LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME III — LE TRAVAIL DANS L’ANTIQUITÉ

L’INDUSTRIE. — III. - LA CÉRAMIQUE

 

 

LA FABRICATION. - LES POTERIES ÉGYPTIENNES. - LES POTERIES. - BABYLONIENNES. - LES POTERIES GRECQUES. - LES POTERIES ÉTRUSQUES. - LES POTERIES ROMAINES. - LES POTERIES BARBARES. - LES TERRES CUITES.

 

LA FABRICATION. — Les tombeaux de Thèbes et de Beni-Hassan nous révèlent les procédés de fabrication des potiers. L’argile se pétrissait avec les pieds jusqu’à ce qu’elle arrivât à point ; on en prenait alors un morceau qu’on façonnait avec la main avant de le mettre sur le tour, et pendant la rotation les doigts lui imprimaient des formes diverses. Les anses se mettaient après coup, et on traçait les légendes et les ornements avec un instrument de bois ou de métal.

Un atelier de potiers est représenté au grand complet dans les peintures qui décorent les hypogées de Beni-Hassan. On voit d’abord les ouvriers qui impriment aux vases des formes diverses en maniant la terre glaise qui est posée sur des espèces de socles circulaires tournants (fig. 160). L’un façonne avec ses doigts l’intérieur et un autre l’extérieur d’un vase qui tourne sur son socle ; un troisième est occupé à en denteler la base ; près d’eux sont des coupes déjà faites et d’autres en préparation (fig. 161). Plus loin, un ouvrier forme avec ses deux mains une dalle ronde en argile ; devant lui on remue l’intérieur d’un four dont la flamme sort par le haut (fig. 162). Puis un ouvrier passe des pots à son camarade pour qu’il les pose sur le four à cuire, et un autre emporte ceux qui sont déjà cuits (fig. 163).

Sur un autre monument nous voyons (fig. 164) des ouvriers occupés à la confection des vases. L’un d’eux, assis sur une chaise d’artisan comme celle que nous avons reproduite en parlant du mobilier (tome II, fig. 592) tient un ciseau avec lequel il parait en train de tracer un filet en creux sur un vase placé devant lui. Un autre pétrit sa terre et arrondit son pot avec la main ; un troisième emporte un vase terminé.

Plusieurs monuments grecs ou romains, notamment des pierres gravées, nous montrent des artisans se livrant à une occupation du même genre. Sur la figure 165 on voit un sculpteur en train de faire les cannelures en spirale qui décorent la base d’un pot d’assez grande dimension et pourvu de deux anses. Celui-ci tient un marteau dans la main droite. L’outillage était donc différent de celui qui était employé en Égypte, car l’artisan égyptien que nous avons vu représenté sur la figure 164 frappe sur son ciseau avec une simple pierre plate et ne fait pas usage du marteau.

Le personnage que nous voyons représenté sur la figure 166 est en train d’étaler sa couleur sur un petit vase qu’il tient à la main. Aussi loin que l’on veuille remonter dans l’antiquité on trouve toujours des poteries colorées. On se servait, pour étaler la couleur, de pinceaux qui ne semblent pas très différents par leur forme de ceux que nous employons aujourd’hui. On ne voit pas sur cette représentation le récipient dans lequel le peintre puise sa couleur. La figure 167 nous montre un de ces récipients dans lequel on a représenté le pinceau ; comme il est de forme arrondie à la base, on l’a placé sur un petit appareil destiné à le maintenir dans la station verticale.

Quand le vase est coloré, il n’est pas complètement terminé pour cela. il faut encore lui donner du lustre, c’est-à-dire le vernir. C’est cette opération que nous voyons représentée sur la figure 168. L’artisan tient ici deux pinceaux, un pour chaque main, et il emploie les deux à la fois. Le pot qu’il est en train de vernir est placé au-dessus d’un fourneau, ce qui semblerait prouver qu’une assez forte chaleur était jugée nécessaire pour le vernissage d’un vase.

Des divinités spéciales avaient pour mission de veiller à la cuisson et à la fabrication des vases, et les rapsodes composaient des chants en leur honneur. L’épigramme homérique sur la terre à potier nous montre qu’on pratiquait déjà le chantage dès une haute antiquité : Accorde-moi une récompense, ô potier, et je ferai entendre mes chants. Viens en ces lieux, Minerve ; protège ces fourneaux de ta main puissante. Fais que les vases et les corbeilles se colorent d’une teinte brunâtre, qu’ils cuisent à point, qu’ils se vendent bien, qu’ils aient un grand débit, soit au marché, soit dans les rues, qu’ils rapportent beaucoup et qu’ils me rapportent aussi à moi puisque je chante. — Mais, ô potier, si tu me refuses un salaire en me trompant, j’invoquerai contre toi tous les dieux funestes aux fourneaux : Syntribe, Smaragos, Asbetos, Sabactès, Homodamos, qui causent de grands dommages aux potiers. Je les prierai pour que tout le fourneau soit détruit au milieu de tes cris d’alarme, et que, dans l’intérieur ; les vases fracassés soient éparpillés en éclats.

Le chimiste Brongniart, qui fut longtemps directeur de la manufacture de Sèvres, parle ainsi de la fabrication des poteries grecques : La façon de ces poteries, dit-il, est souvent parfaite et très soignée, au point que le dessous des pieds de certains vases présente des moulures peu saillantes et tournées avec une grande pureté. Des instruments semblables à nos estampilles ou cachets ont souvent été employés pour former  des ornements comme gravés sur différentes parties de ces vases. La ressemblance complète de ces ornements et la manière dont ils sont estampés sur la pièce ne laissent aucun doute sur ce mode de fabrication. Il y a très peu de pièces ovales, encore moins de rectangulaires ; des côtes arrondies ou godrons délicats, mais prononcés avec fermeté, ornent le corps des pièces. Leur irrégularité prouve qu’ils ont été faits à l’outil et non au tour, sur la pièce encore fraîche ; leur obliquité sur le pied de la pièce, due à la retraite en spirale qu’elle a prise en cuisant, prouve qu’ils n’ont pas été faits dans un moule. Les garnitures, anses et becs sont en général simples, sans jamais être lourds ; des méplats tellement sentis et réguliers qu’ils sembleraient avoir été faits à la filière, des côtes peu saillantes, parallèles aux bords, et des torsades, allégissent les anses sans leur ôter la solidité qui leur est nécessaire.

La plupart de ces vases ont été ébauchés d’une seule pièce ; mais quand ce mode de façonnage n’était pas praticable, soit en raison de la forme de la pièce, soit en raison de sa grandeur, le collage est en général si exact et si parfait qu’il est très difficile d’en découvrir les traces, par conséquent de déterminer avec certitude le mode de façonnage. Les pièces ovales très rares et les figures d’animaux des rhytons ont été faites dans des moules à deux coquilles. Ces poteries sont généralement à pâte rougeâtre pâle et sale, très souvent couvertes d’ornements en noir et de figures réservées en rouge. Il n’y a que très rarement des ornements et des figures en relief, encore ces figures sont-elles mates et accompagnées d’ornements noirs et rouges.

Le vernis qu’on appelle rouge et jaune ne me paraît avoir aucune couleur ; mais comme il est mince et transparent, il exalte et ravive la couleur rougeâtre de la pâte. Le noir, seconde couleur dominante des vases campaniens, peut être aussi considéré comme un vernis général placé sur le premier. Les vases campaniens présentent quelques autres applications de couleurs peu variées et toujours mises en teinte plate... Les figures, qui sont presque toujours en rouge sur’ un fond noir ; ont été réservées ; on en a tracé les contours avec du noir, et le fond a été mis au pinceau et réchampi à l’entour des figures. La plus simple attention suffit pour faire voir que les anciens n’ont employé dans le posage des fonds et la peinture des figures et ornements, ni le procédé du putois, ni celui du grattage, ni celui des types ou réserves découpées. Il y a plus d’incorrections, mais aussi plus de sentiment ; celui de l’ouvrier artiste qui dessinait et touchait si rapidement ces figures s’y présente dans toute sa force et dans toute sa naïveté ; c’est ce qui fait le mérite, ou au moins l’intérêt de ces sortes de peintures.

En Grèce, les fabriques les plus importantes sont Athènes et Corinthe. Le Péloponnèse est relativement plus pauvre, mais dans l’Archipel, Mélos et Théra ont donné de nombreux et intéressants produits. En Sicile, les pays soumis aux Carthaginois paraissent avoir fabriqué moins activement que les autres. Agrigente, Géla, Camarina, ont donné lieu à des découvertes plus importantes que la riche Syracuse. Dans l’Italie méridionale, Locres et Tarente sont les deux points où la fabrication paraît avoir été la plus ancienne. Canusium (aujourd’hui Canosa) et Rubi (aujourd’hui Ruvo) étaient pourvues de nécropoles qui ont fourni des fouilles curieuses. Les nombreux vases de Cumes et de Nola appartiennent à une fabrication qu’on regarde comme postérieure à la domination des Samnites. Au nord de Rome, Tarquinies et Vulci ont doté les grandes collections d’Europe de trésors inappréciables pour l’art et l’archéologie. Le musée de Saint-Pétersbourg possède presque tout ce qui a été découvert à Panticapée, en Crimée, et le musée de Leyde est particulièrement riche en produits de la Cyrénaïque.

La plupart des peuples, dit Pline, font usage de vases de terre. On vante Samos pour sa vaisselle. Arretium, en Italie, conserve encore sa célébrité. Sorrente, Asta, Pollentia ont la vogue, mais seulement pour les coupes, ainsi que Sagonte, en Espagne, et Pergame, en Asie. Tralles et Mutines, en Italie, ont de même leurs’fabriques ; car les ouvrages de ce genre font aussi la gloire des nations, et quand ils sortent d’une manufacture distinguée, on les transporte par terre et par mer dans tous les pays du monde. On voit encore aujourd’hui, dans un temple à Erythres, deux amphores consacrées à cause de leur finesse. Un maître et son élève s’étaient défiés à qui des deux ferait en terre le vase le plus mince. Les amphores de Cos sont les plus belles ; celles d’Adria les plus fermes. Les amphores ont donné lieu à quelques exemples de sévérité. Nous lisons que Q. Coponius fut condamné comme coupable de brigue, pour avoir donné une amphore à un homme qui avait droit de suffrage. Et afin que le luxe assure aussi quelque dignité à la vaisselle de terre, je dirai que du temps de Fenestella, le service à trois plats était le dernier effort de la magnificence dans les festins ; ce qui annonçait déjà la décadence des mœurs, moins perverties pourtant que celles des philosophes de la Grèce, puisqu’à la mort d’Aristote, soixante-dix plats furent mis en vente par ses héritiers... Vitellius, pendant son règne, se fit construire un plat qui coûta un million de sesterces, et pour lequel on bâtit un four en pleine campagne ; car tels ont été les progrès du luxe, qu’un plat de terre est aujourd’hui plus cher qu’un vase murrhin.

