LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME III — LE TRAVAIL DANS L’ANTIQUITÉ

L’INDUSTRIE. — V. - LES INDUSTRIES DU BÂTIMENT

 

 

LES CARRIÈRES. - LE TRANSPORT DES BLOCS. - LES MAÇONS. - LES CHARPENTIERS.

 

LES CARRIÈRES. — Tout porte à croire que, dans l’ancienne Égypte, les prisonniers étaient employés au travail des carrières : Les ruines qui couvrent le pays attestent l’immense travail qu’il a fallu exécuter pour extraire des carrières les énormes pierres que nous voyons employées dans les temples.

Dans son Histoire de l’habitation, M. Viollet-le-Duc résume ainsi les méthodes employées pour extraire les blocs des carrières. Les ouvriers habitués à mettre en œuvre la brique crue, le pisé et les roseaux dans leurs bâtisses, n’étaient point très habiles à tailler la pierre ; ils n’avaient encore que des outils de cuivre qui s’émoussaient promptement, bien qu’on les trempât. Pour fendre les pierres dans la carrière, ayant observé que les calcaires se présentent naturellement par lits, ils dégageaient !a surface horizontale extérieure ; puis, au moyen de poinçons de cuivre, ils creusaient de distance en distance, sur une même ligne, suivant la dimension qu’ils voulaient donner au bloc à extraire, des trous oblongs, étroits, et de la profondeur de quatre à cinq doigts. Cela fait, ils enfonçaient dans ces trous des coins de bois bien séchés ; ils mouillaient régulièrement ces coins qui, en gonflant, faisaient fendre la pierre suivant la ligne tracée par les entailles. A l’aide de leviers de bois durcis au feu, ils faisaient sortir le bloc de sa place. Ces blocs, en raison de la nature litée de la pierre, présentaient ainsi des parallélépipèdes dont ils régularisaient les faces et qu’ils assemblaient. Comme ce peuple est patient et laborieux ; il parvint cependant à tailler régulièrement tous ces blocs, à les polir même à l’aide de pierres dures, à y creuser des traits, des figures ; car, de même que toute chose est réglée dans la manière de vivre sur les bords du Nil, toute construction, tout objet doit mentionner les motifs en vue desquels ces constructions ou objets ont été établis et le nom de ceux pour qui on les établit.

Pline rapporte qu’un jour des ouvriers qui travaillaient dans les carrières de Paros, ayant fendu un bloc de marbre avec des coins, y trouvèrent une figure de Silène. Il ne dit pas, il est vrai, que les coins fussent en bois, mais il est permis de le supposer. Il est probable que pour extraire les blocs de leur carrière, on creusait dans la partie supérieure et aplanie du bloc une petite rigole avec des trous où l’on enfonçait des coins en bois que l’on mouillait et qui, se gonflant, fendaient le bloc et le détachaient dans toute sa longueur. On employait pour travailler le marbre des scies avec du sable qu’on tirait des Indes, de l’Éthiopie et des côtes de l’Adriatique.

 

LE TRANSPORT DES BLOCS. — La méthode employée par les Égyptiens pour soulever et faire mouvoir des masses énormes est un des problèmes qui ont le plus exercé la sagacité des archéologues. Au commencement de ce siècle, on admettait volontiers que les Égyptiens avaient eu une mécanique très perfectionnée, dont les principes s’enseignaient dans les sanctuaires, et qui a été inconnue des Grecs. Cette théorie est abandonnée aujourd’hui, et une étude plus attentive des monuments a montré que le procédé employé par les Égyptiens consistait surtout dans le nombre énorme de bras qu’ils avaient à leur disposition. L’opinion émise par M. Letronne, dans une brochure publiée en 1845, est celle qui a prévalu. Je suis étonné autant que personne, dit ce savant, de la patience et de l’adresse que les Égyptiens ont déployées dans ces occasions ; mais j’ai toujours été éloigné de leur attribuer une mécanique aussi perfectionnée que celle des modernes. S’ils avaient eu de telles ressources, les Grecs en auraient eu connaissance, eux qui, depuis Psammitichus, parcourant librement l’Égypte, furent les témoins des immenses travaux de ce prince et de ses successeurs. Dans aucune peinture égyptienne, on n’aperçoit ni poulies, ni moufles, ni cabestan, ni machines quelconques. Si les Égyptiens en avaient eu l’usage, on en trouverait la trace dans un bas-relief qui représente le transport d’un colosse. On le voit entouré de cordages et tiré immédiatement par plusieurs rangées d’hommes attachés à des câbles ; d’autres portent des seaux pour mouiller les cordages et graisser le sol factice sur lequel le colosse est traîné. La force tractive de leurs bras était concentrée dans un effort unique, au moyen d’un chant ou d’un battement rythmé qu’exécute un homme monté sur les genoux du colosse.

