LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME II — LA FAMILLE DANS L’ANTIQUITÉ

LE VÊTEMENT. — V. - LA COIFFURE

 

 

LA COIFFURE ÉGYPTIENNE. - LA COIFFURE EN GRÈCE. - LA COIFFURE À ROME. - LES BONNETS.

 

LA COIFFURE ÉGYPTIENNE. — Les dames égyptiennes portaient en général les cheveux longs et nattés. La coiffure, par derrière, consistait en un Ion ; cordon de cheveux retombant sur le dos, tandis que d’autres cordons de la même longueur pendaient de chaque côté sur les épaules, ou bien descendaient sur la poitrine ; les cheveux étaient disposés en triple natte dont on laissait quelquefois le bout libre ; mais plus ordinairement on reliait ensemble deux ou trois nattes au moyen d’un cordon de laine placé à l’extrémité. Autour de la tête on attachait, quelquefois un filet comme ornement, et un bouton ou une fleur de lotus revenait sur le front en manière de ferronnière. Les nattes tombant sur les côtés étaient retenues par un peigne ou une bande ornée de différentes manières et quelquefois une épingle les serrait par devant. On a retrouvé un grand nombre de momies nattées de cette façon et dont les cheveux étaient parfaitement conservés.

Les grandes perruques portées par des personnages royaux n’empêchent pas l’aspic, emblème des Pharaons, de se dresser en avant du front, nomme nous le voyons dans les figures 378 et 379.

Les Égyptiens rasaient la tête de leurs enfants dès le plus bas âge, laissant seulement quelques boucles sur le front, sur les côtés et par derrière, et ceux-ci allaient ainsi au soleil ardent de leur pays avec la tête entièrement nue. Les paysans travaillaient également nu-tête clans les champs ; cependant on en voit quelquefois qui portent des espèces de bonnets, tantôt larges, tantôt serrés autour de la tête, mais cet usage est en somme assez rare. Presque tout le monde allait tête nue, et c’est à cette habitude qu’Hérodote attribue la dureté du crâne des Égyptiens comparé à celui des autres peuples. J’ai vu là, dit-il, en parlant du champ de bataille qu’il visite, une chose très surprenante que les habitants m’ont signalée. Les ossements de ceux qui de chaque côté sont morts dans ce combat, gisent séparésceux des Perses d’une part, ceux des Égyptiens de l’autre, à la même distance qu’avant de se prendre corps à corps —, et les crânes des Perses sont si faibles que, si tu veux les frapper avec un petit caillou tu les perces ; ceux des Égyptiens, au contraire ; sont si durs que tu les romprais difficilement avec une grosse pierre. Ils m’en ont donné le motif, et je n’ai pas eu de peine à les croire : c’est que les Égyptiens commencent, tout enfants, à se raser la tête, et que leur crâne s’épaissit par l’action du soleil. La même cause conserve leur chevelure ; en effet, nulle part on ne verrait si peu de chauves qu’en Égypte. Voilà donc pourquoi leur crâne est si dur. Celui des Perses, au contraire, n’a point de force, parce qu’ils se tiennent à l’ombre dès le jeune âge en portant des tiares de laine foulée. J’ai vu ces choses comme elles sont, et j’ai fait la même remarque à Paprémis sur ceux qui, avec Achémène, fils de Darius, ont été tués par Inare le Libyen.

En Égypte, où tout le monde se rasait, les perruques et les fausses tresses étaient extrêmement usitées. C’était un préservatif contre l’ardeur du soleil, et la perruque équivalait au turban actuel des Orientaux ; aussi, dans la classe aisée, les hommes et les femmes en portaient. Seulement on sait que les hommes étaient toujours rasés et on n’a pas la même certitude pour les femmes. Wilkinson soutient qu’elles gardaient leurs cheveux et M. Mariette a remarqué que, sur une statue de femme, à Boulaq, le sculpteur a montré des cheveux qui s’échappent de la perruque et s’avancent sur le front.

Les Égyptiens prenaient le plus grand soin de cette chevelure artificielle qu’ils divisaient en une multitude de mèches très fines habituellement roulées en spirale ; quelquefois aussi ils en formaient des tresses étagées en plusieurs rangs très serrés et parfaitement réguliers. Leur système de coiffure était en général extrêmement compliqué et devait demander un temps fort long et une patience extraordinaire. Aussi on comprend qu’ils aient eu la plupart du temps recours à des chevelures artificielles. On a retrouvé dans les tombeaux un assez grand nombre de perruques.

