LA MARQUISE DE VERNEUIL ET LA MORT D'HENRI IV

DEUXIÈME PARTIE. — LE GRAND DESSEIN. - LA MORT DU ROI ET LA RÉGENCE DE MARIE DE MÉDICIS

 

CHAPITRE VIII.

 

 

Troubles et brouilleries des seigneurs (1602-1614). — Arrestation de Condé. — Mort de Concini et exil de Marie de Médicis. — Supplice de Léonora Galigaï (1617). — Les dernières années de Mme de Verneuil.

 

L'influence prise sur Marie de Médicis par l'Italien Concini et sa femme la Galigaï était un bon prétexte pour amener, après le mécontentement des seigneurs, des troubles et des prises d'armes. Les beaux jours de la Ligue n'étaient pas si loin, où l'on se battait autant par rivalité d'intérêts que par conviction religieuse, et la noblesse n'avait pas encore renoncé à son indépendance. Au mois de janvier 1612, la reine, rassurée du côté des protestants, avait communiqué au Conseil un traité négocié avec l'Espagne, qui stipulait le double mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche et de Philippe d'Espagne avec Élisabeth France, — traité qui sacrifiait la Navarre à l'ambition espagnole et consacrait l'abandon de la politique d'Henri IV[1]. Condé et le comte de Soissons, qui avaient d'autres griefs plus ou moins sérieux, protestèrent en quittant la Cour, dans l'espoir de soulever les provinces au nom du bien public, et rallièrent du fait un groupe de mécontents[2]. Lesdiguières, Sourdis, Duperron furent sollicités, mais se récusèrent. Bouillon, Nevers, Mayenne, Vendôme se mirent de la cabale et même Concini, mortifié par les ministres et qui cependant avait été fait marquis d'Ancre et gouverneur d'Amiens. Mais les ducs d'Épernon et de Guise avec Bellegarde restèrent fidèles au parti de la Cour. Pour ramener enfin Concini, Marie de Médicis le fit maréchal de France, c'était, a-t-on dit, ses premières armes. On négocia ensuite. — Les premières hostilités avaient eu lieu au commencement de 1614 ; mais on se battit surtout à coups de pamphlets, car les agissements des princes soulevaient une réprobation générale ; des conférences ensuite s ouvrirent à Soissons et le 15 mai on signait le traité de Sainte-Menehould, que Sully appela la paix malotrue, mais qui prévoyait la convocation des États généraux. Il y eut d'ailleurs à nouveau des charges données, des pensions, des promesses de gouvernements, et de nouveau l'on tira, pour le distribuer, un million de livres des coffres de la Bastille.

Les États généraux devaient s'ouvrir le 15 août, mais ne se réunirent qu'au mois d'octobre. Il y eut du tumulte et même des coups, le Tiers ayant inscrit en tête de son cahier un article qui proclamait l'inviolabilité du roi et l'indépendance de la couronne. La discussion dura jusqu'au 23 février 1615 où les cahiers furent remis ; ils demandaient, entre autres choses, l'égale répartition des charges publiques, la suppression des offices inutiles, la destruction des privilèges et du servage, la démolition des forteresses féodales, etc. Les doléances du clergé étaient présentées par un homme de vingt-neuf ans dont ce fut l'entrée dans la vie politique, l'évêque de Luçon, Armand Duplessis de Richelieu. Le lendemain, du reste, les députés trouvèrent portes closes et un ordre du roi qui leur enjoignait de se disperser. — Mais le Parlement se chargea de formuler les doléances de la nation (28 mars), dénonçant les désordres du gouvernement et prêt à nommer les coupables. Condé bientôt s'en chargea (27 juillet). Il se trouvait maintenant porté à la tête de l'opposition, et prêt à empêcher les mariages espagnols qui devaient consacrer une politique déplorée par beaucoup. Dans l'inquiétude de l'avenir, Concini et sa femme poussèrent la reine à prendre des mesures de sûreté ; d'Épernon lui donna le même conseil, tant qu'elle remit au Parlement (30 juillet) une déclaration pour la conservation des places fortes du royaume. Mais peu après Condé lançait un manifeste où il désignait Concini comme l'auteur des maux qui assaillaient le peuple ; la cabale une fois de plus se tournait contre lui. Le prince allait entrer en campagne avec cinq ou six mille hommes de troupes, et le bruit courait que d'importantes levées, faites en Angleterre et en Hollande, allaient débarquer au Hourdel et à Saint-Valéry. Concini tenta bien de mettre une garnison dans le port de la Somme, mais l'échevinage s'y opposa.

