n'y a point été, et il a raison. Maudits soient les Anglais qui l'ont retenu trop longtemps ! Les Espagnols cherchaient à mettre sur le compte des Anglais l'éloignement où leur jeune roi s'était tenu du champ de bataille, au lieu de l'attribuer à son peu d'inclination pour la guerre.

Cependant Philippe II sentit la nécessité de paraître à son armée, et d'assister au moins à la prise de Saint-Quentin ; il se rendit le 13 août devant cette place[33], dont le siège fut poussé avec une grande vigueur. Quatorze jours après, ouverte par onze brèches, la ville de Saint-Quentin, malgré l'opiniâtre résistance de Coligny, tomba le 27 entre les mains des Espagnols[34]. Charles-Quint, qui savait Philippe II à la tête d'une puissante armée et sans personne devant lui, qui avait fait parvenir en Flandre l'argent nécessaire pour la tenir longtemps en campagne, par les soins duquel une nouvelle somme de 900.000 ducats était sur le point d'être expédiée dans les Pays-Bas, et une réserve de 700.000 autres était amassée en Espagne pour un besoin extraordinaire[35], crut que son fils ne laisserait aucun relâche à Henri II en ce moment désarmé, et qu'il irait l'attaquer au centre même du royaume de France. Comme il n'aurait pas manqué de le faire, il espéra que son fils le ferait aussi. Sa Majesté, écrivait Quijada à Vasquez[36], a un extrême désir de savoir quel parti prendra le roi son fils après sa victoire. Il se montre à cet égard très-impatient, et il fait le compte qu'il devrait être déjà sous Paris. Ce qu'imaginait le hardi capitaine et le grand politique du fond de son couvent était conseillé à Philippe II par l'état de faiblesse et par les craintes mêmes de ses ennemis. Les Espagnols, dit un des hommes de guerre qui avaient échappé au désastre de Saint-Quentin, pouvoient parachever la totale extermination des forces de France, et nous oster toute ressource et toute espérance de nous remettre sus[37]... Mais il semble que le supresme dominateur, Dieu des victoires, les arresta là tout court[38]. La prudence extrême de Philippe II arrêta seule l'armée espagnole, qui, s'avançant pas à pas sur le territoire français, assiégea le Catelet et Ham, dont elle s'empara, entra dans Noyon et dans Chauny sans oser pénétrer plus loin. Deux ans après, c'était sans doute le souvenir de la circonspection inhabile de ce prince qui faisait dire de lui par l'ambassadeur Michele Soriano, dans le sénat de Venise : S'il avait voulu imiter l'Empereur son père, ou le vieux roi catholique son bisaïeul, avec la grandeur de sa puissance et l'extraordinaire prospérité de sa fortune, il serait devenu formidable au monde[39].

Il y avait alors un an que Charles-Quint était de retour en Espagne et huit mois qu'il s'était enfermé dans le monastère de Yuste. Pendant tout cet été, à part les indispositions dont le repos, le climat et l'art ne pouvaient pas triompher, sa santé fut bien meilleure qu'elle ne l'avait été depuis longtemps. Il prenait avec persévérance ses pilules et son vin purgatif de séné beaucoup plus par habitude que comme remède[40]. Il n'était pas plus sobre qu'il ne l'avait été à Jarandilla, et il continuait au monastère à recevoir des friandises et des présents qui lui étaient envoyée de Valladolid, de Lisbonne et même de Flandre, d'où son fils lui en avait adressé par mer une caisse toute remplie, en lui faisant parvenir les brevets des pensions qu'il désirait assurer après lui à ses fidèles serviteurs[41]. La température élevée et vivifiante de l'Estrémadure en cette saison avait tellement rétabli ses forces, qu'il put aller un moment à la chasse. Sa Majesté, écrivait Gaztelù le 5 juin, a demandé une arquebuse, et elle a tiré deux pigeons sans avoir besoin d'aide pour se lever de son siège ni pour tenir l'arquebuse[42]. Il eut même la fantaisie, trois jours après, de dîner dans le réfectoire du couvent avec les moines. Il s'y fit servir, sur une table séparée, par les religieux, qui lui apportèrent les mets de leur cuisine, que van Male découpait devant lui ; mais il ne parait pas qu'il ait tenté de renouveler ce repas, qu'il acheva vite en laissant plusieurs plats sans y toucher. Afin de ne pas contrister les moines, surpris d'un départ si prompt, il leur dit avec bonne grâce de garder pour lui les mets qui restaient intacts, et il leur annonça en même temps qu'il ne les en tenait pas quittes[43]. Il ne lui arriva plus néanmoins de leur demander à dîner et de s'inviter à leur table.