En Grèce, Samos était un centre important de fabrication pour les vases et ustensiles de terre destinés aux repas. Les pièces de luxe se faisaient plutôt à Athènes, où tout un quartier prenait le nom de Céramique, à cause des potiers qui l’habitaient. Ce qui contribuait à la supériorité des produits athéniens sous ce rapport, c’est que l’argile fine du promontoire Colias, près Phalère, était particulièrement propre à la fabrication des vases.

Les Romains ont employé quelquefois des vases de grandeur colossale, et qui devaient présenter de sérieuses difficultés pour la fabrication.

D’aussi grandes pièces, dit M. Albert Jacquemart, ne pouvaient être travaillées au tour ; on les construisait à la main, au moyen de colombins, sortes de plaques rectangulaires et courbes que l’on plaçait par zones circulaires superposées, en les pressant à la main par leurs deux faces pour les faire adhérer entre elles et les réunir intimement avec les zones déjà posées. Avec une dessiccation plus ou moins prolongée, selon l’épaisseur des parois, les vases étaient roulés jusqu’au four, où ils étaient placés avec soin pour recevoir une cuisson de quarante-huit heures environ. Au bout de huit jours de refroidissement on procédait au défournement ; c’est du moins ainsi que cela se pratique dans la fabrication moderne, tout à fait identique à l’ancienne.

On a retrouvé quelques fours à potiers, qui remontent pour la plupart à la période romaine. Il y en avait à peu près dans toutes les provinces.

La figure 169 représente un four romain découvert en Angleterre, dans le Northamptonshire, et qui paraît avoir servi pour de la poterie. La poterie avait pris une assez grande importance en Gaule, après la conquête romaine. Un four romain à poterie, que reproduit la figure 170, a été découvert aux environs de Strasbourg.

 

POTERIES ÉGYPTIENNES. — On a retrouvé dans les fouilles peu de grands vases, mais un très grand nombre de petits pots à pommade, de statuettes figurant des divinités, ou de pions servant à des jeux assez analogues à notre jeu de dames ou d’échecs. Les poteries égyptiennes sont composées d’une terre très différente de la véritable porcelaine, mais on ne peut pas davantage leur donner le nom de faïence, puisqu’elles résistent sans se fondre à la température du four à porcelaine. Elles constituent donc une classe à part.

Les terres cuites égyptiennes, dit M. Albert Jacquemart, proviennent toutes des fouilles opérées dans les nécropoles, et on les trouve constamment avec les plus précieux travaux de verrerie, d’émail et de bijouterie ; il faut dès lors reconnaître qu’elles occupaient un rang important dans l’estime des hautes classes de la société, et, en effet, ces terres, composées de quatre-vingt-douze pour cent de silice, sont si pures, si serrées, et tellement aptes à conserver les plus fins reliefs, les empreintes les plus délicates, qu’on les avait d’abord nommées porcelaines d’Égypte. Souvent recouvertes d’une glaçure luisante, elles montrent rarement la teinte blanche de la mie, et sont colorées par des oxydes de cuivre bleu céleste ou vert tendre. Du moment où ces terres ne peuvent prendre le nom de porcelaines, doit-on les classer parmi les faïences ? Pas davantage, car elles résistent, sans se fondre, à la température du four à porcelaine dure, la plus élevée de toutes. Les terres siliceuses ou quartzeuses de l’Égypte tiennent dès lors le milieu entre la porcelaine et les grès cérames ; elles sont le produit d’un art avancé, et si leur coloration générale est aussi uniforme, on doit l’attribuer bien plus à certaines règles symboliques qu’à l’impuissance des artistes antiques. On peut voir dans la riche suite du Louvre des pâtes à glaçure blanche rehaussées de dessins incrustés ou peints en bleu, noir, violet foncé, vert et même rouge ; le vert et le bleu de cuivre s’associent bien au bleu de cobalt, au noir, au brun, au violet de manganèse, au blanc et au jaune. Ce qui prouve d’ailleurs avec quelle certitude les potiers opéraient ces combinaisons, c’est qu’on rencontre des pièces où les tons divers occupent des espaces très restreints et tranchent vivement l’un sur l’autre ; une figurine bleue a le visage coloré en jaune doré, des bracelets bleu foncé portent sur leur surface des hiéroglyphes réservés en bleu céleste, ou réciproquement. Quelquefois l’objet à décorer a été gravé, puis un émail vif a rempli les cavités pour venir araser la surface ou la dépasser légèrement. Voilà donc tous les procédés que pourra nous offrir la céramique dans ces âges divers employés là où Brongniart avait cru entrevoir une certaine uniformité résultant de l’inexpérience ! Or l’étonnement augmente lorsqu’on cherche à quelle époque il faut attribuer ces travaux ; les autorités les plus incontestables font remonter à 3850 ans avant notre ère les belles statues de bois de l’ancien empire envoyées à l’Exposition universelle de 1867 par le vice-roi ; la période la plus florissante de l’art égyptien du nouvel empire correspond au XVIIe siècle avant Jésus-Christ ; les peintures des hypogées montrent les formes variées, l’élégance des vases et leur emploi multiplié dans tous les actes de la vie civile ou religieuse ; on peut se convaincre ainsi de l’état d’avancement de la céramique aux diverses époques de la puissance des pharaons ou de leurs successeurs, et distinguer trois âges dans les objets en terre siliceuse : la haute antiquité fournit les produits à peine ressemblant à un biscuit de porcelaine, et ceux couverts d’un enduit excessivement mince ; l’antiquité moyenne se manifeste par des objets moins purs de travail et couverts d’une glaçure tellement épaisse qu’on pourrait la prendre pour un émail ; l’ère des Ptolémées se reconnaît à une influence grecque très marquée ; la poterie siliceuse fait place à une poterie à pâte grossière et tendre, tantôt peinte sur la surface nue, tantôt couverte d’une glaçure, fabrication qui s’est continuée dans les ne et me siècles après Jésus-Christ, sous la domination romaine.

Les Égyptiens avaient des poteries odorantes qui se fabriquaient à Coptos ; ce genre de fabrication se faisait aussi dans l’île de Rhodes. Athénée, nous fournit sur ce sujet les renseignements suivants :

Quant aux vases à boire, bannissons d’ici ceux de terre cuite ; car Ctésias rapporte que ceux qui sont disgraciés du roi de Perse ne se servent que de ces terres cuites. Je sais cependant que les vases de terre cuite plaisent assez souvent ; tels sont ceux qu’on nous apporte de Coptos, car ils sont faits d’une terre cuite pétrie avec des aromates.

Aristote dit, dans son Traité de l’Ivresse : Les petites marmites (chytrides) qu’on appelle rhodiaques, ou de Rhodes, se servent dans des débauches de vin, tant pour l’agrément que, parce qu’étant échauffées, elles donnent au vin qu’on y boit une qualité moins enivrante. On les forme en faisant bouillir ensemble de la myrrhe, du jonc odorant, du safran, du baume, de la cannelle, et le vin qu’on en verse et qu’on boit calme non seulement l’ivresse, mais il assoupit même les feux de l’amour.

Les figures 171 et 172 nous montrent des vases égyptiens qui par leurs proportions ont l’importance d’un meuble. Ils devaient contenir des liquides ou des provisions. La base arrondie de quelques-uns ne permettant pas de les poser sur le sol, on les plaçait sur un pied ou un coussin (fig. 173, 174). Il y en a qui sont richement décorés.

L’industrie des potiers égyptiens était extrêmement variée ; outre les vases et les petites boîtes, on a retrouvé dans les tombeaux un très grand nombre de petites statuettes en porcelaine bleue ou verte, qu’on plaçait dans les sarcophages, surtout à l’époque des Ptolémées. On a également trouvé des petits pions servant à divers jeux et représentant soit des divinités, soit des combattants, soit des esclaves agenouillés et les mains liées derrière le dos, tantôt nègres, tantôt asiatiques. Enfin, il ne faut pas omettre les ravissantes petites chattes bleues, qui sont presque toujours des représentations de la déesse Pacht.

Plusieurs objets en porcelaine, notamment des boîtes ou pots à pommade, ont été considérés comme de véritables tours de force du métier, et sont en même temps d’un goût exquis comme décoration. La manufacture de Sèvres a reproduit plusieurs modèles égyptiens.

A vrai dire, les vases d’un très grand prix parvenus jusqu’à nous sont en petit nombre, mais ceux qu’on voit dans nos musées aident à faire comprendre les splendides vases qu’on voit représentés sur les peintures des hypogées, et leur donnent en quelque sorte un brevet de véracité.

Les vases en matière tendre, ou ceux qui étaient pointus par le bas et se rattachaient au type de l’amphore, étaient posés sur des supports dont les figures 175 et 176 nous offrent les modèles.

Pour les transporter d’un endroit à un autre, on les suspendait à un bâton au moyen d’une espèce de filet en corde tressé, comme nous le voyons dans les figures 177 et 178.

Les figures qui suivent montrent au contraire des vases reposant sur leurs propres bases. La forme est presque toujours d’une grande pureté, et les proportions présentent une élégance et une harmonie qu’on est étonné de trouver à une époque aussi reculée. Quelques-uns ont deux anses, d’autres n’en ont pas du tout.

Le décor est aussi d’une étonnante variété. Quelquefois il est d’une extrême simplicité : un cordon de fleurs et de boutons de lotus tombant du col en fait tous les frais (fig. 179). Dans d’autres ce sont des branches de vigne, toutes chargées de fruits, qui descendent sur la panse, en la recouvrant entièrement, ou bien s’épanouissent en partant du centre pour remonter jusqu’au goulot (fig. 180). Les teintes claires dominent dans la plupart des vases en porcelaine ; il y en a. pourtant où’ le blanc ne paraît qu’à l’état d’accident.

La figure 181 nous montre un vase à teintes sombres, dont le décor ne comporte aucun feuillage. Le haut et le bas du vase sont tout unis, et le milieu de la panse est orné seulement par une bande claire coupée de fers de lance. La disposition des anses qui partent du centre et remontent jusqu’au goulot est d’un style très remarquable.

J’ai recueilli, dit M. Delaborde, au fond des tombeaux de Memphis, d’innombrables figurines émaillées et quelques divinités dont le corps, couvert du plus bel émail bleu, a été poinçonné, avant la cuisson, d’hiéroglyphes d’un dessin net, admirable. Ces hiéroglyphes, ainsi imprimés en creux, ont été remplis de pâte d’émail blanc et jaune, qui, par la fusion, adhère à l’émail bleu sans s’y mêler et présente à l’œil, dans une surface unie, une inscription blanche et jaune de la plus parfaite netteté, se détachant au milieu du bleu le plus vif. La collection égyptienne du Louvre offre, dans ses vitrines, plusieurs pièces remarquables de ce genre de fabrication.