Les huguenots, qui se trouvaient des premiers menacés avec la politique espagnole de la Cour, s'étaient d'autre part levés en armes avec le duc de Rohan ; mais, divisés encore, ils ne purent réussir à fermer même la route des Pyrénées que le roi devait prendre pour gagner la frontière[3]. Condé et ses adhérents furent déclarés criminels de lèse-majesté (10 septembre) et Louis XIII avec toute la Cour se mit en route pour gagner Bordeaux et ensuite se rapprocher de l'Espagne, qui devait lui remettre Anne d'Autriche, sa fiancée. Des troupes protégeaient le cortège royal et assurèrent ensuite l'échange des princesses, qui se fit sur la Bidassoa (9 novembre), à Hendaye[4]. Des conférences ensuite s'ouvrirent à Loudun, entre Condé assisté des chefs huguenots, et les délégués de la régente : De Thou, le maréchal de Brissac, de Vit, le comte de Pontchartrain[5], et la paix fut enfin conclue. Condé recevait 1.500.000 livres pour ses frais de guerre (?) ; la ville et le château de Chinon ; la ville et la tour de Bourges ; le gouvernement du Berry, et quand il serait à la Cour, il aurait la plume, c'est-à-dire qu'il signerait les arrêts du conseil, l'arrêté de la semaine aux finances et les comptes de l'épargne[6]. — Mais l'antagonisme de Concini et du prince ne prit pas fin. Condé reprit bientôt son rôle dans l'opposition, — au demeurant assez triste personnage, brouillon, infatué de lui-même et de mœurs plutôt douteuses, si nous en croyons les méchantes langues de l'époque. — Sur le conseil de Concini et de ses confidents ; influencée par le duc de Guise, par Sully même, la reine voulut enfin le faire arrêter, ainsi que Mayenne, Vendôme et Bouillon. Mais au dernier moment le courage lui manqua. Un complot, cette fois, avait pourtant été machiné contre elle. On faisait secrètement des levées dans les provinces ; on pratiquait les colonels et capitaines de quartiers, les curés et prédicateurs de Paris. On devait confiner la reine mère dans une abbaye et le prince aurait pris le gouvernement. — Guise et l'archevêque de Bourges, au courant de ces menées, avertirent cependant plusieurs fois Marie de Médicis ; Sully lui demanda audience et en présence du roi il signala le danger. Déjà, le duc de Longueville avait occupé Péronne, dont le gouvernement appartenait au maréchal d'Ancre ; les garnisons de Soissons et de Noyon, aux ordres de Mayenne, s'étaient mises en route pour soutenir ce coup de main. C'est alors qu'on décida de chambrer les meneurs (30 août). — Condé se présenta le lendemain, entouré, comme à son ordinaire, de gens empressés à lui présenter des placets. Voilà bien maintenant le roi de France, dit la reine à Bassompierre ; mais sa royauté durera comme celle de la fève. Louis XIII, à qui on avait fait la leçon, l'aborda gaiement et lui offrit même une partie de chasse. Le marquis de Themines l'arrêta ensuite (1er septembre 1616). — Comme on le menait en la chambre qu'on lui avait préparée, il aperçut d'Elbène, et le voyant avec quelques-uns de ses compagnons, tous la pertuisane à la main, il lui dit qu'il était mort ; mais l'autre lui répondit qu'ils n'avaient nul commandement de lui méfaire et qu'ils étaient gentilshommes[7]. Quand il apprit que M. de Bouillon n'avait pas été arrêté, il dit plusieurs fois qu'on avait tort... et que si c'était lui, en vingt-quatre heures il lui eût fait trancher la tête ; puis laissant échapper des paroles misérables, il offrit en échange de sa liberté de découvrir toutes les cabales de son parti ; mais la reine répondit qu'elle en savait plus qu'elle n'avait besoin d'en savoir. — Condé fut conduit à la Bastille ; mais Vendôme, Mayenne, Bouillon, de Cœuvres et la Trémouille s'éloignèrent de la capitale ; il y eut quelques troubles et la populace pilla même la maison de Concini[8].