Le monastère de Yuste, auparavant si inanimé et si solitaire, était devenu un centre de mouvement et d'action. Quijada, avant de partir pour Villagarcia, se plaignait d'y être l'hôte de tous les visiteurs de Yuste et l'agent de tous les solliciteurs d'Espagne[44]. Des courriers y arrivaient et en partaient sans cesse. Toutes les nouvelles y étaient soigneusement envoyés à l'Empereur, dont on prenait les conseils ou les ordres sur la plupart des choses qu'il fallait préparer ou résoudre. On le faisait juge des différends et on lui demandait des grâces. L'amiral d'Aragon, don Sancho de Cardona, venait lui porter ses plaintes contre le maître de l'ordre religieux et militaire de Montesa, avec lequel il était en contestation[45]. Le président du conseil de Castille, Juan de Vega, qui lui devait ce grand office après avoir été son vice-roi en Sicile, vint lui baiser les mains et resta une heure et demie en conférence avec lui[46]. Dès son retour à Valladolid, il envoya les pancartes nécessaires pour qu'il y eût marché et juridiction à Quacos, afin de faciliter le service et l'approvisionnement de l'Empereur et de sa maison[47].

Charles-Quint avait eu au monastère la visite de deux de ses historiens, le docte Sepulveda et le vaillant don Luis de Avila. Sepulveda était venu le voir au printemps de 1557[48]. Il travaillait alors à cette élégante histoire latine que Charles-Quint recommanda plus tard, du fond de son cloître, de recueillir soigneusement avec les travaux historiques de Florian de Ocampo, pour les faire imprimer lorsque ces deux cronistes, dont l'âge était très-avancé, seraient morts[49]. L'Empereur aimait beaucoup l'histoire et avait un grand souci de sa vérité. Il ne pouvait en supporter le mensonge, qu'il fût flatterie ou dénigrement, et il avait appelé le luthérien Sleidan et l'évêque Paul Jove, dont la passion ou la cupidité dirigeait la plume, ses deux menteurs. Un jour Sepulveda l'avait supplié de l'éclairer lui-même sur des actes importants de sa vie et avait proposé de lui soumettre ce qu'il en avait appris des bouches les plus autorisées, lui demandant de le confirmer par son silence ou de le rectifier par quelques paroles. Il ne m'est pas agréable, lui dit brièvement Charles-Quint, de lire ou d'entendre ce qu'on écrit sur moi. Qu'après ma mort les autres le lisent. Mais, si vous désirez savoir quelque chose de moi, adressez-m'en la question, et je vous répondrai sans peine. Sepulveda interrogea alors l'Empereur sur un fait qui relevait singulièrement sa grandeur d'âme, et que lui avait raconté l'un des personnages de sa cour les plus éclairés et qui semblait le mieux à portée de le bien savoir. Charles-Quint lui dit qu'il ne s'en souvenait point. Sepulveda avait composé à ce propos un fort beau récit. Tout déconcerté, il demanda à l'Empereur la permission de vérifier le fait auprès de Covos et de Granvelle. Abstenez-vous-en, répondit Charles-Quint, qui craignait sans doute que Covos et Granvelle n'osassent pas contredire une fausseté racontée à sa louange ; la chose n'a aucune réalité, c'est une pure invention[50].

C'était pour rétablir l'exactitude défigurée de l'histoire qu'il avait écrit ses mémoires, dont la perte ne saurait être trop regrettée. En les montrant au Père François de Borja, dans une des visites qu'il en reçut à Yuste, il lui demanda, par un excès de scrupule, si l'on n'accuserait pas de vanité celui qui retraçait ses propres actions. J'ai raconté, lui dit-il, toutes mes entreprises avec leurs causes et les motifs qui m'ont poussé à les accomplir ; ni l'ambition de la gloire ni l'orgueil ne m'y ont décidé, mais bien le besoin de faire connaître la vérité, que les historiens de nos temps altèrent ou par ignorance, ou par affection, ou par haine[51].

Ce désir de la vérité, il le montra aussi au grand commandeur d'Alcantara, qui vint le revoir au monastère dans l'été de 1557. Don Luis de Avila lui était particulièrement agréable, et l'Empereur lui réservait même des mets de sa table. Il avait été son ambassadeur auprès des papes Paul III et Pie IV pour les affaires du concile, son sommelier de corps, le compagnon de ses guerres, l'historien de ses victoires en 1546 et 1547. Politique, guerrier, écrivain, homme de cour, après avoir habilement négocié en Italie, vaillamment combattu en Afrique, en Provence, en Allemagne, où il commandait la cavalerie impériale, raconté avec un chaleureux enthousiasme la gloire du maître dont il avait servi la personne avec un zélé dévouement, il s'était retiré en Estrémadure. Il devait à l'Empereur la grande commanderie d'Alcantara, et, grâce à lui, il avait épousé la riche héritière des Mirabel, dont il possédait le marquisat et dont il habitait la somptueuse résidence à Plasencia. Là, dans le doux repos de l'opulence, il goûtait les plaisirs des arts et se livrait à l'attrayante culture des lettres. Son admiration reconnaissante pour l'Empereur se voyait partout dans son palais, d'une noble et élégante architecture, et dont la cour intérieure, ornée d'une fontaine à la façon mauresque, était entourée de deux étages de galeries avec des colonnes d'ordre dorique et d'ordre ionien. Au fronton de la plus apparente fenêtre était inscrite la devise chrétienne et philosophique : Todo pasa, Tout passe[52]. Sur une terrasse en jardin suspendu étaient des inscriptions romaines et des bustes antiques. Parmi ceux d'Auguste et d'Antonin le Pieux, dont Luis de Avila avait placé une magnifique tête en marbre de Charles-Quint, sculptée par le maître Leone Leoni ou par son fils Pompeyo Leoni, et au bas de laquelle il avait mis une plaque en bronze avec cette inscription d'un tour espagnol et d'un langage italien :