Le soin extrême avec lequel les Égyptiens ont représenté sur leurs monuments les outils qu’ils employaient dans les travaux de l’agriculture et dans l’exercice des divers métiers peut en effet laisser supposer qu’ils auraient représenté de la même façon les machines pour élever ou transporter les matériaux pesants, s’ils en avaient fait usage. Mais quand les auteurs anciens nous racontent que Rhamsès a employé cent vingt mille hommes pour dresser un des obélisques de Thèbes, ils énoncent un fait qui seul annoncerait l’extrême imperfection, ou même, pour parler comme le savant que nous venons de citer, l’absence totale de mécanique chez les Égyptiens.

Nous n’avons pu reproduire qu’une partie du monument représentant le transport d’un colosse (fig. 341). Le nombre des gens qui tirent la corde est beaucoup plus considérable sur l’original, et il est certainement beaucoup moindre que celui qui a dû être employé dans la réalité. Dans l’atlas de Minutoli, oit la gravure de ce monument est coloriée, les hommes sont peints en rouge ; la statue est blanche et le capuchon bleu. Les ouvriers, de deux en deux groupes, portent des espèces de bandelettes blanches croisées sur la poitrine, ce qui n’est pas figuré dans notre gravure.

La manœuvre est fort curieuse à étudier ; le colosse, qui est lié très fortement, est placé sur un traîneau. Sur ses genoux, on voit un personnage debout et battant la mesure avec ses mains. C’est évidemment l’architecte, ou l’ingénieur, faisant en quelque sorte l’office de chef d’orchestre, pour donner de l’unité aux efforts des ouvriers qui doivent faire tous ensemble le même mouvement. En face de lui, et tournant le dos aux hommes qui tirent les cordes, un autre personnage, probablement un contremaître, tient dans ses mains deux instruments qu’il paraît frapper l’un contre l’autre, sans doute pour répéter avec plus de bruit le signal donné par celui qui commande la manœuvre. Immédiatement au-dessous de ce personnage on en voit un autre qui versé de l’eau sur les cordes pour les empêcher de prendre feu. Enfin la dernière rangée des hommes,qui tirent le colosse est suivie d’ouvriers portant des seaux d’eau, et d’autres qui ont sur leurs épaules une poutre munie de crans.

Les inscriptions tracées sur le monument disent que le colosse avait douze coudées de hauteur. Elles n’indiquent malheureusement pas quelle est la nature du sol sur lequel il glisse. M. Wilkinson croit que ce devait être un lit de planches. On n’est pas non plus d’accord sur le liquide contenu dans les seaux, où les uns veulent voir de l’eau, tandis que. les autres croient qu’ils devaient contenir une espèce de graisse ou de matière huileuse destinée à faire glisser le colosse plus facilement.