Les perruques ont naturellement beaucoup varié dans leurs formes ; le plus souvent, elles sont courtes et à boucles carrées sous l’ancien empire, tandis que, sous le nouveau, elles sont beaucoup plus longues : le sommet est bouclé et des nattes descendent sur les épaules. Les grands musées d’Europe, et notamment le British Museum, en possèdent de ce genre (fig. 380).

Les Égyptiens ne portaient pas leur barbe, c’est un fait affirmé par la Bible, par Hérodote et Diodore de Sicile ; aussi les monuments nous les montrent toujours rasés, et on sait qu’ils imposaient cette habitude aux étrangers qu’ils prenaient à leur service.

Les dieux et les rois, qui, en Égypte, sont toujours assimilés aux dieux, ont le menton orné d’une barbiche postiche qui est assez généralement carrée par le bas ; mais cet insigne a un caractère absolument sacré et n’implique nullement une mode ayant existé chez les Égyptiens.

Par suite de t’usage, universellement répandu, de se raser la barbe et les cheveux, les barbiers pullulaient en Égypte et y formaient une corporation extrêmement nombreuse. Il parait que néanmoins ils ne faisaient pas toujours fortune et que la concurrence engendrait même la misère. Un papyrus, traduit par M. Maspero, nous donne à ce sujet de curieux détails : Le barbier rase jusqu’à la nuit, lorsqu’il se met à manger, alors seulement il se met sur le coude ; il va de pâté de maisons en pâté de maisons pour chercher les pratiques, il se rompt les bras pour emplir son ventre, comme les abeilles vivent de leurs travaux. Plus tard, à midi, à l’heure où il suppose que le soleil attire du sein de la terre d’épaisses et pesantes vapeurs qu’il mêle avec l’air, il brûle de la myrrhe, car la chaleur de ce parfum dissout et dissipe les exhalaisons grossières qui se condensent autour de nous. En effet, les médecins croient qu’un excellent remède contre les maladies épidémiques, c’est d’allumer de grands feux, comme pour raréfier l’air ; et ce dernier résultat est encore mieux atteint lorsqu’on brûle des bois odoriférants, tels que le cyprès, le genévrier et le pin.

La parfumerie de toilette avait en Égypte une très grande importance. Tout le monde se servait d’essences, de pommades, et on poussait le raffinement jusqu’à faire des catégories de parfums applicables aux différentes heures du jour. Plutarque, dans le traité d’Isis et d’Osiris, nous montre la manière dont les prêtres, qui en Égypte étaient renommés pour leur propreté et leur élégance, employaient les odeurs. Comme l’air que nous respirons, dit-il, et au milieu duquel nous vivons n’a pas toujours les mêmes conditions atmosphériques et la même température ; que la nuit il se condense, pesant sur le corps et communiquant une sorte de découragement et d’inquiétude à l’âme qui devient en quelque sorte ténébreuse et alourdie ; en raison de cela, les prêtres, aussitôt qu’ils sont levés, brûlent de la résine. Ils pensent que c’est renouveler l’air et le purifier de tout mélange, que c’est réveiller de son état d’engourdissement l’âme qui est unie au corps (fig. 381).

Nous avons déjà parlé de la chevelure des peuples de l’Asie dans le chapitre que nous avons consacré à leur costume. Nous n’avons donc pas à y revenir ici.

 

LA COIFFURE CHEZ LES GRECS. — Chez les anciens Grecs la coiffure formait une partie importante du vêtement, et on s’est efforcé de tout temps d’en combiner l’ajustement avec des ornements divers. Des voiles, des bandelettes de couleurs variées, l’or, les pierres précieuses, les fleurs, les parfums, étaient employés pour relever la parure. Ces coiffures, que les descriptions des poètes nous représentent comme extrêmement riches et compliquées, apparaissent rarement ainsi dans les statues. Mais les sculpteurs ont généralement adopté un genre de toilette en rapport avec ce que peut donner leur art, et n’ayant à rendre ni l’éclat, ni la transparence des tissus, ni la multiplicité des détails, ils n’ont reproduit de la coiffure en particulier que ce qui pouvait produire un bon effet avec les ressources dont ils disposaient. Les vases offrent donc sous ce rapport des représentations plus fidèles, et encore atteignent-ils rarement la richesse et la profusion des descriptions données par les poètes : toutefois la facilité qu’on a de pouvoir tourner autour d’une statue est un grand avantage pour comprendre l’agencement souvent assez compliqué des boucles de la coiffure.

