LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME II — LA FAMILLE DANS L’ANTIQUITÉ

L’HABITATION. — VIII. - LES PAPIERS ET LES LIVRES

 

 

LE PAPIER. - L’ENCRE ET LES PLUMES. - LES LIVRES. - LES BIBLIOTHÈQUES. - LES TABLETTES.

 

LE PAPIER. — Le papier dont les anciens se servaient le plus habituellement pour écrire était fait avec du papyrus, espèce de roseau à tige triangulaire qui est assez commun sur le Nil, et qui a été employé pour cet usage dès la plus haute antiquité. L’Euphrate fournissait également du papyrus, mais il était de moins bonne qualité. Les préparations que l’on faisait subir au papyrus, pour en faire du papier, étaient assez compliquées. On prépare le papier, dit Pline le Naturaliste, en divisant le papyrus en bandes très minces, mais aussi larges que possibles. La bande la meilleure est celle du centre de l’arbre, et ainsi de suite dans l’ordre de la division. On appelait jadis hiératique, attendu qu’il était réservé aux livres sacrés, le papier fait avec des bandes intérieures. Lavé, il a reçu le nom d’Auguste, de même que celui de seconde qualité a pris le nom de Livie, sa femme. De la sorte, l’hiératique devint papier de troisième qualité. Le quatrième rang avait été donné à l’amphithéâtrique, nom tiré du lieu de la fabrique. L’habile fabricant Fannius s’en empara, le rendit fin par une interpolation soigneuse, d’un papier commun fit un papier de première qualité et lui donna son nom. Le papier qui n’avait pas encore reçu cette préparation garda le nom d’amphithéâtrique qu’il portait auparavant. Vient ensuite le saïtique, ainsi nommé de la ville de Saïs, qui en fabrique beaucoup ; on le fait avec des rognures de basse qualité. Le lénéotique, ainsi nommé d’une localité voisine de Saïs, est fait avec des matériaux plus rapprochés de l’écorce ; il ne se vend plus à la qualité, mais au poids. Quant à l’emporétique, il ne peut servir à écrire ; on ne l’emploie que pour envelopper les autres papiers et emballer les marchandises ; de là lui vient le nom qu’il porte (papier des marchands). Au delà est l’écorce du papyrus, dont l’intérieur ressemble au jonc ; elle n’est bonne qu’à faire des cordes qui vont dans l’eau. On fait toutes les sortes sur une table humectée avec l’eau du Nil ; ce liquide trouble tient lieu de colle. D’abord, sur cette table inclinée on colle les bandes dans toute la longueur du papyrus, seulement on les rogne à chaque extrémité, puis on pose transversalement d’autres bandes en forme de treillage. On les soumet à la presse ; cela fait une feuille que : l’on sèche au soleil. On joint entre elles ces feuilles, mettant d’abord les meilleures, et ainsi de suite jusqu’aux plus mauvaises. La réunion de ces feuilles forme un scapus (main) qui n’en a jamais plus de vingt.

La largeur est très différente : les meilleures ont treize doigts ; l’hiératique, deux de moins ; le papier de Fannius, dix, et l’amphithéâtrique, neuf. Le saïtique en a moins, il n’est pas aussi large que le maillet, et l’emporétique n’a pas plus de six doigts. On estime encore dans le papier la finesse, le corps, la blancheur, le poli. L’empereur Claude changea la première qualité ; le papier d’Auguste était trop fin, et ne résistait pas à la pression du calame ; en outre, il laissait passer les lettres, et, quand on écrivait sur le verso, on craignait d’effacer le recto ; dans tous les cas, la transparence en était désagréable à l’œil. On fit donc la chaîne du papier avec des bandes de première. Claude augmenta aussi la largeur ; la dimension fut d’un pied pour le papier ordinaire, et d’une coudée pour le grand ; mais l’usage fit reconnaître un inconvénient : une bande, si elle venait à se détacher, gâtait plusieurs pages. Ces avantages ont fait préférer le papier de Claude à tous les autres, mais la vogue est restée au papier Auguste pour la correspondance épistolaire. Le papier Livie, qui n’avait rien de la première qualité, mais tout de la seconde, resta à son rang.