CAROLO QUINTO. ET È ASSAI QUESTO,

PERCHÈ SI SA PER TUTTO IL MONDO IL RESTO[53].

A Charles-Quint. Ce nom en dit assez, car le reste se sait par le monde entier.

 

Don Luis de Avila décorait son palais de tableaux représentant les plus glorieux événements de la vie de son héros. Il faisait peindre à fresque quelques-unes de ses victoires. L'Empereur, auquel il raconta qu'au nombre des peintures se trouvait la dernière rencontre qu'il avait eue avec le roi de France à Renty, lui demanda quelle était la disposition du tableau. En apprenant que les Français y semblaient chassés de leur position et mis en pleine déroute, Charles-Quint n'accepta point la flatterie d'un aussi grand succès et lui dit : Faites, don Luis, que le peintre modère cette action et la représente comme une honorable retraite et non comme une fuite ; car véritablement ce n'en fut pas une[54].

L'Empereur voyait aussi arriver vers lui des veuves de militaires qui avaient fait les campagnes d'Afrique, d'Italie, de Flandre et d'Allemagne. Elles venaient solliciter de sa générosité, les unes des secours, les autres des pensions, les autres des lettres de recommandation pour le roi son fils ou la princesse sa fille ; et il ne les renvoyait jamais sans les satisfaire[55]. Mais c'étaient surtout les affaires importantes de la monarchie qui lui étaient soumises. Nous avons vu qu'il s'était occupé avec sollicitude de celles dont dépendaient les événements militaires d'Italie et de Flandre ; son intervention avait été si active et si connue, qu'on le croyait prêt à sortir du monastère pour marcher au secours de son fils et pénétrer en France par les Pyrénées, à la tête des troupes espagnoles. Ce bruit, répandu par la princesse sa fille en Estrémadure[56], provenait de l'accord prêt à être conclu avec le roi de Navarre, et qui devait être suivi d'une expédition contre la France. Escurra, après avoir sollicité de Charles-Quint, à Burgos et à Jarandilla, la cession de la Lombardie espagnole à Antoine de Bourbon, qui deviendrait l'allié actif et perpétuel de l'Espagne, était venu reprendre cette négociation à Yuste. Philippe II, à qui la guerre et l'éloignement rendaient difficile de conduire et de terminer lui-même une affaire aussi grave, s'en était déchargé sur l'Empereur son père, et avait écrit[57] : Que Sa Majesté ordonne et pourvoie à cet égard comme elle le jugera convenable, sans qu'il soit nécessaire de recourir à moi. Dans la situation périlleuse où le mettaient, au printemps de 1557, les agressions concertées de Paul IV et d'Henri II, il lui importait d'acquérir un confédéré qui pouvait lui être aussi utile qu'Antoine de Bourbon en ouvrant les passages des Pyrénées et en l'aidant à prendre Bayonne et Bordeaux. Il consentait donc non-seulement à lui céder le duché de Milan en dédommagement de la Navarre, mais encore à le lui remettre avant qu'il livrât ses places et ses fils comme garanties de sa coopération et otages de sa fidélité. Philippe Il soumit néanmoins cet arrangement à l'adhésion de l'Empereur, et il recommanda à son favori Ruy Gomez et au duc d'Albuquerque, son vice-roi de Navarre, de suivre en tout ce que Sa Majesté approuverait et prescrirait[58].