Richelieu, qui avait capté la confiance de la reine mère, venait à ce moment d'entrer au Conseil, avec le titre d'aumônier de la jeune reine Anne d'Autriche. Il n'avait encore que la direction des affaires étrangères et de la guerre, mais avec droit de préséance sur ses collègues, et au manifeste des rebelles, qui prétendaient ne s'armer que pour la délivrance du roi, — comme autrefois les huguenots sous Charles IX ! — et secouer le joug du maire du palais, il répondit par un autre manifeste qui rappelait ce qu'ils avaient déjà coûté au trésor royal ; il dressa le bilan des faveurs qu'ils avaient arrachées à la régente depuis la mort d Henri IV, en faisant l'opinion juge de ces abus. Condé en six ans avait extorqué 6 millions et demi, Mayenne 2 millions, Nevers un million 600.000 livres, Longueville un million 200.000 livres, Vendôme 600.000, Bouillon un million, — sans parler du pillage éhonté des pensions et charges de l'État. — Trois corps d'armée en même temps furent envoyés contre les seigneurs, avec le due de Guise, le comte d'Auvergne, — enfin sorti de la Bastille[9], — et Montigny nommé maréchal de France. L'armée du duc de Guise, entrée en Champagne, enleva Rethel et réduisit bientôt la domination du duc de Nevers à la seule ville de Mézières ; celle du comte d'Auvergne assiégea Mayenne à Soissons ; celle de Montigny enfin prit Clamecy, Donzy et Entrain, et alla mettre le siège devant Nevers. Ces dernières troupes avaient été levées pour le maréchal d'Ancre, et ce fut lui qui se trouva payer en fin de compte les frais de la guerre. — Albert de Luynes, maître de la volerie du roi, ayant réussi à lui montrer que sa couronne était menacée, sa personne en péril, sa mère et l'amant de sa mère unis dans une même pensée d'étouffer sa jeune royauté[10], il donna son adhésion au projet qui lui fut soumis de le débarrasser du maréchal. Dans le complot préparé entrèrent du Hallier, de Persan, Guichaumont et autres ; Concini fut tué sur le pont du Louvre par Vitry et quelques gentilshommes, qui lui tirèrent cinq coups de pistolet comme il arrivait pour rendre ses devoirs à la reine (24 avril 1617)[11]. Marie de Médicis à son réveil trouva ses gardes chassés et remplacés par des gardes du roi. Elle ne sut que gémir et pleurnicher. Poveretta di me ! s'écria-t-elle. Puis elle voulut voir le roi en particulier, lui parler seule à seul ; mais il s'y refusa durement et voulut bien seulement l'autoriser à se retirer à Blois[12]. — Le matin de son départ, a-t-on rapporté, des larmes lui échappèrent à la vue de son fils ; mais elle s'efforça de les cacher et mena Louis XIII jusqu'à une fenêtre et lui parla. La demande inattendue d'obtenir pour le service de sa maison son ancien intendant Barbin déconcerta le roi qui ne sut que dire ; elle le répéta par trois fois, sans obtenir mot ; puis voyant qu'il ne répondait rien, elle dit : Or sus ! Et puis se baissa et baisa. Le roi fit une révérence et tourna le dos[13]. Ce fut ensuite le tour de Luynes à prendre congé. La reine lui renouvela sa requête ; mais comme il voulut répondre, le roi lui cria cinq ou six fois : Luynes ! Luynes ! Luynes ![14] Il fallut y aller. Alors la reine s'appuya contre la muraille entre les deux fenêtres et pleura amèrement[15]. Elle partit peu après, montrant un visage et une contenance immobiles, l'œil sec et le cœur haut ; elle quitta le Louvre simplement vêtue, accompagnée de tous ses domestiques et traversa la foule curieuse qui ne lui épargna pas les quolibets[16]. — La joie de la populace avait éclaté d'ailleurs en scènes affreuses. Le corps de Concini fut roulé dans la boue ; puis les meurtriers lui ayant pris son épée, son écharpe, son manteau de velours et un diamant qu'il portait au doigt, il fut jeté sous la voûte de la porte du Louvre, sanglant, le visage noirci de poudre, la fraise à demi brûlée tant les coups de pistolet avaient été tirés de près. On l'ensevelit hâtivement le soir, sous la tribune de l'orgue, à Saint-Germain-l'Auxerrois. Mais le lendemain, la foule excitée par les pamphlets, les chansons, — probablement aussi par les ennemis si nombreux du maréchal qui ne lui avaient jamais pardonné son incroyable fortune, — envahit l'église, descella les dalles qui recouvraient le corps et le traîna par les rues, le couvrant de pierres, le frappant à coups de fouet et à coups de bottes. Sur le Pont-Neuf, on le pendit la tête en bas, et dans ce cadavre on enfonça rageusement des couteaux ; on le déchiqueta ; il fut émasculé, haché en morceaux, puis au bout d'une demi-heure on le dépendit et on recommença à le traîner, sur la place de Grève, à la Bastille, rue de Tournon où était l'hôte d'Ancre. On finit par en brûler les restes souillés ; le cœur fut rôti, sur des charbons et mangé publiquement par un homme, et les entrailles jetées à la Seine. Le lendemain on vendit les cendres ramassées un quart d'écu l'once, et les oreilles mises à part furent payées fort cher par un amateur[17].