Les inégalités du papier sont polies avec une dent ou un coquillage, mais les caractères sont sujets à s’effacer ; poli, le papier est plus luisant, mais ne prend pas l’encre aussi bien. Souvent l’eau du Nil, donnée d’abord avec peu de soin, rend le papier rebelle à l’écriture ; cela se reconnaît par le maillet, ou même par l’odorat, quand le défaut est trop considérable. Les taches se reconnaissent à l’œil. Mais les petites bandes insérées au milieu des feuilles collées rendent le papier fongueux et, le faisant boire, ne se découvrent guère que lorsque, écrivant, les lettres s’étalent, tant il y a de fraude. Il faut donc avoir recours à une autre préparation.

La colle ordinaire se fait avec la fleur de farine, de l’eau bouillante et quelques gouttes de vinaigre ; la colle de menuisier et la gomme rendent le papier cassant. Un meilleur procédé, c’est de faire bouillir de la mie de pain lavé dans de l’eau et de la passer ; c’est de cette façon qu’on a le moins de colle interposée, et le papier est plus doux que la toile de lin même. La colle ne doit avoir ni plus ni moins d’un jour. Puis on amincit le papier avec le maillet, on met une nouvelle couche de colle ; on efface les plis qui se sont formés, et on le bat de nouveau avec le maillet.

Le papier dont Pline vient de nous faire la description était de beaucoup la matière dont on se servait le plus souvent pour écrire (fig. 742 et 743), mais on employait aussi du parchemin. D’après les auteurs anciens, le parchemin aurait été découvert à Pergame dans des circonstances particulières. A l’époque où les Ptolémées établissaient la fameuse bibliothèque d’Alexandrie, les rois de Pergame, voulant fonder dans leur capitale un établissement analogue, faisaient rechercher partout les manuscrits des auteurs célèbres, et faisaient recopier à grands frais ceux dont ils ne pouvaient pas se procurer les originaux. Jaloux de cette concurrence, et voulant réserver pour Alexandrie les avantages qui résultent d’une aussi grande collection de livres, les Ptolémées interdirent l’exportation du papyrus d’Égypte, et ce fut alors que les habitants de Pergame imaginèrent de faire avec la peau des brebis une nouvelle espèce de papier qui prit le nom de Pergamin, ou parchemin, de la ville où il avait été découvert. Le parchemin avait d’abord le mérite de la solidité et, de plus, il avait cet avantage qu’on pouvait aisément enlever avec une éponge l’encre qui le couvrait.

On donne le nom de palimpseste à un parchemin qui a été gratté ou lavé pour faire disparaître l’écriture dont il était couvert et pouvoir ainsi l’employer une seconde fois. Les libraires, qui répondaient à ceux que nous nommons aujourd’hui des bouquinistes, achetaient à vil prix des mieux parchemins qu’ils nettoyaient le mieux possible pour pouvoir les utiliser ensuite, en y transcrivant des manuscrits nouveaux. Cet usage s’est perpétué jusque dans le moyen âge et les moines recouvraient ainsi avec des dissertations théologiques des parchemins qui avaient primitivement servi à des ouvrages classiques extrêmement précieux. Comme la première écriture n’avait pas toujours été enlevée avec suffisamment de soins, on est quelquefois parvenu à la déchiffrer, malgré celle qui la recouvrait, et à reconstituer de la sorte des fragments perdus d’auteurs anciens. C’est ainsi que la République de Cicéron a été découverte et déchiffrée par Angelo Maï, sous un commentaire de saint Augustin sur les Psaumes.

Il y avait naturellement une très grande économie à écrire sur ces vieux parchemins plus ou moins bien nettoyés, et les jeunes auteurs peu favorisés de la fortune s’en servaient assez volontiers, mais les enrichis qui s’amusaient à faire des vers n’auraient pas voulu en faire usage.

Varrus, dit Catulle, ce Suffénus que tu connais est un homme élégant, spirituel et poli ; il fait énormément de vers : il en a, je crois, dix mille et plus d’écrits, et non pas, comme c’est l’usage, sur l’humble palimpseste, mais sur papier royal, avec couvertures neuves, charnières neuves, aiguillettes rouges, texte soigneusement aligné, et le tout poncé à ravir. Lisez-vous dans ces jolis livres, vous prendrez ce beau et élégant Suffénus pour un bouvier ou un manœuvre, tant il est différent de lui-même...

 

L’ENCRE ET LES PLUMES. — L’encre dont se servaient les anciens était une liqueur composée d’eau gommée qu’on teintait soit avec de la suie de résine ou de la poix brûlée, soit avec de la lie de vin desséchée ; il parait que l’alun entrait aussi dans sa composition.