 

LES POTERIES BABYLONIENNES. — Les contrées que baignent l’Euphrate et le Tigre sont en général assez pauvres en pierres, et à Babylone notamment, la brique était exclusivement employée pour les constructions. Dans un pays ainsi constitué, la poterie et les travaux en terre cuite ont dû prendre nécessairement un grand développement. Nos collections renferment quelques fragments de briques émaillées découvertes sur l’emplacement de Babylone. Les briques de Babylone, dit Albert Jacquemart dans son Histoire de la céramique, sont en terre peu cuite, d’un blanc jaunâtre tournant au rose ; les dessins qu’elles portent ne sont pas émaillés ; c’est une glaçure composée de silicate alcalin d’alumine, sans traces de plomb ni d’étain ; l’argile n’est pas recouverte partout ; réservée dans certains points, elle ajoute, par sa couleur carnée, à la variété de la peinture, où domine le bleu turquoise des Égyptiens, un gris bleuté plus foncé que la teinte céleste, un blanc plus ou moins pur rehaussé de quelques points jaunâtres, dus sans doute à une ocre ferrugineuse. Des rosaces, des palmettes, des séries d’oves, des dispositions symétriques se rapprochant de l’art grec, tel est le style général des briques à ornements et des fragments céramiques recueillis en Phénicie, en Assyrie et jusque dans la Perse antique. La réunion de ces débris avec des grains travaillés en émail et en verre prouve à quel point était arrivé, dans ces contrées, l’art des vitrifications. Mais les briques ne portent pas seulement des arabesques ; Ctésias et Diodore assurent qu’on v voyait aussi des sujets de chasse. En effet, dans les fouilles effectuées à Khorsabad sur l’emplacement de l’ancien palais assyrien, M. Place a mis au jour, en arrière d’une colonnade, un mur encore debout, de vingt et un pieds de long sur cinq de haut et entièrement revêtu de briques peintes représentant des hommes, des animaux et des arbres.

Suivant Hérodote, l’ancienne capitale de la Médie, Ecbatane, était entourée de murs présentant sept couleurs différentes, et il y a tout lieu de penser que ces couleurs étaient appliquées sur de la terre cuite. L’emploi de la céramique dans ces contrées paraît avoir été général dès la plus haute antiquité, et la rareté des échantillons que nous en possédons vient surtout de l’extrême ; difficulté des voyages.

 

LES POTERIES GRECQUES. — L’industrie du potier est une de celles qui remontent le plus haut dans l’histoire ; il en est question dans la Bible aussi bien que dans Homère. Nous avons parlé déjà des poteries de l’Égypte et de celles de l’Assyrie. L’Asie Mineure et les Cyclades ont aussi une fabrication extrêmement ancienne. Les fouilles de Santorin ont fait découvrir des vases à fond jaunâtre qu’ornent des dessins dont la gaucherie fait sourire.

Les plus anciens vases peints ont été trouvés à Santorin (fig. 182), à Milo, à Rhodes, à Chypre et dans la plaine de Troie. La plupart de ces vases ont été fabriqués par des potiers d’Asie, habitant les îles de l’Archipel et les côtes de l’Asie Mineure. Quelques-uns remontent à neuf, dix et même douze siècles avant l’ère chrétienne. Ce sont des vases de terre, dont la couleur est jaune ou blanchâtre, et dont la décoration consiste en zones brunes ou noires, accompagnées de méandres ; plus rarement on y voit des poissons, des serpents ou des oiseaux peints au trait.

Le type de vase que je rencontre le plus fréquemment, dit M. Schliemann, en parlant des fouilles de Mycènes, a la forme d’un globe soutenu par un support plat, surmonté d’un cou étroit très élégant, qui n’est pas percé ; l’extrémité supérieure de ce cou est reliée, des deux côtés, à la partie supérieure du corps par une anse d’un beau dessin. L’ouverture véritable du vase est en forme de tuyau et toujours voisine du cou non percé. Ces vases présentent toujours une ornementation peinte très variée, qui consiste en bandes circulaires horizontales (fig. 183), en spirales et autres décorations de fantaisie, qui varient d’un vase à l’autre. Le cou non percé de ces vases se termine par une surface plane ; au centre de cette surface, il y a généralement un point blanc, entouré de trois, quatre, six cercles rouges, ou même davantage ; quelquefois c’est une croix qui est peinte au milieu de ces cercles.

Après les méandres, les chevrons et les ornements quadrillés des vases du plus ancien style, on voit apparaître des animaux naturels ou fantastiques, toujours disposés en zones et se suivant comme dans une procession. On a donné à ces produits céramiques le nom de vases peints de style oriental ou asiatique (fig. 184 et 185). Ces sortes de compositions paraissent être imitées de celles qui décoraient Ies tissus et les tapis de l’ancien Orient. Aristote dit en parlant d’un tissu de ce genre : Le haut représentait les animaux sacrés des Susiens, le bas celui des Perses.

Un des caractères de l’art oriental consiste dans l’association bizarre de la forme humaine à celle de certains animaux, quadrupèdes, oiseaux ou poissons. On remarquera aussi dans la plupart des animaux la longueur démesurée du corps ; ce sont des formes toutes conventionnelles, mais d’une allure souvent magnifique.

Les vases peints de style oriental peuvent se diviser en deux classes : les plus anciens portent seulement des marches d’animaux, tandis que sur les autres on voit des sujets mythologiques encadrés dans des zones d’animaux. Les vases décorés de figures humaines sont toujours d’une fabrication plus récente. Toutefois on ne peut émettre à ce sujet que des appréciations relatives, parce que l’art ayant progressé plus rapidement en Asie, des vases à figures venant de cette contrée peuvent être contemporains de vases tout à fait archaïques fabriqués en Occident.

Les types qui constituent l’ornement grec sont en somme peu nombreux, mais chaque modèle comporte une variété infinie dans ses applications. Nous en avons un exemple dans la palmette. Les quatre figures 186, 187, 188 et 189 ne sont que des formes diverses d’un type unique. Les branches de la palmette sont plus écartées ici que là, elles portent leur courbure en dedans ou en dehors, elles s’arrondissent ou s’appointissent un peu plus à leur extrémité, mais toujours nous y trouvons le même principe de composition : elles partent d’une racine unique, elles s’élèvent ou se renversent d’après une loi symétrique d’alternance.

Les figures 190 et 191 sont empruntées à l’ornementation des vases grecs. Malgré la richesse apparente de cette décoration, elle se compose uniquement de palmettes dont le sommet est tourné dans différentes directions.

Quoique l’imitation de la plante n’ait pas dans l’art décoratif des Grecs la même importance que dans celui des Egyptiens, elle est très  visible dans un grand, nombre d’ornements dont les figures 192, 193 et 194 vont nous montrer des exemples. Dans ces ornements, la tige centrale est droite et s’élève verticalement ; les feuilles et les graines s’en échappent à des intervalles symétriques.

La répétition d’une même forme à des intervalles déterminés est un des principes fondamentaux de l’art grec : la figure 195 en offre un exemple. Mais cette répétition engendrerait nécessairement la monotonie, si elle n’était pas réveillée par un système d’alternances qu’on retrouve dans la plupart des ornements grecs. Un ornement dont la direction s’élève de bas en haut alternera avec un ornement dont la direction sera oblique (fig. 196), ou bien avec un ornement d’un caractère tout différent du premier (fig. 197). Si deux ornements absolument pareils sont destinés à correspondre l’un à l’autre, ils changeront de côté, afin de produire l’alternance (fig. 198 et 199).

L’ornement veut-il s’épanouir en pétales arrondies dont l’ensemble décrira une courbe, vous verrez un bouton très pointu s’élever entre chaque fleur (fig. 200) ; montre-t-il des feuilles qui s’élancent en ligne, droite, vous les verrez alterner avec d’autres qui se courbent légèrement (fig. 201) ; présente-t-il une série de demi-cercles qui veulent entrer l’un dans l’autre, vous verrez la petite boule alterner avec le fer de lance, la feuille large alterner avec la feuille plus effilée (fig. 202).

L’alternance des formes arrondies et des formes pointues est particulièrement visible sur les ornements représentés figures 203 et 204, tirées toutes les deux des vases grecs. La figure 205 représente un entrelacs.

Des noms écrits en caractères de l’ancien alphabet employé à Corinthe ont fait donner le nom de vases corinthiens à toute une catégorie de vases grecs dont la fabrication paraît remonter au vue ou au vie siècle avant notre ère. Quelques-uns de ces vases ont été trouvés à Corinthe même, mais la plus grande partie provient des fouilles de l’Italie centrale. On sait que parmi les colons qui, vers l’an 655, furent chassés de Corinthe et vinrent s’établir en Étrurie sous la conduite de Démarate, il y avait plusieurs artistes, et c’est à eux qu’on attribue généralement l’extension de l’industrie céramique en Italie.

Les caractères du style archaïque sont ceux qu’on trouve le plus habituellement sur les vases d’argile rouge avec des figures noires (fig. 206, 207 et 208) ; les muscles principaux et les articulations sont saillants au delà de toute expression, les vêtements collés contre le corps ou à plis régulièrement disposés, les membres raides, bien que les mouvements soient souvent heurtés et violents, et parfois une tendance intentionnelle vers la bizarrerie.

Dans les vases d’ancien style, les principaux muscles et les plis des draperies sont généralement gravés avec la pointe. En outre, les figures ne sont pas uniformément noires : ainsi les parties nues du corps des femmes sont toujours blanches, et dans les broderies des vêtements, on voit souvent des détails rehaussés par une teinte rouge violacée.

Les vases à peintures noires sont souvent désignés sous le nom de vases d’ancien style, par opposition aux vases à peintures rouges, qui sont d’une fabrication postérieure et appartiennent généralement à la grande époque de l’art. Les plus anciens vases où la figure humaine apparaisse semblent remonter au vue siècle avant notre ère. Dans cette première période, les figures sont ternes, mais plus tard ce noir devient brillant et se détache sur un fond rouge ou jaune, mais plus ordinairement rouge. Les principaux muscles et les plis des draperies sont généralement gravés avec la pointe.