Charles-Quint, auprès duquel se rendirent deux fois à Yuste. en avril et en juillet, Ruy Gomez et Escurra, ne fut pas d'avis que Philippe II se dessaisît de Milan avant qu'Antoine de Bourbon eût reçu garnison espagnole dans ses places de France. Il trouvait, avec sa défiance expérimentée, que sans ce gage préalable on s'exposerait à perdre le Milanais si le duc de Vendôme n'était pas de bonne foi, et s'il l'était on livrerait ses États à l'invasion française. Dans ce dernier cas, disait-il[59], le roi de France occupera les pays de Vendôme, qu'abandonneront en même temps la plupart des amis et des personnages sur lesquels il compte, comme cela s'est vu et se voit chaque jour. Il sera privé de ses forces, se perdra et ne pourra garder l'Etat de Milan, qu'il ne saurait défendre sans l'appui de mon fils. Il faut donc qu'il ait confiance en mon fils, et si, pour sa plus grande satisfaction, il veut que je m'oblige à son égard, je le ferai.

Dans les conférences qui se tinrent au mois de juillet à Yuste, et auxquelles vint assister, avec Ruy Gomez et Escurra, un secrétaire d'Antoine de Bourbon, nommé Bourdeau, muni de ses instructions et de ses pouvoirs, Charles-Quint dressa en onze articles[60] une convention qui réglait les conditions de l'alliance entre les deux confédérés, et fixait la part que chacun d'eux prendrait à la guerre contre la France. Antoine de Bourbon et sa femme, Jeanne d'Albret, renonçaient à tous droits sur les royaumes d'Aragon et de Navarre, ainsi que sur le comté de Biscaye, et recevaient en retour le duché de Milan, qui ne serait toutefois remis à Antoine de Bourbon que trois mois après le passage des Pyrénées par l'armée espagnole. L'Empereur et le roi son fils s'engageaient à lui conserver le Milanais, qu'ils défendraient du côté du Piémont en lui fournissant pendant trois années un secours de dix mille hommes d'infanterie. Afin de cimenter cet accord par un mariage, le fils aîné du duc de Vendôme, qui fut depuis le glorieux et grand roi Henri IV, devait épouser une fille ou de Philippe II, ou du roi des Romains, ou du roi de Bohême.

Il était convenu de plus qu'Antoine de Bourbon joindrait ses forces à l'armée espagnole destinée à envahir le midi de la France. Charles-Quint promettait, si sa santé n'y mettait pas obstacle, de conduire lui-même cette expédition en ayant pour lieutenant le duc de Vendôme, qui, à son défaut, la commanderait en chef. L'espérance très-éventuelle qu'il avait conçue et qu'il avait donnée à cet égard faisait croire qu'il quitterait bientôt le monastère pour reparaître à la tête des troupes castillanes. La nouvelle en avait été accueillie avec transport. Aussi, moins d'un mois après, le grand commandeur d'Alcantara, don Luis de Avila, qui était venu visiter l'Empereur vers cette époque, disait dans une lettre écrite de Plasencia, le 13 août, à Vasquez :

J'ai laissé le frère Carlos dans une paix profonde et se confiant néanmoins en ses forces[61]. Il pense qu'elles lui suffiraient pour sortir du couvent. Depuis ma visite, tout peut avoir été changé ; mais il n'est rien que je ne croie de l'amour qu'il porte à son fils, de son bon courage et de ses anciennes habitudes, puisqu'il a été nourri dans la guerre comme on dit que la salamandre vit dans le feu.

La lettre de la princesse adressée à cette cité, et dans laquelle il est annoncé que Sa Majesté se propose de quitter maintenant Yuste et d'entrer par la Navarre, a mis ici tout le monde sur pied. En vérité, je crois qu'il ne restera pas un homme qui n'aille avec lui. Plaise à Dieu Nôtre-Seigneur que, si cette bravade, comme disent les Italiens, doit s'exécuter, ce soit bientôt, parce qu'il n'est pas en notre pouvoir d'allonger le temps, et que la Navarre n'est pas l'Estrémadure, où l'hiver ne se montre pas si vite[62].

 

L'Empereur n'eut réellement ni l'intention ni la possibilité de faire cette expédition militaire. Lorsque Quijada revint de Villagarcia à Yuste, dans les derniers jours d'août, il écrivit à Vasquez que Charles-Quint était plus vigoureux qu'il ne l'avait laissé, mais de moins bonne couleur, et il ajoutait[63] : Quant à ce que le peuple dit dans les rues sur la sortie de l'Empereur d'ici, je n'ai aperçu à mon retour aucune nouveauté à cet égard ; j'ai plutôt trouvé qu'il était en très-grand repos et avec un air tout à fait établi. Il se pourrait, s'il en a été dit quelque chose, que ce fût dans une simple vue d'utilité, et pas plus. Le reste, au fond, serait impossible.