Quant à la Galigaï, enfermée à la Bastille, livrée aux gens de loi, elle fut accusée d'être juive et sorcière. Elle possédait les nativités astrologiques de la reine et de ses enfants, et au milieu d'une maladie, elle avait fait bénir des coqs et des pigeonneaux qu'on appliquait sur sa tête. On la déclara coupable de lèse-majesté et de sortilège, et selon les bonnes habitudes du temps on la condamna à être brûlée. Elle en fut surprise et se lamenta en disant : Oimè ! poveretta ! Mais elle reprit bientôt sa résignation et à la vue du peuple accouru pour voir son supplice : Que de monde, dit-elle, pour voir passer une pauvre affligée ! — On la décapita en Grève et ses restes ensuite furent jetés sur un bûcher.

La marquise de Verneuil s'était tenue à l'écart durant toutes ces intrigues et brouilleries, — ce qui peut sembler bizarre lorsqu'on connaît son esprit amoureux de chicanes et de complots patiemment ourdis, mais s'expliquerait assez si l'on veut bien se représenter que déjà compromise dans l'affaire de Ravaillac elle devait filer doux pour ne pas déplaire à la reine, qui n'aurait pas hésité à la sacrifier lorsqu'elle était encore toute-puissante. Henri IV trépassé, du reste, elle n'était plus rien, et l'on vit surtout que sans le caprice royal elle ne pouvait rien être ; elle devait disparaître comme disparaissait Sully, l'homme important du vieux règne, qui restait un gêneur dont la nouvelle Cour n'avait que faire, et, peut-on bien dire, l'homme d'un autre âge. Sans doute, on a négligé de nous apprendre comment et pourquoi se trouva avorter, en fin de compte, la conspiration qui devait conduire au pouvoir Henriette d'Entragues ; mais les choses sans doute n'avaient pas été conduites au gré des affidés, et l'Espagne même avait préféré les avantages d'une union matrimoniale qui la rapprochait du nouveau roi, aux chances toujours problématiques de guerres qui, avec le Béarnais déjà, avaient tourné à son désavantage. — Mais le rôle de Mme de Verneuil était désormais fini ; elle ne chercha qu'à se faire oublier, tout en portant avec coquetterie le deuil d'Henri IV, dont la mort avait été pour elle une flatterie et une vengeance. Elle n'avait toutefois que trente et un ans, mais avait perdu le protecteur qui lui était toujours attaché, sinon fidèle, et dont l'indulgence lui était nécessaire. Son père, François de Balzac, était mort en 1613 (11 février) et comme bien d'autres qui ne la valaient pas, même dans les maîtresses du roi, elle n'avait pas su se choisir et s'attacher un mari. — On ne la vit sortir de l'ombre qu'en 1622 (6 décembre), lors du mariage de sa fille[18] avec Bernard de Nogaret, second fils du duc d'Épernon, dont nous retrouvons ici encore les accointances. La bénédiction nuptiale fut donnée aux nouveaux époux dans la cathédrale de Lyon, sous les drapeaux