Dans les figures d’ancien style, la chevelure se divisait sur les côtes et sur le devant en une infinité de petites boucles allongées ou de tresses presque aussi compliquées que celles des figures égyptiennes. La figure 382, tirée des marbres d’Égine, montre que les Grecs apportaient dans les tire-bouchons autant de soin que les peuples de l’Asie. Cette coiffure, qui était générale ou du moins très commune parmi les hommes, dans la période qui précède les guerres médiques, n’était pas universelle, car on trouve sur les vases des personnages qui ont les cheveux courts et d’autres qui laissent pendre leur chevelure le long du cou en longues mèches allongées. La chevelure en tire-bouchons frisés ne se présente pas toujours de la même façon. Les tire-bouchons qui retombent sur le cou sont quelquefois retenus par une épingle, comme on le voit sur les figures 383 et 384. Quelquefois, chez les hommes, on voit une sorte de natte entourer toute la tête et séparer le dessus, dont les cheveux sont maintenus lisses, des boucles qui retombent sur le front (fig. 386). Chez les femmes, c’est ordinairement une petite bandelette qui fait cet office (fig. 385). Quelquefois ce ruban est accompagné de la sphendoné, nom qu’on donnait à un bandeau destiné à contenir les cheveux et qui, large dans le milieu, allait des deux côtés en se rétrécissant comme une fronde. Ce bandeau se mettait sur le devant de la tête, et les extrémités, qui étaient fort étroites, se liaient avec les bandelettes. La figure 387 nous montre la sphendoné.

Quelquefois les cheveux sont frisés autour du visage, tandis qu’ils conservent leur allure libre derrière la nuque (fig. 388) ; d’autres fois, comme dans la coiffure de la reine Bérénice (fig. 389 et 390), les cheveux de la nuque sont eux-mêmes frisés.

La chevelure de la reine Bérénice, femme de Ptolémée, était célèbre dans l’antiquité : elle le devint surtout lorsque la reine en eut fait le sacrifice aux dieux. Lorsque son mari revint de son expédition de Syrie, Bérénice alla consacrer sa chevelure à Vénus, dans un temple de l’île de Chypre. Au bout de quelque temps, la chevelure ayant disparu, un astronome prouva qu’elle avait été transportée au ciel et formait une constellation. Les poètes chantèrent cette métamorphose qui devint très populaire.

Pour porter ainsi sa chevelure, il fallait qu’elle fût très abondante. Aussi un grand nombre de femmes suppléaient à ce qui leur manquait à l’aide de cheveux artificiels.

La coiffure ordinaire des femmes athéniennes, antérieurement aux guerres médiques, consistait à relever les cheveux tout autour de la tête et à les réunir en pointe au sommet. Cette coiffure, appelée corymbe, est très fréquente sur les vases. La plupart du temps, les cheveux sont alors fixés avec un bandeau, un filet ou une pièce d’étoffe (fig. 391 et 392). C’est aussi ce que montre la figure 393. Il y a, d’ailleurs, une très grande variété dans ce genre de coiffure ; ainsi dans la figure 394, les cheveux sont relevés sur les côtés, et la touffe de l’extrémité ne s’échappe qu’en partie par derrière, tandis que, dans la figure 395, cette touffe n’est plus entièrement enveloppée dans le linge qui entoure la tête et les cheveux tombent sur les tempes.

Quand la chevelure était trop abondante pour être attachée d’une manière aussi simple, on la fixait en un arc double sur le haut de la tête, comme on le voit sur la Vénus de Médicis, sur la Diane à la biche, et même sur l’Apollon du Belvédère, car les hommes eux-mêmes portaient cette coiffure, qui est particulière aux temps primitifs et dont la représentation apparaît assez fréquemment sur les vases.

En Grèce, la chevelure des femmes était quelquefois maintenue dans une espèce de filet qui en portait la masse derrière la tête (fig. 396 et 397).