D'ailleurs, le projet de traité dressé par Charles-Quint à Yuste n'avait pas été accepté par Antoine de Bourbon. Ruy Gomez, de retour à Valladolid, en avait communiqué les articles au conseil d'État d'Espagne, qui les avait pleinement approuvés, et le secrétaire Bourdeau les avait portés à Nérac, où son maître les avait reçus sans y adhérer. Ses longs retards, qui équivalaient à un refus, n'avaient pas surpris l'Empereur, qui supposait depuis longtemps que le roi de Navarre s'entendait avec le roi de France dans la poursuite de cette négociation. Au fond il n'en fut pas fâché. La position de Philippe Il était changée par les succès qu'avait obtenus le duc d'Albe en Italie, et la grande victoire que le duc Philibert-Emmanuel avait gagnée à Saint-Quentin. Il trouvait dès lors que c'était acheter trop cher, en les payant du Milanais, la renonciation d'Antoine de Bourbon à un royaume qu'il ne possédait plus et une assistance armée qui devenait de sa part beaucoup moins nécessaire. Aussi écrivit-il à son fils[64] : Vos affaires étant, par la bonté de Dieu, en si bons termes, vous et moi ne sommes pas engagés par un traité qui n'a pas été souscrit au temps convenu. Nous demeurons tous libres, et il faut, pour notre plus grande justification, le faire signifier. Il le fit signifier en effet au roi de Navarre par le duc d'Albuquerque, auquel il écrivit[65] : M. de Vendôme n'ayant pas accepté l'offre que lui a portée le secrétaire — Bourdeau — venu avec Escurra, mon fils et moi restons dégagés de cette offre et de ma promesse. Les pourparlers ne se terminèrent cependant point lit. Un peu plus tard, don Gabriel de la Cueva, fils du duc d'Albuquerque, auquel s'était adressé derechef Antoine de Bourbon, se rendit, à Valladolid avec de nouvelles propositions de ce prince, que le gouvernement espagnol lui donna l'ordre d'aller soumettre à l'Empereur. Antoine de Bourbon ne demandait plus la cession du Milanais, mais la restitution de la Navarre, et, au lieu d'une invasion en Gascogne et en Guyenne, il proposait une expédition par mer contre la Rochelle. La revendication tant de fois rejetée de la Navarre n'était pas acceptable, et l'entreprise sur la Rochelle présentait plus de difficultés que d'avantages. C'est ce qu'écrivit Charles-Quint en les refusant l'une et l'autre sans hésitation[66]. Il ne fut cependant pas d'avis de rompre, de peur d'amener la guerre sur la frontière nord-ouest de l'Espagne, et il dit avec habileté : Il n'y a pas autre chose à faire dans le moment qu'à entretenir la négociation sans rien concéder[67].

Tandis qu'il retardait ainsi les hostilités du côté de la Navarre, il était obligé d'insister de nouveau auprès de la cour de Lisbonne pour en arracher l'infante doña Maria. Le roi Jean III, qui avait promis de la laisser partir, était mort assez subitement, le 11 juin. Sa mort suspendit le voyage de l'infante et de plus faillit amener un conflit d'autorité entre sa veuve la reine Catherine, et sa bru la princesse doña Juana, l'une aïeule, l'autre mère du nouveau roi dom Sébastien, à peine âgé de trois ans. Jean III avait laissé l'administration de l'État et la tutelle de son petit-fils[68] à Catherine, la plus jeune des quatre sœurs de Charles-Quint. Mais doña Juana, comme mère du roi mineur, prétendit à cette tutelle et à cette administration. Elle envoya de Valladolid à Lisbonne, pour les revendiquer en son nom, don Fadrique Enriquez de Guzman, qui dut passer à Yuste afin de prendre les ordres de l'Empereur.

Charles-Quint, qui avait fait célébrer dans le monastère un service funèbre en l'honneur de son beau-frère Jean III[69], reçut en audience don Fadrique Enriquez, le 5 juillet, en même temps que l'ambassadeur ordinaire d'Espagne en Portugal, don Juan de Mendoza de Ribera[70]. Il leur dit à l'un et à l'autre comment ils devaient hâter la venue de l'infante. Il supprima d'autorité les instructions écrites de sa fille que portait don Fadrique et y en substitua d'autres, qui étaient aussi nobles qu'adroites. Il l'annonça, le 5 juillet, en ces termes à la princesse doña Juana[71] : Ma fille, j'ai entendu la lecture de l'instruction que vous avez remise à don Fadrique Enriquez sur ce qu'il avait à faire en Portugal. Il ne m'a paru en aucune façon qu'il dut traiter de votre part avec la reine ma sœur, ni avec les autres personnages pour lesquels vous lui avez donné des lettres, du gouvernement du royaume durant la minorité du roi votre fils, non plus que de ce qui touche à la formation de sa maison et aux serviteurs qui doivent y être attachés. Aussi je le lui ai défendu : cela pourrait avoir des inconvénients dans ces temps-ci et ne conviendrait pas. L'instruction que je lui donne, et dont je vous envoie copie, lui prescrit la manière dont il doit s'y prendre. Pour le reste, il aura du temps devant lui. Il est bien, en pareil cas et entre frères, d'agir avec beaucoup de circonspection sous tous les rapports, et, à plus forte raison, le devez-vous à l'égard d'une reine dont vous êtes la belle-fille.

