JEANNE D'ARC

 

IV. — LE PROCÈS. - JEANNE REFUSE DE SE SOUMETTRE À L'ÉGLISE.

 

 

Que faisait cependant la prisonnière ? Son corps était à Beaurevoir, son âme à Compiègne ; elle combattait d'âme et d'esprit pour le roi, qui l'abandonnait. Elle sentait que sans elle cette fidèle ville de Compiègne allait périr, et en même temps la cause du roi dans tout le Nord. Déjà elle avait essayé d'échapper des tours de Beaulieu. A Beaurevoir, la tentation de fuir fut plus forte encore ; elle savait que les Anglais demandaient qu'on la leur livrât ; elle avait horreur de tomber entre leurs mains. Elle consultait ses saintes, et n'en obtenait d'autre réponse, sinon qu'il fallait souffrir, qu'elle ne serait point délivrée qu'elle n'eût vu le roi des Anglais. — Mais, disait-elle en elle-même, Dieu laissera-t-il donc mourir ces pauvres gens de Compiègne ?[1] Sous cette forme de vive compassion, la tentation vainquit. Les saintes eurent beau dire, pour la première fois elle ne les écouta point ; elle se lança de la tour et tomba au pied presque morte. Relevée, soignée par les dames de Ligny, elle voulut mourir et fut deux jours sans manger.

Livrée au duc de Bourgogne, elle fut menée à Arras, puis au donjon de Crotoy, qui depuis a disparu sous les sables. De là elle voyait la mer, et parfois distinguait les dunes anglaises, la terre ennemie où elle avait espéré porter la guerre et délivrer le duc d'Orléans[2]. Chaque jour, un prêtre prisonnier disait la messe dans la tour. Jeanne priait ardemment ; elle demandait et elle obtenait. Pour être prisonnière, elle n'agissait pas moins ; tant qu'elle était vivante, sa prière perçait les murs et dissipait l'ennemi.

Au jour même qu'elle avait prédit d'après une révélation de l'archange, au 1er novembre, Compiègne fut délivrée. Le duc de Bourgogne s'était avancé jusqu'à Noyon, comme pour recevoir l'outrage de plus près et en personne. Il fut défait encore peu après à Germiny (20 novembre). A Péronne, Saintrailles lui offrit la bataille, et il n'osa l'accepter.

Ces humiliations confirmèrent sans doute le duc dans l'alliance des Anglais et le décidèrent à leur livrer la Pucelle. Mais la seule menace d'interrompre le commerce y eût bien suffi. Le comte de Flandre, tout chevalier qu'il se croyait et restaurateur de la chevalerie, était au fond le serviteur des artisans et des marchands. Les villes qui fabriquaient le drap, les campagnes qui filaient le lin,. n'auraient pas souffert longtemps l'interruption du commerce et le chômage : une révolte eût éclaté.

Au moment où les Anglais eurent enfin la Pucelle et purent commencer le procès, leurs affaires étaient bien malades. Loin de reprendre Louviers, ils avaient perdu Châteaugaillard ; la Hire, qui le prit par escalade, y trouva Barbazan prisonnier, et déchaîna ce redouté capitaine. Les villes tournaient d'elles-mêmes au parti de Charles VII ; les bourgeois chassaient les Anglais. Ceux de Melun, si près de Paris, mirent leur garnison à la porte.

Pour enrayer, s'il se pouvait, dans cette descente si rapide des affaires anglaises, il ne fallait pas moins qu'une grande et puissante machine. Winchester en avait une à faire jouer, le procès et le sacre. Ces deux choses devaient agir d'ensemble, ou plutôt c'était même chose ; déshonorer Charles VII, prouver qu'il avait été mené au sacre par une sorcière, c'était sanctifier d'autant le sacre d'Henri VI ; si l'un était reconnu pour l'oint du diable, l'autre devenait l'oint de Dieu.

Henri entra à Paris le 2 décembre[3]. Dès le 21 novembre, on avait fait écrire l'Université à Cauchon pour l'accuser de lenteur et prier le roi de commencer le procès. Cauchon n'avait nulle hâte, il lui semblait dur apparemment de commencer la besogne, quand le salaire était encore incertain. Ce ne fut qu'un mois après qu'il se fit donner par le chapitre de Rouen l'autorisation de procéder en ce diocèse[4]. A l'instant (3 janvier 1431), Winchester rendit une ordonnance où il faisait dire au roi qu'ayant été de ce requis par l'évêque de Beauvais, exhorté par sa chère fille l'Université de Paris, il commandait aux gardiens de conduire l'inculpée à l'évêque[5]. Il était dit conduire, on ne remettait pas la prisonnière au juge ecclésiastique, on la prêtait seulement, sauf à la reprendre si elle n'était pas convaincue. Les Anglais ne risquaient rien, elle ne pouvait échapper à la mort ; si le feu manquait, il restait le fer.

Le 9 janvier 1431, Cauchon ouvrit la procédure à Rouen. Il fit siéger près de lui le vicaire de l'inquisition et débuta par tenir une sorte de consultation avec huit docteurs licenciés ou maîtres ès arts de Rouen. Il leur montra les informations qu'il avait recueillies sur la Pucelle. Ces informations, prises d'avance par les soins des ennemis de l'accusée, ne parurent pas suffisantes aux légistes rouennais ; elles l'étaient si peu, en effet, que le procès, d'abord défini d'après ces mauvaises données, procès de magie, devint un procès d'hérésie.