Les anciens attachaient à la chevelure une grande importance. On en peut juger par ce passage d’Apulée : Parlez-moi d’une chevelure dont la couleur est aussi agréable que le lustre en est parfait, dont l’éclat brille aux rayons du soleil, ou bien se reflète avec douceur, présentant divers agréments selon les divers accidents de la lumière. Tantôt ce sont des cheveux blonds, dont l’or, moins éblouissant à la racine, y prendra la couleur d’un rayon de miel ; tantôt ce sera un noir de jais, qui le disputera aux nuances azurées de la gorge du pigeon. S’ils sont parfumés des essences de l’Arabie, que la dent d’un peigne fin s’y soit promenée et les ait réunis derrière la tête, un amant venant à les voir y contemplera son image et sourira de plaisir. D’autres fois, tressés en nattes épaisses, ils couronneront la tête ; d’autres fois, librement répandus, ils ruisselleront en longue nappe derrière le clos. Enfin, la coiffure est un ornement si avantageux que, malgré l’or, les vêtements superbes, les diamants, et toutes les autres séductions de la coquetterie dont une femme se présentera parée, si la chevelure est mal soignée, elle ne pourra espérer d’entendre louer sa toilette.

Ovide donne, dans son Art d’aimer, quelques conseils sur la manière dont doit être coiffée une femme qui veut charmer. N’ayez point les cheveux en désordre : selon qu’elle sera soignée, votre chevelure augmentera ou diminuera vos grâces. Il y a plusieurs manières de l’arranger : une femme doit choisir celle qui lui sied le mieux et consulter là-dessus son miroir. Un visage un peu allonge demande pour accompagnement des boucles détachées (fig. 398). Cet autre, plus arrondi, veut qu’on donne de l’élévation au front par un léger nœud et qu’on laisse les oreilles découvertes (fig. 399). Celle-ci doit laisser flotter ses cheveux sur l’une et l’autre épaule ; celle-là doit les relever et les attacher à la manière de Diane lorsqu’elle poursuit dans les bois les bêtes effrayées. De grosses boucles lâchement attachées conviennent à l’une, il faut à l’autre une coiffure en forme de tortue ; cet autre en veut une -qui imite les ondulations des flots. Mais comme on ne saurait compter les glands que produit le chêne touffu, ni les abeilles du mont Hybla, ni les bêtes féroces dont les Alpes sont peuplées, ainsi je ne puis décrire toutes les manières de se parer. Chaque jour amène une mode nouvelle. Une coiffure négligée sied bien à plusieurs : souvent vous la croiriez celle de la veille, et elle vient d’être arrangée de nouveau. (Fig. 400, 401 à 406.)

L’histoire de la barbe offre aussi diverses variations suivant les temps. L’usage de se raser ne s’est produit en Grèce qu’assez tard, et pendant longtemps encore après qu’il était passé dans les habitudes, ceux qui l’avaient adopté passaient pour cela seul pour des débauchés et des efféminés. Si nous en croyons Chrysippe (cité par Athénée), cette coutume ne serait même pas antérieure à la période macédonienne. L’usage de se raser, dit-il, s’introduisit du temps d’Alexandre ; jamais cela n’était arrivé auparavant. Timothée même, ce célèbre musicien, jouait de la flûte, sans songer à jeter à bas sa grande barbe... Quoiqu’il y eût à Rhodes une loi qui défendait de se raser, tout le monde le faisait ; c’est pourquoi personne ne dénonçait un autre à cet égard. A Byzance, la loi prononçait une amende contre tout barbier qui aurait un rasoir, et cependant tous les barbiers en faisaient usage.