Don Fadrique Enriquez reçut les directions que l'Empereur lui donna par écrit, et partit de Yuste chargé de ses lettres de condoléance pour toute la famille royale de Portugal. Il alla à Lisbonne exécuter les ordres, non de doña Juana, mais de Charles-Quint, qui s'adressait à sa sœur Catherine avec l'affection d'un frère, à la veuve de Jean III avec les consolations d'un chrétien retiré du monde et placé plus avant que personne sur l'inévitable chemin de la mort, à la régente de Portugal avec les prudentes insinuations d'un négociateur consommé. Son intervention entre la mère et l'aïeule du roi dom Sébastien fut très-opportune, car elle empêcha que les prétentions de l'une ne se heurtassent contre les pouvoirs de l'autre. La reine Catherine conserva la régence de Portugal, que lui avaient confirmée les cortès, et la tutelle de dom Sébastien, qu'elle ne déposa que plus de quatre ans après la mort de Charles-Quint entre les mains du cardinal Henri, et non de la princesse doña Juana. Outre la mission temporaire donnée à don Fadrique Enriquez, l'Empereur accrédita lui-même à la cour de Lisbonne, comme son ambassadeur, don Juan de Mendoza de Ribera, afin qu'il y eût la première place et que l'ambassadeur du roi de France ne ffit pas tenté de lui disputer la préséance. Mendoza et don Sancho de Cordova pressèrent de plus en plus le départ sans cesse promis et toujours ajourné de l'infante, qui parut se décider enfin à visiter la reine Éléonore sa mère. Celle-ci vint l'attendre dans l'Estrémadure avec la reine de Hongrie, dont elle était l'inséparable compagne.

Avant que les reines ses sœurs se rendissent auprès de lui, Charles-Quint avait rappelé du château de Villagarcia Quijada, dont il ne pouvait du reste se passer, afin qu'il préparât tout pour leur installation[72]. Quijada n'avait pas repris sans regret le chemin de l'Estrémadure. Sa Majesté, disait-il[73], a jugé qu'il convenait à son service et à son repos que je résidasse ici avec doña Magdalena. Bien que je l'aie suppliée de vouloir bien considérer qu'il y a trente-cinq ans entiers que je la sers sans m'être absenté de sa cour, que tous mes frères sont morts à son service, que je reste seul de ma maison, qu'il est dur de quitter mes terres, ma tranquillité, mes passe-temps, pour venir dans un lieu où l'on ne trouve ni à se loger ni à vivre, et d'où il faut sans cesse aller au monastère par la chaleur, la pluie, le froid, le brouillard, d'y traîner ma femme et ma maison en les arrachant aux agréments de leur demeure pour les conduire dans les incommodités de cette triste solitude, mes objections n'ont servi de rien. Sa Majesté veut, il convient que j'obéisse.

Revenu en Estrémadure dans la première moitié d'août, il avait arrangé le château de Jarandilla pour y recevoir les deux sœurs de Charles-Quint. il avait en même temps disposé dans la petite résidence impériale deux pièces où elles pussent se reposer. Quand elles viendront voir Sa Majesté, disait Quijada, nous leur donnerons à boire à la glace, c'est le plus grand régal que nous puissions leur faire[74].

Les deux reines partirent de Valladolid le 18 septembre[75], pour aller rejoindre leur frère, dont elles étaient séparées depuis dix mois. Elles se dirigèrent à petites journées vers l'Estrémadure, et arrivèrent le 28 à Yuste. L'Empereur éprouva une grande joie à les revoir[76]. Elles le trouvèrent tout préoccupé des grands événements qui se passaient en France, et cherchant des distractions dans l'arrangement de sa demeure et la culture de ses jardins. Sa Majesté, écrivait-on la veille de leur arrivée, est soucieuse de savoir ce qui est survenu et quel chemin aura pris son fils après avoir achevé son entreprise. Elle croit que le temps seul a empêché que la nouvelle lui en parvint.

L'Empereur se plait à prendre un passe-temps dans la construction d'un jardin sur la haute terrasse qu'il fait couvrir, au milieu de laquelle il élève une fontaine, en plantant sur ses côtés et tout autour beaucoup d'orangers et de fleurs. Il projette de faire la même chose dans le quartier d'en bas, où il prépare également un oratoire[77].