Cauchon, pour se concilier ces Normands récalcitrants, pour les rendre moins superstitieux sur la forme des procédures, nomma l'un d'eux, Jean de la Fontaine, conseiller examinateur. Mais il réserva le rôle le plus actif, celui de promoteur du procès, à un certain Estivet, un de ses chanoines de Beauvais, qui l'avait suivi. Il trouva moyen de perdre un mois dans ces préparatifs[6] ; mais enfin le jeune roi ayant été ramené à Londres (9 février), Winchester, tranquille de ce côté, revint vivement au procès ; il ne se fia à personne pour en surveiller la conduite ; il crut avec raison que l'œil du maître vaut mieux, et s'établit à Rouen pour voir instrumenter Cauchon.

La première chose était de s'assurer du moine qui représentait l'inquisition. Cauchon ayant assemblé ses assesseurs, prêtres normands et docteurs de Paris, dans la maison d'un chanoine, manda l'inquisiteur et le somma de s'adjoindre à lui. Le moine répondit que si ses pouvoirs étaient jugés suffisants, il ferait ce qu'il devait faire. L'évêque ne manqua pas de déclarer les pouvoirs bien suffisants. Alors le moine objecta encore qu'il voudrait bien s'abstenir, tant pour le scrupule de la conscience que pour la sûreté du procès ; que l'évêque devrait plutôt lui substituer quelqu'un jusqu'à ce qu'il fût bien sûr que ses pouvoirs suffisaient.

Il eut beau dire, il ne put échapper ; il jugea bon gré mal gré. Ce qui sans doute, après la peur, aida à le retenir, c'est que Winchester lui fit allouer vingt sols d'or pour ses peines[7]. Le moine mendiant n'avait peut-être vu jamais tant d'or dans sa vie.

Le 21 février, la Pucelle fut amenée devant ses juges. L'évêque de Beauvais l'admonesta avec douceur et charité, la priant de dire la vérité sur ce qu'on lui demanderait, pour abréger son procès et décharger sa conscience, sans chercher de subterfuges. — Réponse : Je ne sais sur quoi vous me voulez interroger ; vous pourriez bien me demander telles choses que je ne vous dirais point. Elle consentait à jurer de dire vrai sur tout ce qui ne touchait point ses visions ; mais pour ce dernier point, dit-elle, vous me couperiez plutôt la tête. Néanmoins, on l'amena à jurer de répondre sur ce qui toucherait la foi.

Nouvelles instances le jour suivant 22 février, et encore le 24. Elle résistait toujours : C'est le mot des petits enfants, qu'on pend souvent les gens pour avoir dit la vérité. Elle finit, de guerre lasse, pour consentir à jurer de dire ce qu'elle saurait sur son procès, mais non tout ce qu'elle saurait[8].

Interrogée sur son âge, ses nom et surnom, elle dit qu'elle avait environ dix-neuf ans. Au lieu où je suis née, on m'appelait Jehannette et en France Jehanne... Mais quant au surnom (la Pucelle), il semble que, par un caprice de modestie féminine, elle eut peine à le dire ; elle éluda par un pudique mensonge : Du surnom, je n'en sais rien.

Elle se plaignait d'avoir les fers aux jambes. L'évêque lui dit que puisqu'elle avait essayé plusieurs fois d'échapper, on avait dû lui mettre les fers. Il est vrai, dit-elle, je l'ai fait ; c'est chose licite à tout prisonnier. Si je pouvais m'échapper, on ne pourrait me reprendre d'avoir faussé ma foi, je n'ai rien promis.

On lui ordonna de dire le Pater et l'Ave, peut-être dans l'idée superstitieuse que si elle était vouée au diable, elle ne pourrait dire ces prières : Je les dirai volontiers si monseigneur de Beauvais veut m'ouïr en confession. Adroite et touchante demande ; offrant ainsi sa confiance à son juge, à son ennemi, elle en eût fait son père spirituel et le témoin de son innocence.

Cauchon refusa ; mais je croirais aisément qu'il fut ému. Il leva la séance pour ce jour, et le lendemain il n'interrogea pas lui-même ; il en chargea l'un des assesseurs.

A la quatrième séance, elle était animée d'une vivacité singulière. Elle ne cacha point qu'elle avait entendu ses voix : Elles m'ont éveillée, dit-elle ; j'ai joint les mains, et je les ai priées de me donner conseil ; elles m'ont dit : Demande à Notre-Seigneur. — Et qu'ont-elles dit encore ?Que je vous réponde hardiment.

... Je ne puis tout dire ; j'ai plutôt peur de dire chose qui leur déplaise, que je n'ai de répondre à vous... Pour aujourd'hui, je vous prie de ne pas m'interroger.

L'évêque insista, la voyant émue : Mais Jehanne, on déplaît donc à Dieu en disant des choses vraies ?Mes voix m'ont dit certaines choses, non pour vous, mais pour le roi. Et elle ajouta vivement : Ah ! s'il les savait, il en serait plus aise à dîner... Je voudrais qu'il les sût, et ne pas boire de vin d'ici à Pâques.

Parmi ses naïvetés, elle disait des choses sublimes : Je viens de par Dieu ; je n'ai que faire ici ; renvoyez-moi à Dieu, dont je suis venue...

Vous dites que vous êtes mon juge ; avisez bien à ce que vous ferez, car vraiment je suis envoyée de Dieu ; vous vous mettez on grand danger.

Ces paroles sans doute irritèrent les juges, et ils lui adressèrent une insidieuse et perfide question, une question telle qu'on ne peut sans crime l'adresser à aucun homme vivant : Jehanne, croyez-vous être en état de grâce ?