L’usage de la barbe était assez général dans les villes grecques, à l’époque de’ la domination romaine, et plusieurs Pères de l’Église recommandent expressément de la porter. Voici ce que dit sur ce sujet saint Clément d’Alexandrie : Je dois aussi quelques instructions sur la manière de porter la barbe et les cheveux. Les cheveux des hommes doivent être lisses et courts, leur barbe épaisse et touffue. Il ne faut point que leurs cheveux retombent en boucles sur leurs épaules, comme ceux des femmes, mais qu’ils se contentent de l’ornement de leur barbe. S’ils la coupent, ils ne la couperont point entièrement, car c’est un spectacle honteux, et c’est aussi par trop ressembler à ceux qui l’arrachent et l’épilent, que de la raser jusqu’à la peau. Le psalmiste, plein d’admiration pour la belle et longue barbe d’Aaron, y répand dessus dans ses chants les parfums célestes. Si donc nous sommes obligés quelquefois de couper notre barbe ou nos cheveux par diverses circonstances qui n’ont aucun rapport avec le soin de notre beauté, lorsque par exemple nos cheveux, tombant sur nos yeux, nous empêchent de voir, ou que les poils de notre lèvre supérieure se mêlent à nos aliments, il ne faut point les couper avec un rasoir, mais avec des ciseaux. Quant aux poils de notre barbe qui ne nous sont point incommodes, gardons-nous bien de les couper, puisqu’ils donnent à notre visage une gravité majestueuse, et qu’ils inspirent à ceux qui nous voient une sorte de respect et de terreur filiale.

 

LA COIFFURE CHEZ LES ROMAINS. — Les Romains ne tenaient pas moins que les Grecs à leur chevelure. Les très jeunes gens portaient la chevelure flottante, mais quand ils arrivaient à la puberté, ils, la consacraient à Apollon. Les hommes portaient en général les cheveux courts, et quand ils avaient échappé à quelque grand danger, ils les rasaient complètement. La manière dont les cheveux étaient arrangés a varié suivant les temps : sous la République, ils étaient courts et droits, comme on le voit sur le buste de Brutus. Ils furent au contraire frisés sous l’Empire et redescendaient sur le front pendant le règne d’Auguste et de Tibère. Sous Néron, ils ne descendirent plus autant sur les sourcils, et on imagina de les rejeter en arrière. Les cheveux sont très bouclés au temps de Domitien, mais sous Philippe et Gordien, ils redeviennent droits.

Les dames romaines se servaient de fers chauds pour friser leur chevelure, dont les boucles formaient quelquefois plusieurs étages (fig. 407). Les femmes, dit Tertullien, tournent leurs cheveux à droite, et se servent pour cela d’une aiguille qu’elles manient délicatement pour agencer leurs cheveux : la raie qu’elles laissent sur le devant les font reconnaître pour femmes mariées.

On a donné différents noms aux différentes manières que les dames romaines employaient pour s’arranger les cheveux (fig. 408 à 416). Ainsi le Tululus est le nom d’une coiffure qui consiste à rassembler les cheveux au sommet de la tête en forme de cône, par-dessus lequel on mettait souvent un voile. L’Aunulus est une coiffure où les cheveux sont arrangés en cercle comme des anneaux autour du derrière de la tête, comme ou le voit dans Plotine, femme de Trajan. Quand les boucles sont disposées par rangées superposées l’une sur l’autre, c’est le Gradus, et la boucle pendante en tire-bouchon comme une vrille ou le tortillement d’une frange est le Cincinnus. Enfin le Torus est une chevelure à grosses tresses, ou pour mieux dire une corde de cheveux.

Les Grecs et les Romains gardaient leur chevelure naturelle et la perruque n’était pas pour eux une nécessité comme pour les Égyptiens. Mais ils ajoutaient à leurs cheveux de grosses tresses pour en augmenter le volume. Cet usage, qui a probablement existé de tout temps, est devenu universel sous l’empire, à l’époque surtout où les femmes se sont mises à porter sur la tête un véritable monument de tresses et de nattes. C’est à cela qu’Ovide fait allusion dans son Art d’aimer lorsqu’il dit aux femmes : Vous avez mille manières de voiler vos défauts : les nôtres sont difficiles à cacher. L’âge fait tomber nos cheveux, comme Borée abat les feuilles des arbres. Une femme cache la blancheur des siens avec des herbes de la Germanie et l’art lui fournit une couleur plus belle que la couleur véritable. Une femme peut se parer d’une épaisse chevelure qu’elle aura achetée : avec de l’argent elle répare, par des cheveux étrangers, la perte des siens. Elle ne rougit pas de faire ouvertement cette emplette.

Les dames romaines, qui avaient généralement les cheveux noirs, mais qui étaient passionnées pour les cheveux d’un blond éclatant, portaient souvent des perruques blondes qui étaient montées sur des peaux de chevreau et qui étaient quelquefois rehaussées de poudre d’or. C’est en général de Germanie qu’on faisait venir ces perruques.