conquis vingt ans auparavant dans le fort de Charbonnières ; et aux côtés de la marquise de Verneuil se trouvaient le roi, deux reines, le prince et la princesse de Piémont, ainsi que Richelieu, qui venait d'être nommé cardinal. Henriette d'Entragues avait donné 100.000 écus à sa fille et Louis XIII en avait ajouté 200.000 autres[19]. — D'ailleurs elle vieillissait, se laissait avachir. — Elle se mit à faire une vie de Sardanapale ou de Vitellius, raconte Tallemant ; elle ne songeait qu'à la mangeaille, qu'à des ragoûts, et voulait même avoir son pot de nuit dans sa chambre. Elle prit ainsi une ampleur démesurée ; sa taille mince, dont elle était si fière, n'avait pas tardé à être envahie par un embonpoint précoce ; elle devint si grosse qu'elle en était monstrueuse. Elle n'avait gardé que son esprit, mais n'eut guère occasion de l'exercer, car peu de personnes la visitaient. — Son cercle d'intimes en effet s'était très raréfié, car on se méfiait toujours de ses manigances, et peut-être à l'époque était-on beaucoup mieux informé que maintenant de la tragédie où elle avait été mêlée. Elle n'oubliait pas du reste d'aller à l'église, se confessait fréquemment, ayant peut-être des choses excessives à se faire pardonner. Puis le bon Dieu se contente souvent de ce que ne veulent plus les hommes ; après avoir copieusement rôti le balai, la marquise de Verneuil, comme la reine Margot, se trouve être une bonne dame qui finit dans la dévotion. — Pour faire œuvre pie, elle avait fondé en 1622, l'année même où elle maria sa fille, le couvent des Annonciades célestes ou Filles-Bleues, qui s'élevait au Marais près des hôtels de Sévigné et Lepelletier de Saint-Fargeau et qui fut démoli en 1790. — Quant à sa sœur Marie, elle était restée la maîtresse de Bassompierre en dépit de fréquentes querelles, et se faisait passer pour sa femme[20], tant que le maréchal en disait de coutume : Puisqu'elle veut un nom de guerre, autant celui-là qu'un autre. — Elle passa ses dernières années au Marais et ne mourut qu'après 1643. Henriette d'Entragues, marquise de Verneuil, comtesse de Beaugency, baronne de Villiers Saint-Paul, était trépassée dix années plus tôt, en 1633 (9 février). Elle mourut tranquillement dans son lit, à cinquante-quatre ans. — Henri de Verneuil, son fils, évêque de Metz, rentra finalement dans le siècle[21] ; en 1668, à soixante-sept ans ! il épousait Charlotte de Séguier, veuve du duc de Sully, petit-fils du ministre de son père, et devenait gouverneur du Languedoc.

 

 

 



[1] La reine avait longuement préparé ces mariages contre le gré même de son mari, et c'est dans cette intention qu'elle admettait dans son intimité l'ambassadeur de Philippe III ; qu'elle l'honorait de confidences et lui dévoilait ce qu'elle pouvait surprendre des desseins du roi. (LOISELEUR, op. cit.)