Ils croyaient l'avoir liée d'un lacs insoluble. Dire non, c'était s'avouer indigne d'avoir été l'instrument de Dieu. Mais d'autre part, comment dire oui ? Qui de nous, fragiles, est sûr ici-bas d'être vraiment dans la grâce de Dieu ? Nul, sinon l'orgueilleux, le présomptueux, celui justement qui de tous en est le plus loin.

Elle trancha le nœud avec une simplicité héroïque et chrétienne :

Si je n'y suis, Dieu veuille m'y mettre. Si j'y suis, Dieu veuille m'y tenir[9].

Les pharisiens restèrent stupéfaits[10]...

Mais, avec tout son héroïsme, c'était une femme pourtant... Après cette parole sublime, elle retomba, elle s'attendrit, doutant de son état, comme il est naturel à une âme chrétienne, s'interrogeant et tâchant de se rassurer : Ah ! si je savais ne pas être en la grâce de Dieu, je serais la plus dolente du monde... Mais si j'étais en péché, la voix ne viendrait pas sans doute... Je voudrais que chacun pût l'entendre comme moi-même...

Ces paroles rendaient prise aux juges. Après une longue pause, ils revinrent à la charge avec un redoublement de haine, et lui firent coup sur coup les questions qui pouvaient la perdre. Les voix ne lui avaient-elles pas dit de haïr les Bourguignons ?... N'allait-elle pas dans son enfance à l'arbre des fées ? etc. Ils auraient déjà voulu la brûler comme sorcière.

A la cinquième séance, on l'attaqua par un côté délicat, dangereux, celui des apparitions. L'évêque, devenu tout à coup compatissant, mielleux, lui fit faire cette question : Jehanne, comment vous êtes-vous portée depuis samedi ?Vous le voyez, dit la pauvre prisonnière chargée de fers, le mieux que j'ai pu.

Jehanne, jeûnez-vous tous les jours de carême ?Cela est-il du procès ?Oui, vraiment. — Eh bien, oui, j'ai toujours jeûné.

On la pressa alors sur les visions, sur un signe qui aurait apparu au dauphin, sur sainte Catherine et saint Michel. Entres autres questions hostiles et inconvenantes, on lui demanda si, lorsqu'il lui apparaissait, saint Michel était nu... A cette vilaine question, elle répliqua sans comprendre, avec une pureté céleste : Pensez-vous donc que Notre-Seigneur n'ait pas de quoi le vêtir ?[11]

Le 3 mars, autres questions bizarres pour lui faire avouer quelque diablerie, quelque mauvaise accointance avec le diable. Ce saint Michel, ces saintes, ont-ils un corps, des membres ? Ces figures sont-elles bien des anges ?Oui, je le crois aussi ferme que je crois en Dieu. Cette réponse fut soigneusement notée.

Ils passent de là à l'habit d'homme, à l'étendard : Les gens d'armes ne se faisaient-ils pas des étendards à la ressemblance du vôtre ? Ne les renouvelaient-ils pas ?Oui, quand la lance en était rompue. — N'avez-vous pas dit que ces étendards leur porteraient bonheur ?Non, je disais seulement : Entrez hardiment parmi les Anglais, et j'y entrais moi-même.

Mais pourquoi cet étendard fut-il porté en l'église de Reims, au sacre, plutôt que ceux des autres capitaines ?... — Il avait été à la peine, c'était bien raison qu'il fût à l'honneur[12].

Quelle était la pensée des gens qui vous baisaient les pieds, les mains et les vêtements ?Les pauvres gens venaient volontiers à moi, parce que je ne leur faisais point de déplaisir ; je les soutenais et défendais selon mon pouvoir[13].

Il n'y avait pas de cœur d'homme qui ne fût touché de telles réponses. Cauchon crut prudent de procéder désormais avec quelques hommes sûrs et à petit bruit. Depuis le commencement du procès, on trouve que le nombre des assesseurs varie à chaque séance[14] ; quelques-uns s'en vont, d'autres viennent. Le lieu des interrogatoires varie de même ; l'accusée, interrogée d'abord dans la salle du château de Rouen, l'est maintenant dans la prison. Cauchon, pour ne pas fatiguer les autres, y menait seulement deux assesseurs et deux témoins (du 10 au 17 mars). Ce qui peut-être l'enhardit à procéder ainsi à huis clos, c'est que désormais il était sûr de l'appui de l'inquisition ; le vicaire avait enfin reçu de l'inquisiteur général de France l'autorisation de juger avec l'évêque (12 mars).

Dans ces nouveaux interrogatoires, on insiste seulement sur quelques points indiqués d'avance par Cauchon.

Les voix lui ont-elles commandé cette sortie de Compiègne où elle fut prise ? — Elle ne répond pas directement : Les saintes m'avaient bien dit que je serais prise avant la Saint-Jean, qu'il fallait qu'il fût ainsi fait, que je ne devais pas m'étonner, mais prendre tout en gré, et que Dieu m'aiderait... Puisqu'il a plu ainsi à Dieu, c'est pour le mieux que j'ai été prise.

Croyez-vous avoir bien fait de partir sans la permission de vos père et mère ? Ne doit-on pas honorer père et mère ?Ils m'ont pardonné. Pensiez-vous donc ne point pécher en agissant ainsi ?Dieu le commandait ; quand j'aurais eu cent pères et cent mères, je serais partie[15].