L’encre s’effaçait avec une éponge. C’est pour cela que Martial, envoyant un livre à son ami Faustinus, écrit : Tandis que mon livre est neuf et non rogné, et que ses pages encore fraîches craignent d’être effacées, esclave, va porter ce léger hommage à un ami bien cher, qui mérite d’avoir les prémices de ces bagatelles. Cours, mais non sans t’être muni du nécessaire : prends une éponge de Carthage, elle convient au présent que je fais. Mille ratures, de ma main, ne peuvent, Faustinus, corriger ce badinage ; une seule, de la tienne, sera plus efficace.

L’encre se mettait, comme aujourd’hui, dans des petits récipients dont on peut voir la forme habituelle sur les figures 744 et 745, tirées de peintures de Pompéi. Ces encriers, qui sont pourvus d’un couvercle, sont formés par un double récipient, ce qui semblerait indiquer qu’on employait plusieurs espèces d’encre, soit qu’elles fussent différemment teintées, soit qu’il y en eût simplement de plus ou moins épaisse. Au reste, quand on voulait les éclaircir, on y ajoutait simplement un peu d’eau. C’est ce que nous voyons dans une satire de Perse, où il dit, en parlant d’un écolier paresseux : Le voilà avec son livre en main, avec la membrane lisse de deux couleurs, des cahiers et le roseau noueux. Il se plaint de ce que l’encre épaisse reste adhérente à la plume. On y verse de l’eau trop claire, elle ne marque pas ; trop délayée, elle s’épanche à double trait. Malheureux enfant, et chaque jour plus malheureux !

Sur la figure 745, on a vu, à côté de l’encrier, une plume en roseau, taillée en pointe et fendue par le bout. On faisait aussi des plumes en bois dont on se servait quand on voulait écrire sur des matières plus dures que le papyrus, et dont on voit une représentation figure 746. Mais celles-ci étaient d’un usage beaucoup moins fréquent que les plumes de roseau. Ces plumes étaient de grosseurs naturellement très  inégales, et il y en avait d’une extrême ténuité. Il fallait aussi que l’on sût faire du papier bien mince, s’il est vrai, comme Pline le raconte, que l’Iliade et l’Odyssée aient pu trouver place dans une coquille de noix. . Les plumes se taillaient avec un canif, mais on les affinait en les frottant légèrement contre une pierre poreuse. C’est du moins ce qui résulte du passage suivant, extrait de l’Anthologie grecque : Le plomb qui trace des lignes droites, et la règle qui lui sert de guide, la pierre poreuse qui aiguise le bec émoussé des roseaux, l’encre et les roseaux qui révèlent les mystères de la pensée, la lame tranchante d’un canif, telles sont les offrandes que consacre à Mercure le vieux Philodème, dont la vue et la main, affaiblies par l’âge, se trouvent affranchies des travaux de copiste. Le crayon et la règle sont désignés ici parmi les outils professionnels du copiste.

Nous ne connaissons aucun texte qui puisse nous renseigner sur les instruments de l’écriture dans l’ancienne Égypte, mais plusieurs peintures représentent des écrivains ou scribes. A Thèbes, notamment, on en voit un qui tient sa plume et a près de lui deux boîtes contenant les matériaux destinés à écrire (fig. 747). Un autre a son encrier devant lui et sa plume est placée derrière son oreille, selon un usage assez répandu parmi nos bureaucrates modernes, mais qui remonte aux anciens Égyptiens (fig. 748).

Nous avons, au musée égyptien du Louvre, des palettes d’écrivain. Ce sont de petits meubles en bois dur et généralement de forme rectangulaire. Elles sont garnies de petits godets destinés à contenir des pains d’encre ou de couleur, et une entaille pratiquée dans le bas contenait les roseaux taillés pour l’écriture. On a retrouvé des palettes dont les godets ont conservé leurs couleurs. Il y a aussi des pains de couleur que l’écrivain délayait dans un peu d’eau contenue dans un petit vase rond qui faisait partie de son outillage.

Il y a aussi quelques encriers d’une forme singulière : il y en a notamment un en grenouille et plusieurs en hérissons. La grenouille est en terre émaillée incrustée de pâtes de verre. Les palettes dont se servaient les enlumineurs de manuscrits sont en pierres de diverses sortes. Quelques-unes sont enrichies d’inscriptions finement travaillées, dans lesquelles on a reconnu des prières adressées à diverses divinités par le possesseur de la palette. Les pinceaux, formés de joncs fibreux, s’amollissaient au contact de l’eau.