On attachait une telle importance à la couleur des cheveux, que les femmes qui portaient les leurs avaient presque toujours soin de les teindre. On employait pour cet usage diverses préparations, telles qu’une infusion de brou de noix, ou de la lie de vinaigre mêlée à de l’huile de lentisque. On fabriquait aussi un savon composé de cendre de hêtre et de suif de chèvre ; ce savon, qui était tantôt en pâte, tantôt liquide, venait de la Gaule.

Tous ces usages ont été flétris par les Pères de l’Église. Nous ne devons pas, dit saint Clément d’Alexandrie, changer par des couleurs artificielles la couleur naturelle de nos cheveux et de nos sourcils. S’il nous est défendu de porter des habits de couleurs différentes et mélangées, il nous l’est à plus forte raison de détruire la blancheur de nos cheveux, qui est une cause de respect et un signe d’autorité.

Les chrétiens cependant cédaient souvent à l’entraînement général ; non seulement ils teignaient leurs cheveux, mais encore ils portaient perruque. Aussi ils s’attiraient quelquefois de sévères admonestations. Tertullien, les blâmant des soins excessifs qu’ils prennent de leur chevelure, ajoute : Vous faites encore quelque chose de pis que cela, vous attachez à vos cheveux naturels je ne sais quelle énormité de cheveux étrangers, tantôt en forme du fourreau de tête, tantôt en forme de bourrelet. Je me trompe fort si ces manières ne combattent pas directement le précepte du Seigneur. Il a prononcé que personne ne pourrait rien ajouter à sa taille ; cependant vous appliquez des perruques élevées en rond sur vos têtes, comme si vous vouliez les armer de boucliers. Si ces énormités ne vous font pas honte, rougissez au moins de la faute que vous commettez en les portant. Ne parez pas vos têtes saintes et chrétiennes de la dépouille de quelques têtes étrangères qui sont peut-être impures, malsaines et condamnées aux peines de l’enfer.

Saint Clément d’Alexandrie est encore plus explicite : Par-dessus tout, dit-il, les femmes doivent éviter de placer sur leurs têtes des cheveux qui aient appartenu à la tête des autres. Cet usage est souverainement impie. A qui, en effet, le prêtre imposera-t-il les mains ? A qui donnera-t-il sa bénédiction ? Ce ne sera point certes à cette femme, mais aux cheveux trompeurs qu’elle porte, et par ces cheveux, à une tête qui n’est point la sienne.

Les admonestations sévères des Pères de l’Église suffiraient pour montrer l’importance qu’on attachait à la coiffure sous l’empire romain. Quant aux femmes, dit saint Clément d’Alexandrie, il doit leur suffire de rendre leurs cheveux plus dociles et de les retenir dans les nœuds modestes d’un simple ruban ; plus leur chevelure est simplement arrangée, plus leur beauté est vraie et digne de la pudeur de leur sexe. Tous ces plis, toutes ces tresses, ces boucles qu’elles entrelacent les unes dans les autres, les font ressembler à des courtisanes et les enlaidissent au lieu de les embellir, en leur faisant arracher violemment ceux de leurs cheveux qui n’obéissent point à leurs caprices. La tête ainsi couverte d’ornements fragiles, elles n’osent point v porter les mains ; elles craignent même de se livrer au sommeil de peur de détruire, sans le vouloir, ces parures bizarres et artificieuses qui leur ont coûté tant de soins.

Toutes ces bandelettes, tous ces réseaux de formes et de couleurs différentes dont elles attachent et enveloppent leur chevelure ; toutes ces tresses innombrables qu’elles enlacent les unes dans les autres avec mille soins curieux et recherchés ; tous ces miroirs de forme et de matière magnifique à l’aide desquelles elles composent leur visage et leur maintien, afin de mieux séduire ceux qui, comme des enfants privés de raison, se laissent prendre à ces trompeurs appas ; tous ces soins, dis-je, toutes ces recherches proclament leur opprobre et leur corruption. Elles se créent une beauté fausse, et, comme si elles avaient fait un superbe ouvrage, elles prennent un miroir pour la regarder, au lieu d’un voile pour la couvrir et la cacher. (Saint Clément d’Alexandrie.)