Les voix ne vous ont-elles pas appelée fille de Dieu, fille de l'Église, la fille au grand cœur ?Avant que le siège d'Orléans ait été levé, et depuis, les voix m'ont appelée et m'appellent tous les jours : Jehanne la Pucelle, fille de Dieu.

Était-il bien d'avoir attaqué Paris le jour de la Nativité de Notre-Dame ?C'est bien fait de garder les fêtes de Notre-Dame ; ce serait bien, en conscience, de les garder tous les jours.

Pourquoi avez-vous sauté de la tour de Beaurevoir ? (Ils auraient voulu lui faire dire qu'elle avait voulu se tuer.)J'entendais dire que les pauvres gens de Compiègne seraient tués tous, jusqu'aux enfants de sept ans ; et je savais d'ailleurs que j'étais vendue aux Anglais ; j'aurai mieux aimé mourir que d'être entre les mains des Anglais[16].

Sainte Catherine et sainte Marguerite haïssent-elles les Anglais ?Elles aiment ce que Notre-Seigneur aime, et haïssent ce qu'il hait. — Dieu hait-il les Anglais ?De l'amour ou haine que Dieu a polir les Anglais et ce qu'il fait de leurs âmes, je n'en sais rien ; mais je sais bien qu'ils seront mis hors de France, sauf ceux qui y périront[17].

N'est-ce pas un péché mortel de prendre un homme à rançon et ensuite de le faire mourir ? Je ne l'ai point fait. — Franquet d'Arras n'a-t-il pas été mis à mort ?J'y ai consenti, n'ayant pu l'échanger pour un de mes hommes ; il a confessé être un brigand et un traître. Son procès a duré quinze jours au bailliage de Senlis. — N'avez-vous pas donné de l'argent à celui qui a pris Franquet ?Je ne suis pas trésorier de France pour donner argent[18].

Croyez-vous que votre roi a bien fait de tuer ou faire tuer monseigneur de Bourgogne ?Ce fut grand dommage pour le royaume de France. Mais, quelque chose qu'il y eût entre eux, Dieu m'a envoyée au secours du roi de France[19].

Jehanne, savez-vous par révélation si vous échapperez ?Cela ne touche point votre procès. Voulez-vous que je parle contre moi ?Les voix ne vous en ont rien dit ?Ce n'est point de votre procès ; je m'en rapporte à Notre-Seigneur, qui en fera son plaisir... Et après un silence : Par ma foi, je ne sais ni l'heure ni le jour. Le plaisir de Dieu soit fait. — Vos voix ne vous en ont donc rien dit en général ?Eh bien, oui, elles m'ont dit que je serais délivrée, que je soie gaie et hardie[20]...

Un autre jour elle ajouta : Les saintes me disent que je serai délivrée à grande victoire ; et elles me disent encore : Prends tout en gré ; ne te soucie de ton martyre ; tu en viendras enfin au i royaume de Paradis[21]. — Et depuis qu'elles ont dit cela, vous vous tenez sûre d'être sauvée et de ne point aller en enfer ?Oui, je crois aussi fermement ce qu'elles m'ont dit que si j'étais sauvée déjà. — Cette réponse est de bien grand poids. — Oui, c'est pour moi un grand trésor. — Ainsi vous croyez que vous ne pouvez plus faire de péché mortel ?Je n'en sais rien ; je m'en rapporte en tout à Notre-Seigneur.

Les juges avaient enfin touché le vrai terrain de l'accusation, ils avaient trouvé là une forte prise. De faire passer pour sorcière, pour suppôt du diable, cette chaste et sainte fille, il n'y avait pas apparence, il fallait y renoncer ; mais dans cette sainteté même, comme dans celle de tous les mystiques, il y avait un côté attaquable : la voix secrète égalée ou préférée aux enseignements de l'Église, aux prescriptions de l'autorité, l'inspiration, mais libre, la révélation, mais personnelle, la soumission à Dieu ; quel Dieu ? le Dieu intérieur.

On finit ces premiers interrogatoires par lui demander si elle voulait s'en remettre de tous ses dits et faits à la détermination de l'Église. A quoi elle répondit : J'aime l'Église et je la voudrais soutenir de tout mon pouvoir. Quant aux bonnes œuvres que j'ai faites, je dois m'en rapporter au Roi du ciel qui m'a envoyée[22].

La question étant répétée, elle ne donna pas d'autre réponse, ajoutant : C'est tout un, de Notre Seigneur et de l'Église.

On lui dit alors qu'il fallait distinguer, qu'il y avait l'Église triomphante, Dieu, les saints, les âmes sauvées, et l'Église militante, autrement dit le pape, les cardinaux, le clergé, les bons chrétiens, laquelle Église, bien assemblée, ne peut errer et est gouvernée du Saint-Esprit. Ne voulez-vous donc pas vous soumettre à l'Église militante ?Je suis venue au roi de France de par Dieu, de par la vierge Marie, les saints et l'Église victorieuse de là-haut ; à cette Église je me soumets, moi, mes œuvres, ce que j'ai fait ou à faire. — Et à l'Église militante ?Je ne répondrai maintenant rien autre chose.

Si l'on en croyait un des assesseurs, elle aurait dit qu'en certains points elle n'en croyait ni évêque, ni pape, ni personne ; que ce qu'elle avait, elle le tenait de Dieu[23].