 

LES LIVRES. — Les livres n’avaient pas dans l’antiquité la forme que nous leur donnons aujourd’hui. Un volume consistait en une feuille écrite d’un côté seulement, et que l’on pouvait allonger indéfiniment, suivant l’étendue du texte qu’il devait contenir. Si le texte était court, la position du lecteur par rapport à la feuille qu’il lisait n’offrait rien de particulier. Le personnage représenté sur la figure 749, reproduisant un camée antique, a devant lui une simple feuille de parchemin de médiocre étendue. Mais la muse Clio, que montre la figure 750, d’après une peinture d’Herculanum, tient un véritable volume, suivant le sens qu’on doit donner à ce mot, c’est-à-dire une très longue feuille terminée à ses deux extrémités par un cylindre autour duquel elle est destinée à s’enrouler. On remarquera que la main tient le volume de telle sorte que les deux cylindres se présentent devant l’œil comme deux verticales, tandis que les lignes écrites apparaissent horizontales. Ces lignes sont disposées par colonnes, comme va nous le montrer la figure 751, et quand le lecteur fait tourner ces deux cylindres de manière que la feuille qui se déroule d’un côté s’enroule de l’autre, il voit apparaître tour à tour les colonnes ou pages qui constituent le volume.

La figure 751 représente, d’après une peinture d’Herculanum, un livre déroulé. Quand une feuille était complètement écrite on la roulait autour d’un bâton qu’on avait eu soin de fixer à l’une des extrémités de la feuille ; ce bâton ne devait faire aucune saillie dans le rouleau, mais on peignait le bout qui en avait reçu le noie d’ombilic. C’est pour cela que Martial dit, non sans quelque ostentation : Mes livres, roulés sur le cèdre et ornés d’un ombilic, sont clans les mains de toutes les nations auxquelles Rome commande. Le cylindre autour duquel on roulait ainsi la feuille de papier était ordinairement en cèdre ou en ébène.

Les livres ayant la forme d’un rouleau, il n’aurait pas été possible de mettre le titre sur le dos du volume comme nous le faisons aujourd’hui. Le sujet traité dans l’ouvrage était écrit sur une petite étiquette placée au centre du rouleau, comme le montre la figure 752, tirée d’une peinture de Pompéi ; cette étiquette, généralement de couleur rouge, s’appelait l’index. Tu peux maintenant, dit Martial s’adressant à son livre, circuler parfumé d’huile de cèdre, le front paré d’un double ornement et fier de tes ombilics colorés ; tu vas être enfermé dans un étui couvert d’une pourpre éclatante et ton superbe index brillera d’écarlate.

Les poètes latins aiment assez s’adresser directement à leurs ouvrages qu’ils personnifient, et ils nous fournissent de la sorte des renseignements très précis sur la contexture matérielle d’un livre de luxe : Digne sujet de mes vers, dit Tibulle dans une de ses élégies, que Néère en accepte l’hommage. Que ce livre, aussi blanc que la neige, soit revêtu d’une enveloppe dorée, et que la pierre ponce en polisse auparavant les bords éblouissants. Que le sommet de la feuille légère soit décoré d’une lettre où se devine mon nom, et que les extrémités des deux fronts aient des peintures pour ornement. C’est dans cette élégante parure que je veux envoyer mon ouvrage.

C’est avec un sentiment tout différent qu’Ovide parle à son livre au début des Tristes : Mon livre, dit le poète exilé, tu iras à Rome, et tu iras à Rome sans moi ; je n’en suis point jaloux ; mais, hélas ! que n’est-il permis à ton maître d’y aller lui-même. Pars donc, mais sans appareil, comme il convient au livre d’un auteur exilé. Ouvrage infortuné ! que ta parure soit conforme au temps où nous sommes. Ne sois point couvert d’un maroquin de couleur de pourpre ; tout ce brillant ne sied pas bien dans un temps de deuil et de larmes. Que ton titre ne soit point enluminé, ni tes feuilles teintes d’huile de cèdre. Qu’on ne te voie point porter de ces garnitures d’ivoire, si bien enchâssées sur de l’ébène ; de tels ornements ne sont faits que pour ces heureux livres que le public honore de ses faveurs. Pour toi, il est bien juste que lu te ressentes de l’état présent de ma fortune. Que la pierre ponce ne passe point sur ta couverture pour la polir de part et d’autre ; contente-toi d’un parchemin mal apprêté. Si, quand on te lira, on rencontre quelques endroits effacés, n’en aie point de honte ; quiconque les verra pensera que ce sont mes larmes qui en sont cause.