Les yeux des hommes, dit M. de Witte, sont ordinairement indiqués d’une autre manière que les yeux des femmes. Ceux des hommes sont gravés au trait sous forme d’étoile, tandis que les yeux des femmes sont allongés et taillés en amande avec le fond blanc et la pupille noire et souvent rouge. Les contours dans les corps des hommes sont plus anguleux, plus prononcés que dans les corps des femmes, où l’on trouve des formes plus arrondies. Aussi Pline, en parlant de l’origine de la peinture, dit que l’Athénien Eumarus réussit le premier à distinguer les deux sexes (fig. 209 et 210). Les peintures qui décorent les vases, ajoute le même auteur, représentent presque toutes les scènes mythologiques empruntées aux croyances religieuses des Grecs. On y trouve toutes les divinités honorées dans les divers pays où pénétra la civilisation hellénique. Les sujets bachiques sont les plus nombreux ; puis viennent les travaux d’Hercule (fig. 211) ; les scènes de la guerre de Troie forment une série très considérable (fig. 212). Les compositions empruntées à l’histoire sont jusqu’à ce jour en très petit nombre. Les cérémonies religieuses sont quelquefois représentées sur les vases. Les jeux gymnastiques, les sujets de noces, les repas, les combats, lés chasses y sont fréquemment figurés. Il y a aussi quelques compositions empruntées au théâtre. Quant aux scènes de la vie civile, celles qui ont rapport aux usages, aux mœurs, aux habitudes, le nombre en est assez limité, car souvent c’est faute d’en saisir le véritable sens qu’on écarte ces sortes de sujets de la série des représentations mythologiques. Il y a des vases où l’on voit des scènes de danse, de musique, de bain, de toilette, de chasse, de pêche ; d’autres qui montrent des jeux, des femmes occupées à leurs ouvrages, etc. Quant aux sujets funèbres, à quelques rares exceptions près, tous appartiennent à la dernière période de l’art de peindre les vases. Il en est de même des nombreux vases mystiques qu’on découvre par masses dans les tombeaux de la Grande-Grèce.

Les vases à figures rouges (fig. 213) sont très rarement de style archaïque ; c’est ce qui a fait penser qu’ils sont en général, d’une fabrication postérieure. Mais pour la plupart des vases qui sont dans nos musées, il est bien difficile de leur assigner une date, même approximative.

Nous avons déjà parlé de l’emploi des vases funèbres, et nous avons montré comment on pouvait, classer les vases destinés au service de la table. Il existe aussi un très grand nombre de vases dont l’usage est assez difficile à déterminer. Le soin apporté à leur fabrication peut faire supposer que beaucoup d’entre eux pouvaient être simplement des objets de luxe avec lesquels on décorait les appartements, comme on l’e fait aujourd’hui avec les, vases de Sèvres et autres pièces d’un grand prix.

La forme de ces poteries, est extrêmement variée : il y en a de très simples et d’autres très compliquées. La grandeur en est aussi très diverse, car il y en a dont la hauteur dépasse un mètre et d’autres qui ne dépassent pas cinq centimètres. La plupart sont simplement décorées de peintures, mais il y en a aussi qui sont sculptées, en même temps que peintes, et quelques-unes, comme celle qui est représentée sur la figure 214, pourraient être classées dans la statuaire aussi bien que dans les poteries. Mais ces vases sculptés sont en général d’une date postérieure, et quelques-uns, bien que leur mode de fabrication appartienne encore à la Grèce, ne remontent pas plus haut que l’époque romaine. Ceux de la dernière époque présentent assez souvent un caractère grotesque (fig. 215). C’est ainsi que dans une épigramme de Martial bous voyons un pot se plaindre de la forme qui lui a été donnée : Le potier, dit-il, me donne le visage d’un Germain aux cheveux roux ; si je ne suis pour toi qu’un objet de risée, je suis la terreur des enfants. Si le poète était venu au monde un peu plus tard, il n’aurait pas trouvé que les barbares fussent un objet de risée. Le vase représenté sur la figure 215 répond assez bien à la description de Martial.

Plusieurs vases sont formés par deux têtes adossées ; une poterie trouvée dans l’île d’Égine oppose l’une à l’autre les races différentes qui se rencontraient dans lés contrées maritimes. L’artiste a précisé très nettement le caractère particulier au type africain, dont les grosses lèvres et le front fuyant contrastent avec les traits réguliers et bien pondérés de la jeune fille grecque, à laquelle le nègre est adossé.

C’est surtout dans les rhytons et les vases de forme singulière qu’on trouve la peinture unie à la sculpture. Nous avons déjà parlé de l’usage des rhytons. Nous n’avons donc pas à y revenir ici, mais nous reproduisons trois rhytons, l’un à tête de chimère (fig. 216), le second à tête de bélier (fig. 217), et le troisième à tête de bœuf (fig. 218).

Les vases trouvés en Grèce ne sont pas encore très nombreux, surtout si on les compare à ceux qui ont été trouvés en Italie, mais ils appartiennent à la même fabrication. Nous reproduisons, d’après les travaux de MM. A. Jacquemart et A. Dumont, la liste des potiers grecs dont le nom est parvenu jusqu’à nous :

Ænadès, peintre ; Alsimos, peintre ; Amasis, potier et peintre ; Anaclès, potier ; Andocidès. — Nous possédons au Louvre un superbe vase portant le nom de ce potier. Il est fait avec une terre d’un grain très fin et couverte d’un engobe d’un beau poli. La face principale du rase représente des amazones se livrant à leurs exercices ; outre la valeur artistique de ces figures, on y trouve les renseignements les plus curieux sur l’histoire du costume, et nous y avons fait, ici même, plusieurs emprunts (tome II, fig. 364 et 365). L’envers du vase représente une scène d’un tout autre genre : ce sont des femmes au bain, s’exerçant à la natation, sujet très rare, quoiqu’il ne soit pas unique dans la céramique grecque. Les frises et lés anses sont ornées de palmettes et de guirlandes de lierre en noir, tracées sur fond rouge.

Arachion, fils d’Hermoclès, potier ; Archéchlès, potier ; Archonidas, potier ; Aristophané, peintre ; Astéas, peintre ; Céphdlos, potier ; Cachrylius, potier Chaerestrate, potier ; Charès. — Les ouvrages de ce potier ont été découverts dans la Grèce propre, où il avait sans doute sa fabrique. Charitéus, potier ; Chelis. — On a découvert en Italie et dans la Grèce propre des vases portant le nom de ce potier, et qui paraissent se rattacher à la même fabrication. Chiron. — Le vase qui porte ce nom a été découvert en Grèce, mais sa conservation ; suivant M. Albert Dumont, n’est pas suffisante pour qu’on en puisse rien affirmer avec certitude. Cholcos, potier ; Cléophradès, potier ; Clitias, peintre ; Deiniadès, potier ; Doris, peintre ; Épiétète. — Les ouvrages de ce céramiste ont été trouvés en Étrurie, en Campanie et même en Crimée. On n’en a pas encore découvert en Grèce, mais on suppose qu’il y avait sa fabrique. Epitinius, potier ; Erginus, potier ; Ergotimos. — Des vases portant ce nom et présentant la même fabrication ont été trouvés en Italie et dans la Grèce propre. Ergotimos travaillait en Grèce ; Exekias, potier et peintre ; Euchéros, fils d’Ergotimos, peintre, travaillait en Grèce, probablement dans la fabrique de son père. Euthymide, peintre ; Euonymos, peintre ; Euphronius, potier et peintre ; Euxitheus, potier ; Glaucytès, potier ; Hector, peintre ; Hégias, peintre, travaillait en Grèce ; Hermæus, potier ; Hermogènes, potier. — Une coupe du Louvre, décorée de palmettes, porte son nom. Hiéron, potier. — Un vase du Louvre, représentant d’un côté, Achille dans sa tente, de l’autre Agamemnon emmenant Briséis, provient de la fabrique de Hiéron. Hilinus, potier, travaillait en Grèce. Ses vases sont à figures rouges. Hippœchimus, peintre ; Hischilus, potier ; Hypsis, peintre ; Lasimos, peintre ; Mikadas, potier ; Midias, potier ; Naucydès, potier, Néandre, potier ; Nearchos, travaillait en Grèce. — Vases à figures noires ; Nicosthènes. — Les vases de Nicosthènes ont été découverts en Italie et en Grèce. Cette fabrique était extrêmement célèbre. Voici ce qu’en dit M. de Witte, à propos des ouvrages conservés au Louvre : Les vases et les coupes de la fabrique de Nicosthènes, qui ont été classés séparément dans cette immense collection, constituent une des plus intéressantes séries pour l’étude des fabriques. Nicosthènes a fait un grand nombré de vases ; presque tous ceux qui font partie de la collection se distinguent par une forme particulière ; ce sont de petites amphores garnies d’anses larges et plates. Les anses, aussi bien que la panse du vase, sont elles-mêmes enrichies de peintures. Le plus grand nombre de vases qui portent la signature de Nicosthènes, connus jusqu’à ce jour, sont à peintures noires sur fond rouge. Il y en a pourtant à peintures rouges, et d’autres ont des peintures blanches appliquées sur le fond noir. Et, comme on trouve également des vases à reliefs en terre noire de travail étrusque, ayant la forme exacte des petites amphores signées par Nicosthènes, plusieurs archéologues italiens ont été portés à admettre une fabrique locale et toute particulière de ces amphores à anses plates. Cette fabrique aurait duré plusieurs siècles ; il y aurait eu d’abord des vases noirs avec ou sans reliefs, d’autres à peintures noires, rouges ou blanches sur fond noir. Ce sont les vases à figures d’hommes ou d’animaux, noires, rouges ou blanches, ou simplement décorés de palmettes, qui portent seuls le nom de Nicosthènes.

Parmi les vases du Louvre qui portent la signature de Nicosthènes ou qui sont considérés comme sortant de sa fabrique, plusieurs sont décorés de sujets mythologiques — Combat de Thésée contre une Amazone, entre deux sphinx ; — Lutte d’Hercule contre le lion de Némée ; — Danse bachique ; — Réunion de divinités ; — Enée portant son père Anchise. On y trouve également des cavaliers, des lutteurs, des coursés à cheval et à pied, des cerfs, des lions, etc.

Onésimus, peintre ; Pamédès, peintre, travaillait en Grèce ; Pamaphius, potier ; Pandorus, potier ; Panthœus, peintre. — Une coupe du Louvre, représentant le Minotaure, porte le nom de Phamphaios. — On propose de voir dans cet artiste un élève de Nicosthènes. Le musée du Louvre possède encore de lui plusieurs vases : Un satyre luttant avec une bacchante, Ménélas poursuivant Hélène, et sur le col, des Néréides portant des dauphins. Une coupe représentant un combat. Une autre coupe représentant un archer est également attribuée à Phamphaios, tuais ne porte pas de signature.