La question du procès se trouva ainsi posée dans sa simplicité, dans sa grandeur, le vrai débat s'ouvrit : d'une part, l'Église visible et l'autorité, de l'autre, l'inspiration attestant l'Église invisible... Invisible pour les yeux vulgaires, mais la pieuse fille la voyait clairement, elle la contemplait sans cesse et l'entendait en elle-même, elle portait en son cœur ces saintes et ces anges... Là était l'Église pour elle, là Dieu rayonnait ; partout ailleurs combien il était obscur !...

Tel étant le débat, il n'y avait pas de remède ; l'accusée devait se perdre. Elle ne pouvait céder, elle ne pouvait, sans mentir, désavouer, nier ce qu'elle voyait et entendait si distinctement. D'autre part (pouvait-on dire), l'autorité restait-elle une autorité, si elle abdiquait sa juridiction, si elle ne punissait ? L'Église militante est une Église armée, armée du glaive à deux tranchants, contre qui ? Apparemment contre les indociles.

Terrible était cette Église dans la personne des raisonneurs, des scolastiques, des ennemis de l'inspiration ; terrible et implacable, si elle était représentée par l'évêque de Beauvais. Mais au-dessus de l'évêque n'y avait-il donc pas d'autres juges ? Le parti épiscopal et universitaire, qui prêchait la suprématie des conciles, pouvait-il, dans ce cas particulier, ne pas reconnaître comme juge suprême son concile de Bâle qui allait ouvrir ? D'autre part, l'inquisition papale, le dominicain qui en était le vicaire, ne contestait pas sans doute que la juridiction du pape ne fût supérieure à la sienne qui en émanait.

Un légiste de Rouen, ce même Jean de la Fontaine, ami de Cauchon et hostile à la Pucelle, ne crut pas en conscience pouvoir laisser ignorer à une accusée sans conseil qu'il y avait des juges d'appel, et que, sans rien sacrifier sur le fond, elle pouvait y avoir recours. Deux moines crurent aussi que le droit suprême du pape devait être réservé. Quelque peu régulier qu'il fût que des assesseurs pussent visiter isolément et conseiller l'accusée, ces trois honnêtes gens, qui voyaient toutes les formes violées par Cauchon pour le triomphe de l'iniquité, n'hésitèrent pas à les violer eux-mêmes dans l'intérêt de la justice. Ils allèrent intrépidement à la prison, se firent ouvrir et lui conseillèrent l'appel. Elle appela le lendemain au pape et au concile. Cauchon furieux fit venir les gardes, et leur demanda qui avait visité la Pucelle. Le légiste et les deux moines furent en grand danger de mort[24]. Depuis ce jour ils disparaissent, et avec eux disparaît du procès la dernière image du droit.

Cauchon avait espéré d'abord mettre de son côté l'autorité des gens de loi, si grande à Rouen. Mais il avait vu bien vite qu'il faudrait se passer d'eux. Lorsqu'il communiqua les premiers actes du procès à l'un de ces graves légistes, maître Jehan Lohier, celui-ci répondit net que le procès ne valait rien, que tout cela n'était pas en forme, que les assesseurs n'étaient pas libres, que l'on procédait à huis clos, que l'accusée, simple fille, n'était pas capable de répondre sur de si grandes choses et à de tels docteurs. Enfin, l'homme de la loi osa dire à l'homme d'Église : C'est un procès contre l'honneur du prince dont cette fille tient le parti ; il faudrait l'appeler lui aussi et lui donner un défenseur. Cette gravité intrépide, qui rappelle celle de Papinien devant Caracalla, aurait coûté cher à Lohier. Mais le Papinien normand n'attendit pas, comme l'autre, la mort sur sa chaise curule ; il partit à l'instant pour Rome.

Cauchon devait, ce semble, être mieux soutenu des théologiens. Après les premiers interrogatoires, armé des réponses qu'elle avait données contre elle, il s'enferma avec ses intimes, et s'aidant surtout de la plume d'un habile universitaire de Paris, il tira de ces réponses un petit nombre d'articles sur lesquels on devait prendre l'avis des principaux docteurs et des corps ecclésiastiques. C'était l'usage détestable, mais enfin (quoi qu'on ait dit) l'usage ordinaire et régulier des procès d'inquisition. Ces propositions, extraites des réponses de la Pucelle et rédigées sous forme générale, avaient une fausse apparence d'impartialité. Dans la réalité, elles n'étaient qu'un travestissement de ses réponses, et ne pouvaient manquer d'être qualifiées par les docteurs consultés, selon l'intention hostile de l'inique rédacteur[25].

Quelle que fût la rédaction, quelque terreur qui pesât sur les docteurs consultés, leurs réponses furent loin d'être unanimes contre l'accusée. Parmi ces docteurs, les vrais théologiens, les croyants sincères, ceux qui avaient conservé la foi ferme du moyen âge, ne pouvaient rejeter si aisément les apparitions, les visions. Il eût fallu douter aussi de toutes les merveilles de la vie des saints, discuter toutes les légendes. Le vénérable évêque d'Avranches, qu'on alla consulter, répondit que, d'après les doctrines de saint Thomas, il n'y avait rien d'impossible dans ce qu'affirmait cette fille, rien qu'on dût rejeter à la légère[26].

L'évêque de Lisieux, en avouant que les révélations de Jeanne pouvaient lui être dictées par le démon, ajouta humainement qu'elles pouvaient aussi être de simples mensonges, et que, si elle ne se soumettait à l'Église, elle devait être jugée schismatique et véhémentement suspecte dans la foi.