Charles-Quint dressait aussi le plan d'une autre construction qu'il destinait à loger son fils tout près de lui lorsque Philippe Il retournerait en Espagne et viendrait le visiter a Yuste. Les reines ses sœurs, qu'il n'établit point dans sa résidence, demeurèrent deux mois et demi à Jarandilla. Elles montaient de temps en temps au monastère pour y jouir de la présence et des entretiens de l'Empereur leur frère. Elles avaient pour lui un dévouement sans bornes, et lui avait toujours eu pour elles autant de confiance que d'affection. Éléonore, alors âgée de cinquante-neuf ans, était son aînée de quinze mois : bonne, douce, soumise, sans ambition et presque sans volonté, elle avait été le flexible instrument de la politique de son frère, qui l'avait fait monter tour à tour sur les troues de Portugal et de France. Après la mort de son second mari, le brillant mais peu fidèle François Ier, elle s'était rapprochée de sa sœur la reine de Hongrie pour ne plus la quitter. Celle-ci avait une sorte d'adoration pour l'Empereur Charles-Quint, qu'elle appelait son tout en ce monde après Dieu[78] et dont elle avait la vigueur d'esprit et la hauteur de caractère. Pénétrante, résolue, altière, infatigable, propre à l'administration et même à la guerre, pleine de ressources dans les difficultés, portant dans les périls une pensée ternie et un mâle courage, ne se laissant ni surprendre ni abattre par les événements, elle n'avait plus voulu conserver à son neveu le secours de la grande habileté qu'elle avait mise pendant un quart de siècle au service de son frère. Elle avait supplié Charles-Quint de lui accorder le contentement de le suivre en Espagne, afin de rapprocher la reine Eléonore de l'infante sa fille et de pouvoir vivre elle-même plus près de lui. Pendant tout cet automne, l'Empereur eut ses deux sœurs dans son voisinage et s'entretint bien des fois avec la reine de Hongrie des affaires de la monarchie espagnole, à la conduite desquelles il conçut le projet et garda l'espérance de la faire participer.

 

 

 



[1] Strada, De bello belgico, lib. I, p. 6 et 7.

[2] Retiro, estancia, etc., fol. 93.

[3] Lettre de Philippe II à Ruy Gomez de Silva du 11 mars 1557, dans Retiro, estancia, etc., fol. 102.

[4] Lettres de Gaztelù à Vasquez des 14 et 28 mars. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 135 et 136.

[5] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 156.

[6] Retiro, estancia, etc., fol. 94 v°.

[7] Lettre de la princesse doña Juana du 5 mars. Retiro, estancia, etc., fol. 96 et 97.

[8] Voyez Norte de la contratacion de las Indias occidentales, etc., por D.-J. Deveita Linage, 1 vol. in-4°, Séville, 1772, et le t. III, liv. IX, tit. I à XIV, fol. 130 à 205, de la Recopilacion de las leyes de los regnos de las Indias, etc., 4 vol, in-4°. Madrid, 1681.

[9] Lettre de Philippe II à la princesse doña Juana, du 13 avril 1557.

[10] Lettre de Charles-Quint à doña Juana, du 31 mars 1557. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 137-138.

[11] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 138.

[12] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 138.

[13] Retiro, estancia, etc., fol. 106 v°.

[14] Retiro, estancia, etc., fol. 117 r°.

[15] Retiro, estancia, etc., fol. 110 r°.

[16] Retiro, estancia, etc., fol. 120 v° et 124 v°

[17] Retiro, estancia, etc., fol. 125 v° et 126 r°.

[18] Retiro, estancia, etc., fol. 130 v° et 131 r°.

[19] Retiro, estancia, etc., fol. 106.

[20] Lettre de Charles-Quint du 18 mai. Retiro, estancia, etc., fol. 107.

[21] Lettre de Charles-Quint à l'archevêque, du 2 juin. Retiro estancia, etc., fol. 113 v°.

[22] Lettre de Charles-Quint, du 2 juin, à la princesse sa fille. (Retiro estancia, etc., fol. 113.)

[23] Retiro, estancia, etc., fol. 105 v° et 120 v°.

[24] Lettre de Charles-Quint du 2 juin. Retiro, estancia, etc., fol. 114 r°.

[25] Lettre de Philippe II à Ruy Gomez du 11 mars. Retiro, estancia, etc., fol. 102.

[26] Retiro estancia, etc., fol. 125 v°.

[27] Lettres de Vasquez à l'Empereur des 8 et 28 mai et du 12 juin. Retiro estancia, etc., fol. 105 v°, 110 r° et 116 v°.

[28] Lettre de Vasquez à l'Empereur du 28 juin. Retiro estancia, etc., fol. 120 r°.

[29] Lettre de Philippe II à Charles-Quint, aux archives de l'hôtel Soubise, Papiers de Simancas, série B, liasse 9, n° 10, 2.

[30] Papiers de Simancas, série B, liasse 9, n° 10, 2.

[31] Lettre de Charles-Quint à la princesse doña Juana. Retiro, estancia, etc., fol. 152 v° et 133 r°.

[32] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 170.

[33] Relacion del sitio y asalto de San-Quintin, p. 496 et 497 du t. IX de la Coleccion de documentos ineditos, publié à Madrid en 1846, in-8°.