Phédippe, peintre ; Philtias, peintre ; Phrynus, potier ; Pistoxène, potier ; Polygnote, peintre ; Poseidon, peintre ; Pothinos, peintre ; Praxias, peintre ; Psiax, peintre, travaillait en Grèce. Vases à figures rouges. Python, potier ; Silanion, peintre ; Simon, potier ; Skyles, peintre, travaillait en Grèce. Vases à figures noires. Soclès, peintre ; Sosias, peintre ; Taconidés, peintre ; Taléides, potier ; Théoxotus, potier ; Thériclés, potier.

On appelle thériclée une espèce de coupe assez profonde et ayant de courtes anses, comme le calice ordinaire. Ce vase doit son nom à Thériclès, potier de terre, natif de Corinthe, qui en fut l’inventeur, et qui, suivant Athénée, fut le contemporain d’Aristophane. Théopompe, cité par Athénée, en fait mention dans sa Némée : Viens ici, fidèle enfant de Thériclès ; charmante figure ! Lorsqu’on te sert tout plein, je ne désire plus autre chose. Il paraît que la thériclée était un vase de couleur noire ; c’est du moins ce qui paraît résulter d’un passage des Joueurs de des, d’Eubule (cité par Athénée) : Déjà ils prenaient une de ces thériclées d’une grande capacité, dont l’écume, montant par-dessus les bords, se répandait sur les mains des buveurs. C’était un vase noir, tourné en perfection, qui, comme une source, jaillissait rapidement ; rincé avec soin, il jetait au loin un reflet brillant de sa surface, sur laquelle un lierre se répandait de tous côtés. Un autre passage du même auteur montre que la thériclée était toujours d’une assez grande dimension : Ô terre à potier ! Thériclès te modela un jour en dilatant le fond de tes flancs creux. Sans doute qu’il connaissait bien le naturel des femmes, car elles n’aiment pas à boire dans de petits vases.

Thyphitidès, potier ; Timagoras, peintre. — Le musée du Louvre possède un superbe vase portant la signature de Timagoras, avec une inscription en partie effacée, mais qui veut dire, suivant les archéologues : Androcide paraît beau à Timagoras. Le sujet principal qui décore la panse représente la lutte d’Hercule contre Triton ou Nérée. Dans la frise qui est au-dessus, on voit un jeune homme qui prend congé de son père au moment de partir pour la guerre. Nous avons fait reproduire ce beau vase dans la figure 211.

Timonidas, potier, travaillait en Grèce. Tlépolème, potier ; Tleson, fils de Néarque, potier. — Les vases de cet artiste ont été découverts en Italie et en Grèce. Le Louvre possède de lui une coupe sur laquelle sont représentés deux béliers. Tychius, potier ; Xénoclès, potier ; Xénophantos, potier. — Suivant M. Albert Dumont, ce céramiste a dû passer une partie de sa vie sur le Pont-Euxin, où il avait un atelier. On connaît de lui des vases décorés de figures rouges. Zeuxiadès, peintre.

 

POTERIES ITALIENNES. — On donnait autrefois le nom de vases étrusques à tous les produits céramiques revêtus de peintures ; on sait aujourd’hui que les vases peints sont presque tous de fabrication grecque, les Étrusques et les Italiens n’ayant commencé à en faire que fort tard et en imitation du goût grec. Les véritables poteries étrusques, qui forment dans la céramique une classe absolument spéciale, ne se trouvent qu’en Italie. On en a recueilli dans les tombeaux de l’ancienne Cære (Cervetri) qui sont entièrement noirs et sans glaçure : quelques-uns remontent à une très haute antiquité. La couleur noire de ces vases ne tient pas à une terre particulière, et semble plutôt avoir été obtenue à la cuisson, car l’argile, qui est noire à la surface, va en s’éclaircissant à mesure qu’on se rapproche du centre, où il est même quelquefois tout à fait jaune. C’est ce qu’on a pu constater plusieurs fois dans ceux qui ont une brisure.

Les poteries étrusques ne portent généralement aucune peinture, mais elles sont quelquefois décorées de figures gravées ou modelées en relief avant que la pâte ait été durcie. Quelques-unes ont pour ornement de simples raies gravées à la pointe sur l’argile fraîche et qui font le tour du vase, ou bien dessinent de petits enroulements dont la combinaison est assez primitive. On y voit aussi des imitations assez grossières de la nature humaine, ou bien des monstres empruntés à l’Asie ; ces dessins bizarres sont représentés soit en creux, soit en relief, et on petit supposer que chaque centre de fabrication avait ses préférences (fig. 219 à 223). Ainsi, à Chiusi, à Volterra et à Vulci, on trouve surtout des vases avec dessins en relief, tandis qu’à Véies on en découvre plutôt avec des ornements en creux.

Quelques-uns de ces vases laissent voir des influencés orientales ; on y trouve tantôt des sphinx ou des têtes qui rappellent Isis, tantôt des taureaux à face humaine, des centaures à pieds d’homme, des lions ou des panthères, motifs de décorations originaires d’Asie. On pourrait même croire que certaines chasses qui se déroulent sur la pause de ces vases ont été gravées en y appliquant un cylindre assyrien. Ailleurs ce sont de poissons, des masques, des fleurs, des guerriers, etc. La forme des vases est souvent bizarre ; il y en a dont le couvercle est une tête humaine (fig. 225). On trouve des coupes, des amphores, des canthares (fig. 224 et 226), des brasiers décorés de figures bizarres, des réchauds à quatre pieds, des fourneaux dont quelques-uns sont assez compliqués et d’un usage difficile à expliquer. C’est ainsi que certaines productions céramiques (fig. 227 et 228), qualifiées de réchauds dans des collections, sont regardées par quelques amateurs comme des boites analogues à nos porte-liqueurs, et destinées à contenir des vases plus petits. Cette disposition, dont on peut juger par la figure 229, a été adoptée comme la meilleure par quelques conservateurs de musée.

Il serait assez téméraire de vouloir assigner une date positive à ces produits, car quelques-uns sont d’une très haute antiquité, tandis que d’autres paraissent remonter tout au plus à la république romaine. Pline nous apprend qu’il y avait sous Numa une population nombreuse qui fabriquait des poteries ; ces poteries étaient probablement assez analogues à celles qui se fabriquaient en Étrurie. Mais en général le territoire où l’on a trouvé des poteries de terre noire et assez restreint : au nord, on n’en découvre pas au delà de Sienne, et au sud, elles franchissent bien rarement le Tibre.

La fabrication des poteries étrusques paraît avoir marché parallèlement avec celle des poteries grecques, mais, quoiqu’elles aient l’une comme l’autre leur point de départ en Orient, elles ont suivi dans le décor une voie très différente. Quand les céramistes grecs représentaient des marches d’animaux disposés par zones et se détachant quelquefois sur un champ de rosaces, ils étaient très certainement impressionnés par les dessins des tapisseries et des tissus, dont la fabrication paraît avoir eu pour point de départ la Babylonie, mais qui s’est répandue assez promptement dans l’Asie Mineure et principalement à Milet. La Lydie faisait de ces tissus tin très grand commerce d’exportation et les répandait à profusion dans toutes les villes grecques. Mais ce sont surtout des objets métalliques de fabrication phénicienne que le commerce maritime importait en Étrurie et dans l’Italie centrale, et les Étrusques reproduisaient assez volontiers dans leur céramique le système ornemental qu’ils trouvaient dans ces objets (fig. 230).

Les poteries d’Arezzo, dont la fabrication est postérieure à celle des ouvrages dont nous venons de parler, sont généralement en terre rouge vernissée. Le musée du Louvre en possède une assez belle collection. Ce genre de poterie, qui est généralement décoré d’ornements en relief, a été pratiqué sous la période romaine, dans une grande partie de l’Italie (fig. 231). Quelquefois les coupes sont accompagnées d’inscriptions dont nous avons donné un spécimen (tome II, fig. 242).

Quelques provinces de l’Italie méridionale et diverses localités, comme Cumes et Nola, ont persisté pendant assez longtemps à faire des vases dont la décoration se rattache aux écoles grecques. Dans d’autres, au contraire, on trouve un style tout à fait spécial.

L’Apulie a été un centre de fabrication pour une catégorie de vases qui sont sculptés et peints, et dont la forme, élégante et bizarre tout à la fois, donne à l’emploi qu’on en pouvait faire un caractère problématique (fig. 231). La plupart de ces vases sont d’assez grande taille ; quelques-uns ont une grande ouverture, comme les vases ordinaires ; d’autres ont plusieurs goulots. Le plus souvent, la panse du vase est renflée comme une outre pleine, et le goulot s’élève sur la partie supérieure ; mais cette disposition se dissimule sous une telle accumulation de figurines ou d’ornements, qu’on n’en retrouve pas toujours le principe de construction. Il semble que l’artiste n’ait tenu aucun compte des nécessités de l’usage, et n’ait eu d’autre guide que son caprice pour les masques ailés, les chevaux marins et les petites divinités, qu’il fait saillir indifféremment du col ou de la panse, et qui n’ont entre elles aucun lien symbolique.

Les vases à relief accentué forment dans la céramique antique une classe tout à fait spéciale. Au lieu de la peinture sur fond uni qu’on voit sur la plupart des vases grecs, ceux-ci sont décorés de figures qui se détachent soit en demi-relief, soit même tout à fait en ronde bosse. Ces figures, têtes ou personnages entiers, sortent des contours de la panse, des anses ou du col de vase ; quelquefois même ils constituent le vase entier. Il y en a aussi, et ceux-ci sont les plus grands, dont la forme est sphérique et qui sont surmontés d’animaux ou de personnages. Des centaures ou des hippocampes, dont on ne voit que la partie antérieure, semblent s’élancer de la panse du vase ; dans d’autres, ce sont des masques de Gorgone, ou des Tritons. Presque tous ces vases portent des traces de peinture à la détrempe, dans lesquelles le rose et le bleu dominent.

Un grand nombre de ces vases ont été découverts en Campanie, ce qui les fait quelquefois désigner sous le nom de vases campaniens.

Toutes les poteries que nous venons d’examiner sont à relief. L’Italie a également fabriqué des vases décorés de peintures, dont le style diffère totalement de celui qui était en usage dans les fabriques de style grec. Les figures 232 et 233 sont étrusques, et leur réalisme brutal contraste avec l’élégance habituelle des ouvrages grecs. Des scènes de meurtre sont assez communes dans ces représentations, dont le sujet est quelquefois problématique.