Plusieurs légistes répondirent en Normands, la trouvant coupable et très-coupable, à moins qu'elle n'eût ordre de Dieu. Un bachelier alla plus loin ; tout en la condamnant, il demanda que, vu la fragilité de son sexe, on lui fit répéter les douze propositions (il soupçonnait avec raison qu'on ne les lui avait pas communiquées), et qu'ensuite on les adressât au pape. C'eût été un ajournement indéfini[27].

Les assesseurs, réunis dans la chapelle de l'archevêché, avaient décidé contre elle sur les propositions. Le chapitre de Rouen, consulté aussi, n'avait pas hâte de se décider, de donner cette victoire à l'homme qu'il détestait, qu'il tremblait d'avoir pour archevêque. Le chapitre eût voulu attendre la réponse de l'Université de Paris, dont on demandait l'avis. La réponse de Paris n'était pas douteuse : le parti gallican, universitaire et scolastique, ne pouvait être favorable à la Pucelle ; un homme de ce parti[28], l'évêque de Coutances, avait dépassé tous les autres par la dureté et la bizarrerie de sa réponse. Il écrivit à l'évêque de Beauvais qu'il la jugeait livrée au démon, parce qu'elle n'avait pas les deux qualités qu'exige saint Grégoire, la vertu et l'humanité, et que ses assertions étaient tellement hérétiques que, quand même elle les révoquerait, il n'en faudrait pas moins la tenir sous bonne garde.

L'importante question de savoir si les révélations intérieures doivent se taire, se désavouer elles-mêmes, lorsque l'Église l'ordonne, cette question débattue au dehors et à grand bruit, ne s'agitait-elle pas en silence dans l'âme de celle qui affirmait et croyait le plus fortement ? Cette bataille de la foi ne se livrait-elle pas au sanctuaire même de la foi, dans ce loyal et simple cœur ?... J'ai quelque raison de le croire.

Tantôt elle déclara se soumettre au pape et demanda à lui être envoyée. Tantôt elle distingua, soutenant qu'en matière de foi, elle était soumise au pape, aux prélats, à l'Église, mais que, pour ce qu'elle avait fait, elle ne pouvait s'en remettre qu'à Dieu. Tantôt elle ne distingua plus, et, sans explication, s'en remit à son Roi, au juge du ciel et de la terre.

Quelque soin qu'on ait pris d'obscurcir ces choses, de cacher ce côté humain dans une figure qu'on voulait toute divine, les variations sont visibles. C'est à tort qu'on a prétendu que les juges parvinrent à lui faire prendre le change sur ces questions. Elle était bien subtile, dit avec raison un témoin, d'une subtilité de femme[29]. J'attribuerais volontiers à ces combats intérieurs la maladie dont elle fut atteinte et qui la mit bien près de la mort. Son rétablissement n'eut lieu qu'à l'époque où ses apparitions changèrent, comme elle nous l'apprend elle-même, au moment où l'ange Michel, l'ange des batailles qui ne la soutenait plus, céda la place à Gabriel, l'ange de la grâce et de l'amour divin.

Elle tomba malade dans la semaine sainte. La tentation commença sans doute au dimanche des Rameaux[30]. Fille de la campagne, née sur la lisière des bois, elle qui toujours avait vécu sous le ciel, il lui fallut passer ce beau jour de Pâques fleuries au fond de la tour. Le grand secours qu'invoque l'Église[31] ne vint pas pour elle ; la porte ne s'ouvrit point[32].

Elle s'ouvrit le mardi, mais ce fut pour mener l'accusée à la grande salle du château par-devant ses juges. On lui lut les articles qu'on avait tirés de ses réponses, et préalablement l'évêque lui remontra que ces docteurs étaient tous gens d'Église, clercs et lettrés en droit divin et humain, et tous benins et pitoyables, voulaient procéder doucement, sans demander vengeance ni punition corporelle[33], mais que seulement ils voulaient l'éclairer et la mettre en la voie de vérité et de salut ; que, comme elle n'était pas assez instruite en si haute matière, l'évêque et l'inquisiteur lui offraient qu'elle élût un ou plusieurs des assistants pour la conseiller. L'accusée, en présence de cette assemblée dans laquelle elle ne trouvait pas un visage ami, répondit avec douceur : En ce que vous m'admonestez de mon bien et de notre foi, je vous remercie ; quant au conseil que vous m'offrez, je n'ai point intention de me départir du conseil de Notre-Seigneur.

Le premier article touchait le point capital, la soumission. Elle répondit comme auparavant : Je crois bien que notre Saint-Père, les évêques et autres gens d'Église sont pour garder la foi chrétienne et punir ceux qui y défaillent. Quant à mes faits, je ne me soumettrai qu'à l'Église du ciel, à Dieu et à la Vierge, aux saints et saintes du paradis. Je n'ai point failli en la foi chrétienne, et je n'y voudrais faillir.

Et plus loin : J'aime mieux mourir que révoquer ce que j'ai fait par le commandement de Notre-Seigneur.

Ce qui peint le temps, l'esprit inintelligent de ces docteurs, leur aveugle attachement à la lettre sans égard à l'esprit, c'est qu'aucun point ne leur semblait plus grave que le péché d'avoir pris un habit d'homme. Ils lui remontrèrent.que, selon les canons, ceux qui changent ainsi l'habit de leur sexe sont abominables devant Dieu. D'abord elle ne voulut pas répondre directement, et demanda un délai jusqu'au lendemain. Les juges insistant pour qu'elle quittât cet habit, elle répondit qu'il n'était pas en elle de dire quand elle pourrait le quitter. Mais si l'on vous prive d'entendre la messe ?Eh bien, Notre-Seigneur peut bien me la faire entendre sans vous. — Voudrez-vous prendre l'habit de femme, pour recevoir votre Sauveur à Pâques ?Non, je ne puis quitter cet habit ; pour recevoir mon Sauveur, je ne fais nulle différence de cet habit ou d'un autre. — Puis elle semble ébranlée, et demande qu'au moins on lui laisse entendre la messe, et elle ajoute : Encore si vous me donniez une robe comme celles que portent les filles des bourgeois, une robe bien longue[34].