[2] Cf. L. LACROIX, Note sur une collection de quatre-vingt-deux pièces historiques imprimées à Paris pendant l'année 1614 et se rapportant aux troubles politiques du temps. Mémoires lus à la Sorbonne, Histoire, 1863, p. 251 et s.

[3] Les protestants ne purent suivre que de loin, pillant et saccageant tout sur leur passage. (BORDIER et CHARTON, Histoire, t. II, p. 182.)

[4] Ce fut le duc de Guise qui fut chargé de conduire la princesse Elisabeth à la frontière. Il ramena Anne d'Autriche majeure à quatorze ans, et le mariage du roi fut célébré le 25 novembre dans la cathédrale de Bordeaux, par l'évêque de Saintes. — Louis XIII était revenu à Tours à la fin de janvier 1616, sous l'escorte de Guise et de Boisdauphin.

[5] Cf. documents inédits sur le protestantisme aux premières années de Louis XIII ; Conférences de Loudun, publiées par M. Bouchitté. (Collection des Documents inédits, 1863, in-4°.)

[6] Villeroi, consulté par la reine au sujet de cet article, avait dit : Je vous conseille de le lui accorder. Vous ne devez pas craindre de mettre une plume dans la main d'un homme dont vous tiendrez le bras. (Mémoires de Bassompierre, édit. Michaud, p. 117.)

[7] Mémoires de Richelieu, t. I, p. 124. Cf. Anecdotes de l'Hist. de France, de M. DU VAIR, à la suite des Mémoires de Marguerite de Valois, édit. Jannet, p. 300-306.

[8] Anecdotes sur l'Histoire de France de M. DU VAIR, à la suite des Mémoires de Marguerite de Valois, édit. Jannet, p. 303.

[9] Le comte d'Auvergne sortit de la Bastille en 1616 sur les démarches de M. de Montmorency, et lorsqu'il eut adressé à la régente un mémoire justificatif qui nous a été conservé. (Cf. Appendice II.) Richelieu voulait en faire un ami de la couronne et lui fit donner un commandement. (Voyez son Historiette dans TALLEMANT, t. I.) En 1644, huit ans après la mort de sa première femme, après avoir été fait comte d'Angoulême par Louis XIII, il épousait à soixante et onze ans ! — Françoise de Nargonne qui en avait vingt-trois. Elle vécut jusqu'en 1713 et mourut à quatre-vingt-douze ans, — soit cent trente-huit ans après son beau-père Charles IX. (Note du Grand Alcandre, édit. Didot.)

[10] On a toujours attribué au maréchal d'Ancre le rôle d'amant de Marie de Médicis et il semble bien que ce fut dans le moment la croyance générale. Je ferai remarquer qu'il y a contre cette histoire au moins un fait psychologique ; c'est le rôle que l'on fait jouer à Léonora Galigaï. Elle avait épousé Concini par amour et il fut invraisemblable qu'elle l'ait prêté à la reine, même par ambition, par calcul. N'ayant ni sou ni maille, tous deux avaient associé leurs appétits et leur ambition ; ils faisaient marcher la grosse Italienne à leur plaisir. Sans doute Concini se donnait des airs d'amant en titre ; on crayonnait des obscénités jusque sur la porte de la chambre de Marie de Médicis ; mais pour les seigneurs il était surtout l'intrus, et ils n'eurent de repos qu'après en avoir purgé le royaume. (Cf. F. HAYEM, le Maréchal d'Ancre et Léonora Galigaï, p. 131-132, travail resté malheureusement inachevé.)

[11] Louis XIII haïssait à la fois le maréchal d'Ancre, qui était l'homme de la reine, et le prince de Condé, chef des seigneurs rebelles, dit M. Ad. HUGUET (Saint-Valéry, de la Ligue à la Révolution, t. I, p. 300.) Mais Saint-Simon affirme qu'il avait défendu d'attenter à sa vie. Après la mort de Concini, toutefois, il donna raison aux grands qui avaient fomenté des troubles en les accueillant comme si réellement ils avaient pris les armes pour maintenir l'autorité royale.