Pline fournit quelques renseignements sur la barbe. Un point, dit-il, sur lequel toutes les nations se sont accordées, c’est l’usage de se faire la barbe, mais il s’est introduit tardivement chez les Romains. Les premiers barbiers vinrent de Sicile, l’an 454 de la fondation de Rome. Ils furent amenés par P. Ticinius Mena, au rapport de Varron Jusque-là les Romains avaient porté la barbe. Le premier qui prit l’habitude de se faire raser tous les jours fut le second Scipion l’Africain. Le dieu Auguste s’est toujours rasé.

En Italie, il faut remonter jusqu’aux Scipions pour trouver l’habitude de se raser. Aulu-Gelle répète la même assertion que Pline. Il résulte de là que ni le premier Africain ni l’Asiatique n’avaient abandonné l’usage de porter la barbe longue.

Sous la décadence, quand l’usage de se raser et de s’épiler fut devenu général, les philosophes et ceux qui se piquaient de conserver des mœurs viriles mettaient une sorte d’affectation à garder toute leur barbe. Les habitants d’Antioche, qui étaient presque tous chrétiens, s’étant moqué de l’empereur Julien à cause de sa barbe négligée, il leur répondit par une satire (Le Misopogon) dont le lecteur comprendra facilement l’ironie et l’exagération : Et d’abord, commençons par le visage. La nature, j’en conviens, ne me l’avait donné ni trop beau, ni agréable, ni séduisant, et moi, par une humeur sauvage et quinteuse, j’y ai ajouté cette énorme barbe, pour punir, ce semble, la nature de ne m’avoir pas fait plus beau. J’y laisse courir les poux, comme des bêtes dans une forêt : je n’ai pas la liberté de manger avidement ni de boire la bouche bien ouverte ; il faut, voyez-vous, que je prenne garde d’avaler à mon insu des poils avec mon pain. Quant à recevoir ou à donner des baisers, c’est difficile ; car une telle barbe joint à d’autres inconvénients celui de ne pouvoir, en appliquant une partie nette sur une partie lisse, cueillir d’une lèvre collée à une autre lèvre cette suavité, dont parle un des poètes inspirés de Pan et de Calliope. Vous dites qu’il en faudrait faire des cordes ; j’y consens de bon cœur, si toutefois vous pouvez l’arracher et si sa rudesse ne donne pas trop de mal à vos mains tendres et délicates. Que personne de vous ne se figure que je suis chagriné de vos brocarts ; j’y prête moi-même le flanc, avec mon menton de bouc, lorsque je pourrais, ce nie semble, l’avoir doux et poli comme les jolis garçons et comme toutes les femmes à qui la nature a fait don de l’amabilité. Vous, au contraire, même dans la vieillesse, semblables à vos fils et à vos filles, grâce à la mollesse de votre vie, vous épilez soigneusement votre menton, et rie vous montrez hommes que par le front et non comme moi par les joues. Mais pour moi, ce n’est pas assez de cette longue barbe, ma tête, aussi, n’est pas bien ajustée. Il est rare que je me fasse couper les cheveux ou rogner les ongles, et mes doigts sont presque toujours noircis d’encre. Voulez-vous entrer dans mes secrets ? J’ai la poitrine poilue et velue, comme le lion, roi des animaux, et je ne l’ai jamais rendue lisse, soit bizarrerie, soit petitesse d’esprit. Il en est de même du reste de mon corps ; rien n’en est délicat et doux. Je vous dirais bien s’il s’y trouvait quelque verrue, comme en avait Cimon ; mais c’en est assez ; parlons d’autre chose.

 

LE BONNET. — La forme primitive du bonnet est circulaire et semblable à la partie supérieure de la tête, qu’il est destiné à couvrir pour la garantir du froid et de la pluie. Suivant Hérodote, les Égyptiens avaient généralement la tête nue. Il n’en était pas de même chez les peuples de l’Asie, et nous avons parlé, en décrivant leur costume, du bonnet phrygien, de la mitre, de la tiare, etc. Dans la société grecque et romaine, les hommes sortaient presque toujours tête nue ; et, en cas de mauvais temps ou de froid, ils se recouvraient soit avec un pan de leur draperie, soit avec le capuchon du manteau, dont l’usage était devenu universel à la fin de l’empire romain. Néanmoins, on voit sur quelques monuments, représentant Ulysse ou les Dioscures, une espèce de bonnet de feutre, qui parait, d’ailleurs, avoir été en usage chez presque tous les peuples de l’antiquité, niais qui semble avoir été porté principalement par les marins et les gens du peuple. La figure 417 donne la forme la plus habituelle de ce bonnet qui ne diffère du bonnet phrygien qu’en ce qu’il n’a pas le petit retour en avant que nous voyons aux figures de Pâris et de Ganymède. Le bonnet que les Romains nommaient pileus est à peu près analogue à celui qu’on vient de voir, mais quelquefois plus arrondi par le haut.