On voit bien qu'elle rougissait de s'expliquer. La pauvre fille n'osait dire comment elle était dans sa prison, en quel danger continuel. Il faut savoir que trois soldats couchaient dans sa chambre[35], trois de ces brigands qu'on appelait houspilleurs. Il faut savoir qu'enchaînée à une poutre par une grosse chaîne de fer[36], elle était presque à leur merci ; l'habit d'homme qu'on voulait lui faire quitter était toute sa sauvegarde... Que dire de l'imbécillité du juge ou de son horrible connivence ?

Sous les yeux de ces soldats, parmi leurs insultes et leurs dérisions[37], elle était de plus espionnée du dehors ; Winchester, l'inquisiteur et Cauchon[38], avaient chacun une clef de la tour, et l'observaient à chaque heure ; on avait tout exprès percé la muraille ; clans cet infernal cachot, chaque pierre avait des yeux.

Toute sa consolation, c'est qu'on avait d'abord laissé communiquer avec elle un prêtre qui se disait prisonnier et du parti de Charles VII. Ce Loyseleur, comme on l'appelait, était un Normand qui appartenait aux Anglais. Il avait gagné la confiance de Jeanne, recevait sa confession, et pendant ce temps des notaires cachés écoutaient et écrivaient... On prétend que Loyseleur l'encouragea à résister, pour la faire périr. Quand on délibéra si elle serait mise à la torture (chose bien inutile puisqu'elle ne niait et ne cachait rien), il ne se trouva que deux ou trois hommes pour conseiller cette atrocité, et le confesseur fut des trois[39].

L'état déplorable de la prisonnière s'aggrava dans la semaine sainte par la privation des secours de la religion. Le jeudi, la Cène lui manqua ; dans ce jour où le Christ se fait l'hôte universel, où il invite les pauvres et tous ceux qui souffrent, elle parut oubliée[40].

Au vendredi saint, au jour du grand silence, où tout bruit cessant, chacun n'entend plus que son propre cœur, il semble que celui des juges ait parlé, qu'un sentiment d'humanité et de religion se soit éveillé dans leurs vieilles âmes scolastiques. Ce qui est sûr, c'est qu'au mercredi, ils siégeaient trente-cinq, et que le samedi ils n'étaient plus que neuf ; les autres prétextèrent sans doute les dévotions du jour.

Elle, au contraire, elle avait repris cœur ; associant ses souffrances à celles du Christ, elle s'était relevée. Elle répondit de nouveau qu'elle s'en rapporterait à l'Église militante, pourvu qu'elle ne lui commandât chose impossible. — Croyez-vous donc n'être point sujette à l'Église qui est en terre, à notre Saint-Père le pape, aux cardinaux, archevêques, évêques et prélats ?Oui, sans doute, notre Sire servi. Vos voix vous défendent de vous soumettre à l'Église militante ?Elles ne le défendent point, Notre Seigneur étant servi premièrement[41].

 

 

 



[1] Comme Dieu layra mourir ces bonnes gens de Compiègne, qui ont esté et sont si loyaux à leur seigneur ? Interrogatoire du 14 mars 1431.

[2] Interrogatoire du 12 mars 1431.

[3] La route de Picardie étant trop dangereuse, on le fit passer par Rouen. Dans sa lettre datée de Rouen, 6 novembre 1430, il donne pouvoir au chancelier de France de différer la rentrée du parlement : Considérant que les chemins sont très-dangereux et périlleux... — Autre lettre datée de Paris, 13 novembre, par laquelle il donne un nouveau délai. Ordonnances, XIII, 159.

[4] Le chapitre ne s'y décida qu'après une délibération solennelle : Vocentur ad deliberandum super petitis per D. episcopum Belvacensem, et compareant sub pœna pro quolibet deficiente amittendi omnes distributiones per octo dies... Assertiones pro quadam muliere in carceribus detenta... eidem in gallico exponantur et caritative moneatur... Archives de Rouen, reg. capitulaires, 14-15 avril 1431, fol. 98. (Communiqué par M. Chéruel.)

[5] Notices des mss., III, 13.

[6] Le 13 janvier, Cauchon assemble quelques abbés, docteurs et licenciés, et leur dit qu'on peut extraire des informations déjà prises quelques articles sur lesquels on interrogera l'accusée. Dix jours sont employés à faire ce petit extrait ; il est approuvé le 23, et Cauchon charge le Normand Jean de la Fontaine, licencié en droit canonique, de faire cet interrogatoire préliminaire, sorte d'instruction préparatoire, d'enquête sur vie et mœurs par laquelle commençaient les procès ecclésiastiques. Notices des mss., t. III, 17. Voyez surtout l'introduction de Quicherat.

[7] Voyez la quittance dans les pièces copiées par M. Mercier aux archives de Saint-Martin des Champs. Note de l'abbé Dubois, dissertation, éd. Buchon, 1827, p. 219.

[8] Interrogatoire du 24 février 1431.