 

LES BIBLIOTHÈQUES. — Les livres, qui avaient, comme nous l’avons vu, la forme de rouleaux, se plaçaient généralement dans des boites circulaires comme celle qui est représentée sur la figure 753, tirée d’une peinture de Pompéi. Ces boîtes étaient munies d’un couvercle et pouvaient se fermer à l’aide d’une petite clef. Des courroies qu’on y fixait servaient à les transporter d’un endroit à un autre, et quand les Romains allaient à leurs villas, ils emportaient avec eux leurs auteurs favoris. Toutefois cette manière de serrer les livres ne pouvait être commode que pour ceux qui en avaient très peu, ou qui en emportaient dans un voyage. Mais quand on en possédait un grand nombre, on les disposait sur des tablettes, qui répondaient aux casiers de» nos bibliothèques. Lorsque tu seras retiré dans mon cabinet, dit Ovide parlant à son livre, dans les Tristes, et que tu auras pris place dans ta petite loge sur mes tablettes, tu verras tes frères rangés par ordre, comme enfants d’un même père et les fruits de mon étude ; chacun d’eux porte son titre à découvert, avec son nom écrit sur le front.

On a découvert, en 1753, dans une maison d’Herculanum, une chambre disposée comme une bibliothèque. Les livres qu’elle contenait étaient placés sur des rayons tout autour de la chambre, et au centre une colonne rectangulaire, dont chaque face regardait un des côtés de la chambre, était couverte de rayons également couverts de manuscrits.

Les livres étant toujours manuscrits devaient nécessairement se vendre plus cher qu’aujourd’hui. Ceux qui n’avaient pas eu de succès avaient à peu près le même sort dans l’antiquité que de nos jours. Nés avec l’espoir de figurer honorablement sur les rayons d’une bibliothèque, ils s’en allaient finir leurs jours dans la boutique d’un marchand dé comestibles. On trouve clans les écrivains satiriques et notamment dans Martial de fréquentes allusions à cet usage. Il craint, ou plutôt il affecte de craindre que son livre ne serve tristement d’enveloppe aux anchois. Ailleurs il engage son livre à choisir un patron qui le protège, de peur, dit-il, que bientôt, emportés dans une noire cuisine, tes feuillets humides n’enveloppent de jeunes thons ou ne servent de cornets à l’encens et au poivre.

 

LES TABLETTES. — Outre les livres roulés dont nous avons parlé, on écrivait quelquefois avec un poinçon ou stylet sur des tablettes enduites de cire. Ces tablettes étaient formées de planchettes extrêmement minces pourvues d’un petit rebord pour garantir du frottement ce qu’elles contenaient. Il y en avait de différentes grandeurs : la plupart du temps il y avait seulement deux tablettes ou feuillets que l’on plaçait l’une contre l’autre, comme le montre la figure 754, qui est tirée d’une peinture de Pompéi ainsi que la suivante. Dans la seconde (fig. 755) il y a plusieurs tablettes réunies ensemble, de manière à composer un véritable livre, mais un livre qui n’aurait eu que cinq ou six feuillets au plus, car si minces que fussent les planchettes, l’épaisseur du rebord empêchait qu’on en mît davantage.

Le stylet dont on se servait pour écrire sur les tablettes de cire n’offrait dans la forme rien de particulier. Celui que reproduit notre figure 756 est en bronze : il a été découvert à Pompéi. Quant à la cire, il y en avait de différentes couleurs, comme nous le voyons par une épigramme de l’Anthologie grecque, où on la fait parler elle-même pour exprimer ses qualités. Je suis noire, blanche, jaune, sèche et humide ; lorsque tu m’as étendue sur un fond de bois, par le fer et la main, je parle sans parler. On faisait également des tablettes avec du parchemin. Suppose qu’elles sont de cire, ces tablettes, dit Martial, bien qu’on les appelle parchemin : tu les effaceras, quand tu voudras substituer une nouvelle empreinte à la première.

Les anciens se servaient comme nous d’agendas ou de portefeuilles. Martial fait ainsi parler un portefeuille : Si tu ne tiens étroitement serrés les papiers que tu me confies, j’y laisserai pénétrer les mites et les teignes dévorantes.