Cependant l’homme des champs ou le voyageur avait surtout besoin d’un chapeau capable de le préserver des ardeurs du soleil : de là l’usage du petase, de la causia et de différents chapeaux a grands bords, qui (fig. 418 et 419), sous des titres différents, reproduisent un type à peu près analogue.

Le petase est d’origine thessalienne : c’est un chapeau de feutre à fond bas et à larges bords attaché par des cordons que l’on nouait derrière la tête (fig. 420). La plupart des cavaliers des Panathénées portent le pétase ; sur les vases peints, le pétase, rejeté en arrière, indique presque toujours un voyageur. La causia est un chapeau du même genre, mais dont les bords sont relevés au lieu d’être simplement à plat : c’est la coiffure macédonienne (fig. 421).

On voit aussi sur quelques figures représentées sur les vases, des chapeaux dont le bord est un peu plus petit que dans les chapeaux précédents, mais qui avaient cela de particulier qu’on les portait en les inclinant sur le front, comme le montre la figure 422, tirée d’un vase peint. La bandelette qui maintient le chapeau sur la tête ne passe pas sous le menton, comme on le voit souvent chez nous, mais elle va s’attacher derrière la tête. Presque tous les chapeaux de ce genre étaient disposés de façon à pouvoir se rejeter en arrière, en retombant sur le dos lorsqu’on voulait avoir la tête découverte. Cette disposition est très visible sur un bas-relief antique qui représente Antiope et ses fils, que nous avons reproduit plus haut sur la figure 344.

Enfin, les terres cuites grecques présentent également des chapeaux dont la forme diffère un peu de ceux que nous avons montrés jusqu’ici d’après les bas-reliefs ou les vases peints. Une terre cuite, par exemple, découverte dans les fouilles de Tanagra nous offre un petit garçon assis près d’un masque : son chapeau ressemble exactement pour la forme à ceux que les jeunes gens portent encore assez souvent aujourd’hui. On voit aussi sur les terres cuites quelques chapeaux qui se distinguent par cette particularité, qu’au lieu de s’emboîter sur la tête, ils y sont simplement posés.

Le petit garçon, représenté sur la figure 423, porte un chapeau plat qui ressemble à une petite planchette arrondie, et la petite fille, que montre la figure 424, est coiffée de la même planchette surmontée d’un cône. Cette coiffure était probablement fixée à la chevelure par une épingle ou par une bandelette, mais il est quelquefois difficile d’en comprendre la contexture d’après les monuments. Cependant quelques coiffures de l’extrême Orient rappellent assez celle-ci.

Plutarque, dans les Questions Romaines, nous informe des circonstances spéciales dans lesquelles on devait ôter son chapeau ou bien le garder, sur la tête. Pourquoi, dit-il, en adorant les Dieux, se voile-t-on la tête, tandis que si l’on rencontre des personnes dignes d’être honorées, et que l’on se trouve avoir son manteau sur la tête, on se découvre ? Cette contradiction semble rendre la difficulté plus grande... On se découvre devant les personnages puissants, non pour leur rendre hommage, mais plutôt pour écarter d’eux la jalousie qu’ils inspireraient s’ils avaient l’air de réclamer les mêmes honneurs que les Dieux ; on veut faire voir, au contraire, que loin de se réjouir d’honneurs semblables, ils les supporteraient impatiemment. Quant à ce qui regarde les Dieux, on les adorait de cette façon pour s’humilier soi-même en se couvrant la tête : ou plutôt, c’était afin de ne pas s’exposer à entendre du dehors, pendant sa prière, des paroles sinistres et de mauvais augure, que l’on remettait ainsi son manteau jusque par-dessus ses oreilles. On redoutait en effet beaucoup ces paroles ; et ce qui le démontre, c’est qu’on a l’habitude de provoquer un grand tapage d’instruments de cuivre quand on se présente pour consulter un oracle.