[9] Interrogatoire du 24 février, éd. Buchon, 1827, p. 68.

[10] Fuerunt multum stupefacti, et illa hora dimiserunt. Procès de révision, Notices des mss., III, 477.

[11] Interrogatoire du 27 février, édit. Buchon, 1887, p. 75. Voyez aussi d'autres questions bizarres de casuistes, p. 131 et passim.

[12] Interrogatoire des 3 et 17 mars, p. 81-82, 132-133.

[13] Interrogatoire du 3 mars, p. 84.

[14] Au premier interrogatoire, trente-neuf assesseurs ; au second interrogatoire du 22 février, quarante-sept ; le 24, quarante ; le 27, cinquante-trois ; le 3 mars, trente-huit, etc. Notices des mss., t. III, 28.

[15] Procès, édit. 1827, 12 mars, p. 98.

[16] Procès, éd. 1827, 14 mars, p. 108. Elle répond le lendemain à une question analogue qu'elle fuirait encore, si Dieu le permettait : Faceret ipsa une entreprinse, allegans proverbium gallicum : Ayde-toi, Dieu te aydera. Procès ms., 15 mars.

[17] Interrogatoire du 17 mars, éd. Buchon, 1827, p. 127.

[18] Interrogatoire du 14 mars, p. 112.

[19] Interrogatoire du 17 mars, éd. Buchon, 1827, p. 130.

[20] Interrogatoire, 3 et 14 mars, III, p. 79.

[21] Interrogatoire, 14 mars, 1827, III.

[22] Interrogatoire du 17 mars, éd. Buchon, 1827, p. 125.

[23] Non crederet nec prœlato suo, nec papæ, nec cuicumque, quia hoc habebat a Deo. Notices des mss., III, 477.

[24] L'inquisiteur déclara que, si l'on inquiétait les deux moines, il ne prendrait plus aucune part au procès. Notices des mss., III, 502.

[25] Elles furent communiquées d'abord à quelques-uns des assesseurs, à ceux que Cauchon croyait les plus sûrs. Ceux-ci, toutefois, crurent devoir ajouter un correctif aux articles : Elle se soumet à l'Église militante, en tant que celte Église ne lui impose rien de contraire à ses révélations faites et à faire. Cauchon crut, non sans quelque raison, qu'une telle soumission conditionnelle n'était pas une soumission, et il prit sur lui de supprimer ce correctif. Notices des mss., III, 411.

[26] Notices des mss., III, 418.

[27] Notices des mss., III, 52, 53.

[28] Il écrivit à l'évêque, ne voulant pas apparemment reconnaître l'inquisiteur juge. Notices des mss., III, 53.

[29] Déposition de Jean Beaupère, Notices des mss., III, 509.

[30] Je ne sais pourquoi, dit un grand maitre des choses spirituelles, Dieu choisit les jours des fêtes les plus solennelles pour éprouver davantage et purifier ceux qui sont à lui... Ce n'est que là-haut, dans la fête du ciel, que nous serons délivrés de toutes nos peines. Saint-Cyran, dans les Mémoires de Lancelot, I, 64.

[31] Dimanche des Rameaux, à prime : Deus in adjutorium meum intende...

[32] Tout le monde sait que l'office de cette fête est un de ceux qui ont conservé les formes du moyen âge. La procession trouve la porte de l'église fermée, le célébrant frappe : Attollile portas... Et la porte s'ouvre au Seigneur.

[33] Procès, 3 avril et non 29 mars, comme porte le ms. d'Orléans, où il y a beaucoup de confusion dans les dates, voyez éd. Buchon, 1827, p. 139.

[34] Sicut filiæ burgensium, unam houppelandam longam. Procès latin, ms., dimanche 15 mars.

[35] Cinq Anglois, dont en demeuroit de nuyt trois en la chambre. Notices des mss., III, 506.

[36] De nuyt, elle estoit couchée ferrée par les jambes de deux paires de fers à chaîne, et attachée moult estroitement d'une chaîne traversante par les pieds de son lict, tenante à une grosse pièce de boys de longueur de cinq ou six pieds et fermante à une clef, par quoi ne pouvoit mouvoir de la place. Notices des mss. — Un autre témoin dit : Fuit facta una trabes ferrea, ad detinendam eam erectam. Procès ms., déposition de Pierre Cusquel.

[37] Le comte de Ligny vint la voir avec un lord anglais, et lui dit : Jeanne, je viens vous mettre à rançon, pourvu que vous promettiez que vous ne porterez plus les armes contre nous. Elle répondit : Ah ! mon Dieu, vous vous moquez de moi ; je sais bien que vous n'en avez ni le vouloir ni le pouvoir. Et comme il répétait les mêmes paroles, elle ajouta : Je sais bien que ces Anglais me feront mourir, croyant après ma mort gagner le royaume de France. Mais quand ils seroient cent mille Goddem (centum mille Godons gallice) de plus qu'ils ne sont aujourd'hui, ils ne gagneroient pas le royaume. Le lord anglais fut si indigné qu'il tira sa dague pour la frapper, et il l'aurait fait sans le comte de Warwick. Notices des mss., III, 371.

[38] Non pas précisément Cauchon, mais son homme, Estivet, promoteur du procès. Notices des mss., III, 473.

[39] Notices des mss., III, p. 475, et passim. — Procès, éd. 1827, p. 164, 12 mai.

[40] Usquequo oblivisceris me in finem ? Offices du jeudi saint, à Laudes.

[41] Procès, éd. Buchon, 1827, p. 155.