Dans une inscription traduite par M. Chabas, un fonctionnaire de la XIIe dynastie raconte le transport du colosse effectué sous sa direction. Transport d’une statue de treize coudées en pierre de la localité. Or le chemin sur lequel elle devait aller était plus difficile que toute autre chose, et il était assez difficile d’amener des hommes de traction assez nombreux pour cela à cause de la pierre... Je fis partir des compagnies de jeunes recrues pour faire le chemin, ainsi que des corporations d’ouvriers sacrés et d’ouvriers tailleurs de pierre, leurs maîtres avec eux. Je dis : Que des hommes au bras fort aillent pour l’amener ! Mon cœur se dilate : tous mes concitoyens étaient dans l’allégresse ; c’était plus beau à voir que toute autre chose. Le vieillard, parmi eux, s’appuyait sur le jeune, et les forts s’opposaient à ceux dont le cœur faiblissait ; leurs bras devinrent puissants ; l’un d’entre eux faisait l’effort de mille. Alors cette statue à socle carré se mit à sortir de la montagne, spectacle grandiose plus que toute autre chose.....

On transportait à bras d’homme les objets de petite dimension, les blocs moyens étaient traînés par des bœufs, et les très gros se transportaient sur des traîneaux auxquels s’attelaient un très grand nombre d’hommes. Ils étaient hissés ensuite à l’aide de plans inclinés, mais quand on voulait les descendre dans un caveau, M. Mariette suppose qu’on les faisait poser sur une butte de sable, dont on dégarnissait ensuite les côtés, de manière que la masse s’affaissât par son propre poids, à mesure que le sable sur lequel elle était posée diminuait.

Il résulte de ce qui précède que les statues et les ouvrages de dimension colossale étaient travaillés au lieu même où on extrayait la pierre et apportés ensuite à leur destination. C’est le contraire qui a lieu aujourd’hui ; quand une statue ou un groupe de grande dimension doit décorer un édifice, on bâtit un échafaudage dans lequel le sculpteur, après avoir fait chez lui les ouvrages préparatoires, termine sur place l’ouvrage dont il a été chargé. Il semble au contraire probable que les sculpteurs égyptiens allaient dans la carrière même exécuter le travail qui leur avait été demandé.

Il paraît au surplus que le transport des colosses ne se faisait pas toujours sans difficulté. C’est ce qui résulte d’une aventure racontée par Hérodote au sujet d’un édifice que le roi Amasis avait fait venir d’Éléphantine, avec l’intention de le placer dans un temple et que finalement on a laissé à la porte.

Deux mille hommes, dit-il, tous bateliers, furent occupés pendant trois ans à ce transport. Cet édifice est d’une seule pierre : il a en dehors vingt et une coudées de long, quatorze de large et huit de haut. Sa longueur en dedans est de dix-huit coudées plus vingt doigts ; sa largeur de douze coudées ; sa hauteur de cinq. Telles sont les dimensions extraordinaires de cet ouvrage monolithe. II est placé à l’entrée du lieu sacré. On ne l’y fit point entrer, disent les Égyptiens, parce que, pendant qu’on le tirait, l’architecte, fatigué et ennuyé d’un travail qui lui avait coûté tant de temps, poussa un profond soupir. Amasis, regardant cela comme un présage fâcheux, ne voulut pas qu’on le fit avancer plus loin. Quelques-uns disent aussi qu’un de ceux qui aidaient à le remuer avec des leviers fut écrasé dessous, et que ce fut pour cela qu’on ne l’introduisit pas dans le lieu sacré.

La manière que nous avons indiquée pour le transport des colosses n’était pas particulière à l’ancienne Égypte, on la retrouve dans tout l’Orient. La figure 342, tirée d’un bas-relief assyrien, montre un des grands taureaux ailés, comme ceux que nous avons au Louvre, qu’une multitude d’hommes traîne au moyen de cordes. Le taureau est entouré d’un échafaudage, portant sur un socle auquel sont attachées les cordes. Le procédé est donc en somme identique à celui que nous aurons vu sur la figure 341. Nous n’avons pas de représentations analogues pour les Grecs et les Romains, niais rien ne prouve que la mécanique fût beaucoup plus avancée chez eux ; seulement il y a lieu de supposer que les hommes étaient, dans une certaine mesure, remplacés par des chevaux ou des bœufs.