A la fin de la république, le luxe asiatique pénétra en Italie, et les anciennes poteries de terre devinrent l’apanage à peu près exclusif des classes pauvres ; l’orfèvrerie d’or et d’argent, on tout au moins les vases de bronze, étant seuls en usage parmi les gens aisés. Dès lors les céramistes ne firent plus guère que de la poterie extrêmement commune, la seule que l’on rencontre sous l’empire romain. Cette décadence fut assez rapide, et elle commença par la disparition complète des différences que nous avons signalées entre les poteries grecques et les poteries étrusques. Le goût décoratif, qui fait le charme des ouvrages grecs, disparut peu à peu dans les vases de la dernière période, dont les uns sont décorés de figures qui s’enchevêtrent sans produire un ensemble harmonieux, tandis que d’autres montrent de grandes têtes blanches qui couvrent quelquefois toute la surface du vase (fig. 234). Puis ces têtes elles-mêmes disparaissent et on ne voit bientôt plus que des feuilles blanches dessinées sans finesse, et des ornements rudimentaires.

Les lampes d’argile prennent en même temps que les vases un caractère grossier dans la fabrication, qui accuse une décadence complète de l’art céramique (fig. 235).

 

POTERIES BARBARES. — La Gaule, la Germanie, la Grande-Bretagne, fabriquaient des poteries longtemps avant l’arrivée des Romains ; mais dans les tumulus où on les rencontre, il est souvent difficile de les distinguer des poteries communes de l’époque gallo-romaine, avec lesquelles elles se trouvent souvent mélangées. A. de Caumont définit ainsi leurs caractères dans son Rudiment d’archéologie : La pâte, dit-il, n’est pas solidement liée ; elle est pleine de pucelles de silex ; la couleur en est noire ou brun foncé. Cette pâte a peu clé consistance lorsqu’elle est sèche, on la casse avec la plus grande facilité et on peut la broyer sous les doigts ; si on l’humecte, elle représente assez bien des morceaux de vieille écorce qui auraient été exposés à la pluie. Quant aux formes, elles annoncent l’enfance de l’art ; excepté quelques fragments où on reconnaît l’usage du tour, les autres ont appartenu à des vases qui paraissent avoir été moulés sur une forme intérieure, et polis avec la main ou taillés à l’aide de quelque instrument. Sur plusieurs fragments, on reconnaît, à la surface extérieure, des coups d’une espèce de doloire. Les ornements consistent dans des filets mal conduits et dans de petites hachures sur le bord de l’orifice.

La figure 236, qui a été découverte en Gaule, répond assez bien à ces caractères. Sa décoration, très rudimentaire, consiste en deux petites bannes croisant le vase obliquement ; de manière à former des triangles sur sa panse.

La figure 237 représente un vase de terre trouvé dans un tumulus en Angleterre ; sa fabrication paraît antérieure à la domination romaine, et il peut être classé parmi les produits des temps préhistoriques.

Dans la période romaine, la poterie rouge fut très employée en Gaule, et on en trouve en maints endroits des débris qui prennent place dans nos collections.

En général les poteries gallo-romaines ne diffèrent pas énormément de celles que l’on fabriquait en Italie. Quoique le rouge soit la couleur dominante, le blanc et le noir jouent aussi leur rôle dans cette poterie, qui a donné quelques beaux produits.

La figure 238 représente un vase gallo-romain d’une forme assez élégante, qui a été trouvé, avec plusieurs autres, du côté de Gaillac. Il est à couverte blanche et décoré de dessins géométriques rouges et noirs.

 

LES TERRES CUITES. — L’origine de la terre cuite remonte aux débuts de l’industrie humaine, et si le premier usage qu’on en a fait a été pour les poteries, son application à la sculpture ornementale ou même aux figures doit également remonter à la plus haute antiquité. Les petites figurines égyptiennes en terre vernissée se trouvent en grand nombre dans les tombeaux, et nos musées en sont abondamment pourvus. En Assyrie, on en déposait sous le sol comme talismans ; les dieux que ces terres cuites représentent avaient le pouvoir de conjurer les génies malfaisants. Dans le palais de Sargon, à Khorsabad, on a trouvé des statuettes cachées sous le pavage des cours et disposées dans des cachettes en briques. Ces statuettes, qui sont maintenant au Louvre, sont exécutées avec une argile grise et criblée d’une quantité de petits trous qui paraissent avoir été produits par les parcelles de paille que les Assyriens mêlaient à la terre pour la fabrication des briques. Les statuettes trouvées en Chaldée et en Babylonie sont de deux sortes : les unes sont d’argile massive et modelées sur une seule face ; les autres sont creuses et moulées en deux pièces. La terre est d’un blanc verdâtre et d’une extrême dureté.

Les terres cuites phéniciennes, très grossières pour la plupart et d’une couleur tirant sur l’orangé, présentent généralement des imitations lointaines de types égyptiens ou assyriens. L’île de Chypre a offert une riche moisson de terres cuites, depuis l’époque archaïque primitive jusqu’à la période gréco-romaine.

Les fouilles exécutées près de Tarse, en Cilicie, ont fourni quelques jolies terres cuites grecques. Le Louvre, si riche en antiquités de ce genre, possède une très belle collection de figurines trouvées dans les nécropoles de la Cyrénaïque (fig. 239 et 240), de l’Attique et surtout de la Béotie. Ces dernières, qu’on désigne sous le nom de terres cuites de Tanagra, parce que le cimetière de cette ville en a fourni un très grand nombre, ont été trouvées il y a peu d’années, et cette découverte a fait un très grand brait dans le monde archéologique (fig. 241 à 244).

Déjà à plusieurs reprises, dit M. Rayet, les Albanais des misérables hameaux de Skimatari, Bratzi, Liatadi et Staniatœs, situés tous dans un rayon de 5 ou 6 kilomètres autour de Tanagra, avaient trouvé par hasard, en labourant leurs champs ou en piochant leurs vignes, des tombeaux contenant tantôt des vases, tantôt des figurines en terre cuite ; mais c’est en 1872 seulement que commencèrent des recherches suivies. Un fouilleur de profession, le corfiote Yorghis Anyphantis, qui venait de mettre sens dessus dessous la nécropole de Thespies et n’y trouvait plus rien de bon à prendre, eut l’idée de venir explorer les tombeaux de Tanagra ; il reconnut bientôt que ces tombeaux étaient de deux sottes : les’ uns, simples trous creusés çà et là au milieu des champs, étaient d’une époque fort archaïque et ne renfermaient que des vases ; les autres, régulièrement alignés le long des routes et formés de grandes dalles de tuf, étaient d’une époque plus récente et ne contenaient plus de vases peints, mais en revanche des figurines, de une a’ trois ou quatre dans l’intérieur, et parfois d’autres, beaucoup plus nombreuses, au-dessus du couvercle. De ceux-là, la recherche était fort aisée ; une fois la direction d’une route reconnue sur un point, il n’y avait qu’à la suivre. Aussi, les fouilles de Yorghis eurent-elles un plein succès, et la quantité de figurines qu’il trouva, les prix avantageux qu’il obtint des marchands d’Athènes, ayant décidé les Skimatariotes d’abord, puis les gens des autres villages à chercher, eux aussi, les tombeaux, à partir de 1372, vases et terres cuites de Tanagra arrivèrent en grand nombre à Athènes. C’est dans ces premiers temps des fouilles, et avant que les prix fussent très élevés, que put être formée la collection du Louvre, collection sans rivale dans tous les musées d’Europe, et qui se distingue non seulement par le nombre et la beauté des pièces, mais surtout pour leur virginité.

Ces heureux temps, où les plus jolies figurines se vendaient cent ou deux cents francs au plus, ne durèrent d’ailleurs que fort peu. En quelques mois les prix de vente décuplèrent, chaque marchand d’Athènes eut son agent à Tanagra, chaque trouvaille donna lieu à une sorte d’enchère, si bien qu’on commença à Skimatari même à parler de cinq cents ou de mille drachmes, et que toute la population valide abandonna le travail des champs pour se consacrer aux fouilles. La route de Thèbes fut suivie jusqu’à plus de deux heures de distance, jusqu’aux hameaux de Patzaïtœs et de Moustaphadès. Celle de Chalcis, qui passe au milieu même de Skimatari, celle d’Aulis, qui en est toute voisine, furent explorées presque aussi loin. Celle d’Athènes, par Oropos, à travers la plaine de Kokkali, fut excavée jusqu’au delà de Staniatœs ; le chemin de montagne d’Athènes, par les maquis de Kapsa, Spitia et la passe de Vigla (Philé), fut fouillé jusqu’à Liatani, point au delà duquel il s’engage dans les rochers. Lorsque le gouvernement grec s’avisa de faire interdire les fouilles et de faire occuper militairement les villages, on continua de travailler pendant la nuit. Tout d’ailleurs, ou peu s’en faut, était déjà fait. Aujourd’hui, de grandes traînées blanches, produites par l’apport à. la surface des terres du .sous-sol, s’étendent à perte de vue à travers les champs et les vignes et indiquent les fouilles faites. Les gens du pays évaluent à six ou huit mille le nombre des tombeaux ouverts par eux ; mais il s’en faut de beaucoup que dans tous on ait trouvé des figurines ; un bon quart en effet ont resservi à l’époque romaine et ne contiennent rien ; d’autres ont été, à l’époque grecque- elle-même, vidés par des voleurs (le pillage des sépultures était une industrie très lucrative et très pratiquée) ; la moitié au plus sont restés intacts. Encore, dans tous ceux qui sont creusés au milieu des alluvions rougeâtres et perméables des vallées, les figurines ont été tellement attaquées par l’humidité qu’elles se fendillent et s’effritent en miettes au premier contact de l’air ; c’est seulement lorsque les tombeaux sont creusés dans les couches d’argile blanche adossées au flanc des collines que les terres cuites sont bien conservées et peuvent être retirées entières parfois même, mais bien rarement, elles ont encore leurs couleurs. Quant à celles qui étaient placées sur le couvercle des tombes, elles sont toutes brisées et l’ont probablement été à dessein, au moment même des funérailles. Les marchands d’antiquités recueillent avec soin tous ces débris, les recollent en combinant ensemble des morceaux de terres cuites différentes, mais d’attitudes semblables, et couvrent ensuite le tout d’une couche de blanc sur laquelle ils appliquent des peintures et de la boue ; c’est ainsi que sont faites ces figurines aux roses vifs, aux bleus éclatants, qui voudraient nous faire croire que les Grecs connaissaient déjà, il y a vingt ou vingt-deux siècles, des sels métalliques dont la préparation a fait la gloire de tel ou tel chimiste de notre temps. L’épuisement de la nécropole de Tanagra et la cessation presque complète des fouilles a, depuis ces dernières années, rendu ces fraudes plus lucratives et plus fréquentes.

Un grand nombre de statuettes grecques représentent des femmes voilées dont l’attitude pensive est bien en rapport avec leur rôle funéraire. Mais il y a aussi des figurines assez nombreuses qui représentent des enfants jouant ou se livrant à divers exercices. On en voit aussi quelques-unes dans lesquelles l’intention comique est évidente. L’Exposition du Trocadéro, en 1878, en a montré de fort curieux. On voyait entre autres un marchand forain criant à tue-tête pour vendre sa marchandise, et un vieil esclave, au dos courbé et à la marche traînante, qui montrent que les artistes grecs savaient au besoin rendre toutes les vulgarités de la vie.