[12] Luynes conseillait à Louis XIII de la renvoyer à Florence. (Mss Fontanieu. Bibl. nat. 446-447.)

[13] Louis XIII avait bien l'égoïsme de son père, et tout ce qui pouvait le troubler, lui causer une émotion, lui était antipathique. Il était à Saint-Germain lors de l'exécution à Lyon de Cinq-Mars, qui avait été son favori, et regardant sa montre, il disait : Tout à l'heure, M. le grand écuyer passera mal son temps. (Mme DE MONGLAT, Mémoires.)

[14] Il était bègue, ce que Saint-Simon appelle une légère difficulté dans les organes de la parole.

[15] BASSOMPIERRE, édit. Michaud, p. 126-127.

[16] Bornée à l'excès, toujours gouvernée par la lie de la Cour, jalouse, altière et impérieuse, intraitable, inaccessible à la raison et aux intérêts de la couronne, — têtue, vindicative et sournoise, — ajoute Richelieu, d'humeur changeante et versatile, d'ailleurs sans discernement aucun et comptant pour rien les troubles, les guerres civiles, le renversement de l'État en comparaison de l'intérêt et des volontés de cette lie successive de gens qui, à tour de rôle, disposaient d'elle, Marie de Médicis ne cessa de brouiller que pour aller mourir à Cologne à son retour d'Angleterre (23 juillet 1642) ; elle y acheva indécemment ses jours et mourut dans l'indigence, — d'une lésion organique du cœur, conclut le docteur Cabanès. Elle avait soixante-neuf ans deux mois et neuf jours. (Cf. SAINT-SIMON, Parallèle.)

[17] Mémoires de Richelieu, édit. Michaud, t. I, p. 159-160 ; Fernand HAYEM, le Maréchal d'Ancre et Léonora Galigaï, p. 210-211.

[18] Gabrielle-Angélique de Verneuil, légitimée de France. (Cf. brevet pour lui conserver son rang de princesse. Bibl. nat. Mss fr. 2748 ; contrat de mariage avec Bernard III de Nogaret, marquis de la Valette, ibid., mss fr. 2747-2748.) — Au cours des fiançailles, le futur époux avait souffleté sa femme en présence de toute la cour ; quatre ans plus tard, elle mourut en couches, des suites des violences de son mari, dit Mme de Motteville, ou même empoisonnée.

[19] Bibl. nat. Cinq cents Colbert n° 16. — Avant de conclure ce dernier mariage, la marquise en avait poursuivi bien d'autres. En 1608, elle avait eu en vue un neveu du pape et avait chargé Ferdinand Bosguetti, personnage très influent à la cour de Rome, d'une négociation qui n'aboutit pas. Henri IV pensa au fils de M. de Créqui et s'en ouvrit à son grand-père, le maréchal de Lesdiguières ; mais ce furent encore des pourparlers inutiles. La marquise enfin avait ambitionné pour gendre le duc de Luynes ; mais, dit Mme de Motteville, il eut peur de se laisser entraîner dans les mystérieuses intrigues de cette femme redoutable. (H. DE LA FERRIÈRE, Henri IV, p. 394-396.)

[20] Des vers de Scarron (Adieux de Scarron au Marais) l'appellent dame de Bassompierre. Le fils qu'elle en eut, Louis, se fit religieux ; on l'appelait M. de Xaintes ; il devint évêque de la Rochelle.

[21] Cf. le P. Anselme et ses continuateurs, t. I, p. 150. — Après Henriette. la terre et le château passèrent au duc de Verneuil son fils, et ce fut en sa faveur que Louis XIV l'érigea en duché-pairie (1652). Le duc Gaston-Henri de Verneuil, chevalier des ordres du Roi en 1661, avait été envoyé en ambassade en Angleterre en 1665. L'année suivante il se démit de ses nombreux bénéfices et fut nommé gouverneur du Languedoc ; il mourut sans postérité en 1682 et la duché fut éteinte. Le château en 1784 passa à la maison de Bourbon-Condé. (LA MARTINIÈRE, Dictionnaire géographique.)