 

LES MAÇONS. — Les briques mêlées d’argile et de paille étaient les matériaux les plus employés dans l’ancienne Égypte pour les maisons ordinaires. Les hypogées de Thèbes nous fournissent des documents sur la fabrication et l’emploi des briques. Dans la figure 343, nous voyons des ouvriers venant puiser de l’eau dans un étang entouré d’arbres.

Quand l’argile était suffisamment mouillée et pétrie, on lui donnait la forme voulue à l’aide des Instruments qui sont représentés dans la figure 344. On en faisait des piles régulières qu’on transportait ensuite jusqu’à l’endroit oit devait s’élever la construction projetée. Les briques emportées étaient maintenues par des cordes fixées à un bâton que le porteur tient sur son épaule. Quelquefois aussi les briques étaient portées directement sur l’épaule. Nous avons un exemple de ces deux modes de transport dans les figures 345 et 346.

Les porteurs de briques sont précédés par un homme qui ne porte pas de fardeaux, mais tient à la main un petit bâton et semble diriger la marche des ouvriers qui s’apprêtent à le suivre. Le bâton était en Égypte l’insigne du commandement et le personnage qui le tient est toujours le chef des autres. Dans le registre supérieur de la figure 345, nous voyons un autre chef de travail, représenté assis et tenant également un bâton. Il surveille le travail de la confection des briques, qui se fait devant lui.

Enfin la figure 347 nous montre l’emploi des briques dans la construction. Dans- le monument original, la couleur dont sont peints les personnages indique qu’ils appartiennent à des races différentes. Les véritables Égyptiens, parmi lesquels sont toujours les chefs, sont caractérisés par la teinte rouge de leurs chairs, tandis que les Asiatiques sont représentés de couleur jaune. Les Égyptiens qui font le travail des manœuvres sont peut-être des condamnés, mais les étrangers que notes voyons ici sont à coup sûr des prisonniers auxquels on imposait une tâche quotidienne souvent très lourde.. On peut même supposer que ceux-ci sont des Juifs, puisque nous savons par les récits bibliques qu’ils étaient employés à ces sortes de travaux. Vous exigerez d’eux, dit le livre sacré, la même quantité de briques qu’ils rendaient auparavant sans en rien diminuer. Et ce document, dit M. Paul Pierret, est confirmé par le papyrus Anastasi. Seulement il faut bien remarquer que les Hébreux n’ont pas été seuls employés à des travaux de ce genre, mais qu’ils étaient également, imposés à un très grand nombre de prisonniers appartenant à des nations différentes.

Les monuments romains qui représentent des maçons dans l’exercice de leur travail sont d’une extrême rareté. Cependant les figures tirées de la colonne Trajane montrent des soldats romains employés à la construction d’un rempart ; des légionnaires se passent des matériaux pour la muraille ou bien chargent des déblais dans des paniers d’osier (fig. 348 et 349).

 

LES CHARPENTIERS. — La colonne Trajane nous montre (fig. 350) des soldats romains occupés à abattre des arbres. Cette scène se rattache à la construction d’un camp, mais elle nous montre égale ment que pour la manière d’opérer et pour l’outillage, il n’existe aucune différence entre les bûcherons de l’antiquité et ceux du temps présent.

Le même monument représente un peu plus loin deux soldats transportant un tronc d’arbre qui est suspendu par une corde à une barre de bois posée sur leurs épaules (fig. 351).

On employait différentes sortes de bois suivant l’usage qu’on en voulait faire. Les arbres dont on se sert pour la construction des édifices, dit Vitruve, comme le chêne, l’orme, le peuplier, le cyprès et le sapin, n’y sont pas aussi propres les uns que les autres et l’on ne peut pas faire avec le chêne ce que l’on fait avec le sapin, ni du cyprès ce qu’on fait de l’orme, chacun ayant des propriétés différentes à cause des principes dont il est composé et qui ne présentent pas les mêmes effets.