L’Italie a aussi fourni son contingent de terres cuites. Nous avons déjà montré (tome I, fig. 510, 511 et 512) des sarcophages provenant des tombeaux de l’Étrurie.

Une terre cuite du Louvre, découverte dans l’antique Ardée, montre une femme assise dont le siège représente un animal ailé auquel il manque la tête, en sorte que la personne qui s’asseyait prenait l’air d’un sphinx (fig. 245).

Les statuettes en terre cuite qui ont été découvertes en Italie sont en général bien loin d’offrir autant d’intérêt que celles qui ont été trouvées en Grèce. Mais on y a découvert un très grand nombre de bas-reliefs, qui semblent presque tous de travail grec et dont quelques-uns sont des chefs-d’œuvre.

Les carrières de marbre de Carrare n’ont été exploitées que sous les empereurs romains, et pendant fort longtemps les peuples de l’Italie centrale paraissent avoir ignoré l’existence des riches carrières dont on a tiré plus tard de si beaux matériaux. Ce qui est certain, c’est que l’habitude des constructions en bois a persisté très tard, et que ce bois, toujours colorié, était en outre décoré par places avec des plaques de terres moulées et peintes. Ces terres cuites servaient non seulement pour les habitations et les petites chapelles rustiques, mais on les a également employées pour des édifices beaucoup plus importants. Les sujets qui les décorent sont toujours tirés de la mythologie grecque, et on fabriquait à Athènes et dans d’autres villes de Grèce un grand nombre de ces petits bas-reliefs qui étaient ensuite expédiés en Italie. Il est probable que les artistes qui habitaient en grand nombre les villes grecques de l’Italie méridionale en fabriquaient également. Mais, bien que le style de ces monuments dénote- une origine purement grecque, c’est surtout en Italie qu’on les trouve, et leur emploi paraît y avoir été beaucoup plus général que dans la Grèce propre.

Le musée du Louvre possède une riche collection de ces bas-reliefs ; et la plupart d’entre eux sont munis de trous pratiqués pour laisser pénétrer les attaches ; ce sont des montants, des métopes, qu’on faisait glisser dans les coulisses des triglyphes, des chéneaux qui conduisaient l’eau des toits à l’extérieur des coins ; des tuiles avec leurs couvre-joints, des acrotères et des antéfixes. La figure 246 est une métope décorée de figures bachiques ; les sujets bachiques reviennent très fréquemment sur ces petits bas-reliefs qui trouvaient naturellement leur emploi dans un pays de vignobles, où on trouvait partout des petites chapelles consacrées au dieu des vendanges.

Quelques-uns de ces bas-reliefs en terre cuite avaient acquis, dans l’antiquité même, une certaine célébrité, puisqu’on les voit reproduits un grand nombre de fois. Nous en avons reproduit plusieurs.

Parmi les bas-reliefs du musée Campana ; que possède le musée du Louvre, il y en a plusieurs qui ont conservé des traces de couleur.

Outre les motifs à sujet, les terres cuites antiques sont souvent décorées d’ornements exquis (fig. 247). Les chimères, les griffons, les dieux marins terminés en enlacements d’acanthes et de dauphins, les palmettes alternées, les enroulements de feuillages les plus variés, les plus gracieux, les plus imprévus, forment de cette série de bas-reliefs une précieuse suite de modèles pour les artistes de l’industrie.

 

LA VERRERIE. — On a longtemps attribué aux Phéniciens l’invention du verre ; cette opinion, abandonnée aujourd’hui, a été admise dans toute l’antiquité. Le verre parait avoir été connu des peuples antérieurs à l’histoire et à la civilisation, et il semble impossible de désigner quel peuple l’a travaillé le premier. En tout cas, les Égyptiens ont poussé très loin cette industrie, qui remonte chez eux à la plus haute antiquité.

On peut en tout cas revendiquer pour l’Égypte la fabrication des verres ornés de diverses couleurs, employés depuis par les Grecs et les Romains, mais dont on trouve dans les peintures de l’ancien empire une foule de modèles charmants.

Nous avons au Louvre plusieurs échantillons de verre coloré dans la masse ; on savait dessiner dans l’intérieur des fleurs et des ornements à l’aide de filets d’émail.

Les peintures de Thèbes et de Beni-Hassan nous montrent les procédés qu’on employait, il y a plus de trois mille ans, pour fabriquer le verre ; on y voit l’emploi du chalumeau et la matière en fusion est peinte de couleur verte (fig. 248 et 249). Ailleurs on voit les ouvriers qui sont en train de polir les pièces déjà fabriquées, et on voit représentés dans le champ les instruments qui ont servi à leur confection.

Les Égyptiens, dit Champollion-Figeac, employaient le verre et l’émail à l’embellissement des temples et des palais, qui étaient pavés de carreaux brillants du plus vif éclat. La nature avait ouvert cette voie au génie égyptien, en plaçant à profusion, à la portée de l’Égypte, le sable du désert, le nitrate et les cendres de Kali, matière première dont le verre est composé. On ne doit pas être surpris si la petite verroterie et tous les objets utiles ou de fantaisie qu’il était possible de fabriquer se retrouvent en très grande quantité dans les ruines de l’Égypte. On y fabriquait encore du faux jayet avec la scorie des métaux, et ils en connurent les oxydes, notamment ceux du fer, du cuivre, du plomb et de l’étain, sans lesquels ils n’auraient pu réussir à faire les verres et les émaux colorés, à incruster les pierres précieuses ; aussi les ouvrages en verre furent-ils compris par Auguste, avec le blé et le froment, dans la liste des produits que l’Égypte devait payer à Rome comme tribut. La fabrication des vases murrhins occupait à Thèbes plusieurs manufactures. Arrien les mentionne expressément dans son périple ; les fragments de matières vitreuses colorées abondent dans les ruines égyptiennes ; des vases imitant le spath-fluor et d’autres matières minérales ornent la plupart de nos musées. Bien antérieurement à la domination romaine, les vases murrhins de Thèbes, et surtout la verrerie de Coptos, étaient expédiés par la tuer Rouge et étaient recherchés souvent par les peuplades de l’Arabie et de la côte d’Afrique.

Les Égyptiens étaient renommés pour la perfection avec laquelle ils imitaient les pierres précieuses avec du verre. On croit que le fameux Sacro Catino de Gênes, que l’on croyait être une émeraude, est de fabrication égyptienne. Ce vase célèbre, qui fit partie du butin fait par les Génois à la prise de Césarée, était, suivant la tradition, un cadeau que la reine de Saba avait fait à Salomon. Sous la Révolution, il fut envoyé à Paris parmi les trésors enlevés par l’armée française, et on découvrit alors qu’il était fait avec du verre analogue à celui qu’on trouve dans les tombeaux égyptiens. Rendu à la ville de Gênes, sous la Restauration, il se trouve aujourd’hui dans la sacristie de l’église San-Lorenzo.

Les Phéniciens étaient aussi très renommés pour ce genre de fabrication. Hérodote, qui a visité Tyr quelque temps après Nabuchodonosor, pour y voir le fameux temple d’Hercule, nous rapporte ce qui suit : J’ai vu, dit-il, ce temple richement orné de nombreux monuments, parmi lesquels il y avait aussi deux colonnes, l’une d’or brut, l’autre en pierre d’émeraude. Cette pierre d’émeraude était très certainement du verre coloré.

Les Phéniciens revendiquaient la découverte du verre. Les verreries de Sidon avaient une célébrité immense et s’exportaient partout. En Orient, l’emploi du verre n’était pas le même que chez nous ; des rideaux ou des jalousies suffisaient pour fermer les fenêtres, et on se servait de métal pour les miroirs et pour les coupes. L’industrie du verre, néanmoins, ne se bornait pas aux flacons et autres menus objets ; on l’employait dans la décoration des appartements, où il était recherché pour sa couleur brillante.

Pline le Naturaliste nous a laissé quelques renseignements sur les verreries antiques, dont il attribue l’origine aux Phéniciens Il y a dans la Syrie, dit-il, une contrée nommée Phénicie, confinant à la Judée, et renfermant, entre les racines du mont Carmel, un marais qui porte le nom de Cendevia. On croit qu’il donne naissance au fleuve Bélus, qui, après un trajet de cinq mille pas, se jette dans la mer, au delà de Ptolémaïs, colonie. Le cours en est lent, l’eau malsaine à boire, mais consacrée aux cérémonies religieuses. Ce fleuve, limoneux et profond, ne montre qu’au reflux de la mer le sable qu’il charrie. Alors, en effet, ce sable, agité par les flots, se sépare des impuretés et se nettoie. On pense que dans ce contact les eaux de la mer agissent sur lui, et que sans cela il ne vaudrait rien. Le littoral sur lequel on le recueille n’a pas plus de cinq cents pas, et pendant plusieurs siècles ce fut la seule localité qui produisît le verre. On raconte que des marchands de nitre y ayant relâché, préparaient, dispersés sur le rivage, leur- repas ; ne trouvant pas de pierres pour exhausser leurs marmites, ils employèrent à cet effet des pains de nitre de leur cargaison ; ce nitre, soumis à l’action du feu avec le sable répandu sur le sol, ils virent couler des ruisseaux transparents d’une liqueur inconnue, et telle fut l’origine du verre.

Depuis, comme l’industrie est ingénieuse et avisée, on ne se contenta pas de mêler du nitre au sable, et on imagina d’y’ incorporer la pierre d’aimant, dans la pensée qu’elle attire à elle le verre fondu comme le fer. De la même façon, on se mit à introduire dans la fonte divers cailloux luisants, puis des coquillages et des sables fossibles. Des auteurs disent que le verre de l’Inde se fait avec du cristal brisé et que pour cela aucun ne peut lui être comparé. Pour la fonte, on emploie du bois léger et sec, et on ajoute du cuivre de Chypre et du nitre, surtout du nitre d’Ophir. On le fond, comme le cuivre, dans des fourneaux contigus, et on obtient des masses noirâtres d’un aspect gras. Le verre fondu est tellement pénétrant, qu’avant même qu’on l’ait senti il coupe jusqu’aux os toutes les parties du corps qu’il touche. Ces masses se fondent de nouveau dans des fourneaux où on lui donne la couleur ; .puis tantôt on le souffle, tantôt on le façonne au tour, tantôt on le cisèle comme l’argent. Jadis Sidon était célèbre pour ses verreries ; on y avait même inventé des miroirs de verre. Telle fut anciennement la fabrication de ce produit. Aujourd’hui, à l’embouchure du fleuve Vulturne, en Italie, sur la côte, dans un espace de six mille pas, entre Cumes et Liternum, on recueille un sable blanc très tendre ; on le broie au mortier et à la meule ; ensuite on y mêle trois parties de nitre, soit au poids, soit à la mesure ; le mélange étant en fusion, on le fait passer dans d’autres fourneaux ; là il se prend en une masse à laquelle on donne le nom d’ammonitre. Cette masse est mise en fusion, et elle donne du verre pur et des pains de verre blanc. Cet art a passé même en Gaule et en Espagne, où l’on traite le sable de la même façon. On raconte que sous le règne de Tibère on imagina une mixture qui donnait un verre malléable, et que toute la fabrique de l’artiste fut détruite pour empêcher l’avilissement du cuivre, de l’argent et de l’or. Ce bruit a été longtemps plus répandu que le fait n’est certain ; mais qu’importe ? Du temps de Néron on a trouvé un procédé de vitrification qui fit vendre six mille sesterces (1.260 francs) deux coupes assez petites qu’on nommait ptérotes (ailées).