[34] Le Siège de Sainct-Quentin, par Coligny, p. 462 à 467, dans le t. XXXII de la collection Petitot, et les Commentaires de François de Rabutin. Ibid., p. 90 à 96.

[35] Retiro, estancia, etc., fol. 149.

[36] Lettre de Quijada du 19 septembre. Retiro, estancia, etc., fol. 137.

[37] Les Commentaires de François de Rabutin, t. XXXII de la collection Petitot, p. 60-61.

[38] Commentaires de François de Rabutin, t. XXXII de la collection Petitot, p. 59.

[39] Relatione di M. Michele Soriano, an. 1559 ; Bibl. nat. ms., fonds de Saint-Germain-des-Prés, n° 7852.

[40] Retiro, estancia, etc., fol. 113 r°.

[41] Retiro, estancia, etc., fol. 126 r°.

[42] Lettre de Gaztelù du 5 juin. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 154.

[43] Retiro, estancia, fol. 114 v°, et manuscrit hiéronymite, c. XXV, p. 51 du vol. II de Retraite et mort de Charles-Quint, etc.

[44] Lettre de Quijada à Vasquez du 14 mars 1557. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 129.

[45] Retiro, estancia, etc., fol. 127 r°.

[46] Retiro, estancia, etc., fol. 127 r°.

[47] Retiro, estancia, etc., fol. 138, et Retraite et mort de Charles-Quint, etc. Lettre de Gaztelù à Vasquez du 27 septembre, vol. I, p. 178.

[48] Lettre de Sepulveda à van Male de juin 1557. Sepulveda, t. III, lib. VII, epist. IX, p. 351 à 355.

[49] Lettre de Charles-Quint à Vasquez du 9 juillet 1558. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 310.

[50] Sepulveda, t. II, lib. XXX, c. XXXI et XXXII, p. 533 et 534.

[51] Ribadeneyra, Vida del padre Francisco de Borja, lib. II, c. XVIII, p. 386. Sandoval, Vida del emperador Carlos V en Yuste, § 15, p. 853.

[52] Don Antonio Ponz, Viage de España, t. VII, carta V, § 75, p. 117, 118.

[53] Don Antonio Ponz, Viage de España, t. VII, carta V, § 83, p. 122.

[54] Vera, Epitome de Carlos V, p. 252.

[55] Lettre de Gaztelù du 10 juillet. Retiro, estancia, etc., fol. 124 v°.

[56] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol II, p. 226, 227.

[57] Lettre de Philippe II au duc d'Albuquerque du 3 février 1557. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 160, not. II.

[58] Instruction de Philippe II du 13 avril 1557. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 161-162, note V.

[59] Lettre de Charles-Quint à la princesse doña Juana du 29 avril 1557. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 475.476.

[60] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 244 et 245, où ces articles se trouvent dans la note I.

[61] Lettre de don Luis de Avila, écrite le 13 août de Plasencia à Vasquez. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 226. Et Retiro, estancia, etc., fol. 127 v°.

[62] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 220 et 227.

[63] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 167.

[64] Lettre de Charles-Quint à Philippe II du 22 sept. 1557. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 244 à 246.)

[65] Lettre de Charles-Quint au duc d'Albuquerque du 24 oct. 1557. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 260.)

[66] Lettre de l'Empereur à la princesse doña Juana du 25 janvier 1558. (Retraite et mort de Charles-Quint, vol. I, p. 247, 248.)

[67] Retiro, estancia, etc., fol. 156 et 159 v°.

[68] Voir le testament de Jean III et la sanction qu'il reçut, dans Andrade, Chron. del rey D. Joao, vol. III, part. IV, cap. CXXVIII, et Barbosa, Memorias del rey D. Sebastiao, vol. I, part. I, liv. I, c. III, p. 31 à 42.

[69] Retiro, estancia, etc., fol. 119.

[70] Retiro, estancia, etc., fol. 121 r°.

[71] Retiro, estancia, etc., fol. 121.

[72] Lettres de l'Empereur à Quijada du 3 juin, et de Quijada d l'Empereur du 13 juin, (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 155.)

[73] Lettre de Quijada à Vasquez du 30 août 1557. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. J, p. 168 et 169.)

[74] Lettre de Quijada à Vasquez du 20 septembre 1557. (Retraite et mort de Charles-Quint, p. 175.)

[75] Retiro, estancia, etc., fol. 137 v°.

[76] Retiro, estancia, etc., fol. 139 r°.

[77] Lettre de Quijada à Vasquez du 27 septembre 1557. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc.. vol. I, p. 176-177.)

[78] Lettre de Marie, reine douairière de Hongrie, à l'Empereur, août 1555, dans les Papiers d'État du cardinal de Granvelle, t. IV, p. 478.