Le bois, beaucoup plus facile à se procurer et à travailler que la pierre, a dû être employé de tout temps en Grèce comme en Italie. Plus tard, quand l’usage de la pierre prévalut pour les temples, le bois fut relégué dans le toit. A Athènes, la charpente continua longtemps à être le mode de construction le plus usité pour les maisons particulières ; mais il n’en fut pas de même dans d’autres villes, à Alexandrie par exemple.

L’habileté des anciens, dit M. Beulé, dans le travail des charpentes est constatée par le Digeste, puisqu’on faisait pour les cours des charpentes mobiles qui se montaient l’hiver et se démontaient l’été. A Cyzique, selon Pline, le lieu où se réunissait le sénat était couvert de la même manière. La charpente était assemblée sans boulons, ni ferrements, les poutres se démontaient et s’ajustaient à volonté.

Le plafond du temple d’Éphèse, d’après le témoignage de Pline, était en bois de cèdre. Mais dans les édifices dont le plafond était en pierre, comme le temple de Thésée on les Propylées d’Athènes, la disposition des solives et des caissons de marbre rappelait évidemment la toiture.

Une invocation tirée, de l’Anthologie, contient une énumération des outils en usage parmi les menuisiers.

Un niveau avec son fil à plomb, un maillet de bois, des planes avec leur double poignée une forte hache à fendre les souches ; une scie droite que guide la raie de vermillon, des tarières avec leur manivelle, des vilebrequins, un cordeau enduit de rouge résonnant sous les doigts qui le soulèvent, jeune déesse aux yeux pers, le menuisier Léontichus te les consacre ; car les ans lui ont ôté la force de s’en servir.

L’usage de la hache doit être presque aussi ancien que celui du marteau. C’est avec une hache qu’Ulysse taille et polit les planches destinées à son navire : il se sert également de clous ou de chevilles pour les unir. Au reste, les clous servaient aussi à la décoration des meubles : on voit souvent dans Homère .des siégés ornés, de clous d’argent. On connaissait aussi le niveau, la règle et l’aplomb. La scie, dont Pline attribue l’invention au fabuleux Dédale, est un instrument qui annonce des connaissances assez avancées dans le travail des métaux. Homère ne la décrit pas absolument, mais il la connaissait sans aucun doute, puisqu’il parle de plaques d’ivoire qu’on avait dû scier pour en orner les lits, les sièges et les portes.

Les charpentiers, les menuisiers, et en général tous les artisans obligés de tracer des lignes droites et de prendre des mesures exactes, se servaient de règles assez analogues à celles que nous employons. Ces règles étaient en bronze : on en a retrouvé une à Pompéi qui est divisée par une série de points placés à égale distance et qui servait ainsi de mesure. Une petite lame de métal placée sur un des côtés de la règle et venant s’adapter à deux petits clous (fig. 352) posés sur l’autre côté empêchait la règle de se refermer par elle-même lorsqu’on voulait la tenir ouverte, et assurait ainsi son immobilité. Enfin sur la figure 353, nous voyons une mesure linéaire en forme de compas de réduction.

Les compas dont on se servait étaient identiques à ceux que nous employons à présent : on peut en juger par les modèles ci-contre qui représentent des instruments pris à Pompéi. La figure 355 est un compas pour tracer des cercles, la figure 354 un compas pour prendre l’épaisseur des solides et la figure 356 un compas de réduction.

Une stèle du musée d’Autun représente un menuisier vu à mi-corps et tenant en main un instrument qui ressemble à un marteau. Un outil de menuisier est sculpté sous le buste (fig. 357).

Un marteau d’une autre forme se voit également sur la figure 358 qui représente un charpentier d’après un monument funèbre d’une basse époque. Un autre monument (fig. 359) nous montre plusieurs des outils du fabricant de meubles ; on y voit un compas, une équerre, un instrument recourbé qui rappelle les pistolets dont nous nous servons pour le dessin linéaire, et une sorte de hache courbe dont il est assez difficile aujourd’hui d’expliquer l’usage.