Au verre appartiennent les vases obsidiens assez semblables à la pierre qui a été découverte en Éthiopie par Obsidius. Cette pierre est très noire, quelquefois transparente, mais d’une transparence mate, de sorte que, attachée comme miroir à la muraille, elle rend plutôt l’ombre que l’image des objets. Beaucoup en font des bijoux. J’ai vu, en obsidienne, des statues massives du dieu Auguste, qui prisait fort cette substance demi-transparente. Lui-même a consacré comme des merveilles, dans le temple de la Concorde, quatre éléphants de pierre obsidienne. L’empereur Tibère rendit aux Héliopolitains, pour leurs .cérémonies, une statue de Ménélas en pierre obsidienne, trouvée dans la succession d’un préfet d’Égypte. Cela montre qu’il faut reporter plus haut qu’on ne le fait l’usage de cette substance, confondue aujourd’hui avec le verre, à cause de sa ressemblance. D’après Xénocrate, l’obsidienne se trouve dans l’Inde, dans le Samnium, en Italie et en Espagne, sur les côtes de l’Océan. On fabrique, par le moyen de teinture, de l’obsidienne pour divers ustensiles de table, et un verre entièrement rouge, opaque, qu’on nomme hématinon. On fait aussi du verre blanc, du verre imitant le murrhin, imitant l’hyacinthe, le saphir, de toutes les couleurs en un mot. Nulle substance n’est plus maniable, nulle ne se prête mieux aux couleurs ; mais le plus estimé est le verre incolore et transparent, parce qu’il ressemble le plus au cristal. Pour boire, il a même chassé les coupes d’argent et d’or ; mais, à moins qu’on n’y verse d’abord du liquide froid, il ne résiste pas à la chaleur, et cependant des boules de verre remplies d’eau opposées aux rayons du soleil s’échauffent tellement qu’elles brillent des étoffes. Le verre en fragments ne fait que se souder au feu ; pour le fondre entièrement, il faudrait le broyer. La verrerie fait divers objets de verre coloré, par exemple les pièces d’échiquier qu’on nomme abaculi ; ces objets offrent même quelquefois plusieurs nuances. Le verre fondu avec le soufre se durcit en pierre.

Quelques fragments, recueillis dans les îles de l’archipel, montrent que les Grecs ont possédé des manufactures de verre, mais c’est surtout à Rome que cette industrie a pris une grande extension. Les verriers italiens rivalisaient avec ceux de l’Égypte et de la Phénicie (fig. 250). Les fameux verres de Venise ne sont qu’une continuation de la fabrication des anciens, qui a conservé ses traditions pendant tout le moyen âge. Quelques pièces du Louvre, et surtout du musée Britannique, présentent avec les verreries vénitiennes de singulières analogies. Il y a au Louvre, dans la salle des verreries antiques, un très beau flacon de forme lenticulaire, couvert d’un émail bleu d’outre-mer. Sur l’arête du contour s’enroule un cordon de verre bleu se recourbant en anses aux deux extrémités. Un champ circulaire d’émail blanc occupe le centre du vase ; il y a aussi de jolis flacons en verre blanc laiteux et couvert de stries peintes en brun violâtre. On voit que l’artiste a cherché à produire les effets des veines naturelles du gypse ou de l’albâtre. A l’Exposition de 1878 on a remarqué, dans les salles de l’art ancien au Trocadéro, une magnifique coupe en verre de diverses nuances, appartenant à M. Édouard André.

La verrerie gallo-romaine a fourni quelques pièces extrêmement intéressantes. Le musée de Strasbourg en possédait un bien précieux spécimen, qui a été détruit par les Allemands dans la guerre de 1870. Ce vase (fig. 251), entouré d’une sorte de réseau ou de grillage en verre rouge et portant une inscription en verre vert, avait été trouvé en 1825 dans un cercueil en forme d’auge, tout près des glacis de Strasbourg. D’après l’inscription, ce vase avait appartenu à Maximilien Hercule, qui vivait au nie siècle de notre ère, et qui a longtemps séjourné dans les Gaules.

Ce qu’il y a de plus remarquable dans la verrerie romaine, ce sont les verres de différentes couches à plusieurs teintes, qui présentent assez souvent l’aspect d’un camée. Il y a généralement des figures ou des ornements se détachant sur un fond d’une couleur différente. Le vase de Portland, le plus bel échantillon que l’on connaisse de ce genre de fabrication, est une des pièces les plus précieuses du musée de Londres. Ce vase, trouvé au commencement du XVIIe siècle, dans un sarcophage de marbre, aux environs de Rome, a été longtemps connu sous le nom de vase Barberini, parce qu’il faisait partie de la galerie Barberini, à Rome. Acquis à la fin du siècle dernier par la duchesse de Portland, il appartient au musée Britannique depuis 1810. Malgré tous les soins dont ce vase précieux est entouré, un fou l’a un jour brisé d’un coup de canne, mais il fut restauré avec tant d’habileté qu’il est bien difficile aujourd’hui de distinguer le joint de ses fractures. Le vase de Portland, qui paraît avoir été fabriqué sous Ies Antonins, se compose de deux couches de verre superposées. Celle de dessous est d’un bleu très foncé, et celle de dessus d’un blanc opaque, de telle sorte que les figures se détachent en blanc sur du bleu. On a longtemps cru que c’était un camée, tant la superposition des deux couches imite bien l’agate-onyx.

On a longtemps discuté la question de savoir si les anciens connaissaient les vitres, mais les doutes ont cessé au commencement de ce siècle, parce qu’on en a trouvé à Pompéi plusieurs fragments. Voici ce que dit à ce sujet l’architecte Mazois, dans son grand ouvrage sur les Ruines de Pompéi : Si la question de l’emploi des vitres chez les anciens était encore douteuse, nous trouverions dans cette salle de bains un témoignage propre à la résoudre : les siècles y ont conservé un châssis vitré en bronze, qui détermine non seulement la grandeur et l’épaisseur des vitres employées, mais encore la manière de les ajuster. Ces vitres étaient posées dans une rainure et retenues de distance en distance par des boutons tournants qui se rabattaient sur les vitres pour les fixer ; leur largeur est de vingt pouces (0m,54 environ) sur vingt-huit pouces (0m,72) de haut, et leur épaisseur de plus de deux lignes (5 à 6 millimètres).

Aucun auteur ancien ne parle des vitres, en sorte qu’il est difficile de connaître exactement les procédés employés pour leur fabrication. Il est vraisemblable, dit M. Bontemps, dans son Guide du verrier, qu’on versait dans l’intérieur d’un cadre métallique, de la grandeur de la vitre que l’on voulait obtenir, le verre que l’on avait extrait du creuset avec une cuiller.

Les fragments de verre, provenant de vitrés romaines, qui ont été découverts à Pompéi, sont d’une teinte verdâtre. L’analyse chimique a constaté quelques différences de proportions dans la matière avec celle qui compose les vitres modernes :

Il n’est resté aucune trace des vases murrhins qui passionnaient tant les Romains, en sorte qu’il est impossible de savoir si, comme le prétendent quelques écrivains modernes, ces vases étaient en verre ou s’ils étaient en pierre, comme l’ont cru les anciens.

Les pierres murrhines, dit Pline, viennent de l’Orient. Elles, s’y trouvent en plusieurs endroits peu célèbres, surtout du royaume des Parthes ; cependant les plus belles se tirent de la Carmanie. On croit que c’est une humeur qui s’épaissit sous terre par la chaleur. Nulle part elles n’excèdent en grandeur de petites tablettes. Leur éclat est faible ; elles sont plutôt luisantes qu’éclatantes. Niais ce qui en fait le prix, c’est un mélange de taches purpurines et blanches et d’une troisième couleur qui est une nuance des deux autres, la pourpre tirant sur le feu ou la blanche prenant une teinte de rouge. Plusieurs recherchent surtout les bords chatoyants et certains reflets pareils à ceux de l’arc-en-ciel. D’autres préfèrent des points opaques. Il ne faut rien de transparent ou de pâle. On regarde comme des défauts les grains ou les inégalités, non en saillie, mais en creux, telles qu’elles se trouvent fréquemment dans le corps de la pierre. L’odeur aussi est un mérite.

Ce fut Pompée qui introduisit ces vases à Rome avec les trésors du roi Mithridate. On ignore quelle était la pierre avec laquelle ces vases étaient composés ; quelques écrivains ont pensé qu’au lieu d’être faits avec une pierre naturelle, ces vases étaient un produit artificiel extrêmement brillant, mais incapable de résister à l’action destructive du temps. Il est remarquable en effet qu’on n’en ait retrouvé aucun. Si les vases murrhins avaient été faits avec une substance durable, dit M. J. Marryat, on en aurait découvert quelques fragments ; mais s’ils n’étaient qu’en verre coloré par la pourpre de Cassius et l’hydrochlorate d’argent, les sels employés auront suffi pour détruire les vases, surtout s’ils étaient de fabrication égyptienne. Effectivement les teintes brillantes de l’opale s’obtiennent avec ces oxydes, à un degré peu élevé de chaleur, d’où il suit qu’après quelque temps le mélange se liquéfie sous l’action de l’air atmosphérique, et le verre se trouve détruit. Des bagues et des bracelets trouvés sur des momies égyptiennes, ayant été exposés à l’air, au musée de Sèvres, sont ainsi tombés en déliquescence. Les substances qui demandent un haut degré de chaleur pour entrer en fusion peuvent seules résister à l’action dissolvante du temps et de l’atmosphère. On ne peut donc expliquer la complète destruction des vases murrhins irisés et de leurs fragments, que par leur origine égyptienne et leur formation vitreuse de composition alcaline.