Les fouilles ont mis au jour un certain nombre d’outils, et les peintures des tombeaux nous font voir de quelle manière les Égyptiens les employaient. Ils connaissaient la règle, l’équerre et le fil à plomb ; ils avaient des ciseaux, des vrilles, des haches, des erminettes, des scies, des rabots. Tous ces outils sont en bronze ; la poignée est généralement, faite avec de l’acacia, du tamarix, ou d’autres bois durs. Les Égyptiens n’ont pas fait usage du fer, ou du moins cet usage n’a jamais été répandu, soit parce que le fer était rare dans le pays, soit par une raison religieuse, car ce métal était considéré comme un os de Typhon, le mauvais principe.

Le ciseau s’employait à peu près comme de nos jours : on le frappait avec un maillet de bois, quelquefois aplati sur les côtés, quelquefois d’une forme ovoïde ou circulaire.

Les hachettes étaient surtout employées par les charpentiers ou les constructeurs de bateaux : mais la double scie dont se servent aujourd’hui les scieurs de long ne paraît pas avoir été connue des anciens Égyptiens. Si nous en jugeons par les peintures, le procédé qu’on employait pour scier une poutre dans sa longueur était même assez barbare : on la liait fortement entre deux poteaux fixés en terre, et le charpentier, muni d’une grande scie qu’il tenait à deux mains, opérait son travail en commençant par le haut (fig. 360).

L’industrie romaine était plus avancée et on voit l’emploi d’une scie analogue aux nôtres sur la figure 361, tirée d’un vase funèbre.

La figure 362 représente des génies menuisiers, occupés à scier un bout de planche sur le bord d’un établi à tréteaux. Sur l’établi, on voit le crampon de fer qui sert à fixer les objets, et par terre un marteau avec une caisse à outils. Un petit vase, pour la colle ou pour le vernis, est posé sur une tablette contre la muraille.

Un établi d’une forme un peu différente apparaît suc un bas-relief romain : ici le menuisier est en train de travailler à un fragment de meuble dont la foi-me est arrondie (fig. 363).

Les Égyptiens paraissent avoir été assez avancés dans l’art du placage et de la marqueterie. Dans un tombeau de Thèbes, remontant au temps de Thoutmès III, on voit un menuisier plaquant une pièce de bois rare sur une autre de bois plus commun ; devant lui est un bloc de bois sur lequel est posée son erminette (fig. 364). Mais la scène représentée à côté n’est pas moins curieuse. Elle montre un ouvrier broyant avec une pierre une substance destinée à faire une sorte de glu, qui était probablement l’équivalent de notre colle forte, et qu’un autre applique avec un pinceau plat sur une planche (fig. 365).

Les outils du métier sont, suivant l’usage, représentés sur la muraille. On y voit entre autres : un pot, contenant cette colle forte, et placé sur le feu ; une règle, une équerre, et enfin un coffret terminé pour indiquer l’occupation à laquelle on se livre en ce moment.

Ailleurs on voit des ouvriers travaillant à des pieds de meubles en forme de pattes d’animaux, d’autres confectionnant une chaise (fig. 366), d’autres enfin polissant une sorte de colonnette en bois destinée à un meuble (fig. 367).

Outre les tables, les Égyptiens employaient certains supports dont la figure 368 nous montre la forme. C’est un meuble assez riche, décoré d’incrustations, et destiné très probablement à supporter un vase ou tout autre objet de prix. Le modèle que nous reproduisons est au Musée britannique. La forme générale du meuble est celle d’une pyramide tronquée, mais la manière dont les traverses sont disposées est d’une véritable élégance.

Enfin nous donnons, figure 369, un petit coffret de marqueterie d’un travail très délicat, mais dont l’usage serait difficile à expliquer.